L’urbex : retrouver l’âme des lieux oubliés

#EPJTMV Les ruines sont l’essence de l’exploration urbaine. L’histoire derrière celles-ci, aussi. Près de Tours, un parc immobilier a déchaîné les procès et fait verser des larmes. Mais il fait aujourd’hui le bonheur de quelques aventuriers, passionnés d’urbex.

Près de Tours, le long d’une route d’une commune voisine, un paysage de pavillons abandonnés attire l’œil des passants. Vitres, portes et escaliers ont été retirés de ce chantier pourtant presque achevé. Ils ont laissé place à des murs recouverts de tags. Les lieux sont-ils complètement vides ? Pas tout à fait. Entre deux maisons, quelques adolescents courent et se cachent. « Eux, ils doivent venir pour casser », suppose Axel. Ce déménageur de 32 ans est ce qu’on appelle un urbexeur. Le nom est tiré de la pratique qui le passionne : l’urbex, pour « urban exploration ». En français, l’exploration urbaine.

Ce lieu abandonné, qui était censé être un village de vacances, est devenu un repaire pour ces passionnés. « Avant, je posais des compteurs Linky, je travaillais dans la commune d’à côté et comme tout le monde, j’ai vu les maisons abandonnées. Depuis, je suis venu une quinzaine de fois ici. »

Sur ce terrain, des morceaux de verre et des tuyaux traînent par terre, des mousses isolantes moisies pendent au plafond. L’intérêt semble minime. « Ce qui me passionne, c’est l’histoire qu’il y a derrière. Et ici, il y en a une. Quand vous explorez des châteaux abandonnés, vous tombez sur des lettres, des correspondances, des documents qui racontent la vie que ces lieux ont connu. »

L’histoire n’est pas toujours très joyeuse. Ce lieu devait devenir un village vacances avec piscine, balnéothérapie et restaurant de 250 couverts dans 11 hectares de nature. Mais la société en charge du chantier met la clé sous la porte en 2012. Le projet a déjà pris trois ans de retard. « Les entreprises sont venues et ont récupéré tout ce qu’elles pouvaient ! Regardez, il n’y a plus de gouttière, plus d’escalier, plus aucune fenêtre », pointe du doigt Axel alors qu’il se balade dans ce qui aurait dû être une rue. Les ruines des habitations, de la piscine et du gymnase gisent dans le froid hivernal.

Un second souffle

Le lieu reprend vie quand les urbexeurs s’en emparent. « C’est tellement connu que beaucoup de gens y viennent. Or, plus il y a de passage, plus c’est dégradé », juge Axel, fort de son expérience. Il a décidé d’organiser une partie de sa vie autour de cette passion. « Quand tu pars en vacances, tu regardes les lieux où tu vas aller faire un tour. J’ai même mis un matelas à l’arrière d’une voiture pour partir explorer des lieux sur plusieurs jours. »

Plus loin, l’aventurier nous conduit dans ce qui semble être un ancien gymnase. Ici, aucune trace de parquet, mais les rayons du soleil qui traversent le toit troué illuminent les quelques tags. Le silence n’est rompu que par les gouttes d’eau qui tombent des plafonds. Pour le jeune homme, plusieurs types d’explorateurs existent.

« Tout le monde connaît les casseurs. Ce sont ceux que personne n’aime car ça ne sert à rien de casser. Les tagueurs aussi, quand c’est du béton comme ça, pourquoi pas si c’est beau. Mais certains taguent même de très vieux châteaux, c’est dommage. Quant aux photographes, ils sont nombreux parce qu’ils adorent ça. Et il y a aussi ceux que j’appelle les brocanteurs qui viennent récupérer des objets pour les revendre. » Il ne dira pas dans quelle catégorie il se situe.

Une pratique dans l’ombre

Alors que la visite du gymnase se termine, l’heure est venue de quitter les lieux, sans faire trop de bruit. La discrétion est le maître mot de cette pratique. Si rien en soi n’interdit d’explorer de vieilles ruines, bien souvent, celles-ci se trouvent sur des propriétés privées où il est interdit de pénétrer.

Direction un nouveau lieu ? Pour aujourd’hui, non. Il faudra d’abord passer quelques heures à en repérer un. Il n’est pas dans la coutume de partager la localisation des « spots ». La recherche fait partie intégrante de la passion. « Je suis abonné à tous les sites d’urbex. Dès que je vois la photo d’un lieu, je fais des recherches avec les images pour les trouver. Je regarde de vieilles cartes postales aussi », conseille Axel, sans en dire tellement plus. Avec un peu de chance, il l’espère, son prochain lieu d’exploration sera tout autant chargé d’histoire.

Clara Demajean et Axel Monnier, journalistes en formation à l’EPJT
– Photos : Emma Sikli, journaliste en formation à l’EPJT


> Retrouvez l’interview d’Olivier Chantôme, photographe et spécialiste de l’urbex en cliquant ICI

 

Un journée au tribunal au cœur de l’audience

Plongée dans la fourmilière d’un après-midi de procès au tribunal de Tours. Un impressionnant ballet auquel tout un chacun peut assister. De l’éducation civique grandeur nature !

La chorégraphie imposée est bien maîtrisée : une sonnerie retentit. Tout le monde se lève, non pas pour une célèbre crème dessert, mais pour l’entrée des juges (espérons qu’elles nous pardonneront cette référence publicitaire). « L’audience est ouverte, vous pouvez vous asseoir. » C’est chose faite, sans mot dire.

La salle 112 du palais de justice est pleine comme un œuf : aux lycéens venus découvrir le fonctionnement de la justice, s’ajoutent les soutiens des différentes parties représentées dans les procès à l’agenda de ce jeudi de novembre, et les badauds, habitués de ce spectacle vivant.

Le décor est solidement planté : un bâtiment édifié sous Louis-Philippe, inauguré en 1843, et dont la rénovation s’est achevée il y a quelques mois. Après l’accueil modernisé du rez-de-chaussée, les escaliers nous mènent à la salle des pas perdus qui n’a rien perdu de sa majesté.

De part et d’autre, les grandes portes de bois massifs. L’une indique « huis-clos », signe qu’une audience pour mineur est peut-être en cours (et forcément sans public). De l’autre, dans une salle imposante, place aux procès en correctionnelle, ouverts à tous. Sans doute les plus intéressants : dans le cas de délits mineurs, le jugement est souvent une contravention ou autre peine.

Autre exemple : « Une audience sur un contentieux de la construction n’a pas grand intérêt pour le public, car bien souvent les avocats ne plaident pas et ne font que déposer des dossiers », nous explique la présidente du tribunal judiciaire de Tours, Catherine Bruère. En correctionnelle, pour les affaires plus graves, il y a bien plus à observer.

Face à nous, nous surplombant, les sièges des juges. À leur droite, les greffiers, prenant en note les échanges. Une étape parmi d’autres pour ces pros du droit, qui assistent les magistrats avant et après le procès en préparant tous les documents nécessaires, jusqu’à l’édition de la décision du juge et sa notification aux personnes et services concernés.

À gauche de la juge du jour, le procureur. Un magistrat lui aussi, mais lié au parquet. Il faut en effet distinguer deux entités : le siège, et ses 31 juges, chargés de rendre la justice de manière impartiale, en application de la loi ; et le parquet avec ses 11 magistrats, qui défendent l’intérêt public et proposent une peine aux juges… mais pas seulement !

« Le parquet a de nombreuses missions. Il organise le traitement des affaires selon leur spécialisation (économique et financière, mineurs, violences conjugales…), gère les gardes à vue, coordonne les enquêtes pénales avec la police et la gendarmerie, et est par ailleurs en lien avec de nombreux partenaires extérieurs (notamment pour la prévention de la délinquance) », explique Catherine Sorita-Minard, procureure de la République de Tours.

 

Retour en salle d’audience. En contrebas des magistrats et greffiers, à la barre et face au micro, seul, le prévenu : un homme accusé d’avoir dépassé à grande vitesse et par la droite un autre véhicule, et de l’avoir ensuite heurté, sans s’arrêter. Après avoir vérifié son état civil, la juge lui pose des questions, calmement mais fermement.

Pendant qu’il répond, un petit ballet de robes noires s’opère discrètement dans son dos : tous les avocats dont les affaires seront jugées dans l’après-midi prennent place sur les bancs, attendant leur tour pour plaider. Malgré les costumes et le décor majestueux, personne ne joue la comédie ici, les enjeux sont grands et les conséquences peuvent être importantes pour chacun. L’accusé, qui se défend d’être « un terroriste de la route », et la victime encore sous le choc de cet événement remontant à près d’un an.

Après les questions de la juge, déclaration du prévenu (en solo) ; questions à l’accusé par la partie civile (qui défend la victime) ; la parole au procureur puis à la victime ; enfin questions du juge à l’accusé sur sa situation personnelle, avant que son avocat ne le défende en revenant sur plusieurs éléments du dossier. La juge se retire pour délibérer. Fin d’un rituel bien réglé qui aura duré une heure, en attendant le verdict. Un rituel à connaître pour ne pas être déstabilisé s’il nous arrivait d’y être confronté !

Maud Martinez
Photos archives NR – Julien Pruvost + Maud Martinez

 

Dans le quotidien de Julien Thibault, gardien des cimetières de Tours Nord

#VisMaVille Julien Thibault est gardien des cimetières de Tours Nord. Sa mission : faire appliquer le règlement mais aussi être à l’écoute des visiteurs.

Dans sa loge à l’entrée du cimetière La Salle, Julien Thibault, gardien des cimetières de Tours Nord, y passe très peu de son temps de travail. « Je suis toujours à droite à gauche, il y a toujours du passage entre les visiteurs, les jardiniers, les pompes funèbres. »

Il lui faut, en effet, être aux aguets car le cimetière compte 13 hectares et mesure près d’un kilomètre de long, ce qui en fait le plus imposant de Tours en termes de tombes.

Ce cimetière dont il a la garde principale est celui de La Salle, bordant la rue Saint-Barthélémy et l’IUT de Tours. Au total, ils sont six gardiens à se relayer dans les quatre cimetières de la Ville, trois au nord, un au sud.

Arrivé en 2017 au poste, « un peu par hasard suite à un déménagement » après une expérience de couvreur zingueur à Vendôme avec son père, Julien Thibault semble comme un poisson dans l’eau. Il avait la bougeotte, dorénavant il semble posé. Plaisantant souvent avec ses collègues – il était déjà fan d’humour noir, c’est devenu son quotidien de rire avec dérision. Ici, c’est une nécessité d’y recourir « pour dédramatiser ».

Les inhumations s’enchaînent chaque jour, avec des moments parfois difficiles. « Au premier enterrement, ça m’a serré à la gorge, aujourd’hui je me mets en retrait, comme spectateur », admet le grand gaillard. Parfois sa loge sert de « bureau des pleurs ».

L’échange humain est ici très important. « J’ai appris à peser mes mots, à ne pas rentrer dans les détails techniques de comment un corps se décompose. Ici on se sent utile, on renseigne ceux qui recherchent un défunt, on écoute les peines, on rassure, c’est gratifiant de rendre service. »

 

La surveillance du site constitue l’autre facette de son métier. « Mon rôle premier est de faire appliquer le règlement auprès des visiteurs mais aussi des sociétés qui interviennent ici. Tout doit être fait dans les règles. Je vérifie que tout se passe bien lors des inhumations et exhumations, que les creusements soient faits au bon endroit sans détruire le monument », détaille le fonctionnaire territorial. Il lui arrive aussi de faire la police, pour assurer la quiétude du lieu lors d’intrusions malvenues, parfois nocturnes.

Ici, les semaines longues de sept jours s’alternent avec des gardes de trois jours, avec une semaine d’astreinte par mois, ce qui permet aux six gardiens de la Ville de se relayer sur les différents cimetières de 8 h à 19 h l’été et de 8 h à 17 h 30 l’hiver.

Julien Thibault avoue parfois ne pas avoir l’impression de se sentir au travail, lui qui habite à côté de sa loge avec sa compagne et sa petite fille de 2 ans. « C’est bizarre parfois de ne pas avoir de coupure de lieu avec la vie personnelle. » Une fois les portes fermées, le gardien respire le calme de son lieu de travail. « J’ai l’impression d’avoir un immense jardin pour moi tout seul à la campagne », plaisante-il tout sourire.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

A l’Atelier d’Offard, Simon Florent est l’orfèvre du papier peint

#VisMaVille Simon Florent est « dominotier » ou imprimeur à la planche de papiers peints à l’Atelier d’Offard de Tours. Depuis huit ans, il y développe son goût pour l’artisanat et l’histoire.

Minutieusement, il déroule son papier peint sur 300 mètres linéaires, y imprime les nuances de vert à l’aide de sa planche faite sur mesure, aidé par Hardy. Simon Florent, le chef d’atelier, est en mode concentré. Dans l’atelier d’Offard, situé en haut de la Tranchée, à Tours Nord, le travail se déroule en silence cet après-midi-là pour les cinq artisans d’art, sur fond musical.

L’entreprise est singulière dans le paysage tourangeau et même français : elles ne sont qu’une poignée à perpétuer le savoir-faire des papiers peints à la planche des grandes manufactures des XVIII et XIXe siècles, par les « dominotiers ».

Ici l’impression se déroule par superposition de couleurs planche après planche, les cylindres n’ont pas droit au chapitre. « Nous reproduisons fidèlement des modèles historiques avec du neuf, explique Simon Florent. Dans 80 % des cas, tout part d’un vieux document décollé envoyé par le client et nous le restaurons à l’identique. »

Pour cela, l’atelier redessine le modèle sur informatique puis crée des plaques en résine sur-mesure. « La planche de gaufrage permet de donner du relief au papier, détaille le jeune chef d’atelier de 31 ans. Nous avons entre 400 et 500 références de ces planches, nous recréons nous-mêmes les couleurs à partir des échantillons et nuanciers. » Au final, il en ressort une qualité picturale et d’impression visible.

« Avec cette technique on a aussi la liberté d’aller chercher des effets de matière, s’amuser à aller chercher un grain particulier » assure Simon Florent. Lui a commencé comme menuisier-ébéniste avant d’intégrer, en 2016, l’atelier d’Offard. « Je suis l’un des plus vieux ici », sourit-il. Chacun maîtrise la fabrication du papier peint de A à Z, il n’y a pas de poste fixe ni de journée type, même si Simon dit pouvoir rester quelques jours coincé derrière la presse. C’est un travail physique, qui demande de l’énergie et une passion certaine pour l’art.

« Je m’éclate surtout avec les commandes des monuments historiques, précise-t-il, dépliant une copie de tenture tissée en velours rouge du XVIIIe siècle. Réaliser le décor du château de Fontainebleau ou de maisons illustres est à la fois classique et intemporel. À l’époque, ils n’étaient pas timides sur les couleurs. On aurait tendance à vieillir les reconstitutions, à ne pas assez doser la couleur, mais c’est une erreur. Cela je l’ai appris aux côtés de François Xavier (F-X. Richard, le fondateur et patron de l’Atelier d’Offard). »

Autre satisfaction du métier : « nous avons la chance d’être à l’embryon du projet jusqu’à la finalisation. Lorsque l’on intervient sur le chantier final pour poser le papier, on se rend compte de la globalité du projet, ce pour quoi on le fait. On arrive parfois dans des décors incroyables. Je me souviens notamment de de la Villa Laurens à Agde qui était assez dingue, comme une villa romaine. C’est émouvant », conclut Simon Florent.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

 

Agnès Caillieux, aide à domicile à Tours : « On s’attache forcément aux gens »

#VisMaVille Agnès Caillieux est aide à domicile à Tours. Un métier varié, qui au-delà des courses et du ménage, représente parfois le seul lien social maintenu avec des personnes âgées.

Leurs mains sont serrées et les sourires s’échangent. Les deux Scorpions de signe plaisantent sur leur anniversaire à venir sur un ton enjoué. Mme Deveau fêtera ses 90 ans, Agnès Caillieux ses 59 ans. La seconde est l’aide à domicile de la première depuis qu’elle exerce à l’association d’Aide à Domicile en Milieu Rural (ADMR 37).

Derrière ces quatre années et demi, deux heures passées ensemble les lundis et jeudis, se dessine une complicité évidente. « On s’attache forcément aux gens, je pense à eux même en dehors de mes visites », révèle Agnès Caillieux qui s’est reconvertie après 30 ans à travailler comme gestionnaire de stock à la pharmacie mutualiste.

Elle s’occupe à présent d’une dizaine de personnes, souvent âgées, dans les quartiers de Beaujardin, Bouzignac et de la rue Vaillant, à Tours. De 30 minutes à 2 h 30, le temps consacré aux personnes est flexible selon les besoins. « Cela va de la toilette du matin, à la préparation des repas en passant par le ménage, les courses, bref toutes les tâches qu’on a besoin de faire chez soi », détaille l’aide à domicile.

Au-delà de ces missions bien connues, s’ajoutent des petites choses du quotidien comme changer une ampoule, voir pourquoi la télé ne marche pas, un peu de couture. Agnès peut également accompagner les personnes chez le médecin, au marché, en promenade ou apporter son aide lors de la déclaration d’impôts. Mais c’est surtout le temps passé à créer du lien, à « papoter » comme elle le dit, qui est important.

Agnès a d’ailleurs pris ses habitudes, sur son temps personnel, le mardi midi chez un papy de 94 ans. « Je lui cuisine du poisson, ce qu’il préfère, et partage le repas avec lui. » Car certains sont seuls, d’autres entourés, certains malades, d’autres mieux portants, les situations se révèlent très différentes. Pour Agnès Caillieux, l’essentiel est l’attention portée aux autres. « Ces petites choses qui font plaisir. »

Le tout, avec discernement. « On rentre dans l’intimité des gens, il faut s’adapter à leur environnement. À nous de voir ce qui est faisable et quels sont leurs besoins. » Le métier d’aide à domicile, longtemps cantonné dans les esprits à la femme de ménage fait, depuis la crise du Covid, enfin figure de métier utile. « Tant mieux même s’il n’est toujours pas bien valorisé », assure Agnès Caillieux.

Si elle est passionnée par son métier, elle ne nie pas les difficultés. « Tout n’est pas rose, on voit des choses difficiles, on est souvent confrontés à la mort. Et puis, c’est un métier souvent pénible, le mal de dos, même si aujourd’hui, nous avons du matériel adapté. C’est plus compliqué pour celles qui travaillent en milieu rural et qui ont de la route à faire. »

Elle, de son côté, continue à « s’éclater comme une folle ». Bientôt à la retraite, elle n’envisage pas de couper net pour autant et va poursuivre par des extras à l’ADMR. « Je prendrai toujours de vos nouvelles », dit-elle, rassurante, en se tournant vers Mme Deveau.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Dans le quotidien des drôles de dames de la cinémathèque

#VisMaVille Agnès Torrens et Elsa Loncle animent la cinémathèque de Tours. Depuis plus de 15 ans, elles nous transmettent leur passion des films de patrimoine.

Le rendez-vous est bien connu des cinéphiles tourangeaux. Tous les lundis soirs, de septembre à juin, les fauteuils sont prisés aux cinémas Studio pour la séance hebdomadaire de la cinémathèque.

L’accueil par le trio de ses salariées, Agnès Torrens sa directrice, Elsa Loncle chargée de communication et Corinne Bellan de la comptabilité et logistique, est aux petits oignons. Un ou deux films du muet aux années 2000 sont diffusés, accompagnés d’une présentation fouillée par Agnès ou Elsa, d’un débat avec la salle, et souvent d’un invité.

 

Depuis 50 ans, la cinémathèque Henri Langlois de Tours a pour mission « d’intéresser les gens à l’histoire du cinéma, leur permettre d’accéder à une culture cinématographique, souligne Agnès Torrens. L’idée est que les jeunes générations puissent découvrir sur grand écran des classiques tandis que les gens qui viennent depuis plusieurs dizaines d’années puissent toujours découvrir un film, être étonnés ».

La programmation concoctée par Agnès Torrens et Elsa Loncle se compose en effet d’un subtil mélange de grands classiques (Ophüls, Lubitsch, Lynch, Pasolini…) et de nouveautés (deux films inuits inédits seront montrés), le tout relié par un fil conducteur, les femmes cinéastes et la question des rapports entre femmes et hommes pour cette saison.

« Nous aurons beaucoup de réalisatrices programmées comme Agnès Varda, Jane Campion, Sofia Coppola… Je suis partie du documentaire de Juliette Klinke qui rend compte de leur présence tant que le cinéma était un art, et qui constate que celle-ci s’est amoindrie lorsqu’il est devenu une industrie. Elle viendra présenter les deux soirées consacrées aux pionnières Lois Weber et Ida Lupino », détaille Agnès Torrens.

La programmation découle d’heures de recherches, d’inspirations, de visionnages, de lectures au fil de l’année et d’une part de hasard aussi. Quant à la logistique, elle est plus simple à présent car les films en 35 mm sont remplacés par le numérique. Un bouleversement dans leur fonctionnement et leurs habitudes. « Les gens ne sont plus habitués à voir une image qui saute ou entendre un craquement ! ».

Outre la construction de la saison, Agnès Torrens s’occupe des partenariats (Studio, médiathèque, musée des Beaux-Arts,…) et de l’accueil des tournages de films avec Elsa. « Nous sommes le guichet unique, nous faisons le relais des cinéastes auprès des services municipaux pour obtenir les autorisations de tournage », explique Elsa Loncle. Toutes deux possèdent en effet « trois ou quatre casquettes différentes. Nous sommes une toute petite équipe et il faut savoir tout faire », relève Agnès.

Gardant intacte leur flamme pour le cinéma et « le plaisir toujours présent d’accueillir notre public le lundi », elles espèrent que les 50 ans marqueront le début d’un nouvel élan car les spectateurs ont eu du mal à retrouver les salles depuis le Covid.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Vadrouille : voir la Ville de Tours… d’en haut

Aujourd’hui, on prend de la hauteur dans tmv ! Comment trouver le meilleur point de vue à Tours ? On a essayé… À vous de nous dire si on y est arrivé !

Notre première pensée va à la Tour Charlemagne : depuis qu’elle a rouvert ses marches au public en 2016, elle offre une expérience hors-norme aux touristes désireux de découvrir Tours d’un autre œil. Cinquante-six mètres de hauteur, et 248 marches. L’ascension est déconseillée aux personnes en mauvaise forme.

Après deux ans de Covid et d’arrêt du sport, nous grimpons donc à nos risques et périls jusqu’en haut de la tour, sous laquelle gît Luitgarde, épouse de Charlemagne (qui lui, donne son nom à la tour, merci les misogynes des siècles passés). Nous optons pour la visite-apéro, car « après l’effort, le réconfort ». Essoufflé, mais revigoré par l’air pur des hauteurs, pas de doute : le panorama vaut le détour.

Contrat rempli ? Non. Telle une Tina Arena cherchant toujours à « Alleeer plus hauuut », direction la Cathédrale Saint-Gatien et ses tours de 68 et 69 mètres. Malheureusement, l’accès est interdit au public, et seuls les services de sécurité ou les ouvriers intervenant sur l’entretien du bâtiment peuvent grimper. Nous rangeons donc notre robe d’Esmeralda (à moins que ce ne soit notre bosse de Quasimodo). Cap sur le quartier Verdun, car là-bas, un autre promontoire nous nargue.

Avec son teint rougeaud et son horloge, la tour de la caserne des pompiers promet une belle grimpette et une belle vue. Le soldat du feu qui nous reçoit n’hésite pas longtemps : « C’est une tour qui servait à sécher les tuyaux, à l’époque où ceux-ci étaient en toile. » Et ils sont hissés par un système de treuil. Donc on n’y grimpe pas, en tout cas pas jusqu’en haut. Retour à la case départ…

… Ou presque ! En sortant sur le boulevard Wagner, deux grands immeubles nous font les yeux doux. Au sud du carrefour de Verdun, encadrant l’avenue Grammont, ces bâtisses construites en 1966 sont hautes de 23 étages. Et elles pourraient bien être les tours les plus hautes du centre-ville ! La tour Lumière bâtie aux Deux-Lions en 2015 ne fait « que » 16 étages. Au Sanitas, la championne culmine à 21 étages, et du côté des quartiers des Rives du Cher ou des Fontaines, on grimpe au maximum jusqu’à 19.

Devant l’interphone comme une poule devant un couteau, le journalisme d’investigation local se révèle trépidant. Sonner au hasard, ou attendre qu’un habitant entre pour se glisser à l’intérieur ? Ce sera l’option 2, et le bouton 23 dans l’ascenseur.

Au dernier étage, Claude, retraitée qui vit là depuis à peine plus d’un an, nous reçoit gentiment. « L’immeuble est un peu vieux, il faudrait que je fasse réparer certains volets » s’excuse-t-elle en poussant la lourde porte-fenêtre qui mène au balcon. Claude a une vue… sur le Cher. Il aurait fallu prendre l’autre ascenseur pour atterrir au Nord et voir le centre-ville historique. Mais chez Claude, le panorama est magnifique aussi. La rivière navigue entre les barres d’immeuble dont la blancheur contraste avec l’horizon verdoyant.

Pour Claude « c’est l’emplacement idéal, j’ai les bus en bas de l’immeuble, et je suis tranquille. La chaleur est moins forte qu’en bas, près du bitume. Et lorsqu’il y a des feux d’artifice, mes petits-enfants courent d’une fenêtre à l’autre pour tout voir ! ». Claude tutoie donc les cieux au quotidien, avec l’horizon le plus dégagé qui existe en ville.

Direction le ciel !

Les cieux… Et si on s’envolait ? Direction le Tours Aéroclub, à Tours Nord. Dominique Janssens, vice-président de l’association, nous donne toutes les infos : l’altitude minimale pour survoler Tours est de 5 500 pieds (soit quasiment 1,7 kilomètre), avec l’autorisation de la tour de contrôle. « Mais à cette altitude, vous ne voyez pas grand-chose. Si c’est pour faire du tourisme, ça ne vaut pas le coup, il vaut mieux aller voler du côté des châteaux de la Loire où vous pouvez vous approcher un peu plus ! ».

Retour en centre-ville. Pour nous cultiver l’esprit, la bibliothèque universitaire des Tanneurs et la Bibliothèque Centrale sont au rendez-vous. Au dernier étage de chacune, on profite d’une belle vue aussi, à condition qu’un événement (conférence, colloque, soutenance de thèse ou remise du Prix du roman tmv en juin !) y soit organisé pour nous permettre d’y accéder !

La fatigue se fait sentir après ces pérégrinations de plus ou moins haute volée. Ça tombe bien, il nous restait un endroit à explorer : la suite panoramique du tout nouvel hôtel Hilton Garden Inn, sur la place Anatole France, avec vue sur la Loire. Reste à négocier la note de frais pour achever cette mission très spéciale…

Texte : Maud Martinez / Photos : JC Coutand (ouverture), Maud Martinez et NR-Julien Pruvost (article)

Véronique et Malvina : le quotidien de deux maraîchères en famille

#VisMaVille Véronique Jeanneau et Malvina Bouet sont maraîchères à La Riche. Elles produisent des légumes de saison dans une ferme familiale à taille humaine.

Leur visage n’est pas inconnu des habitués des marchés des Halles, de Strasbourg, à Tours, ainsi que de celui de Notre Dame d’Oé. Les deux maraîchères associées à la tête de la ferme du Saugé, à la sortie de la Riche en direction de Saint-Genouph, sont en effet appréciées pour la fraîcheur de leurs légumes, herbes aromatiques et fleurs comestibles, cultivés sans pesticides.

Dans la vie, Malvina, 31 ans, est la nièce de Véronique. Elles ont toutes deux repris la ferme familiale en 2016. Une ferme maraîchère qui date de 1917. Ce sont Auguste et Thérèse, les grands-parents de Véronique qui y officiaient alors. Leurs descendantes sont aujourd’hui passées à la permaculture depuis deux ans, cultivant avec le calendrier lunaire et des engrais verts.

Sur leur petite ferme d’un hectare, elles aiment produire des variétés atypiques telles que la chayotte, la poire de terre ou remettre au goût du jour les légumes anciens comme le cardon, le rutabaga, les ocas du pérou ou l’héliantis. « Nous faisons en permanence des tests de semis, des renouvellements de cultures, comme sur les concombres ou les aubergines. »

Véronique et Malvina sont des maraîchères d’une nouvelle génération, travaillant avec passion sans se tuer à la tâche pour autant. D’ailleurs elles n’habitent pas sur place, ce qui leur permet « de couper ». Elles prennent quatre semaines de congés par an, et le dimanche, c’est repos. Les parents de Malvina qui habitent toujours sur la ferme, se chargent d’ouvrir et de fermer les serres ainsi que d’arroser si besoin.

Leur ferme à taille humaine fonctionne grâce à leur organisation au cordeau et leur complémentarité. Véronique s’occupe plus des serres, Malvina des productions extérieures. Les tâches sont bien réparties. « Le lundi tout le monde est là pour de l’entretien, du désherbage, des plantations. Ensuite, on prépare les récoltes pour les marchés les mardis et vendredis. Et quand l’une est au marché, l’autre est à la ferme, sauf le samedi où nous sommes toutes les deux de marché. »

Les deux femmes sont aidées par Althéa, la fille de Véronique, et Antoine, le salarié. Si « le rapport à la terre, voir pousser leurs productions » constitue leur principale satisfaction, elles apprécient aussi le côté vente directe sur les marchés et les échanges avec les clients.

Tôt le matin, vous croiserez des restaurateurs du quartier des Halles venus se fournir sur le stand de Malvina. Dans l’idéal, les deux maraîchères se verraient bien reprendre la vente à la ferme « pour nourrir les habitants d’à côté », expérience qu’elles ont appréciée durant le confinement.

Textes et photos : Aurélie Dunouau

Rencontre avec les étudiants internationaux à Tours. Paula : « SANS REPÈRES, MAIS BIEN ENTOURÉE »

#EPJTMV [4/4] Munie de son français qu’elle parle depuis son plus jeune âge, Paula Georgeș (20 ans) est désormais seule à plus de 2 000 kilomètres de sa famille. Prête à faire de la vie tourangelle son quotidien, elle compte bien profiter un maximum de ses cinq prochains mois en France. Rencontre avec un étudiant international – épisode 4.

Pour son tout premier voyage en solitaire loin de sa famille, Paula a choisi la ville de Tours comme lieu de résidence pour ses cinq prochains mois à l’université. À 20 ans, la jeune Roumaine née à Bistrița porte un grand intérêt pour la langue de Molière. Les cours de français renforcé n’ont donc pas fait peur à la lycéenne qu’elle était.

SANS REPÈRES

Le parcours de l’étudiante ne s’arrête pas là. Elle a poursuivi ses études à l’université BABȘ-BOLYAI de Cluj-Napoca intégrant une licence en Langues étrangères appliquées (LEA) français/anglais.

À la rentrée 2021, elle a même choisi de suivre des cours d’espagnol, une quatrième langue dans son escarcelle. À Tours, elle suit les cours de français pour les étudiants d’échanges, des cours d’anglais dispensés aux deuxième année de licence et des cours d’espagnol pour débutants.

Arrivée en France le 7 janvier avec un niveau C1 (utilisateur expérimenté selon Le cadre européen de référence pour les langues, NDLR), interroger les passants ne fut pas compliqué pour Paula. « Le plus difficile a été de m’orienter dans la ville », confie l’étudiante. Sans repères dans une agglomération qui compte plus de 360 000 habitants, dénicher la résidence Crous du site des Tanneurs n’a pas été une mince affaire. Le tout pour se retrouver finalement « dans une chambre vide où il n’y avait rien de familier », se désole-t-elle.

Paula n’a cependant pas baissé les bras. Elle nous explique : « Les premiers jours, une étudiante marocaine m’a indiqué les nombreux points importants de la ville. » Récemment, elle a tissé des liens amicaux avec d’autres étudiants internationaux, « une Taïwanaise et une Italienne avec qui je suis désormais amie ». Il s’agit évidemment de contacts qui sont nécessaires pour prendre ses marques dans un pays étranger. « Petit à petit, je vais m’accommoder », dit-elle en souriant.

UNE PLACE QUI VAUT CHER

Paula a commencé ses études supérieures il y a maintenant deux ans et demi. Elle n’avait pas encore pu fréquenter les bancs de son université de CLUJ, car la pandémie l’avait forcée à suivre ses cours en distanciel. Une monotonie qu’elle peut enfin briser en France grâce au présentiel. 

« C’est un avantage d’être présente en classe et je trouve ça plus intéressant. » Une place à l’université de Tours qui vaut cher puisqu’à sa connaissance, Paula qui est étudiante boursière Erasmus, est la seule Roumaine sur le campus. Sans cette aide précieuse, il aurait été très difficile pour Paula de venir à Tours, car ses parents n’auraient pas pu financer l’ensemble des coûts du voyage. « La ville de Tours n’est pas aussi petite que je le pensais et l’on peut facilement s’y déplacer. En plus, j’ai l’impression d’être dans les films français que je voyais en Roumanie. »

L’étudiante roumaine doit également s’adapter au système français : « J’attends toujours pour avoir un compte bancaire, pour m’inscrire à la CAF mais j’ai réussi à obtenir mon abonnement Fil Bleu. » Côté gastronomie, Paula reste sur sa faim : « La nourriture est bonne ici, mais je ne trouve pas tous les ingrédients de la cuisine roumaine et je dois donc m’adapter. » Il faut également savoir que le coût de la vie en France n’est pas le même qu’en Roumanie : un euro correspond à cinq lei roumains.

VOYAGE, VOYAGE

Outre les études, l’objectif de Paula est de revoir ses amies roumaines (elles sont six). Si elle a déjà visité Paris et les châteaux de Bois et de Chambord, elle compte bien organiser des voyages de groupe avec les autres étudiants internationaux avec qui elle s’entend très bien.

« Il y a des étudiants de plusieurs pays et même de plusieurs continents ce qui est très intéressant pour échanger nos cultures. » Paula porte une grande importance à sa capacité de pouvoir « aider les gens et contribuer au bien être de la société », des valeurs qu’elle souhaiterait peut-être mettre à profit par la suite à travers le métier d’interprète.

Billet spécial sur le Centre universitaire d’enseignement du Français pour étudiants étrangers

Service commun de l’université de Tours en liaison avec la direction des relations internationale, le CUEFEE est une structure qui accueille de nombreux étudiants internationaux sur le site universitaire des Tanneurs. Cette année encore, « ils sont environ 150 étudiants venus des quatre coins du monde avec un niveau de français qui varie du niveau A2 à C1 », indique Christian Gaujac Directeur du CUEFEE.

Au-delà de l’objectif scolaire, les étudiants peuvent  également participer à la vie sociale française par l’intermédiaire des activités proposées par le Service universitaire des activités physiques et sportive (SUAPS), le Passeport culturel étudiant (PCE) ou l’association Erasmus Student Network (ESN).

Texte : Florian Wozniak, journaliste en formation à l'EPJT

Crédit photo : Julie Cedo, journaliste en formation à l'EPJT

Dans l’antre des archives municipales avec Lise Schnel

#VisMaVille Lise Schnel est archiviste. Nous l’avons rencontrée aux archives municipales contemporaines, situées à la mairie de Tours. Elle défend une vision vivante du métier.

Au deuxième sous-sol de la mairie de Tours, ce matin-là, dans la salle des archives municipales, Carole peaufine l’exposition à venir sur les 100 ans du Congrès de Tours(*) tandis que Lise nous a sorti quelques documents valant le coup d’œil : une photo sur plaque de verre, l’album du Lycée de Tours de 1891, des photographies du camp Beaumont lors de la Première Guerre mondiale, des plans rares de projets urbains de la ville ou encore les messages et objets conservés déposés par les Tourangeaux devant l’Hôtel de Ville après les attentats de 2015. Preuve de la diversité des documents municipaux conservés.

Les archives contemporaines rassemblent tous les documents écrits concernant la ville depuis 1945, les photographies, les gravures, mais aussi les documents numérisés historiques. Lise Schnel et ses six collègues archivistes naviguent entre deux lieux, les archives contemporaines de la mairie et les archives historiques situées à la chapelle Saint-Eloi.

Les archives contemporaines sont de loin les plus imposantes avec leur 4 500 mètres linéaires. Il faut dire que tout document administratif y est conservé, selon une procédure bien établie. « Nous sommes un service public, explique Lise Schnel. Nous collectons les archives auprès des services municipaux et leur volume reste croissant malgré la dématérialisation. »

Pour le reste, comment établir ce qui a valeur d’archive pour la ville ? « Nous nous référons aux Archives de France. Mais il y a une part de subjectivité, par exemple lorsque nous conservons les messages déposés après les attentats du Bataclan. Les documents privés, en rapport avec l’histoire de Tours, nous intéressent également. »

Lise Schnel, passionnée d’histoire et par sa Touraine natale, souligne cette part importante de collecte. Pour les particuliers, elle n’hésite pas à les solliciter directement. « Nous avons ici le fonds personnel de Jean Meunier, ancien maire de Tours (1944-47), remis par sa fille Mireille Saint-Cricq. Nous avons aussi des associations qui nous donnent leurs archives comme les Fêtes musicales de Touraine ou des sections sportives. On ne s’interdit rien pour la conservation. »

Egalement, l’archiviste suit de près les évolutions de la société pour ajuster sa sélection. « La veille est constante. Nous évaluons les changements sociétaux pour voir quels documents pourraient être importants à l’avenir et nous les conservons plus longtemps. Comme ceux du service petite enfance. »

La valorisation est une autre facette du métier d’archiviste qu’exerce Lise Schnel depuis 1990 à Tours. Présentation en salle de lecture, montage d’expositions, publication de brochures et d’ouvrages… Décidément, l’archiviste loin d’être enfermée dans des salles poussiéreuses s’ouvre vers le public. « Ici, les archives ne dorment pas », conclut Lise Schnel.

Textes et photos : Aurélie Dunouau


(*) Grande exposition du centenaire, péristyle de l’Hôtel de Ville de Tours, du 20 novembre au 14 décembre.

Vieux-Tours côté pile, côté face : plongée dans le cœur historique de la ville

Les touristes seraient-ils insensibles aux aléas météo ? Glissée dans une visite de l’office de tourisme incognito (ou presque, puisque je suis la seule à prendre des notes), je constate que la pluie n’arrête pas les visiteurs motivés par la découverte du Vieux-Tours, guidée par Magali. « Tu vois vraiment plein de choses que tu ne verrais pas autrement », glisse un participant à sa bande de copains.

Avouons-le : même pour les Tourangeaux de longue date, l’expérience est instructive. 90 % des centres-villes anciens seraient en réalité des restaurations. Les maisons à pans de bois étaient moins chères à construire que les maisons de pierre (et nous qui pensions qu’elles étaient chics !). Les bâtiments de la cour Ockeghem étaient au XVIIIe siècle une église transformée en écuries pour l’auberge mitoyenne… Et tant d’autres informations !

Nuits d’ivresse

Mais le Vieux-Tours n’est-il pas plus qu’une carte postale pour vacanciers en goguette ? Vous nous répondrez : c’est le quartier des bars et restaurants. Pas faux. Un petit tour dans les rues pavées certains soirs suffit à le vérifier, à tel point que l’affichage public sur la limitation du bruit ne semble pas faire son effet (au grand dam des habitants amateurs de sérénité).

Veille de jour férié. Sur les coups de 23 h, malgré les frimas, les derniers mètres de la rue du Commerce qui mènent à Plumereau sont encore bondés. Même tarif pour la place du Grand Marché ou la rue Châteauneuf. Seule la rue de la Rôtisserie, une fois passés le New Hamac et la Vida Loca, se calme au rythme des terrasses de restaurants qui se plient pour la nuit.

Phare au bout chemin, l’enseigne de la Civette. Un bar-tabac (surtout tabac) qui ne désemplit jamais, même aux heures les plus avancées, sauvant du naufrage les fumeurs en manque de nicotine. « Il ne faudrait mettre que des fêtards dans ce quartier ! ». Attablé au Bombay pour se refaire une santé, Joseph, 18 ans, vit place du grand Marché. Et il assène cette phrase avec l’assentiment de ses trois comparses : « Habiter ici, c’est la vie ! »

Ce sont en tout cas ces jeunes qui font tourner les commerces nocturnes du quartier. Dans la rue des 3 Orfèvres, la discothèque n’est pas encore ouverte, mais la supérette voisine turbine : « Ce sont les clients des bars qui nous font vivre, on travaille surtout entre 19 h et 22 h pour la vente d’alcool », explique Menad derrière son comptoir. « Après 22 h c’est la nourriture, les chips, et les sodas qui accompagneront l’alcool. La clientèle est jeune, mais ça se passe bien, il y a rarement des problèmes. »

Pause. Lecteur ou lectrice de plus de 30 ans, vous venez de prendre un coup de vieux. Pas de panique ! À chaque bar son identité, à chaque coin de rue sa tranche d’âge. Le Canadian pour les concerts de rock et metal, le Strapontin pour le jazz, et des dizaines d’autres à explorer.

Nos divagations nous mènent jusqu’à la place de la Victoire. Dernier bar avant la fin du monde, le Duke y a ouvert ses portes il y a deux mois, à la place de l’Aventure. « L’esprit du bar ? Celui que vous voudrez ! » répond Pascal en souriant. « C’est comme le nom : Duke, certains pensent à Duke Ellington, d’autres à Booba, ou à la traduction française de « The Dude » dans le film The Big Lebowski. »

L’ancien du milieu pétrolier avait quitté la mer pour ouvrir le Shelter, et à soixante-trois ans, avec un nouveau bar, il n’entend pas prendre sa retraite : « Tant que je suis jeune il n’y a pas de raison ! ». Plusieurs générations sirotent des cocktails au son du rock qu’affectionne le patron. L’expérience nous confirme donc que le Vieux-Tours reste the place-to-be de toutes les générations lorsque l’envie de boire un verre se fait sentir.

Jours heureux

7 h, 8 h, 9 h du matin… Nouveau visage pour la vieille ville. Au fil des jours, vous croiserez les employés de la métropole en opération nettoyage ou les livreurs de fût de bières alimentant le quartier. Au Tourangeau comme ailleurs, c’est l’heure du café du matin. Le quartier s’anime petit à petit. La Bicyclerie et l’épicerie Sur la Branche à la Victoire, les concept-store de Châteauneuf, les libraires rue du Commerce…

Le Vieux-Tours diurne redevient l’antique quartier des marchands qui s’agglutinaient à l’époque dans les ruelles et sur les carrois aux alentours de la collégiale Saint-Martin, aimant à pèlerins. Tandis que les étudiants Léa et Guillaume font tourner leur linge à la laverie du Grand Marché, un peu plus loin, le peintre Laurent Vermeersch apprécie la vie de quartier. Rue Eugène Sue, il est « au cœur de la vieille ville mais en périphérie de la zone bruyante ».

L’artiste observe avec plaisir l’évolution du secteur Grand Marché-place de la Victoire : « Il y a de nouveaux commerces, une galerie, des projets avec l’association Victoire en Transition pour le carroi aux herbes… C’est de plus en plus attractif ! ». Quant au vitrailliste Pascal Rieu, il a choisi à dessein ce quartier pour y installer logement et atelier l’an dernier : « Le quartier est animé, c’est un quartier de nuit, mais on le sait quand on le choisit ! ».

C’est cependant en journée que leur association le Quartier des Arts entend faire vibrer la vieille ville (voir encadré). Il faut en arpenter les ruelles pour découvrir les ateliers… et les très bons restaurants cachés entre les pièges à touristes des grandes artères, et les petites rues discrètes, loin du tumulte. Mais à vous de les trouver, car c’est la seule manière de vraiment connaître le Vieux-Tours : l’arpenter en dehors des sentiers battus !

Reportage : Maud Martinez
Photos : ouverture Gérard Proust NR archives / Maud Martinez / Aurélien Germain

Sandrine Abello, cheffe du Chœur de l’Opéra de Tours : « Il y a autant de musique que d’humain dans mon métier »

#VisMaVille Sandrine Abello est à la tête du Choeur de l’Opéra de Tours qui compte treize chanteurs permanents. Rencontre avec une mélomane pianiste entraînante par son enthousiasme.

Devant la scène du Grand Théâtre de Tours, elle sautille, s’anime, ses bras donnent le tempo. À l’instar du chef d’orchestre qui dirige les musiciens, la cheffe de chœur dirige les musiciens du chœur.

Nous sommes en pleine répétition du spectacle qui se tiendra le soir même. Les Indes Galantes et Hippolyte et Aricie, de Jean-Philippe Rameau sont au menu. « La couleur est très belle, continuez comme cela, on frôlait la perfection. » En tenue décontractée, jean et baskets blanches, derrière son pupitre, Sandrine Abello, distille ses conseils et derniers réglages aux chanteurs, veillant à l’homogénéité des voix et aux nuances. « Ne forcez pas la voix, tout est dans la souplesse et la tranquillité. Après, il faudra y aller. »

Être cheffe de chœur, c’est comme « un entraîneur sportif. Mon rôle est de préparer musicalement le chœur. Il faut que ce soit nickel pour le concert et quand le chef d’orchestre prendra le relais. » Car le jour J, pour un opéra, Sandrine Abello écoutera dans le public.

Avant cela, de multiples répétitions, selon un rythme rigoureux (deux fois par jour cinq jours par semaine minimum), se déroulent entre les premières répétitions par pupitre (les femmes, les hommes, les aigus, les graves) les scènes-piano, les italiennes, les scènes-orchestre et la générale. La plupart du temps, le chœur travaille entre lui, sans l’orchestre ou les solistes.

Treize chanteurs permanents et un pianiste, Vincent Lansiaux, forment le Chœur du Grand Théâtre de Tours auxquels s’ajoutent parfois des intermittents. Soit un des plus petits effectifs de France mais une équipe soudée que Sandrine Abello dit avoir plaisir à diriger. « On apprend beaucoup avec l’échange humain, il faut savoir écouter. Être cheffe de chœur, c’est du management aussi, ne pas être trop raide. Il y a autant de musique que d’humain dans mon métier. »

La cheffe d’origine nîmoise est arrivée là un peu par hasard. Études de piano, conservatoire, elle s’est mise à accompagner le chœur avec son instrument à Avignon. Au gré des concours, elle est devenue cheffe de chant auprès de solistes puis de chœur à Nantes, à l’Opéra national du Rhin enfin à Tours depuis 2018. « Je ne suis pas chanteuse mais musicienne. Je ne donne donc pas de conseils techniques aux musiciens qui sont des professionnels et maîtrisent leur sujet à la perfection, mais je les guide sur une interprétation. Je veille à la qualité musicale ainsi que scénique lorsque ce sont des opéras. »

Sandrine Abello affectionne particulièrement le répertoire lyrique, les opéras classiques. En dehors de son temps au Grand Théâtre, elle se branche sur du jazz, son autre passion. « Je viens de découvrir Chet Baker, c’est extraordinaire. »
Aurélie Dunouau

Johana Boktor, l’architecte du patrimoine

#VisMaVille Johana Boktor et son mari Benoît Moreau sont architectes à Tours. Leur petite entreprise s’appuie sur la réhabilitation du patrimoine. Avec talent et humilité.

Il a fallu convaincre Johana Boktor pour réaliser cet article. Pourquoi elle plutôt qu’un ou une autre ? Sa modestie réelle n’empêche pas qu’à 39 ans, elle a déjà réalisé d’importants projets architecturaux comme le hall du musée Guimet. Elle planche en ce moment sur la rénovation du bâtiment historique de la Chambre de Commerce et d’Industrie et sur la nouvelle entrée du musée du Compagnonnage. Benoît Moreau n’est pas en reste avec la façade de la bibliothèque de Tours.

Un couple complémentaire qui s’est associé à leur arrivée en Touraine, en 2016. Lui est « technique, la tête chercheuse des pathologies du bâtiment », elle est « créative et part de l’identité du lieu pour la prolonger dans sa réalisation ». Ce qui relie le duo d’architectes qui s’est rencontré sur les bancs de l’école d’archi à Paris, c’est leur enclin pour la réhabilitation de l’ancien, et tout particulièrement du patrimoine.

Diplômés de l’Ecole de Chaillot qui délivre une spécialisation complémentaire en patrimoine en deux ans, ils travaillent en grande partie sur les monuments historiques. Ce n’est pas un hasard s’ils se sont installés près du couvent des Capucins, à Tours-Nord, sur un ancien terrain divisé en parcelles appartenant jadis à l’ordre des Frères mineurs. Ils y ont construit et expérimenté leur maison bioclimatique, vitrine de ce qu’ils font et de ce qu’ils sont. Murs épais isolés, nombreuses fenêtres pour des ventilations naturelles et croisées, luminosité, grande pièce de vie traversante : ils prônent le confort des usages et la simplicité des volumes.

Leur maison abrite leur bureau à l’étage. C’est là qu’ils reçoivent leurs clients. Des particuliers mais aussi des collectivités locales. Parfois, leurs garçons de 6 et 8 ans débarquent en pleine réunion pour récupérer des crayons de couleur. L’ambiance est familiale. Qu’elle s’en souvienne, Johana a toujours voulu être architecte, voyant son père s’épanouir dans le métier. Petite, elle bricolait des meubles pour ses poupées.

Après le bac, l’école d’architecture s’est donc imposée. Naturellement. A Paris, elle était salariée pour une agence de logements. « C’était passionnant, il y a le côté pratique que j’adore, toucher et comprendre l’usage de chaque pièce, matériau. »

Aujourd’hui Johana Boktor garde, dans son métier, ce goût du fonctionnel et y ajoute sa touche personnelle, créative. « Je m’inspire de l’ancien pour reproduire une atmosphère. L’idée est de réhabiliter ou construire des extensions en partant de l’essence du lieu, souvent chargé d’histoire. » La meilleure récompense pour elle, qui parvient tout juste à se définir architecte ? « Susciter de l’émotion dans la réponse qu’on a su apporter au client. »

Textes et photos : Aurélie Dunouau


> L’Indre-et-Loire compte une dizaine d’architectes spécialisés dans le patrimoine. Sachant que le département compte 867 édifices bénéficiant de cette protection au titre de monuments historiques, les chantiers en perspective ne manquent pas.

 

François Pérona, le sourire et l’accueil du CCCOD

#VisMaVille Jean-François Pérona est chargé d’accueil au centre de création contemporaine Olivier Debré de Tours. Rencontre avec cette figure du lieu.

Les habitués du musée d’art contemporain connaissent forcément Jean-François Pérona. Au CCC rue Marcel-Tribut puis désormais au CCCOD en plein coeur de ville, il en est un des visages historiques. Depuis 2005, il est au service du public, ce qui en fait le plus ancien de l’équipe.

Au milieu des sept autres jeunes personnes qui s’occupent des visiteurs, il apporte son expérience et son savoir-faire. Car avant tout, Jean-François Pérona a le don de recevoir et de vous mettre à l’aise comme si vous entriez dans sa propre maison. Avec tact, il vous ouvre la porte de son univers professionnel, celui de l’art contemporain.

Un univers auquel il n’était toutefois pas destiné, lui qui n’a pas fait d’études d’art ou d’histoire. Ce Normand d’origine, débarqué à Tours dans les années 80 pour ses études, a travaillé dans le commerce, un temps caissier chez Mammouth. Déjà, le contact avec le public l’attire, « j’étais moins doué pour vendre », concède-t-il. Seule incartade avec le milieu des artistes avant son entrée au musée : sa participation à l’organisation niveau régie d’une grande expo en 2000 avec Jeff Koons entre autres.

Car s’il est amateur d’art sans être spécialiste, « c’est un hasard si j’y travaille aujourd’hui après avoir répondu à une annonce du CCC. Je devais rester un an, j’ai manifesté l’envie de rester et j’y suis encore », explique Jean-François Pérona. Rue Marcel-Tribut, il n’était pas rare de le voir quitter l’entrée pour faire visiter les expositions.

Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Avec la nouvelle dimension du centre d’art, il reste attaché au public et à la billetterie, mais il n’est pas pour autant bloqué derrière le comptoir. Car il ne tient pas en place, Jean-François. Quand il n’y a pas trop de monde, il apprécie de se promener au milieu des expositions ou de dispenser quelques informations aux visiteurs, « même si je ne suis pas capable de faire le travail des médiateurs et conférenciers ».

Bavard lorsqu’il tient sa place au musée, il sait toutefois s’adapter au public. « Je reconnais les personnes qu’il ne faut pas aller embêter ou bien les jeunes pressés qui n’aiment pas trop les longs discours », tempère-t-il. « Mon travail, c’est orienter, recevoir, être attentif aux caractères de chacun et à ce qui se passe. Le public ici est bienveillant et détendu. Notre idée est d’accueillir simplement. »

D’un public d’habitués rue Marcel-Tribut, il est passé à un panel plus large, jeunes et touristes inclus. Ce qui n’est pas pour lui déplaire. « L’esprit d’accueil demeure l’âme du CCCOD. » En dehors de son temps au musée, Jean-François Pérona aime voir des comédies au cinéma, quelques spectacles de danse.

Mais son côté casanier prend vite le dessus. « En fait timide dans la vie privée », il n’aime rien tant que cultiver son petit bout de potager et se plonger sur les chaînes youtube des agriculteurs stars. Ce qui lui rappelle le rapport à la terre de ses aïeux dans l’Orne.

Textes et photos : Aurélie Dunouau

Dans le quotidien de Rachid Belaalim, propriétaire de la boulangerie Rabel

#VisMaVille Rachid Belaalim est le propriétaire de la boulangerie Rabel depuis février 2019 à Tours-Nord. Un lieu où se mélangent avec succès les pâtisseries et les clients les plus divers.

Sur l’esplanade François-Mitterrand, face à la médiathèque, l’odeur des croissants chauds nous happe dès la sortie du tramway, arrêt Beffroi. À l’intérieur de la boulangerie Rabel, Rachid Belaalim, son propriétaire, la main à la pâte depuis 6 h 30, en est à son deuxième café.

Il échange quelques mots, dans la partie salon de thé, avec un habitué qui prend son petit déjeuner, réchauffé par son chocolat chaud. Wassim, 22 ans, employé à Tours-Nord, se sent bien ici. « J’habite à côté. J’y viens souvent les matins et j’y mange tous les midis pendant ma pause. Il y a un bon accueil. »

Il faut dire que les habitants du quartier semblent apprécier la réouverture de cette boulangerie de proximité depuis plus d’un an et demi. Pour Rachid Belaalim, après Velpeau et le Sanitas qu’il a dû quitter à cause du projet de destruction de la barre d’immeuble près de Saint-Paul, cette nouvelle vie de boulanger à Tours-Nord correspond à ses attentes de commerçant qui aime voir se croiser et mélanger les populations, dans une bonne entente.

« Il existe une vraie mixité dans ce quartier, j’y retrouve celle qui existait auparavant au Sanitas. Ici on prend sa baguette chaude à toute heure mais on peut aussi se poser. À midi, les étudiants et les ouvriers de chantier déjeunent au coin snacking. À la sortie de l’école, les mamans discutent tandis que leurs enfants goûtent. Et toute la journée se croisent des clients de tous horizons, de tout âge et de toute culture. »

 

Une mixité symbolisée dans sa boulangerie par les viennoiseries et gâteaux traditionnels français qui côtoient les fameuses pâtisseries orientales. Rachid nous assure que « les gens traversent Tours pour elles. Je suis connu pour ça et mon chalet au marché de Noël qui propose des pâtisseries orientales depuis des années. »

Arrivé en France du Maroc en 1996, il a fait ses armes de boulanger à Paris avant de s’installer à Tours au début des années 2000. Il vient de déménager à Tours-Nord pour être au plus près de sa boulangerie avec sa femme qui y officie aussi.

À pied, en vélo ou en camionnette, les allers-retours rythment leur vie. Il rit beaucoup et son équipe semble suivre dans cette bonne humeur. Stefania, à la caisse, distribue le chant de son accent italien à ses clients. Cédric, jeune chef boulanger, n’est pas un inconnu : il a fait la première saison de « la meilleure boulangerie de France », sur M6. Sandrine, chef pâtissière, savoure la diversité de ses créations. Et Rachid, bien sûr, court entre les postes : à la caisse ou derrière, au four et dans son laboratoire.

Aurélie Dunouau

Avocates… rien que pour les enfants !

#VisMaVille La justice des mineurs ce n’est pas que des enfants qui commettent des délits ou en danger. C’est aussi, au quotidien, des avocats qui recueillent la parole d’enfants empêtrés dans les histoires de divorce de leurs parents. Rencontre avec deux avocates tourangelles, Karine et Valérie.

Le mercredi après-midi, la salle d’attente est remplie d’enfants dans le cabinet des Maîtres Bourgueil et Dubois, boulevard Heurteloup. Ces deux avocates tourangelles ont une prédilection pour ces clients pas ordinaires. Si être avocat d’enfant n’est pas une spécialité reconnue dans le droit, certains sont passés maîtres dans l’art de l’exercer, avec tact et empathie.

Valérie Bourgueil reçoit dans son bureau chaleureux, et met à l’aise, rassure l’enfant qui voit pour la première fois un professionnel de la justice. « Est-ce que tu sais qui je suis ? Je suis un avocat un peu particulier. Je ne suis ni l’avocat de ton père, ni l’avocat de ta mère. Je suis là pour toi. Tout est secret et je ne le répéterai à personne. »

Justine, 11 ans, semble très vite en confiance. Ses parents viennent de se séparer. Maître Bourgueil l’interroge pour évaluer si elle a envie de voir le juge et faire part de ses souhaits en termes de garde. L’avocat joue ici le rôle de « filtre ». Pour Karine Dubois, « les enfants y sont très sensibles car ils ont des messages à faire passer aux parents qu’ils ne peuvent pas transmettre directement. Il y a une liberté de ton. C’est à nous de porter cette parole auprès du juge. Nous avons aussi un rôle d’explication de ce qui va se passer. Pour eux, ce peut être compliqué à comprendre ».

Pour un cas de divorce, après avoir vu son avocat, l’enfant décide s’il souhaite être entendu par le juge aux affaires familiales. Après un entretien à huis clos, toujours sans ses parents, un rapport sera établi puis lu à ses parents, lors de l’audience de la procédure de divorce. « Leur parole sera écoutée mais pas toujours entendue », précise Maître Dubois. « Je suis claire avec eux sur ce point. »

Comment appréhender ces « clients » pas comme les autres ? À Tours, ils sont entendus à partir de 8 ans. L’avocat est chargé d’évaluer s’il est capable de discernement et s’il n’est pas manipulé par un de ses parents. Maître Bourgueil va au-delà, en « soutenant les enfants. Je les aide à traverser cette épreuve et prendre du recul, on est là pour qu’ils nous disent ce dont ils ont besoin et pas ce dont leurs parents ont besoin ou veulent entendre ».

Une relation de confiance et de complicité se noue. L’enfant sait qu’il peut joindre à tout moment son avocat. Comme ces deux sœurs qui souhaitaient revoir Maître Bourgueil, juste avant leur audition par le juge. Simplement besoin d’être rassurées. Et tout cela, gratuitement. Pas d’honoraires pour les avocats, l’aide juridictionnelle les rémunère, un forfait de 96 euros, quel que soit le temps passé. Autant dire que c’est une vocation.

Texte : Aurélie Dunouau / Photos : Aurélie Dunouau et Adobe Stock

A vélo à Tours : en route pour la véliberté !

À l’heure où la nouvelle municipalité crée des voies cyclables et projette une aide à l’achat de vélo, rencontrons ceux qui vivent déjà la ville à vélo au quotidien, en famille ou en solo, avec un sentiment partagé : la liberté.

Vente ou réparation, le bicyclette-business a le vent en poupe ! Mais il est difficile d’évaluer dès aujourd’hui l’impact à long terme du déconfinement et des nouvelles voies cyclables sur l’évolution des mobilités douces à Tours. Voyons pourquoi certains pédalent déjà.

Pour Julien, 46 ans au compteur et presque autant à vélo, c’est de famille : « Mon père faisait du vélo, je fais du vélo. J’imagine mes trajets en fonction de cela, que ce soit pour aller travailler en ville depuis notre maison de Tours-Nord, ou aller faire la fête chez des amis à Luynes, je ne me pose même pas la question ».

(Photo Hugues Le Guellec)

En couple, avec trois enfants et autant de bicyclettes à la maison, on sort la voiture familiale seulement pour les vacances, les grosses courses ou l’entraînement de roller-hockey et son matériel encombrant. À 41 ans, Alice pédale depuis ses années collège, et aujourd’hui ses enfants ont pris le relais.

« Je ne perds pas de temps à trouver une place de parking »

Quant à elle, elle parcourt chaque jour les kilomètres qui séparent son domicile de Tours-Nord, de son travail sur les hauts de Saint-Avertin. Un exploit au regard de ses collègues, un train-train quotidien pour elle : « Je mets 35 minutes contre une vingtaine de minutes en voiture, je fais de l’exercice, je ne perds pas de temps à trouver une place de parking… Sans compter ce sentiment de liberté absolue et cet autre regard sur la ville que permet le vélo ».

Plus novice dans cette pratique, Mélaine est montée en selle il y a un an, pour un trajet Saint-Avertin – Tours centre : « J’ai hésité à me lancer car j’avais du mal à trouver un parcours sécurisé pour ce trajet quotidien. J’ai fait des tests en juillet 2019, et depuis, je vais au travail comme cela, en évitant les bouchons et les problèmes de parking », qu’elle retrouve en voiture lorsqu’il pleut.

(Photo Hugues Le Guellec)

Parking, temps de trajet, autonomie, sans oublier le budget riquiqui : quatre qualités du vélo citées par nos cyclistes… et pas seulement. À 29 ans, Maxime se déplace en trottinette électrique, pour rallier le quartier Giraudeau à la gare de Tours, d’où il embarque pour Paris-Montparnasse, avant de rejoindre son bureau à Boulogne-Billancourt : « Je n’ai plus l’angoisse du vol de vélo ou les soucis du parking puisque j’ai ma trottinette avec moi dans le train ou au bureau, et je suis autonome, même en cas de grève RATP ou Fil Bleu ! ».

Une vie en rose ?

Passer d’un mode de transport à un autre est fréquent pour certains cyclistes de centre-ville : pour la famille Perrin, couple avec trois enfants, plus de voiture individuelle, mais un recours à l’autopartage Citiz de temps en temps. Idem pour Julie, 35 ans, qui avait choisi le vélo avant d’avoir le permis : « Je travaille et vis dans l’hypercentre, donc je mixe marche, vélo, autopartage pour sortir de l’agglo, et carte Fil Bleu Liberté, quand la pluie me décourage de pédaler. Mais avec le Covid, j’évite un peu les transports en ce moment ».

La vie en vélo est donc une vie en rose ? Nos témoins saluent les améliorations récentes côté voies cyclables : pont d’Arcole, pont Wilson, rue Mirabeau… mais rappellent que certains trajets sont encore peu sécurisés, comme avenue Maginot ou quartier Paul-Bert, ou peu cohérents, avec des fins de voies dangereuses (coucou le rond-point de la Victoire !).

(Photo Hugues Le Guellec)

Pour Julien, « avec un bon vélo, en roulant à son rythme, on va partout, et on grimpe la Tranchée. Hormis le choix d’une tenue vestimentaire adaptée, je ne vois pas d’inconvénient, à part l’état d’esprit des gens. Les automobilistes sont parfois agressifs, ou doublent trop près… ».

Apprendre à partager l’espace serait donc la clé, comme le défend le Collectif Cycliste 37 via son vice-président, David Sellin : « Rendre Tours cyclable, c’est un grand chantier ! Tours est une ville conçue depuis les années 1960 pour la voiture. La solution, c’est repenser la place qu’on accorde à chacun (voiture, vélo, piétons), et faire sortir les automobilistes de l’automatisme qui les pousse à utiliser leur véhicule pour des petits trajets ». On ne sait pas vous, mais nous pour la rentrée, on va tester le vélo-boulot-dodo, pour se sentir libéréééés, délivréééés…

Textes : Maud Martinez
Photos : Hugues Le Guellec (sauf photo de tête, par Julien Pruvost)

Alexandra Dupont, éleveuse de chèvres engagée

#VisMaVille À quelques jours du Salon de l’agriculture, rencontre avec une femme engagée, Alexandra Dupont, qui élève depuis 2011 des chèvres à la ferme des Croq’épines à Nouans-les-Fontaines, dans le sud-est du département.

Lorsqu’Alexandra Dupont nous accueille ce jeudi-là dans sa chèvrerie de Nouans-les-Fontaines, tout ne se déroule pas comme prévu. « S’adapter aux imprévus, c’est ça le métier d’éleveur ! », lance-t-elle tout en remplissant les mangeoires.

Les 43 chèvres se ruent sur la nourriture tandis que la machine à traire collecte leur lait. 11,5 litres ce matin-là, la période creuse… La traite a lieu chaque jour vers 9 h, puis 19 h, pas moins de trois heures de travail pour l’éleveuse, qui enfile ensuite sa blouse de fromagère.

Dans une pièce attenante à la salle de traite, elle filtre le lait cru pour ôter d’éventuels brins de paille, puis ajoute le petit lait et la présure nécessaires à la coagulation. Le lait doit ensuite reposer 36 à 48 heures avant la fabrication des fromages. Mais pour Alexandra Dupont, point de repos : elle sale les tommes, retourne les crottins, démoule les pyramides… « Je gère les urgences les unes après les autres », assure-t-elle en gardant le sourire. Après le fromage, l’administratif. Après l’administratif, les livraisons…

Dans sa campagne tourangelle, la quadragénaire trace son chemin loin des allées du Salon de l’agriculture. Dans son troupeau métissé, les chèvres ont gardé leurs cornes et portent toutes un collier à leur nom : Litchi, Fiesta, Fable…

Dans sa ferme, aucun animal ne partira à l’abattoir

L’éleveuse connaît le parcours de chacune : « À 11 ans, Douchka est la doyenne des laitières. Je l’ai ramenée d’un stage dans une ferme cévenole. » C’était en 2008. Après une formation en agronomie tropicale, une expérience dans une ONG de développement au Mozambique puis divers contrats aidés en France, elle décide de devenir éleveuse : « Je voulais être mon propre patron, avec mes animaux, à la campagne. »

En stage de reconversion, elle n’a pas supporté d’amener les chevreaux chez l’engraisseur. Dans sa ferme, aucun animal ne partira ni chez l’engraisseur, ni à l’abattoir, se dit-elle alors. Pari tenu grâce à la création en 2014 d’un refuge attenant à sa ferme. La relation de l’éleveuse avec ses chèvres se renforce : « des êtres sensibles, curieux et affectueux, avec lesquels je vis au quotidien ». À ceux qui militent pour l’abolition de l’élevage, elle répond que soutenir des fermes familiales et respectueuses des bêtes, ce serait déjà bien : « Les humains et les animaux domestiques évoluent ensemble depuis des millénaires. Nous sommes interdépendants. »

Nathalie Picard


> EN SAVOIR PLUS

Aux petits soins Bienvenue aux boucs castrés, aux chèvres à la retraite et aux éclopés. Depuis 2014, le refuge associatif des Croq’épines accueille tous les animaux de la ferme devenus non productifs. Pour limiter leur nombre, Alexandra Dupont laisse au moins deux à trois ans entre deux gestations (ce qui réduit les naissances de chevreaux mâles) et mise sur une lactation de longue durée. Reste malgré tout 75 bouches à nourrir, ce qui nécessite du temps et de l’argent. Le refuge lance un appel au bénévolat et aux dons. Il est même possible de parrainer une chèvre.

>>> lafermedescroqepines.com

Ehpad : aux petits soins pour nos anciens

Souvent, la question des conditions de vie des personnes âgées dans les établissements spécialisés revient à la Une de l’actualité. Nous avons décidé de pousser la porte de l’un d’entre eux. Rencontre avec Estelle Menit, aide-soignante à l’Ehpad de La Vallée du Cher et passionnée par les relations humaines. Elle transmet son dynamisme aux 103 résidents.

Installé au cœur du quartier des Fontaines, à deux pas du Stade Rodriguez, l’immeuble se fond dans le paysage. Dans ce quartier de grande mixité sociale, on ne se doute pas un seul instant que ce bâtiment aux jolis balcons suspendus abrite une centaine de résidents âgés, très âgés même pour certains.

Au 2 de la place Sisley, vous êtes à l’Ehpad de La Vallée du Cher, un des quatre établissements gérés par le CCAS sur Tours. Ehpad ? Cela signifie Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Une maison de retraite pour faire simple. CCAS ? Ça veut dire Centre communal d’action sociale.

C’est là que travaille Estelle. Elle nous a parlé de son quotidien. De ses joies, de ses doutes parfois. Mais surtout de son extraordinaire dynamisme pour aider les résidents. Certains ont nettement plus du double de son âge. « Mais ils ont vécu de telles expériences dans la vie, que j’adore les écouter. Si on n’a pas cette passion, pas la peine de venir travailler ici », confie-t-elle.

Estelle Menit va avoir 40 ans. Elle est aide-soignante. D’origine martiniquaise et née en banlieue parisienne, elle a pensé devenir assistante dentaire, avant de « s’expatrier » en Touraine où elle a gravi tous les échelons au rythme des concours et des études : agent d’entretien, auxiliaire de vie puis aide-soignante.

Beaucoup d’écoute

Lors de notre première rencontre, un soir de fin décembre, tous les emplois du temps ont été chamboulés. Les blouses blanches, roses ou bleues sont au placard. Repas de Noël oblige, le personnel comme les résidents sont en tenue de soirée. Ou presque. Estelle est venue sur un jour de repos pour aider et participer à ce moment festif.

Tout le personnel, sous la houlette de l’animatrice, Isabelle, aide les résidents à s’installer autour des tables dans la grande salle à manger du 1er étage. Quelques minutes plus tard quand le repas débutera, chacun viendra s’asseoir à une table, participera au service, amènera de la bonne humeur, ou tout simplement aidera Jacqueline, Nicole ou un autre résident à dîner.

« On est dans l’exceptionnel, ce soir, explique Estelle. Mais vous voyez bien l’esprit dans lequel on travaille. » Beaucoup d’écoute, un maximum de relationnel, une tonne d’énergie, des kilos d’empathie, il leur faut donner tout cela pour éclairer la journée des résidents. « Certains sont diminués, en fauteuil. Pas toujours drôle pour eux. »

Plus tard, en janvier, lors de notre deuxième visite, Estelle et tout le personnel ont rebasculé dans le quotidien. Arrivée à 14 h, l’aide-soignante finira à 21 h. « De 14 h à 14 h 30, nous faisons la réunion de transmission entre les deux équipes. Nous indiquons ce qui a été fait auprès des résidents. Comment ils se sentent. Certains se sont réveillés un peu grognons. On les laissera se reposer. D’autres veulent parler. On ira les voir plus longtemps. »

En pantalon et blouse rose, Estelle commence son petit tour au 3e étage – Il y a une vingtaine de résidents par niveau, du rez-de-chaussée au 4e étage. Elle frappe doucement à chaque porte. Demande comment ça va. Même si elle connaît le prénom de chacun, c’est par « bonjour M. ou Mme untel » qu’elle entame la conversation. « Le matin, nous nous occupons des toilettes, du service des petits déjeuners. »

« Bien sûr, on s’attache aux résidents, parce qu’ils sont des puits de savoir. »

Le soin mis dans la décoration des couloirs et l’individualisation des chambres font de l’Ehpad un lieu à part, entre pension de famille et maison de convalescence. Les difficultés de son travail, Estelle les a gommées avec le temps et l’expérience.

« Bien sûr, on s’attache aux résidents. Parce qu’ils sont des puits de savoir et qu’ils ont vécu des choses extraordinaires. Un jour, un monsieur me dit : ‘’Vous savez, j’ai connu la reine d’Angleterre.’’ Je me suis assis à côté de lui et il m’a raconté des tas de souvenirs qu’il avait sur le couronnement d’Elisabeth, notamment. D’autres fois, c’est dur. Les résidents peuvent avoir des mots qui dépassent leur pensée. Quand ça arrive aujourd’hui, je relativise. »

Issues d’une multitude de corps de métiers (infirmière, psychologue, cuisinier, couturière, coiffeur, agent technique, aide-soignant(e)s, etc…), plus d’une cinquantaine de personnes sont au service des 103 résidents de l’Ehpad dont la moyenne d’âge est d’environ 85 ans.

Dans ce choc de générations, le dynamisme et l’enthousiasme comblent les fossés et la rudesse des destins. Estelle le sait : « Pour les résidents, c’est le dernier lieu de leur vie. À leur âge, certains voient leur santé se détériorer assez vite aussi. On est là pour les aider, leur donner bon moral. J’aime prendre soin d’eux. »

Textes et photos : Thierry Mathiot

Biodivercity, l’apiculture… urbaine !

#EPJTMV La disparition des abeilles est une problématique environnementale préoccupante. Anne Desnos et Laurie Dufrenne sont apicultrices au sein de l’association Biodivercity qui propose des ateliers de sensibilisation à la vie de la ruche.

« Je vous propose d’aller chercher les tenues, nous allons aller sur le rucher. » Ce vendredi 17 janvier, Anne Desnos et Laurie Dufrenne animent le « Club Api » de l’association Biodivercity.

Dans le domaine du Château de Taillé à Fondettes, l’association possèdent sept ruches dont les salariés s’occupent toute l’année. Le « Club Api » se réunit une fois par mois pour former à l’apiculture une poignée de volontaires.

La mission du groupe aujourd’hui : bricolage d’hiver et visite des ruches pour vérifier que les abeilles vont bien. Sur le chemin, Laurie explique : « Pendant la période hivernale, les abeilles sortent peu. Elles sont en période d’hibernation et consomment leurs réserves dans la ruche. »

Ne pas déranger les butineuses

Laurie est apicultrice depuis dix ans. Elle a commencé sa formation sur le terrain en Allemagne, en production biologique de miel. Elle s’est rapidement tournée vers les associations jusqu’à intégrer Biodivercity en 2014. Ce qu’elle aime le plus, surtout dans « ce contexte de difficulté pour l’environnement, c’est sensibiliser et faire connaître le rôle de l’abeille dans l’environnement ».

Concernant les ruches, les deux animatrices insistent sur la nécessité de ne pas déranger les butineuses et de ne pas ouvrir les ruches si ce n’est pas nécessaire. Le parcours d’Anne Desnos jusqu’à l’apiculture est différent. Elle a intégré l’association en 2017 pour un service civique et ne l’a pas quittée depuis. « Je me suis formée sur le tas, à Biodivercity », confie-t-elle.

« J’ai longtemps eu un projet d’animation autour de l’environnement. J’ai un lien très fort avec la nature et il est très important pour moi de le partager pour la protéger. »

Sur le rucher, les deux animatrices expliquent au groupe comment s’assurer que la ruche est en bonne santé. Il faut la peser et vérifier les réserves de nourriture. Les volontaires écoutent attentivement mais toujours dans une ambiance détendue.

Pendant cette séance, aucune n’a eu besoin de nourriture (du sucre) supplémentaire. Les deux animatrices mettent en place une approche douce de l’apiculture. Pour Laurie, « le consentement doit aussi être avec les abeilles. Il faut comprendre les abeilles et ne pas déranger les colonies nerveuses par exemple. » Elle confie, avant de partir, que grâce à ce métier, elle a « appris à avoir une certaine humilité face à l’abeille ».

Texte : Cassandre Riverain / Photos : Jeanne Gerbault, étudiantes à l’Ecole publique de journalisme de Tours (EPJT)


> En savoir plus sur l’association Biodivercity : www.biodivercity.fr

 

A la Gloriette, les enfants s’interrogent sur l’urgence climatique

Au parc de la Gloriette, des élèves de CM2 sont invités à s’interroger sur les questions liées à l’urgence climatique à travers diverses activités. C’est aussi l’occasion pour ces enfants citadins de sentir et déguster les plantes de saison.

« Vite, vite, vite mon équipe » s’exclame Lucien, 10 ans. Un questionnaire dans une main, un crayon de bois dans l’autre, l’atelier climat commence pour la classe de CM2 de l’école André-Gide. Pendant deux heures, les 25 enfants vont participer à différentes activités.

Au programme, questionnaire sur l’hiver, dégustation de plantes aromatiques et visite de la serre du parc. Ce jeudi 16 janvier, leur terrain de jeu s’étend sur deux parcelles du potager de la Gloriette. Leur mission ? Identifier les plantes, les légumes et les animaux typiques de la saison hivernale. Par groupe de trois, les élèves déambulent en remplissant leur questionnaire.

L’animal phare de la matinée est le ver de terre. Anis le ramasse en premier avant de le montrer fièrement à ses camarades. « Touche, touche, touche ! », dit-il au petit groupe qui s’est formé autour de lui. Intrigués, les enfants tendent timidement leurs mains.

Après vingt minutes, Sophie Legland, l’animatrice de la Gloriette en charge de l’atelier, rassemble les élèves. « Qu’estce que vous avez répondu pour la météo du jour ? » Aussitôt, les mains se lèvent et les réponses fusent. « Froid », « nuageux », « soleil », réagissent les enfants. Sophie Legland leur explique alors que le climat est relativement doux avec une température de 10° C, plus du double de la température moyenne pour la saison.

« Rassembler des enfants d’un milieu urbain autour d’un projet commun lié à l’écologie »

« Regardez, un ver de terre qui marche ! », s’exclame un élève. Une nouvelle fois, le lombric vole la vedette à l’animatrice. Pendant un an, la classe de CM2 va participer à différents ateliers autour du climat. Tantôt dans leur classe, tantôt à la Gloriette. Une initiative de leur enseignant, Stéphane Burel, pour qui « il est intéressant de rassembler des enfants d’un milieu urbain autour d’un projet commun lié à l’écologie ».

Leur vision du réchauffement climatique témoigne de leur vie citadine. Lors de leur deuxième séance en décembre, Sophie Legland a présenté à sa classe plusieurs photos liées au dérèglement du climat : des embouteillages, des radiateurs, des catastrophes naturelles ou encore des panneaux solaires. Instinctivement, la plupart des élèves se sont tournés vers des images de pollution ou de déchets.

Avant les vacances de Noël, Sophie Legland était venue dans la classe des CM2 pour un atelier bouture. Le but était qu’ils se questionnent sur l’effet de serre. La moitié de la classe a réalisé un pot avec un couvercle et l’autre moitié a laissé la plante à l’air libre.

Tous les matins, les élèves suivent le même rituel ; après avoir regardé Arte journal junior, ils observent l’évolution de leurs boutures. « Des élèves jouent les jardiniers dans la classe et s’occupent des plantes tous les jours », précise leur professeur. Il est maintenant l’heure pour les élèves de se rendre dans la serre, pour enfin comprendre ce qu’est ce fameux effet de serre.

Mais avant, petit détour par le potager où une dégustation de plantes aromatiques s’improvise. Devant la lavande, les réactions ne se font pas attendre : « Ça se mange ça ? » Sophie Legland répond par la négative et les invite à sentir la plante. Quelques mètres plus loin, le groupe s’arrête devant un plan de légumes. Ici, l’animatrice leur fait goûter des feuilles de céleri. D’abord sceptique, « ça se mange cru ça ? », demande l’un deux, les enfants se prêtent finalement au jeu. Souriant, ils semblent avoir apprécié.

Avec le froid qui commence à se faire sentir, les enfants sont de plus en plus pressés d’arriver à la serre. Une fois à l’intérieur, ils découvrent l’espace et observent avec attention les différentes plantes qui y poussent. L’animatrice les rassemble devant les plantes aromatiques. Persil, origan, basilic… Les enfants poursuivent leur dégustation.

Avant qu’ils retournent à l’école, Sophie aborde la problématique de l’effet de serre. Les accessoires sont de mises : globe terrestre, saladier, lampe torche et tableau. Les enfants se concentrent et écoutent avec attention. Sophie aborde le parcours des rayons du soleil et des rayons infrarouges avant de demander aux enfants quels sont les gaz à effet de serre. Les réponses sont diverses : CO2, O3, CH4 ou encore N2O. L’animatrice est bluffée.

Le mois prochain, ils se transformeront en petits rats de laboratoires pour comprendre les effets du réchauffement climatique à travers des expériences chimiques.


Enquête : Mélanie Guiraud et Cassandre Riverain / Photos : Jeanne Gerbault
Étudiantes à l’Ecole publique de journalisme de Tours (EPJT)

Madeline chante pour les enfants autistes

#VisMaVille Madeline Ardouin est musicienne (son groupe est Jane is beautiful) et chanteuse. Elle s’est spécialisée dans l’expression auprès des enfants en situation de handicap. Reportage à l’hôpital Bretonneau où ses notes enchantent les enfants.

Quelques notes de ukulélé résonnent dans la toute petite salle d’activités nichée au sein du centre pédopsychiatrique de l’hôpital. Madeline Ardouin accueille en chanson et par leur prénom les trois enfants présents pour la séance.

Wellan, ravi, bat des mains, Nazim est un peu sonné par son rhume mais n’en perd pas une miette tandis que Sharif s’agite dans un coin de la salle. Ils sont tous trois atteints de troubles autistiques. Ils ont 7 ans. Depuis la rentrée, ils participent, tous les quinze jours, à une séance musicale de trente minutes avec Madeline Ardouin.

Artiste de scène avec Jane is Beautiful, elle chante et joue du ukulélé, de la guitare, du violon et du balafon auprès des tout-petits. Madeline endosse le rôle de chef d’orchestre, les enfants de musiciens. « Ce que je recherche, c’est qu’ils puissent s’exprimer et prendre du plaisir. Il n’y a pas d’objectif thérapeutique. J‘ai le luxe de pouvoir prendre le temps avec eux. Parfois, c’est abstrait et difficile, d’autres fois c’est fort et poétique. »

Improviser et s’adapter aux enfants

Le débrief après la séance avec l’équipe soignante le confirme. « On recherche la spontanéité, pas le cadre », explique Clotilde, infirmière. « C’était génial aujourd’hui, Wellan n’a jamais autant parlé. Et ta chanson sur la bulle d’eau et le poisson les a scotchés ! » Madeline improvise beaucoup, s’adaptant aux réactions des enfants. « Il faut accepter que ce ne soit pas un long fleuve tranquille. Comme ce sont des enfants fragiles, la moindre chose prend son importance. Je suis là pour les entendre et recevoir leurs propositions. Ils me touchent et je m’éclate. »

Pour en arriver là, Madeline s’est formée il y a quatre ans auprès du Centre de Formation des Musiciens Intervenants de Fondettes par un diplôme Musique et tout-petits et enfants en situation de handicap. Elle travaille à présent en crèches, auprès du centre médico pédopsychiatrique de Langeais et mène ses ateliers d’expression musicale à Bretonneau depuis un an. Avec Rémi Claire, cadre du service, elle s’est associée pour trouver des financements, aujourd’hui assurés par une fondation de lutte contre l’autisme (l’AESPHOR).

Mais cela reste « un combat » de chercher des subventions, chronophage pour une artiste. Cependant, Madeline et ses doux yeux noisettes gardent la flamme. La joie et l’évolution des enfants lui donnent l’énergie nécessaire. Elle aimerait d’ailleurs les amener voir un concert au Petit Faucheux.

Aurélie Dunouau

« À Emmaüs, on trouve ce qu’on n’est pas venu chercher »

#VisMaVille Patrick a rejoint la communauté d’Esvres, il y a une dizaine d’années. Il réceptionne, trie, classe et vend des objets donnés. Sa spécialité : les livres. Sa vie : un roman.

Des magasins de Tours-Nord ou Saint-Pierre-des-Corps à celui d’Esvres-sur-Indre, c’est bien de travail dont il s’agit. Si vous déboulez un samedi sur les coups de 14 heures à l’ouverture des magasins d’Emmaüs, le rideau tombe et c’est le grand rush garanti.

À Esvres, du côté des meubles d’occasion, vous tomberez sur Simon, compagnon, plaisanterie en bandoulière et éclats de rire assurés. Un peu plus loin, aux Bibelots, c’est Danièle (une bénévole d’Emmaüs, ancienne de France Télécom) qui bichonne les verres, les vases et belles assiettes.

Pas loin, on retrouve Patrick et Odilon. Ils s’occupent des livres. Autant Odilon, la quarantaine, originaire du Congo Brazzaville, arrivé en France au début des années 2000, est calme et observateur, autant Patrick porte haut l’élégance vestimentaire et le verbe.

Des chemins particuliers

Ces deux-là s’entendent bien. Tôt le matin, lorsque je les ai retrouvés dans un des hangars de la communauté d’Esvres, ils réceptionnaient des kilos de cartons remplis de bouquins. D’un côté, une benne pour évacuer (et recycler) et de l’autre une pile d’ouvrages divers qui seront mis en vente. Patrick connaît son affaire. « Des bouquins, dans ma vie, j’en ai acheté 7 000, 8 000… », assure-t-il.

On imagine déjà le prof de lettres, ou quelque chose dans le genre : « Non, je suis diplômé en droit des affaires ; j’ai été avocat, expert- comptable, haut placé à la Générale des eaux, au crédit foncier. » Une carrière et une vie peu commune. « Aujourd’hui, je suis retraité, malade aussi, Emmaüs m’apporte une sécurité. Comme j’ai tout eu en biens matériels avant, je n’ai pas besoin d’autre chose que ce que je trouve ici. »

À bien y regarder, la cinquantaine de compagnons d’Esvres ont tous des chemins particuliers qui les ont menés ici. Patrick y trouve son compte. Son expertise sur les livres est sa richesse. « Avant 1800, les livres se vendaient en vrac, aux feuillets. Ce sont les acheteurs qui les faisaient relier. Par la suite, tout s’est industrialisé. J’aime moins. »

Dans une remise au chaud, jouxtant le hangar, Patrick et Odilon classent, rangent et donnent un prix à chaque ouvrage. « En moyenne, on vend à un quart du prix neuf. » Sous les beaux livres reliés, j’aperçois une collection complète de la série écrite par George Martin, Game of Thrones. Les cinq tomes, en parfait état, partiront pour le prix d’un seul volume neuf. De retour dans la salle des ventes, Odilon réceptionne les achats tandis que Patrick discute, explique, conseille.

« Depuis le temps, je connais les habitués », insiste-t-il. Mais à côté des collectionneurs, il y a monsieur et madame Tout-le-monde à la recherche d’un titre particulier… L’autre jour, quelqu’un voulait un livre sur la langue bretonne, il est reparti avec la bio souvenir de Michel Drucker. Car comme le dit Patrick : « À Emmaüs, on trouve ce qu’on n’est pas venu chercher ».

Thierry Mathiot


> En règle générale, les dons peuvent être déposés les jours d’ouverture le matin et tous les jours à Esvres. Tél. 0247264325. www.emmaus-touraine. org

 

SPA de Luynes : un refuge après l’abandon

Au refuge SPA de Luynes, les journées ne se ressemblent pas, mais suivent un même rythme. Chaque après-midi, les portes s’ouvrent au public, et nous en avons profité. Visite guidée.

La SPA de Luynes recueille (trop) souvent des animaux abandonnés.

« On n’abandonne pas un animal comme on jette une paire de chaussettes ! ». Naïs Venanzi, responsable du refuge SPA de Luynes, laisse échapper un cri du cœur dans l’intimité de son bureau peuplé de chats.

Après un pic d’activité cet été, le refuge héberge à l’heure actuelle environ 80 chiens et 80 chats attendant de trouver leur nouveau maître. Toute une ménagerie choyée par une équipe dévouée : quinze salariés, et une cinquantaine de bénévoles actifs, qui vont et viennent entre les bâtiments cachés au milieu des bois.

Après une matinée consacrée aux tâches administratives, aux soins vétérinaires, aux promenades et au nettoyage des locaux, le refuge a ouvert ses portes au public. Il est 14 h. Les futurs adoptants débarquent à l’improviste.

Mais pour un abandon, il faut obligatoirement prendre rendez-vous : « On n’essaie pas de dissuader le propriétaire, mais on lui donne des conseils de gestion du comportement animal, au cas où cela l’aiderait. »

Ce jour-là, les conseils n’auront pas suffi : après plusieurs entretiens téléphoniques avec l’un des onze agents animaliers, un jeune homme se présente pour abandonner son chien, devenu trop agressif avec celle qui partage sa vie. Il remplit les papiers et s’acquitte de frais de 80 €, avant d’aller pleurer dans sa voiture, à l’abri des regards indiscrets.

« Les chiens nous témoignent un amour incroyable »

Départ en EHPAD, décès, déménagement… Les causes d’abandon au comptoir sont multiples, mais concernent moins de 20 % des pensionnaires à quatre pattes que nous croisons. 80 % proviennent de la fourrière, qui prend en charge durant huit jours les animaux perdus ou abandonnés en pleine nature, avant de les confier à des associations comme la SPA.

« Dans ces cas-là, nous ignorons tout du passé de l’animal : il faut donc apprendre à le connaître, pour l’aider à écrire une nouvelle histoire avec de futurs adoptants », explique la responsable. Dans les couloirs des chenils, sur chaque porte, des ardoises témoignent de cette découverte mutuelle entre l’homme et le chien : « Farceuse. Attention : un peu craintive au début ». « Lanco. Attention aux autres chiens ».

Au fil des jours, bénévoles et salariés prennent note de la personnalité de chaque pensionnaire… et s’y attachent. Pour Emilien, bénévole devenu salarié, la fameuse « tournée de caca » du matin, avec le nettoyage des couvertures et le ramassage des déjections, n’est presque plus une corvée. « Je ne m’attendais pas à vivre ici autant de moments forts, les chiens nous témoignent un amour incroyable, cela rend presque dépendant ! ».

Nicole et Laëtitia seraient donc aussi accros ? La retraitée et la jeune femme sont entourées de chats, comme tous les jours depuis deux ans. Pierre-Martial, étudiant de 20 ans tout juste arrivé dans l’équipe, résistera-t-il à cette drogue des plus douces ? Caresser et faire jouer les chats, sortir les chiens en balade : chaque jour, ils sont une dizaine de bénévoles aux petits soins pour les résidents. Ceux-ci trouveront bientôt de nouveaux maîtres, triés sur le volet.

Car pour adopter une boule de poils, il faut montrer patte blanche. Naïs Venanzi précise : « Nous posons beaucoup de questions : le chat vivra-t-il dedans ou dehors, avec des enfants, des personnes âgées, des allergiques… ? À quel rythme le chien pourra-t-il sortir ? Quelle est la hauteur de la clôture ? Il peut nous arriver de nous déplacer au domicile, et si la famille possède déjà un animal, elle doit l’amener pour que les deux se rencontrent. »

À la manière d’une agence matrimoniale, la SPA tâche ainsi d’accorder les personnalités, pour assurer le succès de l’adoption. Dans l’un des 15 parcs de détente, le coup de foudre est confirmé entre le gros Sam et son futur maître Damien, qui vient chaque semaine depuis un mois. Le croisé labrador attend avec impatience de pouvoir repartir avec ce propriétaire qui n’a d’yeux que pour lui.

Lorsque sonnent 17 h, l’heure de la fermeture, nous rejoignons le parking sous la rumeur des aboiements. Une manière pour ces petites bêtes de signaler qu’elles attendent LA rencontre qui leur changera la vie.
Textes & photos : Maud Martinez


> Animal abandonné : qui contacter ?

Si vous repérez un animal domestique abandonné, le numéro à contacter est celui de votre police municipale, qui se chargera de le récupérer pour le mettre en fourrière. L’identification des animaux de compagnie est obligatoire en France et permettra de retrouver rapidement le propriétaire. Mais s’il ne se manifeste pas dans les huit jours, l’animal sera transféré vers une association comme la SPA.

Librairie Libr’Enfants : des livres pour bien grandir

#VisMaVille Rachel est libraire depuis 11 ans chez Libr’Enfant, la librairie jeunesse de Tours. Un métier qu’elle prend très à cœur.

Enthousiaste, elle est aussi très sérieuse. « Un enfant, si tu lui racontes des histoires, il n’y aura pas de problème pour le faire grandir . C’est le rôle du libraire jeunesse que d’aider l’enfant à développer son autonomie, sa liberté et son sens des responsabilités ».

Sous les anciennes poutres de cette belle librairie du quartier Colbert, Rachel rayonne. Dynamique, espiègle et surtout très impliquée, elle sait qu’on n’est jamais trop petit pour lire.
Pas étonnant vu son parcours : autrefois dyslexique, elle a toujours exercé des métiers liés à l’enfance. Un cheminement atypique mais très cohérent. Maîtrise de psychologie de l’enfant et master de littérature jeunesse pour la théorie, Maison de la presse et médiation socio-culturelle pour la pratique.

Du temps libre pour lire

Deux fois par semaine, c’est la livraison. Rachel et ses collègues réceptionnent les colis, parfois avec un coup de main d’amis de la librairie. Les yeux pétillants, elle précise : « C’est un peu Noël à chaque fois que j’ouvre les cartons de nouveautés ! »
Toute la semaine, elle accueille et conseille les clients en priorité mais elle passe aussi beaucoup de temps devant l’ordinateur (commandes, comptabilité, préparation des animations et de la communication). Parfois, elle quitte la librairie pour intervenir dans les écoles ou les bibliothèques. Mais ce n’est pas tout ! Une fois la journée terminée, environ 80 % de son temps libre consiste à… lire.

Un métier-passion où les moments de grâce font oublier les plus pesants. Comme ce jour où un petit garçon, client régulier, est venu transmettre le goût de la lecture en demandant un livre pour sa petite sœur qui venait de naître.

Surtout, en cette période de rentrée littéraire, Rachel insiste : « il en existe aussi une vraie pour les adolescents ». Parmi toute la production, si elle ne devait garder qu’un seul titre, elle choisirait « Félines » de Stéphane Servant. Un roman coup de poing sur la quête de soi, la différence et la place des femmes dans la société. Preuve que, contrairement aux idées reçues, en littérature jeunesse, les auteurs sont bien vivants.
Textes et photos : Claire Breton


Librairie Libr’Enfant

48 rue Colbert. Tél. 02 47 66 95 90

www.librenfant.fr

Pompier : « Aucune intervention n’est à prendre à la légère »

#VisMaVille Jérôme Virton, 33 ans, fait partie des 80 sapeurs-pompiers professionnels de la caserne de Tours-centre. Des sauveteurs polyvalents qui s’entraînent tous les jours pour porter secours rapidement et en toutes circonstances.

À peine sorti de son appartement, il enfourche la rampe qui le mène en moins d’une minute trois étages plus bas.
Il est 7 h 30. Au rez-de-chaussée de la caserne, Jérôme Virton, pompier professionnel, commence sa garde par un rassemblement avec les membres de son équipe. « Une grande famille », sourit-il.

Des hommes, quasi exclusivement, portant l’uniforme réglementaire bleu marine et rouge, réunis pour 12 ou 24 heures, c’est selon.
Premier rituel de la journée ? Vérifier minutieusement le matériel avant de débuter, une demi-heure plus tard, l’entraînement physique obligatoire : 1 h 30 le matin, 45 minutes le soir, a minima. De quoi forger des muscles capables de soulever, entre autres, l’appareil respiratoire lourd de 15 kg, indispensable pour intervenir sur les incendies.

Entre ces séances de sport, il y aura aussi, forcément, des exercices de manœuvre (accident de la route, arrêt cardiaque, etc.) pour répéter inlassablement les gestes qui sauvent.
« Sauf intervention », nuance le pompier de 33 ans, volontaire durant 11 ans et professionnel depuis 2010.

30 à 40 fois par jour

Et elles sont nombreuses. Les 80 pros de la caserne de Tours, à l’organisation paramilitaire, sortent 30 à 40 fois par jour, bipés par un petit boîtier individuel qu’ils ne quittent jamais durant leur garde.
« Nous sommes capables de répondre très rapidement, 24 h sur 24, répète le caporal chef d’équipe. Aucune intervention n’est à prendre à la légère. On a toujours une petite appréhension, mais notre formation nous a permis d’acquérir des automatismes. Et puis, nous travaillons toujours en équipe ; il y a beaucoup de cohésion entre nous. »

Contrairement aux idées reçues, les incendies ne concernent que 7 % de leurs sorties, contre 8 % pour les accidents de la voie publique et 78 % pour les « secours à la personne » (malaises, hémorragies, etc.).
Mais les pompiers sont de plus en plus appelés « pour tout et n’importe quoi », regrette Jérôme Virton. Qui, outre la caractéristique de concevoir des formations pour ses pairs, a aussi une spécialité : le trentenaire fait partie « du groupe de reconnaissance et d’intervention en milieu périlleux ».

Traduction : Jérôme Virton est formé pour intervenir et coordonner des interventions en hauteur (grues, montagnes, etc.) ou en profondeur (fossés, ravins, etc.). Comme par exemple pour sauver cette personne âgée tombée au fond d’un puits sec de 20 mètres de fond. Sa devise, qu’il partage avec tous les pompiers professionnels : « Courage et dévouement ».

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Flore Mabilleau

A Tours, avec les passionné(e)s de running

Dimanche 22 septembre, 13 000 coureurs s’aligneront au départ des 10 et 20 km et du marathon de Tours. Les joggers que nous avons rencontrés ont une histoire unique avec la course. Sur route, sur piste ou sur trail. Rencontres.

 

(Photo illustration Adobe Stock)

« Je me suis inscrite sur 10 km alors que j’apprends à peine à courir ! » Gégé – comprenez Géraldine ! -, cheveux courts, petites lunettes, gabarit de poche, amuse le groupe.
On est lundi, 19 h 15, j’ai chaussé mes baskets, enfilé mon short et me voilà sur la piste d’athlétisme du stade des Tourettes (Tours-Nord), au beau milieu de 80 adhérents remontés comme des coucous. Autant de femmes que d’hommes.

Vu le nombre de licenciés, le travail s’effectuera sur deux tranches horaires, par niveau, aptitudes et affinités. Beaucoup ont déjà en tête les objectifs à venir. Le marathon du Medoc pour certains. Pour d’autres, pourquoi pas une échappée vers le triathlon.

La coach, c’est Céline (Degham) et, apparemment, elle est du genre à savoir ce qu’elle veut. « Courir, c’est facile. Bien courir, c’est difficile », lance-t-elle pour mettre tout le monde à l’aise.

Autour du lac de la Bergeonnerie (photo tmv)

Pour cette première, le groupe en entier tourne tranquillement sur la piste avant d’attaquer des allers-retours, montées de genoux, talons-fesses, fentes et accélérations. La couleur est donnée.
JogginTours a pour devise « Je cours pour le plaisir », mais côté entraînement, c’est quand même du sérieux.

Le lendemain, mardi, Les Copains coureurs d’Indre-et-Loire (ACC37) m’ont donné rendez-vous au Bois des Hâtes à 17 h 45. Ça nous fait même pas une journée de récup’ depuis mes aventures aux Tourettes, mais bon, l’info avant tout ! Nous sommes dans le poumon de Saint-Avertin et c’est là que cette association de Notre- Dame d’Oé, créée en 2012, regroupe ses adhérents-joggers.

Fractionné et accélération sont au programme

Autour de William Da Silva et son épouse Marie-Claude, le niveau semble plus hétéroclite que dans un club. Sylvie, Sébastien, Michel, Virginie, Corinne, Jacques sont dans les starts. La trentaine de coureurs a la bonne idée de se scinder entre les costauds et les moins forts. Fractionné et accélération sont au programme. Certains finiront en marchant quand les premiers, revenus à l’entrée du Bois, auront dressé une table… de récupération. Boissons, gâteaux, amandes, cacahuètes et abricots permettent de recharger les batteries.

Le groupe joue les prolongations. Ça discute, ça se raconte, ça rigole. « On s’y sent bien », me dit-on. L’association écume les courses d’Indre-et-Loire mais se projette aussi hors de France.
Le marathon d’Athènes, le 10 novembre est à leur programme. « Grâce à quelques sponsors, des connaissances, nous arrivons à tirer les prix, explique William Da Silva. Les quatre jours en Grèce, vols compris, et dossards nous reviendront à 350-400 euros. »

Entraînement du club Jogg’in Tours, au stade des Tourettes. (photo tmv)

La semaine suivante (il faut bien se reposer un peu…), l’état d’esprit est le même à l’ACIL (association des coureurs d’Indre-et-Loire), que nous retrouvons le mardi, à 17 h 30 au Stade des Fontaines.
Créée en 1984, c’est l’association originelle des coureurs du coin. Aujourd’hui, ils sont une trentaine réunis pour cette rentrée. Jean-Marc Pesson (« 2 h 48’ au marathon… il y a trente ans ») préside aux destinées de l’association et Alain Barral, grand ancien, veille sur ses ouailles.

Tous les mardis, le groupe s’entraîne aux Fontaines jusqu’à 20 heures (« La location nous coûte 1,56 euro de l’heure, l’adhésion à 25 euros fait le joint », explique Jean-Marc Pesson), et parfois, il s’en éloigne. Nathalie, Christophe et le groupe se dirigent vers le lac des Peupleraies. Le dimanche, c’est plus long, direction Ballan-Miré, Joué, la côte de l’Épan.
Marathons, trails, 10 et 20 km sont dans le viseur du groupe… et toujours dans la bonne humeur.

Thierry Mathiot

Hellfest 2019 : un marathon d’enfer

« On est bénis des Dieux… » Ben Barbaud, le big boss du Hellfest, avait le sourire pour cette nouvelle édition ensoleillée et caliente du festival ! Plus de 180 000 personnes sur 3 jours très chauds, 156 groupes, du metal et de la bonne humeur : le Hellfest a encore brillé pour sa 14e édition. On y était. Instant souvenirs après avoir peu dormi…

Un tour sous le mur d’eau pour se rafraîchir ! (photo tmv)

1) Encore des records

> Moins de 2 heures. C’est le temps qu’il aura fallu pour écouler les 55 000 pass 3 jours, lors de leur mise en vente.

> 25 millions d’euros : le budget du Hellfest (toujours organisé par une association de loi 1901!). C’est le plus gros de France.

> 215 € : le prix d’un pass 3 jours.

> 27 millions d’euros : le chiffre d’affaires du Hellfest

> 70 : le nombre de nationalités présentes lors du festival

Dragon n’est pas une nationalité (photo tmv)

> 7 500 : la population de Clisson, la ville accueillant le Hellfest. Ben Barbaud, directeur du festival, a rappelé :   » Il n’y a plus un habitant qui n’aime pas les festivaliers alors qu’il y a 14 ans, il n’y avait pas grand nombre à nous pifrer. Il y a une vraie histoire d’amour entre les Clissonnais et les festivaliers.  »

> 15 000 litres : la consommation de muscadet durant les 3 jours

> 400 000 litres de bière écoulés l’an dernier. Va-t-on casser le record en 2019 ? Vivement les chiffres…

(Photo tmv)

2) La polémique Manowar

(Manowar a laissé des traces… Photo tmv)

Ce n’est qu’un Manorevoir… Le vendredi, MANOWAR, la tête d’affiche, a tout simplement quitté le site du festival le jour même, à quelques heures de son show. Bim. La nouvelle a refroidi de nombreux festivaliers, dont certains qui venaient spécialement… d’Amérique du Sud !

Pas contents mais connus pour être des divas, les slips en cuir (on parle de Manowar hein) sont restés flous quant aux raisons, laissant croire que l’organisation les avait empêchés de proposer l’énorme show qu’ils avaient promis (Rammstein, Iron Maiden ou Aerosmith n’ont pourtant jamais râlé les années précédentes, mais soit). Le directeur du Hellfest, quant à lui, est resté tout aussi flou, parlant de désaccords contractuels.

Désormais, Manowar se fait allumer sur les réseaux sociaux et les rumeurs courent de partout : le groupe aurait voulu faire ses balances avec une chorale sur un horaire déjà pris, ou dépasser la limite sonore autorisée en France, il aurait râlé à propos de la taille de la scène…
Au final, l’histoire se réglera probablement au tribunal. Rock ‘n’ roll…

3) Le « Disneyland » des metalleux : plein les yeux !

Espace restauration (Photo tmv)

Visuellement, il est impossible de ne pas être subjugué par les infrastructures magnifiques du Hellfest.
Imaginez la chose : sur une vingtaine d’hectares, trônent six scènes différentes, une grande roue, une statue géante en l’honneur de Lemmy de Motörhead, une horloge géante (ainsi qu’une main gigantesque faisant le signe du metal), une forêt « muscadet », ou encore un hélicoptère crashé dans un espace pour se rafraîchir et un espace VIP/Presse avec fontaine de faux sang et bar en ossature…

Aussi dingue que sublime, aussi grandiloquent qu’hallucinant : un travail d’orfèvre !

On vous a déjà parlé des murs d’eau géants ! (Photo tmv)

4) Pouvoir aux « vieux » !

On ne va pas se mentir, les vieux groupes en ont encore sous la pédale. Cette année, on s’est pris une bien bonne claque avec KISS – sur qui on ne misait pas un kopek – et leur concert ahurissant. Potards poussés au max, les amplis du Bisou ont craché sec. Et la bande à Gene Simmons a fait le show : débauche d’effets visuels, confettis, vomi de faux sang, pyrotechnie et… survol de la foule en tyrolienne !

Et les autres « anciens » n’ont pas démérité : ZZ TOP a fait pousser la barbe des festivaliers en une heure chrono, le temps de balancer ses tubes jouissifs. Quant à LYNYRD SKYNYRD, il a fait ses adieux devant une foule impressionnante. Le rock sudiste du gang floridien n’a rien perdu de sa superbe. Surtout quand il envoie un « Simple Man » beau à pleurer ou un « Sweet Home Alabama » ! Et que dire de ce rappel qu’on n’attendait pas (le groupe ayant dépassé son créneau) constitué de « Free Bird » et son solo mythique : ju-bi-la-toi-re. Après avoir entendu ce titre en live, croyez-moi que l’auteur de ces lignes peut mourir tranquille !

5) Les adieux

Slayer sur scène. Un goût d’enfer. (Photo tmv)

L’édition 2019 du Hellfest a également été marquée par le dernier concert des Américains de SLAYER. Les rois incontestés du thrash metal signaient là leur ultime passage français, pour cette tournée d’adieux. Set list monstrueuse (« Disciple », « Season in the abyss », « Hell Awaits », « Gemini », « Evil has no boundaries », « Angel of death », etc.), hargne dingue, concert brutal à souhait, scène envahie par une immense toile aux couleurs de l’Enfer et des rideaux de flammes…

Slayer a offert l’un de ses meilleurs concerts et tire sa révérence de manière sublime.

Slayer ? C’était le feu. (Photo tmv)

6) Ultra Vomit : la France brille (et rit)

Le Hellfest avait choisi cette année de mettre en place un vendredi spécial scène française sur la Mainstage. De KLONE à MASS HYSTERIA en passant par les énormes GOJIRA. Mais c’est ULTRA VOMIT qui, une nouvelle fois, a enflammé les milliers de métalleux. Jouant à domicile, les Nantais ont balancé leur metal parodique hilarant, dévoilant une Maïté peinturlurée en chanteuse de black metal, faisant venir une chorale gospel et un Jésus en maillot de foot qui distribue des hosties derrière une scène où apparaît un immense logo Jésus, façon ACDC. Sans oublier, bien sûr, la venue d’un faux Calogero (sur leur titre « Calojira ») qui aura berné tout le monde !

(Capture d’écran Arte concert / Ultra Vomit)

7) Metal maori et alerte aux fous

Dimanche, 10 h 30 du matin, la tête enfarinée, l’oeil bovin et l’haleine chargée de relents de la bière de la veille, on se dirige vers la Mainstage pour jeter une oreille sur ALIEN WEAPONRY. Bon, le nom est laid, le logo tout autant. Et pourtant sur scène, ces Néo-Zélandais vont mettre la torgnole matinale grâce à du metal maori ! Sur de gros riffs rappelant les Soulfly et Sepultura époque « Roots », les jeunôts alternent des chants maoris, traditionnels ou metal. Chouette !

Dans la foulée, on a assisté à INSANITY ALERT. Sur scène, ces Tyroliens (oui, oui) sont déchaînés. Oeuvrant dans le thrash crossover, les riffs s’enchaînent, rapides et véloces, tranchants et imbibés de bière et d’herbe qui fait rire. Heavy Kevy, le chanteur, balance vanne sur vanne et semble complètement torché alors qu’il n’est qu’onze heures du mat’. Dégaînant une pancarte avec la photo de David Guetta, il hurle « Pourquoi David Guetta est encore vivant ?? ». Derrière, sont diffusés des messages comme « Je m’appelle Mireille ». Pourquoi ? On ne sait pas. Mais les Autrichiens ont filé le sourire à tout le monde ce matin-là.

(Photo tmv)

8) Folie, émotion et vikings

Qui d’autre a-t-on vu ? Les tarés de PUNISH YOURSELF (prenez de la grosse techno hardcore et mélangez avec un mur du son punk et metal), le « super-groupe » DEADLAND RITUAL (avec le bassiste de Black Sabbath !), ou encore l’instant émotion avec EAGLES OF DEATH METAL. Le groupe connu pour les tristes raisons que l’on sait, était de retour sur les terres françaises après avoir été banni suite aux paroles polémiques du chanteur après l’attentat. Le Californien arborait cette fois un badge « Life for Paris », du nom de l’asso des victimes et s’est fendu d’un « je vous aime » en français.

Revocation (Photo tmv)

Le dimanche, on a aussi aimé le thrash monumental de DEATH ANGEL, le death-thrash ultra technique mais un peu m’as-tu-vu de REVOCATION (des musiciens qui ne se prennent pas pour des manches, ouarf), le black metal grec et poisseux de LUCIFER’S CHILD, le death culte d’IMMOLATION ou de VLTIMAS (regroupant des musiciens de Mayhem, Cryptopsy et Morbid Angel !).

Les frenchies de Punish Yourself (Photo tmv)

Enfin, petit bonus avec SKALD, la nouvelle sensation de la scène musicale viking. Avec costumes et instruments traditionnels (lyre, talharpa, etc.), ces Français pratiquent une musique nordique, envoûtante, percutante, au lyrisme prononcé, piochant ses influences dans la mythologie scandinave, le vieux norrois, les légendes islandaises. À en voir l’immense foule massée pour les voir, Skald a confirmé que son ascension était loin, très loin d’être terminée.

Céline, une festivalière du Hellfest (Photo tmv)

9) Les deux claques du festival

Il aura suffit d’assister au concert terrifiant de CULT OF LUNA pour se prendre l’une des plus grosses baffes du week-end. Show dantesque, jeu de lumières confinant au sublime, voix surpuissante, transcendée par un mur du son et… deux batteries ! L’effet est fou et la musique pachydermique des Suédois aura fini notre samedi en beauté.

Retenons aussi EMPEROR, dimanche, qui nous a autant écrasé qu’un bulldozer croisé avec un mammouth :musique froide, technique, complexe, épique, aux envolées explosives ou symphoniques, les pionniers du black metal norvégien ont brillé.

Le soleil se couche sur le camping du Hellfest

10) L’événement Tool pour finir

Autant dire qu’après 12 ans d’absence en France, la venue du groupe légendaire TOOL était plus qu’attendue, le dimanche à 0 h 30. D’autant que le Hellfest essayait d’avoir la formation depuis bien des années.

Au final, du grand spectacle, des écrans géants enveloppant la scène de mini-films psyché et envoûtants. Envoûtant, comme la voix de Maynard James Keenan, véritable OVNI, pépite maniant les variations comme personne. Musique dense, intellectuelle, mélodieuse et mélodique, aussi mystérieuse que le groupe en lui-même. Un instant rare, un instant magique. Idéal pour finir un week-end extraordinaire.

Le prochain Hellfest aura lieu du 19 au 21 juin 2020.

Textes et photos : Aurélien Germain

Un tour au marché : Velpeau (4/6)

(Série 4/6) Cœur d’un quartier réputé pour son esprit village, la place Velpeau accueille deux marchés hebdomadaires. En route pour celui du jeudi, moins connu que son grand frère du dimanche, mais plein de pépites !

L’odeur de poulet rôti flotte jusqu’au bout de la rue de La Fuye et nous signale que les commerçants sont déjà bien installés sur la place Velpeau. Il est 9 h, il pleut et les clients se font rares.

Dans son camion, le fromager en profite pour passer ses commandes : de la mozarella, de la burrata, du saint-nectaire… Les huit sortes de gouda nous font de l’oeil dans sa vitrine.
Blotti sous leur parapluie, un couple de clients vient lui apporter un café.

Pas de doute, les adeptes du marché du jeudi sont des habitués. Des têtes grises, une jeune maman avec sa poussette, qui nous avoue préférer ce jour-là, plus calme que le dimanche matin. Plusieurs commerçants viennent les deux jours.

C’est le cas de Karine, maraîchère à Fondettes. Six matins par semaine, son mari et elle se partagent les marchés, l’après-midi, c’est préparation des cageots et travail à l’exploitation. À 10 h 30, les tables où elle présentait ses premières fraises sont déjà presque vides.
« Des malvina. Ensuite, j’aurai des anabelles jusqu’à fin octobre. » Une cliente soupire, elle en a marre du céleri-rave, Karine rigole : « C’est ça avec les saisons ! Allez, un peu de patience, c’est la fin des légumes d’hiver ! » « On parle beaucoup d’environnement, souligne Aurélien, et les gens qui font leur marché y sont souvent bien plus sensibles. » Il propose la consigne pour ses pots de confiture et les clients les ramènent de bon cœur.

Lui aussi est producteur mais dans le produit laitier. Sa femme a repris la ferme familiale des Grands Villepins, à Montreuil-de- Touraine et il tient les stands : Velpeau le jeudi, Amboise les vendredis et dimanche. Il y vend des fromages (de vache ! Oui, ça existe en Touraine), des yaourts, du beurre fermier et de la crème. Et des confitures maison, pour accompagner le tout.

« Ici, c’est plutôt pour nous faire connaître des Tourangeaux. On vend beaucoup plus à Amboise. » « J’ai vu le marché rétrécir au fil du temps, soupire Eric, le fleuriste. On se serre, pour ne pas laisser de trous mais il y a quelques années, le marché du jeudi allait jusqu’au bout de la place. » Le marché du jeudi garde tout de même de beaux restes. On y trouve un poissonnier, un charcutier, un traiteur asiatique, deux camelots, un fleuriste, sans compter les primeurs, les fromagers… L
’odeur de poulet rôti est couverte par celle des plumes brûlées d’une main experte par le volailler. Le ciel s’est dégagé et la queue s’est allongée devant son camion.
Un étal présente exclusivement des légumes bio. La vendeuse vient du Puy-Notre-Dame, à côté de Saumur, et un peu désolée, explique à un client : « Ce sera la dernière fois la semaine prochaine. Mon patron arrête les marchés de semaine, ça ne rapporte plus assez. »

Son voisin, secoue la tête : les jeunes ne cuisinent plus, c’est pour ça que les marchés souffrent. Le fleuriste, qui travaille depuis toujours sur les marchés, fait tous ceux de la ville, tient chaque samedi un grand stand à l’entrée du marché aux fleurs du boulevard Bérenger, confirme : « Les marchés de semaine ne sont plus adaptés aux horaires des gens. Est-ce qu’on peut trouver un moyen de faire venir les jeunes ? Je ne sais pas. La ville a essayé de lancer un marché le mardi soir aux Deux-Lions mais ça n’a pas pris. Le dimanche, par contre, ça reste une promenade et les gens sont contents d’avoir de l’animation près de chez eux. »

« LE PLACEMENT, ÇA NE SE FAIT PAS N’IMPORTE COMMENT »

Jean-Luc approuve. La semaine, il couvre tout juste ses frais. Alors pourquoi continuer ? « Parce que j’aime ça ! On ne gagne pas beaucoup, mais on est libre, on est solidaire, on se donne toujours le coup de main si un camion tombe en panne ou s’il y a besoin d’aller chercher une bricole. » Il travaillait dans la grande distribution avant de devenir marchand de primeurs. « J’ai aidé un copain qui vendait ses pommes, ça m’a plu et je me suis dit : pourquoi ne pas tenter ? »

Il se lance pour un essai de six mois, renouvelle l’expérience. Dix ans désormais qu’il monte et démonte ses tables et ses grands parasols bleus et blancs sur le goudron. « Le premier hiver, quand tu vends des patates ou des navets, qu’il fait froid, c’est rude, avoue-t-il. Il faut faire venir le client ! C’est plus facile avec les tomates, » dit-il en montrant de jolies tomates-grappes jaunes dénichées au marché de gros.

Dans son petit camion La Cabane Enchantée, Nadège propose des débats, des ateliers de
yoga ou d’éveil sensoriel pour les enfants, les parents et les professionnels de la petite enfance.

Pendant que nous discutons, Louis, le placier-receveur de la Ville, encaisse les paiements. Ils sont huit agents municipaux à se partager ce travail, six jours sur sept, dans les différents quartiers. Et le métier est plus complexe qu’il n’y paraît.
« Le placement, ça ne se fait pas n’importe comment, explique Louis. Les bouchers, c’est dos au soleil, les primeurs, au contraire, face au soleil et les poissonniers, sur l’extérieur, pour permettre l’écoulement de l’eau… »

À 13 h, le marché n’est pas terminé. Si les maraîchers remballent, les employés de la ville arrivent pour nettoyer. « Beaucoup de monde travaille autour du marché, rappelle Louis. Le matin tôt et la veille, la voirie et la police municipale passent pour installer les plots ou dégager les voitures mal garées, le gardien de marché vient tirer les câbles électriques, et après, bien sûr, le service de nettoyage ! En maintenant tous ses marchés, la ville est presque dans du service public. »

TVB : la soirée de rêve !

Vendredi, le TVB a décroché son 8e titre de champion de France face à Chaumont. C’était aussi le dernier match pour Hubert Henno. Une soirée historique, donc. Vous l’avez ratée ? Pas grave, on rembobine et on y retourne.

(Photo Julien Pruvost)

Une heure avant le coup d’envoi, c’est déjà bouillant. Seules les deux tribunes de placement libre sont bien pleines (« premiers arrivés, premiers servis ! », comme le dit une supporter juste derrière moi), mais ça gronde quand même dans les gradins.

Et quand les Intenables, dans la tribune opposée, tentent un petit « Allez, TVB ! » histoire de se mettre en train, c’est une voix profonde et puissante qui répond, un écho multiplié par 100 : « Alleeeez TVB ! ».

Sur le parquet, des types grands comme des allumettes russes s’échauffent et font des trucs incroyables avec leur corps.
« Tu savais qu’on pouvait envoyer son pied au-dessus de sa tête comme ça, toi ? ». « J’sais pas. Jamais essayé. »

Après, ils se mettent à jouer au ballon, mais au pied. Dans les gradins, ça balance : « C’est eux qu’on aurait prendre au TFC, on s’rait peut-être un peu moins dans la mouise ! »
Les minutes s’égrainent, la pression monte. Les journalistes commencent à arriver sur les pupitres réservés, les photographes claquent leurs premières images. Ils s’échauffent un peu, eux-aussi.

Quelques minutes avant le coup d’envoi, ce sont les partenaires qui s’installent dans les tribunes latérales, en provenance du pot d’accueil offert par le club. Puis monsieur le maire, costard sombre et cravate rouge, qui prend sa place.
Tout le monde est là, la télé a ouvert les vannes : le show peut commencer.

La star Hubert Henno

Les applaudissements sont nourris pour accueillir l’équipe de Chaumont. D’un geste de la main, les joueurs saluent la trentaine de supporters qui ont fait le déplacement de la Marne, tout de rouge vêtus.
Mais quand le premier joueur tourangeau revient sur le terrain, c’est un tonnerre, c’est un rugissement, c’est une explosion. On se dit que plus, ce n’est pas possible, mais le deuxième joueur qui arrive, c’est Hubert Henno, figure mythique du club, seul rescapé de l’équipe championne d’Europe en 2006 et qui joue, ce soir, son ultime match, à Tours.

(Photo Julien Pruvost)

Et là, en plus du bruit, c’est un cri scandé qui descend des tribunes : « Hubert ! Hubert ! Hubert ! ». Émouvant. Vient ensuite une Marseillaise intense, qui se termine a cappella. Puis le jeu. Très vite, le TVB fait comprendre à tout le monde qu’il n’y aura pas de suspense, ce soir. La domination est totale.
Sur chaque service qui claque dans le camp de Chaumont une explosion de joie, sur chaque smash, un hurlement, sur chaque block, un soupir admiratif. Les points défilent. Monsieur le maire tombe la veste. La sueur coule, les voix se perdent. Les challenges vidéo n’y changent rien. Pour conclure les sets, la salle entière est debout, tapant en rythme, comme un seul cœur, jusqu’au point final.

La balle de match se joue en réception. C’est, peut-être, le dernier point d’Hubert. Le chant rien que pour lui, reprend. Il touche la balle. Clameur. Le point est perdu mais le match est déjà gagné. 10 points d’avance, tout le monde le sait depuis un moment.

Ensuite, il y a la coupe qui passe de mains en mains, Hubert qui valse dans l’air puis qui enlace monsieur le maire, définitivement passé au tee-shirt blanc et bleu. Il y a le champagne dont on s’arrose, les mines dépitées des joueurs en noir et les sourires lumineux des supporters qui croisent ceux des joueurs.

Merci TVB !

Un tour au marché : Amboise (3/6)

(Série 3/6) Au lendemain de la visite présidentielle sur la tombe de Léonard de Vinci, à Amboise, nous sommes allés faire un tour sur le marché de la ville, en bord de Loire. Sur ce marché historique et ombragé, on partage surtout le goût de la proximité et des bonnes choses.

« C’était quand la dernière fois qu’on l’a servi, Léonard de Vinci, y’a pas si longtemps, si ? » Stéphane, hilare, s’amuse comme un gamin derrière son magnifique étal de poissons.

C’est un historique, Stéphane. À douze ans à peine, dans les jambes de son père, il vendait des kilos de moules emballés dans du papier journal. Aujourd’hui, il commence à entrevoir l’âge de la retraite.
« C’est dans quatre ans, mais j’en parle dès maintenant. Il faut au moins ça pour trouver un repreneur… C’est dur comme métier, vous savez… » Stéphane, ancienneté oblige, a eu le droit de choisir son emplacement, parmi les premiers, au moment du déménagement du marché en bord de Loire. Tout comme Gilles, en face de lui, qui vend des volailles, des poulets surtout et des dindes, des chapons et du foie gras en saison.
« Ce sont toutes des bêtes que j’ai élevées et que j’abats spécialement avant chaque marché. »

ll vend un peu en direct, à l’exploitation, Gilles, mais ce qu’il préfère, c’est retrouver ses clients derrière son petit étal vitré dont il peut faire le tour en tendant les deux bras. « Mes parents sont arrivés sur le marché en 1956, moi j’ai repris en 93. » Soixante ans de bouche-à-oreille, y’a pas à dire : ça vous fait une réputation.

De Léonard, décidément, il est beaucoup question. Au détour d’une allée, un petit groupe ironise : « Il est pas enterré à l’église Saint-Florentin, De Vinci. C’est en plein centre-ville, Saint-Florentin ! » Sans doute quelque journaliste parisien un peu pressé et mal informé aura t-il confondu avec la chapelle Saint-Hubert, qui se trouve, elle, dans le château royal. La veille du traditionnel marché, deux présidents, français et italien, sont venus s’incliner sur la célèbre stèle à l’occasion du 500e anniversaire de la mort du génie.
Mais le ciel clair et le vent frais de ce vendredi matin ont tôt fait de balayer cette journée un peu folle où plus âme qui vive n’avait eu le droit d’arpenter à sa guise les pavés de la cité. « Autant le dimanche, les gens viennent pour la balade, ils arrivent de Tours ou de Blois ou de plus loin encore, autant le vendredi, c’est une clientèle locale, qui vient vraiment faire ses courses », explique Jean-Paul, compagnon boulanger qui voue au pain et à ses dérivés une passion communicative. « Je suis dedans depuis mes quinze ans, c’est ma vie ! », résume t-il, philosophe.

Soudain, un papy peu bavard se poste devant l’étal et lance un laconique : « Il m’en faut deux ! ». Pas besoin de précision : Jean-Paul sait deux quoi. Deux belles boules de campagne qui feront la semaine. Mais tout le monde n’a pas eu la chance de rencontrer, comme Jean-Paul, une vocation précoce. Maxime, posté de l’autre côté de l’allée fait partie de ceux qui ont changé de vie.
« Avant, j’étais commercial dans un secteur qui n’avait rien à voir. Mais je m’ennuyais, ça ne me convenait pas. Les gens de la génération d’avant, je crois, voulaient de la reconnaissance sociale, des métiers valorisant, gagner de l’argent. Pour ma génération, c’est très important d’avoir un métier qui ait du sens ».

Hélène et Romain, du Van.

Alors Maxime vend des légumes, bio et locaux pour la plupart. Il déniche des producteurs, il va les rencontrer, voir comment ils travaillent et, quand il tend une botte de carotte à un client sur le marché, ça se voit bien que ce n’est pas seulement une botte de carottes. Du sens, il en a trouvé, merci, ça va.

« IL FAUT AIMER LES GENS POUR FAIRE CE MÉTIER »

Pareil pour Corentin, un peu plus loin. Ancien apprentis dans une exploitation maraîchère de l’Indre, il donne encore le coup de main pour les marchés. « Nous, on est les seuls producteurs, bio, sur le marché d’Amboise. » En cette saison de plantation, on peut venir chercher ses plants ici et participer, du même coup, à la préservation des variétés historiques puisque 35 variétés de tomates et six de basilic sont à portée de main.
Et, de l’autre côté de l’étal, les mêmes variétés, mais prêtes à consommer celles-là. « En ce moment, nous avons les toutes premières courgettes, les mini-carottes et les fenouils nouveaux. »

À les contempler, l’âme du cuisinier se réveille. L’exploitation fournit d’ailleurs plusieurs restaurants gastronomiques de la région. Tous, clients comme commerçants, quand on leur demande ce qu’ils aiment retrouver quand ils viennent ici, chaque vendredi ou chaque dimanche de l’année, répondent d’une seule voix : le contact avec les gens ! « Il faut aimer les autres pour faire ce métier, c’est une chose que l’on a ou que l’on a pas. » résume François, en nous tendant pour qu’on y goûte une fine tranche de filet mignon séché et fumé.

« C’est plus convivial, on peut discuter avec les gens, on peut demander des conseils, des recettes… » confirme Régis bien parti pour remplir à l’en faire craquer son grand tote bag aux couleurs de la Région. « Je me tâtais pour venir ce matin, explique cette dame, un peu fatiguée, devant l’étal de sa fromagerie préférée, mais j’aime tellement vos confitures ! ». What else ?

Un tour au marché : Lakanal-Strasbourg (1/6)

[Série 1/6] Le temps est idéal pour faire son marché. Tmv a donc pris son plus beau panier et parcouru quelques unes des nombreuses allées colorées de Touraine, tentant de capter l’ambiance et l’identité de six marchés parmi la dizaine existante. Premier arrêt, jeudi, dans le quartier Lakanal-Strasbourg.

 

Comme chaque jeudi, c’est jour de marché sur la place goudronnée. Plusieurs chariots de course, quelques poussettes et une ou deux cannes convergent vers les étals.
« Est-ce que je t’ai dit Michel que j’allais marier mon fils ? », lance une cliente à son maraîcher. « Bonne journée madame, à bientôt », peut-on aussi entendre en écho au traditionnel, « et avec ceci ? ».

Avant 9 h 30 voire 10 h, on croise surtout les habitués, armés de leur panier ou de leurs cabas. Les irréductibles du marché Strasbourg. Des retraités ou travailleurs matinaux qui veulent être certains de trouver tous les produits de leur liste griffonnée rapidement sur un morceau de carton.

À L’OMBRE DES PLATANES

Chaque semaine, ils reviennent à l’ombre des platanes choisir leurs fromages, attendre dans l’interminable file chez le boucher ou discuter autour d’un café. On les appelle par leur nom ou leur prénom et ils connaissent ceux des commerçants par cœur, comme cette dame de 90 ans qui ne louperait ce rendez-vous hebdomadaire seulement si sa santé l’y obligeait.

Ce joyeux brouhaha de conversations et de rires se mêle à la voix discrète de feu Daniel Balavoine, émanant des enceintes du crémier. Dans les allées, vers 11 h, les poussettes et les draisiennes commencent à arriver pour animer un peu le marché.
Les odeurs réconfortantes de l’enfance émanent alors des étals, comme ces senteurs de fleurs qui contrastent avec celles des poulets rôtis.

Parmi la trentaine de commerçants présents sur cette place, il y a Jérôme et son épicerie qu’on qualifiera de fine, même s’il est trop modeste pour l’avouer. Olives, fruits secs ou confits, épices, thés et tartinades… Ces saveurs exotiques ont du succès (autant que l’humour de son vendeur) si l’on en croit l’affluence devant son camion.

Arrivé en 2006, il ne fait pas partie des plus anciens du marché, à l’instar de Thierry Soriano, présent depuis 35 ans place Strasbourg. Chaque semaine, ce dernier expose ses volailles de la Sarthe, de l’Orne et de la Mayenne. « C’est un marché convivial, qui n’a pas changé », explique-t-il en réponse à Christiane, cliente retraitée, qui a l’impression qu’au contraire, il se dynamise et s’agrandit.
Les clients « de toujours » ou « les occasionnels » semblent toutefois s’accorder sur le fait que ce marché familial propose vraiment de tout — de la salade au Porto — et que les commerçants demeurent de précieux conseillers et des oreilles attentives. Il faut dire que certains ont de la bouteille. 

Philippe et Christine Masson, poissonniers de père en fils, sont eux aussi arrivés il y a plus de trois décennies. Sur la glace, des araignées, du homard, de la sole ou du turbot, mais surtout, du lieu jaune pêché à la ligne comme « c’est la pleine saison ! », précise le poissonnier en levant ses filets. Des produits sortis de l’eau dans la nuit même, par de petits pêcheurs de la Turballe et du Croisic.

« LES DERNIERS PÂTÉS DE PÂQUES DE MA CARRIÈRE »

« On est plusieurs à se suivre depuis des années », sourit ainsi Pierrette quelques allées plus loin, derrière son étalage de charcuterie aux couleurs de Pierrette et Modeste, Aux fins gourmets.

« Ce sont mes derniers pâtés de Pâques », confie-t-elle avec « fanfan », sa vendeuse, « la retraite, c’est pour la fin de l’année ! » Bientôt, on ne dégustera plus ses rillettes et ses rillons maison ni son jambon blanc : « on en vendait jusqu’à 60 kg par semaine », estiment les deux femmes.

Mais la relève est là place Strasbourg. Surtout pendant les vacances. Alanis, 17 ans, travaille sur les marchés depuis ses 15 ans et vend ses fraises avec le sourire, le téléphone dans la poche et les écouteurs apparents.
« Ce n’est même pas que j’aime faire les marchés, c’est que je suis née dedans. Ma tante Julie et ma mère viennent ici depuis plus de vingt ans et quand je suis née, elles m’ont emmenée avec elles, me posant dans un parc derrière le stand », raconte celle qui retournera en cours à la fin des vacances.

À peine plus âgé, Baptiste Delaunay, est un jeune primeur de 20 ans, installé à son compte depuis quatre mois sous le nom de Le Coudray Primeur. Fils de boulanger, il n’a pas baigné dans cet univers mais veut s’accrocher. « Je travaille avec des producteurs locaux et bientôt je veux produire aussi des champignons », décrit-il devant ses carottes jaunes et ses asperges blanches.

Mais la relève, c’est aussi Claire Turpin de Aux Pains etc (retour de congés le 9 mai) arrivée il y a un an sur la place Strasbourg. Farine bio, levain naturel, cuisson au feu de bois font la particularité de ses pains traditionnels ou aux plantes de saison. Une de ses clientes avoue aussi craquer pour ses fougasses et tmv pour ses biscuits. Et vous, qu’attendez-vous pour aller rencontrer ces producteurs locaux et déguster ces produits de qualité ?

L’école de musique de Saint-Avertin et le Tours soundpainting orchestra réunis

Les musiciens de l’école municipale de musique de Saint-Avertin préparent un projet hors norme : improviser un concert avec le Tours soundpainting orchestra. Une création d’un soir à découvrir le 30 mars.

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Les musiciens jouent aussi avec leur corps

Une trentaine de personnes déambulent sur la scène du Nouvel Atrium à Saint-Avertin. Elles marchent lentement, occupent tout l’espace, accélèrent le pas, ralentissent, s’observent, se disent bonjour du regard… Tout à coup, une personne s’arrête. Tout le groupe l’imite. Puis elles avancent à nouveau, s’arrêtent, ferment les yeux, pointent le doigt vers un projecteur ou un siège, et repartent…

Le groupe suit les consignes de leur guide Angélique Cormier : « Je vais là où je regarde et je regarde là où je vais », indique-t-elle. Pourquoi cette curieuse déambulation ? « Pour se familiariser avec la scène et se rencontrer. »
On dirait un cours de théâtre, mais en réalité, c’est la première répétition des élèves de l’école municipale de musique de Saint-Avertin sur scène, en prévision de leur prochain spectacle : un concert improvisé avec le Tours soundpainting orchestra, ensemble dirigé par Angélique Cormier. Un sacré challenge pour les musiciens des classes de cordes et de flûtes traversières, de l’atelier de musiques actuelles et de l’orchestre à cordes.

Avec le soundpainting, les élèves apprennent à utiliser toutes les possibilités de leur instrument.
Avec le soundpainting, les élèves apprennent à utiliser toutes les possibilités de leur instrument.

Chaque année, l’école mène un projet original pour « favoriser la rencontre avec des professionnels, apporter de l’éclectisme aux élèves et les placer dans des situations artistiques variées », précise la directrice Céline Halbout. Théâtre, bal Renaissance… et cette année : soundpainting. L’ idée vient de l’équipe pédagogique, certains enseignants comme Erick Pigeard (percussions) connaissant déjà cette pratique.

Inventé par le new-yorkais Walter Thompson dans les années 70, c’est un langage des signes universel qui permet de composer en temps réel des pièces de musique, danse, théâtre… grâce à un dialogue entre le soundpainter – sorte de chef d’orchestre qui fait les signes – et les artistes improvisateurs. Dans le rôle du soundpainter : Angélique Cormier, la fondatrice du Tours soundpainting orchestra (TSO), qui a découvert ce langage en 2005 en Touraine.

Angélique Cormier dirige l’ensemble à l’aide de signes, le langage universel du soundpainting.
Angélique Cormier dirige l’ensemble à l’aide de signes, le langage
universel du soundpainting.

« Ce fut une révélation, un coup de foudre », se souvient-elle. La jeune femme traversa l’Atlantique pour se former auprès du maître new-yorkais puis créa le TSO fin 2005. L’ensemble professionnel monte des spectacles, en région Centre-Val de Loire comme à l’international, et des projets pédagogiques.

À l’école de Saint-Avertin, l’expérience a démarré dès la rentrée, en septembre dernier. Les élèves ont travaillé et appris par coeur des extraits musicaux sélectionnés par leurs enseignants, devenus un matériau d’improvisation identifié par un signe de leur invention. Lors des précédentes répétitions, ils ont appris plusieurs dizaines de signes de soundpainting. « Les signes parlent d’eux-mêmes, ils sont assez logiques », apprécie le flûtiste Grégoire, 15 ans.

PARTIR D’UNE PAGE BLANCHE

Ce samedi-là, après leur déambulation, les élèves retrouvent chaises et instruments pour la suite de la répétition. Pas question, en revanche, de se cacher derrière un pupitre : ici, point de partition. « Lâcher le support écrit n’est pas facile pour eux, mais ensuite ils se sentent plus libres », remarque la professeure de violoncelle Lucile Louis. Les musiciens jouent avec leur instrument, leur voix, leur corps…

Travailler sur le corps permet de se sentir moins nu sans pupitre.
Travailler sur le corps permet de se sentir moins nu sans
pupitre.

Seule limite à leur créativité : l’imagination… Et peut-être la peur d’improviser ? « Wrong is strong est la première chose qu’Angélique nous a dite, rapporte la violoncelliste Sophie. Il n’y a pas d’erreur. La fausse-note fait partie du spectacle. » Le mot d’ordre d’Angélique Cormier : se déconditionner. « Le soir du spectacle, je partirai d’une page blanche. » Mais alors, comment se préparer ?
Reportage_TSO5« Lors du concert, les élèves devront être présents et acteurs de A à Z. La présence, essentielle, donne vie à la musique. » Rien de tel, donc, que des jeux d’écoute : reproduire une phrase improvisée par un soliste, y ajouter une variante ou une réponse. L’entraînement porte ses fruits : « Bravo, vous captez bien les notes. Promenez vos oreilles, tendez des fils d’écoute entre vous », les encourage la fondatrice du TSO.

Après un travail sur les signes, histoire de réviser leur langage, le groupe improvise des pièces de quelques minutes sous la houlette du soundpainter. L’occasion pour les musiciens de mettre en pratique ce qu’ils ont appris. Que pensent-ils de l’expérience ? « C’est bizarre mais génial », résume Grégoire. « Au début, tu flippes, tu te dis “ c’est quoi ça ? ”, puis “ ouah, il se passe un truc ! ” », ajoute la violoniste Noémie.
Ce truc, la clarinettiste Christine l’appelle « la tension créatrice » : « Elle naît de notre hyper-concentration et crée une liberté. C’est unique, incroyable ! » Démonstration sur scène le 30 mars.

Photos et reportage : Nathalie Picard

> Concert le samedi 30 mars à 20 h 30 au Nouvel Atrium.
> Entrée 6€ – gratuit pour les moins de 12 ans et les élèves de l’école municipale de musique de Saint-Avertin. Billetterie en mairie.

Maison Boinet : L’art de la ceinture

Pendant la Fashion Week de Paris, Maison Boinet a exposé ses créations aux Tuileries. Des produits de luxe, nés à quelques kilomètres au nord de Tours.

MAROQUINERIE_BICHONAGE
Valérie contrôle la finition de chaque minaudière : c’est le bichonnage.

Bienvenue à Château-Renault, chez l’un des derniers fabricants français de ceintures. C’est un accessoires que tout le monde porte mais que l’on oublie, il peut pourtant être très original, voire carrément couture. De l’extérieur, rien ne fait rêver une modeuse : la manufacture Maison Boinet est installée au milieu d’une petite zone industrielle.

Il faut se glisser dans une grande pièce annexe de l’usine pour entrer dans le monde des photos de mode et du luxe. Des corsets en cuir vernis et des ceintures pailletées sont présentés sur des étagères en faux marbre.
« C’est notre petit studio photo, explique Ewelina, responsable de la communication. Nous faisons le maximum de choses en interne, pour être plus souples, plus rapides mais aussi pour intégrer les salariés à chaque étape. C’est important de savoir ce qui se passe après, une fois les pièces fabriquées. »

MAROQUINERIE_EMBALLAGE
Lucie, à l’emballage, l’une des dernières arrivées chez Maison Boinet.

La petite PME a été réveillée il y a dix ans par le groupe familial Vigin qui l’a rachetée et confiée à Bruno Jourd’hui. Le directeur imagine les collections et joue les VRP sur les salons de luxe. Après Pitti Uomo, la grande messe internationale de la mode masculine, mi-janvier, les ceintures made in Touraine s’affichaient début mars au salon Première classe, à l’occasion de la Fashion week.

UNE MANUFACTURE FAMILIALE

À 160 ans, la Maison Boinet s’est aussi offert une nouvelle jeunesse en ouvrant sa boutique en ligne, un saut nécessaire pour l’entreprise qui utilise encore des machines centenaires mais imagine des corsets en vinyle fluo. Avec ses 36 salariées et ses 4 stagiaires, elle reste une manufacture familiale. Tout le monde se connaît, certaines ouvrières travaillent ici depuis plus de trente ans.

Comme Isabelle, qui contrôle la qualité de chaque peau, l’une des rares femmes à occuper ce poste plutôt physique : les peaux de vachette sont lourdes. Elle entoure à la craie chaque défaut du cuir, même invisible pour un néophyte, avant de dessiner les bandes qui seront découpées puis encollées dans une machine, à la colle à l’eau. La teinture des tranches nécessite jusqu’à sept passages, les finitions se font à la main. Il faut ensuite poser les boucles, les œillets… La plupart des ouvrières sont polyvalentes et passent d’un poste à l’autre, comme Brigitte. Aujourd’hui à la couture des pochettes Origami en vinyle de la collection Eté, elle saute du perçage à la pareuse.

Cette organisation évite aux ouvrières la monotonie mais permet aussi à la manufacture d’être plus souple. « Nous avons travaillé avec des intérimaires en période de coups de feu, mais c’était compliqué. Certains manquaient de soin », explique Ewelina.

DES PIÈCES UNIQUES

La qualité. Le maître-mot de la petite usine, labellisée Entreprise du patrimoine vivant. Car Boinet est façonnier pour plusieurs marques haut de gamme et fabrique des pièces uniques pour de grands couturiers. Elle vend également ses propres créations au Bon Marché, à Paris mais aussi dans des magasins de luxe à Tokyo, Séoul, Singapour…

Monique, chargée de la qualité, contrôle la conformité de chaque pièce : couleur, finition, « main » – la souplesse et l’épaisseur de la ceinture finie – et les estampilles, avant leur emballage. Les ceintures doivent être soigneusement protégés pour ne pas s’abîmer pendant le transport : les boucles, emballées trop serrées, peuvent marquer le cuir.

Chaque pièce est marquée à chaud, en argenté ou en doré : taille, matières, nom de la marque… et bien sûr, « made in France »
Chaque pièce est marquée à chaud, en argenté ou en doré : taille, matières, nom de la marque… et bien sûr, « made in France »

Spécialiste de la ceinture depuis 1858, Maison Boinet s’attaque au marché de la maroquinerie depuis deux ans, avec prudence, car le sac à main nécessite un savoir-faire complexe, très différent. Amandine est l’une des deux maquettistes chargées des prototypes. Arrivée à l’usine par hasard il y a six ans, elle ne savait alors même pas qu’il restait des fabricants de ceintures en France, avoue-t-elle en riant.

(capture Insta Maison Boinet)
(capture Insta Maison Boinet)

Son habileté et son intérêt pour la création ont poussé la direction à lui confier ce poste particulier. D’après un dessin technique fourni par le styliste, elle coud un premier sac, dont les proportions et les finitions seront réévaluées selon sa « prise en main ». La création fonctionne encore de façon empirique : rien de tel que le regard, le toucher, pour voir ce qui fonctionne. Elle note également le temps de coupe et de montage, pour évaluer le coût de production final.

Chaque pièce possède sa fiche détaillée : le prix du cuir utilisé, des fils, de la bouclerie, du temps de main-d’oeuvre mais aussi de l’emballage… un euro d’écart, sur une pièce fabriquée 10 000 fois, peut coûter cher à l’entreprise ou trop augmenter le prix public. Tout est calculé. Par souci d’économie mais aussi pour ne pas gâcher.

C’est ainsi que la ligne de bracelets en cuir hyper chic est née en 2012 : la maison voulait valoriser des chutes de cuir. Vous avez dit upcycling ?

Dans les coulisses de l’Espace Malraux

#EPJTMV L’Espace Malraux regorge de couloirs menant à des loges, à des salles d’archives ou encore à la régie. Visite guidée des coulisses de cette salle. Elles seront d’ailleurs ouvertes au public le dimanche 27 janvier 2019 à 14 h, avec des visites de groupes.

Salle Plisson

La salle Bernard-Plisson est la deuxième salle de l’Espace Malraux. Contrairement à l’auditorium, elle est entièrement modulable. Elle peut accueillir des concerts, des pièces de théâtre ou encore des séminaires. C’est dans cette plus petite salle que sont généralement organisés les spectacles pour le jeune public.
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Patio

C’est ici, entre la cafétéria et l’auditorium que sont organisées les avant-scènes. Avant chaque spectacle, des artistes locaux ou des compagnies en résidence se produisent sur cette petite scène. L’un des enjeux principaux de l’Espace Malraux : s’intégrer dans la vie locale et donc de promouvoir des artistes de la région.
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Scène

L’auditorium principal peut accueillir 1 008 personnes. Avec un plateau de 400 m2, c’est la plus grande salle de théâtre publique du département. À l’origine, cette scène était dédiée à l’opéra. Le sol dans la partie avant est donc amovible pour laisser place à un orchestre dans la fosse. Aujourd’hui, elle n’est plus utilisée et sert d’entrepôt pour le matériel audio. C’est donc à quatre mètres sous la scène qu’est stocké un piano Steinway.
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Passerelles

Tout autour de la scène sont installées trois passerelles à 15, 18 et 20 mètres du sol. Deux passerelles servent pour l’habillage de la scène. C’est avec un système de balancier que les techniciens montent ou descendent les décors. La passerelle électricien permet quant à elle de gérer l’électricité et la lumière sur scène. Plus de 500 projecteurs sont installés dans la salle et « oui, tous sont utilisés » relève le régisseur général.
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Ancienne régie

La vidéo, le son et la lumière étaient gérés depuis une pièce fermée face à la scène, au-dessus du public. Cette pièce, décorée avec des affiches de concerts de 1990, n’est plus utilisée car les magnétos à bandes ont laissé place à des systèmes électroniques plus performants. Pour plus d’aisance, les techniciens son et lumière ont déplacé leurs commodes de travail dans la salle.
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Loges

Derrière la scène se cachent deux petites loges individuelles. Sous l’auditorium, deux espaces servent à la fois de loge ou de studio de répétition. Au total, l’Espace Malraux compte six loges qui peuvent accueillir jusqu’à 150 personnes. Elles sont toutes équipées d’écrans pour surveiller ce qui se déroule en direct sur scène.
MALRAUX_COULISSES_LOGES

Par Alice Blain et Mathilde Warda

[#EPJTMV / Cet article fait partie du numéro 321 de tmv, entièrement réalisé par les étudiant(e)s de 2e année en journalisme de Tours]

Formations digitales : My-Serious-Game impose son jeu

Spécialisée dans la création de formations digitales personnalisées et axées sur le jeu, My-Serious-Game connaît une croissance fulgurante. Visite de cette entreprise tourangelle devenue leader sur le marché national.

REPORTAGE_ENTREE
My-Serious-Game a déménagé rue Édouard-Vaillant pour de plus grands locaux.

Mercredi matin, à deux pas de la gare. Au numéro 21 se dresse un de ces nombreux immeubles de la rue Édouard-Vaillant, coincé entre les hôtels et les résidences étudiantes. Direction le 3e étage. Il y a déjà du mouvement ici et l’ambiance est studieuse. Une poignée de main ferme et énergique nous accueille : c’est Frédéric Kuntzmann, le big boss des lieux.
Bienvenue à My Serious Game, ou MySG pour les intimes.

Ici, on crée des formations digitales sur mesure. Exit les méthodes tradi’ à coup de Power Point ronflants : MySG s’est spécialisée dans des solutions technologiques et modernes qu’elle vend aux entreprises pour qu’elles forment leurs collaborateurs de manière ludique, à travers des jeux sérieux. S’adapter à l’apprenant, en faisant appel à différentes formes comme la simulation 3 D, la vidéo interactive ou encore la réalité virtuelle.

Devenue leader français sur ce marché, My-Serious-Game a pourtant débuté il y a peu. C’était en 2014. Le duo tourangeau Aurélie Duclos et Frédéric Kuntzmann fonde à cette époque cette startup qui va vite affoler les compteurs. Aujourd’hui, elle « affiche une croissance annuelle à deux chiffres », précise la direction. Elle compte des clients comme « des grands groupes du CAC 40, des acteurs publics ou des organismes de formation et des PME ». De sept salariés au départ, on en compte désormais… 40. Un effectif qui devrait encore doubler d’ici la fin d’année.

REPORTAGE_ORDI
Les salariés créent des formations ludiques et technologiques, offrant de vraies aventures immersives.

ESPRIT STARTUP

REPORTAGE_FREDERIC - Copie
Frédéric Kuntzmann, CEO et co-fondateur de My-Serious-Game, dans son bureau

En se baladant dans les immenses et récents locaux (la troupe s’y est installée cet été), on sent que MySG, bien que devenue entreprise, a souhaité garder l’esprit startup. On pense à ces atmosphères typiques des bureaux nés dans la Silicon Valley. Murs blancs, salles lumineuses, canapés confortables à droite à gauche, des plantes un peu partout. Au beau milieu trônent un baby-foot et une cuisine. « Désolé du bazar, on a fait la galette des rois !, lance Clément Horvath, communication manager qui nous présente aussi « la machine à café customisée » : à la clé, des jeux de mots que n’aurait pas renié l’astrologue de tmv (en-dessous du thé à la menthe est inscrit « sans kebab ») et un logo détourné.

Un peu plus loin, on aperçoit un espace avec faux gazon au sol et hamac suspendu. Ambiance décontractée mais studieuse caractéristique pour une équipe dont la moyenne d’âge oscille entre 30 et 35 ans. « C’est assez jeune, car c’est une génération qui oeuvre dans le digital. Les profils sont divers : développeurs web, designers, chefs de projet, commerciaux, ingénieurs pédagogiques ou personnes issues du monde de la formation », énumère Clément.

REPORTAGE_REU
Ici, le management se fait à l’horizontale : tout le monde est autonome et responsable.

Carlos par exemple se présente comme « expert en neurosciences ». Sourire vissé aux lèvres, couronne sur la tête (il a eu la fève !), il travaille en ce moment sur une « solution digitale pour les formateurs, afin d’accompagner les gens sur leurs compétences cognitives ». La première version devrait être disponible en mai pour le marché national. Quelques secondes après, il a déjà disparu pour plancher derrière son Mac.

MySG s’est propulsée aux quatre coins du monde, lors de salons à Paris, Las Vegas, Lisbonne ou encore Londres. Montrer son savoir-faire et étoffer le porte-feuille clients avec Sanofi, SNCF ou encore le Ministère de l’Intérieur. Pour ce dernier, My-Serious-Game « a conçu un “ jeu ” pour voir comment réagir en cas d’attaque terroriste », explique Clément. Pour Bouygues Construction, « on a fourni une formation digitale pour que leurs équipes partagent les valeurs de la société. On a ainsi modélisé un chantier dans lequel le collaborateur pouvait s’immerger ».
Il y a également leur gros bébé, IFSImulation, une simulation 100 % digitale dédiée à l’application de prescriptions médicales pour un apprentissage par la pratique. Exit les faux mannequins pour s’entraîner : ici, l’étudiant(e) infirmier(e) évolue dans un environnement 3D et applique les méthodes apprises en formation.

Mais face à « un marché qui bouge vite », My-Serious-Game a les yeux rivés vers le futur. Déjà parce qu’elle vient tout juste de lever 3 millions d’euros auprès de trois fonds d’investissement. Ensuite, parce qu’elle va ouvrir des locaux à Paris prochainement. Et enfin, parce qu’elle vise un gros projet d’internationalisation.
« On est leader sur le secteur national mais on veut désormais l’être au niveau européen », annonce Clément. Leur projet ? Une solution basée sur l’intelligence artificielle. Rendez-vous à l’été 2019.

> My-Serious-Game sera présent au Vinci le 24 janvier au Human Tech Days et les 30 et 31 janvier au Learning Technologies de Paris.

REPORTAGE_AMBIANCE
Une entreprise à l’esprit startup : ça se voit dans l’aménagement du plateau de travail !

Reportage : Aurélien Germain
Photos : Aurélien Germain & My-Serious-Game

J’ai testé pour vous… la doundoun danse !

Que faire un dimanche pluvieux à Tours ? De la doundoun danse ! La rédaction a participé fin novembre à un stage organisé par l’association tourangelle Le pied à l’oreille.

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La doundoun danse ? Mais c’est quoi ce truc ?? « C’est pas compliqué, on joue sur un doundoun et en même temps on danse ! Et c’est trop cooool ! », annonce Maeva Frémont, danseuse, percussionniste et organisatrice du stage à l’association Le pied à l’oreille.

Le doundoun, c’est un grand tambour africain au son grave, fait de bois et de peaux reliées par des cordons. L’accessoire indispensable ? Les baguettes pour taper dessus ! À l’origine, la doundoun danse viendrait de Guinée, raconte Maeva Frémont : elle ferait partie des rites initiatiques de passage à l’âge adulte pour les femmes du peuple Baga. Aujourd’hui, c’est une danse mixte. Si, si ! Pourtant, à l’occasion du stage, un seul danseur a répondu présent… pour 18 danseuses.

À vos marques…

La séance commence en douceur. L’échauffement complet – des pieds à la tête – monte progressivement en cardio. Ensuite, nous découvrons le rythme (macru) sur lequel nous allons jouer et danser. D’abord, nous écoutons les trois percussionnistes, David, Olivier et Abdoulaye. Puis nous marquons le rythme avec des pas simples, tout en claquant des mains. Jusque là, tout va bien. doundoun1

Prêts…

Ça y est ! On va enfin taper sur les doundouns. Mais pas n’importe comment : David nous explique comment ne pas les abîmer, ni casser les baguettes. Comme il n’y a pas assez de doundouns, des congas (grand tambour cubain) et des poubelles renversées sont réquisitionnées. Chacun devant son « truc à taper », nous voilà fin prêts. « Ce n’est pas grave si vous ne captez pas tout. L’essentiel est de se faire plaisir ! », insiste Maeva.

Dansez !

Facile, le premier mouvement : les pieds ne bougent pas, il suffit de taper sur le temps avec les baguettes. Bien fort, ça défoule ! « Takalata poum poum ! », scande Maeva. Que signifie ce curieux langage ? Mettre des mots sur les rythmes permet de mieux les retenir. Testé et approuvé.
D’autant qu’au fil de l’après-midi, la chorégraphie se corse : rythmes décalés, pas plus difficiles, enchaînements à retenir… Je comprends mieux pourquoi une pratique de la danse africaine ou des percussions était conseillée pour participer au stage. Heureusement, mes quelques années de danse me permettent de suivre la cadence (#jemelaraconte !).
Mais voilà qu’en plus, il faut se mettre à crier. Scander des « hey ! » au bon moment. « Seule, je crie plus fort que vous tous », lance Maeva, pleine d’énergie. Et c’est vrai. L’après-midi passe très vite. Nous apprenons une dizaine de pas.
Le bilan : beaucoup de plaisir, des courbatures et surtout, l’envie de recommencer.

Testé par Nathalie Picard

> En savoir plus : Le Pied à l’oreille (lepiedaloreille.wixsite.com/danse-africaine) organise de nouveaux ateliers danse parent-enfant et maman-bébé. Samedi 15 décembre à la salle du Petit Morier (81 boulevard Jean-Royer) à Tours. Résa obligatoire : lepiedaloreille@gmail.com. 

> D’autres assos proposent de découvrir danses et percussions africaines sur Tours et environs : Choréa Corps à Saint-Pierre-des-Corps, Courteline et Anoukowadé à Tours, L’Aubrière à Fondettes, Tous ensemble 37 à Joué-lès-Tours…

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Avec Livre Passerelle, des histoires qui rapprochent

Vingt ans que l’association tourangelle Livre Passerelle raconte dans tout le département que le livre et la littérature sont essentiels au développement de chacun ! Vingt ans qu’elle transporte ses valises d’albums là où on ne les attend pas.

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Tout le monde écoute la lecture de Va-t-en-guerre, de Thierry Dedieu, au Seuil Jeunesse.

Vendredi matin, 9 h 30, à la Protection Maternelle et Infantile (PMI) des Rives du Cher, installée au pied des barres d’immeubles. Christine arrive. Elle tire une grosse valise, remplie d’albums jeunesse. Délicatement, elle l’ouvre bien grand, comme une invitation à plonger dedans.

Elle en sort quelques livres qu’elle dissémine dans la pièce. La salle d’attente est encore vide.
Puis arrive un couple avec une petite fille de 18 jours. Tout le monde se salue. Ils s’installent. Christine attend quelques instants puis s’approche de la famille, avec un grand sourire : « Voulez-vous que je vous raconte une histoire ? ». Et c’est parti. Alors que d’autres familles arrivent, l’animatrice, les enfants et les parents se liront des albums, piochés au hasard par l’un, minutieusement choisis par l’autre. Un moment de plaisir et de partage.

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Patrick et Anne-Sophie ont rendez-vous à la PMI pour leur fille Abbigaël. Ils découvrent les livres de l’association

Voilà ce que fait l’équipe de Livre Passerelle depuis sa création en 1998. Elle lit des albums aux bébés et à leurs parents dans les lieux qui les réunissent. Comme Christine, Dominique va tous les lundis à la PMI de Rochepinard-Bouzignac. Marie-Françoise lit tous les mois à la Petite Maison, le Comité d’aide aux détenus de la maison d’arrêt de Tours. Le mardi, Sarah anime un atelier de lecture pour ados à la médiathèque de La Riche. Elles lisent également chaque semaine à la sortie de certaines écoles. Avec 5 salariées (Christine Barbier, Sarah Goyer, Émeline Guibert et les deux fondatrices Catherine Métais et Dominique Veaute) et 80 bénévoles, l’association intervient dans une quarantaine de lieux en Indre-et-Loire.

LE POUVOIR DE COHÉSION

Malika, Syrienne, arrivée en France dans les années 1990, se souvient de ses rendez-vous hebdomadaires avec Livre Passerelle : « Quand mes enfants étaient jeunes, on allait à la PMI de Bouzignac, le mercredi matin, sans rendez-vous. Et la dame des livres venait. C’était magnifique. On s’amusait. La salle était pleine. Il y avait au moins 20 enfants. Et elle lisait. Parfois, les médecins venaient écouter aussi. Nous, on ne venait pas pour le médecin. On venait pour la dame. J’ai emmené mes 4 enfants jusqu’à l’âge du collège. » TMV 181024 Livre passerelle 5

Maintenant, elle y emmène sa petite-fille et retrouve le même plaisir à partager les lectures de l’association. Au-delà des bienfaits de la littérature, c’est le pouvoir de cohésion du livre et plus largement de la culture que cherche à faire vivre Livre Passerelle. « L’album, outil de création, de recherche et de lien social », c’était justement le thème du colloque qu’elle organisait le 13 octobre dernier, à l’espace Jacques-Villeret.

Pour lancer cette journée de réflexion, Catherine Métais et Dominique Veaute sont revenues en images sur 20 ans d’actions. Une série de photos attire plus particulièrement notre attention. Sur un premier cliché, un adolescent, clairement récalcitrant, se fait conter « Comment on fait les bébés ? » de Babette Cole. Sur le suivant, même scène, mais un rictus est apparu sur son visage. Il faut dire que le livre est particulièrement drôle. Sur ceux d’après, l’adolescent s’est emparé du livre, sourire aux lèvres et le lit à d’autres enfants. Manifestement à plusieurs reprises ! Mission accomplie pour Livre Passerelle…

Mais l’association n’est pas du genre à s’asseoir sur ses lauriers. En perpétuelle réflexion pour faire valoir au mieux les droits culturels pour tous, elle a créé en 2016 l’atelier Passerelle. Tous les vendredis, de 14 h à 15 h, l’association propose une séance de lecture d’albums à voix haute, ouverte à tous et totalement gratuite, à la bibliothèque Paul-Carlat. Pendant une heure, par petits groupes, les participants vont soit lire des histoires, soit les écouter, juste pour le plaisir de… les lire et de les écouter.

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« C’est vraiment une idée géniale, constate Frédéric Terrier, éditeur, typographe et directeur des Mille univers, partenaire de Livre Passerelle. Et le plus étonnant, c’est ce que ça fonctionne merveilleusement bien. Ce sont des gens de divers horizons sociaux et culturels, des réfugiés, des fonctionnaires, des retraités, de partout dans le monde, qui n’avaient pas de passion spéciale pour la littérature jeunesse et qui se retrouvent autour de l’album. Ils n’ont a priori rien d’autre en commun. Mais autour de l’album jeunesse, Livre Passerelle arrive à faire société. Et ça, c’est exemplaire. Ça pourrait être un projet gouvernemental : le livre jeunesse pour faire société. »

Une bonne idée, mais comme toute association de loi 1901, Livre Passerelle passe un temps fou à remplir des dossiers de subventions pour rémunérer ses salariés, acheter ses livres (pour soutenir les librairies), entretenir sa camionnette littéraire, etc. Autant de temps qu’elle ne passera pas sur le terrain. À bon entendeur…

Texte : Jeanne Beutter

Reportage : la rentrée au cœur de la Boîte à livres

Ça sent l’encre, le papier et les rêves, on y trouve des milliers de pages et les espoirs de centaines de romanciers qui espèrent toucher les lecteurs. Née en 1946, La Boîte à livres vit toujours au rythme des rentrées littéraires.

Marie a vu le rayon Art de vivre et Pratique suivre les évolutions de la société.
Marie a vu le rayon Art de vivre et Pratique suivre les évolutions de la société.

Il est 10 h. La grille, rue Nationale, vient de se lever et La Boîte à livres est silencieuse mais à l’arrière du magasin, une demi-tonne de livres a déjà été livrée. Pierre et Manu, les responsables de « l’arrivage », ouvrent chaque carton, les ouvrages sont vérifiés, enregistrés, puis rangés dans des bacs. Chaque libraire a le sien, il y trouve les commandes passées par les clients, les réassorts demandés et les nouveautés livrées par les éditeurs.

Tous les libraires sont passés par l’arrivage. « C’est essentiel », explique Marie-Noëlle qui travaille à la Boîte à livres depuis plus de quinze ans.
Chargée de la communication, elle organise entre autres les rencontres avec les auteurs. Le carnet d’invitations de septembre fait rêver : Gaëlle Nohant, Éric Fottorino, Boualem Sansal, Tiffany Tavernier et Adrien Bosc seront là. La Boîte à livres est considérée par le circuit du livre comme une librairie de niveau 1, les plus importantes. Avec 34 salariés, dont trois apprentis, et un fond de 65 000 titres (120 000 au moment de Noël), elle est dans le top 25 des librairies indépendantes en France. Plusieurs fois par an, les diffuseurs (Hachette, Sodis, Harmonia Mundi…) envoient leurs représentants, catalogues d’éditeurs sous le bras, présenter les nouveautés. À eux de convaincre le libraire d’acheter le dernier Angot ou le nouveau Lévy.

À l’arrivage, Pierre et Manu vérifient le bon état de chaque livre puis les scannent.
À l’arrivage, Pierre et Manu vérifient le bon état de chaque livre puis les scannent.

Cette année, une centaine de nouveaux romanciers tentent leur chance à l’occasion de la rentrée littéraire. Les éditeurs imposent certains titres, ce sont les « offices ». En fonction des goûts de leur clientèle, les libraires en commandent un certain nombre d’exemplaires : « Amélie Nothomb a ses fidèles, nous en commandons plusieurs dizaines, explique Joël Hafkin, le directeur. Parfois, un livre discret s’envole au bout de quelques semaines grâce au bouche-à-oreille ; ça été le cas pour En attendant Bojangles. Les libraires surveillent les demandes et commanderont alors de nouveaux exemplaires au fur et à mesure. »

Les invendus peuvent être renvoyés au bout de trois mois à un an ; entre temps, le stock mobilise beaucoup de trésorerie et d’énergie. Au rayon jeunesse, Jean-Christophe, représentant pour plusieurs éditeurs, montre à Véronique les nouveautés pour Noël. Sa valise est pleine de « maquettes », des livres-échantillons. Une couverture argentée nous fait de l’oeil. En vingt ans, Véronique a vu le secteur exploser. Trois libraires se partagent d’ailleurs l’espace enfants, qui va du livre en peluche pour les bébés au roman young adult.

« SI ON NE FAIT PAS VIVRE LA LIBRAIRIE, ON MEURT »

L’édition n’échappe pas aux tendances. « Il y a eu la vague des livres de cuisine vegan, des livres de chefs et maintenant, ce sont les ouvrages pratiques pour cuisiner maison vite et bien », explique Marie, responsable du rayon gastronomie, pratique et développement personnel, pour lequel la demande est exponentielle.
Si elle conseille les clients, elle transmet aussi aux représentants les demandes des lecteurs. « Par exemple, les livres de cuisine trop grands ne fonctionnent plus, les gens ont de moins en moins de place pour les stocker. » Au sous-sol, le rayon BD a grandi ; Céline, sa gardienne, lui a greffé les mangas et une sélection uchronie.

Claire, responsable du rayon polar, accroche des notes sur ses livres « coups de coeur ».
Claire, responsable du rayon polar, accroche des notes sur ses livres « coups de coeur ».

Midi. Une dame traverse la librairie au pas de course jusqu’au rayon des polars ; elle profite de sa pause déjeuner pour venir voir les nouveautés. Elle avoue être « droguée aux livres, j’en lis au moins trois par semaine. » Elle ne lit que sur papier, explique avoir besoin de toucher les couvertures, feuilleter les pages, pour faire son choix. « Catherine adore les thrillers, sourit Claire, la responsable du rayon. Comme je n’ai pas le temps de tout lire, elle me donne son avis sur certains romans. »

À l’étage, le petit salon de thé accueille quelques clients le temps de grignoter une quiche maison. Pour résister au géant en ligne, les librairies doivent se montrer imaginatives. Si la venue des auteurs stars fait toujours son effet, elles organisent aussi des ateliers, des débats, participent à des salons spécialisés. Au sous-sol, Michel, qui veille sur le rayon Essais et Histoire, prépare le stand de la librairie pour les Rendez-vous de l’Histoire. La Boîte à livres est aussi présente lors des séminaires gastronomie de l’IEHCA et propose une sélection d’ouvrages d’art au CCCOD.

Pour Joël Hafkin, qui a des idées plein la tête, il faut toujours avancer. « Si on ne fait pas vivre la librairie, on meurt. Pas d’agrandissement pour l’instant, mais nous venons de créer un rayon littérature en langues étrangères et nous préparons deux beaux projets pour 2019. »

Code Troopers : appli, ma belle appli

Il y a quelques semaines, elle a signé l’appli officielle de Fil Bleu : l’agence Code Troopers, installée à Mame, est spécialisée dans la conception d’applications mobiles sur-mesure. Un des piliers de l’économie numérique tourangelle.

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Premier étage du bâtiment Mame. Une vaste salle, où copinent autocollants et imagerie de jeux vidéos cultes et casques des soldats Stormtroopers de Star Wars, où trône un grand baby foot.
Ambiance studieuse — tout le monde travaille dur — mais décontractée — en cette fin août, les bermudas sont de mise.

Le silence est brisé par les cliquetis des claviers d’ordinateur. Sur les écrans, les lignes de code défilent. Un langage incompréhensible pour beaucoup, pas pour l’équipe de Code Troopers. Cette start-up – enfin, préférez plutôt le terme PME — vit des jours paisibles du côté du boulevard Preuilly, à Tours.
Elle a été lancée il y a 4 ans par sept jeunes sortis de Polytech. Sept amis, sept collègues, sept têtes pensantes qui avaient la tête tournée vers le numérique et son économie. Depuis, l’équipe, dont la moyenne d’âge oscille entre 25 et 34 ans, s’est renforcée. Leur travail ? « On développe des applications web et mobiles pour les PME, les petites start-up, mais aussi des multinationales », explicite Nicolas Dauphin-Moulin, l’un des derniers arrivés ici. « Tout ça, en les accompagnant du conseil au développement », ajoute Benjamin Cousin, l’un des co-fondateurs de Code Troopers.

La nouvelle équipe de Code Troopers au complet
La nouvelle équipe de Code Troopers au complet

La nouvelle appli du festival Aucard de Tours cette année ? C’est eux. WeGuide, la plateforme de mise en relation entre touristes et guides professionnels ? Toujours eux. La toute nouvelle appli Fil Bleu — officielle celle-ci — sortie en août 2018 ? Encore eux. « On les avait déjà contactés pour prendre la température, retrace Benjamin. On avait présenté Navig’Tours [pour consulter les horaires des transports — NDLR], mais ce n’était pas leur priorité à l’époque. Puis la demande a commencé à augmenter… »

De fil en aiguille, l’application mobile du réseau de bus et tramway tourangeau se construit. Puis débarque sur les smartphones. Disponible gratuitement sur Android ou iOS, elle est le côté pratique qui manquait aux voyageurs. « Elle fonctionne un peu comme celle de la RATP : vous avez les bus et tram’ en temps réel, vous pouvez prévoir des itinéraires, voir les perturbations. C’est aussi un thermomètre des lignes qui indique en temps réel où en est votre bus, quand il va arriver, etc. », énumère Nicolas.
Fil Bleu a travaillé main dans la main avec Code Troopers et l’association Valentin-Haüy, afin de répondre également aux besoins des déficients visuels.

L’OUTIL DES FESTIVALS

L’autre gros morceau de Code Troopers s’appelle Chapitô. Ce projet interne a été développé durant un an. Cet outil en ligne permet aux organisateurs de festivals de créer une appli sans connaissances particulières en informatique. Inutile d’être geek. Et pas besoin de s’arracher les cheveux : « La personne rentre ses données, choisit son logo, son code couleur, tape la programmation. Nous, on s’occupe du reste en générant une appli avec tout ça ! Tout le monde peut le faire, c’est rapide », résume Nicolas. Comptez un prix d’entrée de 2 000 €.

Au niveau local, Aucard a été le premier à tester la bête. Terres du Son a suivi. « Les Rendez-vous de l’Erdre l’ont aussi adoptée et on va probablement travailler avec Tours Événements. Maintenant, on développe Chapitô pour toucher d’autres institutions que les festivals. On va notamment le faire pour les salons, les foires, etc. »

En attendant, la vie suit son cours à Code Troopers. On enchaîne les tasses de café (leur site indique 62 tasses hebdomadaires cette semaine-là), les réunions obligatoires à 9 h 15 (« celui qui est en retard paye les croissants », se marrent Nicolas et Benjamin) et… les projets. Qui ne cessent d’arriver. Entre le bouche-à-oreilles et les plateformes de mise en relation, les guerriers tourangeaux du code se sont fait un nom. L’an passé, leur chiffre d’affaires affichait 500 000 €.
« Côté clients, en Touraine, on travaille avec MMI, RCP, Géovélo et d’autres, et ailleurs avec les casinos Barrière, des gens du secteur bancaire ou de Londres… », précise Benjamin. Fondée en 2014, Code Troopers n’a pas fini de faire bouillonner Mame, la cité du numérique.

> Retrouvez Code Troopers sur leur site internet

SNCF : à l’intérieur de la salle de la crise

Un train à l’heure, ça arrive. Un train qui a du retard, ça arrive. Un train qui est annulé, ça arrive aussi. Une multitude d’incidents peuvent perturber la circulation. Et, quand une crise se passe dans la région, c’est à la gare de Tours que cela se gère

Le graphique de circulation permet, en cas d’incident, de connaître les trains impactés et de réagir en fonction.
Le graphique de circulation permet, en cas d’incident, de
connaître les trains impactés et de réagir en fonction.

« J’ai reçu un mail de Pascal. Il nous laisse pas le temps de réfléchir. Il applique jusqu’à Étampes. Je vais appeler l’astreinte voir s’il y a d’autres préconisations chez nous », lance Philippe Duret, se saisissant de son téléphone. Dirigeant régional à la circulation, ces mots sont destinés à son collègue Fabien Maitrot, dirigeant régional opérationnel, en charge de la mobilité.

Nous sommes dans la salle de crise de la SNCF située au deuxième étage de la gare de Tours. Des fenêtres, les voies sont visibles. Autour du grand bureau central cinq sièges. Pas un de plus. En temps de crise, seulement cinq personnes sont habilitées à entrer dans cette pièce.

Dans la salle de crise, comme dans le centre opérationnel de proximité, un écran affiche le trafic.
Dans la salle de crise, comme dans le centre opérationnel de
proximité, un écran affiche le trafic.

Ce jour-là, ils ne sont que deux. La raison de cette petite effervescence est la suivante : l’abaissement de la vitesse sur la ligne Paris-Étampes. « Quand il fait chaud, la caténaire devient fragile. Si on roule trop vite, avec le contact du pantographe, on risque de tout casser », explique Philippe Duret. Mieux vaut ajouter dix minutes au temps de trajet qu’avoir une caténaire qui lâche. Tout deux sont en poste une semaine sur deux, sept jours sur sept et joignables 24h/24. En cas d’incident, ils sont systématiquement appelés et décident d’ouvrir la salle ou non. « Si on juge que ça monte en puissance, si on sait qu’il va y avoir un gros impact sur la circulation, le directeur de crise vient. Puis, au fur et à mesure, les autres astreintes vont se greffer », indique Philippe Duret.

L’essentiel de leur travail consiste à prévoir. Quand ils reçoivent une alerte météo, ils anticipent. Quand une grève est annoncée, ils anticipent. Mais « prévoir une crise n’est pas quelque chose de palpable », atteste Philippe Duret. Ce qui semble le plus important, ce sont les prévisions de durée.
« Le boulot le plus compliqué qu’on a, c’est de prévoir la fin d’incident. C’est ce que les usagers exigent », constate Fabien Maitrot. Sauf que, pendant la première demi-heure, difficile de savoir. Le temps que tout ce petit monde se mette en place, il y a un flottement. Un feu vient de passer au rouge. Qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce qu’une caténaire est tombée ? Un passage à niveau qui est ouvert ? « Il faut envoyer quelqu’un et que les informations nous remontent », explique Philippe Duret. « Une crise est bien gérée quand on a les bonnes informations », assure Fabien Maitrot. Plus la représentation de ce qui se passe sur le terrain est claire, mieux c’est.

Sur la carte, il montre la portion où l’abaissement de la vitesse aura lieu : Paris-Etampes.
Sur la carte, il montre la portion où l’abaissement de la vitesse
aura lieu : Paris-Etampes.

UNE GROSSE CRISE PAR SEMAINE

Chacun a ce qu’il appelle un « outil opérationnel » chargé de relayer les décisions prises en salle de crise. Le centre opérationnel de la gestion de la circulation se trouve juste à côté. Il coordonne la circulation des trains sur la région Centre. Chaque table de régulation agit sur un secteur précis. « Toutes les lignes ne sont pas régulées, traduit Philippe Duret. Pour les petites lignes à voie unique, ce sont les agents de circulation dans les gares qui sont responsables de la circulation des trains. » Au centre, les lignes gérées sont celles où le trafic est important. Là où il y a plus de risques d’incident.

Au sein de la salle de crise, Philippe Duret (à gauche) et Fabien Maitrot s’informent suite à la réception d’un mail.
Au sein de la salle de crise, Philippe Duret (à gauche) et Fabien
Maitrot s’informent suite à la réception d’un mail.

« 18 aussi, un département qui m’est cher », dit le régulateur de la table 3. Il ne manque pas d’humour. À moins que cela soit normal. Après tout, ils ont l’air d’avoir un langage bien à eux. S’en suit une suite de lettres et de termes difficilement compréhensibles. Encore plus quand toutes les tables parlent en même temps. « Hier, on a eu à gérer un feu de transformateur à proximité des voies vers Vierzon. Les circonstances ont fait que l’intervention des pompiers était rapide. Le courant a été rapidement rétabli. Cela aura duré deux heures. Mais quand les dégâts sont plus importants, on peut être sur une demi-journée. » Résultat : neuf trains supprimés et une vingtaine retardés.

« La plupart du temps, on est en opérationnel trois à quatre fois par semaine. On ouvre et on referme tout de suite », explique Fabien Maitrot. Par opérationnel, il faut comprendre que seul deux personnes se rendent dans la salle et évaluent la situation.
Environ une « grosse crise » par semaine est comptabilisée.

Textes et photos : Justine Brichard

Au centre opérationnel de la gestion de la circulation, le régulateur est en relation avec les agents de circulation.
Au centre opérationnel de la gestion de la circulation, le régulateur
est en relation avec les agents de circulation.

Hellfest 2018 : bière, soleil et décibels (partie 2)

Deuxième partie de notre périple au Hellfest. Cette fois, on s’intéresse à un dimanche brûlant, aussi bien sur scène que sur le site. Une dernière journée placée sous le signe des découvertes.

Hellfest 2018
Le Maître, Lemmy, a toujours sa statue en son honneur. (Photo tmv)

Lectrice, lecteur, es-tu toujours là ? Bien, parfait.
Si vous avez lu notre première partie, vous savez qu’en ce dimanche matin, on se réveille cassé en deux, suite à un petit dodo à l’arrière d’une (petite) voiture. Les cheveux en pétard, la bouche pâteuse et de la poussière dans les oreilles (c’est bon, vous l’avez, l’image sexy du journaliste ?), on s’extrait du véhicule. Il est 8 h du matin, Clisson dort encore. Le temps de faire deux trois coucous aux villageois qui se baladent tant que les rues sont calmes, et nous voilà repartis sur le site.

Au Hellfest, les concerts commencent à 10 h 30 du matin pour se finir à un peu plus de 2 h. Du non-stop. Sur place, certains festivaliers sont déjà levés. Le soleil est déjà là et il fait une bonne vingtaine de degrés. Un barman, d’une bonhomie et d’une gentillesse sans pareil, nous convainc de commencer avec… une bière ! Matinal, le monsieur, mais que voulez-vous : nous sommes des journalistes de terrain. Alors trinquons !

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En hectares, la superficie du site du Hellfest. Il y a six scènes : les deux Mainstages, la Valley, la Temple, l’Altar et la Warzone. 160 groupes s’y produisent en 3 jours.

C’est donc parti pour un tour sous la Valley, une pinte à la main, l’appareil photo dans l’autre. C’est THE TEXAS CHAINSAW DUST LOVERS qui a la lourde tâche de démarrer la journée. Le public est clairsemé, mais une chanson plus tard et la foule est là ! Parce que face à nous, les Français vont jouer comme si leur vie en dépendait.
Œuvrant dans le rock ‘n’ roll pur et dur, les « Dust Lovers » vont réveiller jusqu’au dernier des festivaliers endormis. Mélangeant le sens du rythme d’un Volbeat ou d’un Clutch, le remuage de popotin d’un Elvis Presley, avec un chant de crooner, les Parisiens proposent un excellent rock baignant dans le vieux whisk. Le set est énergique au possible, les loustics ont une patate monstre, le sourire vissé aux lèvres du début à la fin. Au beau milieu du concert, la foule obéit au chanteur qui lui demande de « faire un gros fuck »en levant un majestueux majeur au ciel. On aurait clairement repris une louchée d’un groupe aussi prometteur que sympathique.

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Les Français de The Texas Chainsaw Dust Lovers ont réveillé les festivaliers. (Photo tmv)

À 11 h 05, direction la scène principale où résonnent les premières notes de FEED THE RHINO. On ne sait pas trop à quoi s’attendre avec pareil nom, mais c’est finalement vers le hardcore / metal que lorgne le groupe. Là encore, l’énergie est au rendez-vous, les Britanniques n’hésitant pas à descendre de scène pour se frotter aux premières rangs, voire s’y jeter ! Feed the rhino ne réinvente pas la roue, loin de là, et ne propose rien d’original (on pense souvent à Gallows et à une tripotée de combos du genre), mais il le fait avec beaucoup de sincérité.

11 h 40. La Valley se remplit de nouveau. Il est l’heure d’accueillir LUCIFER. Ici, c’est retour aux années 70. Vestes à franges, fringues en jean, son rétro au programme : emmené par Johanna Sadonis (qui fait visiblement chavirer quelques cœurs masculins), Lucifer donne dans le blues rock mâtiné de heavy. L’occultisme imprègne visiblement la musique des Suédois/Allemands et rajoute une belle atmosphère aux compositions. Sur les dernières secondes, la chanteuse s’empare d’une bouteille de vin qu’elle descend au goulot. La Belle part alors sans prévenir, laissant la Bête continuer de distiller ses dernières notes.

Lucifer est en Enfer. (Photo tmv)
Lucifer est en Enfer. (Photo tmv)

Des métalleux échoués sur la plage

La pause du midi va se faire sous un soleil de plomb et les écoutes furtives de SHINEDOWN (on ne se souvient pas de grand-chose…) et THE LORDS OF ALTAMONT (qui renverse la Warzone avec son punk efficace), et à admirer les centaines de cadavres chevelus qui jonchent le sol. Car en ce dimanche, 3e jour de festival, certains ont visiblement :

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Certains sont bien éveillés : il faut rester accroché à un pantalon plus d’une minute pour gagner des vêtements ! (Photo tmv)

A) abusé de l’alcool
B) les pattes coupées à force d’enchaîner les concerts
C) mal digéré les « apééééroooos » du camping et les nuits blanches
D) Obi Wan Kenobi

Filons à la Valley pour assister à GRAVE PLEASURES. Il est 14 h 20 mais le chapiteau est plein à craquer. Les Finlandais vont alors nous transporter avec leur post-punk progressif rappelant un mix bâtard entre The Cure, The Smith, Depeche Mode, à la sauce metal. À ce titre, on reconnaît à la guitare le six-cordiste d’Oranssi Pazuzu (lire notre partie 1) dans un registre totalement différent. Mais, surtout, c’est vers Mat McNerney que tous les yeux se tournent. Le magnétique Kvohst – son surnom – scrute la foule de son regard bleu perçant. Solaire, le chanteur qu’on connaît dans Beastmilk maîtrise sa voix à la perfection et offre une performance vocale hallucinante. Gestuelle et mimiques finissent de le transformer le personnage, point névralgique du show. Géant !

Le chanteur de Grave Pleasures est connu pour son rôle dans Beastmilk. (Photo tmv)
Le chanteur de Grave Pleasures est connu pour son rôle dans Beastmilk. (Photo tmv)

Un rapprochement avec Nantes ?

Johanna Rolland, maire de Nantes, a été invitée à Clisson par les organisateurs du festival. En conférence de presse, Ben Barbaud, le patron du Hellfest, a indiqué : « Avec la Ville de Nantes, on a envie de créer des choses : pourquoi pas envisager de créer un trait d’union. »

Nebula et la cigarette qui fait rire

Après un croque-monsieur dégoulinant d’on-ne-sait quoi (notre estomac préfère ne pas savoir) devant ASKING ALEXANDRIA dont on n’a pas grand-chose à faire (leur metalcore nous en touche une sans faire bouger l’autre, comme disait Chirac), retour à la Valley. La tente a un parfum de cigarette qui fait rire, NEBULA déboule dans le plus simple appareil (ça ne veut pas dire tout nu hein) : une gratte, une batterie, une basse, un mur d’amplis poussés au max.

Le trio de rock stoner psychédélique, fondé par un ex de Fu Manchu, va nous emmener dans un trip hallucinatoire, un voyage où envolées de soli à la pédale wah-wah se mêlent à une basse vrombissante que fait résonner un Tom Davies visiblement un peu perché (vous me direz, avec un t-shirt où il est écrit « Say perhaps to drugs » [dites peut-être aux drogues]…). Planant quoiqu’un poil trop long.

Voyage psychédélique et enfumé avec Nebula. (Photo tmv)
Voyage psychédélique et enfumé avec Nebula. (Photo tmv)

La palme du meilleur concert

Manuel Gagneux (à droite) est la tête pensante de Zeal & Ardor. (Photo tmv)
Manuel Gagneux (à droite) est la tête pensante de Zeal & Ardor. (Photo tmv)

Mais dans ce déluge de bons groupes, c’est le créneau de 17 h 35 qui va connaître la plus grosse folie, le plus beau moment du festival. Après « Sacrilegium I », intro quasi dubstep (qui n’annonce en rien le style à venir), le « groupe phénomène » du moment débarque sur scène, encapuchonné. Succès grandissant oblige, ZEAL & ARDOR est tellement attendu que la Valley déborde de monde. Les photographes accrédités sont obligés de se succéder par groupe de 20 et ce, durant tout le concert !

Et pendant 45 minutes, on va assister à un show extatique, extraordinaire, une jouissance musicale. Zeal & Ardor, porté par la voix proprement ahurissante de son frontman Manuel Gagneux, mélange blues, gospel et black metal ; il le nourrit de références occultes, mais aussi de « negro spirituals », ces chants d’esclaves dans les champs de coton. Il y a une fureur folle, un groove contagieux, un sens de la musicalité incroyable, un propos parfois mélancolique voire dénonciateur torpillant le racisme. Le groupe, agrémenté de deux choristes à la limite de la folie, est possédé. La communion avec le public est merveilleuse (le tube « Devil is fine », les applaudissements sur « Row Row », la folie enragée de « Servants »). On considérait déjà Zeal & Ardor comme la meilleure chose qui soit arrivée au metal depuis dix ans. Au Hellfest, le groupe a prouvé qu’il était aussi épatant que sidérant.

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Zeal & Ardor, travail soigné sur les lights et concert magique. (Photo tmv)

On fait le bilan

Au final, la 13e édition du Hellfest aura de nouveau tenu toutes ses promesses. Tout au plus regretterons-nous l’éternel problème de la sur-saturation du site et du réseau GSM (rendant bien difficile les « eh Bébeeert, t’es oùùùù ? »), ainsi que la venue de plus en plus importante de « touristes » uniquement là que pour montrer leur trombine ou leurs nouvelles espadrilles et parce que le Hellfest, c’est rock ‘n’ roll, voyez-vous Jean-Eudes.

Pour le reste, avec 60 000 festivaliers par jour, Hellfest confirme sa place d’incontournable en France et en Europe, et son statut de meilleur « festoche metal ». Le week-end a été un plaisir absolu.

Des retombées économiques

Les acteurs locaux ont bien compris le poids du Hellfest. Si le budget s’élève à plus de 20 millions d’euros (le festival, qui a un statut associatif, vit majoritairement grâce aux festivaliers), les retombées économiques sont de 5 millions d’euros pour la ville.

Pour bien finir les trois jours, c’est Joey DeMaio, bassiste de MANOWAR, qui est venu sur scène exprès afin d’annoncer la venue de son mythique groupe de heavy metal lors de la prochaine édition. Pour la première fois, l’organisation du Hellfest a dévoilé quelques noms de la prochaine édition : Slayer (leur ultime date française), Dropkick Murphys, Mass Hysteria et Carcass.

Rendez-vous en Enfer en 2019 !

PS : Merci à Ben, Roger, tout le crew du Hellfest et bien sûr, les bénévoles !
PS 2 : Oh, et l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Votre pote Modération, tout ça tout ça…

Reportage et photos : Aurélien Germain

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Tmv retournera au Hellfest l’an prochain, promis ! (Photo tmv)

Hellfest 2018 : bière, soleil et décibels (partie 1)

Comme chaque année, tmv est allé faire un tour au Hellfest, à Clisson, pour la grand-messe du metal. On commence par le samedi ! La suite, au prochain épisode !

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Le Hellfest, by night (Photo tmv)

Décidément, il faut croire que le Hellfest a de la chance avec la météo ! Cette année encore, pour sa 13e édition, le festival metal a bénéficié d’un temps d’enfer avec soleil et températures au top. D’autant que quelques jours avant, une partie du site se retrouvait gorgée d’eau en raison des pluies diluviennes. Mais le jour-J, le ciel bleu est au rendez-vous. Craignant une canicule bis qui avait frappé le Hellfest l’an dernier, l’orga avait prévu certains aménagements : notamment un « hell fresh » (espace brumisateur géant) et, « l’attraction » du week-end, deux immenses murs d’eau de 7 mètres pour se rafraîchir, les filets de flotte formant même le mot ‘’Hellfest’’ (!).

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Un des murs d’eau, récemment installés au Hellfest. (Photo tmv)

En raison d’un gros numéro à préparer (notre 300! #instantautopromo), ce n’est que le samedi qu’on arrive à Clisson, désormais capitale du metal en France. Si vous avez lu nos anciens reportages, vous connaissez la chanson : on prend notre petite navette pour grimper jusqu’au site. Ce jour-là, Clisson est d’ailleurs saturée de véhicules et de personnes qui attendent les navettes, car – grève des trains oblige – les festivaliers se sont organisés différemment.

Après récupération des pass, les portes de l’Enfer s’ouvrent à nous. Tout d’abord, il y a un monde fou (comme d’habitude, me direz-vous…) : Ben Barbaud, le big boss du Hellfest, a annoncé 180 000 personnes sur 3 jours. Va-t-on battre le record de consommation de bière cette année ? En 2017, plus de 350 000 hectolitres (environ 1,5 million de demis de binouze) avaient été bus aux bars du Hellfest en 3 jours !

Comme chaque année, un village à la Camden a été construit dans le festival. (Photo tmv)
Comme chaque année, un village à la Camden a été construit dans le festival. (Photo tmv)

Autre chose : le festival, toujours soucieux de se renouveler, a effectué quelques modifications pour améliorer le confort des chevelu(e)s. Au hasard, des pavés devant les mainstages pour éviter les nuages de poussière (on s’en souvient l’an dernier…), des écrans géants de 250 m², des nouvelles structures, de la pyrotechnie, un immense bar central et, changement notable, l’utilisation obligatoire du cashless, un système de paiement dématérialisé. Désormais, inutile d’avoir du liquide sur soi, on peut payer grâce à son bracelet de festival. C’est pratique et on a beaucoup aimé ! Notre banquier moins quand il verra nos dépenses…

Bon et côté musique, hein ? Eh bien c’est simple. Une fois encore, le Hellfest a tenu toutes ses promesses. Sur trois jours, se sont succédé grosses têtes d’affiches (Judas Priest, Avenged Sevenfold, Iron Maiden), groupes nous rappelant notre adolescence à skate (Marilyn Manson, Limp Bizkit, Deftones…), noms connus (A Perfect Circle, Suffocation, Bad Religion, Napalm Death…), d’autres moins (Malemort, Plebeian Grandstand, Bongzilla…) et autres surprises (Joan Jett et son célèbre I love rock’n’roll ou encore Redemption, plus jeune groupe passé sur la scène principale avec son batteur de… 9 ans !!!).

Le saviez-vous ? 

Le budget du Hellfest s’élève à 22 millions d’euros (le plus gros de France), dont 0,1 % de subventions publiques seulement.  «Le Hellfest est parvenu à se construire un modèle économique viable, car nous avons su fidéliser le public», a indiqué Ben Barbaud, son créateur.

Pas l’temps d’niaiser

Après une petite balade pour zieuter les aménagements, on écoute de loin L7, groupe américain exclusivement composé de femmes, qui fait déjà perdre quelques litres de sueur aux festivaliers par son rock endiablé.
Mais on se dirige vite vers la tente de la scène Temple, que les ORANSSI PAZUZU s’apprêtent à décimer. Il faut dire que la musique des Finlandais n’est pas pour toutes les esgourdes. D’une, parce que le groupe joue fort, TRES fort (visiblement 107 décibels, même à plusieurs dizaines de mètres de là) ; de deux, car leur black metal avant-gardiste plaît surtout aux amateurs d’expérimentation musicale. Leur musique est hypnotique. Les accords de guitare jouent sur un effet de répétition, sont distordus à coup de pédales multi-effets. Exigeant et riche. C’est une plongée dans un autre monde. Difficile d’accès, mais passionnant quand on y est.

Oranssi Pazuzu (Photo tmv)
Oranssi Pazuzu (Photo tmv)

Vite, on se dirige vers la Valley – notre scène / tente préférée – où arrive Ho99o9 (prononcez Horror). Une prise de risque pour le Hellfest, le groupe proposant une mixture fusion, où punk, hardcore et hip hop (oui, vous avez bien lu) copulent gaiement. Mais les plus sceptiques du départ vont vite se retrouver pris dans le tourbillon Ho99o9, les Américains mettant une sacrée claque au public. Déjanté, furieux, politique, le combo fait preuve d’une vicieuse férocité en même temps qu’une énergie cathartique. Les deux Afro-Américains à la tête d’Ho99o9 vont repartir sous des applaudissements plus que fournis. Et bim.

Pas l’temps d’niaiser, nous voilà repartis vers la Mainstage, la scène principale, investie par JONATHAN DAVIS. Le chanteur de KoRn s’y produit solo. Le public est donc au rendez-vous et mange dans la main du frontman le plus célèbre du neo metal. À ce titre, son projet rappelle à bien des égards son groupe originel, entre basses fréquences, groove contagieux et voix si caractéristique. Au final, c’est sympathique, bien torché, mais pas non plus inoubliable.

Body Count is in da house (mais Orange Goblin aussi)

L’enchaînement suivant va faire mal à la nuque. Sous la Valley, on retrouve ORANGE GOBLIN. Déjà vus lors de la fournée de 2015, les Anglais n’ont pas changé d’un iota : Ben Ward est toujours aussi impressionnant du haut de ses 2 mètres, il chante à merveille, a le sourire vissé aux lèvres et mène son groupe de stoner bouillonnant à la baguette. Les riffs de tueur s’enchaînent, tout comme les slammeurs qui donnent bien du fil à retordre aux agents de sécurité postés aux barrières. Une dérouillée comme on aime.

Au Hellfest, on aime la poésie (Photo tmv)
Au Hellfest, on aime la poésie (Photo tmv)

Dans la foulée, on tape un sprint pour assister à l’autre moitié du set des mythiques BODY COUNT. Emmené par Ice-T, célèbre rappeur que la populace connaît davantage pour son rôle dans New York Unité Spéciale, le groupe de rap-metal avait fait bien des frustrés il y a 3 ans lorsqu’il s’était produit sur la scène Warzone. Cette année, l’orga a eu le déclic : Body Count investit la scène principale devant un parterre noir de monde.
Audacieux (le set a débuté par une reprise du morceau le plus culte de Slayer), violent (Ice-T éructe ses paroles), alternant entre ses morceaux des 90s et de son dernier album (la tuerie « Black Hoodie »), haranguant la foule de discours politiques (le Black Lives Matter) les Américains font l’effet d’un tsunami.
Preuve que derrière les t-shirts noirs des metalleux se cache un petit cœur tout mou, c’est avec un grand sourire bébête qu’on assistera à la venue sur scène de la fillette d’Ice-T, âgée de 2 ans, pour que papa poule la fasse applaudir.

Juste après, le hit « Cop Killer » finira d’achever une foule exsangue. Oui, la transition était brutale, mais on ne savait pas comment terminer cette partie.

Le savoir inutile  

Cette année, nous avons pu croiser un homme déguisé en licorne, un Jésus, de faux gendarmes alcoolisés qui chantaient sur un toit, des familles et des gens de 6 à 666 ans, tonton Zegut, Nephael la présentatrice d’émissions à déconseiller aux moins de 18 ans, un monsieur à qui l’on tartinait de la crème solaire sur son entrejambe tandis qu’il dormait, une mamie rockeuse et des bénévoles super sympas.

Il est déjà 21 h 05 : DEFTONES est là pour balancer la sauce. L’un des fers de lance du neo metal est visiblement attendu. La masse grouillante s’agite devantla set list parfaite aux allures de best of. Les ricains dégoupillent les grenades (« My own summer (shove it) » en déboulant) mais il manque un petit quelque chose à tout ça. Chino Moreno, au micro, semble souffrir, la prestation vocale s’en ressent. De plus, après notre enchaînement Orange Goblin / Body Count, force est de constater que la partoche jouée par Deftones semble un peu molle.

Show chaud

La grosse baffe du jour arrive à 21 h 50. DEAD CROSS débarque sous les vivats du public. La tornade qui va s’abattre sur la Valley fait l’effet d’une gifle (on a même tendu la joue droite car on aime ça). Au micro, Mike Patton – également chanteur de Faith No More – est aussi barré qu’hystérique. À la batterie, Dave Lombardo (batteur de Slayer) est une véritable machine. Le groupe sue et aère son propos régulièrement en balançant des vannes (Johnny Depp, présent la veille en concert, en prend pour son grade) ou en faisant monter un gamin d’à peine 8 ans sur scène pour chanter avec lui ! Dead Cross est une expérience, la créature sauvage d’un fou. Bref, Dead Cross défouraille sévère comme dirait Mamie Joséphine.

Dead Cross. (Photo tmv)
Dead Cross. (Photo tmv)

On n’en dira pas autant de LIMP BIZKIT, figure clé du neo metal / rap metal. Alors oui, la bande à Fred Durst (dont le style façon sac à patates sous LSD nous interroge) fait preuve d’une maîtrise scénique sans faille, écrase la foule sous un mur du son et est capable de balancer des torgnoles à tout va. Mais alors qu’il ne bénéficie que d’une heure de jeu, le groupe nous refait le même coup qu’en 2015 en proposant une set list ridicule, composée à plus de 30 % de… reprises. Pourtant, Limp Bizkit a en sa possession une multitude de trésors. Mais non, torpillant son répertoire, il laisse la place à des covers inutiles de Nirvana, Metallica ou de Rage against the machine (qu’on adore au passage). Un ventre mou qui a le don d’exaspérer, mais qui au moins nous aura permis de faire du air-guitar avec un inconnu sous les murs d’eau (désolé, on va garder les vidéos pour nous). Une déception.

De déception, en revanche, il n’en est point question avec WATAIN. Les Suédois vont mettre le feu et donner une leçon aux allures de coup de pied aux fesses. Scéniquement déjà, c’est exceptionnel. Des tridents enflammés, des croix renversées et des lumières rouges plongent l’endroit dans les entrailles de l’Enfer. Musicalement, la bande à Erik Danielsson est en béton armé. Leur black metal malsain et rapide est d’une violence inouïe. Les guitares véloces se noient dans un déluge de double pédale, pendant que le leader vomit sa colère. Le show est éreintant, le public épuisé. Watain est venu, a vu, a vaincu.

Dans l'espace presse/VIP, une fontaine couleur rouge sang a été installée (Photo tmv)
Dans l’espace presse/VIP, une fontaine couleur rouge sang a été installée (Photo tmv)

Casser la voix

Autant dire que la fin de soirée avec AVENGED SEVENFOLD va nous laisser un goût amer… Tête d’affiche de ce samedi, le mega-groupe US aux plus de 8 millions d’albums vendus déboule sur scène avec la ferme intention de… ben, de rien du tout. « A7X » est en pilotage automatique, les musiciens semblent s’ennuyer mortellement (mention spéciale à Zacky Vengeance qui aurait pu jouer au Scrabble que c’était la même chose). Certes, musicalement, c’est joué à la perfection (Synyster Gates est un excellent guitariste), les éléments visuels et la déco est réfléchie et les membres d’A7X sont tout choupinets comme tout (on fait très attention à son brushing). Certes, le groupe a également pensé à rendre hommage à Vinnie Paul, batteur de Pantera, décédé la veille. Mais pour le reste, on a surtout l’impression d’un groupe venu cachetonner.

Dans le naufrage, le bateau continue de sombrer lorsque M.Shadows annonce avoir la voix trop cassée en raison de trois concerts d’affilée. Au moment « Nightmare », il fait donc monter un festivalier du public sur scène pour chanter (pas très bien, mais on salue le courage) ce tube devant des dizaines de milliers de personnes ! De quoi finir de plomber l’ambiance. Dommage.

La nuit est tombée, le traditionnel feu d’artifice zèbre le ciel clissonnais. Il est temps d’aller dormir dans la voiture, le dos cassé en deux, les crochets de ceinture dans les reins et une odeur de bière nous imprégnant le corps. Romantique, on sait.

>>> Retrouvez la suite de notre reportage au Hellfest avec la journée du dimanche !

La décoration du Hellfest est stylisée à l'extrême (Photo tmv)
La décoration du Hellfest est stylisée à l’extrême (Photo tmv)

Reportage et photos : Aurélien Germain

La face cachée du musée des Beaux-Arts

Les Tourangeaux croient tout connaître du musée des Beaux-Arts. Mais derrière l’élégante façade classique, un autre monde se cache. Nous l’avons visité.

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Mardi, le musée est fermé mais Éric Garin, notre guide particulier nous attend. Diplômé en histoire de l’art et conférencier, Éric travaille au musée depuis 2002. Dire qu’il est passionné par le lieu est faible, il en parle avec une telle verve qu’on lui conseillerait de lancer sa chaîne YouTube. Succès assuré !

Éric connaît le bâtiment et beaucoup de ses secrets, mais nous explique-t-il, cette histoire est pleine de trous : les archives ont été brûlées en 1792 sur le parvis de la cathédrale, ce qui en restait sera achevé par les bombardements de 1940. Depuis, il tente de reconstituer la longue histoire du palais des évêques de Tours. Nous entrons d’abord dans le souterrain qui nous plonge dans le passé gallo-romain de la ville. Le palais épiscopal s’appuie contre le rempart du IVe siècle ; la société de consommation n’étant pas encore née, ses constructeurs l’ont bâti avec des pierres récupérées à droite et à gauche.

Eric, le guide !
Eric, le guide !

On peut ainsi reconnaître un tronçon de colonne ou le fronton de temple gallo-romain. Le mur semble fait de bric et de broc mais il résiste depuis quinze siècles, malgré quelques fissures. Si cette galerie est ouverte à la visite une fois par mois, la cave reste cachée au public. Les Allemands la transformèrent en bunker et y installèrent leur central téléphonique pendant la Seconde Guerre.

« D’autres parties du bâtiment ont subi des reconversions un peu rock’n’roll », nous explique Éric en quittant les catacombes. Ainsi, les cuisines n’abritent plus de marmites ni de cochons rôtis mais l’atelier d’encadrement. Même surprise dans la chapelle privée des évêques. Commandée à Louis de Galembert vers 1865, c’est une belle vitrine de l’art religieux tourangeau. Les vitraux sont signés de la célèbre manufacture Lobin, le plafond en coupole présente des mosaïques dorées à la mode byzantine, très en vogue à la fin du XIXe siècle, et les portraits des premiers prélats de Tours : Baldus, Volsinus, Perpetus (notre préféré, parce qu’il a l’air gentil).
La pièce héberge aujourd’hui la collection de dessins, conservés dans de grands cartons noirs. Éric souligne : « Nous avons plus de 5 000 dessins, des Boucher, des Werner, des Delacroix… »

17 000 pièces dans les réserves

Le musée regorge de trésors cachés de toutes les époques, dont beaucoup ne sont jamais exposés, faute de place. Plus de 17 000 pièces dorment dans les réserves : argenterie, faïences, fauteuils, commodes, tableaux, sculptures, lustres, horloges, vases et même une armure japonaise.
Les Beaux-arts fournissent d’ailleurs la préfecture ou les services de l’État en meubles et objets de décoration. La majorité des collections sont conservées dans les nouvelles réserves à Chambray mais quelques pièces sont encore entreposées dans la salle du synode, qui attend d’être rénovée pour être rouverte au public. Cette pièce bordée de colonnes accueillit les États généraux du royaume en 1468 et 1484. Sa hauteur sous plafond permet d’y accrocher des tableaux monumentaux et d’y organiser des concerts. Il fait bon, dans la chapelle colorée et lumineuse mais pas question de rester traîner à feuilleter les croquis et les sanguines.

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Nous retraversons le bâtiment, découvrons un escalier dérobé caché dans le plancher puis Éric ouvre une petite porte et nous quittons les coulisses pour déboucher dans une salle du musée, juste dans le dos d’un petit tableau carré enchâssé dans une niche. C’est un Rembrandt, l’un des joyaux du musée. À peine le temps de le photographier et d’admirer une grisaille accrochée à sa droite, notre guide nous entraîne jusqu’au grenier. Là, sous la charpente du XIIe siècle, des rangées de cadres dorés attendent leur heure. « Restez bien sur les solives, nous prévient Éric. Un gardien s’est tué en passant à travers le plancher. »

PORTFOLIO_SALLES_3Les statues oubliées nous regardent marcher sur les poutres comme des enfants de 5 ans en cours de gym. Tout est silencieux. La vue sur le jardin est magnifique. Presque quatre heures déjà que nous explorons les lieux. Même si notre rêve serait de passer la nuit au musée, il faut partir. Au-détour d’un couloir, nous apercevons un échafaudage : Catherine Pinvert, la régisseuse, et deux employés des services techniques de la Ville s’affairent à réinstaller des oeuvres. Il faut compter une à deux journées de travail par salle pour leur rendre leur visage originel après une exposition temporaire.
À l’inverse, au rez-de-chaussée, les techniciens et les organisateurs préparent l’exposition Sculpturoscope, réalisée en partenariat avec le Centre d’études supérieures de la Renaissance (CESR) et le Laboratoire d’Informatique Fondamentale et Appliquée de Tours (LIFAT). La majesté de la salle Richelieu nous arrête une dernière fois. Les peintures de batailles, la table massive, les bustes antiques… Il nous semble entendre le son du canon et le claquement des bottes du Cardinal. Travailler au musée, c’est baigner dans cette ambiance hors du temps, naviguer entre la collection de primitifs italiens et les installations de Calder exposées au dernier étage.

Éric, qui a longtemps travaillé sur le bureau de Georges Courteline himself, aime ce voyage incessant. « Tout est intéressant. Même les périodes dites de régression ou le style “ pompier ”. C’est tellement humain ! Quand l’homme disparaît, la peinture, la sculpture, l’architecture, sont ce qui nous reste et qui nous raconte son histoire. »

> Le musée est ouvert tous les jours, de 9 h à 12 h 45 et de 14 h à 18 h. Fermé le mardi.

Texte : Elisabeth Segard
Photos : Julien Pruvost

> > Retrouvez notre portfolio intégral dans le numéro 288 de tmv < < 

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Quand l’Aubrière va à « Volo »…

Volo, groupe de chanson française qui écume les scènes depuis 2005, animait fin février, son quatrième stage d’écriture de chanson à l’Aubrière de Fondettes, dans le cadre du festival Mot d’hiver. Nous nous sommes glissés parmi les stagiaires et nous avons passé quatre jours avec eux.

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Fredo entre dans la petite remise encombrée qui sert de loge à la salle de l’Aubrière, dans le bourg de Fondettes. Il a le sourire rassurant et un petit regard pour chacun. À l’autre bout de la pièce, son frère Olivier met la main aux derniers préparatifs. « Bon, les amis, on a une grosse moitié de salle, ce soir. » Puis, faisant mine de tenir une guitare entre ses mains : « On a bien les textes, les accords et tout… Le plaisir, c’est le plus important et… Bravo à tous ! »

Des applaudissements fusent et les deux frères Volo prennent dans leurs bras, un par un, les seize participants à ce quatrième stage d’écriture organisé dans le cadre du festival Mots d’hiver. S’en suit une avalanche de câlins entre les stagiaires eux-mêmes. « Bon spectacle ! » « Elle est trop belle, ta chanson », « Fais comme si tu chantais pour un copain ». Il faut faire tomber la tension, tandis que dans la salle, remplie bien plus qu’à moitié en fait, le public prend place tranquillement.

Rien de ce qui sera chanté ce soir n’existait quatre jours plus tôt. Pas la moindre note, pas le premier couplet. Et les artistes du jour, pour la plupart, ne sont pas des professionnels. Tous se sont rencontrés, le mardi même, par un matin plus que frisquet dans la bibliothèque de l’Aubrière. Ils avaient posé des guitares partout, un ukulélé, un accordéon, un violon et même un cajon, drôle de caisse en bois qui imite le son de la batterie. PAUSE_VOLO05
Les frères Volo étaient arrivés tout emmitouflés, tout le monde avait pris un café puis s’était assis un peu au hasard autour d’une grande table en U. L’un après l’autre, ils avaient dit d’où ils venaient, les chansons qu’ils aimaient, comment ils avaient l’habitude d’écrire. Emmanuel avait dit qu’il n’arrivait jamais à finir une chanson, qu’il écrivait des bouts de textes, comme ça. Léo et Tom, les jumeaux du nord avaient expliqué qu’ils jouaient souvent ensemble, qu’ils avaient un petit répertoire déjà, mais qu’ils ne savaient pas trop.

POUVOIR DE LA CRÉATION

Laëtitia avait avoué dans un sourire qu’elle avait commencé la guitare deux mois plus tôt. Il y avait aussi Chloé, Aurore, Caroline, Sandy, David, Elsa, Sandrine, Noémie, Sophie, Aurélien, Audrey… Ils venaient de Tours, de Nantes, de Montpellier, de Clermont-Ferrand… Olivier avait expliqué les règles du jeu : « Souvent, on doit écrire pour quelqu’un d’autre et sur un thème précis. Nous avons donc choisi quatre thèmes : l’amour, le quotidien, le temps qui passe et la mort. Il y a aussi quatre tranches d’âge : 16-25 ans, 25-35 ans, 35-60 ans et 60 ans et plus. Enfin, vous écrirez soit pour un homme soit pour une femme. » Quelques minutes plus tard, chacun était reparti avec ses contraintes à la recherche d’une capricieuse inspiration, quelque part dans la bibliothèque, dans les salles de répétition ou dans la petite maison à l’autre bout de la cour.

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Sophie, l’instit’ chantante avait déplié son petit cahier rouge. Elle s’était mise à griffonner en silence, prenant bien soin à ce que personne ne la remarque. Chloé s’était isolée dans la salle du haut, avec sa guitare, son ukulélé et son enregistreur numérique, Sandrine et Sandy avait chaussé leur casque. Caroline avait séché et avait cru ne pas y arriver. Et le miracle avait eu lieu. Quelques heures plus tard, Fredo dans son petit bureau d’où montait par intermittence les accords, peutêtre, du prochain album des Volo et Olivier dans la bibliothèque avaient reçu les premiers débuts, les premières bribes. Ils avaient écouté, ils avaient souri, ils avaient conseillé. Et, le jeudi matin, après plusieurs rendez-vous manqués (pas tout à fait prêts…), tout le monde avait écouté les chansons des autres, autour de la grande table en U.

Et tout le monde avait pris une sacrée claque. On se connaissait mieux déjà, pour avoir partagé des repas, des bouts de moments, des fous rires ou des couplets de Barbara, mais il restait l’intime de la création à découvrir.

CHANSON ET ÉMOTION

Chloé avait fait couler sur les joues de David de belles larmes rondes, Sophie avait ému Sandy et toute la tablée avec son hommage au fils qui n’était jamais venu. Léo l’avait fait rire avec sa visite à l’agence locale des pompes funèbres. Emmanuel avait réussi à finir sa chanson, pour une fois. Et quelle chanson… Tom avait le début d’un morceau. c’était bancal et pas fini, mais Olivier y croyait dur., Puis, au cours de la journée, on avait tout mélangé. Audrey était venue faire les choeurs chez Aurore. Caroline avait posé un violon sur la chanson de Sophie et finalement, non. Elsa avait laissé sa guitare à David et Léo était venu poser trois notes de glockenspiel dessus. Puis, on s’était retrouvés le vendredi midi. Il n’y avait plus de bribes alors. Il y avait des chansons. On leur avait donné des titres, on avait encore gommé quelques petites choses. « Je vais vous embêter un peu avec les textes », avait prévenu Fredo d’emblée.

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Ensuite, tout était allé très vite. La salle de l’Aubrière, où chacun savait qu’il avait un rendez-vous à honorer était devenue le centre du monde. Les techniciens étaient venus : son au top, lumière impec, des conditions de pros. Olivier avait tout bordé. « Tu joues assis ? Debout ? Le pupitre, tu le veux où ? Combien de micros pour les chœurs, sur ton morceau ? »
Ils avaient mis de la fumée sur la scène, tout le monde avait chanté sa chanson, dans les conditions du spectacle. Et puis, on s’était retrouvé là. À se faire des câlins dans la loge, faisant mine de ne pas entendre le murmure du public. « C’est Caro et Sophie qui attaquent », dit Fredo.

Et le noir se fait et le spectacle commence. Une des seules pros de la bande, Caro scotche les spectateurs avec sa jolie morte qui reproche à son compagnon d’avoir bâclé le décor de son enterrement. Des rires, des frissons. Les titres et les applaudissements chaleureux s’enchaînent. À la fin arrive Tom accompagné à la guitare par son frère Léo. Il avait raison d’y croire, à sa chanson en chantier, Olivier. « Youpi, Youpi, j’suis sans abris. Year, year, c’est cool d’être à la rue ! », il swingue l’ironie des temps dans une chorégraphie improbable. Il vit sa chanson. Il emporte tout. Et tout le monde revient saluer. Rideau sur les mots d’hiver. Jusqu’à l’année prochaine, sa nouvelle brassée de stagiaires et son lot de petites perles chantées.

A l’école du Parkour et du freerun

Course, saut et escalade : le parkour est l’art du déplacement en utilisant le mobilier urbain. Une école a ouvert à Saint-Pierredes- Corps et forme les yamakasi de demain.

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Le Parkour ? « C’est se déplacer de la manière la plus efficace et rapide possible d’un point A à un point B », dit Charles Brunet, ici en photo. (Photo instagram.com/haiscorentin)

Le soleil tombe doucement. Saint-Pierre-des- Corps grelotte avec quatre petits degrés en cette fin février. La fraîcheur enveloppe les ateliers de la Morinerie. Dans ce hangar, un couloir où s’alignent des locaux d’artistes. La douce quiétude est troublée par le roulement d’un skateboard qui se dirige vers le fond. Sur sa planche, Martin, jeune ado blond aux petites lunettes, aussi relax qu’un surfeur californien. Passé une porte où est collée une affiche West Coast Academy, il se dirige vers de grands échafaudages.
Dix secondes plus tard, il s’y balance, s’accroche, grimpe avec une aisance et une souplesse déconcertantes, sous l’oeil bienveillant de son mentor, Charles Brunet.

Ce trentenaire tourangeau de l’asso Gravité Zéro/Parkour37, membre de la team West Coast Academy, est un « traceur » pro qui a ouvert, en octobre 2017, une école de parkour, la première de la région. Un sport pour les adeptes de la liberté du corps et du déplacement. De quoi ravir Martin : « Ici, c’est un peu ma deuxième maison », se marre-t-il. « C’est toujours encadré, donc je peux me surpasser. »

L’école compte plus de 200 licenciés, âgés de 9 à 30 ans. (Photo Julien Pruvost)
L’école compte plus de 200 licenciés, âgés de 9 à 30 ans. (Photo Julien Pruvost)

Le cours va commencer. La voix de Charles résonne dans la salle de 400 m². Le cadran à LED au mur affiche 17 h 29 et 58 secondes. « J’avais bien dit que c’était 17 h 30 pétantes », sourit-il. Cet endroit est un rêve devenu réalité. Créé avec trois fois rien : « Après avoir galéré à trouver un lieu, un ami m’a conseillé les ateliers de la Morinerie. Le local n’était pas cher. »
Pour le matériel ? De la récup’ pour les palettes, une structure achetée à Amiens pour les échafaudages et « un grand merci à l’asso de gym de Saint-Pierre qui nous a donné certains tapis et matelas. » Soit un lieu d’entraînement idéal avant d’affronter la rue et son mobilier urbain.

NINJA WARRIOR ET ACROBATIES

Charles Brunet, prof et pro du parkour, pratique depuis 15 ans. Sa chaîne YouTube compte 67 000 abonnés. (Photo instagram.com/haiscorentin)
Charles Brunet, prof et pro du parkour, pratique depuis 15 ans.
Sa chaîne YouTube compte 67 000 abonnés. (Photo instagram.com/haiscorentin)

Tandis que Charles retrace l’histoire, Léonard, en stage ici, est en charge de l’échauffement. Poignets, coudes, genoux, chevilles, cou et nuque : tout y passe. Et c’est parti ! Par petits groupes, les jeunes élèves sautent par-dessus des blocs, s’accrochent à des hauteurs inimaginables, enchaînent roulades, « sauts de chats » et saltos. « Ouais, c’est un peu Ninja Warrior », sourit Charles, avant de charrier un apprenti qui enchaîne les pirouettes au-dessus d’un gros cube en mousse : « Si tu touches l’obstacle, c’est cinq pompes ! »
L’ambiance est bon enfant, la fraîcheur du hangar est oubliée. On s’entraîne dur. Corentin, par exemple, avec ses saltos arrières hallucinants. Il a 17 ans et pratique depuis 7 mois. Comme le prouvent ses figures, sa préférence va au freerun. « C’est une variante qui implique des acrobaties en plus. Le freerun embellit le déplacement en parkour », nuance cet ancien fan de BMX et de trottinette freestyle. Le sourire aux lèvres, engoncé dans son maillot bleu, Corentin triture sa petite barbe et s’amuse de ses débuts, lorsque, tout petit, il « grimpait déjà aux arbres ». Maintenant, c’est sur les murs en ville.
« En fait, je m’adapte aux autres dans la rue. Si quelqu’un n’avance pas devant moi, je me dis tout de suite : tiens, et si je le dépassais plutôt en m’accrochant à ce rebord de fenêtre ? Le parkour me fait découvrir la ville différemment, c’est un deuxième point de vue. Tout se joue au mental… et je n’ai pas peur du béton ! ».

L’heure tourne et c’est déjà bientôt la fin du cours. Subejan, 13 ans, le bonnet enfoncé sur la tête laissant choir ses longs cheveux, continue les figures sans s’arrêter. Trois ans de pratique, mais capable de surmonter n’importe quel obstacle et visiblement à l’aise aussi bien en parkour qu’en freerun.

Seul équipement nécessaire pour pratiquer le parkour ? De bonnes chaussures ! (Photo Julien Pruvost)
Seul équipement nécessaire pour pratiquer le parkour ?
De bonnes chaussures ! (Photo Julien Pruvost)

Les autres élèves s’enflamment, c’est le moment du « floor is lava » [le sol est de la lave, NDLR]. Exercice fendard : interdiction de toucher le sol avec ses pieds. Les bras sont mis à rude épreuve, on saute de bloc en bloc, les chevilles arrêtent les corps, les muscles amortissent les chutes, les pieds ne doivent pas se placer trop haut. « Ça peut être dangereux », souffle Charles. Sous leurs airs de casse-cou, les traceurs sont prudents et font preuve d’une grande maîtrise. Charles est comme un grand frère. Il chapeaute et conseille.

Les étirements indispensables. Ici, avec Subejan, 13 ans. (Photo Aurélien Germain)
Les étirements indispensables. Ici, avec Subejan, 13 ans. (Photo Aurélien Germain)

« Ici, on donne nos expériences et on découvre sa voie. La technique est là, ils travaillent maintenant leur autonomie et leur créativité. » Plus qu’un sport urbain, le parkour est une philosophie. L’association le rappelle d’ailleurs sur sa page internet : « Notre état d’esprit est l’entraide, le partage et la persévérance. » Trois valeurs respectées au pied de la lettre à l’école du parkour.

> En savoir plus : facebook.com/Parkour37000 ou pk37.weebly.com pour les cours et stages

> Vidéos : youtube.com/user/gravitezer0

Reportage : Aurélien Germain

L’équilibre parfait pour un traceur ? Souplesse et puissance. (Photo Aurélien Germain)
L’équilibre parfait pour un traceur ? Souplesse et puissance. (Photo Aurélien Germain)

Dans les coulisses de la rédac de tmv

[Spécial #AssisesDuJournalisme] À l’occasion des Assises du journalisme qui se dérouleront à Tours du 14 au 17 mars, tmv a souhaité vous ouvrir les portes de sa rédac, afin de découvrir un quotidien fait de café, de sujets à trouver, d’amour et d’astrologie bidon. 100 % authentique… ou presque !

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Passer les portes de tmv pour découvrir comment la rédac’ fonctionne, peu y ont eu droit, si ce n’est quelques stagiaires courageux, attirés par notre antre… et qui ne sont plus jamais revenus (on recherche toujours l’apprentie- journaliste disparue dans nos couloirs en juin 2014 d’ailleurs. Envoyez OUPS au 6 15 15).

Pour le reste, le commun des mortels ne sait pas vraiment ce qui se cache derrière nos murs et quels sont les sombres secrets qui émaillent le quotidien des journalistes. On croirait presque être dans un épisode d’Enquête exclusive. Mais sans drogue, prostituées et Bernard de la Villardière, contentons-nous de vous décrire l’envers du décor.

LE LUNDI, PAS DE CHICHIS

Le réveil sonne, le journaliste de tmv grogne. Nous sommes lundi, le pire jour de la semaine pour tout humain normalement constitué. Le premier oeil s’ouvre. Il est (trop) tôt. Le deuxième oeil s’ouvre. Il est (trop) tard. Le journaliste de tmv arrive donc généralement en trombe (non, pas « en retard », mauvaises langues !) au bureau. Les locaux sont situés au siège de La Nouvelle République, avenue Grammont, en face du carrefour de Verdun, merveilleux endroit où les voitures ont l’incroyable occasion de parcourir 200 mètres en 1 h 43.

Mais pas l’temps d’niaiser, comme diraient nos amis québécois. Le lundi, c’est bouclage du prochain numéro. Chez nous, la semaine commence donc par… la fin ! Une agréable journée, durant laquelle les journalistes s’aiment, rient et s’embrassent (ou pas)… tout en quémandant au dernier moment de multiples changements à des maquettistes d’une patience indescriptible.
Habituellement, c’est durant la matinée que sont réalisées les pages « chaudes » (l’actu tourangelle et internationale en début de journal). Ainsi que les corrections et, plus tard, le travail sur la une : tragique moment où, fatigue de fin de journée oblige, le dérapage n’est jamais très loin. C’est ainsi que vous échappez, parfois de peu, aux titres à jeu de mot honteux.

19 h 30, c’est la deadline. C’est à cette heure-ci que le journal part à l’impression. Là, plus rien n’est possible. Beugler « stoppez les rotatiiives ! » comme une vache limousine en fin de vie ne changera rien. Si erreur ou coquille il y a, elle y restera. Et le responsable culpabilisera le restant de la semaine, flagellé par des collègues psychopathes (1) munis de branches d’orties.

(1) D’après une étude du psychologue Kevin Dutton, le métier de journaliste est à la 6e place des professions où l’on trouve le plus de psychopathes. Désolé.

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DES SUJETS ET DU CAFÉ

Le lendemain – mardi pour celles et ceux du fond qui n’auraient pas suivi – se décompose en deux gros morceaux. Durant une matinée, c’est la mise en ligne : le journaliste de mauvaise humeur (pléonasme) poste et réalise la mise en page des articles à paraître sur le site internet.
Bugs de WordPress, arrêts intempestifs, photos introuvables et autres joies technologiques font du mardi matin un moment d’allégresse jamais ô grand jamais ponctué de vilains mots grossiers. C’est le mardi après-midi que se déroule la conférence de rédaction. Soit le moment fatidique où sont choisis les sujets qui se trouveront dans les numéros à venir. Pour y survivre, il vous faut un bloc-notes, des stylos, quelques litres de café, une canette d’une boisson-avecun- taureau-qui-vous-donne-des-ailes et du jus de cerveau. La réunion ressemble à un brainstorming d’une heure à une heure trente.

En tant que journalopes illuminati reptiliens à la botte du pouvoir, nous essayons de proposer des articles aussi divers que variés, de la culture à la santé, en passant par des sujets société ou économiques. Tout en nous imposant une ligne directrice : s’adresser à tout le monde, défricher, faire découvrir, en faisant le travail sérieusement mais avec un ton décalé.

L’HOROSCOPE : JE T’AIME, MOI NON PLUS

Tantôt adorée, tantôt haïe, cette rubrique déjantée ne laisse pas indifférent. Il y a eu des mails d’amour, des remerciements et des « qu’est-ce que vous nous faites rire ». Et il y a eu des messages d’insultes, des courriers nous ordonnant « d’arrêter la fumette » et même une menace de traîner l’astrologue au tribunal, car « certaines personnes pourraient se sentir visées et humiliées » (sic).

Le secret de fabrication est donc bien gardé. Pourquoi tant de haine ? L’astrologue bénéficie-t-il d’un garde du corps ? Lit-il vraiment dans les entrailles des stagiaires ? Est-il humain ou un hommecrabe ? Pourquoi s’en prend-il au Bélier ? Pourquoi les Sagittaires sontils à la fois chouchoutés et tourmentés ? Mystère. Tout juste peut-on vous dire que la personne en charge de l’horoscope s’appelle (oups, problème de clavier).

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RESTO, BOULOT, DODO

Le reste de la semaine, la fine équipe prépare, rédige et construit le futur numéro. Au programme : des rencontres et des interviews avec des figures locales ou de parfaits inconnus à mettre en lumière ; des disques à écouter ; des films à chroniquer ; des coups de fil à passer ; des personnes à qui répondre sur les réseaux sociaux ou au téléphone (quand nous ne sommes pas sur le terrain) ; des reportages passionnants à réaliser ; des restos à tester anonymement sans annoncer notre venue avant, on le rappelle (même si, on le sait, les journalistes sont tous vendus et corrompus).

À côté de cela, il faut s’entretenir avec les éventuels pigistes ou Giovanni, alias Crayon-Qui-Tue, qui s’apprête à pondre son dessin piquant. Il faut également organiser des batailles sanglantes dignes du Seigneur des anneaux avec nos collègues de NR Communication en charge de la publicité pour tmv, ou encore construire le chemin de fer du numéro, c’est-à-dire l’ossature du journal page par page.
Alors que le nouveau numéro de tmv vient de sortir, il est distribué dans les rues par nos streeters d’amour, bravant les obstacles comme le froid, la canicule, la pluie, la tempête ou les fans de Kev Adams.

Mais la page est déjà tournée : la rédac’ ne pense plus au petit dernier et se concentre sur la prochaine édition. Les yeux rivés vers le bouclage du lundi. C’est reparti pour un tour, en espérant une fois encore que le nouveau numéro de tmv sera un plaisir pour les lecteurs.

Récit : Aurélien Germain
Illustrations : Giovanni Jouzeau

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Hellfest, 13e édition: rendez-vous en Enfer

C’est devenu notre petit péché mignon, un rituel, une habitude : chaque été, tmv déménage au festival de metal Hellfest, à Clisson près de Nantes. La 13e édition se jouera à guichets fermés, du 22 au 24 juin.

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Un festival de tous les records… Cette année encore, le Hellfest a créé la surprise. En octobre dernier, le festival clissonnais a écoulé ses 55 000 pass 3 jours en une trentaine d’heures… sans même que la programmation soit connue ! Pour la troisième fois de suite, le Hellfest a donc affiché complet neuf mois avant le début des hostilités, sans avoir divulgué un seul petit groupe.

Rebelote en février, lorsque les pass une journée ont été mis en vente (cette fois, avec l’affiche dévoilée bien évidemment). Des sésames qui sont partis comme des petits pains en quelques heures.

Bref, l’engouement est total et la renommée du Hellfest n’est plus à prouver. Récemment, la Bête a été élue « meilleur grand festival » aux Festivals Awards France. Parmi 200 inscrits, le Hellfest s’est de nouveau distingué en grimpant sur la première place du podium, en chipant en même temps la première place aux Vieilles Charrues.

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Pour cette 13e édition, placée sous le slogan « You can’t control it », plus de 150 groupes vont se succéder durant trois jours, sur six scènes différentes, dans un cadre de rêve (pour les amoureux du triptyque bière/décibels/metal, bien sûr).

Au menu ? Trois têtes d’affiche, évidemment, avec deux British bien cultes : Iron Maiden et Judas Priest. Mais aussi du gros spectacle ricain avec Avenged Sevenfold. D’autres grands noms fouleront aussi les scènes principales, comme Marilyn Manson, Limp Bizkit, Europe, Megadeth mais aussi les plus rares A Perfect Circle !

Pour le reste, on se délecte aussi – et surtout – des autres formations qui nous font de l’oeil, du pied et tout ce que vous voulez : le rap metal énervé de Body Count, les mythiques punks de Bad Religion, le pachydermique Neurosis, les mystiques Batushka, le thrash culte d‘Exodus, la beauté spleenétique d’Amenra, le romantisme avec Napalm Death et Suffocation ou encore les très très très (rajoutez-en autant que vous le souhaitez) attendus Zeal & Ardor, notre chouchou de l’affiche.

En juin 2018, la rédac de tmv se délocalisera donc, comme chaque été, à Clisson. Notre journaliste ira plonger sa chevelure houblonnée et ses Doc boueuses dans la grande messe métallique, pour vous rapporter quelques souvenirs. Vous pourrez retrouver notre reportage, nos photos et nos vidéos quelques jours après le festival. On s’y retrouve ?

> Infos sur http://www.hellfest.fr/

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Cliquez pour agrandir l’affiche

A l’Escat, les étudiants font leur cinéma

Ambiance studieuse au sein de la nouvelle école de cinéma de Tours. Les tout premiers élèves de l’Escat se préparent à partir en tournage. Action !

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« Silence, ça tourne ! », demande Aude, réalisatrice en herbe, derrière un cameraman et un patient improvisé, allongé sur une table. « Fais un plus gros plan. Il ne faut pas qu’on la voie dans le champ », avance-t-elle à son camarade, un poil autoritaire. Aude le sait, sur un plateau, c’est chacun sa place.

À ses côtés, Jérémy, premier assistant. Il note l’avancée des prises et répond aux demandes de sa « réal ». Un autre trépied pour la caméra ? Il l’a. Libérer une salle ? Il s’exécute. Discret, son histoire personnelle aurait pourtant de quoi inspirer ces Luc Besson de demain. « J’étais pâtissier-boulanger mais j’écris depuis longtemps des scénarios. J’ai inventé ma première pièce en CE2, se souvient le jeune homme de 19 ans qui finance seul sa formation à l’Escat. Travailler dans le cinéma c’était un rêve, mais avant, j’ai travaillé un an en Angleterre et j’ai aussi appris beaucoup auprès de grands chefs-pâtissiers à Paris. Revenu à Tours, c’est là que j’ai vu qu’une école de cinéma allait ouvrir. J’étais le premier à appeler la directrice. »

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Comme Jérémy, 53 autres élèves ont été sélectionnés pour faire partie de la première promotion de l’Escat, à Tours-Nord, dans les anciens ateliers des Compagnons du Devoir. Âgés de 17 à 28 ans, ils viennent essentiellement de Tours. Cet après-midi-là, la moitié d’entre eux prépare le tournage de leur troisième court-métrage de l’année. L’autre moitié de la promotion étant déjà partie enregistrer. Tout l’espace a été investi : les deux classes, l’espace cuisine, le « foyer », le plateau… Divisés en quatre groupes, ils ont deux heures pour tourner les plans d’un court-métrage de cinq minutes.
Armé d’une « Sony PX-70 », comme on dit dans le jargon, d’une perche et d’un micro, un groupe s’est enfermé dans une salle de classe. C’est Cassandre la réalisatrice. Derrière ses grandes lunettes rondes, elle surveille attentivement le déroulement de la scène dans l’écran de la caméra. Le livreur sonne (enfin… fait semblant), un homme ouvre, un pistolet dans le dos, il prend le paquet et referme la porte. « Coupez ! C’est l’histoire d’un soldat traumatisé par la guerre qui ne trouve pas le sommeil, résume Cassandre. Nous allons tourner dans un appartement la semaine prochaine et un magasin de surplus militaire nous prêtera des éléments de décor. » NEWS_ESCAT (5)

De l’autre côté du couloir, dans la cuisine, autre histoire, autre ambiance : un prisonnier qui sort de prison veut tuer son père… et coupe des oignons avec un énorme couteau. Effrayant. Tout comme l’aiguille qui tourne alors que le groupe n’a filmé qu’un tiers des plans prévus. Dans 20 minutes, ils devront passer au montage pour avoir une idée du résultat et réajuster, voire totalement modifier leur plan de bataille.
« On les met constamment en difficulté de tournage, révèle un professeur fondu dans la masse des étudiants. On leur donne beaucoup moins de temps pour qu’ils apprennent à faire des choix, on les sort un peu de leur cocon pour qu’ils soient préparés à la réalité. Ils ont deux ans de sécurité avant le crash test à la sortie », explique franchement leur professeur Geoffroy Virgery, réalisateur de 25 ans à Tours. Avec lui, ils ont aussi analysé des films, découvert les éclairages et le tournage spécifique pour donner une ambiance nocturne. La théorie et la pratique se rejoignent toujours ici.

DEUX ANS AVANT LE CRASH-TEST

Dans toute cette agitation, Bryan vaque à ses occupations et vide les poubelles du Foyer. « Chaque élève effectue une semaine de régie dans l’année, comme sur un plateau », explique Sarah Chauvet, directrice adjointe.
« On veut qu’ils respectent la profession de régisseur et qu’ils aient une attitude professionnelle ». Dans cette école, pas de notes et la possibilité d’effectuer des stages à tout moment, en fonction des demandes des boîtes de productions. Quitte à louper quelques semaines de cours. « Je suis parti en stage deux semaines sur le tournage d’un téléfilm pour France 3 à Tours. J’ai appris à “ percher ” sans bouger d’un pouce, vérifier les batteries, transporter le matériel… », décrit Bryan, qui, à 21 ans, détient déjà un CAP projectionniste.

Occupée à monter une captation de concert dans un canapé, Julie revient de six semaines en stage « régie » avec une équipe d’Arte en Touraine. Un bon moyen de découvrir les codes de ce milieu et d’acquérir de précieux contacts professionnels. S’investir, être rigoureux, ne pas avoir peur des responsabilités demeurent ainsi autant de qualités pour devenir cameraman, monteur, scénariste ou réalisateur. Un rêve qui semble devenir réalité pour les élèves de l’Escat.

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Isabelle Heurtaux et Sarah Chauvet

POUR ALLER PLUS LOIN
UNE CENTAINE D’ÉLÈVES EN SEPTEMBRE 2018

Créée par Isabelle Heurtaux et co-dirigé par Sarah Chauvet, l’Escat, première école de cinéma de Tours dont tmv vous avait révélé l’exclusivité en février 2017, s’apprête à recruter une nouvelle promotion. Bilan d’une année pleine de promesses.

Comment se sont passés les premiers mois de l’école ?
Tout se déroule parfaitement ! Je vois des élèves qui s’épanouissent, l’ambiance est familiale… Je cultive ce groupe comme si c’était une vraie équipe de cinéma, je les connais tous et ils savent qu’ils sont un peu les « chouchous ». L’an prochain, ce ne sera peut-être pas aussi facile d’organiser des projections et des soirées à 100. 

Les productions de films vous appellent souvent pour des stagiaires ?
Oui, il y avait un réel besoin. On est en contact avec le réalisateur Philippe de Chauveron (Qu’est-ce-qu’on a fait au bon Dieu) qui doit passer dans la région pour son prochain film.

Qui a donné les premières masterclass ?
La 1re assistante Julie Navarro (Insoupçonnable), le réalisateur Éric Barbier (La Promesse de l’Aube) et le producteur Éric Altmayer (Chocolat). En première année, les élèves touchent à tout et l’année suivante, ils se spécialisent. Quelles sont les propositions de l’Escat ? Comme prévu, il y aura une classe Réalisateur, une autre en Image et une autre de Production dont on n’était pas certain l’an dernier, pour l’aspect administratif, recherche de financement, législation, etc.

Des projets pour la suite ?
Pour le moment, j’étais surtout dans l’organisation interne, mais à l’avenir j’aimerais ouvrir l’école vers l’extérieur. Avoir un rapport avec des festivals de cinéma, pour pouvoir emmener les élèves sur ces événements. En attendant, leurs premiers courts-métrages ont participé au Mobile Film Festival et au festival Désirs…Désir, un groupe a réalisé la bande-annonce du Festival International de Cinéma Asiatique de Tours, d’autres ont fait des captations et on a un projet de web-série en mars.

> Samedi 17 mars, de 11 h à 17 h, journée portes ouvertes de l’Escat, 34 rue de Suède, à Tours. Renseignements au 02 46 65 53 37 ou par mail à escatfrance@gmail.com

Le HQ va faire bouger la tech à Tours !

La place Jean-Jaurès verra bientôt naître le HQ, temple du numérique. Au menu, 1 000 m2 et 3 étages pour mieux accueillir la population et les entrepreneurs tourangeaux. Visite des lieux.

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Le HQ s’adresse à tous, de l’étudiant au salarié, du plus jeune au plus âgé.

À chaque niveau, odeurs de peinture, câbles électriques et échafaudages à gogo. Alors que Julien Dargaisse, l’un des cinq associés à l’initiative du HQ et directeur de l’association Palo Altours (retrouvez son interview juste ICI), nous promène d’étage en étage, ouvriers et chefs de projets s’affairent.

Dans les anciens locaux de La Poste, ambiance French tech et co-working seront au rendez-vous courant février, selon le jeune entrepreneur. Au premier niveau, étudiants, lycéens et travailleurs en pause déjeuner, ou souhaitant se retrouver entre amis, seront les bienvenus dans un espace de travail avec café et bar. Dans cette même salle, un espace exclusivement dédié à l’événementiel, avec vidéoprojecteur, pourra accueillir 170 personnes et plus si besoin. Un endroit chaleureux et décontracté ouvert à tous, gratuit aussi souvent que possible, qui ouvrira ses portes dans quelques semaines.

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Architectes et ouvriers s’activent pour finir les travaux à temps.

Quelques marches plus haut, les visiteurs pourront se restaurer tout en travaillant. Des bureaux pourront être loués au mois, sachant que la structure privilégiera les entrepreneurs dont le projet touche au numérique et à l’innovation. Le plus important restant les valeurs entrepreneuriales des candidats. Dernière étape, et pas des moins intéressantes, le troisième étage. Ici, Julien Dargaisse et ses collaborateurs pensent à un studio photo couplé d’une sorte de Fablab à la pointe de la technologie où pourraient être installées des imprimantes 3D. De quoi faire rêver les passionnés les plus habiles. « Ici, l’enjeu sera de favoriser la collaboration entre les différents acteurs qui s’y rencontreront », insiste Julien Dargaisse.
Étudiants, startupers et entreprises se côtoieront donc quotidiennement, autour du numérique. « Nous allons aussi proposer des formations autour de l’innovation », explique Julien Dargaisse. Les entreprises pourront venir se former à de nouvelles méthodes de travail ou des nouvelles technologies numériques. Les formations seront assurées par des intervenants extérieurs, sélectionnés par le HQ. « Tout le monde pourra proposer des formations. On regardera de quoi il s’agit, si ce n’est pas n’importe quoi, puis on validera. Ensuite, ces formations seront intégrées dans notre catalogue », explique Julien Dargaisse.

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Les collaborateurs veillent au bon déroulement des opérations.

Pour les intervenants, l’entrepreneur peut déjà compter sur le réseau qu’il a développé avec Palo Altours, son association dédié au numérique. Elle compte 150 membres et pourrait intégrer les locaux flambant neufs. À Palo Altours, les membres proposent des formations par rapport à leurs connaissances. Ces formations sont ensuite validées et dispensées aux gens qui le souhaitent. Le système sera semblable au HQ.

SENSIBILISER AU NUMÉRIQUE

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Le 3er étage accueillera un studio photo et un Fablab.

La formation tiendra donc une place importante. Avec cette offre, Julien Dargaisse veut sensibiliser les entreprises tourangelles au numérique. « Les entreprises du territoire n’ont pas toutes pris le virage du numérique, surtout les PME. Nous pensons qu’il faut les aider à le faire sinon elles vont droit dans le mur », estime Julien Dargaisse. Les formations seront donc très pratiques et n’excéderont pas deux jours. L’idée est que les entreprises puissent directement rentrer dans leurs établissements avec des solutions concrètes.

Le modèle du HQ n’est pas nouveau. Ce genre d’espace existe déjà à Paris. « Nous n’avons rien inventé. On s’est inspiré de ce qui existait déjà, on l’a transporté à Tours parce qu’il n’y avait rien », explique Julien Dargaisse. Le coût global du projet : deux millions d’euros. Il a fallu racheter le bâtiment et tout rénover. Pour réunir cette somme, il s’est donc entouré de quatre autres associés, mais la Région Centre-Val-de-Loire a également participé au projet en accordant un prêt de 200 000 euros. C’est le seul investisseur public du projet. « Nous n’avons pas demandé d’argent à la mairie ou une autre collectivité. Je pense que l’argent public peut servir à plein d’autres choses », confie Julien.

Pour rentabiliser ces lourds investissements, le HQ commercialisera ses offres de formation et compte sur la location des bureaux et de la salle de conférence. Avec le HQ, Julien Dargaisse veut que Tours compte dans le numérique, avec un lieu ouvert à tous.

EN SAVOIR PLUS
> lehq.co/
> facebook.com/lehqtours

TEXTES : Clara Gaillot & François Breton / PHOTOS : Lorenza Pensa (toutes et tous étudiants à l’EPJT)

Solary : Quand les gamers débarquent

Ils répondent au nom de Solary et animent une des plus grosses web-tv de France dans le domaine du gaming. Cette équipe de gamers a élu domicile au nord de Tours depuis fin octobre. En toute discrétion.

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Solary, c’est plusieurs ordinateurs, quelques caméras et des joueurs passionnés.

Ils sont terrés dans un hangar à deux étages qui ne paie pas de mine, vu de l’extérieur. Une fois à l’intérieur, les odeurs de peinture rappellent que l’endroit est encore en travaux. Depuis moins de trois mois, Solary s’est installé au nord de Tours. Les huit parisiens, âgés de 19 à 25 ans, jouent au jeux vidéos en ligne , principalement à League of Legends (LoL), à longueur de journée.

C’est ce drôle de métier qui leur permet de gagner leur vie. En deux semaines à peine, les geeks ont rendu leur lieu de travail habitable. Avec l’aide d’amis et de famille, ils ont donné quelques coups de peinture, posé du parquet et installé le matériel indispensable à leur activité. Plusieurs ordinateurs, quelques caméras, un grand canapé gris clair, une télévision encadrée d’une guirlande lumineuse de toutes les couleurs, une table de billard, une table de ping-pong, des figurines de leur jeu favori et des armes-jouets aux munitions en mousse. On ne voit pas des bureaux comme celui-ci tous les jours.

Solary a commencé à retransmettre en direct les parties de LoL de ses joueurs le 27 octobre via la plateforme spécialisée Twitch, bien connue des joueurs de jeux vidéo. Le succès a été immédiat. « Nous ne pensions pas que ça marcherait aussi bien. Au cours du premier mois, nous avons réalisé le deuxième meilleure score parmi les chaînes françaises de Twitch », se souvient un des joueurs, Sakor Ros dit Le Roi Bisou. Solary totalise aujourd’hui près de dix millions de vues.
Ce n’est pas si étonnant à vrai dire. Avant de se lancer dans cette aventure, les Parisiens étaient déjà des stars parmi les streamers — les joueurs de jeux vidéo qui diffusent leurs parties en les commentant. Ils jouaient pour l’équipe Eclypsia depuis 2013, un nom qui ne dit pas grand-chose aux non-initiés mais qui fait figure de référence dans le milieu. Pour Le Roi Bisou, c’était surtout un patron bien enquiquinant : « Il fallait faire ses heures, Eclypsia c’était l’usine. »

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Sakor Ros, dit Le Roi Bisou, est un des joueurs de Solary.

Désormais, les huit démissionnaires sont indépendants et s’amusent bien plus qu’avant. En ce début d’après-midi, il n’y a qu’un seul joueur dans « l’arène », une pièce sombre, ouverte sur la partie salon, où sont regroupés six ordinateurs. Jbzz, un casque avec micro vissé sur la tête, commente ses actions en direct en parlant plutôt fort.
Par moments, lorsqu’il se retrouve en difficulté dans le jeu, les jurons fusent. Dans le salon, un autre membre de Solary s’impatiente : « Dépêche-toi de perdre que je puisse jouer ! » L’équipe de streamers ne pourrait pas coexister sans une certaine rigueur : « Nous avons mis en place un planning pour que, à tour de rôles, tout le monde puisse jouer. Le soir, on fait des parties à plusieurs », précise Le Roi Bisou.

De 9 h à 2 h du matin, ils streament en permanence. La plupart du temps, ils jouent à LoL, jeu phare des compétitions d’eSport. Mais ils s’autorisent également à jouer à Mario Kart, Golf it ! ou Fortnite. Solary voit plus loin que le simple divertissement. « Nous voulons allier le stream et la compétition de haut-niveau », explique le coach Sam, qui a rejoint l’aventure récemment. Depuis le lancement de la chaîne, la famille s’est agrandie. Ils sont désormais dix, répartis en deux équipes : Solary, axé sur la compétition, et Luna, avec moins d’ambition professionnelle. Un choix de vocabulaire en forme de clin d’oeil, un peu ironique, à leur ancien employeur, Eclypsia.

League of Legends est un jeu d’équipe en ligne.
League of Legends est un jeu d’équipe en ligne.

DE L’AMBITION ET DES MOYENS

C’est l’heure de travailler. Accompagnés de leur coach, les compétiteurs se sont installés sur le grand canapé, juste en face de la télévision. Ils analysent des streams de joueurs coréens, les meilleurs au monde. « C’est le pays de l’eSport, les compétitions passent même à la télévision ! », rappelle Le Roi Bisou. En mars prochain, la bande de potes se rendra en Corée du Sud pendant deux semaines.
Ce séjour leur permettra de s’imprégner du jeu asiatique mais aussi de faire découvrir à leur communauté les concerts de K-pop, les barbecues typiques ou encore les temples. « Ceux qui nous suivent sont souvent jeunes, ils n’ont pas de quoi se payer le voyage », poursuit Le Roi Bisou.

Ekko est un personnage du jeu League of Legends.
Ekko est un personnage du jeu League of Legends.

Pourtant, ce sont bien les fans qui financent leur balade. Le 7 janvier, Solary lançait une campagne d’appel aux dons sur Internet. En une heure, l’objectif de 15 000 euros était atteint ; quelques jours plus tard, le compteur atteignait 50 000 euros. Une somme qui s’ajoute aux 38 000 euros donnés par leurs sponsors, Acer en tête. De quoi s’amuser et se préparer pour le tournoi de jeux vidéo Dreamhack qui reviendra à Tours au mois de mai. Et même assez d’argent pour continuer les travaux du local de Tours-Nord.

>> Retrouvez l’équipe Solary sur solary.fr, Twitch et YouTube.
>> Ainsi que l’interview de leur coach juste ICI ! <<

Textes : Louise Baliguet & Photos : Lorenza Pensa, étudiantes à l’EPJT.

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Emmaüs : agir pour les autres

Ouvert à tous trois jours par semaine, le point de vente d’Emmaüs à Tours-Nord, ne désemplit pas cet hiver. Responsable de l’équipe de bénévoles, Hervé Vétillard en présente l’esprit associatif, le fonctionnement et les vertus. #EPJTMV

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SEPT ADRESSES EN TOURAINE

Sept lieux de vente Emmaüs sont ouverts en Touraine dans les villes d’Amboise, d’Auzoueren- Touraine, de Chinon, d’Esvres-sur-Indre, de Joué-lès-Tours, de Saint-Pierredes- Corps et à Tours-Nord. Créée en 1954 sous l’égide de l’abbé Pierre, l’association Emmaüs est à l’origine d’un mouvement qui se décompose aujourd’hui en plusieurs branches (International, Solidarité, SOS Familles…) et intervient dans une quarantaine de pays. À l’échelle nationale, Emmaüs France rassemble plus de 18 000 personnes et fédérait 284 groupes au dernier recensement.

CINQUANTE-ET-UN BÉNÉVOLES À TOURS-NORD

Le point de vente Emmaüs de Tours-Nord, situé au 14 rue de Belgique, s’étale sur plus de 2 000 mètres carrés. L’équipe compte 51 bénévoles, dont une vingtaine présents à chaque ouverture pour s’occuper de l’administration et des différents stands. Le lieu ouvre ses portes seulement trois jours par semaine : les mardis et jeudis de 14 h à 17 h 30 et le samedi de 10 h à 12 h et de 14 h à 17 h 30. Et, au regard de la fréquentation constatée sur place, on veut bien croire Hervé Vétillard lorsqu’il confie que le site « cartonne ».
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« SAUVER LES PLUS DÉMUNIS »

Image23« Notre rôle est de transformer les dons et ventes d’objets en argent pour sauver les plus démunis, résume Hervé Vétillard. On poursuit l’idée de l’Abbé Pierre. » L’argent ainsi récolté est redistribué à de nombreuses associations partenaires (comme « 100 pour 1 Hébergement » ou Le Relais) qui s’occupent de loger des personnes en difficulté, aident à monter des microcrédits ou se portent caution pour des achats… Mais tout l’argent n’est pas redistribué, « il faut également payer les compagnons », c’est à dire près de 5 000 personnes.

DES « COMPAGNONS » ?

Sous le nom de « compagnons » sont désignés les femmes et les hommes « en difficulté » qui sont accueillis par les communautés Emmaüs. Les compagnons travaillent au sein de l’association, à la collecte de produits ou à la distribution, et peuvent en contrepartie être logés et blanchis. Ceux d’Esvres-sur-Indre s’occupent par exemple des camions chargés d’objets qui font la navette entre les différents Emmaüs de Touraine. Tout le monde peut cependant devenir bénévole et les rejoindre. L’association, « complètement autonome », ne reçoit pas de subvention.

BRIC-À-BRAC

« On croule sous les dons », confie l’équipe de Tours- Nord. Qui veut donner donne, les refus sont rares. La Touraine n’a pas (encore) les mêmes problèmes que Paris, où les dépôts sont « de plus en plus sélectifs car les personnes confondent Emmaüs avec la déchetterie ». Aucun contrôle de stock n’est fait. Habits, livres, meubles : les allées regorgent de produits. Quant aux prix fixés par l’association, « on part du principe que c’est le tiers du prix initial ». Exemple : un jouet coûtant dix euros dans un magasin sera vendu trois euros.

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FAIRE BOUGER LES LIGNES

Fondé sur le volontariat et le souhait d’aider les plus démunis, l’esprit Emmaüs anime les bénévoles de Tours- Nord. Hervé Vétillard a commencé à démarcher des écoles pour organiser des visites. « Aujourd’hui, il y a un paradoxe entre les problèmes économiques et la surconsommation. C’est un sujet de société important, surtout quand on voit que des enfants n’apprécient pas ce qu’ils ont… alors qu’ils ont beaucoup. Il faut qu’ils voient ça. » Comme disait l’abbé Pierre : « La première règle avant d’agir consiste à se mettre à la place de l’autre. »

« SI J’ÉTAIS RESTÉ DANS MON CANAPÉ… » Image18

Plusieurs bénévoles de Tours-Nord sont aujourd’hui en centres d’accueil. Certains n’ont aucun papier. D’autres dorment dehors le soir. Franchir les portes d’Emmaüs, c’est aussi ouvrir les yeux sur un monde que beaucoup refusent de regarder. « Il y a un vrai problème de logement. Il y a des gens qui n’ont rien, qui appellent le 115 tous les soirs… Je ne l’aurais pas vu si j’étais resté dans mon canapé. » Hervé Vétillard veut mobiliser les élus pour que les travailleurs d’Emmaüs soient reconnus et bénéficient de plus d’avantages dans la société.

TEXTES Daryl Ramadier ; PHOTOS Alizée Touami

>> ALLER PLUS LOIN : nos portraits de bénévoles et compagnons à Emmaüs << 

Plongée au cœur des égouts de Tours

Que se passe-t-il au fond des égouts ? Pour la première fois, tmv s’est immiscé dans le réseau des eaux pluviales de la ville et vous en dévoile tous les mystères. #EPJTMV

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« C’est par ici que vous allez descendre. » En voyant la petite bouche d’égout que nous pointe du doigt l’agent, on pense à une blague. Mais non. C’est bien par ce passage exigu dans l’enceinte de la Villa Rabelais que nous allons pénétrer dans les entrailles de Tours. Pas super rassurant au premier abord.

Heureusement, nous sommes bien entourés. Car il est impossible de descendre seul. Il est même normalement interdit de s’aventurer dans les égouts sans avoir suivi une formation de sécurité. « Cette descente est exceptionnelle, vous êtes un peu privilégiés », annonce malicieusement Pascal Perrineau, chef d’équipe et chargé de l’exploitation des réseaux dans la Métropole.
Privilégiés ? Peut-être. Mais un peu flippés. Avant tout, indispensable de s’équiper. Combinaisons, bottes, gants, casques… Jean-Marc Beccavin, chauffeur égoutier, nous fournit tout l’attirail nécessaire, de quoi garder le style, même sous terre. Équipés certes, mais pas encore briefés niveau sécurité.

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C’est Franck Deruelle, spécialiste de la sécurité en espaces confinés, qui s’en charge. On enfile notre harnais, qu’il prend le soin de bien vérifier, au cas où… Puis une lourde ceinture sur laquelle est attaché un boîtier en métal renfermant un masque auto-sauveteur. « Si jamais il y a un souci, vous mettez le tuyau dans la bouche le plus vite possible puis le pince-nez. Ensuite, le reste, je m’en charge. »
Notre vie tient donc dans les mains de Franck. Elle dépend aussi d’un petit boîtier qui clignote vert. S’il passe au rouge, alerte ! Ce détecteur permet de toujours garder un œil sur la présence ou non de certains gaz toxiques. « Le méthane se forme à partir de pourrissement végétal, en moins de trois heures. À la moindre source d’activation, ça pète facilement. »

BALLES DE FUSIL ET EMBALLAGES DE SHIT

C’est le moment. Chacun à notre tour, nous descendons dans le tampon de chaussée, terme jargonneux pour désigner les bouches d’égout. Comme dernière précaution, on nous accroche un mousqueton relié à un tripode pour emprunter l’échelle. Nous y voilà enfin, mode Tortues Ninjas activé.

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Une fois dans le conduit, appelé dalot, il fait plutôt doux. On progresse dans le réseau d’évacuation des eaux de pluie, guidés et éclairés par Jean-Marc Beccavin. Sachez que sous vos pieds, soixante kilomètres de galeries sont praticables. Sans compter les 1 300 kilomètres de réseaux d’eaux usées, non visitables.
Les égouts de Tours, qui datent du XIXe siècle, sont loin de ce que nous imaginions. La visite se fait courbés à moitié accroupis dans un tunnel en pierre plongé dans le noir. Pas plus d’1,60 m, parfois moins. On sent un léger courant d’air continu. Il s’agit de l’oxygène apporté de l’extérieur par un gros tube orange, indispensable pour ne pas manquer d’air. En revanche, grande surprise : pas d’odeurs. « Les égouts, c’est beaucoup de clichés, affirme Pascal Perrineau. Mais en réalité ça ne pue pas et il n’y a pas de rats qui grouillent. » C’est vrai que l’on n’a pas croisé de rongeurs. Mais il y a quand même de la vie dans les égouts. Les pieds dans vingt centimètres de limon et de vase, nous tombons nez à nez avec un scarabée. Et il n’est pas tout seul. « Sous le boulevard Béranger il y a de l’eau et donc des petits poissons, crevettes et insectes », détaille Jean-Marc Beccavin devant une pousse de champignons.

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« Bip Bip ! » L’un de nos détecteurs se déclenche. Après quelques regards inquiets, Franck met fin au début de panique. Fausse alerte. Trop près de la bouche, le boîtier a été alarmé par le CO2. La visite peut se poursuivre sereinement. Plus loin, mégots, gobelets et sachets en plastique jonchent le sol. Malheureusement, les déchets font aussi partie du quotidien des égoutiers. « L’une de nos tâches consiste à dégager les grilles d’évacuation. Mais beaucoup de déchets sont jetés dans les égouts », s’alarme Pascal Perrineau. « On trouve de tout, poursuit Jean-Marc Beccavin, lampe-torche à la main. Des portefeuilles, des sacs à main, de l’argent, des balles de fusil et même des emballages de shit ! »

Les égoutiers ont aussi pour mission de curer et entretenir les réseaux régulièrement pour éviter les bouchons et inondations. Sur notre parcours, un filet d’eau sort d’un tuyau. Après vérification, il ne s’agit pas d’une chasse d’eau mais d’un seau jeté dans les caniveaux. Tout ce qui est jeté dans la rue coule directement dans les égouts, donc dans le Cher et la Loire. « C’est pourquoi il ne faut pas jeter de la javel ou autres produits toxiques, dangereux pour l’environnement, signale Pascal Perrineau. Beaucoup l’ignorent. » Après une demi-heure dans les dalots, il est temps pour nous de remonter à la surface. Les égouts n’ont (presque) plus de secret pour nous !

Textes : Malvina Raud & Clément Argoud
Photos : Alizée Touami & Lorenza Pensa

>> Pour retrouver ceux qui nous ont guidés dans les égouts, filez lire leurs portraits juste ici ! << 

>> Pour plonger en vidéo dans les égouts avec nous, jetez un œil sur notre reportage vidéo <<

Une demi-heure, c’est le temps que nous avons passé dans le réseau. Les égoutiers ne dépassent jamais cette durée.
Une demi-heure, c’est le temps que nous aurons passé dans le
réseau. Les égoutiers ne dépassent jamais cette durée. Sécurité oblige.

Portraits : Les figures des égouts

Portraits des quatre hommes qui vous ont permis de découvrir ce qui se passe sous vos pieds, dans les égouts, lors de notre reportage. #EPJTMV

JEAN-MARC BECCAVIN, 56 ANS, CHAUFFEUR ÉGOUTIER

Les égouts de Tours n’ont plus de secrets pour Jean-Marc. Cela fait neuf ans qu’il travaille dans le service de la ville. Mais il ne passe pas toutes ses journées sous terre non plus. « On ne descend pas plus de trois ou quatre heure par jour, en faisant des rotations de trente minutes. Quand on remonte, on tourne, on change de rôle : le surveillant devient intervenant. » Le chauffeur égoutier nous a guidé pendant la visite et n’était pas avare d’anecdotes. Ni de métaphores : « Ici, à la Villa Rabelais, on peut comparer les égouts à une deux fois deux voies. Alors qu’à Jean Jaurès, c’est l’autoroute ! Les dalots sont de différentes tailles partout dans la ville. »

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FRANCK DERUELLE, 45 ANS, SPÉCIALISTE DE LA SÉCURITÉ EN ESPACES CONFINÉS

Son rôle officiel : préventeur Hygiène sécurité environnement (HSE) et formateur Catec (Certificat d’aptitude à travailler en espaces confinés) au sein de Tours Métropole. C’est lui qui forme les égoutiers aux normes de sécurité. « Je passe 80 % de mon temps à Tours métropole. Le reste, je le passe à l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité) et dans des grandes entreprises pour former leurs salariés. » Sans lui, impossible pour nous de descendre dans les égouts, car depuis novembre 2017 il faut impérativement avoir le Catec pour y aller. Une formation qui coûte plus de 300 euros.

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PASCAL PERRINEAU, 54 ANS, CHEF D’ÉQUIPE ET CHARGÉ DE L’EXPLOITATION DES RÉSEAUX DANS LA MÉTROPOLE

Entré en 1987 au service des réseaux de la ville de Tours (puis de la Métropole), il a été chauffeur égoutier pendant 20 ans. Aujourd’hui, il est plus souvent à la surface. Il dirige une équipe de vingt personnes travaillant dans le réseau des égouts. Mais il lui arrive encore de descendre dans les souterrains tourangeaux. Lors de notre visite, Pascal, riche de son expérience a pu nous indiquer toutes les choses à savoir sur le métier de chauffeur égoutier et du réseau d’eaux pluviales et usées.
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FRANCK LENESTOUR, 42 ANS, CHAUFFEUR ÉGOUTIER

Franck est le petit dernier de l’équipe. Il a été recruté en tant que chauffeur égoutier pour Tours métropole, il y a trois mois. Pendant qu’un de ses collègues est au fond de l’égout, il assure sa sécurité. Franck, c’est un peu les oreilles des dalots. Il entend tout depuis la surface grâce à ses oreillettes. Plusieurs fois, il prend des nouvelles. « On est reliés en wi-fi, ce qui me permet d’entendre tout ce qui se passe au fond. J’instaure le dialogue pour savoir s’ils m’entendent. » Franck n’est encore jamais descendu à plusieurs mètres sous terre dans le réseau d’eaux pluviales. Il attend la formation Catec, que lui donnera Franck Deruelle.
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TEXTES Malvina Raud & Clément Argoud ; PHOTOS Lorenza Pensa & Alizée Touami.

>> Vous pouvez lire notre reportage dans les égouts de Tours juste ici ! << 

A Tours : La course aux jouets

À quelques jours de Noël, notre journaliste est allé passer l’après-midi dans les allées d’un magasin de jouets à Tours. Au programme ? Un petit coup de vieux et un retour en enfance. Attention, un message caché se trouve dans ce texte…

La petite Apolline aura un cadeau avant l’heure.
La petite Apolline aura un cadeau avant l’heure.

Je sursaute. La voiture de police se met à hurler. Les sirènes s’allument et les roues patinent. Une mamie me regarde étrangement. Non, je n’ai pas été embarqué par la maréchaussée, parce qu’avouons qu’un homme de 30 ans traînant des heures à La Grande Récré, appareil photo en main et l’air béat, c’est plutôt… louche. Aujourd’hui, j’agis simplement comme un gamin de 8 ans tripotant un jouet bien bruyant et qui se fait remarquer dans les rayons d’un magasin de jouets. Une cliente rigolarde, passant au même moment, me lance : « Eh ben, on a envie de jouer ? Allez, on va dire que je n’ai rien vu… ».

Tête de crotte !, c’est « le jeu cacarrément génial ».
Tête de crotte !, c’est « le jeu cacarrément génial ».

Oh maman, oh maman, oh maman ! » Ce « oh maman » sera répété 23 fois en seulement deux minutes (promis juré). La petite fille qui court partout entre les rayons est excitée comme une puce. Elle veut tout, de la poupée Barbie à la guitare Chica Vampiro. Cela faisait un bail que je n’avais pas mis les pieds dans un magasin de jouets. Coup de vieux : parfaite inconnue à mes yeux, Chica Vampiro est en fait une telenovela colombienne avec, au menu, musique, danse, humour et vampires. Les enfants en raffolent. Chica a donc droit à sa super guitare électrique qui joue toute seule. Quand j’étais gosse, je me contentais d’enlever les cheveux de mes Playmobil. J’ai presque envie de souffler un « Bouarf, de mon temps… » avant de me raviser. Alerte vieux schnock, la vieillesse me guette. Help.

Y-a-t-il un pilote dans l’avion ? Ou du moins dans l’hélico ? En l’occurrence oui, et « c’est un expert », rigole Christophe Soulat, le responsable du magasin. L’expert, c’est Brian. L’employé fait une démonstration d’un hélicoptère radiocommandé et visiblement très solide, vu les gadins qu’il supporte. Crash-test passé avec succès pour le “hover dragon”, « l’un des jouets qui cartonnent le plus », d’après Christophe Soulat.

Et il n’a pas tort : ça s’agglutine devant le jouet stratégiquement positionné en entrée de magasin. La jeune Jade, et sa superbe chevelure à la Raiponce, s’y essaye, manette en mains. L’appareil vole très haut, avant de s’écraser dans un rayon… sans se casser. L’apprentie- pilote s’éclate et les deux garçons qui attendent leur tour ont des étoiles plein les yeux. Tout le monde tente, l’hélico frôle les têtes (le scalp n’est pas loin !). Secrètement, je m’en veux de ne pas m’élancer également. Je me rassure : « Allez, ressaisis-toi, t’es un vieux maintenant. »

Un autre jouet attire les foules : Cutie Six, un set de création de bracelets. Ou comment faire ses bijoux à partir de perles fun et multicolores. Simple, basique et surtout « sans danger », comme le précise Laura qui multiplie les démonstrations auprès des clients. La petite Apolline, 7 ans, est scotchée. Un bracelet se réalise sous ses yeux. « Elle est très créative, donc elle adore », confirme son père. Elle repartira avec le précieux sésame autour du poignet, toute sourire.

Xavier (son prénom a été modifié pour me sauver la mise et m’arranger dans la construction de cet acrostiche) fait la moue. « Tiens, des puzzles ! C’est bien, les puzzles ! », s’enthousiasme-t-il. Réponse bazooka des chérubins ? « Non, c’est nul. » Et pan. En revanche, quand une des vendeuses propose de tester « ma première Ferrari radiocommandée » (tournez le volant et le bolide tourne aussi), les enfants poussent un « ouaiiiis » suraigu. Échec et mat, papa !

Jade s’est mise aux commandes du Hover Dragon.
Jade s’est mise aux commandes du Hover Dragon.

Noël approche, tu as fait ta liste ? », interroge une maman plus loin. Emma, à peine 6 ans, répond : « Promis, je choisirai quelque chose de pas trop cher. » Cette petite est étonnante. Toute sage, elle pose un œil sur de gros jouets, mais le détourne en voyant les prix. Et jette son dévolu sur la « toupie- bataille », un joujou à succès du magasin.

Outre cette toupie et « le fameux hélicoptère… qui fait aussi tondeuse », comme plaisante Christophe Soulat, « ce qui marche, c’est le micro musical, tout ce qui a trait à la créativité et le tigre rugissant ».

Exit, aussi, les jouets genrés. Désormais, filles et garçons partagent les mêmes. Enfin fini, la dînette pour fifille et la grosse tuture pour bonhomme. D’après le responsable du magasin, les parents ne veulent plus de ça : « Il faut vivre avec son époque ! »

Les deux jouets-stars du magasin passent à la caisse du magasin, accompagnés d’un énorme tyrannosaure prêt à se goinfrer de petits bonshommes en plastique. Oui : faible que je suis, j’ai craqué et fais chauffer la carte bleue. La prophétie de Christophe Soulat (« vous ne repartirez sûrement pas les mains vides ») s’est visiblement réalisée. Mes neveux et nièce devraient être ravis de ces cadeaux. Et, comme tous les autres enfants, passeront un joyeux Noël.

Quoi ma gueule ? Qu'est-ce qu'elle a ma gueule ?
Quoi ma gueule ? Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ?

Vous avez dit « permaculture » ?

Sur la plaine de la Gloriette, des Tourangeaux découvrent la permaculture avec Kiwi-Nature. L’occasion de mieux saisir ce concept en vogue.

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« On leur coupe la tête alors qu’elles nous rendent service ! » Défenseur des plantes sauvages, le paysagiste et botaniste Davy Cosson s’insurge contre le sort réservé aux « mauvaises herbes ». Consoude, pissenlit, plantain lancéolé… L’homme ne tarit pas d’éloges sur ces végétaux aux mille vertus.

Face à lui, 8 personnes venues découvrir, sous un grand soleil d’automne, les plantes sauvages de la plaine de la Gloriette. Pas besoin de s’aventurer dans les méandres du potager. Elles sont là, juste à l’entrée, au pied d’une barrière en bois. Premier atout : « Ce sont des plantes bio-indicatrices. Elles nous renseignent sur l’état du sol », commence Davy Cosson. La consoude, par exemple : avec ses grandes feuilles poilues et rugueuses se terminant en pointe, elle indique un sol compact et humide. Mais ce n’est pas tout : transformée en purin, source de phosphore, elle revitaliserait les plantes. Et ses touches jaunes, juste à côté ? Ce sont des pissenlits, bien sûr. Ils indiquent un sol pauvre en potassium.

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Et comme la nature est bien faite, leurs longues racines vont chercher ce nutriment en profondeur. « C’est comme en médecine, poursuit le botaniste. Plutôt que d’éradiquer le symptôme en arrachant les plantes, on ferait mieux de travailler sur les causes de la maladie ! Le pissenlit, en nourrissant le sol, est à la fois le symptôme et le remède. Ça n’a donc aucun intérêt de l’enlever. » Si on laisse la plante en place, elle disparaîtra toute seule une fois le sol suffisamment enrichi, assure le spécialiste. Après une matinée théorique, cette promenade digestive à la découverte des plantes sauvages a lieu dans le cadre d’un stage d’initiation à la permaculture, organisé par la société Kiwi-Nature.

La permaculture ? « C’est la conception et l’entretien d’écosystèmes humains et durables s’inspirant de la nature. Une philosophie de vie, qui amène vers plus d’autonomie et d’écologie », définit Davy Cosson, formateur et fondateur de Kiwi-Nature. La permaculture est un concept né dans les années 1970 à l’initiative de deux australiens : Bill Mollison et David Holmgren. Elle s’inspire du fonctionnement des écosystèmes naturels et repose sur trois principes essentiels : prendre soin de la terre, respecter l’Homme et partager équitablement les ressources. Appliquée au jardinage, elle consiste, par exemple, à améliorer le sol pour que la plante se développe dans des conditions optimales. « Adapter le sol aux plantes, et non l’inverse », précise le botaniste. Bien sûr, tous les herbicides, insecticides et autres produits chimiques en « -icides » sont remisés au placard. Une autre manière de jardiner, donc. Adieu le Roundup qui permettait de désherber son jardin en dix minutes. En même temps, vu ses effets probablement cancérogènes, notre santé s’en portera sûrement mieux. On oublie aussi les engrais de synthèse, auxquels on préférera la matière organique (fumier, compost…).

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Culture en lasagnes

La fin de l’après-midi arrive, c’est le moment de passer à l’action ! L’objectif : mettre en pratique les acquis de la journée en créant une butte en lasagnes. Vous imaginez déjà des plaques de lasagnes géantes sur lesquelles pousseraient des légumes nourris à la sauce tomate ? Changez les ingrédients, et vous y serez. La culture en lasagnes consiste à empiler des couches de matériaux riches en carbone et en azote : fumier, paille, argile, compost, branche… Moins appétissants, mais plus propices à la création d’un riche support de culture.

Jardinière avertie, Véronique, l’une des stagiaires, a hâte de tester la technique : « La permaculture m’intéresse. Passionnée de jardinage depuis 30 ans, j’ai d’abord pratiqué en jardin ouvrier, puis chez moi à Thilouze. Si c’était à refaire j’en ferai mon métier ». Nicolas, lui, a franchi le pas : ancien courtier en œuvre d’art sur Paris, il se reconvertit dans le maraîchage bio sur 3 hectares à Langeais. Mais il n’y a pas que des pros : dépourvus de jardin, les autres stagiaires, comme Quentin et Cynthia, sont venus poussés par la curiosité.

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Direction la cabane à outils. Chacun se munit d’une bêche, d’une binette ou d’une brouette, puis le groupe part à la recherche de matériaux disponibles sur la plaine de la Gloriette. De retour, les voilà qui empilent une couche de branches, une autre de fumier, des feuilles mortes, de la paille… En deux temps trois mouvements, la butte en lasagnes est faite. Il ne reste plus qu’à arroser, puis attendre le printemps pour planter.

En savoir plus : Prochain stage de permaculture théorique et pratique organisé à Tours les 9 et 10 décembre 2017.
> Infos sur kiwi-nature.com

N.P.

FreeFit Concept : le sport sort des salles

Vous les avez peut-être croisés à s’agiter ou à courir dans un parc. La communauté du FreeFit concept grandit à Tours, faisant chaque semaine un peu plus d’adeptes. Mais le Freefit, c’est quoi exactement ?

BONUS FORME FREE FIT

Au gymnase Choiseul, 62 personnes attendent près de leurs tapis. C’est la première fois que ce cours se déroule en salle depuis que le Freefit Concept a été lancé à Tours il y a un an et demi. Damien et Priscilla ont apporté l’idée de Grenoble et monté une association Loi 1901 avec 7 autres amis, pour gérer les inscriptions.

Ce soir, ils sont 6 coachs à encadrer les participants. Une séance de Freefit c’est 1 h 30 de renforcement musculaire, mais aussi des exercices de cardio. En retirant les explications et les pauses, c’est 1 h de travail intensif. D’abord, des échauffements sur place, avant de s’élancer autour du gymnase. Comme au collège, il y en a qui font les malins en sautant pour toucher le panier de basket, et comme au collège, ils n’y arrivent pas tous. Certains s’arrêtent pour dire bonjour, l’ambiance est bon enfant.

« Permettre aux gens de se rencontrer »

Retour au tapis et début des hostilités : des pompes, des squats, des abdos et des exercices pour les biceps, qui ne sont pas oubliés. « It’s the eye of the tiger! », crient les enceintes. À la fin de chaque session, on s’applaudit. Ils sont plusieurs centaines en tout à se retrouver pour faire du sport le lundi, le mercredi et/ ou le vendredi, ou bien pour le « boot camp » du mardi. Le principal attrait de ces séances, c’est qu’elles sont gratuites. « Le but du freefit c’est le sport accessible à tous. On sait tous que le coût d’une salle de sport n’est pas négligeable », explique Yohann Rivault, trésorier de l’association et coach énergique, qui trouve que ces sessions aident également les gens qui ont du mal à sortir à rencontrer des gens.
« On fait aussi des événements hors sport qui sont faits exprès pour ça, pour permettre aux gens de se rencontrer, apprendre à se connaître, venir aux séances ensemble. » Si le concept pose parfois question car les coachs sont souvent des bénévoles amateurs, ces séances tourangelles sont bien encadrées.

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It’s the final countdown : les participants doivent signer une décharge avant de se lancer (et bientôt l’inscription gratuite à l’association sera obligatoire) mais les coachs circulent et aident en corrigeant les positions pour éviter les blessures, motivant les troupes au passage.
Certains exercices se font en équipes et une amusante rivalité se met en place entre ceux qui font durer exprès leurs squats et les autres, obligés de tenir un peu plus en position de gainage. Enfin, obligés… Personne ne se force à aller au-delà de ses limites. On sait que si on abuse, on le paiera et d’aucuns n’hésitent pas à faire une pause quand c’est nécessaire. Uptown, funk you up : Magali et Caroline, deux étudiantes de M2 de biologie, viennent se défouler et se remettre en forme. Magali a fait quinze ans de gym avant d’arrêter il y a deux ans.

« Ça marche bien, il y a des résultats assez rapidement », affirme-t-elle. C’est elle qui a convaincu son amie, qui vient pour la première fois. « C’était un peu hard, quand même au début, avoue Caroline. Surtout après trois mois d’été, quand on n’a rien fait, on s’empâte un peu. Ça reprend dur mais ça fait du bien, on le sent. » « L’année dernière on a avait essayé de courir toutes les deux, mais c’était facile de se démotiver. C’est pour ça que le freefit c’est top. Y’a une bonne ambiance, les coaches sont hyper sympas, ça motive », conclut Magali.

CLM

Médecin légiste : secrets d’un métier

Médecin légiste, Pauline Saint-Martin est responsable depuis 2011 de l’Institut médico-légal de Tours. Un travail discret, précieux pour les enquêteurs et pour permettre aux victimes de violences d’être reconnues.

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Je ne sais pas si je vais parler beaucoup de moi. » Sa voix est douce mais les mots sont choisis avec une précision chirurgicale. Elle n’est pas là pour se mettre en avant mais pour aller au-delà des clichés. À 37 ans, Pauline Saint-Martin est professeur en médecine et responsable de l’Institut de médecine légale de Tours. Le service est niché dans une petite annexe, au pied du CHU. La salle d’attente est vide et ressemble à celle de tous les médecins de famille : quelques magazines, des affiches d’information sur les murs et dans un coin, un grand bac à jouets. Tout est silencieux.

Les cinq médecins du service interviennent 365 jours par an, sur réquisition d’un officier de police judiciaire, d’un magistrat ou d’une commission d’experts. Ils sont 240 médecins légistes en France et le chemin est long, onze ans d’études, avant d’obtenir leur diplôme. Une profession discrète, loin des séries télé, qui apporte ses compétences scientifiques aux policiers et aux magistrats.
« C’est un métier particulier, avoue Pauline Saint-Martin. C’est être médecin sans soigner les gens… mais en les aidant d’une autre manière. » Elle ajoutera au fil de la discussion : « On ne comprend pas mieux la mort en étant médecin légiste. Ce métier ne donne pas du tout de clés sur la mort. »

Du médecin légiste, on connaît le travail sur les morts mais l’examen des vivants représente 95 % de son activité. Femmes maltraitées, enfants battus, gardés à vue, blessés dans une bagarre de rue, accidentés… les légistes tourangeaux reçoivent 2 000 victimes par an, toujours dans le cadre de procédures judiciaires. Le légiste ne soigne pas, il constate les lésions et établit pour la justice un rapport détaillé. Professeur, Pauline Saint-Martin enseigne sa discipline à l’université. Elle aime transmettre son métier mais son but principal est ailleurs : apprendre aux futurs professionnels de santé à détecter les violences.
« Qu’ils soient médecins, sage-femmes ou kinés, tous seront confrontés à des victimes de violence et surtout de violences intrafamiliales. Les patients viennent parfois consulter pour un autre motif mais si on détecte ces violences, on fait un pas. » Elle participe aussi à des campagnes de prévention contre la maltraitance des femmes ou des enfants mais refuse d’adhérer à une association : « Dès que l’on devient militant, on n’est plus objectif et on ne peut plus faire notre métier correctement. C’est aussi une question de crédibilité : personne ne pourra mettre en doute la sincérité du rapport médical. Et c’est le meilleur service qu’on puisse rendre aux victimes. »

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Comme l’enquêteur, le médecin légiste doit rester neutre : il peut être amené à examiner une victime le matin et son agresseur le soir, dans le cadre d’une garde à vue. « La médecine demande qu’on accepte de mettre nos compétences au service des personnes. Quel que soit leur passé, d’où qu’elles viennent. Et si on ne peut pas l’accepter, il faut exercer un autre métier. » Mais elle reconnaît que c’est une profession difficile : « Pas à cause de la mort, contrairement à ce que l’on imagine. Ce qui est dur, c’est la violence chez les vivants, et surtout, la répétition de la violence et de voir la plupart des victimes la subir dans le milieu familial. On croit que la famille est un milieu protecteur et en faisant ce métier, on se rend compte que non, pas toujours et parfois, la terreur y règne. »
Dans ce bureau lumineux, impossible d’imaginer jusqu’où le malheur peut se glisser. Le calme de Pauline Saint-Martin est une barrière.

Au bout du couloir, une autopsie est en cours (200 chaque année à Tours). Chacune est réalisée à la demande de la justice, pour connaître les causes de la mort en cas de décès suspect. Mesure, poids, sens des déchirures… un assistant note chaque détail, en présence de l’enquêteur – policier ou gendarme – qui mettra ensuite sous scellés les prélèvements effectués. Ils pourront, si besoin, être analysés. Puis le corps est restitué à la famille.

Pour l’examen des victimes vivantes, l’enquêteur n’est pas présent. Le médecin lui détaille ses constatations, avec les photos et les prélèvements. Et il reste soumis au secret médical, en limitant son rapport à ce qui concerne l’enquête. Les photos, toujours prises avec l’accord de la victime, sont précieuses : elles permettent de garder une trace des lésions et de suivre leur évolution.
Médicale, judiciaire, psychologique, les prises en charge des victimes sont multiples. Parfois elles se croisent, parfois, elles se suivent en pointillés : certaines victimes portent plainte plusieurs années après une agression sexuelle ou un accident de la route. Si les blessures sont plus difficiles à constater, le légiste procède aussi à un examen psychologique et pourra constater les cicatrices ou les séquelles, physiques ou psychiatriques.

Comme tout légiste, Pauline Saint-Martin témoigne plusieurs fois par an lors de procès d’assises à Tours mais aussi à Blois ou Châteauroux. Ces dépositions exigent des médecins beaucoup de pédagogie : les jurés et les magistrats ne sont pas des spécialistes. Il faut épurer l’autopsie, utiliser des mots simples et précis. Face aux familles présentes dans la salle, devant les victimes parfois, ce récit est difficile, chargé d’émotion, parfois insoutenable pour elles. « Ce sont toujours des moments de souffrance, confirme Pauline Saint-Martin mais ils montrent l’utilité de notre travail. »

Après dix ans d’exercice, qu’est-ce qui lui donne toujours la force d’affronter les blessures des autres ? « On ne peut pas dire que ce métier ait de bons côtés ou rende heureux : face aux souffrances et aux difficultés des personnes qu’on rencontre, on ne peut pas utiliser ces termes. Mais pouvoir les aider dans leur processus de reconnaissance et de plainte est le côté intéressant. On a l’impression de servir à quelque chose. »

CCNT : la danse en partage

Depuis le mois d’octobre à Tours, 17 danseurs amateurs créent une oeuvre collective. Une aventure artistique et humaine encadrée par la chorégraphe Claire Haenni.

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D’un pas tranquille, une femme s’avance sur scène en chantonnant. Rejointe par une autre, puis encore une autre… Bientôt, seize danseurs forment un cercle au milieu de la scène. En son centre, un tas de vêtements jonche le sol. Les artistes y puisent tantôt une jupe grise, tantôt une tunique verte. Se déshabillent, se rhabillent, puis se dévêtissent à nouveau, tout en chantant en chœur. Soudain, un grondement de tonnerre retentit. Changement d’ambiance. Musique dramatique. Une femme tombe à terre. D’autres courent, affolées. Même les vêtements, lancés tels des projectiles, deviennent menaçants. C’est la guerre. Puis le silence, sombre et lourd de sens.

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Ce samedi-là au Centre chorégraphique national de Tours (CCNT), les danseurs de l’atelier chorégraphique filent leur spectacle. Dans un mois, ce sera la grande première. Ils sont 17 amateurs, 15 femmes et 2 hommes, à vivre une expérience unique en son genre : participer à une création collective avec un chorégraphe professionnel. « Une aventure à la fois humaine et artistique, qui les propulse dans l’univers d’une compagnie.
Ils vivent un processus riche de joies, de doutes et de pleurs », rapporte Emmanuelle Gorda, l’assistante. Le stage, renouvelé chaque année depuis l’arrivée en 2012 de Thomas Lebrun à la tête du CCNT, a été successivement dirigé par Christian Ubl, Odile Azagury, Thomas Lebrun lui-même, puis Pascale Houbin. Cette année, Claire Haenni s’est lancée dans l’aventure. Sa volonté : transmettre l’héritage du chorégraphe Jacques Patarozzi, « un maître un peu oublié », dont elle a longtemps été l’une des interprètes et qui a marqué sa carrière : « J’ai suivi ses cours pendant 20 ans et passé 15 ans dans sa compagnie. C’est un pédagogue extraordinaire, qui a trouvé comment faire exprimer une danse à la fois théâtrale et lyrique. »

Image2En septembre 2016, le projet démarrait par une audition. La chorégraphe a retenu la moitié des candidats. De tout âge et tout niveau, plus ou moins à l’aise techniquement. Si certains comptent de nombreuses années de danse derrière eux, d’autres, comme Hugo, débutent. « Pour moi, c’est une première. Je me suis dit que ce serait l’activité idéale pour me débloquer, être moins rigide et crispé au théâtre. C’est dur car je manque de souplesse et de technique, mais je m’amuse beaucoup ! », assure le jeune homme de 18 ans, qui suit un cursus de théâtre au conservatoire de Tours.
Pour Claire Haenni, l’enjeu n’est pas dans la technique. C’est avant tout un travail de groupe et d’écoute. « J’ai choisi des personnes suffisamment “ réveillées ” pour comprendre ce qui se joue dans le groupe et construire collectivement. Tout le monde n’a pas ce talent-là », souligne-t-elle. La sélection passée, les stagiaires se sont retrouvés un week-end par mois pendant 8 heures.

Au programme : transmission de l’héritage de Jacques Patarozzi, apprentissage de morceaux de chorégraphies, improvisations… Un travail sur le corps, mais aussi la voix et l’écriture. La bande-son est composée de textes écrits et lus par les danseurs : « envie de partir, repartir », « monter, s’alléger vers le ciel qui danse tout en haut »… Le thème de leur création : le voyage, la migration… « Une envie de fuir, de se dégager du quotidien. Ils m’ont parlé de mer, de vent, d’oiseau…Ils forment une communauté en voyage », décrit Claire Haenni, qui laisse une grande place à l’improvisation. Sur 45 minutes de spectacle, seules 15 minutes sont écrites. Pas facile d’improviser une demi-heure sur scène face à un public.

La confiance entre en piste

Le groupe a traversé des périodes de doute. Au creux de la vague, il a fallu les aider à repartir, retrouver la magie des débuts. Ce samedi de mai, après un premier filage, la chorégraphe multiplie les encouragements : « La première partie était très belle. Vous voyez, ça prouve bien que vous en êtes capables ! Il y a eu des moments collectifs, d’autres solidaires, du vide également. Laisser du vide, c’est important aussi, conseille-t-elle. Et si vous vous trompez, ce n’est pas grave, ne vous affolez pas. Vous allez être de plus en plus à l’aise, et vous ferez le mouvement à votre manière. »

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Une chose est sûre, les danseurs apprécient l’expérience : « J’aime sa dimension collective. C’est une belle aventure humaine. Chacun avance et nourrit le groupe à sa manière, sans aucun jugement », apprécie Pascale, 56 ans. Une atmosphère bienveillante, qui semble permettre à chacun de se sentir à l’aise et de donner le meilleur de lui-même.

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Texte et photos : Nathalie Picard

PAROLES DE DANSEUSES

-« La danse, pour moi, c’est tout ce qui compte ! Elle évoque la rencontre, le partage… Un moyen de s’exprimer sans utiliser de mot. La danse contemporaine me permet d’aller toujours plus loin car elle ne connaît aucune limite. Je suis en recherche perpétuelle. » Lila, 18 ans

-« La danse, c’est le langage premier. Celui qui permet de communiquer partout, avec n’importe qui. Pour moi, elle est un besoin vital, de l’ordre de la respiration. Impossible d’imaginer ma vie sans danser. J’ai pris mon premier cours à 4 ans et depuis, je ne me suis jamais arrêtée. » Emmanuelle, 48 ans Image9

-« Ici, nous dansons sans masque, face à nous-même. Cette danse-là est thérapeutique. Elle nous révèle qui nous sommes et nous permet de mieux nous comprendre. Elle fait écho à notre propre chemin de vie. Aussi, elle renvoie le spectateur à son histoire personnelle. Il y a beaucoup d’émotions et d’humanisme. » Pascale, 56 ans

>>TOURS D’HORIZONS
À l’occasion du festival de danse Tours d’horizons, vous pourrez découvrir la création des danseurs amateurs. Leur spectacle, intitulé « Ils sont là, avec leurs deux bras qui sont des choses inséparables d’eux », sera présenté à deux occasions, les 14 et 15 juin à 19 h au Centre chorégraphique national de Tours. Du 10 au 23 juin, Tours d’horizons sera l’occasion de remettre sur le devant de la scène des figures majeures de l’art chorégraphique un peu oubliées. Au programme, 16 compagnies invitées et 26 rendez-vous dans divers lieux tourangeaux, du prieuré de Saint-Cosme au musée des Beaux-Arts.
Pour en savoir plus : 02 18 75 12 12 – billeterie@ccntours.com – www.ccntours.com

Association Active : Des dons pour des emplois

Depuis 1999, Active, association caritative d’insertion par le vêtement, aide les femmes en difficulté. Petite virée dans cette véritable ruche, remplie de travailleuses émérites

Gina, appliquée sur sa machine à coudre.
Gina, appliquée sur sa machine à coudre.

La pluie tombe à grosses gouttes ce mardi aprèsmidi. Le ciel est gris, le temps morose. Au 153 rue Saint-François, à La Riche, l’ambiance est toute autre. Dans cet immense bâtiment, on sourit, on s’active. Active, justement, c’est son nom : le lieu abrite l’association caritative tourangelle d’insertion par le vêtement. Émanation du Secours Catholique au départ, devenue autonome depuis, Active « est un chantier d’insertion », introduit Elise Yagoubi-Idrissi, la directrice. Ici, on favorise le retour à l’emploi de femmes en difficulté. La collecte de vêtements et de jouets, puis leur vente en boutique, permet de salarier une vingtaine de personnes.
Ce jour-là, la clientèle est variée. Un grand-père traîne des pieds et déambule entre les rayons. Une petite brune, étudiante, jette un oeil au rayon jouets, tandis que deux mamans se régalent face aux chemisiers. Un peu plus loin, des maillots de foot des équipes françaises et algériennes par dizaines. Les prix sont minis : un haut banal à 3 € ; une tunique Jacqueline Riu pour 5 €. « Cela permet de relativiser le rapport marque/prix, n’est-ce pas ? », sourit Mondane Blin de Laloubie, vice-présidente d’Active. Mais attention, pas question de coller « l’affreuse étiquette du magasin pour “ pauvres ” », prévient Élise Yagoubi-Idrissi. « Nous sommes ouverts à tout le monde. Étudiants, personnes dans le besoin ou qui veulent consommer autrement… il y a une très grande mixité sociale. »

Dans un entrepôt, les sacs remplis d’habits attendent de passer par l’espace tri.
Dans un entrepôt, les sacs remplis d’habits attendent de passer par l’espace tri.

Un peu plus loin, Hadiamany aide les clients devant les cabines. « Je suis arrivée il y a 4 mois et tout va bien. Je fais un peu de tout ici », explique la jeune femme. Tout comme ses collègues, elle est en CCDI, un contrat à durée déterminée d’insertion. C’est sa conseillère de Mission locale qui l’a dirigée vers Active. Pour d’autres, c’est Pôle emploi. Les contrats – de 20 à 26 h – sont renouvelables. L’accompagnement est obligatoire. « Les encadrantes sont là pour les aider. On redonne confiance à ces femmes », se félicite la présidente d’Active. Soussana, par exemple, est encadrante. On la retrouve à l’atelier textile, situé derrière les murs du grand magasin. Ici, pas de public ou de clients. Seules les salariées d’Active y ont accès.

Active fait partie du réseau Tissons la solidarité et compte 300 passages par jour au magasin.
Active fait partie du réseau Tissons la solidarité et compte 300 passages par jour au magasin.

Soussana conseille et dirige une petite troupe hyper concentrée. Gina, l’une des salariées, est en train de réaliser une nappe. Le travail est minutieux. Un compliment et ses yeux rieurs s’agrandissent derrière ses lunettes : « Oh, pourtant c’est facile ! », rigole-t-elle. Cela fait une semaine qu’elle est arrivée à Active et comme toutes ses collègues, « c’est un plaisir ». La couture, c’est son truc. Tout comme Faiza qui fabrique « une création avec de la fourrure ». Le vêtement « customisé » finira au rayon “ créa ” du magasin. « Ce sera beaucoup plus cher que les autres habits », plaisante Mondane. Soit… 6 € !

CAVERNE D’ALI BABA

Chic dans son petit tailleur, porte-épingles au poignet, Faiza est fière de son travail. Comme toutes les femmes travaillant ici. Une source de motivation incontestable avant de se lancer sur le marché du travail extérieur. Cela se voit aussi sur le visage d’Armine, de l’atelier jouets. « Bienvenue ! », lance-t-elle toute sourire, avec un petit accent. Elle a le français hésitant, mais pas approximatif. Un peu timide, mais rayonnante, elle raconte : « Là, nous trions et nettoyons les articles. Après, nous les présentons en vitrine ou en rayons jouets du magasin. » Annie, l’encadrante, a l’air ravie d’Armine, arrivée il y a déjà 6 mois. « Elles peuvent constamment proposer des idées. J’adore les initiatives. C’est le travail d’équipe qui est intéressant », souligne Annie.
Récemment, ateliers jouet et couture ont collaboré : la mousse de certaines peluches a ainsi été récupérée pour rembourrer l’oreiller d’un petit lit en jouet.

Jouets ou jeux de société : Armine leur offre une seconde vie.
Jouets ou jeux de société : Armine leur offre une seconde vie.

À l’extérieur de cette « caverne d’Ali Baba », il y a cette montagne de sacs. Des tas d’habits y sont entassés. « Il y en a une tonne par jour ! », informe Mondane. « Alors on doit tout trier. C’est un vrai métier. Il faut savoir ce qui est tendance, connaître les marques, etc. Puis certains habits seront récupérés pour l’atelier couture, d’autres seront recyclés. On ne jette rien à Active. »

Cependant, les dons continuent d’être indispensables à leur survie. Jouets, vaisselle, textile, tout est bon à prendre, sauf l’électroménager et les gros meubles. « En revanche, nous manquons d’habits pour hommes et enfants. » Ici, la devanture de la boutique indique « Vos dons créent de l’emploi ». « C’est valorisant pour tout le monde. C’est un beau projet », souffle Mondane. En sortant d’Active, le ciel s’est enfin éclairci. Il ne pleut plus. Le beau temps est revenu.

> Suivre l’association sur son site ou sur Facebook. Téléphone : 02 47 37 13 33.

> Active à La Riche, 153 rue Saint-François / Active à Tours : 155 rue Edouard-Vaillant. 

Faiza, future créatrice de mode ?
Faiza, future créatrice de mode ?

Textes et photos : Aurélien Germain

Tmv au Hellfest : c’est reparti pour un tour !

C’est devenu une habitude : chaque année, tmv part dans la jolie ville de Clisson pour assister au festival de metal devenu culte, le Hellfest. On se donne rendez-vous en juin.

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L’entrée du festival (photo tmv)

On ne va pas se mentir, il faudrait être un poil râleur, voire de mauvaise foi, pour ne pas être satisfait de l’affiche du Hellfest. Une nouvelle fois, le festival de l’Enfer a mis les petits plats dans les grands, proposant têtes d’affiche prestigieuses (Deep Purple, Slayer, Emperor, ou encore Aerosmith pour la der’ des der’) accolées à près de 150 autres groupes.

De plus en plus prisé, le Hellfest l’est assurément. Preuve en est, le festoche a vendu l’intégralité des pass 3 jours en une semaine cette année. Un record. D’autant qu’aucun nom n’avait encore été dévoilé ! Surtout, c’est un Hellfest qui se jouera de nouveau à guichet fermé.
Si vous n’avez pas eu de places, tmv vous fera un peu voyager. Du 16 au 18 juin 2017, notre journaliste ira faire un tour à Clisson, près de Nantes, afin de rapporter un reportage d’ambiance, mais aussi un résumé des concerts.

61_aerosmithEn attendant, on peut déjà vous dire qu’on ira secouer notre tignasse devant SLAYER (les rois du thrash metal), beugler « Antisocial tu perds ton sang froid » devant TRUST, verser notre larme face à AEROSMITH, danser et descendre quelques bières au concert d’ALESTORM (du pirate metal, si, si), se la jouer viking devant le mythique WARDRUNA, mais aussi taper du pied avec CLUTCH, mettre notre bandana de skater pour SUICIDAL TENDENCIES, zieuter la grosse production de ROB ZOMBIE et surtout chanter « Smoooooke on the waaaater » avec DEEP PURPLE.

À dans trois mois !

> En savoir plus sur hellfest.com ou la page Facebook du festival. 

> Pour visionner le documentaire Open the doors sur le Hellfest, par Redbull TV, c’est par là

Cliquez pour agrandir l'affiche
Cliquez pour agrandir l’affiche

Senior cherche jeune pour rompre l’isolement

Renforcer les liens entre générations et lutter contre l’isolement, ce sont les ambitions de plusieurs projets intergénérationnels nés en Touraine. Zoom sur trois initiatives.

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OFFRE TOIT À PARTAGER

« Florent est un jeune homme gentil et patient. Sa présence vaut de l’or ! », s’exclame Edith Vanbockstaël. La septuagénaire partage son appartement avec ce lycéen de 17 ans depuis le mois de janvier. Une cohabitation réussie, malgré les soixante ans qui séparent les deux colocataires. Comment se sont-ils rencontrés ? Grâce à l’association tourangelle Jeunesse et Habitat, qui a repris en 2015 le concept « un toit en partage », créé par Françoise Menant il y a dix ans. Le but : favoriser la cohabitation intergénérationnelle en mettant en relation des jeunes de moins de 30 ans à la recherche d’un logement, avec des seniors disposant d’une chambre libre à leur domicile.

Partage, solidarité, tolérance : les bénéficiaires doivent adhérer aux valeurs du projet. Un critère que l’association vérifie dès la première rencontre avec les personnes intéressées. En fonction des goûts et des attentes de chacun, elle tente de constituer les meilleurs binômes. Elle organise leur rencontre puis reste présente pour accompagner la cohabitation. Actuellement, le dispositif accueille 15 binômes, un autre est en cours de signature. Avis aux jeunes intéressés : 5 seniors restent en attente. Pour 180 € par mois, Florent dispose d’une chambre et d’un cabinet de toilette indépendant, ainsi qu’un accès à la cuisine et au salon. Une somme modeste contractualisée dans le cadre d’un bail meublé, sous l’oeil de l’association : le loyer ne doit pas dépasser 250 € par mois charges comprises. Une autre formule est possible : une convention d’hébergement, lorsque le locataire paie uniquement les charges.

L’objectif : permettre aux jeunes d’accéder à des logements peu onéreux. « Ce n’est pas l’argent qui a motivé ma participation, précise Edith. Je recherchais la compagnie d’une personne patiente et serviable, surtout pendant la semaine car je suis seule. Toutes mes attentes ont été comblées, c’est formidable. » Et ça va même au-delà : « Lorsqu’il rentre le soir, il s’installe à côté de moi pour me raconter sa journée, ses soucis. » Florent, lui, apprécie cette solution « pratique et économique » : « Je suis là pour l’aider quand elle en a besoin, et elle me laisse ma liberté. Je suis tombé sur la bonne personne. »
Une mise en relation réussie, estime Jeunesse et Habitat, qui souhaite favoriser le dialogue et la solidarité entre générations. Pour Aline Largeau, chargée de développement habitat : « Ce n’est pas une location comme les autres, mais la rencontre de deux personnes qui inventent leur manière de vivre ensemble. »

ÉCHANGE PERMIS DE CONDUIRE CONTRE COMPAGNIE

Alexandra Cormier a 25 ans. Elle travaille à Château-Renault et habite au Boulay, une commune voisine. Sans voiture, c’est compliqué mais elle n’a pas les moyens de financer son permis de conduire. Suzanne Durand, elle, a 89 ans. Elle vit au foyer Le Maine à Château-Renault. Elle se sent parfois seule et ne bouderait pas un peu de compagnie. Grâce à une initiative communale, les deux femmes ont noué une relation privilégiée, et Alexandra espère bien décrocher le précieux papier rose. Cette initiative, c’est le permis solidaire : un dispositif social intergénérationnel mis en place depuis octobre 2013 à Château-Renault.

Le principe ? Un jeune effectue 50 heures de bénévolat, réparties en général sur huit semaines, auprès d’une personne âgée. Il reçoit en échange un financement du centre communal d’action sociale (CCAS) pour son permis de conduire. « Lors du bilan, une enveloppe de 1250 € est versée en trois fois à l’une des trois auto-écoles de la ville », indique Chloé Daumain, coordinatrice du CCAS. Sélection des bénéficiaires, signature d’un contrat d’engagement par les deux parties, livret de suivi… Le projet est encadré pour éviter tout abus.
« En général, ça fonctionne bien. Nous nous efforçons de constituer des binômes selon les personnalités de chacun. Le seul souci rencontré, ce sont quelques jeunes qui n’ont pas eu la motivation suffisante pour persévérer jusqu’à l’obtention du permis », précise Chloé Daumain. Alexandra Cormier, elle, compte bien aller jusqu’au bout : « Ce permis, je l’ai tellement attendu ! Je pourrai enfin être autonome. Mon quotidien sera plus facile. »

Les deux femmes, qui se sont rencontrées l’été dernier, ont partagé promenades, parties de triominos ou discussions autour d’un café… « Ça m’a apporté beaucoup de bonheur », reconnaît Suzanne. Quant à Alexandra, au-delà du financement de son permis, elle a trouvé ce projet « super » car elle « adore le contact avec les gens ». Aujourd’hui, le duo continue à se voir de temps en temps. Rien que pour le plaisir.

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QUAND L’ÉCOLE ET LA MAISON DE RETRAITE FONT BON MÉNAGE

Venir à l’école pour assister à un cours d’histoire ou faire une dictée. À Souvigny- de-Touraine, c’est possible à tout âge : la Marpa-école intègre dans un même lieu une école élémentaire et une maison de retraite. Ainsi, les résidents de la Marpa (Maison d’accueil et de résidence pour l’autonomie) sont les bienvenus à l’école, et vice-versa. La maison de retraite compte désormais 14 résidents permanents, deux en accueil temporaire, et d’autres devraient bientôt les rejoindre. Côté école, il y a 72 enfants. Ce dispositif innovant fait la part belle aux échanges entre jeunes et personnes âgées.
« On organise des séances hebdomadaires de jeux de société. Aussi, à tour de rôle, 6 à 8 enfants viennent manger à la Marpa deux fois par semaine », explique Anne-Sophie Housseau, responsable de la Marpa. Autre initiative : chaque mois, les anciens et les écoliers qui fêtent leur anniversaire confectionnent des gâteaux pour toute la Marpa-école. L’occasion de souffler les bougies ensemble.

Par Nathalie Picard

La Ville-aux-Dames : honneur aux dames !

À peine 2 % des rues françaises portent le nom d’une femme. À La Ville-aux-Dames, à quelques minutes de Tours, la proportion atteint quasiment 100 %. Petite virée dans cette commune d’un peu plus de 5 000 âmes, histoire de rendre hommage à ces dames… qui le méritent bien !

UN PEU D’HISTOIRE

Mercredi, 10 h du matin. Le thermomètre peine à afficher son petit degré au-dessus de zéro. À l’arrêt de bus Colette, deux jeunes ados, emmitouflées, tapent le pied de grue. « Pourquoi tous les noms de rue sont féminins ? », demande-t-on naïvement. Leurs yeux grandissent. « Ouaaah, j’avais jamais tilté ! », s’exclame l’une d’elle, hilare (et honteuse). Bienvenue à La Ville-aux-Dames où – eh oui – tout le monde ne connaît pas encore le pourquoi du comment.
Retour quelques siècles en arrière, en l’an 790. Hildegarde, une noble, édifie une abbaye de femmes à Saint-Loup, les religieuses étant nombreuses à l’époque parmi la population. Le nom ? Villa Dominarium, qui deviendra ensuite La Ville-aux- Dames (la commune sera d’ailleurs renommée Les Sables, pendant la Révolution). Mais ce n’est qu’en 1974 – le 13 mars exactement – que la ville verra ses rues baptisées en l’honneur des femmes. Le maire de l’époque, Lionel Delaunay, décide de donner des noms de femmes plus ou moins célèbres aux rues. Unique en France.

Notre GPS n’aura jamais vu autant de dames !
Notre GPS n’aura jamais vu autant de dames !

DE TOUS LES DOMAINES

Cinéma, santé, Histoire et bien d’autres… Du square Mary Queen of Scotts à la rue Anne Frank, les femmes mises en valeur par les plaques de rue se sont illustrées dans bien des domaines. En errant un peu au hasard, on tombe sur la rue Lucie Coutaz Repland. Qui n’est autre que la cofondatrice d’Emmaüs, systématiquement associé à l’Abbé Pierre, mais dont on oublie trop souvent à quel point Lucie Coutaz a fait part intégrante du projet. Guérie d’une paralysie à Lourdes en 1921, elle deviendra secrétaire de l’Abbé Pierre qui, lui-même, la contactera directement pour créer la fondation Emmaüs.

En remontant la rue, on tombe sur l’avenue Jeanne d’Arc. Un détour par la rue Louise Weiss (femme de lettres, journaliste, femme politique et féministe, rien que ça), puis l’on atterrit sur l’avenue non pas Pierre mais Marie Curie. Désolé Pierrot, mais ici, on se rappelle que madame a obtenu deux prix Nobel.
En s’égarant un peu, on finit même dans un quartier sympathique et tout propret. Un panneau indique le croisement de la rue Marie Laurencin, artiste peintre proche de Picasso, et celle de Raymonde Meunier. Née à Joué-lès- Tours, cette résistante est connue (ou pas) pour son rôle d’agent du réseau CND-Castille dans la région de Tours dans les années 40.

Trop d’Honoré de Balzac tue l’Honoré. Ici, on met à l’honneur sa soeur. Laure de Balzac possède une autre rue, à Paris, appelée rue Laure-Surville, son nom de femme mariée.
Trop d’Honoré de Balzac tue l’Honoré. Ici, on met à l’honneur sa
soeur. Laure de Balzac possède une autre rue, à Paris, appelée
rue Laure-Surville, son nom de femme mariée.

LES BÂTIMENTS AUSSI

L’oeil fouineur remarquera que le gymnase porte le nom de Lionel Delaunay, tandis que le boulodrome s’appelle Vincent Masanet. Mais pour le reste, en majorité, la municipalité a choisi de donner à ses bâtiments et édifices des noms de femmes célèbres.
En témoignent l’accueil de loisirs Françoise Dolto (psychanalyste française), la résidence pour personnes âgées Jeanne Jugan (religieuse et fondatrice des Petites Sœurs des Pauvres) ou encore la salle de spectacles Maria Callas, du nom de la cantatrice.

Les édifices municipaux ont aussi droit de rendre hommage aux femmes !
Les édifices municipaux ont aussi droit de rendre hommage aux femmes !

OH, L’INTRUS !

Une toponymie rêvée, un nom d’impasse qui en jette : La Dame Noire. Oui mais non. Il s’agit en fait du nom de code de… Jérôme Besnard, curé de La Ville-aux-Dames, figure de la résistance tourangelle, dans le réseau Marco Polo.
Aux côtés de la place du 11-Novembre, par exemple, elle fait partie des rares rues à ne pas être féminine.

La seule voie de la commune dédiée à un homme. Jérôme Besnard était un prêtre et résistant tourangeau.
La seule voie de la commune dédiée à un homme. Jérôme Besnard était un prêtre et résistant tourangeau.

> À noter que tmv est désormais disponible dans 4 nouveaux endroits à La Ville-aux-Dames : Karamel Kafé, Concept Immo 37, Le Concorde et La Cale Sèche.

Classe inversée : une révolution pédagogique ?

Donner un cours aux côtés des élèves et non pas uniquement en face d’eux, c’est le principe de la classe inversée. Découvrez cette pédagogie qui se développe avec ce lexique désordonné !

Rapide et amusant, les test Plickers font participer toute la classe.
Rapide et amusant, les test Plickers font participer toute la classe.

On l’appelle pédagogie « inversée » car elle bouscule les codes du cours traditionnel magistral. Le professeur ne délivre plus seulement un savoir devant les élèves qui l’écoutent sagement, il les invite beaucoup plus à échanger en classe et à interagir avec lui ou avec les autres élèves. Une pédagogie du « côte à côte, plutôt que face à face » comme le définit Héloise Dufour présidente de l’association Inversons la classe.

En pratique, l’élève réalise chez lui des tâches simples via des vidéos et des supports numériques. Il a ainsi accès aux cours avant la leçon et peut y retourner à tout moment de l’année. En classe, il étudie ensuite les notions dites complexes à travers une pédagogie active (travaux de groupes, argumentations…).
Le professeur aura ainsi plus l’occasion de « répondre à des questions que les élèves se posent, plutôt qu’à des questions qu’ils ne se posent pas », résume le ministère de l’Éducation qui promeut cette nouvelle façon d’enseigner. Une Semaine de la classe inversée, du 30 janvier au 3 février, permettra d’ailleurs d’entrer dans ces classes différentes.

À Tours, six classes inversées ont été mises en place au lycée Sainte-Ursule depuis septembre. Cécile Cathelin professeure de lettres et Delphine Péron professeure de mathématiques appliquent cette méthode de la seconde à la terminale. Petit lexique pour mieux comprendre.

À Sainte-Ursule, deux classes sont dédiées à cet enseignement et équipées d’un vidéoprojecteur et d’un ordinateur.
À Sainte-Ursule, 2 classes sont dédiées à cet enseignement et équipées d’un vidéoprojecteur et d’un ordinateur.

 >> POUR LIRE L’AVIS DE PROFS, ÉLÈVES ET PARENTS, C’EST A LIRE ICI ! <<

I… comme îlot

9 h. Des élèves de seconde rentrent en classe de maths avec Delphine Péron. Ils s’agglutinent devant le bureau. « T’es avec qui ? » Ils sont placés par groupe de cinq ou six sur des « îlots » de tables dispersées dans la classe. Ainsi disposés, ils vont travailler ensemble pour construire le cours et l’expliquer à leurs camarades.
Delphine Péron s’assoit à leurs tables pour leur donner des explications. En Français, le placement est choisi. Pour Cécile Cathelin, professeure de lettres, « cette disposition permet de construire une relation plus proche avec les élèves ».

P… comme « Plickers »

« Tournez la figure que je vous ai distribuée en positionnant la lettre de votre réponse vers le haut », demande l’enseignante de maths. La question et trois réponses s’affichent au tableau. Les élèves lèvent non pas le doigt mais leur feuille. Et là, surprise, Delphine Péron sort son smartphone et balaie la pièce avec sa caméra. En un instant, l’application « Plickers » scanne les figures et calcule le taux de bonnes réponses. Tout va très vite. Ces outils numériques sont nombreux dans la pédagogie inversée, ils permettent de gérer le temps autrement et de capter l’attention des élèves.

W… comme web

Les deux professeurs alimentent leur site : vidéo, plan de travail, jeux interactifs, exercices, notes de cours, méthodologie… « Ceux qui n’ont pas vu la vidéo ont manqué quelque chose, maintenant, vous pouvez mettre vos écouteurs et la regarder sur votre téléphone », suggère Cécile Cathelin en cours de français. Le smartphone devient un outil de travail.

À côté des manuels scolaires, des outils familiers : l’ordinateur et le téléphone.
À côté des manuels scolaires, des outils familiers : l’ordinateur
et le téléphone.

A… comme autonomie

L’objectif, c’est aussi de préparer les élèves à des méthodes universitaires en leur donnant des outils et une organisation : « J’ai pas eu le temps », se plaint une élève de première. « Applique la méthode, APR : anticiper-planifier- réviser », lui répond sa professeur de français la renvoyant vers le plan de cours.

S… comme solidarité

« On souhaite que les élèves s’entraident », explique Delphine Péron. Cette façon de faire peut déstabiliser les bons éléments, habitués à retenir les notions en cours et à moins travailler chez eux. Pour ceux-là, c’est aussi apprendre à partager ses connaissances.

E… comme effervescence

« S’il-vous-plait, moins de bruit ! » C’est le risque avec les cours non-magistraux ! Cela peut même freiner certains professeurs à utiliser cette méthode. Les élèves chuchotent, parfois rigolent, se lèvent en toute liberté, mais ils ont du travail et une note de groupe !

La personnalisation de la salle, rend créatif les élèves et créé une ambiance chaleureuse
La personnalisation de la salle, rend créatif les élèves et créé
une ambiance chaleureuse

B… comme bac

« Parce qu’il y a le bac, on ne peut pas appliquer cette méthode » est un argument des profs réfractaires. Pourtant les devoirs sur table sont toujours d’actualité dans ces classes et les élèves sont plus motivés. « Actifs, ils retiennent dix fois plus », explique Delphine Péron.

D… comme diffusion

La mise en place de cette pédagogie inversée au lycée a fait quelques émules parmi les 68 enseignants de l’établissement. Sophie Gaspar, en histoire-géo, Marie Hersperger, en lettres, Mariel Murciano en espagnol et Johan Guiton, professeur de musique ont emboîté le pas sur une partie de leurs cours.

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La discussion en petit groupe permet d’établir un lien entre les élèves et les professeurs.

Pauline Phouthonessy

La Boulangerie : les artistes au fournil

À Saint-Pierre-des-Corps, une boulangerie est devenue un atelier d’artistes amateurs et professionnels. Un endroit où la chaleur humaine a remplacé la chaleur du four.

Pendant deux ou trois heures, ils avancent à leur rythme.
Pendant deux ou trois heures, ils avancent à leur rythme.

Ding, dong ! »… Le tintement de la sonnette retentit dans l’ancienne boutique de Saint- Pierre-des-Corps. Cette musique rythme les allées et venues des clients comme si rien n’avait changé au 33 de la rue Pierre-Sémard. Une mélodie intacte, à l’image du « Boulangerie Pâtisserie » inscrit en lettres gothiques sur la devanture. Pourtant, les habitudes de ce lieu ont bien évolué. Depuis 1998, la peinture et les chevalets ont remplacé le four et les pains chauds ; les boulangers ont troqué leur tablier pour des blouses de peintres ; les tableaux exposés ont pris la place des éclairs au chocolat ; et dans l’ancien fournil, les effluves de peinture à l’huile se sont substituées à l’odeur de la pâte.

L’association Diagonale propose depuis dix-neuf ans des cours d’arts plastiques à la « Boulangerie ». Soixante-dix adultes et autant d’enfants s’y retrouvent du lundi au jeudi, par groupe de quatorze maximum, pour un moment de partage et d’expérimentation.

À la Boulangerie, on essaie toutes les techniques.
À la Boulangerie, on essaie toutes les techniques.

Juliette Gassies et Frédéric Dumain sont les deux artistes à l’origine de cette initiative (portraits à découvrir ICI). Avec deux autres personnes, ils ont créé, en 1994, l’association Diagonale. « Après les Beaux- Arts de Tours, où nous nous sommes tous connus, nous avons exercé comme professeurs d’arts plastiques dans différents foyers culturels de la ville, se rappelle Juliette Gassies, une fleur plantée dans les cheveux. On voulait monter notre propre structure et la mairie de Saint-Pierre-des-Corps nous a proposé cette ex-boulangerie. »
Restée dans « dans son jus », cette maison pouvait accueillir l’activité « salissante » sans problème et contre un loyer modique. Les deux étages ont ainsi été privatisés et transformés en ateliers professionnels. Le rez-de-chaussée a, lui, été aménagé pour les cours où se mêlent débutants et confirmés.

« ON LÂCHE LES SOUCIS À L’ENTRÉE »

D’ailleurs en ce lundi après-midi pluvieux, les apprentis ont repris le chemin de l’atelier. Après avoir passé l’ancien magasin, ils traversent un couloir de blouses et d’étagères, avant d’arriver dans le vif du sujet, un atelier baigné dans la lumière crue des néons. Une bulle où tout est possible, un endroit où le temps s’est arrêté. Une dizaine de retraitées déballent leur boîte à outils et sortent pinceaux, gouache, huile, pastels, crayons de couleurs, gomme… « Je leur donne un fil conducteur et ensuite, chacun est libre de faire ce qu’il veut, dans le temps qu’il souhaite, ce n’est pas contraignant », raconte la prof.
« Pour moi, c’est un moment de détente, de plaisir, révèle Chantal, 71 ans, au-dessus d’un paysage aux teintes verts d’eau. Elle poursuit en regardant sa toile, « Juliette nous aide beaucoup. Chez moi, je peignais, je reproduisais, mais ici, je travaille plus mon imagination. » Et quelques minutes plus tard, elle lui demande conseil. Les deux femmes échangent, regardent, se penchent sur le chevalet. « C’est important que les élèves se trompent, qu’ils essayent. Ils apprennent aussi la patience », note Frédéric Dumain qui donne lui aussi des cours.

Juliette conseille, explique avec patience.
Juliette conseille, explique avec patience.

L’enseignante haute en couleur semble autant plaire à ses élèves que l’activité elle-même. Pour Myrtille Bout, 75 ans, « les trente minutes de route valent bien ces moments de bonheur ». Chantal, 71 ans, de Joué-les-Tours complète même : « Ici, on pose tout, on lâche les préoccupations à l’entrée. C’est un moment pour soi. » Lors de ces ateliers, on vient aussi tromper l’ennui, la solitude, qu’on soit employé ou en profession libérale avec des horaires décalés. « Depuis que je suis retraitée et comme j’habite à la campagne, je vois moins de gens. Toute seule, ce n’est pas évident d’avancer. Ici, c’est agréable de rencontrer des gens, voir ce que chacun peint au mur », sourit Marie-France, 66 ans.
Image4Les rires, les conseils et même les chocolats circulent ainsi pendant trois heures. Des amitiés et des vocations sont aussi nées entre ces murs. « Ce n’est pas qu’un lieu où l’on dessine ou l’on peint, ça a un côté familial », confirme Frédéric Dumain qui s’y sent comme chez lui. Et comme dans tous les foyers, certains quittent le nid. Les petits qui ont commencé à cinq ans à manipuler la terre ou le pinceau sont partis vers des cursus artistiques aux Beaux-arts, dans une école d’architecture ou encore comme illustratrice et céramiste.

Dans l’avenir, le duo voudrait faire perdurer la boulangerie, inviter d’autres artistes à exposer et continuer à faire connaître ce lieu, pas très passant : « Soyez curieux, osez l’aventure et passez le pont, invite Frédéric Dumain, il reste de la place ! »

Reportage et photos : Pauline Phouthonessy 

Frédéric et Juliette invitent à « passer le pont ».
Frédéric et Juliette invitent à « passer le pont ».

Elles tendent la main aux migrants de Tours

Des citoyens tourangeaux partagent le quotidien des migrants hébergés au Centre d’accueil et d’orientation de Saint-Pierre-des-Corps. Une véritable solidarité de proximité.

Des liens forts se sont tissés entre Gaëlle, Tiphanie, Manuella et certains exilés.
Des liens forts se sont tissés entre Gaëlle, Tiphanie, Manuella et certains exilés.

« Pour moi, elles sont comme deux sœurs et une mère. Une nouvelle famille. Je suis très heureux quand je les vois », affirme Khaled un sourire aux lèvres. Le jeune homme de 31 ans est Soudanais. Après avoir connu la jungle de Calais, il est arrivé au centre d’accueil et d’orientation (CAO) de Saint-Pierre-des-Corps, lorsque le camp a été démantelé il y a près de deux mois.

« Elles », ce sont Tiphanie, Gaëlle et Manuella : trois amies devenues inséparables alors que fin octobre, elles ne se connaissaient même pas. Plusieurs fois par semaine, elles se rendent au CAO afin de passer un moment avec « les gars », comme elles les appellent. Ils sont une cinquantaine d’hommes seuls, une grande majorité de Soudanais, quelques Libyens et Érythréens. Ils sont ici pour une période transitoire d’environ trois mois.
D’après le ministère de l’Intérieur, le passage en centre d’accueil et d’orientation doit permettre « aux personnes migrantes sans-abri de bénéficier d’un temps de répit et d’engager, si elles le souhaitent, une démarche de demande d’asile ». C’est l’association Adoma qui les accompagne dans cette démarche et gère le dispositif d’hébergement et d’insertion. La plupart des hommes accueillis ici viennent de Calais ou de Paris. Mais il est difficile de remonter plus loin le cours de leur histoire.

Parmi les dons récoltés par Coup de pouce, plein de livres scolaires.
Parmi les dons récoltés par Coup de pouce, plein de livres
scolaires.

Selon l’Organisation des Nations unies (Onu), depuis 2003, la crise du Darfour aurait causé 300 000 morts et 2,5 millions de déplacés. « Ils ne veulent pas raconter leur passé. Avant d’arriver là, ils ont vécu tout un périple marqué par la violence. Certains ont connu la torture. Souvent, leur famille leur manque. L’un d’eux me racontait que sa femme était sur le point d’accoucher lorsqu’il a dû quitter son pays. Et depuis trois mois, il reste sans nouvelles. »

LEUR CHANGER LES IDÉES

Ce jour-là, à l’entrée de l’ancienne résidence SNCF qui tient lieu de centre d’accueil, deux migrants sont assis sur un banc, une cigarette à la main et les yeux de le vague. Le vague à l’âme. Ils semblent s’ennuyer. Et cogiter, surtout. À l’intérieur, dans la salle télé, Saeed regarde une émission de billard en compagnie de deux autres Soudanais. Dans le couloir qui jouxte la pièce, Manuella improvise une partie de football avec Younis. Pendant ce temps, un groupe de sept migrants est en cours de français, à l’étage. Ils apprennent les bases de la langue, pour réussir à se présenter et se débrouiller au quotidien.

Chaque semaine, des cours de français sont dispensés.
Chaque semaine, des cours de français sont dispensés.

Si les journées sont rythmées par les repas et quelques activités, le temps semble suspendu. On sent que ces hommes sont dans l’attente. Ils ont fui un pays en guerre, sont en pleine procédure de demande d’asile et ne savent pas de quoi leur avenir sera fait. « Plus les jours passent, plus ils s’éteignent. Ils font des insomnies et sont fatigués. Nous essayons de leur changer les idées, en leur proposant des activités », explique Tiphanie. Atelier d’arts plastiques en partenariat avec les étudiants de l’école des Beaux-Arts de Tours, sorties au marché, visites au musée, théâtre, jeux de société, cuisine… Les bénévoles organisent même un réveillon pour le jour de l’An. Au programme : un après-midi cuisine puis une soirée festive avec une compagnie de cirque et un concert de jazz manouche.

Certains, comme Saeed, regardent de temps en temps la télé.
Certains, comme Saeed, regardent de temps en temps la télé.

Tout a commencé fin octobre par un message posté sur Facebook par Sarah, une Tourangelle, qui se demandait où se trouvaient les migrants de Calais accueillis en Touraine. Tiphanie lui a répondu, et de cet échange est né le groupe Facebook Coup de pouce aux migrants de Tours. « En moins de 4 jours, nous étions 400 membres. Nous avons récolté plein de dons : vêtements, chaussures, produits d’hygiène… Le 75 Restaurant a offert 50 kebabs. Une semaine après, des voisins préparaient un couscous pour 50. Nous ne nous attendions pas à une telle mobilisation », raconte Tiphanie.
Aujourd’hui, le groupe compte près de 730 membres. Parmi ces nombreux soutiens, une quinzaine de bénévoles sont actifs au quotidien. L’ampleur de la mobilisation leur a donné envie de créer une association. L’objectif ? Se doter d’un statut leur permettant d’agir et de monter des projets avec les migrants. Pour Tiphanie, Gaëlle, Manuella et consorts, c’est une implication au quotidien. Pleines d’énergie, les jeunes femmes apportent à leurs amis un soutien sans faille. Nuit et jour. Leur moteur ? « Ce sont eux, répond le trio en chœur. Nous avons tissé des liens très forts. Pour nous remercier, ils nous traitent comme des princesses, et nos enfants aussi. »

Textes et photos : Nathalie Picard

> Contact : Groupe Facebook : Coup de pouce aux migrants de Tours
> Association en cours de création : 07 68 48 60 06 – coupdpm@gmail.com

> L’association recherche une salle pour organiser son réveillon du Nouvel an.

Baby Capoeira : alors on danse

Avec son école Capoeira Mandara, Luiz Gonzaga Desa Junior enseigne les bases de cet art-lutte aux tout-petits, dès 3 ans.

capoeira

Musique brésilienne sur fond de Pandeiro – une sorte de tambourin – chants portugais et uniforme blanc de rigueur. Luiz Gonzaga Desa Junior, 35 ans, a revêtu sa tenue traditionnelle : le cours de baby capoeira peut débuter. Au rythme de l’atabaque, un tambour de forme conique, c’est parti pour l’échauffement dans la salle de danse de l’avenue du Général de Gaulle, à Tours. Le Maître de Capoeira – un grade qu’il a acquis après 25 années de pratique – apprend les bases de cet art martial afro-brésilien aux tout-petits, dès 3 ans.

Lui-même a débuté « l’art-lutte » – comme il le définit lui-même – en 1987, au Brésil, avant de fonder son école en 2007, à Barcelone. La Capoeira Mandara est aujourd’hui présente dans 5 pays, dont la France, et a posé ses valises depuis cinq ans à Tours. Qu’est-ce que les enfants apprennent dans les cours de Capoeira, cette discipline héritée des esclaves et qui fut longtemps interdite par les colons au Brésil ? Image6
« La coordination, l’agilité, l’endurance et l’élasticité, cite pour exemple Luiz Gonzaga Desa Junior. C’est aussi un bon moyen pour vaincre sa timidité et développer son sens artistique. Les enfants découvrent des notions de musique, de rythme – car il faut jouer la capoeira dans le bon tempo – ou encore de portugais. Je leur apprends, par exemple, à compter jusqu’à 10. »

Une fois les corps réchauffés, place à la Ginga. Un mot portugais qui signifie « jeu de jambe » et qui constitue le pas de base de la capoeira. Puis les enfants tentent la Meia-lua de compasso (soit, en version française, la demi-lune de compas), un coup de pied rotatif avec les mains posées au sol. Avant de s’essayer à différents enchaînements. « Les enfants jouent et apprennent en même temps, sourit Luiz Gonzaga Desa Junior. Il n’y a pas de rigidité dans l’apprentissage : il faut être patient et très pédagogue. » Et pas plus de 45 minutes. Attention, Ginga !

Flore Mabilleau

Regard neuf sur le handicap visuel

#EPJTMV Le 3 décembre prochain sera célébrée la Journée internationale des personnes handicapées. L’occasion pour tmv de mettre en relief le quotidien de la dizaine d’étudiants tourangeaux atteints de déficience visuelle.

ÉTUDIER

Image5« C’est perturbant de parler avec quelqu’un que tu ne vois pas. » Une dizaine d’années après avoir subi un décollement de la rétine, accentuant sa déficience visuelle de naissance, Théo Lenoble a encore du mal à « encaisser le choc. » « Le plus dur reste de ne pas pouvoir discerner les visages. Je ne me fie qu’au son », explique-t- il. Ce qui ne l’empêche pas pour autant de suivre des études supérieures.

À 26 ans, Théo prépare un Master 1 de promotion et de gestion de la santé. Le jeune homme assiste aux cours, en amphi, avec ses camarades. En complément, une personne de la Mission Handicap de l’Université François-Rabelais l’aide à compléter ses prises de notes. Des logiciels intégrés à son ordinateur lui permettent ensuite d’agrandir le texte à l’écran et d’en effectuer une synthèse orale. « Ça m’a facilité la vie, se réjouit-il. Je suis aussi moins fatigué. » En moyenne, un déficient visuel a besoin de trois à quatre fois plus de temps de travail par rapport à un valide. Mais leurs requêtes ne sont pas toujours prises en compte par les professeurs. Théo pointe des problèmes de réception et de lenteur. « Il faut souvent insister pour obtenir les documents sous format informatique. Je pense que nous ne sommes pas assez nombreux pour changer la donne. »
Un constat que partage Damien Remaux, de la Mission Handicap. « Il faut continuer à sensibiliser toute la communauté universitaire. »

RECHERCHER Image3

L’an passé, l’Union nationale des aveugles et déficients visuels a doté la médiathèque de Tours en matériels onéreux, adaptés pour répondre aux attentes des malvoyants. « Tout est intuitif, ergonomique et facile d’utilisation », précise Emmanuelle Jarry, responsable du site François-Mitterrand, place du Beffroi à Tours- Nord.

Dans un espace calme et ouvert sur les rayons de livres et de disques, on trouve un ordinateur avec un clavier aux gros caractères et un logiciel qui lit le texte affiché. Il y aussi un téléagrandisseur, qui permet de zoomer sur tous types de documents, ou encore des loupes numériques et une machine à lire. « Ça ressemble à un scanner. On peut même importer les sons avec une clé USB », détaille Lyse Dumaine, de la médiathèque. « Un étudiant vient souvent avec ses cours pour les écouter », rapporte Frédéric Bachelier. La dotation complète avoisine les 10 000 euros, mais les équipements ne sont pas encore connus de tous. La bibliothèque sonore de Tours propose également, sur demande, une retranscription d’ouvrages et de manuels scolaires. « Tout cela gratuitement, grâce à nos donneurs de voix bénévoles », souligne Catherine Pellerin, présidente.

SE DIVERTIR

Des jeux de société adaptés existent, comme le Scrabble en braille. « Cela requiert de développer le toucher, mais les pièces d’échecs et de dominos par exemple sont facilement reconnaissables », estime Danièle Rénier, bénévole à l’association Valentin Haüy 37. Un Rubik’s Cube en relief est même disposé dans la vitrine des locaux. Aussi, le cinéma CGR des 2 Lions propose l’audiodescription, sur demande préalable. La médiathèque François-Mitterrand dispose d’un fonds de DVD audiodécrits. Les livres parlés et ceux en gros caractères sont de plus en nombreux dans les bibliothèques tourangelles. Ils peuvent être lus par un appareil nommé Victor, disponible en prêt.
« Il permet de reprendre la lecture où l’auditeur s’est arrêté », indique Danièle. La bibliothèque sonore de Tours donne, elle, un accès à plus de 3 500 romans et revues, ainsi qu’à un résumé hebdomadaire du journal La Nouvelle République. Quant à Théo Lenoble, il n’a pas le temps d’écouter des livres mais il aime, comme tout le monde, la musique.

En revanche, il n’est pas fan des sorties nocturnes. « Il y a beaucoup de bruit en soirée donc je dois me concentrer davantage et faire attention à ne pas bousculer les autres. Je ne me sens pas très à l’aise, accorde-t-il. Je profite plus à la maison, ou chez des amis. »

Image4

Image9SE DÉPLACER

On a pour habitude d’associer les malvoyants et les aveugles à leurs chiens guide. « Même si j’ai fait en sorte d’habiter au pied de la fac, je l’emmène partout », reconnaît Théo Lenoble. Leur présence doit être acceptée dans la majorité des lieux ouverts au public. Dans les transports en commun, Danièle Rénier note que « l’accessibilité s’est améliorée depuis quelques années ».

Des bandes de vigilance au sol et des feux sonores, activables via une télécommande, ont été mis en place, spécifiquement dans le centre-ville. Le nom des arrêts de bus et de tramway peuvent être énoncés. « Mais ça reste au bon vouloir des chauffeurs », regrette Théo. Sinon, il existe également des applications GPS, sur smartphone, qui obéissent aux ordres donnés et indiquent la position, « quand il y a de la batterie… » Les récents aménagements posent aussi quelques problèmes de repères. « Même si les élus sont de plus en plus réceptifs, il est parfois dommage de privilégier l’esthétique. Par exemple, il n’y a pas de différence de couleur entre les voies du tram et celles piétonnes de la rue Nationale », assure Danièle.
« Quand je suis allé à la gare après les travaux, je n’avais plus mes repères. Les trottoirs avaient disparu », déplore Théo.

FAIRE DU SPORT

Tennis de table, danse, tandem, voile, torball, tir, musculation, pétanque, équitation… Le club sportif de l’association Valentin Haüy 37 ne manque pas d’activités adaptées aux malvoyants et non-voyants. Parmi elles, le torball est particulièrement apprécié. Voisin du goalball, discipline paralympique, ce sport collectif consiste à s’échanger, trois contre trois, avec les yeux bandés, un ballon muni de grelots. Le but est de l’envoyer dans les filets adverses, en le faisant rouler sous des ficelles tendues. « Un peu comme du volley-ball, avec des joueurs à la fois attaquants et défenseurs », compare le président, Philippe Frelon.

Un sport fédérateur puisque des étudiants, des travailleurs et des retraités, hommes comme femmes, se retrouvent pour un moment d’échange et de partage, chaque mardi soir. « Ça permet de se changer les idées », confie Guylaine, jeune pratiquante depuis mars 2016. Petit plus : la licence du club, qui ouvre à toutes les disciplines, est offerte aux moins de 20 ans.

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> Une exposition photo de Sylvain Renard, Un autre regard sur le handicap visuel, est à découvrir, jusqu’au samedi 3 décembre, à la médiathèque François-Mitterrand.

TEXTE : SIMON BOLLE ET MARCELLIN ROBINE
PHOTOS : MARTIN ESPOSITO ET MARCELLIN ROBINE

[#EPJTMV / Cet article fait partie du numéro 235 de tmv, entièrement réalisé par les étudiant(e)s de 2e année en journalisme de Tours]

Une semaine sans rien dépenser

#EPJTMV « J’achète donc je suis. » C’est le credo de notre société de surconsommation. Et si, pendant 24 h, on disait non ? C’est l’idée de la Journée mondiale sans achat, fêtée chaque 26 novembre. À tmv nous avons décidé de pousser le défi un peu plus loin : une semaine sans dépenser.

sans dépenser

JOUR 1 √

En ouvrant mon frigo d’une main tremblante, je m’aperçois que je ne pourrais pas tenir la semaine. Si je veux respecter mon défi « zéro dépense », sans finir la peau sur les os, je dois m’organiser. Tel un hamster en fin de saison, j’ai quelques (maigres) provisions. Le petit-déjeuner et le déjeuner se déroulent sans incident. Je m’autorise même un goûter.
Mais l’heure fatidique du dîner arrive. Le frigo et les placards crient famine, tout comme moi. Je décide alors de me dépanner chez mes chers voisins. On voit bien ça dans toutes les séries américaines, pourquoi pas à Tours ? Je frappe à la porte de ma voisine de palier. En attendant qu’elle m’ouvre, je répète sans cesse la même phrase dans ma tête : « Bonjour ! J’étais en train de cuisiner quand je me suis rendue compte que j’avais oublié l’ingrédient principal de ma recette… Quelle tête en l’air je suis. » La porte s’ouvre enfin. Je récite mon speech, armée de mon plus beau sourire. J’obtiens un pot de sauce tomate. Bingo.

Chez un second voisin, je récupère du sel qui me servira à rehausser mon repas improvisé. J’arrive enfin chez mon troisième (et dernier) voisin. C’est la scène finale. Je connais mon texte par cœur, désormais. Je n’oublie pas le sourire et le petit air gêné qui va bien. Jackpot ! Je reçois un paquet de pâtes, bio en plus. Je pense déjà au plat que je vais me préparer : une assiette de spaghettis nappés de sauce tomate, avec un léger arôme de gratuité.

JOUR 2 √ Capture

« Un caffè sospeso per favore ! » Rassurez-vous, mes notions d’italien s’arrêtent là. Le caffè sospeso est une tradition de solidarité, venue tout droit de Naples. En France, on appelle ça le café « suspendu » ou « en attente ». Le principe ? Commander un café et en payer deux, un pour soi et un autre pour un client qui en fera la demande. Au Corneille, petit bistrot restaurant de la rue Colbert, le patron a étendu le principe aux repas. « Qu’importe les apparences, si on me demande un café ou un repas suspendu, je dis oui », m’explique Didier, le patron. Bien sûr, le système est d’abord là pour aider les plus démunis.

Alors que je demande timidement un café suspendu, un homme accoudé au comptoir lance un « C’est pour moi ! » Dix minutes plus tard, un généreux plat chaud m’attend, dans une petite barquette à emporter. Je me délecte de ce plat savoureux, le meilleur que j’ai pu manger cette semaine (et, avec du recul, depuis quelques mois). Le patron du Corneille avoue qu’il prépare plus de plats et cafés qu’il n’y en a en attente. Le café suspendu n’est pas encore entré dans les moeurs en France. Et si le 10 décembre prochain on faisait comme les Napolitains qui fêtent la journée du caffè sospeso ? Rendez-vous au Corneille, à L’Instant Ciné ou au New Seven pour offrir un café ou un repas à un inconnu. Un petit geste de générosité qui fait du bien.

JOUR 3 X

Au temps où j’étais une consommatrice aguerrie, j’avais remarqué un grand panier en osier planté au milieu du rayon fruits et légumes du Monoprix. À l’intérieur, des pommes, des oranges, du raisin et des bananes en libre service. Cette opération, valable dans les 250 magasins de l’enseigne depuis septembre dernier, vise à encourager les enfants à manger sain. C’est avec ce doux souvenir en tête que je me rends donc au Monoprix, rue Nationale. Trois jours que je n’ai pas avalé le moindre fruit. Je frise l’overdose de pâtes à l’huile, faute de beurre frais dans mon frigo vide. Rayon fruits et légumes, je feins de m’intéresser aux mandarines bio. À 4,06 euros le kilo, ça sera pour une prochaine fois.

Soudain, le panier à fruits m’apparaît, telle une corne d’abondance. Une petite pancarte indique « Pour les enfants ». Dilemme. Suis-je encore une enfant à 20 ans ? N’ai-je pas dépassé la date limite de péremption ? En même temps, je ne suis pas vraiment adulte… Je décide que je suis une enfant et que, moi aussi, j’ai le droit à ma pomme gratuite. Le « bien manger », c’est à tout âge, non ? Granny Smith à la main, je ressors du magasin, la tête haute. « Madame ? Pouvez-vous venir par ici ? » me lance le vigile. Repérée. Face à son regard accusateur, j’explique, balbutiante, que j’ai emprunté une pomme dans le panier à fruits en libre service. « C’est pour les enfants, madame », me répond le vigile, en insistant bien sur le « madame ».
Je repars bredouille et le ventre grognant. Astuce : si vous vous lancez dans une semaine sans dépense, recrutez vos progénitures pour avoir des trucs gratuits. Ça marche à tous les coups.

Voisins, amis, collègues et même inconnus… Tous ont répondu présents pour m’épauler dans mon expérience : vivre une semaine sans dépenser.
Voisins, amis, collègues et même inconnus… Tous ont répondu présents pour m’épauler dans mon expérience : vivre une semaine sans dépenser.

JOUR 4 √

Alors que je flânais rue Nationale, le regard envieux vers les vitrines décorées aux couleurs de Noël et sur les sacs remplis à ras bord d’emplettes en tout genre, je me suis retrouvée dans un magasin de cosmétiques. Je vous jure, je me suis littéralement fait aspirer par les portes automatiques. Comme un appel irrépressible à la consommation. À peine le seuil de la boutique franchi, un parfum d’interdit me submerge. Non pas celui du dernier gel douche vanillé, mais celui de l’envie, du besoin même, de tout acheter. Afin d’assouvir ma tentation de dégainer ma carte bancaire, je trouve la parade. « Ce fard à paupière est magnifique ! » je m’extasie, à proximité stratégique d’une vendeuse. Ni une ni deux, celle-ci s’approche de moi, flairant la bonne cliente potentielle : « Puis-je vous aider ? »

Je feins un intérêt certain pour ce fard à paupière pailleté qui me fait de l’oeil depuis le début. « Est-ce qu’il m’ira ? » Face à mon hésitation non dissimulée, la vendeuse me propose, un large sourire aux lèvres, de me maquiller. « Je suis là pour ça vous savez », m’explique-t-elle, un pinceau de maquillage entre ses doigts parfaitement manucurés.
Je ressors de la boutique quinze minutes plus tard, arborant un teint plus frais que jamais, des yeux de biche et des mains toute douces (bon, d’accord, j’ai un peu forcé sur les échantillons de crème hydratante). Conseil d’experte : ne pas lésiner sur l’intérêt porté sur le produit en question.

JOUR 5 √

Les dégustations gratuites. Parlons-en. Ce sont nos petits plaisirs inavouables qui permettent de s’en mettre plein la panse, sans dépenser un centime. J’en ai repéré une, au coin de ma rue, organisée régulièrement par une cave à vin. Mais je n’ai jamais osé franchir le cap de l’observation du coin de l’oeil. « C’est maintenant ou jamais » je me répète, le pas décidé. Phase 1 : analyse de l’environnement. Autour de la table, quelques badauds discutent entre deux gorgées de vin, la main piochant nonchalamment dans les assiettes de charcuterie et de fromages. C’est mon jour de chance. Je suis prête à bondir sur la table. « Canalise-toi », lance une petite voix dans ma tête. Furtivement, je jette un coup d’oeil à droite, puis à gauche. Cible isolée, je répète, cible isolée. Plus personne ne rôde devant la table. Je lance alors la phase 2 de mon plan d’attaque. À pas de loup, je me dirige vers la table, feignant de m’intéresser à la provenance du vin exposé.

Alors que l’hôtesse me parle de tanin et d’arôme, je m’empare, mine de rien, d’un verre de rouge. Un verre qui m’ouvre l’appétit. Il est temps de passer à l’ultime étape de mon plan. Je chaparde un morceau de fromage, puis un autre. Impossible de me refréner. J’hésite presque à abandonner mon végétarisme pour profiter des tranches de saucisson qui se battent en duel sur l’assiette en carton. Mais je résiste. Ma faim n’aura pas mon amour pour les bêtes.

Prochaine cible : le marché de Noël et ses dégustations gratuites (le pain d’épice et le vin chaud, c’est 100 % vegan non ?)

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JOUR 6 √

Aujourd’hui, retour au paléolithique (période de la Préhistoire marquée par l’apparition d’une économie de survie, pour ceux qui n’auraient pas suivi leurs cours de CM2). Je troque, non pas un silex contre une peau de bison, mais un service contre un sac de courses et une lessive. Le « service » s’appelle Milo, a 9 mois et pèse 26 kilos. C’est un beau labrador marron à la truffe frétillante et à la gueule barbouillée de bave. Me voilà dog-sitter le temps d’un après-midi. Après une première phase d’observation (« Mais c’est qui celle-là ? Qu’est-ce qu’elle me veut ? »), Milo semble m’adopter.

Deux heures de promenade dans les ruelles et parcs du Vieux Tours plus tard, je rends mon cher compagnon à quatre pattes à sa maîtresse, Carine, patronne du MYAH Café. Les adieux sont un déchirement. Déchirement vite balayé par ma récompense… Carine me tend un sac de linge tout propre et un autre rempli de produits de première nécessité. C’est la première fois de ma vie que je suis aussi heureuse d’avoir un rouleau de papier toilette et une barquette de gnocchis entre les mains.

Pour troquer, rien de plus simple. Il vous suffit d’organiser une troc party entre voisins, collègues ou amis ; ou bien vous rendre sur l’une des nombreuses plateformes d’échange entre particuliers qui se développent sur le Web : GChangeTout, Le comptoir du troc, Troc Légumes, My Troc … À vous de (re)créer la monnaie du lien !

JOUR 7 

Dernier jour, je tiens le bon bout. Seule ombre au tableau, mon frigo est désespérément vide. Ça tombe bien, Carine, la maîtresse de Milo, m’a conseillé d’aller à la Barque, café associatif rue Colbert. Là, Olivier, le patron, m’accueille à bras ouverts. Depuis six mois, il propose un frigo partagé, sous l’initiative de l’association de lutte contre le gaspillage, Disco Soupe. « Au lieu de gaspiller la nourriture, partageons-là ! », peut-on lire sur la porte du petit frigo. « L’idée est de faire profiter aux autres la nourriture que nous ne pouvons pas consommer, explique Olivier. Par exemple, les vacanciers peuvent déposer leurs restes, plutôt que de les laisser périmer chez eux. » Laitue, pain, ananas, tomates, riz, sachets de purée Mousseline®… On y trouve de tout, pour tous. Olivier me tend un cabas, je n’ai plus qu’à me servir, comme à la maison.

Le principe est ludique, convivial et surprenant. Je sors de la Barque, les bras chargés de denrées en tout genre. Et trois ananas à manger. On connaît tous un frigo ou un emplacement autour de nous qui est prêt à accueillir une zone de partage : dans une cantine, dans un hall d’immeuble, au sein d’une association, au travail…
Pour soutenir l’initiative, rendez-vous sur le site de Partage ton frigo. Ce soir, après une semaine « zéro dépense », j’ouvre mon frigo, confiante. J’ai (presque) de quoi attaquer une deuxième semaine. Comme quoi, avant d’être des consommateurs, nous sommes d’abord des producteurs de solidarité.

TEXTE : Sophie Lamberts et Salomé Mesdesirs
PHOTO : Manon Vautrier-Chollet

[#EPJTMV / Cet article fait partie du numéro 235 de tmv, entièrement réalisé par les étudiant(e)s de 2e année en journalisme de Tours]

L’art thérapie contre la douleur

À quelques jours du congrès d’art-thérapie organisé le week-end prochain à Tours, Tmv est parti à la rencontre d’une art-thérapeute au pôle santé Léonard de Vinci.

Modeler une boule puis l’écraser permet de former les pétales.
Modeler une boule puis l’écraser permet de former les pétales.

Un chariot médical l’attend chaque mercredi après-midi au service de soins palliatifs. Un banal chariot en inox, comme on en voit dans tous les couloirs d’hôpitaux. Mais dessus, Claire Giboureau ne pose ni compresses, ni gants, ni instruments médicaux. Et pour cause, la jeune femme est art-thérapeute. Au pôle santé Léonard de Vinci, à Chambray-lès-Tours, elle propose aux patients de pratiquer une activité artistique. Le temps d’une parenthèse, qui peut leur permettre d’oublier leurs soucis.

« L’art-thérapie exploite le potentiel artistique dans une visée thérapeutique et humanitaire », définit la jeune femme tout en disposant son matériel sur les deux plateaux. Différents livres sur l’art, les fleurs ou les chevaux, des feuilles de papier, de la peinture, des crayons de couleur, de la pâte à modeler, des pinceaux… et un appareil photo : « C’est un prétexte pour inciter les personnes à sortir, lorsqu’elles le peuvent. Un jour, une patiente, qui n’avait pourtant plus goût à rien, a souhaité se lancer dans une séance photo. Elle s’est faite belle pour l’occasion. Elle voulait sentir l’air sur son visage. Elle a posé dehors avec son mari, touché de pouvoir vivre ce beau moment avec sa femme. C’était une semaine avant son décès », se rappelle l’art-thérapeute.

EXPRIMER SES MAUX

Le service de soins palliatifs n’est pas une unité ordinaire. Ses 18 lits sont occupés, en majorité, par des patients en fin de vie : « Au-delà des problématiques médicales, ils se posent de nombreuses questions existentielles. Comment peuvent-ils donner un sens aux épreuves qu’ils traversent ? Les mots ne suffisent pas toujours à exprimer les maux. L’art-thérapie leur offre un espace d’expression et de création. Claire leur apporte une saveur existentielle », estime Alain Urena, le chef de service. Malgré les difficultés, pas question de tomber dans le pathos : « C’est le service le plus vivant de la clinique », juge Bernadette Peigné, aide-soignante et membre de l’association Histoires de vies, à l’origine des ateliers d’art-thérapie. Les enfants sont les bienvenus et même les animaux peuvent rendre visite à leur maître.

Peinture et pâte à modeler sont des outils de l’art-thérapie.
Peinture et pâte à modeler sont des outils de l’art-thérapie.

« Nous sommes là pour apporter réconfort et tendresse », ajoute Emmanuelle, une autre aide-soignante. Pour Claire Giboureau, qui travaille la plupart du temps auprès d’adultes handicapés psychiques : « C’est ma bulle d’air de la semaine ». Alors qu’elle s’appuie d’ordinaire sur des protocoles de soins personnalisés, des objectifs et un programme de séances défini à l’avance, son approche en soins palliatifs est totalement différente : « Ici, je ne sais pas si je reverrai un patient d’une semaine sur l’autre. Je travaille dans l’instant présent, pour lui apporter un moment de bien-être. »

C’est ainsi qu’une nouvelle journée se dessine chaque mercredi. À son arrivée, l’art-thérapeute profite de la pause café pour prendre le pouls du service. Médecins, infirmières et aides-soignantes l’orientent vers les patients à rencontrer. « Nous ne proposons pas de séance d’art-thérapie à un nouvel arrivant dans le service, ni une personne exténuée ou trop perturbée. Ce n’est pas indiqué non plus pour des patients atteints de graves troubles cognitifs », indique Bernadette Peigné.
Ce mercredi- là, seuls deux patients peuvent être sollicités. C’est peu. Munie de son chariot, Claire Giboureau se rend dans leurs chambres. Le premier se sent trop fatigué. Avec le second, elle réalise une aquarelle. L’art-thérapeute dessine un chat, que le patient met en peinture. Il compte l’offrir à une amie. Rendezvous est pris, la semaine prochaine, pour une séance de photographies à l’extérieur.

L’art-thérapeute échange chaque mercredi avec l’équipe médicale
L’art-thérapeute échange chaque mercredi avec l’équipe médicale

Peinture, écoute musicale, photographie, dessin, origami… Les patients peuvent choisir parmi différentes activités. « Souvent, ils n’ont pas envie de pratiquer, alors je deviens leurs mains. Ils me guident au gré de leurs envies. Certains s’y mettent en me voyant faire. Pour d’autres, le plaisir de regarder suffit. Ce qui compte, c’est qu’ils soient mobilisés intellectuellement. Même s’ils ne sont pas en activité physique », ajoute Claire Giboureau. Avant et après chaque séance, le patient évalue son niveau de douleur, fatigue, anxiété, tristesse et envie. L’art-thérapeute note une amélioration globale de 20 % en moyenne. Et cela s’ajoute un autre effet bien visible : les créations artistiques fleurissent sur les murs des chambres. Comme autant de traces joyeuses et colorées d’une parenthèse un peu hors du temps.

Par Nathalie Picard

> En savoir plus : Congrès international d’art-thérapie, vendredi 25 et samedi 26 novembre 2016 au Centre congrès Vinci de Tours. Organisateur : AFRATAPEM école d’art-thérapie de Tours.
> art-therapie-tours.net

Les origamis sont appréciés par les patients.
Les origamis sont appréciés par les patients.

Tout-petits : objectif autonomie !

La microcrèche montessorienne Ema a ouvert à La Riche. Un endroit pas comme les autres. Tmv y a donc fait un tour…

Des tapis de couleur vert vif, des meubles bas en peuplier, un grand miroir fixé au mur, des jouets bien rangés… Ce bel endroit douillet et ordonné est le « nido » de la microcrèche montessorienne Ema, qui vient d’ouvrir à La Riche, près du jardin botanique. Le « nido » ?
C’est le nom que Maria Montessori, médecin et pédagogue italienne (1870-1952), a donné à cet espace conçu pour les tout-petits qui ne maîtrisent pas encore la marche. « Nous suivons la pédagogie Montessori, dont l’objectif principal est d’aider les enfants à devenir autonomes », souligne Marianne Bertrel, la directrice. Avec Amande et Émilie, les deux éducatrices de jeunes enfants, elle accueille une dizaine de petits. Ici, rien n’est laissé au hasard. À chaque âge un matériel spécifique, auquel est associé un objectif de développement. Comme le mobile de Gobbi, composé de 5 sphères de différentes nuances de rose pour permettre aux plus jeunes d’affiner leur perception visuelle.
« Ces mobiles sont les premiers objets que l’on présente à un bébé. Ils sont faits pour être observés », précise Amande. Les plus grands, eux, travaillent leur préhension grâce aux hochets et autres objets à attraper. Lorsqu’ils maîtrisent la marche, un nouvel espace leur est destiné, avec un autre matériel. « Il n’y a qu’un seul exemplaire de chaque objet. Ainsi, les enfants apprennent à respecter l’activité de l’autre et à attendre leur tour », note Marianne Bertrel.

D’autres signes indiquent que ce n’est pas une crèche comme les autres : pas de chaise haute ni de transat, et un minimum de lits à barreaux. « Autant que possible, l’enfant doit être libre de circuler dans l’espace », justifie la directrice. Cerise sur le gâteau, la crèche s’inscrit dans une démarche écoresponsable et utilise des couches lavables pour limiter ses déchets.

Nathalie Picard

Crèche fermée le mercredi après-midi. 07 87 84 08 90. 
– mdft37@gmail.com
mdft.fr

Poussez les portes du CCC OD

Et si on poussait les portes du CCCOD ? Mais si, vous savez, le Centre de création contemporaine Olivier Debré. Tmv y a fait un petit tour, pour vous montrer l’envers du décor.

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On préfère vous prévenir : vous allez en entendre parler. Et c’est normal. L’ouverture du CCC OD à Tours, c’est un événement de la dimension de la construction du Vinci ou de l’arrivée du TGV pour vous situer la chose. Mais c’est quoi, au juste, le CCC OD ? Eh bien, c’est un peu comme si le CCC de la rue Marcel- Tribut avait avalé un tonneau de potion magique pour devenir le plus grand Centre de création contemporaine de France. Rien que ça. 4 500 m2 dont près de 2 000 m2 de salles d’expos qui permettent de tout faire, de tout exposer, de tout oser. Cette semaine, l’équipe du CCC OD entre dans ses locaux. Alors, nous, on y est allés juste avant, jeter un petit œil. On vous fait visiter ? Effet « whaou » garanti !

>>> Pour tout savoir du CCC OD, côté chiffres et dates, cliquez ICI <<<

Elle court tout autour du nouveau bâtiment, la galerie de verre. Toute la construction semble reposer sur elle, mais il n’en est rien. Les prodiges de l’architecture font que tout le poids est réparti vers le haut. Le soir venu, la galerie s’éclaire et le cube de pierre semble flotter dans la nuit.

Associer l’ancien bâtiment avec une construction moderne, c’était tout le défi proposé aux architectes portugais. Minéralité, solidité et fluidité, le bâtiment, de l’extérieur, ne dévoile pas tous ses secrets.

C’est par cet escalier que les visiteurs accéderont à l’étage.
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La Nef, une salle de onze mètres de hauteur qui permet d’exposer les œuvres les plus monumentales. Ouverte sur l’extérieur, elle permettra aux Tourangeaux d’entrevoir, par les immenses baies vitrées, une partie des œuvres présentées.
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Nous sommes ici dans la « salle noire ». Située au rez-de-chaussée, juste en face de la nef, elle est conçue pour permettre un noir absolu. On pourra y exposer des œuvres multimédia, de la vidéo, des créations qui travaillent sur la lumière.
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CA VEUT DIRE QUOI CCC OD ?

OD, ce sont simplement les initiales du peintre Olivier Debré, dont la famille est profondément liée à la Touraine. Toute sa vie, le peintre a magnifié les couleurs et le mystère de la Loire. Les cinq plus grands tableaux qui avaient été réalisés en 1991 pour les cimaises du CCC ont fait l’objet d’une donation à Tour(s)Plus. À cela s’ajoutent une sélection de 150 œuvres graphiques (dessins…) et le prêt permanent de 140 tableaux. C’est dans cette « Salle blanche » que les oeuvres d’Olivier Debré seront exposées. Mais le lieu n’a pas vocation à être un musée Olivier Debré. C’est un Centre de création ouvert aux artistes contemporains du monde entier.

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Légendes : Matthieu Pays
Photos : Christophe Kibleur

Tous en selle à l’école du vélo !

Depuis 2008, le Collectif cycliste 37 propose des cours à… la vélo-école ! Des séances pour les adultes qui n’ont jamais appris à faire du vélo ou ont tout simplement oublié.

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Bras tendus, épaules baissées, regard au loin… Fabien Frugier rappelle quelques conseils.

Soixante ans sans monter sur un vélo, ça commence à faire long : « J’en ai fait jusqu’à 18 ans et j’ai repris à 78 ans, détaille Michelle. C’était à l’occasion d’une promenade à l’île d’Yeu avec des amis. Mais je me suis vite rendu compte que j’avais totalement perdu l’équilibre. » Pas facile de se remettre seule en selle… Motivée, la septuagénaire décide alors de s’inscrire à la vélo-école du Collectif cycliste 37 à Tours. Cette association d’usagers propose des cours pour adultes depuis 2008. Au début, il s’agissait uniquement de cours particuliers. L’acquisition d’une flotte de vélos lui a permis de lancer des séances collectives en 2012. Les objectifs ? Acquérir une bonne maîtrise technique du vélo, puis apprendre à se déplacer en ville, adopter les bons comportements et anticiper les dangers.

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Les locaux du collectif regorgent de pièces détachées et d’équipements pour les vélos.

Ce jeudi-là, dans le local de l’association situé quartier Beaujardin, Michelle et deux autres élèves se tiennent prêtes. Ici, on ne badine pas avec la sécurité : le gilet jaune fluo et le casque sont obligatoires. Deux moniteurs bénévoles, Marie et Manuel, accompagnent Fabien Frugier, le salarié du Collectif cycliste coordinateur de l’école. Leur vélo à la main, les six cyclistes quittent le local pour rejoindre le terrain d’entraînement. Problème, l’association n’a pas de lieu fixe pour assurer ses cours. Charge à Fabien Frugier de dénicher des endroits adaptés, pas trop éloignés du local et sans circulation.
Ce jour-là, destination la promenade de Florence, aux bords du Cher. Avant tout, un échauffement s’impose. Réunis en cercle, moniteurs et élèves se mettent tranquillement en mouvement. Étirements du dos, flexions, mouvements de la tête… Des exercices qui mettent en appétit. Monitrice attentionnée, Marie propose un encas aux trois participantes. Puis, c’est le moment de monter sur la selle. Aujourd’hui, il y a trois moniteurs pour trois élèves. Une vraie chance : chacune peut avancer à son rythme, profitant de conseils avisés. Mais ce n’est pas tous les jours le cas. « Dans l’association, nous ne sommes que quatre moniteurs. Ce n’est pas assez, regrette Fabien Frugier. C’est pourquoi nous avons diffusé une annonce pour recruter un nouveau bénévole. » Les pré-requis : être cycliste, avoir envie de partager ses compétences et posséder un brin de pédagogie et de patience.

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L’échauffement, incontournable avant de monter en selle.

Même s’il n’y a pas de classe, l’apprentissage se décompose en niveaux. Faoula Elise a franchi le premier : elle sait tenir en équilibre sur son vélo. Aujourd’hui, la quadragénaire reprend des cours après une interruption de huit mois. Elle vient de passer un CAP petite enfance et prépare un concours pour travailler dans les écoles. « Au début, on va me proposer des missions de remplacement. Il faut absolument que je sois mobile. Même si j’ai commencé à préparer le permis, le vélo va me permettre de me déplacer plus facilement sur Tours », estime-t-elle. Motivée, Faoula Elise s’attaque donc au deuxième niveau, sous la houlette de Fabien Frugier. Son nouveau challenge : réussir à se lever de la selle pour apprendre à démarrer et à s’arrêter debout. « Beaucoup de gens chutent à petite vitesse, au moment où ils cherchent à s’arrêter, constate Fabien Frugier. Nous leur apprenons à s’arrêter debout, un pied sur la pédale, un autre par terre. Un peu comme un trépied, ça permet de renforcer son équilibre. C’est ce qu’on appelle la sortie de selle, un point clé de notre pédagogie », souligne le moniteur.

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Apprendre à s’arrêter debout permet d’éviter la chute.

Comme beaucoup d’élèves, Faoula Elise n’a jamais eu l’occasion d’apprendre le vélo lorsqu’elle était plus jeune. La vélo-école reçoit environ 90 % de femmes, dont une large majorité de débutantes. Son activité se développe : elle est passée de 13 personnes formées en 2012 à 67 en 2015. Combien de temps faut-il à un adulte pour être à l’aise sur un vélo ? « Tout dépend de l’âge, de la forme physique… Mais en moyenne, il faut compter six mois à un an », précise le coordinateur. Une chose est sûre : c’est bien plus facile pour les enfants. En cause, la grande taille des adultes, qui ont un centre de gravité plus haut. Mais surtout, l’angoisse de la chute. Si l’on réussit à vaincre ses peurs, il n’y a pas d’âge pour se remettre en selle !

Photos et reportage : Nathalie Picard

> Vélo-école du Collectif cycliste 37 16 impasse Robert Nadaud à Tours 02 47 50 16 34 – info@cc37.org ou cc37.org/velo-ecole
> Cours de 2 h 30 le jeudi matin ou le samedi après-midi. Nouveauté : mini-stages de 2 h. 01/10 : rouler en double-sens cyclable et circuler dans les rues étroites. 03/12 de 10 h à 12 h : réparer une crevaison.

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Voyage sensoriel dans les vignes

Les 3 et 4 septembre se tiendra la 13e édition de Vignes, vins et randos en Val de Loire. En avant-première, à Rivarennes, Tmv a rencontré l’un des vignerons participant à l’opération.

"La conversion à l'agriculture biologique m'a permis de redécouvrir mes vignes"
« La conversion à l’agriculture biologique m’a permis de redécouvrir mes vignes »

Une route étroite serpente entre deux parcelles de vigne. Le temps est au beau fixe, et pourtant il n’y a personne à la ronde. « C’est le calme avant la tempête, nous éclaire Nicolas Paget, vigneron à Rivarennes sur un domaine de 15 hectares en appellations Azay-le-Rideau, Touraine et Chinon. Passés les travaux d’entretien de la vigne qui se déroulent de mai à juillet, nous observons la véraison, ce moment où le grain change de couleur, aux alentours du 15 août. »
Selon les cépages, le grain vert tourne au rouge ou au jaune. La tempête, elle, est annoncée pour début octobre : cette année, les vendanges seront tardives. En septembre, le vigneron préparera son arrivée : « C’est le moment où nous sortons le matériel, nous nettoyons les fûts et la cave. » L’objectif : être fin prêt pour accueillir la récolte.

Au moment de la véraison, les grains changent de couleur.
Au moment de la véraison, les grains changent de couleur.

À l’intérieur d’un vaste hangar se dressent de hautes cuves en inox dotées d’un système sophistiqué de régulation des températures de fermentation. Dans cet ancien bâtiment d’élevage réhabilité en chai moderne sera réceptionnée la récolte, cueillie à la main par une quinzaine de vendangeurs. Le domaine, dans les mains de la famille depuis cinq générations, est passé progressivement de la polyculture- élevage à la viticulture. Nicolas Paget, lui, exerce le métier de vigneron depuis 15 ans. Il y quelques années, le quadragénaire a choisi d’orienter le domaine en agriculture biologique : « C’est ma contribution personnelle afin d’assurer la pérennité du domaine familial », affirme-t- il. Ce mode de production met en oeuvre des pratiques culturales et d’élevage dans le respect des équilibres naturels. Par exemple, il exclut l’usage des OGM et des produits chimiques de synthèse, comme les herbicides. Pourtant, en viticulture, se passer des herbicides n’est pas une mince affaire : « On passe beaucoup de temps à travailler les sols. Ça a été compliqué, mais aujourd’hui mon vignoble vit, sans être étouffé par d’autres plantes. Il est magnifique », avance le vigneron, non sans une pointe de fierté.
Un cheminement qui donne, aussi, un nouveau sens à sa vie : « Je me suis voué corps et âme à cette reconversion, qui a remis un grain de folie dans mon activité. Au début, c’était dur : je me posais plein de questions, je ne savais pas trop où j’allais. Mais j’en suis ressorti grandi. C’est une véritable renaissance. »

Passion bio

Nicolas Paget l’affirme : il a redécouvert ses terres et sa vigne. Aujourd’hui, il prend le temps de l’observer, de comprendre comment elle fonctionne. Autre élément de satisfaction, la diversité des espèces qui vivent sur l’exploitation : « En bio, on nuit moins à la nature. Un naturaliste réalise des relevés sur mes parcelles. Il y a découvert des libellules très rares. » Le revers de la médaille ? Ses rendements ont un peu baissé et ses coûts de production sont devenus plus importants. En cause, la main d’oeuvre nécessaire à l’entretien des vignes : « Sur un domaine comme le mien, en agriculture conventionnelle, un seul salarié pourrait suffire. Alors qu’en bio, j’en emploie quatre : deux à temps complet et deux à mi-temps. » Tout l’enjeu, alors, consiste à réussir à maîtriser ce nouveau système, af in de proposer des vins à un prix qui reste abordable.

Dans la cave historique du domaine, le vin se bonifie en fût de chêne.
Dans la cave historique du domaine, le vin se bonifie en fût de chêne.

En contrebas du chai moderne, le vigneron nous amène dans la Creuse rue, une voie pittoresque qui s’engouffre dans le tuffeau. Elle descend jusqu’au village d’Armentières situé au niveau de l’Indre. De part et d’autre de la rue, pas moins de 80 caves dépendent des habitations du village. Nous pénétrons dans l’une d’elles par une double porte en chêne qui s’ouvre sur une grange construite contre la paroi de tuffeau. C’est la cave historique du domaine. Au fond, deux galeries sont creusées dans la roche. Des dizaines de fûts de chêne s’y alignent. Loin de toute agitation, cet endroit frais respire la tranquillité : « Ici, on laisse au vin le temps de se bonifier en fût, avant la mise en bouteille », précise Nicolas Paget. Le vin décante longtemps, ce qui permet au vigneron de supprimer l’étape de filtration. L’intérêt ? « Ça évite de déstructurer le vin. En filtrant, on casse l’âme du vin », estime le spécialiste.
Résultat, une belle gamme de vins – rosés, blancs et rouges – sur trois appellations. Mélodie, opus, maestro, jajavanaise… Chaque cuvée porte un nom qui évoque la musique. Et pour cause, Nicolas Paget a longtemps hésité entre deux vocations : le vin ou la musique. Il en reste une invitation à boire son vin en chantant.

Reportage et photos : Nathalie Picard

DRÔLE DE RANDO DANS LES VIGNES

Vignes, vins, randos, c’est déjà de belles balades dans les vignes du Val de Loire. Mais l’événement offre aussi son lot d’animations originales. Comme la découverte des vignes de Nicolas Paget en gyropode tout-terrain, une curieuse machine dotée d’un manche et constituée de deux larges roues reliées par une plate-forme. Cette activité, une journaliste de Tmv l’a testée pour vous. Au péril de sa vie… ou presque ! Jugez plutôt… Coiffée d’un casque et cramponnée au manche, je monte sur la plateforme et tente de trouver l’équilibre en suivant les conseils avisés de Sébastien Trova, organisateur de la randonnée et gérant de la société Gyroway. « Attention, prévient-il. Une chute est vite arrivée si l’on pêche par excès de confiance. » Avancer, freiner, tourner… Sur le parking, je m’exerce à maîtriser l’engin.

Puis, c’est le moment de passer aux choses sérieuses : une balade d’1 h 30 à travers vignes, champs et forêts des coteaux de l’Indre. Au début, tout va bien : on démarre par une route bitumée. En même temps, la balade en pleine nature est le grand intérêt de cette machine tout terrain. Nous voilà donc lancés sur un chemin caillouteux dans la forêt de Chinon.
Lorsqu’une roue de mon gyropode tombe dans un trou, je corrige trop brusquement la direction et me retrouve complètement déséquilibrée. Un pied à droite, un pied à gauche… Je réussis finalement à descendre de l’engin sans chuter. Après cette petite frayeur, nous repartons. Plus loin, nous apercevons un chevreuil à l’orée du bois. Je finis la promenade sans encombre. Et vous livre un conseil avisé : ne forcez pas trop sur la bouteille pendant la randonnée !

Vignes, vins, randos – 3 et 4 septembre 2016 14 randonnées dégustations le long de la vallée de la Loire, de Nantes à Blois, dont 5 en Touraine (Vouvray, Touraine-Mesland, Chinon, Touraine Azay-le-Rideau) Nouveauté 2016 : initiation au yoga du rire sur chaque parcours.
>Inscription en ligne sur vvr-valdeloire.fr

Hellfest 2016 : festival metal monumental

Pour fêter l’arrivée de l’été et se prendre une tonne de gros son en béton armé, tmv s’est de nouveau rendu au Hellfest. Le plus grand festival de metal a de nouveau donné lieu à trois jours de folie, d’amour, de bière en pichets, de tyrolienne folle et de groupes géniaux. Hell yeah !

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L’Enfer est un paradis.

Samedi : HOMMAGE A LEMMY, BIÈRE & PUNK UNIVERSITAIRE

#mode sensationnel ON# Métalleux assoiffés de sang, sacrifice de bébés roux à minuit, Satan, orgies démoniaques. #mode sensationnel OFF#

Voilà, on a votre attention ? Parfait. Même Bernard de la Villardière ne ferait pas mieux. Non, parce qu’on les connaît, les préjugés sur le Hellfest, le metal et compagnie. Nous, en tant que grands fans de metal, on est allé s’enjailler au Hellfest comme chaque année, rendez-vous incontournable de tout fan de metal qui se respecte, THE place to be dans l’année pour tout bon chevelu (les chauves aussi, on vous accepte). Après avoir snobé ce festival pendant des années (mis à part Arte qui rediffuse les concerts !), la majorité des médias traditionnels français font désormais la queue pour obtenir une accréditation et ont enfin compris l’importance de la Bête : 180 000 personnes sur 3 jours (une hausse de 7%), 160 groupes sur six scènes, budget monstre (18 millions de pépettes dont 1,2 millions d’investissements) pour des retombées économiques faramineuses (l’an dernier, le festival a généré plus de 5 millions d’euros) et des festivaliers qui dépensent plus de 21 millions d’euros. Ça vous la coupe ? Tant mieux, car vous n’en aurez pas besoin pour lire notre compte-rendu de deux jours dans l’ambiance extraordinaire du Hellfest.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=nPtIsKfIijc[/youtube]

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Nous voilà donc en route pour Clisson, petit village tout mignon près de Nantes, à l’architecture toscane (on la surnomme Clisson l’italienne. Et hop, 2e fois que ça vous la coupe). 6 600 habitants en temps normal. Multipliée par – euh – beaucoup le temps de trois jours de Hellfest. Ici, la majorité des Clissonnais est ravie d’accueillir autant de viles sataniques mangeurs de bébés : les commerces jubilent, les hôtels idem, les habitants s’inscrivent en nombre pour accueillir les festivaliers dans leur jardin/maison/garage/pour toute la vie (rayez la mention inutile).
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=BONS-zIpjgY[/youtube]

Une fois arrivé sur le site, c’est parti pour l’Enfer. Côté esthétique, imaginez une sorte de Disneyland gigantesque pour métalleux : une grande roue, des bars et des stands en rouille ultra-stylisés, des carcasses de voiture façon Mad Max, un skatepark, des scènes décorées, une forêt surnommée Kingdom of muscadet car elle accueille les vignerons locaux. Et, cette année, une tyrolienne reliant d’un bout à l’autre les deux scènes principales histoire de survoler la masse grouillante, le sourire aux lèvres et filer devant les yeux des groupes.

Côté musique, pensez simplement au meilleur du metal, allant des grosses têtes d’affiches connues comme Black Sabbath (pour leur tournée d’adieu) et Rammstein, aux cultissimes Slayer, Fu Manchu, Korn, Napalm Death et consorts, en passant par les plus obscurs Mgla et With the dead.

Arrivés sur le site, après avoir croisé un paquet de sourires, d’hommes, de femmes et de familles, on zappe vite GLENN HUGHES pour passer devant STRIFE, groupe de hardcore qui tabasse sec dans une Warzone refaite à neuf : cette scène, littéralement transformée en sorte de camp de Guantanamo, est barricadée de barbelés et fait face à une petite colline, derrière laquelle trône, imposante, la statue de 15 m. érigée en l’honneur de mister Lemmy, chanteur de Motörhead décédé en décembre 2015.
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Changement de scène ensuite pour (re)découvrir CATTLE DECAPITATION. Chouette nom, non ? Poétique, tout ça. Les membres de « décapitation de bétail » (ouais, en français, ça le fait moins) balancent la purée deathgrind – un style des plus bourrins qui soient – avec des chansons ultra-rapides dénonçant les maltraitances sur les animaux. Dommage que le début du set soit un poil gâché par un son brouillon. Difficile d’en distinguer toutes les subtilités…

Un tour par la grande scène principale nous permet de voir SIXX A.M (son fondateur était dans Mötley Crüe), dont l’enthousiasme sur les planches fait vraiment plaisir à voir. Du wock’n’woll à 1000 %.

> Point météo : des gouttes, du soleil, des nuages, des gouttes, mais mais… t’arrêtes Evelyne Dhéliat ??

> Point bière : Personne n’a dit qu’il était interdit de boire des binouzes à 15 h. Surtout si c’est servi en pichets !

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15 h 50. Les curieux affluent à la scène Altar. Au bout de quelques minutes, beaucoup déguerpissent et laissent la place aux plus courageux qui assistent, mâchoire décrochée, à AGORAPHOBIC NOSEBLEED. Un groupe qui n’en est qu’à sa sixième prestation live de toute sa carrière. Bref, un moment unique, où ce rouleau compresseur scénique broie le public. Os par os. Tornade de violence rehaussée par une boîte à rythmes démentielle, sur laquelle s’époumonent un gars et une fille déchaînés. Et vlan.

Après une petite pause, on se précipite à ENTOMBED A.D., les rois du death metal suédois. Son gras, groove hallucinant, voix caverneuse de LG Petrov baignée dans la bière, les pionniers envoient uppercut sur uppercut. Nous, perso, on a perdu quelques cervicales.
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Dans la foulée, ARCHGOAT plonge le Hellfest dans son black metal sombre et jouissif, mais un peu trop linéaire sur la durée.
Devant la Main Stage, ça se presse : DISTURBED est prêt à dégainer son gros rock US testostéroné. C’est beau, c’est propre, ça améwicain ouh yeah et ça affole la foule (encore plus lors d’une tripotée de reprises de Rage against the machine et Mötley Crüe). Ça nous donne envie d’aller voir d’autres Ricains, les mythiques BAD RELIGION. Les patrons du punk rock (depuis 1979 !) vont dérouler un set parfait de bout en bout, entre les géniaux Fuck You et Supersonic. Une patate d’enfer, de la musique ensoleillée et un service sécurité débordé par les multiples slammeurs dans la foule. Géant.

Un tour en tyrolienne ?
Un tour en tyrolienne ?

 ♣ Le saviez-vous ? Le chanteur de BAD RELIGION Greg Graffin a beau faire penser à un médecin quand il chante sur scène avec son petit polo et sa calvitie, il est surtout un universitaire renommé pour sa théorie de l’évolution. Il possède aussi deux baccalauréats, une maîtrise en géologie et un doctorat de paléontologie. Dans tes dents.

Les bonnes surprises s’enchaînent ensuite : TERRORIZER fait honneur à son nom, tandis que PRIMORDIAL – devant une foule conquise d’avance – offre l’un des concerts les plus incroyables de la journée, avec sa musique hypnotique et poétique confinant au sublime.

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La statue de Lemmy Kilmister.

> Point météo : une bataille (et pluie) de copeaux de bois a été lancée pendant le concert de Bad Religion. Du grand n’importe quoi complètement fendard.
> Point bière : c’est l’apéro, non ?

Pour finir, on assiste à la patate décochée par TWISTED SISTER. « Après 40 ans de carrière, c’est notre dernière tournée. Et non, on ne va pas faire comme Scorpions ! », se marre Dee Snider, leader culte du groupe de rock’n’roll. Le chanteur de 61 ans et ses tablettes de chocolat (ouais, ça, ça fiche un coup au moral) court partout, enquille les speechs, notamment lorsqu’il arrête le tube « We’re not gonna take it » pour demander à près de 50 000 personnes de faire un doigt d’honneur aux terroristes. Après avoir invité Phil Campbell, guitariste de Motörhead, sur scène pour une reprise qui nous a filé presque la larme à l’œil, Twisted Sister se retire pour laisser place… au fameux feu d’artifice. Après une introduction sous forme de petit film rendant hommage à Lemmy, les premiers feux sont tirés et très vite, se transforment colorent le ciel. Ça pète de tous les côtés, le final est somptueux. Le ciel, noir, se verra ensuite illuminé d’un feu d’artifice reproduisant les lettres « RIP LEMMY », sous un tonnerre d’applaudissements. Magique.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=JIHA3zA9F2M[/youtube]

> Point météo : il fait nuit.
> Point bière : on ne sait plus, mais on a dormi à l’arrière de notre voiture, avec une ceinture dans les côtes.

Dimanche : ALLEMAGNE VINTAGE, SEINS & GROSSES BAFFES MUSICALES

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Un petit coup de Stonebirds de grand matin.

Vous êtes toujours là ? Tant mieux, car nous aussi. Après un réveil difficile et avoir discuté avec une petite mamie de Clisson qui voulait nous inviter à déjeuner (« J’aime tellement quand il y a le Hellfest », a-t-elle dit, toute sourire), retour sur le site. Dès 10 h 30 (eh ouaiiis), on assiste à STONEBIRDS. Première surprise matinale, ces oiseaux Bretons vont proposer une très belle demi-heure de stoner magnifié par des envolées de voix planantes sur de gros riffs pachydermiques.
A 11 h, après avoir mangé un croque-monsieur rachitique à 4 €, place à NIGHTMARE. Les Grenoblois, hyper en forme, envoient un power metal mâtiné de heavy des familles. Maggy, au micro, ne se départit pas de son sourire et essaye de faire bouger un public un peu amorphe (point bière : BEUAAAARGH). « Eh, même si je suis une fille, vous pouvez montrer vos seins hein. Ça fera plaisir à certains ! », balance-t-elle entre deux morceaux.

Une coupe à la mode au Hellfest.
Une coupe à la mode au Hellfest.

Des seins, on n’en verra pas avec les MUNICIPAL WASTE. Œuvrant dans le thrash crossover, les loustics de Virginie provoquent un bazar monstrueux dans la fosse. Ça slamme, ça pogote, ça envoie en l’air des crocodiles gonflables. Trip délicieusement jouissif, la musique des Américains a toutefois le malheur d’être proposée sur la grande scène (on aurait préféré un cadre plus intime) et à une heure plus que matinale (12 h 15, sérieusement ??).
Mais allez, zou, allons prendre une dose de STILLE VOLK. Imaginez un peu la chose : le groupe pyrénéen oscille entre musique occitane, touches médiévales et celtiques, avec un soupçon de paganisme. Aucune guitare saturée, aucune grosse voix beuglarde. Mais la tente où se produit Stille Volk est remplie à ras bord. À l’arrivée, un succès hallucinant, des dizaines de métalleux se lançant dans des danses endiablées et au final, une véritable ovation. Oui, le métalleux a un cœur et une sensibilité. Take that, Christine Boutin !

Pour DEATH ALLEY, le public est bien plus clairsemé. Mais les absents ont toujours tort (c’est maman qui le dit) : les Néerlandais vont envoyer 40 minutes où le riff est roi, inspiré par Led Zep’ et compagnie, vénérant le rock vintage comme il faut avec un son à la limite de la perfection.
Carrément moins vintage, DRAGONFORCE ouvre l’après-midi avec sa musique virtuose et frappadingue (= on masturbe sa guitare très vite et on dégoûte tous les débutants qui se mettent à la guitare). Plus loin, KING DUDE fait tomber une chape de plomb sur le Hellfest. Souffrant d’un horaire peu adapté (14 h 20), King Dude ne parvient pas à nous faire entrer dans son univers pourtant passionnant sur album.

#interlude : on vient de croiser un homme déguisé en Spiderman, un homme déguisé en prêtre bénissant les paninis, une fille lançant du papier-toilette lors de son passage sur la tyrolienne, une autre seins nus filmée par… Le Petit Journal bien sûr.#

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No one is innocent en séance de dédicaces.

15 h 05. Moment révélation. Tmv ne misait pas un kopek sur NO ONE IS INNOCENT. Fouettez-nous sur la place publique, oui, oui. Mais finalement, les Français vont avoiner sévère pendant tout leur set. Emmené par un Kemar surexcité et possédé, le groupe enflamme le Hellfest jusqu’à sa chanson « Charlie » survoltée, dédicacée aux dessinateurs de Charlie Hebdo et aux victimes du Bataclan, avant que le vocaliste hurle de lever le poing « contre tous ces fils de p… de Daech ». Un grand moment.

Rien de tel qu'un bon massage de pied pour se remettre en jambes.
Rien de tel qu’un bon massage de pied pour se remettre en jambes.

BRODEQUIN, avec qui on enchaîne, a de quoi surprendre. Musique ultra-violente, pas de batteur (juste un m’sieur immobile tapotan sur sa boîte à rythme à la vitesse grand V), technicité exceptionnelle et voix d’outre-tombe. Une venue exceptionnelle, mais un concert qui passe de la jouissance hypnotique des premières minutes à une indifférence polie sur la fin. En retournant près des Main Stage, c’est le drame : la venue de GOJIRA, l’un des meilleurs groupes français qui a déjà tourné avec Metallica, rameute tellement de monde que le site est sur-saturé. Impossible de circuler ou de se rapprocher. Le temps d’assister à deux titres pachydermiques, on se décide la mort dans l’âme à laisser nos frenchies (vus déjà 4 fois en live) pour jeter un œil à MGLA. Leur prestation scénique est à la hauteur de leur black metal : froid, misanthrope et sans concession. Les zikos cagoulés déversent quelques missiles du dernier album Exercices in futility, sans aucune interaction avec le public. La scène est plongée dans une sorte de brouillard (la traduction de Mgla en polonais), les guitares sont assassines, le jeu de batterie virtuose. Une grosse claque.
Mais pas autant que celle que va nous infliger KADAVAR. Trois Allemands aux fringues aussi rétro que leur musique. Ça sue le hard rock psyché des 70s par tous les pores, c’est entêtant, hypnotique. Ici, Black Sab’ fornique avec Hawkind et Led Zep’ sans retenue. Kadavar enchaîne les hits, caresse sa basse qui vous tord les tripes. Christoph Lindemann est invisible derrière ses longs cheveux, chante et use de sa six cordes comme un Dieu (qui aurait tout de même pioché dans sa réserve d’herbe). Un concert MO-NU-MEN-TAL, servi par un son gigantesque (tout le contraire des immenses SLAYER dont on aura entendu qu’un duo batterie/guitare, vu que l’ingé-son s’était visiblement endormi ou avait les esgourdes un poil encrassées).

Kadavar, la baffe du week-end.
Kadavar, la baffe du week-end.

On se répète, mais chaque année, le Hellfest tient toutes ses promesses. Se déroulant dans une ambiance de folie jamais vue dans aucun autre festival et bon enfant (n’en déplaise à certaines associations qui essayent tous les ans d’interdire le festival). Pas de débordement ni de problème, de l’avis du maire, des habitants et des commerçants. Nous, on est revenus avec de jolis coups de soleil (coucou, je suis une glace vanille-fraise), des cernes ressemblant à des sacoches, mais surtout des souvenirs plein la tête et un sourire d’enfer. Quand on vous disait, l’an dernier, que le Hellfest c’était le Paradis…

Reportage & photos : Aurélien Germain

>> Merci à Roger, Ben Barbaud et toute l’équipe, ainsi que les bénévoles.
>> Photos vidéos et infos sur la page Facebook du Hellfest ICI !
>> Retrouvez d’autres photos du festival de notre collègue Eric Pollet ICI ou partout sur Internet de toute façon !

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>> ALLER PLUS LOIN <<
L’interview de Corentin Charbonnier, un Tourangeau anthropologue doctorant, auteur d’une thèse sur le Hellfest comme lieu de pèlerinage à lire sur TMV !

Ateliers de la Morinerie : haut lieu de création

Peu connus des Tourangeaux, les ateliers de La Morinerie à Saint-Pierre-des-Corps accueillent une centaine d’artistes et artisans. Le lieu, propriété de la société Clen, est devenu au fil des années une friche culturelle. Jauge de créativité ? Très élevée.

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Rien que dans ce couloir, il y a une quinzaine d’ateliers.

L’un soude, l’autre photographie, l’une tisse, l’autre songe. De l’extérieur, on ne soupçonne pas que ces grands entrepôts industriels de Saint-Pierre-des-Corps, gris et aux toits en dents de scie, abritent les Ateliers de la Morinerie, haut lieu de création. Le long de l’allée extérieure et dans les couloirs (O et T), se trouvent 42 ateliers — 42 univers. À l’intérieur, le béton brut est léché par les rayons de lumière qui traversent les sheds. Ici, les locataires ont installé leurs lieux de travail et bénéficient de loyers très modestes : en moyenne 1,70 € le mètre carré.
Promenade en couloir O : gris, étroit, lumineux, fauteuils épars, nombreux extincteurs, un large panneau indique qu’il est interdit de fumer. Il est 10 h, la Morinerie s’éveille. De chaque côté, certaines portes sont ouvertes, d’autres sont encore closes, fermées par des cadenas. Quelques bruits de pas, quelques voix, on entend de l’opéra à droite, du metal à gauche, du jazz dans le fond. Tout au bout, un salon de thé improvisé avec tables et chaises, encore vides.

Benjamin Dubuis en plein shooting d’épices.
Benjamin Dubuis en plein shooting d’épices.

Au numéro 1 s’active à l’acier Vincent Clairet, chaudronnier tatoué. Ancien commercial, il a tout plaqué il y a six ans. Depuis, avec son poste à souder et sa scie à ruban, il donne forme aux métaux. Le barbu charismatique a notamment réalisé les devantures du salon de tatouage Street Art Family et de la brasserie La Manufacture. Arrivé fraîchement il y a un an, il a aménagé son propre espace de 35 m2 : « On a tout fait de A à Z. » Autre porte, au 5 bis : l’atelier — jungle de Pierre Jean Chabert, sculpteur qui travaille la terre cuite et le bronze. Quand on entre, il baisse le son de l’enceinte dont sortent les cris du chanteur de Tool (metal), pris en flagrant délit de travail méticuleux. Sa dernière création : un crocodile en argile dont il dessine les traits avec sa mirette fétiche. « Je réalise de préférence des sculptures animalières car les humains ont trop d’imperfections, ça m’amuse moins. » Sur des étagères : les portraits « suggérés » d’un hippopotame, gueule béante ; de rhinocéros ; de lions ; de gorilles. Arrivé dans ces locaux en janvier 2015, il dispose de 100 m2. Originaire de Paris il réalise la chance qu’il a d’avoir un atelier ici, « au calme ».

Les loyers très modestes en font un lieu prisé. « Le prix intéresse les artistes, mais également le lieu », pointe Annie Catelas, l’intendante qui dirige les lieux. Dans son bureau ouvert à l’entrée du bâtiment et légèrement en hauteur, elle voit chaque va-et-vient. Amoureuse de l’art, elle rappelle : « La relation humaine est ce qui compte surtout ». « Se retrouver autour d’un café », « se prêter des outils, des costumes » : à la Morinerie, lieu excentré et peu visible, on se serre les coudes. Vaste réseau professionnel, les contacts et les compétences de chacun sont mis à contribution des autres. Ainsi le photographe Julien Dubuis a fait appel au collectif Au Q du camion, qui crée des décors de cinéma, pour l’un de ses projets. « L’émulation » et « l’effervescence » qui comptent tant pour Annie Catelas sont au rendez-vous. 

Malgré l’aspect onirique que donne à ce lieu la lumière zénithale, il est bien réel. Sans subvention, les ateliers fonctionnent uniquement avec le mécénat de la Société Clen, fabricant de mobilier et d’accessoires de bureau. Et c’est une activité à perte. Cette aventure humaine commence dans les années 1990. Elle est à base de rencontres et de prises de risques. Dans ces années-là, Clen devient propriétaire de ce qui était jusqu’alors une usine de fabrication de meubles. Une décennie plus tard, la société réfléchit à louer cet espace.
Tout débute véritablement fin 2006. Annie Catelas, l’épouse de Xavier Catelas, le directeur de la société, rencontre au château de Tours Lena Nikcevic, artiste plasticienne originaire du Monténégro qui cherche un lieu pour travailler. Annie Catelas lui propose de s’installer dans un des hangars : un espace de 4 500 m2. Elle raconte : « Il n’y avait rien à part un toit, même l’eau de pluie s’y écoulait. » La société décide d’étendre son offre à d’autres artistes ou artisans et de sectionner la bâtisse. Eau et électricité sont installées dans les bâtiments et seront à la charge des locataires. En échange d’un loyer très modeste, les nouveaux occupants réalisent les travaux d’aménagement intérieur. « Chaque ateliériste organise son espace comme il l’entend. »

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Pierre-Jean Chabert sculpte les portraits d’animaux sauvages.

Une première association d’artistes se constitue : Le Bled, au sein d’un local de 1 400 m2. Le bouche à oreille se faisant, d’autres ateliers se forment progressivement : des couloirs sont aménagés, des cloisons montées. Des bureaux sont depuis loués au premier étage à des entreprises et des associations. Et Annie Catelas continue d’être sollicitée par de nombreuses demandes. Lorsqu’il y a de la place, le choix se fait « en fonction du projet et du contact avec [son] interlocuteur ». Dans les 13 000 mètres carrés au total, demeurent encore des espaces vierges. Une salle destinée à l’accueil d’artistes en résidence ou à des expositions pourrait bientôt voir le jour. Bien que le lieu ne soit pas dévolu à l’accueil du public, des portes ouvertes ont déjà été organisées en mai et en octobre ainsi que la Nuit blanche en mars dernier, avec concerts et performances. Annie Catelas finit par confier : « Je ne m’attendais pas à ce que tout cela prenne autant de proportions. »

Reportage et photos : Victorine Gay

La devanture de Street Art Family, c'est lui !
La devanture de Street Art Family, c’est lui !

Années Joué : l’art à la conquête de la rue

Chaque printemps, le festival Les années Joué accueille des artistes qui prennent plaisir à envahir les rues et à s’approprier la ville. Leur but ? Rendre l’art accessible à ceux qui n’osent pas toujours franchir la porte des lieux traditionnels.

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(Photo Auguste Jarrigeon)

Les arts de la rue, c’est cette idée de donner de la place à la création artistique pour qu’elle s’installe au cœur de l’espace public. Que chacun se réapproprie un parc, un bout de trottoir ou encore une esplanade grâce à des représentations de théâtre, de danse, de musique, de cirque, etc. En France, ce sont plus d’un millier de compagnies et d’artistes qui pratiquent les arts de la rue, un procédé plus accessible que les salles de spectacles classiques. En effet, selon les chiffres de la Fédération des arts de rue, une personne sur trois assiste chaque année à un spectacle de rue, contre seulement une personne sur cinq pour un spectacle de théâtre. Pour cause : les festivals de rue sont souvent gratuits et touchent des publics plus variés. « Pour moi, c’est une revendication de faire de l’art dans la rue, de sorte que n’importe quel passant puisse le voir. C’est là où on touche le plus de profils différents », défend Agathe, membre de la compagnie Fouxfeuxrieux, qui participera aux années Joué dans la catégorie tremplin pour son spectacle Kamin’é. Cette envie de rendre l’art accessible au plus grand nombre, à ceux qui n’ont pas pu, pas pensé ou pas osé franchir les portes des salles de spectacle, s’est largement développée au sein des institutions ces dernières décennies. Des villes comme Aurillac, Sottevillelès- Rouen ou encore Chalon-sur-Saône ont créé leurs propres festivals et sont aujourd’hui parmi les plus grands événements nationaux. Des « saisons » d’art de rue ont aussi vu le jour. « La profession s’est vraiment structurée, ce qui est indispensable pour qu’on puisse en vivre. Mais dans le même temps, cela a enlevé un peu de notre spontanéité créative », regrette Agathe.

Lors de leur passage, les artistes proposent souvent aux villes de mobiliser les habitants et de les faire participer aux spectacles. Le jour J, les artistes rencontrent leur public, créent une proximité. « Ils participent parfois directement au spectacle et ils viennent nous voir plus facilement à la fin de la représentation, nous racontent que eux aussi jouent d’un instrument, etc. », constate Quentin, artiste de rue depuis quatre ans et membre de la Compagnie du Coin qui jouera L’Espérance de St-Coin aux années Joué. Image8

Pour les années Joué, les centres sociaux de la ville ont, par exemple, en amont, créé des ateliers avec les artistes et les habitants pour préparer les lieux du festival, en construisant notamment toute la signalétique. Pour son spectacle de projection audiovisuelle sur des façades d’immeubles, la compagnie komplex kapharnaüm a utilisé des témoignages de Jocondiens. Mis en place il y a dix-neuf ans, le festival de Joué était, à l’origine, une foire. « La Mairie voulait créer un événement transversal à l’ensemble de ses activités, pour que les services travaillent ensemble au moins une fois par an sur un projet commun », explique Sandrine Fouquet, adjointe à la culture de Joué-lès-Tours. Elle a ainsi greffé, petit à petit, des compagnies d’artistes : la compagnie Off était présente dès la première édition et sera là aussi cette année. Tous les premiers week-end de juin le rendez-vous est donné et il accueille aujourd’hui entre 30 000 et 40 000 visiteurs, pour 250 artistes et techniciens.

CaptureLa Ville n’a pas l’intention de s’arrêter là. « Après la cinquième édition, la question de savoir si on restait amateurs ou si on passait pro a été posée. On a opté pour la seconde option », se souvient Olivier Catin, directeur du festival en charge de la programmation, membre de l’équipe depuis la création du festival. Ce fut la première grande étape. Chaque année, Olivier Catin parcourt la France pour trouver de nouveaux spectacles, de nouveaux talents. « Depuis plusieurs éditions, on sent un réel effort dans la programmation, les troupes ne sont plus seulement locales, elles viennent de tout l’Hexagone et d’ailleurs. Ce n’est pas Aurillac évidemment mais ça pourrait en suivre le chemin », observe Hélène Bourdon, chargée de production pour la Compagnie du Coin. Le service culturel aimerait d’ailleurs développer encore un peu plus l’aspect international, afin que plus de programmateurs nationaux et internationaux viennent repérer les artistes.

Les arts de la rue, un secteur qui se porte bien ? Pas si simple. « Agathe et moi on ne fait effectivement que des arts de rue et nous arrivons à en vivre », explique Thomas, membre de la compagnie Fouxfeuxrieux. « Mais ce n’est jamais évident. Nous sommes dans le même cas que les autres artistes : globalement les contrats sont moins nombreux, des dates sont annulées et les programmations restreintes. Le régime des intermittents est souvent attaqué et le secteur est fragilisé depuis la crise », analyse-t-il. En période de disette, il n’est en effet pas rare que la ligne culture des budgets municipaux affiche quelques ratures. Et l’imaginaire collectif a parfois du mal à évoluer : « Certains croient encore que l’artiste est quelqu’un qui vit d’amour et d’eau fraîche. Nous sommes des professionnels, nous créons des spectacles que nous vendons pour pouvoir en vivre », rappelle Hélène Bourdon. Du côté de Joué-lès-Tours en tout cas, le message est plutôt clair : la mairie a décidé d’augmenter de 50 000€ le budget du festival, pour arriver à la somme totale de 350 000€ dont 210 000 € consacré à l’artistique.

> Festival Les années Joué, du vendredi 3 juin à 18 h 30 jusqu’au dimanche 5 juin à 20 h. Rue de Verdun à Joué-lès-Tours (arrêt de tram Rotière ou Rabière). Entrée gratuite.
> Toute la programmation sur anneesjoue.fr

Médiation animale : une thérapie qui a du chien

Aurélie Rougereau s’est lancée depuis janvier dans la médiation animale (ou zoothérapie). Elle utilise ses deux chiens, Jinko et Litchi, pour tisser du lien entre les personnes.

L’éducation canine des deux compagnons d’Aurélie prendra encore quelques mois, surtout que deux en même temps ce n’est pas toujours facile à gérer.
L’éducation canine des deux compagnons d’Aurélie prendra encore quelques mois, surtout que deux en même temps ce n’est pas toujours facile à gérer.

La zone est protégée par un code d’accès qu’Aurélie connaît par cœur, car sa grand-mère habite ici. Derrière le sas et ses doubles portes soigneusement fermées, un hall moderne quoique impersonnel offre aux visiteurs le choix entre des salons aux fauteuils plus ou moins récents et des couloirs desservant les chambres. Dans l’air se disputent une odeur de naphtaline et de produits d’entretiens pour hôpitaux. Les chaises roulantes et les déambulateurs ne laissent guère de doutes : cette résidence est une maison de retraite. Les patients qui y séjournent sont atteints, à des stades encore peu avancés, de la maladie d’Alzheimer et de ses différentes déclinaisons.

Au fond du dédale, une salle commune équipée d’une kitchenette les accueille pour l’après-midi. Mais aujourd’hui c’est une activité un peu différente qui leur est proposée. Aurélie, 24 ans, les rejoint avec ses deux chiens pour une séance de médiation animale. Son énergie et celle de ses compagnons détonnent forcément avec ce décor un peu terne. Et c’est le but. Malgré les bons soins d’une équipe enjouée, s’occuper et se sociabiliser n’a plus rien d’un chemin évident pour ces patients. « La dame en jaune que vous voyez là-bas n’a pas d’enfants et reçoit de moins en moins de visites car ses amis sont âgés aussi. Elle est souvent déprimée. Mais quand Aurélie vient avec ses chiens regardez comme elle rit », observe une assistante de soin (ASG) de 36 ans.
Avant de pouvoir amener ses animaux, il a fallu qu’Aurélie explique un peu son activité et en justifie les bienfaits pour les patients. « Au Canada, la zoothérapie est beaucoup plus développée. Mais en France non seulement nous avons beaucoup de normes sanitaires mais en plus nous sommes souvent dubitatifs sur les méthodes non purement médicales », constate-t-elle. La médiation animale, à quoi ça sert ? « Les animaux permettent de créer un lien, une interaction entre le patient et le thérapeute. Ils sont un prétexte, un médiateur sur lequel le patient se focalise, oubliant parfois ses troubles médicaux », explique Aurélie.

La médiation animale requiert la participation des patients.
La médiation animale requiert la participation des patients.

Cela permet de travailler sur la communication, le développement psychologique, cognitif, social et même moteur. « Je me souviens d’une dame âgée qui ne pouvait jamais se pencher en avant, c’était infernal pour l’habiller le matin. Un jour, elle a vu un chien passer et elle s’est penchée instinctivement pour le caresser », s’amuse une assistante de soin de la maison de retraite.

La zoothérapie (ou médiation animale) est née aux États-Unis. Elle remonte aux années 1960 et est attribué au psychiatre américain Boris Levinson qui, oubliant que son chien était resté dans son cabinet médical, reçut un enfant autiste pour une séance. Alors que le petit garçon restait d’habitude dans un mutisme total, il se mit à jouer avec le chien, puis à parler, notamment pour demander quand il pourrait revoir son nouvel ami. Le praticien a fait de cet accident méthodologique une voie de recherche, sur laquelle il a écrit de nombreux ouvrages. Effectivement, pendant la séance d’Aurélie, le résultat est immédiat. Elle met son petit chien Jinko sur la table, sous quelques effarements mais surtout de grandes exclamations. Le Jack Russel fait le tour de l’assemblée, recevant caresses et compliments à gogos sur son pelage soyeux. La star à quatre pattes distribue même des léchouilles à la volée aux plus audacieux. Clown d’un jour, il enchaîne ensuite les cabrioles à travers un cerceau. Aurélie questionne l’assemblée : « De quelle couleur est-il, combien en comptez-vous ? ».

Même si les effets cliniques de la zoothérapie sont controversés, l’interaction permet d’apporter du bien-être aux patients.
Même si les effets cliniques de la zoothérapie sont controversés, l’interaction permet d’apporter du bien être aux patients.

Pendant ce temps, Litchi, le teckel, a élu domicile entre les bras de la doyenne, Thérésa. Quand on lui demande quel âge elle a, elle se souvient être née en 1915. Mécaniquement on calcule 101 ans et on recalcule inconsciemment une deuxième fois pour être sûr d’avoir bien compris. « Si on m’avait dit que je vivrais aussi vieille », plaisante-t-elle tout sourire. Au bout d’une demi-heure elle répète pour la troisième fois : « à qui sont-ils ces petits chiens ? Oh ! il y en a deux. » Une autre dame s’est assise à côté d’elle, elle est descendue exprès pour cette activité : elle a elle-même eu des chiens par le passé et c’est une joie immense de pouvoir en retrouver. Aurélie lui propose de brosser Jinko ce à quoi elle répond sans se faire prier. Forcément, on est curieux : cette activité fonctionne-t-elle mieux que les autres ? Pourquoi ? « Je crois que c’est parce que c’est vivant et donc interactif », note une assistante de soins. Boris Levinson résumait le concept ainsi : « L’animal ne se nourrit pas d’attentes idéalisées envers les humains, il les accepte pour ce qu’ils sont et non pas pour ce qu’ils devraient être ».

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Litchi, jeune Teckel d’un an et médiateur.

Formée dans le social et passionnée par les animaux, Aurélie a vu dans la zoothérapie un moyen de façonner un emploi à son image. Elle a découvert cette pratique auprès d’une de ses collègues lors d’un stage dans une structure médicale. « Elle m’a montré ce qu’on pouvait faire avec différents animaux, car si j’ai choisi deux chiens, on peut le faire aussi avec des hamsters, des lapins, des chevaux, des chats et bien d’autres. »Son rêve serait de pouvoir créer un jour une ferme pédagogique pour travailler avec plus d’animaux. Mais pour l’instant la jeune femme en est encore loin. Après avoir suivi une formation à l’Institut de zoothérapie Agatéa à Colmar, elle s’est lancée à son compte depuis janvier. Comme beaucoup de créateurs d’entreprises de son âge, elle a choisi le statut d’auto-entrepreneur, un bon moyen de commencer à développer sérieusement son activité à moindre frais.
Mais pour l’instant les contrats en médiation animale ne pleuvent pas. « C’est une activité encore peu répandue, notamment à Tours », justifie-t-elle. Sa structure se met progressivement en place grâce à la création de sa page facebook MAJE (médiation animale joie et espoir) et des séances de découvertes qu’elle offre aux maisons de retraite, hôpitaux et même à domicile. En attendant le développement de son activité, elle cumule les petits boulots d’aide à domicile. Dans la maison de retraite où elle a fait sa dernière séance de découverte, le personnel est confiant : « Les activités d’Aurélie sont très bénéfiques, nous en avons déjà discuté plusieurs fois tous ensemble. Notre directrice lui proposera peut-être un contrat, pourquoi pas une fois par mois ».

Reportage et photos : Julia Mariton

AURÉLIE ROUGEREAU
> ar.maje@orange.fr
> Et sur Facebook : MAJE médiation animale joie et espoir.

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Tours : ils jouent leur sortie de prison

À la maison d’arrêt de Tours, la compagnie de théâtre Les 3 Sœurs intervient auprès de jeunes détenus. L’objectif ? Les aider à avancer dans leur parcours de vie.

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Les comédiens jouent une première saynète pour interpeller les détenus.

Une casquette bleue vissée sur la tête, Frank sort tout juste de  prison. Pour redémarrer du bon pied, il souhaite se lancer  dans le commerce. D’abord, se former. Mais avec son casier  judiciaire bien rempli, il se dit qu’il ne sera jamais pris en  formation. Heureusement, son pote Mario, qui a ouvert  une pizzeria, propose de l’embaucher et lui donne même une avance  sur salaire. Sauf que Frank est tiraillé. Là, il a surtout envie de fumer.  Et puis son copain qui l’appelle pour jouer aux jeux vidéo, c’est super  tentant. Alors tant pis, le travail attendra. Quant au rendez-vous avec sa  petite amie, il a zappé. Résultat, il se brouille avec Mario et sa copine.

En réalité, Frank n’existe pas. C’est un personnage joué par Antoine  Miglioretti, de la compagnie tourangelle Les 3 Sœurs. Face à lui, six  jeunes détenus de la maison d’arrêt de Tours. La scène se déroule dans  une salle d’activités de la prison, accessible de l’extérieur après avoir  franchi cinq portes et autant de grilles fermées à clé. La compagnie  intervient dans le cadre du programme Bouge — Bien orienter une  génération en devenir — à destination de jeunes délinquants, souvent  récidivistes, âgés de 18 à 25 ans. À l’origine, le questionnement de deux  conseillères d’insertion et de probation — Vanessa Fouillet et Emmanuelle Terriot — chargées d’accompagner les détenus et de prévenir  leur récidive :  « Le comportement de ces jeunes est un réel problème.  Comment les aider à évoluer ? »  Une difficulté décuplée par la détention  et la promiscuité qu’elle impose.

Un personnage tiraillé entre sa voix intérieure et les sollicita- tions extérieures.
Un personnage tiraillé entre sa voix intérieure et les sollicitations extérieures.

Ici, plus de 200 détenus vivent à deux  ou trois dans une cellule de 9 à 10 m2. Ils y passent 22 heures par jour,  sauf activité ou rendez-vous particulier. Le projet Bouge est porté par  le Spip, service pénitentiaire d’insertion et de probation, dont l’une des  principales missions est de prévenir la récidive par un accompagnement  individuel et collectif.

« Souvent, l’approche collective consiste à organiser des groupes de parole à visée thérapeutique. En investissant le champ  éducatif, nous nous inscrivons dans une toute autre logique » , souligne  Isabelle Larroque, directrice du Spip. Après une première session du  programme Bouge fin 2015, une deuxième est aujourd’hui en cours.  Parmi les six séances prévues, deux sont consacrées à l’intervention de  la compagnie Les 3 sœurs, qui pratique le théâtre d’intervention :  « Nous  avons créé un objet théâtral personnalisé et adapté à la demande du  Spip » , précise Sonia Fernandez-Velasco, comédienne de la compagnie.  Le personnage de Frank a été conçu de sorte que les détenus puissent  se projeter sur lui et réfléchir à leurs propres difficultés. Très présent,  l’humour favorise l’implication des jeunes et leur participation.

Ce mercredi-là à la maison d’arrêt, les détenus réagissent à la scène  jouée par la compagnie :  « En fait, Frank, il a réussi que les problèmes ! »,  lance Kader*. Accompagné des trois acteurs, les participants retracent  le parcours de Frank depuis sa sortie de prison. Matérialisées au sol,  deux lignes divergentes constituent un plateau de jeu imaginaire. La  première, la  « ligne de conduite » , mène Frank à l’objectif qu’il s’est fixé,  symbolisé par une coupe. Pour les jeunes, cette coupe, c’est avant tout  « un travail légal » . La deuxième ligne, déviante, conduit à un point  d’interrogation : c’est  « la cité » ,  « le quartier », « la prison »  ou encore  « le travail illégal  » .
Le groupe décortique ce qui a poussé Frank d’une  ligne vers l’autre : Quelles priorités s’est-il fixé ? Quels choix l’ont fait  basculer ? Quelle responsabilité porte-t-il dans cette évolution ? Puis, les  trois acteurs invitent les détenus à prendre leur place :  « Vous allez sortir  de prison. Vous serez au début d’un nouveau chemin. À vous de vivre votre  propre parcours. »  Commence alors la distribution des rôles : aux côtés de Kader dans le rôle principal de Frank, Julien* joue le monde extérieur  — toutes les personnes avec qui Frank interagit une fois dehors — et  Kevin*, la voix intérieure de Frank. Quant à Luc*, extérieur à la scène,  il peut à tout moment stopper l’action grâce à une télécommande. Voilà  comment s’invente l’histoire avec les jeunes comédiens…

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Elsa Adroguer, comédienne, dans le rôle de la petite amie de Frank.

Frank annonce à son conseiller :  « Mon oncle va m’embaucher dans sa  pizzeria. »  Mais dès sa sortie de prison, son pote du quartier l’invite à  boire un coup. Puis, son conseiller l’informe qu’il doit se rendre immédi- atement à la mission locale pour bénéficier d’un programme d’insertion,  avec des aides au permis et au logement à la clé. Excellente nouvelle !  Mais Frank a vraiment envie de trinquer avec ses copains. Tout de suite.  Il ne sait plus quoi faire…
Intervient alors sa maman, au téléphone :  «   Tu vas aller à ce rendez-vous, Frank, insiste-t-elle. Sinon, qui est-ce qui va  encore finir au parloir pendant un an, hein ? »  Ensuite, Frank apprend que  le rendez-vous à la mission locale est finalement à Blois. Sans permis, il  galère pour se faire conduire là-bas, et résultat, il arrive 45 minutes en  retard. Le conseiller, joué par Julien, retire sa proposition :  « Il faut être  assidu, ponctuel » , justifie-t-il. Kader s’emporte :  « J’ai fait 100 kilomètres pour vous ! Toi, t’as vu comment tu m’reçois ? Rentre chez toi, tu veux que j’t’insulte ou quoi ? » Fin de l’histoire.

Les trois comédiens se sont donné à fond dans leur rôle. Avec plein  d’énergie, d’humour et un sacré sens de la répartie. Un débriefing de la  saynète permet d’analyser pourquoi la situation a dérapé. En résumé :  « Il y a eu trop d’embrouilles ! Frank aurait dû expliquer clairement sa  situation au conseiller : lui dire qu’il n’avait pas le permis, pas de voiture.  Qu’il ne pouvait donc pas se rendre à Blois en si peu de temps » , analyse  Vanessa Fouillet.
L’occasion aussi, avec les comédiens de la compagnie,  de lancer quelques pistes de réflexion : comment canaliser son énergie,  se fixer des objectifs ou plus globalement, être réellement acteur de sa  vie. Pour Vanessa Fouillet et Mathieu Besson, les deux conseillers d’insertion et de probation qui accompagnent le groupe, cette séance s’avère  précieuse :  « Nous pouvons évaluer leurs réactions, leur comportement. Ce qui nous permettra, dans les prochains entretiens, de valoriser ce qu’ils  ont réalisé de positif et de leur montrer qu’ils détiennent en eux des clés  pour changer » .
L’objectif : leur donner confiance dans leur capacité à  changer dans la durée.

Reportage et photos : Nathalie Picard

* Les prénoms ont été changés.

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Pas facile de choisir entre sa ligne de conduite et une voie divergente.

Tours : la musique forme la jeunesse !

Au Centre de formation des musiciens intervenants (CFMI), de futurs artistes et pédagogues apprennent à transmettre leur passion de la musique aux enfants. Tout un art.

En cours de chant, il faut donner de la voix... et des émotions
En cours de chant, il faut donner de la voix… et des émotions

Ne cherchez pas. Ici, vous ne trouverez ni de sombres amphithéâtres, ni les interminables cours magistraux qui vont souvent avec. Pourtant, nous sommes bien à l’université François-Rabelais. Mais dans cet espace un peu à part, la plus vaste salle de cours est un auditorium. Des balafons multicolores — sorte de xylophone en bois d’origine africaine — sont disposés en demi-cercle, face à de larges baies vitrées offrant une belle vue sur les champs attenants. Un environnement propice à l’inspiration. Bienvenue au Centre de formation des musiciens intervenants (CFMI), un département universitaire qui occupe de charmants locaux sur les hauteurs de Fondettes. Sa mission : former des personnes, à la fois musiciennes et pédagogues, qui interviennent auprès des enfants pour les sensibiliser à la musique. Deux années de formation professionnelle, basées sur différentes pratiques musicales et sur une réflexion pédagogique, permettent d’obtenir un précieux sésame : le diplôme universitaire de musicien intervenant.

Répéter un rythme compliqué, toujours et encore
Répéter un rythme compliqué, toujours et encore

Ce jeudi-là, Richard Vincent, enseignant en percussion, donne un cours de rythme aux élèves de deuxième année. Chaque étudiant répète le rythme proposé par leur professeur sur un balafon. La mission de Richard Vincent ? « Je suis là pour développer le potentiel rythmique des élèves. Ils doivent être capables, avec les enfants, de chanter en s’accompagnant de rythmes. Cette indépendance de la voix et des mains est plus facile à acquérir que celle d’une main par rapport à l’autre. Nous travaillons cette difficulté ensemble. » Qui peut le plus, peut le moins. Son tuyau ? « Répéter toujours la même mélodie permet de se donner des repères. »
Mine de rien, ce n’est pas facile. Réussir à superposer des rythmes différents, travailler l’indépendance des deux mains… Certains s’arrachent même les cheveux. Comme Josefa Tvetey, 25 ans, qui a intégré le CFMI après un master de musicologie : « Le rythme, c’est compliqué pour moi. J’ai du mal à dissocier les deux hémisphères cérébraux. Il faut persévérer, pratiquer en permanence », insiste la jeune femme qui travaille d’arrache-pied. Pour s’entraîner entre les cours, quelques studios attenants à l’auditorium, avec synthétiseurs, ordinateurs et percussions, sont à la disposition des étudiants. Chacun peut venir y travailler son instrument.

À quelques mètres de l’auditorium, dans le bâtiment principal du CFMI, le cours d’écriture se tient dans une salle aux murs rouges. L’enseignant, Dominique Billaud, et ses deux étudiants, Lucas et Jonathan, sont en grande discussion autour d’une partition posée sur le pupitre d’un piano à demi-queue. Ici, les jeunes apprennent à composer une chanson : ils écrivent le texte et inventent la musique pour un ensemble d’instruments. L’objectif ? Mettre le tout en scène pour en faire un vrai spectacle. Toujours dans la perspective de leur futur métier. Histoire de le vivre au moins une fois avant d’en monter avec les enfants.
« Dans le métier de musicien intervenant, la création et l’inventivité sont essentielles », souligne Dominique Billaud. Les deux étudiants apportent leurs idées. « J’aimerais créer sur le thème du voyage. Les idées fourmillent, je les ai posées sur un carnet. Mais musicalement, ça ne se dégage pas encore. J’imagine quelque chose de massif, avec un chœur et des instruments », annonce Lucas. L’enseignant, lui, est là pour les accompagner : « Ils restent libres de leur choix, et surtout, il n’y a pas de jugement de valeur. » Dans cette formation, l’attention portée à chaque personne semble essentielle. Logique, si l’on considère que la relation humaine est au coeur de la musique.

Un moment de plaisir en cours de guitare
Un moment de plaisir en cours de guitare

Une impression confirmée lors du cours de chant, qui se déroule dans une petite salle au dernier étage du bâtiment, au fond d’un couloir. « Ici, on abat les masques, lance Muriel Marschal. C’est un sas de décompression, un endroit où les étudiants se permettent de craquer. » L’enseignante donne toute son énergie dans un objectif : « donner aux élèves le goût d’eux-mêmes et de leur voix, leur permettre de se sentir beau et confiant, éradiquer tous leurs doutes. » En somme, apprendre à s’aimer. Vaste programme. D’autant que travailler sur sa voix a quelque chose de troublant : « Des métamorphoses s’opèrent. C’est très intime », avoue Lucie.
La jeune femme se lance, debout face à son pupitre, dans une interprétation de « mon légionnaire ». Muriel Marschal l’accompagne au piano : « C’est magnifique ! C’est hyper beau », s’enthousiasme-t-elle. Ici, enseignants et étudiants partagent une même passion : la musique.

C’est maintenant l’heure du cours de guitare. Cet instrument populaire est le précieux allié du musicien intervenant. Pratique et facile à transporter, il s’avère idéal pour accompagner les enfants. En plus, la guitare s’adapte à tous les styles, du country au rock. Maëva, Marie et Jean-Félix s’entraînent sur l’air de Helplessly Hoping, une belle chanson à plusieurs voix accompagnées de deux guitares. « Regardez-vous bien, vous devez suivre comme une ombre la voix de Marie, la chanteuse principale », leur conseille Émilie Sansous, l’enseignante. Dissociation des deux mains, souplesse, dextérité… « Les étudiants doivent maîtriser suffisamment l’instrument afin de pouvoir gérer les erreurs des enfants qu’ils accompagnent », poursuit le professeur.

À l’école, le groupe des cloches s’en donne à coeur joie
À l’école, le groupe des cloches s’en donne à coeur joie

Et travailler avec des enfants, justement, ça s’apprend ! C’est une partie importante de la formation : les étudiants animent chaque semaine des ateliers musicaux dans des écoles. Comme chaque vendredi, Marie Menou, élève en deuxième année, se rend à l’école élémentaire Jules- Verne à Tours-Nord. Avec la classe de CM2 de Pierre Deseuf, elle monte un projet de création musicale autour de Casse-noisette. Non, il ne s’agit pas de leur apprendre à jouer de la flûte à bec… L’idée ? « Amener les enfants à créer eux-mêmes leur morceau. »
Avec leur enseignant, ils ont écrit des virelangues que la musicienne réutilise : « À partir d’un texte écrit rigolo, c’est plus facile de poser des rythmes. » Et ça marche : « Pirlipat a un papa qui fait du rap… en mangeant ! », chantent les enfants en tapant avec lames, grelots, cloches et bâtons. Ryad, 11 ans, aime cet atelier car « on peut chanter et s’exprimer ! ». Au mois de mai, ils présenteront leur création sur une vraie scène, comme des grands.

Textes et photos : Nathalie Picard

 

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A l’école de la piste avec C’koi Ce Cirk

C’est la seule école de cirque du département alliée à la Fédération française des écoles de cirque. Avec C’Koi Ce Cirk, les novices et connaisseurs des arts de la piste mettent au défi leur sens de l’équilibre, apprennent à maîtriser les acrobaties ou s’amusent du jonglage.

Une petite avenue de Saint-Pierre-des-Corps. Au 50 de la rue Maxime-Bourbon, la devanture comme instagrammée d’un cinéma : bienvenue au Rexy. L’ancienne salle obscure, qui a abandonné ses bobines depuis 1983, s’est métamorphosée en école de cirque. Derrière les rideaux noirs, le grand écran est toujours là. Mais les sièges de velours ont laissé place aux tapis, massues, trapèze et au tissu d’acrobatie de C’Koi Ce Cirk. La compagnie, fondée en 2003, crée des spectacles, théâtre d’objets et de marionnettes et compte trois créations, une quatrième en gestation pour 2017.

« On a inventé “ Sourde oreille ” qui tourne un peu partout en France, avec 110 représentations en deux ans, souligne Ludovic Harel, le fondateur de la compagnie. On est très contents, on a fait de belles rencontres avec ce spectacle accessible aux sourds et malentendants ». Mais la deuxième activité de C’Koi Ce Cirk, c’est l’école de cirque, la seule dans le département et en Région Centre affiliée à la Fédération française. Et qui a déposé ses bagages, depuis le 1er octobre 2014 dans ces murs à deux pas de la gare TGV. « Depuis le début, nous proposons des activités pédagogiques mais nous avions envie de sédentariser une partie de notre activité », détaille Ludovic Harel.

La compagnie continue par ailleurs de balader ses ateliers itinérants partout dans le département : « on amène le cirque aux enfants », glisse Ludovic Harel, comme dans les écoles, les centres socio-culturels, ou encore lors de différents stages. L’année dernière, C’Koi Ce Cirk a ainsi prodigué 3 000 heures de cours à ses différents publics.
Parmi eux, des petits à partir de 5 ans mais aussi des adultes… jusque 45 ans. « Les enfants ne viennent pas pour travailler mais pour jouer, précise Ludovic Harel. Mais comme dans tous les jeux, cela passe par la maîtrise de techniques, de règles, par la rencontre de l’autre et l’épanouissement. » Et les adultes ? « Des connaisseurs mais aussi des débutants qui ont envie de s’initier à une activité artistique et physique. » Une combinaison réussie.

>> Pour le reportage photos à l’école, vous pouvez retrouver notre numéro en PDF SUR CE LIEN (l’article se trouve des pages 16 à 19)

Flore Mabilleau

Baby Planner : un coach avant bébé !

Les futurs parents ne savent pas toujours où donner de la tête avant le jour-J. Pour les aider, il existe des baby planner. Rencontre avec Karen Gioli, une Tourangelle qui exerce depuis cet automne.

Karen Gioli ne se déplace jamais sans son matériel de puériculture. Dans sa voiture, la trentenaire, elle-même maman, emmène tout ce qui peut être utile pour permettre aux futurs parents désarmés de gagner du temps dans leurs recherches d’avant-naissance. « Le métier de baby planner consiste à les rassurer afin que l’arrivée de bébé soit la plus sereine possible, explique la coach. En fait, mon champ d’action est assez large. Cela va de la préparation du trousseau pour le départ à la maternité jusqu’à la prévention des accidents domestiques en passant par l’aménagement de la chambre de bébé ou le choix du siège auto. »

Sa méthode ? « Après une série de questions, je cerne les attentes et le mode de vie de la famille. Après, je m’adapte et je propose une sélection de produits. Mes clients sont ensuite libres de faire ce qu’ils veulent. » Et pour ceux qui pensent que ce service n’est pas forcément utile, la jeune femme rétorque : « Les moeurs ont changé. Ce qui était vrai il y a une dizaine d’années ne l’est plus forcément en 2016. Actuellement, on prône l’autonomie du jeune enfant dans un environnement sécurisé. Exit, donc, le parc fermé ! » Karen est là également pour tordre le cou aux idées reçues : « Les conseils de belle maman ne sont pas toujours adaptés, sourit-elle. J’explique aux parents que ce qui est bon pour certains ne l’est pas forcément pour d’autres. Par exemple, un couple qui voyage aura besoin d’investir dans un transat léger. »
Indépendante, Karen met avant tout le bon sens dans le choix des équipements. « Je suis là pour faire faire des économies aux familles en évitant les dépenses inutiles. »

> Plus d’infos bebeetvous.fr

Anne-Cécile Cadio

Kids : Olé Flamenco !

Bientôt, la danse sévillane n’aura plus de secret pour les sept fillettes de l’association Tiempo flamenco. Ambiance.

flamenco

Jupes noires à pois rouges, chaussures pailletées à talons, fleurs rouges dans les cheveux… Comme tous les vendredis soirs au foyer Mirabeau à Tours, sept fillettes se tiennent prêtes pour leur cours de flamenco. Une danse pas très courante pour des enfants. Comment cette curieuse idée leur est-elle venue ? « Mes parents m’ont ramené une robe flamenco d’Espagne », répond Manon, une jeune blondinette. « Ce qui m’a donné envie, c’est Idalina, ma poupée espagnole danseuse de flamenco », ajoute Maëlys. Quant à Lana, elle a vu un spectacle avec « Florence et ses copines ».

Florence Milani, c’est la professeure de l’association Tiempo Flamenco, née en 2002. Au départ, une bande de copines, donc. Passionnées par cette danse, elles décident de monter une association afin d’organiser elles-mêmes les cours qu’elles ne trouvaient pas à Tours. Aujourd’hui, Tiempo Flamenco compte 50 élèves, dont sept enfants.
« Ce qui m’a plu, c’est le contraste entre les mouvements des mains et du corps, gracieux et sensibles, et ceux des pieds, plus carrés et rythmés », décrit Florence Milani. Car une bonne danseuse de flamenco doit aussi être musicienne : avoir une bonne oreille et le sens du rythme, coordonner ses bras et ses jambes. Alors, facile le flamenco ? « On tape souvent avec nos talons, ça fait mal aux jambes. Mais on se fait les muscles, aussi ! », lance Jeanne-Ève. Emballées, les jeunes filles préparent déjà le spectacle de fin d’année. Elles s’en donnent à coeur joie. Car pour une fois, elles ont le droit de taper du pied.

> tiempoflamenco.com

Nathalie Picard

Aux p’tits soins pour les petits lions

Des micro-crèches poussent dans l’agglomération tourangelle. Ces petites structures pour dix enfants maximum proposent un accueil collectif à taille humaine. Récit d’une matinée ordinaire à la micro-crèche Les petits lions, implantée dans le quartier des Deux-Lions.

9 H : La plupart des enfants sont arrivés. Certains font déjà la sieste, quand d’autres s’amusent dans un vaste espace de jeux. Avec ses couleurs vert et bleu pastel et son gentil lion peint sur le mur, la pièce à vivre s’avère très accueillante. Un univers tout douillet, et surtout des jeux partout à disposition des enfants : circuits de voitures, ballons, vaisselle, tapis… « Les temps de jeux libres sont indispensables pour leur autonomie. On laisse les enfants choisir », explique David Lécu, le directeur de la micro-crèche Les petits lions. Visiblement, ce matin-là, les petits élisent la cuisine « the place to be » !

9 H 30 : Jazz et sa maman poussent tranquillement la porte de la crèche. « Elle a tellement bien dormi : jusqu’à 9 h ! », s’emballe la jeune femme tout en déposant les affaires de sa fille dans un casier blanc. Ses chaussures troquées contre des chaussons bien confortables, Jazz rejoint ses petits camarades sans demander son reste. Pour prolonger encore un peu sa nuit, elle s’allonge sur un tapis, l’air rêveur.
Sidney, elle, est bien réveillée. La fillette d’à peine 3 ans communique par les signes. Le doigt sur l’oeil, elle me signifie son envie de regarder les images sur mon appareil photo. Je me prête au jeu et me retrouve subitement entourée de quatre enfants, qui mettent maintenant les doigts… sur l’objectif !

10 H : C’est l’heure de l’activité. « Margot, veux-tu faire de la pâte à modeler ? », demande Marine Foucault, éducatrice spécialisée. Margot, 16 mois, manifeste son enthousiasme : elle accourt en tapant des mains. Avec Imrane et Sydney, elle s’installe à la table. Jazz préfère se reposer. « On incite les enfants à participer aux activités, mais ce n’est pas obligatoire. Notre objectif, c’est qu’ils se sentent bien ici, qu’ils puissent évoluer à leur rythme », précise David Lécu.
La pâte à modeler, c’est l’occasion de manipuler une nouvelle matière et d’apprendre les couleurs. Alors, plutôt boudin ou ver de terre ? Ni l’un, ni l’autre. Le plus rigolo, c’est de taper dessus : on aplatit la pâte au maximum, et surtout on fait du bruit. Mais l’activité touche vite à sa fin. Imrane, lui, aurait aimé continuer : il n’est pas content.Capture

10 H 30 : Les plus jeunes commencent à se réveiller. Comme Tiago, 9 mois, le grand copain d’Imrane. Le deux petits se font de gros câlins. « On note systématiquement les heures de réveil. Un carnet de suivi, avec de nombreuses informations, permet de communiquer avec les parents. Ça leur permet de connaître les phases de sommeil, les changes, les activités… », souligne Pauline Mitault, animatrice petite enfance.
Le change, justement : un passage obligatoire après la sieste. C’est au tour de Tiago : « Quand je change un enfant, je peux prendre mon temps. Alors que dans une grande structure, c’est l’usine : tout doit être vite expédié. Ici, c’est très familial, on peut profiter de chaque enfant, on est plus proche des familles aussi », poursuit la jeune femme. « Voilà jeune homme, tu es tout propre », annonce-t-elle à Tiago. Le petit brun à bouclettes, en body vert kaki et jogging bleu, est un rampeur invétéré.

11 H 30 : Le repas approche. La fatigue des plus grands se fait sentir. Rien de tel qu’une histoire pour calmer les enfants avant le repas. Sidney choisit Chloé l’araignée, mais repart dès les premières phrases. Quant à Camille, elle se met à pleurer… Il est temps de préparer le repas. Tatiana Guyon, animatrice petite enfance, arrive en renfort. Trois personnes pour gérer le déjeuner, ce n’est pas de trop. Ici, ce sont les parents qui amènent les plats de leur enfant. Chacun son menu : boeuf-carottes pour Sydney, purée de potiron et pomme de terre pour Imrane, jambon-pâtes pour Camille…
Un temps calme après le déjeuner, puis tous vont faire une sieste dans deux dortoirs, un pour les petits, un pour les grands. Ce qui permet de gérer l’endormissement au cas par cas. « Certains enfants, comme Camille, ont besoin d’une présence. Nous pouvons répondre à cette demande », affirme le directeur. L’un des nombreux avantages d’un accueil à taille humaine.

Texte et photo : Nathalie Picard

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>> Nos idées pour les modes alternatifs de gardes d’enfants, c’est par ICI ! <<

A Joué, les enfants adorent la zumba

La zumba, ce n’est pas que pour les grands. Les cours pour les enfants se multiplient dans l’agglo comme au Centre social de la Vallée Violette, à Joué-lès-Tours.

zumba

Pour trouver le cours de zumba, il suffit de tendre l’oreille. Musique hyper rythmée et consignes enthousiastes d’Emilie Boissinot, qui donne des cours pour enfants au Centre social de la Vallée Violette à Joué-lès-Tours, chaque mercredi après-midi. « Et 1, 2, 3, 4 tapez », lance-t-elle tout en dansant sur Te quiero, la musique d’une chorégraphie que le petit groupe de 7 à 11 ans – quasiment que des filles – a appris.
Ici, pas de ballerines ou de tutu. La zumba se pratique habillé(e) décontracté(e) et en baskets. Ce mélange bondissant d’aérobic, de danse jazz et latine, a happé des millions d’adultes dans le monde. Mais il plaît aussi beaucoup aux enfants et particulièrement aux filles.

C’est d’ailleurs à la demande des familles fréquentant le Centre social que la structure propose, depuis l’année dernière, ce cours. « J’aime bien, ça bouge, c’est collectif et on rigole bien ! », sourit Amina, 9 ans, entre deux sauts. Échauffement, répétition des chorégraphies, l’apprentissage ne se fait pas sans jeux. Le tout sur les tubes qui font un carton chez les pré-ados, du genre Un monde meilleur, de Keen’V, ou encore les titres de la jeune Louane. Un moyen de faire fonctionner ses muscles, tout en faisant travailler sa mémoire.
Pas question cependant d’épuiser les corps. Le cours, entrecoupé de pauses pour boire de l’eau, dure maximum une heure. Et ça suffit, visiblement, pour leur donner le smile.

Flore Mabilleau

Sur 97.4 FM, la jeunesse sur les ondes

C’est le moment d’allumer votre poste : la Raj, radio animation jeunesse, émet jusqu’au 19 décembre. La parole est aux jeunes du val de l’Indre. Reportage au collège de Cormery.

« Hello, bienvenue sur la Raj, la radio animation jeunesse, sur le 97.4 FM. Aujourd’hui, on va parler de sexe », lance Abdelhakim, un micro orange à la main. Très à l’aise, le collégien n’en est pas à sa première émission, et ça s’entend. Avec trois copains, Clément, Justine et Nicolas, il profite de la pause déjeuner pour enregistrer une émission de radio. Le studio ? C’est la caravane de la Raj. Postée dans un coin de la cour du collège Alcuin de Cormery, elle ne passe pas inaperçue. Et surtout, elle ne désemplit pas.
L’initiative originale lancée l’année dernière par la communauté de communes du Val de l’Indre (CCVI) est un vrai succès. « Au service jeunesse, ça faisait plusieurs années qu’on montait ponctuellement des animations radio. Là, on a décidé de lancer une vraie radio, avec un nom, un site Internet, des lieux d’enregistrement et des périodes d’émission sur les ondes. Pour désacraliser un peu la radio. Montrer que ce n’est pas cher et accessible à tous », raconte Benoît Bourbon, animateur jeunesse à la CCVI. D’où l’idée de se doter d’un outil itinérant pour se poser sur la place du village, dans la cour d’un collège, et venir à la rencontre du public : des jeunes, bien sûr, mais aussi des habitants, des associations ou des élus locaux.
« Il nous fallait un lieu fun. La caravane, on l’a pensée et aménagée avec les jeunes », poursuit l’animateur. Sur la carrosserie, des graffitis multicolores sont partiellement recouverts d’une énorme inscription : « Info jeunesse exprime-toi ». Les quatre collégiens présents ce midi-là l’ont prise au mot ! Même quand il s’agit de parler de sexualité. À l’intérieur, ils sont bien installés, assis sur la banquette à fleurs orange des années 70. Dans cet espace exigu, le studio d’enregistrement est forcément sommaire : un ordinateur portable, une petite table de mixage et cinq micros suffisent.

Image2Première étape : préparer l’émission. Abdelhakim est volontaire pour prendre le rôle d’animateur. Ce grand brun aux lunettes noires raconte qu’il a déjà fait plein d’émissions, des directs même. Pas plus tard que la semaine dernière, il animait « Around the music », un direct sur l’histoire des courants musicaux. Pour les trois autres copains, cette émission est une première. Comme la dynamique Justine, bientôt 14 ans, qui n’a pas la langue dans sa poche : « Tu t’appelles Cauet, alors ? », dit-elle à Abdelhakim pour rigoler, en référence à l’animateur vedette de NRJ. « Non, ça sera plutôt Difool », répond l’intéressé du tac au tac. Le ton est donné.

Un peu de sérieux, quand même : « Vous avez choisi de parler de la sexualité chez les jeunes. Vous devez donc préparer différentes questions. L’animateur est là pour présenter l’émission et son contexte. Pensez aussi à l’intermède musical, qui coupera l’émission en deux parties. Pour vous lancer, ça peut être bien de vous appuyer sur ce que vous avez vu en cours d’éducation à la sexualité », conseille Benoît Bourbon. Car la Raj, c’est aussi un outil à vocation pédagogique. Les objectifs : valoriser les jeunes en leur permettant de s’exprimer à l’oral et d’être acteur de leur territoire, mais aussi créer un espace de débat public. « Sortir de l’écrit permet à ceux qui ont des difficultés de s’exprimer plus facilement. On propose ici un espace d’apprentissage, des mises en situation concrètes », estime l’animateur jeunesse. Ici, la parole est libérée. Si certains ont parfois du mal à énoncer des termes, Benoît les encourage : « On peut se dire les choses, utiliser les vrais mots, comme pénis ou vagin, plutôt que de parler d’appareil reproducteur. »

Silence dans la petite caravane, c’est le moment de commencer l’enregistrement. Après le lancement de l’émission, Abdelhakim, Benoît et Rémy Dougé, animateur jeunesse également, posent tour à tour des questions : qu’avez-vous appris au collège en cours d’éducation à la sexualité ? Avez-vous abordé la question des sentiments ? Qu’est-ce qui fait qu’à un moment, on se sent prêt ? Pourquoi a-t-on des rapports sexuels ? Comment imaginez-vous votre première fois ? Chacun, tour à tour, prend le micro pour donner son point de vue. À cette dernière question, Abdelhakim répond que pour lui, ce sera après le mariage : « Quand je serai bien avec ma femme. Pour des raisons religieuses, et aussi parce que je n’ai pas envie de jeter une fille comme une chaussette ! » Clément et Nicolas, eux, espèrent bien que ce sera avant 18 ans. Majeurs et puceaux, très peu pour eux… Quant à Justine, pour l’instant, elle a du mal à imaginer cette première fois. Des visions différentes, qui amènent les quatre jeunes à débattre entre eux.

C’est l’heure de la pause musicale, l’occasion pour Benoît de leur donner un petit conseil : « Pensez à vous observer, à vous écouter et à vous passer le micro, pour mieux répartir la parole. » Quelques minutes après, c’est reparti pour une dernière série de questions : quels sont les moyens de contraception ? Quels sont les maladies sexuellement transmissibles ? Comment peut-on les éviter ? Le Sida est sur toutes les lèvres. « Et vous en connaissez d’autres, des MST ? », interroge Benoît. « La rage, ça en fait partie, non ? », demande Abdelhakim. « Ah, non, la Raj, c’est la radio animation jeunesse ! » Grands éclats de rire.
L’enregistrement touche à sa fin. En animateur quasi professionnel, Abdelhakim clôture l’émission. Le retour de Justine sur sa grande première : « Moi, j’étais à l’aise, j’ai vraiment kiffé ! » Dernier conseil de Benoît avant que les quatre collégiens ne filent déjeuner : « Continuez d’apprendre sur la sexualité. Vous avez quelques bribes d’information, mais ce n’est qu’un début. Réfléchissez aux sentiments. Ne restez pas seuls avec vos peurs, parlez-en à des personnes de confiance autour de vous. » L’objectif des animateurs jeunesse est bien de créer des espaces où les ados se sentent en confiance, où ils peuvent se lâcher et parler de tout, même de sujets délicats. En tout cas, à la Raj, c’est mission accomplie.

Textes et photos : Nathalie Picard

EN SAVOIR PLUS :

>>sur Internet (diffusion permanente, boîte à outils, podcasts des émissions, radio collège) : radio.la-raj.fr

>>sur les ondes jusqu’au 19 décembre : 97.4 FM

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Enfants : des improvisateurs nés

#EPJTMV. Inventer des histoires sur scène, à plusieurs et sans se concerter. C’est ça, l’improvisation théâtrale, et même les enfants s’y mettent !

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(Photo Lucas Barioulet)

« Je suis un canard dépressif », lâche Gaspard. « Je fais le kangourou », assure Basile. « Moi je suis effrayée par Nell », avance Enora. Dans cet ancien office de tourisme de Langeais qui sert de lieu de répétition au théâtre de l’Ante, ils sont onze enfants entre 7 et 11 ans à venir faire de l’improvisation, ce mercredi après-midi. La séance d’une heure et demie commence par des exercices d’échauffement, où il est nécessaire de mimer et d’inventer des situations. Puis, sous la direction de Julien, les jeux d’improvisation débutent réellement.

Par deux, les apprentis comédiens montent sur scène pour jouer différentes histoires. Ils n’ont que quelques secondes pour trouver leurs mots. « On fait ce qu’on veut, il ne faut pas trop réfléchir avant », explique Enora. Nell, de son côté, choisit de jouer l’enfant incrédule face à un agent fédéral incarné par Basile. « Dans la vraie vie, c’est difficile de faire rire les autres. Mais ici c’est plus simple. On peut s’exprimer, inventer des histoires », confie-t-elle.
« La difficulté pour les enfants est de dépasser leur pudeur. Mais après, ils se lâchent », détaille Julien. « Quand on est seul on a le regard des autres braqué sur nous, mais à plusieurs il y a moins de stress, c’est plus facile », concède Nell. Sur la scène du théâtre de l’Ante. Les rôles les plus farfelus sont au rendez-vous. De la momie au plombier en pleine intervention. Daniel lâche même devant tout le monde : « Basile, ta braguette est ouverte ! »

Robin Wattraint

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Un Tours-Paris moins cher qu’un Paris-Brest

#EPJTMV. 2 € l’aller-retour entre Tours et Paris en bus ? Vous n’y croyez pas ? Pourtant, c’est bien réel et nous l’avons testé pour vous. C’était long, mais rentable !

Image13RÉSERVATION

La réservation se fait en quelques clics sur Internet. Je me décide pour un trajet avec la compagnie allemande Flixbus à 1 €. La ligne a été ouverte mi-novembre avec un prix attractif qui se révèle être une offre de lancement. Il sera revu à la hausse à la fin de l’année pour tourner autour d’une dizaine d’euros. Quatre autres compagnies d’autobus proposent quotidiennement cette liaison entre Tours et Paris avec des prix pouvant aller jusqu’à 25 €. En train, le coût du trajet oscille entre 28 et 65 €. Mon billet est pris et payé. Départ à 10 heures de la gare routière, rue Édouard-Vaillant.

EMBARQUEMENT Image14

J’arrive une dizaine de minutes avant le départ. Le bus de couleur verte est déjà là. Devant la porte, il y a Ralf, le chauffeur. Je sors mon téléphone et lui présente mon e-billet téléchargé via l’application de la compagnie. Il le scanne. Pour les nostalgiques du papier, il est aussi possible d’imprimer son billet et de le présenter de la même façon. Contrôle rapide des papiers d’identité. Tout est en règle. Je peux monter dans le bus.
Pendant ce temps, les autres passagers placent leur valise dans la soute. Chaque billet donne le droit de transporter deux bagages en plus d’un bagage à main. Une fois à l’intérieur, je me rends compte qu’il y a très peu de voyageurs. Seulement neuf pour une cinquantaine de places. « J’avais quatorze réservations, glisse Ralf. Mais à un prix aussi bas, les gens ne prennent pas la peine d’annuler. » Retardataires ou non, tant pis pour eux. Il est 10 heures précises, le bus démarre. Direction Paris.

Image15TRAJET

L’avantage d’être si peu nombreux ? Je ne suis pas obligé de partager ma rangée avec une autre personne. Et j’en profite ! Je pose ma veste sur le dossier du siège devant moi et mon sac sur la place d’à côté. L’espace est assez grand pour y étendre mes jambes. Le siège est lui confortable : pas trop dur, ni trop mou. Sous la rangée de sièges gris, le luxe : deux prises électriques. Immédiatement, je branche mon téléphone que je connecte au wifi… Car oui, il y a aussi le wifi gratuit ! Et il fonctionne plutôt bien !
Une fois connecté, on peut même louer des films ou des séries le temps du voyage sur une plate-forme propre à la compagnie. Dans le bus, les passagers regardent la route et le paysage défiler, lisent, écoutent de la musique, dorment ou bien regardent le paysage défiler. Et quelques fois, de l’autre côté de l’autoroute, notre Flixbus croise des bus concurrents. Le voyage est long mais finalement, après plus de deux heures de trajet : on aperçoit enfin la Tour Eiffel. Paris, me voilà !

ARRIVÉEImage12

Le bus traverse Boulogne-Billancourt. Il passe devant la tour abritant TF1 puis en dessous du Parc des Princes. J’aperçois furtivement le blason du Paris-Saint-Germain.
Les tunnels se succèdent. On m’avait promis 2 h 50 de voyage. J’ai eu droit à un retard de trente minutes à cause de la circulation parisienne. Le bus nous dépose porte Maillot. Je suis alors à deux pas du palais des Congrès et de la station de métro et RER la plus proche. Pratique pour regagner le centre de la capitale. Mais pas le temps de profiter de mon après-midi à Paris. Le bus du retour est à 14 h. Dans l’autre sens, le prix est aussi de 1 €. Rentable qu’on vous avait dit…

Testé par Aubin Laratte

Photos : Lucas Barioulet

Tours : les étudiants travaillent sur leurs déchets

#EPJTMV. L’Indre-et-Loire fait partie des bons élèves en matière de tri sélectif. Mais les étudiants tourangeaux contribuent-ils à ce bel effort ? Tmv leur a posé la question.

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Les étudiants sont capables de trier correctement leurs déchets mais ne le font pas », constate Jean-Louis Brasero, coordinateur de Tour(s)Plus chargé d’informer et de sensibiliser le public au tri sur le territoire de l’agglomération tourangelle. Après une rapide concertation au sein de la jeune rédaction étudiante en journalisme de tmv, cette affirmation est à relativiser. Si certains font la démarche, d’autres ne s’en préoccupent pas. Pourtant, des moyens sont mis en place pour éduquer les enfants dès le plus jeune âge au tri sélectif.

La maison communautaire de l’environnement, située à Joué-lès-Tours, propose des animations, des ateliers ou des sorties natures, à destination du grand public mais aussi des établissements scolaires et des éducateurs. Des animateurs de Tour(s)Plus interviennent sur demande, pour aborder plus précisément les enjeux du tri sélectif et du recyclage. Parfois même sous forme ludique. L’université François-Rabelais avait proposé à Tour(s)Plus de participer à sa semaine organisée sur la réflexion autour du réchauffement climatique.
« Dans l’idée, cette activité aurait pris la forme d’une balade avec les étudiants à travers la ville, pour les sensibiliser au tri, explique Jean-Louis Brasero. Mais nous avons reçu leur demande par mail trop tardivement et cela n’a pas pu se faire. » De leur côté, les étudiants tentent de reproduire les bons gestes, acquis dans leur noyau familial. « Chez mes parents, on triait beaucoup, se sou- vient Tom Aguillon, étudiant en communication. J’ai des conteneurs pour trier les déchets devant chez moi, et si j’ai le réflexe de mettre les bouteilles ou les emballages dans une poche à côté, je le fais ! »

La commune de Tours possède 29 000 bacs jaunes, destinés à récolter les emballages métalliques, en plastique, en carton mais aussi le papier. En complément,  200  conteneurs enterrés viennent s’ajouter à ces poubelles, majoritairement dans la ceinture du vieux Tours. Malgré toute ces dispositions, c’est parfois difficile de garder ses bonnes intentions. « Honnêtement, je trie quand j’ai le temps et la motivation, poursuit l’étudiant. Quand je ne le fais pas, c’est plus par fainéantise… »
Alizée Le Moullec, elle ne partage pas cet avis. Cette étudiante en médiation scientifique et éducation à l’environnement pense « que les jeunes ne trient pas, parce que cela ne fait pas encore partie de leurs priorités. »

Autre difficulté à laquelle sont confrontés les jeunes : trier ses déchets lorsque l’on vit dans un petit espace. « Nous sommes beaucoup moins sollicités par les étudiants, regrette le coordinateur de Tour(s)Plus. Mais il y a trois ans, nous en avions suivi quelques-uns durant plusieurs semaines dans les résidences. Malheureusement, s’il n’y a pas de cadres, les bonnes résolutions ne tiennent pas. »
Une étudiante résidant en chambre universitaire à Saint-Symphorien, connaît cette difficulté. « Je dois avoir dans ma chambre de 9m2 ma poubelle d’ordures ménagères et autre chose pour stocker les déchets que je mettrai dans la poubelle jaune. Le constat est que pour autant, je pense que beaucoup d’étudiants de la résidence doivent trier, car la poubelle de tri est souvent pleine », ajoute-t-elle. Dans tous les cas, l’Indre-et-Loire ne fait pas figure de mauvais élève en matière de recyclage. Selon le rapport d’Éco-Emballages, une société privée qui fait le lien entre les industries et les collectivités pour le recyclage, 35 254 tonnes d’emballages ménagers ont été triées l’année dernière dans le département. Ce qui en fait l’un des plus performants de France.

Flore Battesti

Noël solidaire : leur mot d’ordre est partage

#EPJTMV. Ils sont bénévoles au sein d’associations et pour les fêtes de fin d’année, font revivre l’esprit de Noël. Leur maître-mot : le partage.

BONUS_SOLIDAIRES1« LES GENS SONT SEULS, ABANDONNÉS »
Véronique Verger, ancienne prostituée de 50 ans, a vécu six ans dans la rue. Entre 1989 et 1995. Aujourd’hui, elle préside l’association tourangelle Comme à la maison, qui accompagne les personnes démunies. Le 24 décembre, elle sera présente pour la cinquième année de suite en tant que bénévole au repas solidaire « Noël pour tous », organisé à la basilique Saint-Martin par le diocèse.
« Les gens sont seuls, abandonnés. J’ai éduqué mes quatre enfants dans cet esprit de partage. Lorsqu’ils étaient jeunes, on préparait des soupes ensemble, on achetait des oranges et on allait les distribuer aux SDF qui vivaient dans notre rue », témoigne-t-elle. Ce repas solidaire, ouvert à tous, rassemble chaque année depuis 2010 entre 300 et 400 personnes dans le besoin et mobilise une cinquantaine de bénévoles. (Photo Nathanja Louage)

« JE ME SUIS RÉCONCILIÉE AVEC NOËL »BONUS_SOLIDAIRES2
Avant son arrivée, en 2010, au café associatif La Barque (rue Colbert) en tant que directrice, Barbara Demcak ne fêtait pas Noël. Mais ça, c’était avant les repas solidaires « Noël pour tous ». Cela fait maintenant cinq ans qu’elle passe son 24 décembre auprès des plus démunis.
« Je me suis réconciliée avec Noël. J’ai découvert qu’on pouvait le fêter sans paillettes, sans argent. Maintenant je me dis toujours “ vivement l’année prochaine ! ”, raconte-t-elle. Il faut penser à toutes ces personnes pour qui ce moment de l’année est compliqué, parce qu’ils n’ont plus de famille, et pour qui il est difficile de demander de l’aide. Voir plus de 400 personnes réunies depuis maintenant cinq ans montre bien qu’ils sont heureux de passer ce moment avec nous et donc que notre objectif est atteint » conclue-t-elle. (Photo Nathanja Louage)

Image1« ILS NOUS APPRENNENT BEAUCOUP »
« J’ai été élevé dans la pauvreté. Petit, si l’on ne me donnait pas à manger je ne mangeais pas. Mon père était ouvrier et gagnait mal sa vie ». Claude Rouleau, ancien boucher de 72 ans, a connu la misère. Francine, sa femme de 74 ans, a œuvré dans plusieurs associations caritatives et avoue avoir la même sensibilité auprès des plus pauvres : « Quand j’étais enfant, il y avait toujours une assiette pour le pauvre au repas de Noël. »
Le couple de retraités participe depuis près de quarante ans à des repas de Noël solidaires, en tant que bénévoles. « C’est rafraîchissant, tout est simple et joyeux. Il y a plus de chaleur humaine que lors des dîners en famille », assure Francine Rouleau. Ce que partage son mari. « On les aide beaucoup. Ils nous apprennent beaucoup aussi. Des liens se créent et on se fait des amis » apprécie-t-il. (Photo Robin Doreau)

« DES CADEAUX CHOISIS PAR NOS SOINS »Image2
Depuis maintenant un an, Aimé Deux, 70 ans, est le président de l’association d’entraide des pupilles d’État, qui vient en aide aux enfants nés sous X ou aux orphelins pris en charge par l’État jusqu’à l’âge adulte. Cette année, le père Noël va passer en avance dans l’association. Samedi 5 décembre, entre 14 et 18 h, au centre Giraudeau de Tours, 25 enfants recevront leurs cadeaux de Noël.
« Des présents choisis et achetés par nos soins », précise Aimé Deux. Pour cet ancien conducteur de car, dans l’association depuis 1983, aider les enfants qui n’ont aucun repère est une évidence. Lui aussi a connu cette situation. « Tous les membres de l’association sont des pupilles. Moi même, je n’ai pas connu mes parents. J’ai eu la chance d’être élevé par mon oncle et ma tante. Cette chance, tous ne l’ont pas. » (Photo Robin Doreau)

Image5« JE LUTTE CONTRE LA SOLITUDE »
Cela fait huit ans que Johnny Gaulupeau, bénévole au Secours Populaire, endosse le costume de père Noël vert pour distribuer des cadeaux aux 300 enfants de l’association. Pour ce non-voyant de 35 ans, « la valeur du partage est la plus forte. Beaucoup de personnes se retrouvent exclues de cet esprit de fête. C’est pour ça que nous sommes là. Les fêtes durent tout le mois de décembre. »
Le repas de Noël sera, lui, distribué aux bénéficiaires les 22 et 23 décembre. Ils se retrouveront ensuite aux Tourettes pour le Nouvel An. L’association laïque n’organise pas de repas le 25. « Mais l’esprit de Noël transparaît le soir du nouvel an. » Cet engagement, Johnny le tire de son expérience personnelle. « En tant que non-voyant, je me suis senti abandonné. Aujourd’hui, je lutte contre la solitude. » (Photo Robin Doreau)

« TOUT EST PLUS SIMPLE »Image3
Nadège Henriot est à la retraite depuis quelques mois, mais cela fait déjà plus de onze années qu’elle est engagée au sein des actions du Secours populaire français. Bénévole, elle sera présente au repas solidaire de fin d’année organisé à la salle des Tourettes. « L’ambiance est totalement différente par rapport à un dîner familial, tout est plus simple. C’est vrai qu’on s’amuse bien. Certains se souviennent longtemps de cette soirée », sourit-elle, « J’ai été éduquée dans cet esprit de générosité », nous confie-t-elle après avoir fini de remplir de jouets un camion de l’association.
« Le Secours populaire occupe six jours sur sept dans ma semaine », révèle l’ancienne femme de ménage de 62 ans. Depuis maintenant six  ans, l’association occupe même sa fin d’année, pour son plus grand bonheur. (Photo Robin Doreau)

Textes : Robin Doreau et Nicolas Tavares

Des collégiens triés sur le bracelet

#EPJTMV. Aux collèges Christ-Roi et Sainte-Jeanne-d’Arc, deux établissements privés, les élèves portent constamment un bracelet de couleur correspondant à leur comportement. Un principe éducatif qui pose bien des questions. Reportage.

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Pour votre reportage, vous ne venez pas là uniquement afin de chercher la petite bête ? », nous demande un brin tendu Olivier Boyer, chef d’établissement du collège privé Christ-Roi. Après notre passage au collège privé Sainte-Jeanne-d’Arc, où l’on aurait posé « des questions trop pointilleuses » à Claudine Abraim, chef d’établissement, notre venue était attendue (et redoutée ?).
Et pour cause : le système de « bracelets d’autonomie » instauré dans ces deux établissements fait débat. Le principe ? Porter constamment un bracelet de couleur correspondant à un certain nombre de points acquis ou perdus selon le comportement de l’élève. Plus le collégien a de points, plus il a de droits. « La couleur du bracelet n’est pas liée aux notes, c’est en rapport avec l’autonomie et la responsabilité des élèves », explique Claudine Abraim. Chaque semaine, l’élève gagne un point. Mais au moindre écart (bavardage, oubli de matériel ou de bracelet, leçon non sue, travail non fait, etc), il est sanctionné par une perte de points.

Image10Les droits et les couleurs des bracelets varient sensiblement dans les deux établissements. À Sainte-Jeanne-d’Arc, le meilleur bracelet est violet, avec 24 points. Le moins bon, blanc. À partir de 14 points (soit 14 semaines de cours sans perte de points), un élève peut « lire en étude » quand il a terminé son travail. Plus surprenant, avec le bracelet violet, l’élève se voit accorder « la gratuité de l’étude le soir ».
Au Christ-Roi, les élèves avec le plus de droits obtiennent un bracelet vert avec 30 points, ceux avec le moins de droits en ont un rouge. Avec le bracelet vert, l’élève peut « choisir un camarade qui sera dans sa classe l’année suivante ».  Dans les deux cas, les élèves au meilleur bracelet ont accès au « graal », d’après Claudine Abraim : une salle où ils peuvent être indépendants et et qu’ils peuvent décorer à leur goût (la « salle violette » à Sainte-Jeanne-d’Arc et le « foyer » ouvert aux 4e et 3e à Christ-Roi).

Capture4Seul bémol, et pas des moindres : le foyer n’existe pas encore au Christ-Roi. « On nous promet cette salle depuis l’année dernière, mais elle n’existe toujours pas. Résultat : avoir un bracelet vert n’est pas vraiment intéressant », confie Anne*, élève de 4e. À Sainte-Jeanne-d’Arc, cette salle convoitée existe mais elle ne paye pas de mine. Elle est d’ailleurs fermée pour dégradation. « Les élèves doivent apprendre à respecter les règles », souligne Claudine Abraim. Ce système, impulsé par Olivier Boyer, est né au collège Sainte-Jeanned’Arc en 2009 : « On s’est demandé : et si on autorisait certaines choses à certains élèves au lieu de tout interdire à tout le monde comme le fait le règlement intérieur ? Avec les bracelets, on dit merci aux élèves qui ne nous cassent pas les pieds. » Alors qu’il change d’établissement il y a trois ans, il décide d’implanter ce fonctionnement au collège Christ-Roi. « C’est un  dispositif qui est loin d’être parfait, précise-t-il, mais on espère qu’il encourage les élèves, qu’il les amène à plus d’humilité et de confiance en eux. »  Sans surprise, la plupart des élèves avec les bracelets de la meilleure couleur sont plus favorables au système.Capture3
« Les droits que l’on nous accorde sont assez intéressants », explique Juliette, élève en 4e au Christ-Roi, qui a le meilleur bracelet, le vert. Mais tous ne sont pas cet avis. « Ces bracelets ne servent à rien, c’est de la ségrégation, comme dit ma mère. Je préfèrerais que personne n’en ait », explique Anne. Son ami Julien*, en 4e, a lui un bracelet rouge. Il est contre ce système. « Les élèves avec un bracelet vert sont vus par les profs comme les bons élèves, et ceux avec un bracelet rouge comme les mauvais élèves. Il y a du favoritisme. Quand on a un mauvais bracelet, on est stigmatisés. »

CaptureEt si certains estiment que les droits qui leur sont accordés sont intéressants, d’autres sont mitigés. Maxime*, en 3e » à Sainte-Jeanne-d’Arc, est très critique : « C’est un peu la prison ici. Il n’y a pas beaucoup de droits intéressants, ça ne vaut pas le coup de faire des efforts. Pour ceux qui n’ont pas le meilleur bracelet, il faut tout négocier et avoir une bonne excuse afin d’avoir accès au moindre droit. » Du côté des anciens élèves aussi, le constat est en demi-teinte. Andréa, passée par Sainte-Jeanne-d’Arc et maintenant en 1ere, recommande ce  système. Elle a gardé le meilleur bracelet de la fin de la 6e jusqu’à la 3e. « Pour moi, ce système fonctionne très bien, je n’en retiens que du positif. » À côté d’elle, son amie Shauna, qui avait un bracelet d’un niveau inférieur, tempère. « Les groupes d’amis étaient souvent composés d’élèves possédant un bracelet de même couleur. C’était quand même très strict mais maintenant que je suis au lycée, j’ai l’impression d’être plus autonome que ceux qui n’ont pas bénéficié du système. » Image8

Si ce système pose des questions, il n’est pas unique en France. On le retrouve notamment en Loire-Atlantique, au collège privé Saint-Joseph, à Machecoul. Là-bas, c’est la couleur des cartes qui donne des droits. Dans l’école élémentaire Sainte-Geneviève à Luynes, les enfants aussi sont récompensés pour leur attitude. Mais là-bas, aucune matérialisation. Les enfants n’ont ni carte, ni bracelet. Leur « couleur » est simplement écrite sur un tableau exposé en classe. « Si nous étions une plus grosse structure comme le Christ-Roi, ce serait sûrement plus facile d’être réactif avec une couleur exposée, par exemple sur un bracelet », explique Marie Robin-Brossard, chef d’établissement et professeure en petite et moyenne section.

Capture2Dans ces deux collèges, les bracelets ont pris une part très importante dans la vie des élèves. S’ils le montrent à l’entrée de Sainte-Jeanne-d’Arc et dès qu’ils ont besoin de prouver qu’ils ont le droit de faire quelque chose, ils deviennent aussi un moyen d’identification. Lola, élève au Christ Roi, soupire : « Maintenant, quand on parle à quelqu’un qu’on ne connaît pas, on ne demande pas son prénom mais la couleur de son bracelet. »

*Les prénoms ont été modifiés.

Reportage de Jeanne Laudren et Chloé Marriault
Photos de Nathanja Louage et Victorine Gay

EXTRAIT DU RÈGLEMENT INTÉRIEUR DU COLLÈGE SAINTE-JEANNE-D’ARC

Bracelet blanc : de 0 à 3 points.
Pas de droits particuliers.

Bracelet jaune : de 4 à 8 points.
Droit d’exercer ses fonctions de délégué Droit de participer à un club ou au spectacle de fin d’année Droit d’accompagner un élève ou de se rendre au secrétariat sur demande d’un professeur

Bracelet rose : de 9 à 13 points.
Droit d’accès à un ordinateur de la salle d’étude pour réserver ses cours au choix Droit de se faire prêter une clé par un adulte de l’établissement Droit d’être responsable d’un club (à partir du niveau 5e)

Bracelet vert : de 14 à 17 points.
Droit de lire en étude quand on a plus de travail. Droit de proposer son aide à la cantine des maternelles. Droit d’accès à la zone de “travail de groupe” dans la salle d’étude.

Bracelet bleu : de 18 à 23 points.

Droit d’accès à une salle d’étude autonome sur la pause méridienne. Droit de choisir une heure pendant les cours au choix du vendredi après-midi.

Bracelet violet : 24 points.
Droit de choisir sa place en classe (si accord du professeur ou du surveillant). Droit d’être en étude autonome (sur décision du surveillant) ou dans une salle annexe à la salle de cours (sur décision du professeur). Droit d’avoir accès à une salle sur une pause déjeuner, et aux récréations, ou l’on peut écouter de la musique, avoir un accès libre à des ordinateurs… Gratuité de l’étude le soir. Membre de droit d’accès à la zone d’ordinateurs dans la salle d’étude. Droit de déjeuner au rez-de-chaussée. Droit de sortie libre pendant l’étude du soir.

A Tours, un atelier pour dessiner manga et BD

Apprendre à illustrer, créer une BD ou un manga, c’est ce que propose l’école Terre et feu dans un de ses ateliers.

manga

Plutôt Akira ou Tintin, manga ou BD franco-belge ? Dur dilemme pour les apprentis dessinateurs d’un des cours de dessin de Terre et feu. Cette nouvelle école d’art vient de poser ses bagages dans un atelier lumineux, entre bars et restaurants de la rue du Grand Marché, quartier Vieux Tours. Et s’est lancé un défi : proposer un cours illustration-BD-manga.

Pour les deux premières heures, six enfants, ados et jeunes, siègent autour d’une table, devant leur feuille quasi blanche, crayon de papier à la main. Au programme : les différences de traits entre le dessin japonais et réaliste. « Dans le manga, certaines proportions changent, les yeux sont très grands, les jambes s’agrandissent, la taille des filles est très marquée », cite par exemple la prof Stéphanie Lezziero, illustratrice et membre de l’Atelier Pop. Briec, 9 ans, lecteur des séries Cédric ou Thorgal, croque rapidement six petits portraits à la japonaise, exercice du jour. « J’aimerais bien m’améliorer en dessin et savoir faire une BD », glisse-t-il.
Illustration, BD comme manga exige un travail précis, persévérant et l’apprentissage de nombreuses astuces. « Le manga est un dessin faussement simple, détaille Stéphanie Lezziero. Les Japonais sont très techniques ». Et c’est bien ce savoir-faire que l’experte ès phylactères compte transmettre.

Flore Mabilleau

Renseignements au 07 64 09 83 13 ou à tours@terre-et-feu.com ou sur www.terre-et-feu.com/tours

Précarité : «  Les étudiants sont toujours plus nombreux »

#EPJTMV Halima Mounir est présidente de l’association étudiante Les Halles de Rabelais depuis septembre. Cette action de solidarité aide les étudiants précaires en organisant des distributions de paniers repas deux fois par mois à la Maison de l’étudiant à Tours.

Halima
À 24 ans, Halima a toujours voulu faire du bénévolat. (Photo : R.D)

En dehors de l’associatif vous êtes également étudiante en licence de biologie, qu’est-ce qui vous a motivé à intégrer les Halles de Rabelais ?

J’ai connu ce projet il y a un an à travers le bouche à oreille au sein de l’université. Ma volonté première était d’apporter une aide aux étudiants et de me sentir utile. Il y a une ambiance très sympa entre bénévoles et chacun s’investit de son mieux. Je suis présidente de l’association depuis la rentrée, et ça me plaît beaucoup. En tant qu’étudiante, je peux comprendre la difficulté de certains jeunes à boucler les fins de mois. La solidarité reste une valeur essentielle, surtout dans le contexte actuel. Globalement cette action n’est pas très répandue dans les villes étudiantes, surtout en ce qui concerne les produits de première nécessité.

Ce projet de distribution existe à Tours depuis 2009, comment a-t-il été mis en place ?

À l’origine c’était un projet étudiant ponctuel, mais au fil du temps la précarité des jeunes s’est faite davantage ressentir. Il y a eu des périodes creuses mais nous avons un bureau qui s’est beaucoup mobilisé l’an dernier, afin de relancer les distributions de denrées. Avec l’aide de la banque alimentaire mais aussi grâce à quelques dons d’étudiants, nous parvenons à distribuer une centaine de paniers repas par mois. Les étudiants sont toujours plus nombreux à chaque distribution et nous comptons augmenter nos commandes. Il y a toujours 700 étudiants en situation précaire à Tours, d’où notre motivation à s’élargir. Avec 200 bénéficiaires de panier repas l’an dernier, la cotisation est passée de 10 à 8 € par semestre.

Quelles sont les conditions à remplir pour bénéficier d’un panier repas ?

Il existe plusieurs façons de venir à nous mais dans tous les cas, il faut passer par une assistante sociale. Elles sont présentes au sein de l’université, du Crous et même lors des distributions. Pour chaque étudiant, elles calculent le montant du « reste à vivre », suite aux dépenses mensuelles courantes (loyer, factures, transport..). Si l’argent restant est inférieur à 6 € on peut bénéficier du panier. La plupart des étudiants qui viennent ne disposent pas de bourse ou d’aide financière de leurs parents. Ils sont souvent contraints de travailler de nuits en parallèle de leurs études. Savoir qu’une telle action existe peut être un réel coup de pouce.

Une épicerie solidaire en centre-ville avait été envisagée en 2012, est-ce toujours d’actualité ?

Bien sûr. Ce projet est l’un de nos principaux objectifs car le campus de Grandmont est bien trop isolé des autres universités. Avoir une épicerie dans le centre-ville serait l’idéal, mais nous ne parvenons pas à trouver de local. Pour l’instant, l’université met à notre disposition la Maison de l’étudiant. En plus des distributions, nous envisageons de mettre en place des ateliers culinaires pour apprendre à cuisiner les produits frais et limiter le gaspillage. Les fruits et légumes seront distribués à partir de 2016. Ici, nous accueillons tout le monde avec le sourire et les gens ne devraient pas ressentir de honte s’ils sont dans le besoin. Chacun peut traverser des périodes difficiles mais il ne faut pas se renfermer sur soi-même.

 

groupe
La quinzaine de bénévoles se retrouve deux fois par mois à la Maison de l’étudiant, pour la distribution de paniers repas. (Photo : R.D)

Ralitsa DIMITROVA 

Des citoyens qui ont de l’énergie à revendre !

En Touraine, des citoyens participent concrètement à la transition énergétique : ils vont installer des panneaux solaires sur les toits des bâtiments publics.

COP21

Les citoyens peuvent se réapproprier leur énergie, choisir son mode de production et la gérer eux-mêmes », pensent Frédéric Messirejean et la vingtaine de bénévoles tourangeaux mobilisés autour de lui. Ensemble, ils ont créé l’association Énergie citoyenne en Touraine. Leur credo : « Agissez concrètement pour la transition énergétique. » Concrètement, en posant des panneaux solaires sur des toitures publiques.

L’idée n’est pas nouvelle. Au Danemark ou en Allemagne, les citoyens financent et gèrent des installations depuis plusieurs années. En France, la Bretagne fait figure de pionnier. Mais en Touraine, jusqu’à maintenant, il n’y avait rien. De premières rencontres, à l’automne 2014, débouchent sur l’organisation d’une réunion publique en décembre : un bénévole breton vient alors partager son expérience. Au fil du temps, le collectif s’étoffe. Des réunions mensuelles permettent de préciser le projet, définir des statuts, une charte éthique ou encore un mode de gouvernance. La participation active de chacun, Frédéric Messirejean y est particulièrement attaché. « C’est la démarche collective et citoyenne qui me motive. Ce projet est un prétexte à la coopération, au vivre-ensemble », affirme le bénévole. Dans ces conditions, mieux vaut prévoir du temps pour prendre les décisions, comme lorsqu’il a fallu choisir, parmi trente propositions, le nom de l’association. C’est en avril 2015 que la structure est créée, pour préfigurer la future société de coopérative d’intérêt collectif (Scic) qui sera propriétaire et responsable des panneaux solaires. Aujourd’hui, l’association compte 56 membres, dont une vingtaine d’administrateurs.

Suite à une étude de faisabilité, deux options sont envisagées : une surface de 60 mètres carrés de panneaux solaires pour un coût de 35 000 € ou 800 mètres carrés pour 75 000 €. « Nous commencerons sûrement avec la première, plus facile à mettre en oeuvre. Ce sera notre projet d’appel. On a envie de démarrer vite », s’enthousiasme Betsabée Hass, une bénévole. Pour elle, la transition énergétique se fera grâce à ces initiatives locales : « On veut montrer aux gens qu’on peut changer les choses, leur redonner l’envie d’agir. À plusieurs, on ouvre les portes des possibles. »

Pour trouver des toitures, les bénévoles ont sollicité plusieurs collectivités, comme les communes de l’agglomération, et les choses semblent bien engagées avec la ville de La Riche. Par ailleurs, grâce à un contact positif avec le Conseil régional Centre-Val de Loire, une première installation pourrait même voir le jour sur le toit du lycée Vaucanson à Tours- Nord. Le projet technique avance bien. Il faut dire que l’association a su s’entourer de professionnels du secteur, comme Ludovic Rousseau, administrateur et responsable de projets photovoltaïques dans une société privée. L’idée serait de démarrer l’installation des panneaux en 2016. Mais ce n’est pas tout : « Notre objectif est aussi de sensibiliser les lycéens, en lien avec l’équipe enseignante de l’établissement », affirme Betsabée Hass.

Pour financer les panneaux et leur pose, l’association constitue un capital. Tout citoyen peut y adhérer et acheter des parts sociales, à raison de 25 euros la part, pour alimenter ce capital social d’investissement. « Nous lancerons aussi un financement participatif et solliciterons sûrement des banques pour un prêt », envisage Frédéric Messirejean. Mais une fois les panneaux installés, que deviendra l’électricité produite ? « Elle sera injectée dans le réseau national EDF, dans le cadre d’un contrat de vingt ans au tarif subventionné. » Choisir un fournisseur d’électricité d’origine renouvelable aurait été plus cohérent, mais actuellement, seul EDF peut racheter au tarif subventionné. Et pour l’instant, la jeune association ne peut pas se passer de ce gain financier. D’autant plus qu’elle compte réinjecter l’argent gagné grâce à la vente d’électricité dans de nouveaux projets.

Nathalie Picard

Retrouvez chaque semaine dans tmv des initiatives locales dans notre rubrique COP21

Reportage : L’enfant autiste au cœur de l’attention

À Tours-Nord, un nouvel établissement expérimental accompagne de jeunes autistes. Parti à la rencontre de leurs éducateurs, tmv est revenu impressionné par leur dynamisme.

Gaëlle Fernandes, éducatrice, amuse les enfants.

Avec ses murs grisés par le temps et ses fenêtres obstruées par des volets roulants, l’ancien collège Paul-Valéry paraît bien triste. Pourtant, depuis le mois de mai, le site connaît une nouvelle vie : « Établissement Aba de Tours », peut-on lire sur la pancarte bricolée à l’entrée. Installé au rez-dechaussée, un établissement médico-éducatif accueille de jeunes autistes. Aba, c’est l’acronyme d’Applied behavior analysis, une approche basée sur l’analyse du comportement. Derrière la haie de thuyas, des fenêtres laissent percevoir quelques têtes d’enfants : l’un d’eux est en train de sauter, une jeune femme à ses côtés. C’est dans la salle de motricité que s’amuse le petit. À l’intérieur, des tapis bleus recouvrent le plancher, et la piscine à balles fait des heureux. Gaëlle Fernandes, l’une des éducatrices, agite un large tissu multicolore, pour le plus grand plaisir de Jules*, qui en redemande. Un joyeux bazar à vocation éducative, explique Johan Toulouse, psychologue Aba de l’établissement : « Jules a bien travaillé, c’est grâce à cela qu’il peut profiter de ce moment de récréation et de détente. C’est un temps de renforcement, une notion essentielle dans notre approche. »
Le renforcement ? « C’est l’inverse de la punition », répond le spécialiste. En somme, une récompense, même si Johan Toulouse n’aime pas utiliser ce mot. « Les punitions restent exceptionnelles. Le renforcement représente 99 % de notre pratique. Suite à un bon comportement, obtenir un moment de plaisir va donner envie à l’enfant de se tenir de la même manière. » À force de répétitions, les jeunes autistes, qui ont du mal à communiquer, finissent par comprendre, par exemple, que crier ou taper n’est pas une solution.

Des étagères pleines de jeux à demander.

Comme Jules, huit autres enfants de trois à sept ans et demi fréquentent les lieux. Un dixième étant sur le point d’arriver, la structure affichera complet. C’est un père d’enfants autistes qui a porté le projet d’ouverture dès 2008 avec Agir et vivre l’autisme, une association qui développe un réseau national d’établissements de ce type. De longues années ont été nécessaires pour obtenir les financements publics. La structure expérimentale, sous la tutelle de l’agence régionale de santé (ARS), se distingue par son taux d’encadrement élevé – un intervenant pour chaque enfant – ainsi que sa prise en charge spécifique (Aba).
Deux critères déterminent l’admissibilité d’un enfant : la notification d’orientation de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ainsi qu’un diagnostic d’autisme établi. « Nous bénéficions d’un agrément pour dix enfants de deux à douze ans, mais en réalité nous ciblons les plus jeunes, car plus la prise en charge est précoce, meilleurs seront les résultats », explique Félix Tran, le chef de service qui gère l’établissement tourangeau.

Pascaline Lair, éducatrice, montre une image à un enfant.

Lorsqu’un enfant arrive ici, Marc Jacob, moniteur-éducateur, détermine précisément ses difficultés à l’aide d’évaluations. « Ça nous permet de mettre en place un accompagnement individualisé, car chaque enfant est différent », estime par ailleurs le psychologue. Sur la base du curriculum établi à partir des évaluations, l’équipe éducative rédige ensuite des programmes détaillés. Un enfant peut en suivre quatre à douze en une année. Globalement, il s’agit de développer l’autonomie et la capacité à communiquer, apprendre et imiter. À chaque programme son objectif spécifique, comme uriner aux toilettes ou formuler une demande.
Pas facile, pour ces enfants, d’apprendre à demander. L’agencement de « la savane », la salle d’enseignement en environnement naturel (pour les spécialistes), a été pensé pour les y aider. Sur de hautes étagères grises reposent des bacs en plastique soigneusement étiquetés : pâte à modeler, legos, voitures, dînette… Tous ces jouets bien rangés, les enfants peuvent les voir mais pas y accéder. Pour en obtenir un, il faut le demander correctement.

Dans cet espace de jeu, installé à une petite table, Tom* tient consciencieusement son feutre bleu. Concentré sur sa feuille, il s’applique : « Ils ont l’air heureux, papa et maman », l’encourage son éducatrice, tout en regardant son dessin. Ici, toute la journée, on entend un concert d’encouragements et de compliments. Toujours dans l’idée de renforcer les bons comportements. Dans la pièce d’à-côté, c’est un « bravo, ouhaou ! » qui retentit. Pascaline Lair, éducatrice, s’enthousiasme des efforts d’Emma*, la brunette assise face à elle. Ici, c’est la salle d’enseignement à table. Les espaces de travail, de petits bureaux, sont délimités par des cloisons amovibles.
Première étape : apprendre aux enfants à coopérer. Face à une demande simple, comme « lève les bras », leur collaboration va leur permettre d’obtenir un moment de jeu. L’idée, c’est de leur donner envie de venir travailler au bureau. Les apprentissages plus poussés viennent dans un second temps. « Avion », « fromage », « clé », Emma doit répéter les mots énoncés par Pascaline Lair, reproduire ses gestes ou encore sélectionner des images. À chaque bonne réponse, elle gagne un jeton. Dix jetons accumulés, et elle obtient un temps de jeu. Satisfaite, la fillette s’amuse avec une petite maison rose. « Je ne vais pas tarder à la reprendre », prévient l’éducatrice, qui s’exécute quelques minutes après, pour se lancer dans une nouvelle série d’exercices. Très cadrés, ces temps de travail durent quinze minutes par heure maximum. En parallèle, Pascaline Lair remplit une feuille de cotation, qui lui permet de mesurer précisément le comportement de l’enfant. Pour éviter toute subjectivité dans son suivi.

Au fond de la pièce, un garçon est assis à une table, face à un tableau blanc accroché au mur. Un peu comme dans une classe ordinaire. L’éducatrice, elle, se tient debout, comme le ferait une maîtresse. À sa demande, Léo* se dirige vers le tableau afin d’y inscrire une série de chiffres. Pour l’instant, il est le seul à aller à l’école, dans le cadre d’un temps partagé. « Pour les enfants comme Léo, nous travaillons sur des compétences spécifiques. Par exemple, suivre une consigne de groupe », souligne le psychologue Aba. Pour que la transition s’effectue en douceur, Léo se rend à l’école avec son éducatrice. Permettre à leur petit de rejoindre un jour l’école ordinaire, comme les autres enfants, tel est certainement le plus grand souhait des parents.

* Les prénoms ont été changés.

Reportage et photos de Nathalie Picard

> Retrouvez les témoignages du moniteur éducateur et de la directrice de l’établissement ICI 

Redonner le jeu et se remettre à travailler.

Garde d’enfants : Mamies à la rescousse !

Votre petit(e) est malade et vous avez une réunion. Personne de dispo dans votre entourage ? Une structure existe à Tours : l’association SOS Urgences Mamans

Elles ont l’air plutôt géniales ces retraitées : elles vous accueillent avec le sourire et un certain dynamisme. Marie-Françoise, Arlette, Marie-Claude et Andrée font toutes partie de l’antenne départementale de l’association SOS Urgences Mamans. Le principe : dépanner les mamans en cas d’imprévu. Comprenez : un enfant malade, une absence des grands-parents ou de la nounou habituelle.
« La plupart du temps, la garde a lieu au domicile de l’enfant, mais nous pouvons très bien les accueillir chez nous », explique Marie-Claude Minet, la déléguée départementale. La garde peut durer de quelques heures à toute une journée. « Et pas question de faire autre chose, nous ne faisons pas le ménage et le repassage », prévient en riant Marie-Françoise, une bénévole.

 Le fonctionnement est simple : une permanence téléphonique est à disposition des parents. A l’autre bout du fil : Andrée qui va tout mettre en œuvre pour vous  trouver quelqu’un dans l’heure. Dans son carnet, elle a une liste d’une vingtaine de« petites mamies » (eh oui ! Pas de papys pour l’instant). Des retraitées qui ont été recrutées avec le plus grand soin. « Nous leur demandons ce qui les pousse à nous rejoindre et nous exigeons un certificat médical qui atteste de leur état de santé. Nous inspectons également leur domicile afin de s’assurer qu’ils maitrisent les règles d’hygiène élémentaires. Les familles sont toujours heureuses de nous voir arriver. On est une aide précieuse », raconte la plus timide, Arlette, une bénévole inscrite depuis 2003.

Anne-Cécile Cadio

 La permanence de SOS URGENCES MAMANS à Tours du lundi au vendredi de 7h30 à 19h en période scolaire : 02 47 37 74 74.

L’équipe recrute de nouveaux bénévoles. Une participation financière de 9 euros est demandée aux parents pour la demi-journée de garde, tarif valable pour la garde deux enfants. 

SOS centre pour policiers en détresse

Tmv a passé une journée au Courbat, un établissement unique en France. À 45 minutes de Tours, ce centre accueille policiers, gendarmes et gardiens de prison brisés par leur métier, le burnout ou les conduites addictives. Et tente de les reconstruire.

Il est 8 h 30. Le Liège et ses 340 habitants baignent dans un épais brouillard. Tout semble endormi. Sur la route du Courbat, il y a un château et un parc de 80 hectares. Le calme est assommant. Billy se grille une clope. Lui, c’est un PAMS. Un policier assistant médico-social. Billy connaît bien le Courbat, il y a fait un passage fut un temps. Ancien CRS, hyperactif, à fond dans son métier. Sauf qu’un jour, il a cramé comme la cigarette qu’il consume. 22 de tension, boum. Quand il a vu « la souffrance ici », ça l’a décidé : « J’ai postulé. Désormais, j’accompagne et j’encadre dans les démarches de soin », sourit-il.
Au Courbat, 60 % des 400 patients qui transitent chaque année sont policiers. Ils cohabitent avec les « civils » en soin ici : tous logés à la même enseigne.

Au Courbat, on reste un mois pour le burn-out, deux pour les conduites addictives (alcool, drogues…)
Au Courbat, on reste un mois pour le burn-out, deux pour les
conduites addictives (alcool, drogues…) [Photo Tmv]

9 h pétantes. Le deuxième appel de la journée (il y en a quatre chaque jour). Face à Billy et Philippe Adam, du développement des réseaux et communication au Courbat, une quarantaine de personnes. Au premier coup d’oeil, on reconnaît qui vient d’arriver et qui va partir. Certains ont la tête rentrée dans les épaules et fixent le sol. D’autres ont le torse bombé et un sourire. C’est le cas de Lolo. Ce matin, Lolo s’en va. Il en a fini avec le Courbat. Il triture un bout de papier et fait ses adieux. Il sort, retapé, et devra affronter le monde extérieur. Le vrai. Parce qu’ici, les flics sont dans un cocon. « Avant d’arriver ici, certains dormaient dans leur voiture, ils avaient tout perdu. Ils se faisaient verbaliser par leurs propres collègues. C’est une spirale infernale », souligne Philippe Adam. « On veut les remettre en selle. Mais parfois, le réveil est dur. »
En discutant avec les pensionnaires du Courbat, on sent la crainte. Sortir du cocon, c’est prendre le risque de retoucher à une bouteille par exemple. Ivan a cette appréhension. Ce Breton est arrivé début octobre. Très grand, avec une petite moustache, des yeux cernés, mais rieurs. Ivan a la voix cassée, comme son corps de flic (« l’appellation ne me dérange pas ! », rassure-t-il). « On n’est pas receveur, mais acteur de sa propre rédemption », pose-t-il d’entrée.  Trois divorces, surrendettement, accumulation, sommeil fichu, alcool… Ivan a fini par craquer. « Moi j’étais en triple burn-out. Je rentrais dans une maison vide, sans avoir envie de me faire à bouffer. Sentimentalement, je me disais : ‘t’as encore merdé’. Ma confiance en moi était arrivée à zéro. J’avançais sans projet, j’affrontais des murs », raconte-t-il sans tabou.

Loïc a réalisé une sculpture de Marianne durant l’atelier création. [Photo tmv]
Loïc a réalisé une sculpture de Marianne durant l’atelier création. [Photo tmv]

En ’95, à 23 ans, alors qu’il n’est policier que depuis trois ans, il connaît les attentats de 1995. « J’ai aussi vécu trois décès à mon boulot. Et vous savez, la dépendance à l’alcool est insidieuse… » Du coup, il aligne les bouteilles. Parfois une entière de whisky « à 8 h du mat’, devant BFM ». « Moi, c’est de l’alcoolisme chronique anxiogène. C’est-à-dire que je bois pour oublier », précise Ivan. Oublier, notamment, qu’il n’est pas « un surhomme », comme on lui demande constamment. Passionné de culture, hyper bavard, sympathique, faible et fort à la fois, cet officier (« eh oui, les hauts gradés aussi finissent au Courbat ! », lance Ivan) sait qu’il reste un espoir. « Rien n’est perdu, l’important est de se relever quand on est tombé ! »

Une maxime que veut suivre aussi Steve. Tête rasée, de faux airs à Vin Diesel, il s’applique à dessiner un masque des Anonymous. Bienvenue à l’atelier créa, géré par Elsa : « C’est comme une ruche, n’est-ce pas ? », s’amuse-t-elle. Steve tient à finir son œuvre. Puis il souhaite s’installer dans la bibliothèque pour parler. Il vapote, cherche ses mots, semble gêné. Puis sa timidité s’efface. Le gaillard raconte qu’il en est à son deuxième passage au Courbat. « La première fois, c’était pour un burn-out. Avec tout ce qu’il y a autour : alcool et dépression. C’est le boulot qui m’y a poussé. Mon travail était ma maîtresse, puis ma copine, puis ma famille. Je pensais H24 au boulot… »

« Bien sûr, j’aime toujours mon métier », indique Steve. [Photo tmv]
« Bien sûr, j’aime toujours mon métier », indique Steve. [Photo tmv]

Il regarde dans le vide. « Je n’ai pas peur d’en parler. Ça peut arriver à tout le monde. Moi, je ne suis pas un robot. J’étais tellement bas que j’allais faire une connerie.  Je me suis mis à boire. Juste une fois par semaine, mais seul chez moi sans m’arrêter jusqu’à être minable. Alors qu’en société, je gérais… » Sa hiérarchie l’a soutenu à 300 %, assure Steve, qui a travaillé à la BAC dans une des villes les plus difficiles de France pendant 10 ans. Mais à la sortie du Courbat, il a fait un AVC. Puis une opération à coeur ouvert. « J’avais grossi, je n’arrivais plus à marcher. Je suis revenu ici, car je voulais me sentir vivant et reprendre une vie saine. »

Car impossible d’y réchapper : au Courbat, le sport est une obligation. Les activités aussi. Peinture, dessin, équitation, atelier mécanique, basket, volley, art thérapie… « Nous avons une vocation pédagogique. Notre établissement doit s’ouvrir et faire partie du parcours de vie d’une personne », justifie Frédérique Yonnet, directrice de l’établissement. La big boss des lieux semble presque désolée que tant de flics détruits viennent pousser sa porte : « Ils viennent de toute la France et d’Outre-Mer. Il y a de plus en plus de jeunes, de plus en plus de précaires et de plus en plus de femmes ! » Selon elle, « les policiers sont passionnés par leur travail. Or, le burn-out, c’est une maladie professionnelle, c’est une histoire d’amour à mort avec son travail ».
Message de santé publique le Courbat ? Assurément. « Tous les métiers sont impactés », rappelle Frédérique Yonnet. Avant de parler de la « grande part de responsabilité des politiques » : « Il y a un manque de reconnaissance du métier, l’impression de travailler pour rien. Depuis 2007 et la politique du chiffre, l’image du flic qui est là seulement pour la répression a transformé la façon de percevoir la police. »
Ivan semble d’accord avec ça. Lui en a eu marre de « l’accumulation de victimes qui reviennent et n’assimilent pas les solutions qu’on leur propose ». Il donne en exemple les violences conjugales ou « le délinquant qu’on a vingt fois mais qui s’en tire toujours ». Il déplore le manque de solutions de réinsertion en France. Pour lui, « le tout-répressif ne sert à rien » : « Il faut parler, discuter, sans être moraliste, par exemple pour les conduites en état d’ivresse. C’est juste qu’on en a marre de ramasser les cadavres. »

Le repas de midi est passé. Salade de carottes en entrée, paella avec poulet et poisson au plat principal (« c’est jour de fête, car vous êtes là ! », rigolent Steve et Ivan) et fromage en dessert. La cantine se vide. C’est bientôt l’heure d’un énième appel. « On réapprend les règles pour la vie en société », résume Billy. Parce que le Courbat est une sorte de petit monde. Un village. Il est loin le temps où l’on n’osait pas parler du Courbat. « Je vais en stage de voile. » Voilà l’expression derrière laquelle les policiers malades se planquaient. « On a moins l’image de l’hôpital pour flics dépressifs et alcoolos », se réjouit désormais Billy. « Le Courbat est là pour tendre la main aux oubliés. »

Reportage et photos par Aurélien Germain

Ivan s’est trouvé l’âme d’un poète au Courbat. Ici avec son écrit « Acceptation ». [Photo tmv]
Ivan s’est trouvé l’âme d’un poète au Courbat. Ici avec son
écrit « Acceptation ». [Photo tmv]

Salon de l’érotisme de Tours : entre chaud et business

Des sex-toys par milliers, un rodéo sur un zizi mécanique et un gros paquet de sourires : on vous ramène nos souvenirs du Salon de l’érotisme à Tours, qui s’est tenu du 7 au 8 novembre 2015.

Que faire un samedi après-midi de novembre ? Se faire un petit plaisir charnel en zieutant Les Carnets de Julie suivi de Questions pour un champion sur France 3 ? Profiter des derniers rayons de soleil en buvant une Despé’ hors de prix Place Plum’ (« c’est parce qu’il y a une rondelle de citron avec, monsieur ») ? Ou bien prendre la température du Salon de l’érotisme au Parc des expos ?

Choisir sa tenue même si l’habit ne pas le moine.

 Va pour le troisième choix, Marcel ! (oui, on vous appelle comme je veux) Nous voilà donc devant l’Antre de l’érotisme – et plus si affinités – bref, Eropolis comme on l’appelle dans le milieu. Ici, tout, tout, tout, vous saurez tout sur le zizi.  En arrivant dans l’après-midi, il y a déjà la queue. [interlude : voilà, il fallait visiblement que l’on place ce fameux calembour utilisé à tout va par les journalistes dès lors qu’ils traitent du sujet] Ce qui est drôle, c’est d’observer les gens. Au Salon de l’érotisme, pas de regard de travers. Tout le monde vient comme bon lui semble. Eropolis aurait dû piquer le « venez comme vous êtes » à Mc Do. Ce jour-là, on croise tour à tour des visiteuses en tenue sexy, des hommes travestis, des jeunes couples, comme des papys mamies (plus rare, certes) ; à vue d’œil un public composé de 40 % de femmes et 60 % d’hommes. Tranquilou, Bilou. Pas de honte, ni gêne.

ALORS ON DANSE (bon, tout nu, ok)

  La majeure partie de l’espace est occupée par des stands de jouets, divers et variés, de tenues, costumes, ou autres ustensiles incroyables (mon dieu, qu’est-ce que c’est que cet avant-bras ?!). Car érotisme rime avec business. Le sexe fait vendre, c’est bien connu. Tout est bon pour appâter le chaland. Les vendeurs et vendeuses sont beaux/belles, ont la tchatche et savent vous faire rester (et acheter). D’un coup d’un seul, on se fait alpaguer par l’une d’elles. Boum, nous voilà debout, droit comme un piquet, à nous faire masser par deux appareils à trois pattes qui vibrent. Ça passe dans le dos, sur les jambes, dans la nuque. « On doit l’utiliser avec de l’huile de massage. Si vous voulez, on en a à la barbe à papa, au chocolat, ou encore à la framboise. Ça peut rapidement faire monter la température, mais vous pouvez aussi le faire seul, chez vous, si vous avez des douleurs musculaires », me dit-elle. On s’imagine au lit en train de nous auto-masser après notre footing. Ouarf !

Le zizi mécanique attend son rodéo.
Le zizi mécanique attend son rodéo.

Ailleurs, les couples s’agglutinent devant la lingerie affriolante. Du slip en cuir à ouverture-zipette facile aux bas résilles graou-graou. Pour le reste, ce sont surtout les vibromasseurs ultra-perfectionnés qui font les yeux doux aux porte-monnaie des couples. Sous une tente, un homme vante les bienfaits de son « gloss fellation ». Sous ses airs de Salon à bonne humeur (on ne le renie pas), Eropolis est aussi un marché XXL, une vitrine à ne pas louper pour les commerçants des joujoux coquins.
Quelques instants après, on croise un ami journaliste. Son joli badge « PRESSE » (écrit en très gros) a la classe. Nous, nous n’en avons pas pris. OUI, MONSIEUR ! Investigation, reportage inside, Bernard de la Villardière-style ! Visiblement surpris, il bredouille en nous voyant là : « Tu couvres le Salon pour tmv ? Tu as choisi quel angle ? », demande-t-il. Moui, moui, coquinou. Ne fais donc pas semblant de parler boulot !

On continue un peu plus loin pour s’apercevoir que quelques stands proposent aussi des lap dances privées. Les prix varient entre 40 € le petit strip-tease pépère à 80 € le show où l’on peut huiler madame. Perchée sur ses talons, en string et les jambes enveloppées dans des bas, Sophia a l’œil qui brille. Sourit aux clients qui s’approchent. Elle enchaînera les strips pendant deux jours. « Aussi bien pour des personnes seules que pour des couples ! Ce n’est pas réservé qu’aux hommes ou aux célibataires », indique l’hôtesse d’accueil. Après plusieurs recherches internet délicates (ah, quel métier difficile), nous apprendrons que ladite Sophia est aussi actrice X de chez Dorcel. C’est qu’on côtoie les stars, à tmv, non mais !

ZIZI, HYPNOTIQUE ET MÉCANIQUE

« J’veux desceeeendre »

A côté dudit stand trône un tout gros zizi. Mécanique. Il tourne, tourne et tourne sur lui-même. Se cambre, penche, se relève. Diantre, c’est que c’est hypnotique ce machin-là ! Il s’agit en fait d’un rodéo-pénis (on n’a pas trouvé mieux comme terme, désolé). Comme les taureaux mécaniques, mais en plus phallique. Une dizaine de filles vont alors se succéder pour chevaucher la bête et essayer de rester le plus longtemps possible dessus, après avoir payé 5 € de participation. Chacune enfile une paire de gant et zou ! En voiture, Simone. Dans le public, on rigole, on commente, on philosophe. Le zizi continue de tournicoter et de faire valser les courageuses, sous une pluie de stroboscopes et de grosse techno qui fait boum-boum-boum. Finalement, la gagnante – une petite brune qui a tenu plus d’une minute – remporte un strip-tease privé avec un gentil monsieur tout de cuir vêtu et aux fesses douces et imberbes. Félicitations !

Plus loin, l’espace X (comprenez vraiment hard) est rempli jusqu’au slip. Grosse ambiance. Il faut débourser 3 € de plus pour y accéder et montrer patte blanche : ici, s’enchaînent les strip-tease très très chauds sur scène, mais aussi des tournages de scènes porno. L’ambiance est plus qu’étrange. Rivés aux devants de la scène, des jeunes venus entre potes pour se marrer. D’autres pour mater. Des messieurs au regard lubrique filment la fornication avec autant d’attention qu’un Scorcese du X… Mais au milieu, il y a aussi des couples. Bien plus qu’on ne le pense. « C’est que ça va nous exciter, ça », soufflent deux amoureux, la trentaine. D’autres débattent ardemment sur la circonférence impressionnante de l’attribut du monsieur tout nu qui enchaîne les positions comme un robot sans âme. Tmv reste un peu perplexe devant cette partie spéciale du Salon. Mais les goûts et les couleurs, n’est-ce pas ?

  Il est 20 h 30 et nous piétinons au Salon de l’érotisme depuis plus de 3 h (ah quel métier difficile, bis). Après avoir éclusé une bière à 6 € (ça, c’est tout de même moins sexy) et un Ice-Tea en canette à 3 € (le business, qu’on vous dit), nous quittons l’ambiance tamisée du Parc expo. Au loin, les visiteurs continuent à sourire, se bidonner, ou faire des rencontres dans de gros canapés blancs.  Une fois dehors, on se rend compte à quel point le Salon de l’érotisme est une sorte de monde à part. Où l’inhibition n’existe plus vraiment. Qui ramène des milliers de personnes, de tous âges, toutes catégories socio-professionnelles confondues. Dingue tout de même.
Allez, on dit merci qui… ?

>>Plus de photos sur le site de la Nouvelle République (qui a un plus gros objectif que le nôtre, mais c’est pas la taille qui compte !) : JUSTE ICI !

Tendance jardinage : la quadrature du potager

Savez-vous planter les choux à la mode d’Anne-Marie Nageleisen ? Cette jardinière chevronnée est l’inventrice du potager en carrés à la française. À la recherche d’un endroit où installer son école du jardinage, elle a posé râteaux et arrosoirs à Azay-le-Rideau. Tmv est allé la rencontrer.

DES LIGNES AUX CARRÉS, CHANGEZ DE FORMAT

Pour Anne-Marie Nageleisen, un potager traditionnel est plein de défauts : « La plantation en ligne laisse beaucoup d’espace libre, propice à la pousse des herbes. On passe son temps à désherber. En plus, on ne peut pas s’y installer confortablement pour travailler. Et les planches en bois que l’on pose entre les rangs tassent la terre. » Alors qu’avec un potager en carrés, on ne piétine jamais le sol cultivé. Le principe ? Des petits carrés de 40 centimètres de côté que l’on peut agencer comme on veut. En général, on les regroupe par neuf pour former un grand carré de 1,20 mètre de côté. « Si bien que l’on peut accéder à tous les carrés, même celui du milieu en tendant un peu le bras », précise la jardinière. Carotte, poireau, laitue, tomate… À chaque carré sa plantation : « On resserre au maximum les distances entre légumes pour minimiser les herbes indésirables. »

PAUSE_potager1POURQUOI C’EST CARRÉMENT UNE BONNE IDÉE :

– Fini les week-end à quatre pattes, passés à désherber son potager.
– L’espace est optimisé : on peut cultiver neuf légumes différents sur à peine 1,5 mètre carrés.
– Pas besoin de faire une cure de choux tout l’hiver : le potager en carrés permet de cultiver en juste quantité.
– Pas de produits chimiques au jardin, c’est écologique.

À L’ÉCOLE DU JARDINAGE EN CARRÉS

Anne-Marie souhaite transmettre son savoir à travers ses livres et des formations. Au printemps, elle a créé le premier potager en carrés à la française ouvert au public en France, à Azay-le-Rideau. Support d’une école du jardinage, il permettra à des stagiaires de pratiquer concrètement le jardinage en carrés et au naturel, et de suivre l’évolution et les récoltes sur toute une saison.

OUI, MAIS…

À tmv, on est pas des pros du jardinage. Voici les réponses d’Anne-Marie à nos réserves.
Tmv : J’ai un tout petit jardin. Vraiment, je n’ai pas la place.
AM : Pour deux personnes, il suffit de huit carrés de 1,2 mètres de côté pour être autonome en légumes. Ça représente 42 mètres carrés.
Tmv : Je n’ai pas le temps.
AM : Pour huit carrés, une bonne demi-heure consacrée au potager suffit chaque jour. Sur une semaine, il faut prévoir en moyenne 4 h 30 de travail.
Tmv : J’ai mal au dos.
AM : Avec le système des carrés, on est bien installé pour travailler. On peut même créer un potager avec des bacs surélevés.
Tmv : En été, au moment où la production est au top, je pars en vacances.
AM : C’est un problème, surtout si l’on n’a personne pour prendre le relais. Il faudrait que je réfléchisse à un système spécial vacancier, avec des plantations qui donnent leur maximum début septembre par exemple.
Tmv : Le jardinage, je n’y connais rien.
AM : C’est vrai que les trentenaires, souvent, personne ne leur a transmis les bases du jardinage… D’où l’intérêt de venir à l’école du potager en carrés.
Alors, on jardine ?

EN AUTOMNE, AU REPOS !

Le petit conseil d’Anne-Marie si vous souhaitez vous lancer (ça tombe bien, ça commence en douceur) : « Fin octobre, c’est le moment où le jardin a donné son maximum. On récolte les derniers légumes. La terre doit se reposer et se régénérer pour la saison suivante. Il faut l’amender avec du compost, puis la couvrir avec du paillage. N’hésitez pas à utiliser les dernières tontes de pelouse, c’est un excellent paillage. Si vous taillez des haies ou ramassez des feuilles mortes, vous pouvez aussi utiliser leur broyât en guise de paillage. Même en ville, on peut toujours trouver sur place de quoi enrichir son jardin. »

ENVIE D’ALLER PLUS LOIN ?

L’école du jardinage se repose elle-aussi et prépare ses stages pour la nouvelle saison. En attendant qu’elle rouvre ses portes à la fin de l’hiver, vous pouvez déjà commencer à vous préparer. À vos règles et crayons de papier : dessinez votre futur jardin en vous inspirant, par exemple, du carré représenté ici. Une seule consigne indispensable : mélanger toutes les familles botaniques entre elles dans chaque grand carré. Si vous prévoyez plusieurs carrés de 1,2 mètre de côté, pensez à prévoir des allées de 80 centimètres de large entre chaque, pour passer la tondeuse. Vous pouvez également préparer vos bordures : elles ne sont pas indispensables mais permettent de délimiter l’espace. Choisissez des planches en bois non traité de 15 centimètres de haut. Il suffira de les poser sur le sol. Et si vous avez encore un peu de place, un espace de prairies fleuries, même d’un ou deux mètres carrés seulement, sera toujours le bienvenu : « Plus on préserve les équilibres naturels, plus on récolte de la simplicité à jardiner. »

École du jardinage en carrés Route des Granges à Azay-le-Rideau
Facebook : Le potager en carrés à la française
www.potagerencarres.info
contact@potagerencarres.info
Une campagne de financement participatif a été lancée pour raccorder le jardin au réseau d’eau et d’électricité et installer un point d’accueil : mymajorcompany.com/soutenir-l-ecole-du- jardinage-en-carres

Texte : Nathalie Picard

J’ai survécu à l’école de Xavier Niel !

Plonger dans le code informatique 7 jours sur 7, pendant un mois : bienvenue aux sélections de l’École 42, la pouponnière des développeurs de Xavier Niel, alias Mister Free. Une colonie de « vacances » geek racontée par Cédric Renouleau, un Tourangeau qui y a passé un mois complet.

J’ai fait l’école de Monsieur Free, mais j’ai pas tout compris.

Vous l’avez sans doute croisé, dans une autre vie, à l’accueil de la Carterie place Jean-Jaurès. Ou chaque été, en train de servir des bières à la Guinguette. Il s’appelle Cédric Renouleau et comme ses grands yeux bleus et ses longs cheveux soigneusement attachés ne l’indiquent pas, ce jeune homme de 24 ans est apprenti codeur. Pas le genre Néo de Matrix. Non, son cerveau n’est pas relié à un disque dur. Plutôt du genre à avoir fait ses études dans le domaine du commerce, à enchaîner les saisons : l’été à Tours, l’hiver en Suisse.
Et puis un jour, une révélation. « J’étais au chômage, je cherchais une nouvelle orientation professionnelle, j’ai commencé à m’intéresser au développement, à internet, à la programmation et on m’a parlé d’une école gratuite et accessible à tous avec le bac », dit-il. L’École 42. Ça ne vous dit rien ? La fameuse pouponnière de Xavier Niel. Oui, le PDG de Free, symbole de la success story entrepreneuriale à la française, grand gourou de tous les start-upers du numérique. Celui-là même qui a observé et décrété — ou l’inverse — que la France manquait de développeurs. Et s’est donc mis en tête de former les futures stars du code.

TROIS SALLES DE 300 MAC

L’École 42, c’est 3 ans de formation à Paris XVII. Mais avant d’y poser ses neurones, les heureux élus doivent passer une batterie de tests. Durant 26 jours en tout, sans pause. Cédric a sauté dans le grand bain en août dernier. « Ça s’appelle la piscine, car on plonge dans le code 24 heures sur 24. Il y en a qui nagent, d’autres qui se noient, il y en a qui ont juste la tête qui dépasse ». 900 jeunes âgés, grosso modo, de 18 à 30 ans débarquent. Ils sont répartis dans trois salles, les « clusters » où s’alignent 300 Mac. « Le bâtiment est impressionnant de technologie », décrit Cédric.

Les compétiteurs et élèves badgent, une machine salue chacun d’eux par leur prénom et leur demande, au passage, comment ça va. Pour manger ? Le food-truck reçoit les commandes par mail et informe chaque élève lorsque sa pitance est prête. Ambiance geek oblige, les salles de classe sont très branchées Star Wars : la cantine a été baptisée La Cantina, référence au bar de Jabba le Hutt. Côté hôtellerie, c’est un peu spartiate. « Sur place, il y a des douches, des toilettes, de quoi vivre. Moi, j’ai vécu là-bas durant 26 jours sans quasiment jamais sortir, se souvient Cédric. L’école met à disposition deux salles où l’on peut amener son matelas gonflable, ainsi qu’un sac de couchage pour dormir. Au début, les lits étaient collés les uns aux autres tellement il y avait de monde. Mais au bout de deux semaines, on avait beaucoup plus de place, car beaucoup ont abandonné. »

450 ABANDONS

Car il faut tenir le rythme fou de ces phases de sélection. « À 8 h 42, du lundi au vendredi, on reçoit les exercices à faire et on a jusqu’au lendemain 23 h 42 pour les rendre. Tous les vendredis, on passe un examen de 17 h à 21 h qui évalue ce que l’on a appris durant la semaine. Après cela, on doit se lancer dans un projet de groupe de 2 à 4 personnes qui va durer tout le week-end. Il n’y a pas de pause, on ne s’arrête jamais. »
De quoi en décourager plus d’un. Entre le début et la fin des phases de sélection, près de 450 élèves se sont fait la malle. « On t’impose un rythme énorme et une pression difficile à supporter, raconte Cédric. On n’a pas de prof, pas d’horaires, on travaille tout seul ou avec d’autres élèves. On n’a pas l’habitude de cela dans le système scolaire traditionnel. » L’apprenti codeur se dit pourtant prêt à retenter l’aventure si l’occasion lui en est donnée.

Car las, Cédric a reçu un mail du BDP (pour bureau des pleurs), lui signifiant que son nom ne faisait pas partie de la short list des grands gagnants. « C’est une super expérience, on vit un truc exceptionnel dans une bonne ambiance, c’est comme une grosse colonie de vacances. Et puis, c’est une méthode de travail qui me convient. J’ai appris 10 fois plus que n’importe où ailleurs. En un mois, j’ai carrément appris à programmer ! »

Portrait par Flore Mabilleau

Disco Soupe : rien ne se perd, tout se récupère

Parce que « le gâchis, salsifis », les économes étaient de sortie vendredi sur la place des Halles. Organisée chaque mois par une dizaine de Tourangeaux, la Disco Soupe vise à sensibiliser au gaspillage alimentaire. Au menu : des fruits et légumes invendus, une équipe d’éplucheurs et de la musique, pour une distribution de soupe gratuite. Tmv est allé y faire un p’tit tour. Et y a pris goût !

Arrêter de consommer à outrance. » C’est le leitmotiv de Noémie, bénévole de l’association Disco Soupe. Alors vendredi dernier, à l’occasion de la Journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire, elle et ses discopains ont récupéré 45 kilos de fruits et légumes prêts à être jetés. Certains viennent directement de producteurs locaux, d’autres ont été glanés à la fin d’un marché et quelques-uns ont été sauvés in extremis des bennes d’une grande surface. Alors oui, tous avaient la tête des mauvais jours. Une tâche par-ci par-là, une légère protubérance ou un petit coup de mou. Bon ok, certains avaient l’air d’avoir sérieusement abusé sur l’arrosage. Les traits tirés. Le corps malfichu. La tignasse froissée. M’enfin bon, y avait pas de quoi les jeter au rebut.
La lutte contre les « gueules cassées » ou les légumes « moches » commence à faire son chemin. Tant au niveau des enseignes que dans l’esprit des consommateurs. Mais les chiffres font toujours autant tourner la tête, années après années. C’est donc pour sensibiliser le grand public au gaspillage alimentaire que la première Schnippel Disko est organisée à Berlin en 2012, puis à Paris dans les mois qui suivent, sous le nom de Disco Soupe. Aujourd’hui, de plus en plus de villes des quatre coins du globe sauvent régulièrement leurs gueules cassées.

Car n’importe qui peut organiser son propre événement. À condition de respecter les discommandements de l’association, bien sûr. À Tours, la première Disco Soupe a eu lieu il y a un peu plus d’un an. Avec l’ambition de dépasser la lutte contre le gaspi, pour en faire un moment aussi bien festif que convivial. « La sensibilisation oui, mais pas que. On est aussi ici pour créer du lien social. On fait venir des musiciens pour que les gens s’arrêtent, prennent de quoi éplucher, boivent une soupe et discutent un peu », explique Maxime, également bénévole.

Radis to cook ? C’est parti mon kiwi. Il est 17 h 30 et chaque discosoupeur est armé de son plus bel économe. Le son est lancé, la fête peut commencer. Au menu ce soir : soupe de saison (comprenez un mélange de tout ce qu’on a sous la main) et compote pommes-bananes-coings. Pas d’inquiétudes à avoir sur l’avenir des pelures, elles finiront au compost ! Alors ça épluche, ça coupe, ça mixe.
Comme l’ambiance est top, je décide moi aussi de donner un coup de louche. À l’heure où je vous parle, l’épluchage de carottes n’a plus de secret pour moi (j’avais encore un doute). Je me retrouve avec un cuisinier « évidemment sensible à la question du gaspillage alimentaire » et une étudiante « venue par curiosité, pour voir ce que c’est ». Je papote en faisant la popote et la corvée habituelle devient un vrai plaisir. Également à mes côtés, Liam, 9 ans, manie l’économe comme personne. Futur cuisinier, « végétalien » s’il vous plait, il en est déjà à sa deuxième Disco Soupe. Ce soir-là, il a notamment découvert ce qu’était un coing : « c’est comme une poire, mais ça a le goût de pomme ! » lui a répondu sa maman (au cas où vous auriez eu un doute).

Dix carottes et un potiron plus tard, les premières odeurs chatouillent les narines. Les passants commencent à se prendre au jeu : certains mettent la main à la pâte, d’autres se contentent de goûter la première tournée de compote (on les a repéré ceux-là, oui, oui), mais tous approuvent l’initiative. Côté disco, on éteint la sono pour faire place à un tromboniste, un guitariste et un percussionniste venus proposer leurs services. Ce soir-là, puisqu’aucun groupe n’a répondu à l’appel lancé sur Facebook pour mettre un peu de pomme humeur, trois musiciens improvisent un petit boeuf. Comme ça, normal, sans même avoir répété avant. Et ça passe crème.

C’est donc sur quelques-uns des plus grands tubes des années 80 que la soirée se poursuit. Un verre de soupe à la main, l’heure est à l’échange de bons procédés. Les bénévoles n’hésitent pas à faire part de leurs petites astuces aux commis d’un jour. Saviez-vous que les tâches sur les poires ne sont pas synonymes de pourriture mais de… forte teneur en sucre ? « On demande aux gens comment ils consomment et on fait en sorte qu’ils repartent chez eux en se disant qu’ils peuvent agir à leur échelle. Ce sont des petits gestes à adopter. Il suffit par exemple de frotter les carottes, de les essuyer et de les laisser sécher une dizaine d’heures avant de les mettre au frigo, pour éviter qu’elles pourrissent en quelques jours », conseille Noémie, perruque bleue-disco sur la tête.

Afin de prolonger son combat contre le gaspillage alimentaire, l’association a pour projet d’installer un frigo collectif dans une rue de Tours. Basé sur l’esprit de partage et de solidarité, il fonctionnera en libre-service : chacun pourra y déposer et récupérer les fruits d’une récolte trop généreuse ou le surplus avant un départ en vacances.
Partager, plutôt que jeter : l’idée est bête comme chou, mais il fallait oser ! En attendant que l’initiative se mette en place, les disco-soupeurs profitent de l’occasion pour distribuer gratuitement aux passants les confitures de coings préparés avec les fruits de la dernière cuisine collective, ainsi que les légumes non utilisés. Tous s’étonnent de ne pas avoir à sortir leur porte-monnaie. Alors ils en profitent pour faire leur marché. Je suis moi-même repartie avec mon sac de provisions pour la soirée. Et promis, j’ai rien gâché !

>Reportage et photos de Camille Petit

La prochaine Disco Soupe aura lieu le 28 novembre devant le bar The Pale, place Foire le Roi. Si vous êtes choux-patates pour donner un coup de main, rendez-vous sur leur page Facebook « Disco Soupe Tours ».

Rencontre : les enfants à l’école du cirque

Le cirque est une activité idéale pour développer motricité et imaginaire. La preuve avec la compagnie C’koi ce cirk.

cirque

Passé l’imposant projecteur qui trône à l’entrée du Rexy, les trois rangées de strapontins et le grand écran de la pièce principale rappellent la vocation historique de ce lieu : un ancien cinéma de quartier, à Saint-Pierre-des-Corps. Pourtant, pas de doute : trapèze suspendu dans les airs, quilles multicolores, boule d’équilibre…
C’est bien dans une école de cirque que l’on se trouve. Celle de la compagnie C’koi ce cirk, qui a pris ses quartiers ici il y a un an. À peine arrivés, nous voici envahis d’une horde de petits chats : une douzaine d’enfants, qui avancent à quatre pattes, s’étirent et lancent des « miaou » à tout-va. Car l’échauffement n’est pas seulement corporel, mais créatif aussi.

Rapidement, six ateliers sont installés dans la salle : tissu aérien, trapèze, fil de funambule, bidon d’équilibre… « Le cirque développe la motricité. Il ouvre les portes de la créativité. Aussi, on insiste beaucoup sur l’entraide, pour fédérer le groupe », souligne Sylvain Mouza, animateur diplômé des arts du cirque. Élodie, gymnaste et danseuse, apporte sa touche artistique : « Quand l’enfant maîtrise un élément, je l’incite à danser avec, jouer un personnage… Pour aller au-delà de la prouesse technique », précise-t-elle.
Les enfants, eux, s’en donnent à coeur joie. Un grand sourire aux lèvres, Azélie se tient fièrement debout sur une grande balle jaune. Mahault, huit ans et demi, répond du tac au tac lorsqu’on lui demande ce qu’elle préfère : « Les animateurs et le spectacle de fin d’année ! »

 

 

Nathalie Picard

Bon anniversaire l’Atelier Pop !

Eric Dérian, Aurélie Lecloux, Greg Lofé, Giovanni Jouzeau, Ullcer, Annelise Sauvêtre et Stéphanie Lezziero sont les membres de l’Atelier Pop qui vient de fêter ses 15 ans ! À cette occasion, ils ont reçu tmv dans leurs bureaux du vieux Tours.

Image4MULTIFONCTIONS

Auteur, dessinateur, scénariste, graphiste, illustrateur, story boarder, coloriste. La palette de talents est étendue au sein de l’Atelier Pop. Dans une chaîne de création éditoriale de plus en plus industrialisée, les auteurs sont contraints de faire des albums dans des laps de temps de plus en plus courts. Tronçonner et répartir le travail permet de gagner du temps. C’est pourquoi le dessinateur est souvent contraint de confier notamment le travail de couleur à un tiers. L’avantage dans un atelier, c’est qu’on peut faire bosser les potes. À l’Atelier Pop, l’entraide a l’air de fonctionner.

OUI MAIS ENCORE ?

Cours de dessins, initiation à la BD, l’atelier veut transmettre. Les membres sont donc souvent présents sur les différentes manifestations qui tournent autour de la BD dans le département : Chinon, Amboise, Mangas sur Loire, À Tours de Bulles.

POLYVALENTS

Actif depuis 15 ans, l’Atelier Pop en a soutenu des plumes. Une trentaine d’indé’ sont passés par là. L’équipe actuelle entend donner un nouveau souffle à sa créativité. « Vu les profils et les savoir-faire des membres de l’atelier, on est capable de bosser pour l’édition bien sûr mais aussi pour la comm, l’institutionnel, le jeu vidéo, la presse, le cinéma, le web, etc., explique Johann Leroux alias Ullcer. Et sur des styles variés : SF, semi réaliste, jeunesse, humour, etc. »
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MIEUX QUE LES RICAINS

Image1Chaque année depuis 2008, l’Atelier Pop organise les 23 h de la BD, inspirés des 24 hour Comics Day. Objectif : noircir 24 planches, non pas en 24 h comme dans sa version américaine, mais en 23, durant la seule journée de 23 h de l’année, celle où on change d’heure. Un thème et une contrainte — souvent loufoque — sont imposés… Ouvert à tous, amateurs ou pro, enfants ou adultes, il suffit de s’inscrire sur le site. Ici, pas de classement, pas de récompenses, juste un petit Lapin d’or devant le nom de ceux qui relèvent le challenge. La première année, 80 personnes avaient participé. En 2014, ils étaient 500.
>>www.23hbd.com 

DES PETITS NOUVEAUX

L’Atelier Pop accueillera bientôt deux nouveaux membres. Identités secrètes pour le moment… Qui sait ? L’un d’eux est peut-être David Hasselhoff… Ou Rantanplan…

TOUT BEAU TOUT NEUF
Pour ses 15 ans, l’Atelier Pop, qui n’avait jusque là qu’un blog et une page Facebook, s’offre en plus un tout nouveau site Internet. www.atelierpop.com Le but : créer une identité visuelle commune en tant qu’atelier. Chaque membre possède également son site perso.

SEULS MAIS ENSEMBLEImage2
Indépendants, les membres de l’atelier travaillent aussi sur des projets communs de temps en temps. Il y a quelques années, ils ont réalisé un fascicule sur la séropositivité pour l’association Aids. Pour la ville de Château- Gontier en Mayenne, ils ont imaginé deux BD pour mettre en avant le patrimoine et l’histoire de la ville : le secret du marinier et Millénium. Actuellement, ils travaillent avec la communauté de communes du Val d’Amboise.

MAIS AUSSI…

Stéphanie vient de sortir un livre de coloriages zen, aux éditions Gründ Jeunesse. Pour colorier des créatures imaginaires (fées, dragons, sirènes, griffons, licornes) mais aussi pour y coller des strass vendus avec !

>>>L’Atelier Pop sur Facebook, c’est PAR ICI !

Par Jeanne Beutter

Bienvenue chez les éco-habitants

À Tours et ailleurs, ce week-end, des habitants vont ouvrir les portes de leur maison en éco-construction. En avant-première, tmv s’est rendu chez l’un d’entre eux.

(Photo tmv Nathalie Picard)
(Photo tmv Nathalie Picard)

Avec son bardage en bois et son toit recouvert de panneaux solaires, la maison de Nicolas Delbarre-Caux détonne dans ce quartier de Nazelles-Négron, à quelques encablures des bords de Loire. Avant, c’était une petite maison des années cinquante, une construction tout ce qu’il y a de plus classique : briques et parpaings, ardoises et simple vitrage. En 2008, Nicolas Delbarre-Caux se lance un défi : acheter ce pavillon pour en faire un habitat passif (consommant un minimum d’énergie). Pour gagner son pari, il doit réussir à diviser la consommation énergétique de l’habitation par 40.
Une gageure ? Qu’importe, le jeune homme n’aime pas faire les choses à moitié. De l’ancienne construction, il ne garde que les murs. Et encore, l’isolation par l’extérieur leur fait prendre 40 centimètres d’épaisseur. Même la toiture est changée. Un projet très ambitieux : « À l’intérieur, on a tout cassé et tout reconstruit… Pour les démolitions les plus lourdes et le gros-oeuvre, je me suis fait aider par des proches. Mais sinon, avec ma compagne, on a tout fait seuls », raconte Nicolas Delbarre-Caux.
Sept ans après le début des travaux, la maison, métamorphosée, est toujours en chantier. Petit tour du propriétaire.

AMBIANCE TROPICALE AU SALON

Passé le perron, gare au visiteur qui oublierait de se déchausser : un panneau l’invite à prendre le tablier de la ménagère. L’ancien escalier extérieur, intégré dans la nouvelle maison, est bordé de plantations. À l’étage, on longe un grand mur couleur brique. Ici, pas de virage à 90 degrés : les murs sont arrondis. « Les faire droits, ça aurait été trop simple ! », s’amuse le jeune homme. Un beau résultat, esprit Gaudì, mais côté pratique, ce n’est pas vraiment ça : « C’est dur à enduire et à meubler. » Arrivé dans le salon, on se croirait sous les tropiques. Grâce à une isolation performante et de grandes surfaces vitrées orientées plein sud, il fait plus de 25°C. Et tout cela sans chauffer. Difficile à croire lorsque l’on peine, chez soi, à atteindre 19°C. « En été, on se protège grâce à des stores, mais là, on préfère emmagasiner la chaleur pour l’hiver », explique Nicolas Delbarre-Caux. Mais il n’y a pas que la température : l’atmosphère, elle-aussi, s’avère très chaleureuse. Tommettes oranges au sol, enduits en terre et lambris sur les murs, troncs d’arbres en guise de décoration… « Les bois sont des essences locales. Certains proviennent d’arbres que j’ai plantés petit. »

(Photo Nicolas Delbarre-Caux)
(Photo Nicolas Delbarre-Caux)

UNE SALLE DE JEUX DE RÊVE

Les trois enfants du couple ont aussi leur paradis. Avec ses murs arrondis et son sol en liège, leur chambre est un petit cocon. Même les lits en frêne sont faits maison. Au fond, la pièce s’ouvre sur une immense salle de jeux. Les éléments boisés côtoient un grand mur bleu turquoise : « Les couleurs vives, c’est possible aussi avec des peintures naturelles », démontre Nicolas. Nous sommes dans l’une des deux extensions prévues : un cube de 50 m2 rajouté juste derrière la maison. Ses 4,2 mètres de hauteur lui permettent de bénéficier, lui-aussi, de fenêtres exposées plein sud. La deuxième extension n’est pas encore réalisée.

CARRELAGE INTERDIT DANS LA SALLE D’EAU

De retour dans la partie d’origine, passé les toilettes sèches, on arrive dans la salle de bain. Un parquet en bois massif, du liège au-dessus des lavabos, un enduit marocain sur les murs de la douche… Pas une trace de carrelage. « Pourquoi utiliser un matériau aussi froid dans une pièce où l’on a besoin d’avoir chaud ?, interroge le propriétaire. Malgré son intérêt technique, le carrelage est vraiment le pire des matériaux. On a tendance à reproduire les choses par habitude, parce qu’on l’a vu chez son voisin ou ses parents, sans se poser les bonnes questions. Contrairement aux idées reçues, le mur en terre absorbe bien la vapeur d’eau. »

LE SOUS-SOL OU L’ANTRE DE L’AUTO-CONSTRUCTEUR

Le clou de la visite est gardé pour la fin. Au sous-sol, il y a bien sûr l’atelier de l’auto-constructeur. Mais c’est aussi là que se cachent le chauffe-eau solaire et la ventilation. Si Nicolas a réussi le pari de réduire par 40 la consommation énergétique (label Minergie-P à l’appui), c’est aussi grâce à ces deux installations. Les 12,5 m2 de panneaux solaires permettent de chauffer l’eau et l’air de la maison en cas de besoin. Et qui dit habitation étanche et isolée, dit ventilation adaptée. La VMC double flux (ventilation mécanique contrôlée) est indispensable : elle permet à l’air d’être renouvelé sans faire chuter la température, puisqu’un système permet de récupérer la chaleur et l’humidité.

ENVIE DE SE LANCER ?

Luminosité, chaleur, esthétique, confort… La visite nous a convaincus. Mais de là à se lancer… « Il vaut mieux être bien informé sur les matériaux et les techniques, et surtout, prendre son temps. Comprendre le fonctionnement global d’une maison permet de faire des choix cohérents. C’est important, aussi, de se questionner en permanence, pour ne pas reproduire forcément ce que fait le voisin », conseille Nicolas. Construction ou rénovation ? « Rénover, c’est plus accessible financièrement, surtout quand on fait tout soi-même. » Mais la rénovation amène aussi son lot de galères et de mauvaises surprises… « J’ai passé plus de 3 000 heures sur le chantier. Actuellement, je travaille sur la maison tous les matins de 6 h 30 à 8 h. Mon temps libre, je le consacre intégralement à ma famille et ma maison. » En bref, mieux vaut aimer les travaux, ou alors, avoir les moyens de les faire faire.

Reportage par Nathalie Picard

Capture

L’Atelier Ahncé : l’art pour les kids

Tmv est allé à la rencontre d’Ahncé et ses ateliers d’arts plastiques pour enfants.

Atelier Ahncé

Pour l’instant, ils sont quatre depuis début septembre à suivre attentivement les cours proposés par Ahncé, la trentaine, et diplômée bretonne en arts appliqués. Celle que l’on connaît sous le nom d’Anne-Cécile Morin dans la vraie vie se définit « comme une gribouilleuse en tout genre ».
Ce mercredi, Edgar, Aalya, Justine et Marthe, 6 ans, protégés par des tabliers, suivent leur deuxième séance dans le cocon artistique de la graphiste. « Je souhaite les faire travailler sur le livre objet, car je suis très attirée par l’illustration jeunesse. J’aimerais que notre travail puisse déboucher sur la création d’une histoire. Nous avons commencé par l’élaboration de personnages. Mes apprentis se sont dessinés dans un premier temps avec leur famille », indique-t-elle. Ensuite, ils rajouteront des éléments à chaque séance : « Cela peut être des doudous ou des objets qui leur sont familiers puis nous agrémenterons ce livre, baptisé Ma fabrique à histoires, par quelques mots. »

Ahncé compte utiliser différentes techniques pour intéresser les élèves : peinture, collage, outils numériques ou encore visionnage de courts-métrages. « J’aime changer de médium. L’idée est de donner du rythme à mes cours. » Le tout avec une certaine bienveillance, car cette maman de deux enfants croit au potentiel de chacun. « Pour moi, il n’y a pas d’enfant qui ne sait pas faire, ils ont tous des capacités. Il faut juste leur donner le déclic parfois. »

Anne-Cécile Cadio

Atelier d’Ahncé, 64 rue du Grand Marché à Tours. Il reste des places pour cette année. Pour les 5-8 ans, tous les mercredis.
Renseignements : gribouilleetcie.blogspot.fr

Théâtre : à ce projet, personne ne s’opposait

La compagnie Théâtre à cru est en résidence au CDRT. Bientôt prête pour sa grande première. Rencontre.

(Photo Jeanne Roualet)
(Photo Jeanne Roualet)

Un grand mur noir s’étale d’un bout à l’autre de la scène du Centre dramatique régional de Tours. Dans cet univers sombre, seuls un extincteur rouge et un compteur bleu égayent le tableau. C’est le décor de la nouvelle création de la compagnie Théâtre à cru, À ce projet personne ne s’opposait. Alexis Darmengol, co-écrivain et metteur en scène, s’assoit au bord de la scène, face aux membres de son équipe, comédiens, costumière ou créateur son : « Je vais vous présenter les idées qui me sont venues dans la nuit », lance-t-il avant de dérouler, pendant près d’une demi-heure, le fruit de ses cogitations nocturnes. Le proverbe disait bien vrai, la nuit porte conseil !

Son projet de création est né, il y a plus d’un an, d’une réflexion sur les théâtres, « des lieux où l’on peut se rencontrer, penser notre monde et célébrer notre humanité », estime l’auteur. Il s’inspire du mythe de Prométhée, qui vole le feu pour donner aux hommes les moyens de s’élever par le travail et la connaissance. Mais aujourd’hui, que fait-on de ce don ? Partant de cette question, Alexis Darmengol construit une pièce décalée, utilisant l’humour et tous les outils du jeu théâtral contemporain : montage sonore, chant, improvisation…
Mais alors, de quoi ça parle ? « De la confrontation entre un résistant, Prométhée, et le pouvoir, Zeus. Le dieu, qui finit par créer la boîte de Pandore, apporte la guerre et la famine à l’humanité. À la fin du premier acte, c’est bien le pouvoir qui a pris le dessus. Seule l’espérance reste dans la boîte : sera-t-elle un moteur pour rêver d’un autre monde ? » C’est ce que l’on découvre dans le deuxième acte, dont les artistes travaillent actuellement la mise en scène. Habitué à l’écriture de plateau, Alexis Darmengol fait évoluer le texte au fil des répétitions. Il s’est associé avec Marc Blanchet, co-écrivain : « Son écriture, plus littéraire, amène de la fantaisie et une forme d’extravagance à notre texte. » À quelques jours de la première, Alexis Armengol est au four et au moulin : « Bien sûr, je passe beaucoup de temps avec les comédiens. Mais je dois aussi coordonner la musique, le son, la lumière, les costumes… »
Un peu comme un chef d’orchestre.

Nathalie Picard

>>> À ce projet personne ne s’opposait, du mardi 29 septembre au vendredi 9 octobre au CDRT.

EN BREF
AU PROGRAMME
La programmation est disponible sur le site cdrtours.fr. La nouvelle saison est axée sur le jeune théâtre en région Centre, un dispositif de soutien de jeunes comédiens et techniciens. En février et en mai, ils joueront La Dispute, de Marivaux, mise en scène par Jacques Vincey. La première édition du festival de jeune création contemporaine, WET°, aura lieu début avril 2016 : neuf spectacles seront proposés sur trois jours.

CURIEUX Les Partages du mardi, c’est un rendez-vous mensuel d’une heure, dans la salle de répétition du théâtre : une invitation à « participer au bouillonnement artistique et intellectuel » de ce lieu. On connaît la date du premier partage : le 6 octobre, à 18 h. Quant à savoir ce qui s’y passe vraiment, une seule solution : y aller ! Envie de discuter avec les artistes en représentation ? C’est possible grâce aux Rencontres du jeudi, qui permettent un temps d’échange à la fin de certains spectacles.

INFOS PRATIQUES
CDRT – Centre dramatique régional de Tours Théâtre Olympia – 7 rue de Lucé 37000 Tours Ouvert du lundi au vendredi, de 12 h à 18 h 02 47 64 50 50
billetterie@cdrtours.fr
Billetterie en ligne : cdrtours.fr

J’ai couru mon premier marathon

À 50 ans, Xavier a choisi de courir son premier marathon sous les couleurs de tmv. Il boucle le parcours en 3 h 50 et avec le sourire. La clé de la réussite, selon lui : la préparation ! Moments choisis…

AVANT LE DÉPART
J’ai été très rigoureux dans ma préparation. J’ai dû adapter ma vie pour caser les quatre entraînements hebdomadaires. Et j’ai fait attention à ne plus trop faire la fête… LE DÉPART Je pars plutôt confiant. J’ai suivi ma préparation à la virgule près. Mais bon, comme c’est mon premier marathon, il y a quand même une vraie part d’inconnu. Et puis, j’entends des choses autour de moi, dans le sas de départ : le mur des 30, tout ça. Ça fait un peu peur… Et puis arrive la musique, le départ, quelque chose monte en moi : c’est parti ! LE

10E KILOMÈTRE
Dans les 10 premiers kilomètres, j’essaie de me caler. Je suis les meneurs d’allure, mais j’ai l’impression qu’ils vont un peu plus vite que l’allure prévue. Alors, je cherche les 5’20’’ au kilo qui doivent m’emmener à mon objectif de 3 h 45. Ça me prend quelques kilomètres, mais je me cale.

marathonLE 28E KILOMÈTRE
28 kilomètres, c’était mon max à l’entraînement. Quand je passe la borne du 28, je plonge dans l’inconnu, je commence à appréhender un peu. J’appréhende un peu le mur des 30 mais, finalement, il passe sans trop de douleur. Je commence à voir pas mal de gens qui s’arrêtent, pris de crampes, qui coincent vraiment. Je me dis, peut-être que c’est bientôt mon tour !

LE 35E KILOMÈTRE
Là, ca devient vraiment plus difficile. Surtout au niveau des jambes. Le cardio, ça va mais les jambes se raidissent. La douleur est là. Heureusement, le public m’aide. C’est ce qui est grisant dans un marathon : ce public qui te transporte et qui te permet de surmonter les moments compliqués.

LE 38E KILOMÈTRE
« À mon avis, c’est gagné », c’est ce que je me dis intérieurement. Je cours un peu mécaniquement, j’oublie la douleur. C’est vraiment au niveau de la tête que ça se passe. C’est la tête qui m’emmène. Et puis, je n’étais pas seul dans ce marathon et la présence de mes compagnons de course m’aide beaucoup.

LE 41E KILOMÈTRE
Le public à l’arrivée est incroyable ! Je me retrouve comme à l’arrivée du Tour de France. C’est serré, il n’y a plus que mon passage à travers la foule, tout le monde crie mon nom. C’est vraiment enivrant. Ça me transporte.

ET APRES ? MARATHON 05

Je suis heureux, très heureux d’avoir réalisé cette performance. On est beaucoup de marathoniens, mais en faire partie, c’est un aboutissement. Les heures d’entraînement, tous les sacrifices, je ne les ai pas faits pour rien. L’entraînement me paraît, a posteriori, plus dur que la course elle-même, mais tellement essentiel.

Au cœur du tournage : Tours montre sa bobine

Tmv a suivi Pepiang Toufdy, jeune réalisateur, pour le tournage de son court-métrage, en collaboration avec Arcades Institute. On vous refait le film.

Pepiang Toufdy, réalisateur du court-métrage (Photo tmv)

Vendredi matin. Il est un peu plus de 9 h. La gare de Tours somnole encore. Une petite mamie vient valider son ticket dans l’une des machines à composter. Elle n’a pas vu qu’une caméra la zieutait : elle vient de passer dans le champ et fait légèrement (restons gentil) louper la scène. Parce que ce jour-là, Tours est un immense plateau de tournage. C’est aujourd’hui que le court-métrage Daymane Tours est mis en boîte. Son réalisateur ? Pepiang Toufdy. Hyperactif et gros nom de la culture en Touraine. Il n’a même pas 30 ans mais a déjà à son actif un long-métrage et plusieurs courts ; il est aussi le créateur du festival Imag’In. L’homme ne s’arrête jamais.
Ce matin-là, Pepiang dirige son équipe technique d’une main de maître. Costard classe dans les tons gris, baskets et casquette. Il ne lâche pas sa tablette qui lui permet de suivre ce que filme la caméra en direct. Il court partout. Le réalisateur n’a même pas les traits tirés, alors qu’il revient d’un aller-retour express à Washington (hyperactif, qu’on vous a dit). « Action ! », crie-t-il dans l’écho de la gare. Un TGV déverse son petit lot de voyageurs. Tous et toutes sont figurant(e)s. Tous et toutes de Tours. Essentiel, car ce court-métrage se veut quasiment à 100 % tourangeau. De l’équipe technique aux figurants, en passant par le cinéaste et les lieux de tournage. La voie B de la gare voit la même scène se jouer plusieurs fois. Les figurants remontent dans le train. Effectuent les mêmes gestes, encore et encore. Pepiang Toufdy est visiblement du genre perfectionniste : « On la refait ! », lance-t-il, toujours tout sourire. Quatrième prise. Il veut le cadrage parfait. « Encore une… Pour le plaisir ! » Les figurants ne se font pas prier et ne se plaignent pas. Même quand ils rejouent le même trajet pour la dixième fois, dans le hall. « Oh, bah on est là pour ça. Bon ceci dit, c’est la première fois que j’ai un sac à dos et une valise vides ! », plaisante l’un d’entre eux. Une autre essaie de se dégourdir. Elle fait le pied de grue devant la photocopieuse et le Photomaton… depuis une demi-heure. Mal aux jambes ? « La prochaine fois, je prendrai des baskets, oui ! »

Au loin, Manda Touré se marre entre chaque prise. Mais dès que la caméra tourne, elle se transforme. Sérieuse, concentrée, pro. Manda, c’est un peu l’actrice principale de ce court-métrage. Daymane Tours raconte effectivement l’histoire d’une jeune migrante qui arrive à Tours, après avoir traversé plusieurs pays. Elle rencontrera par hasard une Tourangelle et se liera d’amitié avec elle. Ainsi qu’avec sa famille et son grand-père, un homme qui a vécu dans une Afrique qu’il adore. En résumé ? Un film humaniste et d’actualité.

MAMIE REBELLE ET KLAXON DE BUS

Emballé, c’est pesé. L’équipe a fini ses prises dans la gare. Au même moment, débarque un trio sur qui se tournent tous les regards. Philippe du Janerand, Jacques Boudet et Céline Vitcoq sont les têtes d’affiche du court-métrage. Le premier a tourné dans plus de 100 films (Nikita, Taxi, Monsieur Batignole, Les Choristes…). Le second est une vraie gueule de théâtre, un grand bonhomme qui a tourné avec Blier et Lelouch. La troisième est connue pour son rôle de Wendy dans la série Plus Belle la vie. Une actrice qui, d’ailleurs, ne passe pas inaperçue, ce vendredi. « Oh my god, mais c’est Wendy de Plus belle la vie ! Faut que j’prenne un selfie avec ! », s’excite une ado, sur le parvis de la gare. Ses copines se moquent gentiment : elle n’ose pas aller demander une photo à la jolie blonde qui vient de finir sa scène.

Manda Touré, en plein tournage (Photo tmv)

L’ambiance est bon enfant. Pendant que Pepiang, Manda, Céline et la petite équipe technique s’appliquent à bosser leur champ/contrechamp, les bénévoles, eux, sont en pleine galère. La raison ? Elle tient en deux mots : gare, midi. Il y a désormais bien plus de monde que ce matin. Et personne ne doit passer derrière les actrices. La plupart des passants acceptent sans rechigner. Une petite mamie n’est pas de cet avis : quand l’équipe lui demande gentiment de faire un détour d’environ – allez, soyons large – deux mètres trente pour contourner la caméra, celle-ci balance un « Oh je m’en fiche, c’est pas grave. Je vais prendre mon bus ! » Bon… Si on refaisait la prise ?
Quelques mètres plus loin, des badauds s’agglutinent et observent la scène. « Ne regardez pas vers nous ! Faites comme si on n’était pas là ! », lance l’assistant-réal’. Forcément, pour ce court-métrage sur une migrante, il vaut mieux éviter l’effet reportage de JT avec des gugusses qui font coucou à la caméra. Au même moment, un homme visiblement éméché, parfumé au whisky, débarque derrière la caméra en baragouinant « On vise plus haaaut, la kalaaach’ » (nota bene : … euh, pardon ?). En fond sonore, un bus klaxonne un cycliste qu’il a failli percuter. Deux minutes plus tard, c’est une voiture immatriculée dans la Vienne qui se trompe de chemin et se met à rouler sur le parvis de la gare jusqu’à l’entrée. L’équipe aurait dû prévoir un bêtisier…

UNE CENTAINE DE FIGURANTS

Cela fait déjà quatre heures de tournage. Pepiang Toufdy navigue entre son équipe, les figurants (qui demandent une photo souvenir), une équipe télé de France 3… « Mais je suis tellement content et ravi. Je travaille avec des comédiens que j’ai toujours appréciés. Ce projet, c’est une lourde responsabilité », soulignet- il. Lourde responsabilité qu’Arcades Institute a confiée sans hésiter à Pepiang. Car ce sont eux qui sont à la base de tout ça. L’espace culturel tourangeau a en effet créé les « Essentiels » : l’idée est de permettre à un jeune scénariste-réalisateur de se lancer dans une oeuvre de fiction de court-métrage dans un lieu patrimonial de la ville.
« On voulait un projet ambitieux, plus visible et qui touche un large public. Le court-métrage était tout trouvé, puisque Tours est une ville de cinéma. L’idée est de faire un festival de création, pas de diffusion », précise Jean-Pascal Jauzenque, l’un des propriétaires d’Arcades. L’acteur Philippe du Janerand est alors mis dans la boucle. Il jouera non seulement dans le court de Pepiang, mais sera aussi son parrain. « Philippe a une liste de contacts longue comme le bras. Il nous a beaucoup aidés », enchaîne Jean-Pascal Jauzenque. Une subvention de 10 000 € dans la poche, des autorisations de tournage dans les lieux patrimoniaux de Tours et hop : il ne reste plus qu’à Elsa, de l’équipe les Essentiels, à recruter les figurants. L’appel lancé sur les réseaux sociaux cartonne. « Les Tourangeaux se sont mobilisés. On a trouvé une grosse centaine de figurants en huit jours », précise Elsa.

Retour plateau. Les estomacs gargouillent. Il est midi passé. Pas de temps mort, il faut aller au foyer des jeunes travailleurs pour y tourner une scène. Pepiang et son équipe embarquent le matos et filent rue Palissy. Il faudra attendre un peu pour découvrir Daymane Tours, court-métrage tourangeau jusqu’au bout de la bobine. D’ici à septembre 2016, Arcades et leur projet « Les Essentiels » auront soutenu trois autres cinéastes du coin. Avec toujours un mot d’ordre : un film tourangeau, capable de faire ensuite sa route dans les festivals français.

Reportage et photos par Aurélien Germain

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La Charpentière : complément d’objets

La ressourcerie La Charpentière répare et remet en vente les objets usagés apportés par les habitants. Installée depuis peu sur Tours, elle démarre sur les chapeaux de roue.

Tout l’après-midi, des habitants apportent des meubles et des objets usagés. Sophie et Paul font de la place dans l’espace de collecte, vite saturé.
Tout l’après-midi, des habitants apportent des meubles et des objets usagés. Sophie et Paul font de la place dans l’espace de collecte, vite saturé. (Photo tmv)

Danielle, si tu continues à visser de travers, je ne vais pas te donner le brevet ! », lance Paul en rigolant. Le duo fabrique un grand bac à roulettes pour collecter du bois. Pour Danielle, pas facile de maîtriser la visseuse électrique, mais sous le regard attentif de Paul, elle persévère. « Au fait, tu as passé de bonnes vacances ? », demande-t-elle. À la ressourcerie La Charpentière, on bricole et on papote aussi ! L’objectif de cette jeune association ? Récupérer, valoriser et réparer des objets usagés pour les revendre. Depuis le mois d’avril, elle s’est installée dans ses locaux, juste derrière le jardin botanique, à la limite de Tours et La Riche.
Abat-jour, chaise haute, machine à coudre, parasol, trotteur : des objets improbables s’empilent sur les étagères. Des colonnes de meubles en bois, elles, montent carrément jusqu’au plafond. Un joyeux bazar, plus organisé qu’il n’y paraît : à chaque espace sa vocation. « C’est ici que nous collectons les objets apportés par les habitants : meubles, vaisselle, bibelots, livres, petits appareils électriques… Nous récupérons tout ce qui peut être réutilisé ou réparé, sauf le textile et le gros électroménager », explique Fabienne Gouin, l’une des animatrices de l’association. On peut venir en voiture, une large rampe permet d’accéder facilement à l’espace de déchargement. Chaque objet est enregistré, diagnostiqué puis orienté vers la réparation ou le nettoyage. À peine cinq mois d’activité et déjà, les 140 m² de l’atelier sont remplis à bloc. Il faut dire que l’affaire est gérée par un duo de choc : Sophie Robin et Fabienne Gouin, les deux salariées, sont impliquées depuis longtemps dans l’éducation populaire et l’environnement. « Cette idée, c’est une vieille histoire, raconte Sophie avec le sourire. Je faisais beaucoup de vélo, et en 2009, j’ai lancé une association, Roulement à Bill, qui permet à des cyclistes d’apprendre à réparer leur vélo. Avec des copains, on avait envie d’élargir ce concept à tous les objets. » L’originalité de cette ressourcerie, c’est justement qu’elle est portée par un groupe de citoyens engagés. La plupart des autres projets sont impulsés par des collectivités territoriales. L’association est née fin 2014 et depuis, tout va très vite. Déjà, une centaine d’adhérents participent à la vie de l’association. « On est dans l’air du temps, estime Sophie. Les gens en ont marre de consommer à tout-va, d’acheter des objets programmés pour casser. »

L’atelier bricolage prend ses quartiers au soleil. Au menu, réparation d’objets cassés et fabrication d’un bac de stockage par Michelle.
L’atelier bricolage prend ses quartiers au soleil. Au menu, réparation d’objets cassés et fabrication d’un bac de stockage par Michelle. (Photo tmv)

Ras le bol du gaspillage ! Les bénévoles présents ce mercredi-là sont unanimes. Comme Annie, qui vient souvent donner un coup de main. Aujourd’hui, elle nettoie une lanterne en métal blanc. L’étiquette pend encore dessus. « Sûrement un cadeau mal choisi, imagine-t-elle. Quand je vois, à la déchetterie, tous ces meubles, ces fauteuils en bon état, ça me fait mal au coeur… Ici, je me sens utile. En plus, ça me correspond bien car je suis très branchée récup ! » Annie et Julien au nettoyage, Paul et Danielle à la fabrication… Chacun trouve sa place, accompagné par les animatrices. Il y a deux types d’ateliers : ceux qui sont proposés par les habitants — comme la création de meubles en palettes, la restauration de meubles, la fabrication d’une machine à laver à pédale… — et ceux qui sont nécessaires pour la vie associative, comme le netto-yage d’objets, le rangement ou la signalisation. La ressourcerie est ouverte à tous, sa vocation étant intercommunale.
Ce mercredi-là, plusieurs curieux découvrent les lieux. Souvent, ces nouvelles têtes passent déposer ou acheter des vêtements à l’association Active, juste à coté. Ils en profitent pour s’arrêter ici. Sophie et Fabienne prennent soin d’accueillir chacun. Elles proposent même une petite visite guidée. « Si vous avez une ou deux heures de libre, n’hésitez pas à venir donner un coup de main. Vous pouvez aussi apporter vos objets cassés et apprendre à les réparer », explique Fabienne à Ali, un curieux de passage. Elle lui montre l’espace bricolage, rempli d’outils collectés auprès des gens. « Wahou, c’est super ! », s’exclame cet habitant du Sanitas, qui a meublé tout son appartement avec des objets trouvés dans la rue. Car la ressourcerie, c’est un petit paradis pour les bricoleurs : du matériel, de l’espace et surtout, la liberté de faire du bruit et des saletés ! Ali reviendra sûrement pour réparer sa console de jeux. Il pourra demander conseil à Frédéric, un spécialiste. « Notre rôle, c’est de mettre les gens en lien. C’est extraordinaire, toutes les compétences que l’on peut trouver au sein de notre réseau de bénévoles, s’enthousiasme Fabienne. Et puis l’objet devient aussi prétexte à la rencontre, à l’échange et à la création. »

Autour d’une pause café, c’est aussi du lien social que les gens viennent chercher. Comme tous les objets peu abîmés, la lanterne nettoyée par Annie devrait rapidement trouver sa place dans la boutique. L’espace, bien rangé, tranche avec le bricà- brac de l’atelier. « Les objets que nous vendons sont toujours propres et en très bon état. Nous sommes là pour les mettre en valeur, donner envie de les acheter, un peu comme s’ils étaient neufs », estime Fabienne. Certains articles, comme les livres et les DVD, sont à prix libre tandis que d’autres, comme la vaisselle, disposent d’une pastille de couleur, du jaune (20 centimes) au rose (3 euros). La boutique doit devenir la source de financement principale de l’association. Car l’argent reste le nerf de la guerre… En tout cas, ce ne sont pas les idées qui manquent. Avec son immeuble de quatre niveaux et ses 750 m² exploitables, la ressourcerie dispose d’un sacré potentiel. Dans les étages sont prévus des « ateliers propres », comme la couture, l’informatique ou la réparation du petit matériel électroménager. L’association a obtenu un financement du Conseil régional dans le cadre d’un appel à projet sur l’économie circulaire : 30 000 euros sur trois ans pour des investissements. Une autre demande est en cours auprès de l’agglomération Tours Plus, sur l’éducation à l’environnement. Le projet : proposer aux enfants de réparer leur jouet cassé ou de démonter des objets de la vie quotidienne pour comprendre leur fonctionnement.

« Nous lançons notre activité auprès des particuliers, mais nous sommes déjà sollicités par d’autres structures, comme des centres de loisirs ou des centres sociaux, pour animer des ateliers », précise Sophie. Aussi, les deux animatrices aimeraient bien monter un bar associatif, pour animer un peu le quartier : « Il faut rêver, sinon on ne fait rien ! » Une philosophie de vie qui semble plaire à Charp’, le singe mascotte de la ressourcerie : des écouteurs sur les oreilles et une peluche Kiki dans la poche de son pantalon bleu, il pose à l’entrée de l’atelier, déjà prêt à faire le pilier de comptoir.

Nathalie Picard

COMMENT ÇA MARCHE ? Une chaise cassée, une lampe démodée, un sèche-cheveux hors-service… Plutôt que de jeter, apportez vos objets à la ressourcerie. Vous pourrez vous en débarrasser ou apprendre à les réparer. Et profitez-en pour faire un petit tour à la boutique !

À la boutique, Fabienne est en pleine réflexion : comment agencer au mieux l’étagère pour mettre en valeur ces verres à vin ?
À la boutique, Fabienne est en pleine réflexion : comment agencer au mieux l’étagère pour mettre en valeur ces verres à vin ?

101 C’est le nombre d’adhérents qui soutiennent déjà l’association, créée fin 2014. Aménager les locaux, fabriquer des étagères, nettoyer, animer un atelier, préparer la fête de soutien… Les activités ne manquent pas et toutes les bonnes volontés sont les bienvenues.

LA CHARPENTIÈRE ? « Nous avons choisi ce nom en référence à la structure porteuse d’un arbre, solide et ancrée sur le territoire, comme notre projet. Sur les branches plus fines, les habitants s’épanouissent, libres de réparer, créer et d’échanger. » Sophie Robin.

La folie greeters : voir sa ville autrement

Découvrir une ville gratuitement aux côtés d’un habitant bénévole séduit de plus en plus de touristes. À l’arrivée, ils repartent avec bons plans et bonnes adresses.

Jardin des Beaux-Arts, cathédrale, château, vieux-Tours… Tout y passe. (Photo tmv)

« Tourangeau de cœur depuis maintenant 20 ans, la ville m’a adopté et je souhaite vous la faire découvrir lors d’une balade tout en convivialité et simplicité. » C’est cette annonce de Patrick qui a séduit Toshio et Shoko, sur un site de rencontres bien particulier. Sur tours-greeters. fr, ces retraités japonais l’ont choisi pour une découverte gratuite de la ville. Le rendez-vous est pris, Patrick va les « greeter ». Ce concept de tourisme participatif venu tout droit des États-Unis est en vogue. À Tours, il a vu le jour en 2012, à l’initiative de l’office de tourisme. Patrick Chabault était alors l’un des premiers greeters. « J’ai découvert ce principe grâce à une annonce postée sur Facebook par l’office de tourisme, ça m’a tout de suite tenté ! » Aujourd’hui, il est l’un des 40 ambassadeurs tourangeaux.
Avec Toshio et Shoko, c’est la première fois que Patrick greete des étrangers. Point de départ : l’office de tourisme. Sac sur le dos, lunettes de soleil sur le nez, le quadragénaire arbore fièrement son badge de greeter. « Alors, que vous voulez-vous voir de la ville ? » questionne-t-il, avec un sourire aux lèvres qui ne le quittera pas de la matinée. « On s’adapte aux demandes des personnes et les circuits varient aussi selon les centres d’intérêts et les connaissances des greeters. Aucune balade n’est identique », nous explique le guide amateur, à qui le couple a donné carte blanche. Au programme, ce sera donc un circuit vers les lieux emblématiques de la ville.

Premier virage au jardin des beaux arts, où les attend le célèbre Fritz. Un éléphant empaillé devenu mascotte tourangelle : « Le cirque Bailey en a fait don à la ville de Tours. La bête de 7 tonnes a été tuée car l’éléphant devenait fou et avait déjà causé la mort d’une personne », narre Patrick, sous le regard un brin inquiet de Shoko. Une pause photo s’impose. Puis, le greeter et ses deux compagnons de route prennent le chemin de la cathédrale Saint-Gatien. Outre les quelques explications historiques de Patrick, le lieu offre surtout la possibilité d’échanger avec le couple. Sur les croyances, la religion. « Être greeter permet de partager. Les balades sont avant tout des rencontres », explique Patrick, qui n’est pas prêt d’oublier celle avec Toshio.
Tour à tour, ces deux-là se livrent leur passé. L’un travaillait dans une usine d’ustensiles de cuisine à Tokyo avant de prendre sa retraite, il y a sept ans. L’autre était téléconseiller à Tours avant de perdre son emploi, il y a trois ans. Au chômage, Patrick trouve alors dans son activité de greeter un bon moyen de passer le temps et de faire découvrir « son petit Paris », pour lequel il est passionné. « C’est une ville géniale ! », ne cesse-t-il de répéter pendant les deux heures de balade avec Toshio et Shoko.

« Être greeter permet de partager. Les balades sont avant tout des rencontres. »

(Photo tmv)

En vacances en France pour deux semaines, le couple découvre le concept des greeters en même temps qu’il découvre la ville, son église Saint-Julien et son château. Patrick leur fait voir les coins de Tours qu’il affectionne. Il les balade ainsi des bords de Loire à la rue Colbert. Toujours soucieux du bien-être des touristes. « Ça vous plaît ? Madame, on ne marche pas trop vite ? » En guise de réponse, Shoko fait non de la tête, sourit et rattrape les deux hommes déjà emmanchés sous le passage du Coeur Navré. « C’était le passage emprunté par les condamnés à mort, au Moyen Âge, pour se rendre place du Foire le Roi où avaient lieu les exécutions. » Madame n’a pas compris, Toshio se charge alors de traduire l’explication de Patrick en japonais. Si elle effraie un peu la Japonaise, cette dernière retrouve de la sérénité à la Fontaine des Amoureux. Là encore, Patrick n’est pas là pour en conter l’histoire, qu’il ne connaît pas spécifiquement. « C’est ce qui différencie les greeters des guides-conférenciers professionnels, le greeter adopte plutôt une posture d’ami qui partage ses bons plans, ses bonnes adresses, explique Frédérique Noël, responsable des greeters à l’office de tourisme. Par respect pour la profession, nous parlons d’ailleurs de balades ou découvertes plutôt que de visites. »
Pourtant, le circuit emprunté par Patrick a – a priori – tout l’air d’une visite traditionnelle. Preuve en est, la prochaine halte se fait devant la basilique Saint-Martin. Où Patrick se livre à un petit commentaire : « Mon frère habitait l’appartement juste en face, il avait une vue imprenable sur cette basilique depuis sa baignoire ! » Finalement, cette balade se déroule vraiment hors des sentiers battus. Les anecdotes se multiplient, faisant sourire Toshio et Shoko. Devant The Shamrock notamment, « le bar où j’ai bu ma première bière lorsque je suis arrivé à Tours ! » À l’époque, Patrick était étudiant en licence d’administration économique et sociale (AES). Aujourd’hui, à 41 ans, il aimerait reprendre le chemin de l’école, pour passer une formation en tourisme : « Une vocation est née. »

Pour devenir greeter, aucun diplôme n’est exigé. Il suffit d’être passionné par sa ville. C’est ainsi que Margot, 22 ans, a intégré la course en septembre dernier. Étudiante en histoire de l’art, elle propose des circuits axés sur l’analyse de l’architecture urbaine et les activités culturelles. « Je greete une fois par mois environ, c’est une réelle pause dans mes études. Je fais des rencontres exceptionnelles que je n’aurais pas pu faire autrement. Je me souviens notamment d’un greet, avec une femme handicapée moteur. Il fallait penser le circuit pour qu’elle puisse se déplacer sans problème avec son fauteuil roulant. » Une autre fois, sa balade s’est prolongée autour d’un café et a duré quatre heures, le double de ce qui était initialement prévu.
Toshio et Shoko, eux, avant de repartir s’installent avec leur greeter sur une terrasse de l’emblématique place Plum’. Histoire de poursuivre leur échange autour d’un mets français. L’occasion pour Patrick, de leur raconter une dernière anecdote : « Il y a quelques mois, j’ai greeté un couple et ils ont tellement apprécié Tours que peu de temps après, ils s’y sont installés ! » Toshio regarde Shoko d’un oeil amusé. Pas sûr que ces deux là soient prêts à quitter Tokyo…

GREETER ?
Ce terme vient du verbe anglais « to greet » qui signifie accueillir. Les greeters sont des passionnés de leur ville qui la font découvrir bénévolement aux touristes. Les balades constituent avant tout un moment d’échanges entre le greeter et un groupe de six personnes maximum.

ORIGINE
En 1992, Lynn Brooks, une New-Yorkaise, lance ce concept de tourisme participatif avec Big Apple Greeters. Son objectif ? Casser l’image négative de sa ville, jugée trop grande et dangereuse, en partageant bénévolement avec les touristes ses bonnes adresses et bons plans.

100
C’est le nombre de destinations dans le monde où les greeters proposent leurs services. Présentes dans les cinq continents, les organisations de greeters sont fédérées dans un réseau international GGN. La France est le pays qui a le plus adopté ce concept avec 43 villes d’accueil.

>>>ALLER PLUS LOIN
Être greeté Vous souhaitez tenter l’expérience ? Vous trouvez les informations et les contacts nécessaires sur le site tours-greeters.fr ou auprès de l’office de tourisme. Pour un greet hors de Tours, toutes les organisations sont recensées sur globalgreeternetwork.info.

Être greeter L’office de tourisme de Tours Val de Loire recherche des habitants bénévoles de tous âges pour devenir greeter. Si vous souhaitez partager et faire découvrir votre ville, vous pouvez remplir le formulaire sur tours-greeters.fr

Retrouvez l’interview d’une guide-conférencière de Tours qui réagit sur le statut des greeters.

Hellfest : quand l’Enfer est un paradis  [+photos]

Comme l’an dernier, tmv a fait son petit tour au Hellfest, l’un des plus grands festivals de France et LE passage obligé pour tout bon métalleux qui se respecte. Reportage et photos du samedi 20 juin, entre avalanche de décibels, hectolitres de bière, gros barbus, maxi riffs, gens en string ou déguisés et bonne humeur.  

L'entrée du Hellfest a été repensée. (Photo tmv)
L’entrée du Hellfest a été repensée. (Photo tmv)


Reportage

Samedi 20 juin. Le soleil inonde Clisson, petit village près de Nantes. L’air est déjà chaud, mais pas autant que les milliers de métalleux qui se baladent dans les rues. La plupart ont un pack de 6 (ou 12 ou 24 ou 666) sous le bras, histoire de s’hydrater avant une journée brûlante dans l’Enfer du Hellfest. On laisse la voiture sur un petit parking de la gare : « Euh, excusez-moi, mais c’est gratuit pour stationner ? » Une Clissonnaise, la soixantaine, se marre : « Oh bah oui, tout est gratuit ici, ne vous inquiétez pas ! Bon festival ! » Sac à dos + casquette + tee-shirt Necrophagist (un groupe plein de romantisme et d’amour), et c’est parti. Comme l’an dernier, tmv vous fait (re)découvrir le Hellfest.

« A POIIIIIL ! »

C’est marrant, il n’est même pas 11 h et pourtant, sur le site, une fille est étalée par terre, en mode flaque. Elle dort paisiblement au milieu du chemin. Ses potes sont super sympas : ils lui ont dessiné une grosse barbe au feutre noir. C’est ça, l’amitié. Le temps de faire deux, trois photos, c’est parti pour le concert des BUTCHER BABIES. Les chanteuses font l’effet d’une bombe : leurs poitrines généreuses déclenchent quelques réactions de mâle en quête d’amour (« à poiiiiiil », hurle mon voisin). N’empêche que leur gros rock qui tabasse laisse des traces : c’est ultra-simple, mais bien fichu. Efficace et idéal pour se mettre en jambes. D’habitude, les demoiselles font dans la provoc’ en dévoilant leurs seins entre deux riffs de guitare ; ce coup-ci (et n’en déplaise à mon voisin), elles resteront dans le soft. Noël Mammaire likes this.
D’ailleurs, il est toujours aussi agréable de voir la place de plus en plus importante qu’occupent les femmes dans le metal et au Hellfest (jetez un oeil au reportage de nos confrères de France 3 ICI).

Prostitute Disfigurement : une ode à la poésie.
Prostitute Disfigurement : une ode à la poésie.

Pour rester dans la poésie, direction la scène Altar pour causer amour avec PROSTITUTE DISFIGUREMENT (on vous laisse traduire). Pour les connaisseurs, c’est du gros death de bourrin, limite grind. Pour les amateurs, imaginez un rouleau compresseur qui vous passe dessus.  En sortant de là, on a déjà la patate. Pour cette dixième édition, le Hellfest a vu les choses en grand. Les scènes Temple, Altar et Valley sont carrément plus grandes que les années précédentes. Du luxe, vu qu’habituellement, elles rameutaient tellement de monde qu’on était davantage comme des sardines (Patrick Sébastien, si tu nous lis), tous collés les uns aux autres pleins de sueur (c’est ça, la fraternité).
Serrés, on l’est aussi devant les Mainstage. Les scènes principales ont été totalement relookées : une immense façade avec un poulpe encadre un des écrans géants, tout est dans un style old-school. Non seulement c’est magnifique, mais ça permet aussi de se faire une petite dose de vintage avec THE ANSWER. Groupe de hard rock d’Irlande du Nord (ça s’entend), ils sont influencés par Led Zep et AC/DC (ça s’entend aussi). Grosse ambiance, gros son, gros solos. Mince, je viens de perdre 10 litres de sueur. Vite, bière.  Eh oui, la bière permet de tenir, de vivre. De survivre même. Kronenbourg, fidèle au Hellfest depuis des années, y balance environ 900 000 bières. Il y a quelque temps, Christine Boutin, pas vraiment amie-amie du festival, avait écrit au PDG de la célèbre marque de bière pour lui demander expressément de boycotter le Hellfest. On ne comprend toujours pas pourquoi c’est resté lettre morte…

DU LIBAN A CLISSON

Après la pause, on se nettoie les esgourdes avec THE WOUNDED KINGS. C’est doom (comprenez trèèès lent), ça vous écrase doucement mais sûrement. On regrettera le peu de variation dans la voix, mais les Anglais savent y faire : le public les acclame, ravi.  Tandis qu’ACE FREHLEY connu pour sa place au sein de Kiss, décoche son hard rock old-school, nos yeux vagabondent sur l’immense espace du Hellfest. Parfois moqué et appelé « le Disneyland du métalleux », force est de constater que les décors sont de nouveau sublimes cette année. Et qu’il n’existe aucun équivalent en France (le Hellfest peut d’ailleurs se targuer d’avoir été élu meilleur festival en France, devant les Vieilles Charrues).
Sur l’herbe (qui, ô miracle, est toujours là), d’immenses os qui servent de bancs. Des crânes, une main géante faisant le signe du metal, un skatepark (!), une grande roue (!!), une cathédrale décorée façon Hellfest pour l’entrée du festival (!!!)… Tout est pensé, stylisé à l’extrême : comme en 2014, il y a une ville dans le Hellfest. Un coin calqué sur le Camden de Londres, où on rivalise à coup de tatouages, de karaoké-bourré ou encore de fringues, véritable paradis pour refaire sa garde-robe (ça tombe bien, il me manquait un slip Cannibal Corpse). Dans ce véritable petit monde, les allées vomissent des hordes de métalleux. Tout le monde a le sourire, la pêche, la banane ou n’importe quel fruit. On discute avec un Libanais, un Canadien et même un Brésilien. Ils ont fait le déplacement exprès, quitte à tuer toutes leurs économies. « But hey man, it’s Hellfest ! », qu’il nous lance. Pas faux.

Sans titr2eAprès avoir regardé quelques minutes les excellents ONSLAUGHT (dix fois plus brutal que sur album), place à AIRBOURNE. On vous explique la bête : le groupe australien est une copie plus jeune et encore plus énergique d’AC/DC. Véritable bulldozer scénique, leur réputation n’est plus à faire. Et ça se voit… le site est noir de monde, impossible de s’approcher, la masse est grouillante. Mini-crise lorsque le son pète… Argh, instant gênant où Joel O’Keefe, le chanteur survolté (en général, il escalade les échafaudages des scènes et tape un solo à 10 m de hauteur), martyrise sa guitare et son micro et s’éclate une bière sur le crâne… sans s’apercevoir que le son a sauté. Rock’n’roll !
Pas de problème côté sono, en revanche, pour AHAB. Musique pachydermique, broyant vos os, vos cervicales : la rythmique est une chape de plomb, s’abattant et plongeant la fosse dans les ténèbres, dans une transe hallucinante. Passant d’une voix gutturale, du fin fond des entrailles de l’Enfer, à des envolées douces et planantes, Daniel Drost nous fait partir dans un voyage terrible, magnifique, terrifiant, mais beau. Le public sort de là, sonné. Wow…  Retour sous le soleil avec SLASH. Balançant quelques missiles pas forcément explosifs de son dernier album, le guitariste haut-de-forme n’est jamais aussi plaisant que quand il retourne dans le passé… en jouant ses tubes accouchés lors de la période Guns ‘n’ Roses. Autant vous dire qu’un Sweet child o’mine ou Paradise City ont le don de filer une sacrée chair de poule.

CARESSE-MOI LA BARBE

ZZ Top : la barbe leur va si bien.
ZZ Top : la barbe leur va si bien.

Pendant qu’on frôle l’émeute à BODY COUNT (le groupe de rap un peu rock, ou rock un peu rap qui a le « New York unité spéciale » Ice-T comme leader), en raison d’un ratio 100000 personnes pour 2 mètres carrés, KILLING JOKE ratatine la scène principale. Les pionniers de la vague post-punk/new wave enchaînent les hymnes dévastateurs. Une claque. À croire que les vétérans ont la cote, c’est une foule immense qui se presse devant ZZ TOP. Les célèbres barbus, annoncés à l’aide d’une cloche et d’un « here comes ZZ Top from Texas », se voient submergés par le public qui chante comme un seul homme un Gimme all your lovin’ d’anthologie {Instant savoir pour briller en société : le batteur du groupe est le seul à ne pas être barbu. Pourtant, son nom de famille est « Beard », soit « barbe » en anglais. Bisous}
La transition est étrange mais jouissive, avec ORANGE GOBLIN. Les Anglais, véritables stars du festival devant leur mur d’amplis Marshall et Orange, sont d’une sincérité désarmante. Sous la tente, on sue à grosses gouttes en s’explosant les cervicales sur leur gros stoner dégoulinant de riffs délicieux. Le géant Ben Ward et ses 2 mètres attire tous les regards, ne cesse d’enquiller les bières et d’en cracher en l’air (petite douche gratos, qui s’en plaindrait ?). Un véritable passage dans la machine à laver, programme essorage ultra-rapide-dans-ta-face. (pour info, une petite vidéo du groupe cette année ICI)

METAL ET BISOUNOURS

Lectrice, lecteur, ne nous leurrons pas : le métalleux est un Bisounours. C’est moi qui vous le dis. Pourtant, je suis moi-même un adepte de Satan et des sacrifices de chauve-souris les soirs de pleine lune en buvant du sang de vierge (quoi ? Les clichés ont la peau dure malheureusement dans le metal). Bref, le métalleux n’est qu’une gentille petite bête pleine de poils, hyper respectueuse (il n’y a jamais d’incidents au festival ou même à Clisson), qui rote très fort mais adore verser sa petite larmichette.
C’est ce qui est arrivé à 23 h… Quand le Hellfest, pour fêter ses 10 ans, a fait péter un feu d’artifice tout simplement magique. Durant un quart d’heure. Avec un final interminable et incroyable (zieute donc la vidéo ci-dessous, si tu l’oses). Et que dire quand 50 000 métalleux lèvent leurs bières devant ce feu d’artifices grandiose et chantent en choeur, d’une seule et même voix, le « Bohemian Rhapsody » de Queen que le festival a décidé de faire cracher volume 666 ? Nous, on a failli verser une larme. C’était une larme de bière, mais même.
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CaptureInstant émotion, toujours, quand SCORPIONS envoie un Wings of change de toute beauté. Certains pleurent, d’autres se prennent dans les bras. Orgie de câlins aussi, durant un Stiiiill looooviiiin’ youuuu repris par toute la foule, tandis que d’autres feux d’artifices illuminent le ciel. On ne misait pas un kopek sur les Teutons, mais la bande à Klaus Meine nous a piqués sévère.
Pour finir un samedi en Enfer, quoi de mieux que rencontrer l’auto-proclamé Antéchrist ? Sieur MARILYN MANSON clôt la journée, grosse guitare en avant, façon mur du son. Le m’sieur a beau être un chouïa désintéressé (les pauses entre les morceaux s’éternisent), voire peut-être un peu imbibé, il reste magnétique, charismatique au possible.  Tandis que les notes résonnent encore, nos jambes poilues ne tiennent plus toutes seules. La nuit est tombée.

Une fois de plus, le Hellfest a tenu ses promesses et apporté une bouffée d’air frais et de la bonne humeur comme personne. Une fois de plus, le Hellfest était en fait le Paradis.

NOTRE GALERIE PHOTOS

>>Retrouvez le diaporama photos des groupes du samedi, par Eric Pollet (La Nouvelle République)

>>Pour plus de photos, un tour sur le Facebook officiel du Hellfest.

>>Remerciements à Ben Barbaud, Roger, aux 3 000 bénévoles du Hellfest, mais aussi à TOUS les Clissonnais(es) !

Joué-lès-Tours : Les entreprises appuient sur le Start’ère

L’appellation semble obscure pour beaucoup : la pépinière d’entreprises Start’ère, à Joué-lès-Tours, est pourtant un véritable lieu d’innovation. Visite guidée d’un endroit rempli de jeunes entrepreneurs et bouillonnant d’idées.

Avec Antoine Lagarde, c’est Game of drones.
Avec Antoine Lagarde, c’est Game of drones.

Le bâtiment trône rue Mansart. Murs gris, grilles jaunes et de gros carrés rouge pétant. Ce jeudi matin, le soleil inonde le stade Jean-Bouin qui fait face à Start’ère, la pépinière d’entreprises de Joué-lès-Tours. À ses pieds, le tram’ dispose de rares passagers. Un calme qui contraste avec ce petit monde qui bouge à Start’ère. Une trentaine de bureaux modulables, allant de 15 à 50 m2, y abritent les jeunes start-up innovantes de Touraine. « Start’ère, c’est le coup de boost au démarrage. » La formule de Pierre- Guy Bichot claque comme une phrase marketing. Jolie et bien troussée. Mais force est de constater qu’elle vise juste.
Pierre-Guy Bichot est le directeur de la pépinière d’entreprises de Joué-lès-Tours, mais aussi de celle de Tours, au Sanitas. Petite barbe taillée au millimètre, lunettes carrées, poignée de main franche quand il nous accueille. Quand il raconte la genèse de Start’ère (lire notre interview), il triture sa bague, semble ravi de faire découvrir l’endroit. Ravi, aussi, quand on lui fait remarquer que Joué est loin de n’être qu’une banale cité-dortoir. La deuxième ville du département a redoublé d’attractivité depuis que les jeunes entrepreneurs du coin se bousculent pour avoir leurs locaux ici. Dans leur tête, une idée ; dans leur sac, un projet.

LE DRONE TE DONNE DES AILES
Créée par Tour(s) plus et inaugurée en 2012, la pépinière compte trois étages. Ici, ce sont quatorze start-up qui bénéficient d’une aide et d’un accompagnement. Start’ère, comme son nom l’indique, serait donc une aide au démarrage pour les entreprises. Un tremplin ? Antoine Machon confirme. À 26 ans, lui et Antoine Lagarde, même âge, gèrent Drone Contrast. Ce jour-là, ils bidouillent un énorme drone, sur lequel ils essayent de faire tenir une caméra. De loin, la bête fait penser à une grosse araignée. Ces deux ex-ingénieurs, aidés de leurs coéquipiers, travaillent dur. Carburent au RedBull®. Entre deux essais, Antoine Machon prend quelques minutes pour raconter le lancement de leur projet, en mai 2014 : « On était passionnés des drones et c’était aussi la naissance du drone commercial. » Ajoutez à ça « l’envie d’entreprendre » et les deux Antoine se retrouvent ici, à Joué. « On a non seulement trouvé un accompagnement, mais aussi des locaux moins chers. On ne se fait pas écraser par les charges dès le début… » La conception et la fabrication de drones pour le cinéma et la vidéo occupent une grande partie de leur temps. Mais ils forment aussi des gens qui veulent être télépilotes de drones et louent leurs services « à la publicité, l’industrie, le tourisme… On fait aussi des prises de vue thermique ! »

La guitare créée par Atalow : fais péter les watts !
La guitare créée par Atalow : fais péter les watts !

Ce sont leurs drones qui ont survolé le festival Aucard de Tours, l’an dernier. L’initiative avait fait grincer quelques dents : « On entend toujours davantage ceux qui râlent ! Et puis, quand tout le monde a vu les images, ils ont compris qu’il n’y avait pas de quoi s’inquiéter. On voit l’endroit, mais on ne reconnaît personne. » Quand on lui pose la question de la violation de la vie privée, Antoine réfute en bloc : « Déjà, ce n’est pas un lieu privé. Ensuite, il y a souvent des gens qui ne veulent pas être filmés par un drone, mais qui vont l’être durant tout le festival pendant les concerts, etc. » Le jeune entrepreneur pense que les mentalités bougeront. « Nous, ce n’est pas de l’espionnage, ce sont juste de nouveaux outils. » Drone Contrast se porte bien, d’après son créateur. Même le chiffre d’affaires en ferait rougir certains. « Et on peut même se verser des salaires maintenant. »

EFFETS SPÉCIAUX, COACH ET SILO
Atalow, lui, n’en est peut-être pas encore là. Inutile de connaître son identité ou son âge, il ne le souhaite pas et vous n’aurez que son pseudo. On peut simplement dire qu’Atalow paraît plutôt jeune et surtout, qu’il est bigrement doué. Scotché à son PC, celui qui est arrivé il y a à peine deux semaines, nous montre toutes ses prouesses. Tronatic, studio, c’est le nom de son bébé. Atalow baigne dans la marmite de l’imagerie numérique. Pro de la 3D et des effets spéciaux, il est capable de créer un pot à crayons qu’il fera naître par imprimante 3D… comme il peut réaliser une guitare futuriste ou une cuisine moderne à l’extrême. Dans la vidéo postée sur son site tronatic-studio.com, il montre l’étendue de ses capacités pour les VFX, les effets visuels : une table de salon qui se fait la malle, une explosion qui souffle tout, une voiture ultra-design… « Être ici, c’est une ambiance. Je suis tout nouveau, mais j’ai déjà des potes. Tout le monde est sympa, mais professionnel. Et là… j’ai un bureau ! », se réjouit-il. Idéal pour « concrétiser ses idées ».

Autre étage, autre ambiance. Plus studieuse (quoique… !), la fine équipe d’ESA Coaching se prépare à réaliser une « petite vidéo marketing », sourit Emmanuel Moyer, 38 ans. Dans ce grand bureau lumineux, il y a la co-gérante Agnès Mailhebiau Couzinet, 45 ans, et ses collègues Charles Ouedraogo et Sarah Lesellier, 19 ans. « On ne communique plus comme avant. On ne travaille plus comme avant », pose Emmanuel Moyer. D’où sa start-up qui forme à la posture de coaching, s’adresse à des personnes en poste qui souhaitent évoluer dans leurs fonctions d’encadrant ou d’accompagnateur. « On a créé un cursus de 6 mois pour repartir avec les outils. À la fin, les futurs coachs sont opérationnels. On ne va pas se mentir, la pépinière était attractive niveau loyers. Mais l’endroit crée aussi une émulation, on rencontre de jeunes entrepreneurs », justifie Agnès Mailhebiau Couzinet. « Et on reçoit beaucoup de conseils. Il y a de l’entraide », ajoute Sarah Lesellier.

L’équipe d’ESA Coaching s’entraîne dur.
L’équipe d’ESA Coaching s’entraîne dur.

L’entraide, c’est d’ailleurs le mot qui revient constamment ici. Dans les couloirs, on se croise, on se salue. Les portes sont souvent ouvertes. « Parfois, on mange aussi tous ensemble à la cafèt’, ça aide », souligne Raphaël Autale, le boss de Tekin. Il est arrivé dans ces 25 m2 avec son équipe le 20 avril. Le fondateur de Tekin, entrepreneur quadra auparavant basé sur Tours Nord, travaille avec Pascal Micoud, son collaborateur, 45 ans, avec qui il va fusionner son entreprise. Près de la fenêtre, deux stagiaires pianotent sur l’ordinateur : « Quentin et Pierre ne sont pas là pour faire des photocopies ! », plaisante Raphaël Autale. Ensemble, ils travaillent sur le développement d’objets connectés pour les entreprises. « En ce moment, c’est pour l’agriculture, avec une application qui permet de surveiller son silo à distance. En fait, on amène la technologie pour faciliter le travail. »
L’équipe insiste sur le côté « pratico- pratique » de Start’ère. « Il y a cette proximité avec les entrepreneurs. L’écosystème de la pépinière est propice à l’innovation. » Tekin, lauréat du concours Attract Tours Awards cette année, répète aussi la facilité à s’installer : « Quand j’étais sur Tours Nord, j’ai eu un souci d’Internet. Cela a duré trois mois ! Et je n’ai jamais reçu ma box, d’ailleurs… Ici, tout est beaucoup plus simple. » La visite s’achève. Dans les couloirs, les portes sont toujours ouvertes. Dehors, le soleil brille encore, mais la rue Mansart est toujours aussi calme. Au numéro 27, la fourmilière continue de travailler.

LES PRÉSENTATIONS
Start’ère compte vingt-neuf bureaux tout neuf, répartis sur trois étages colorés. Il y a un secrétariat commun, deux salles de réunion, un espace de coworking, une cafétéria, le tout équipé de la fibre optique pour Internet. Trente-cinq personnes travaillent ici

14 C’est le nombre d’entreprises à la pépinière de Joué-lès-Tours. Outre celles citées dans notre article, figurent aussi Agri NPK, e-stoires, Connect services, International food solution, KDN animation, PLC Centre, Pygmatec, SPS, Technigrain, Antikorp et Tours 2 mains.

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Reportage : au cœur de Chrétiens migrants

Depuis 1997, l’association tourangelle Chrétiens migrants aide les sans-papiers dans leurs démarches, le logement et la nourriture.

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Un immeuble en plein cœur du Sanitas, au rez-de-chaussée. Derrière la porte, une file d’attente est déjà formée. Dans le bureau, Rose-Marie est penchée sur une feuille qu’elle s’applique consciencieusement à remplir. Bénévole depuis 15 ans dans l’association à Chrétiens migrants, elle aide tous les jours des dizaines de personnes avec leurs problèmes administratifs. Elle décrypte pour eux les démarches souvent compliquées à réaliser. Demande d’aide, trouver un logement, arrivée en France, rendez-vous à la préfecture, conseil pour trouver une formation, elle est au centre de l’avenir de centaines de familles à Tours.

Devant elle, Bandele *, 17 ans : ce Burkinabais a fui son pays voilà plusieurs années. Il a atterri en France en 2015. Ensemble, ils retracent son parcours à travers l’Afrique pour faire la demande d’asile. Le jeune homme donne des détails, les mois qu’il a dû passer à travailler dans la maçonnerie avant d’avoir assez d’argent pour continuer. Rose-Marie retranscrit les noms de pays, les dates, pose des questions pour essayer de rendre la demande de son parcours le plus claire possible. Autour d’elle, s’amoncellent des piles de dossiers roses, verts, marrons… Chaque personne qui passe dans son bureau a droit au sien. Pas d’ordinateur, un simple téléphone permet à Rose-Marie de travailler. Elle se rappelle de tout, des noms des réfugiés, des procédures, des circulaires. Au bout de 20 minutes, Bandele repart.

La bénévole plie les feuilles avant de les introduire dans une enveloppe qu’elle enverra à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides. Dans le couloir, ça se bouscule un peu, un des visiteurs prend des bouts de papiers disposés dans un coin du bureau sur lesquels sont inscrits des chiffres. Il les distribue dans l’ordre d’arrivée, pour éviter les malentendus. Deux hommes rentrent dans le bureau : « On aimerait être conseillés pour une sortie de prison. » Rose-Marie : « Ah non, je ne m’occupe pas de ça. Attendez, je vais vous donner le numéro de portable de la personne qui pourra vous aider. » Elle ouvre un des répertoires disposés à côté d’elle, écrit le numéro et donne le bout de papier.
Son téléphone sonne. « Oui ? C’est qui ? Bonjour ! ça va ? Pas de problème, passez vendredi, demain je ne serai pas là le matin. Très bien. » Pas de mots inutiles. S’avance alors, vers elle, un garçon. Il s’exprime difficilement en français : « Ma maman ne peut pas venir, elle est très fatiguée. » Il sort de son sac à dos un classeur et en sort des ordonnances. « D’accord, tu dois aller chez l’opticien pour acheter ça. Hum. Je peux vous accompagner samedi, mais pas avant. Tu le diras à ta maman. » Elle répète à plusieurs reprises la phrase. Le garçon acquiesce au bout d’un moment. Il est 15 h et la file d’attente s’allonge encore.

TMV déménage en Suisse (ce week-end) !

Du 2 au 5 avril, le festival Electron s’installe dans le centre-ville de Genève. Comme tmv est de passage en Suisse on vous va vous raconter pourquoi c’est l’événement européen électro de ce début année.

Les adeptes de musique électro connaissent le Sonar à Barcelone, le Berlin festival, le Love Box de Londres… Mais depuis quelques années, un autre festival pointe le bout de son nez dans la carte des événements du genre. Installé en plein centre de Genève, le festival Electron invite cette année plus d’une trentaine d’artistes. SBTRKT, DJ Kozz, Lil’Louis, The Hacker, Squarepusher… les DJ se bousculent sur l’affiche suisse.

Et Boysnoize ne s’y trompe pas, Alexander Ridha fêtera les 10 ans de son label à Electron.

[nrm_embed]<blockquote class= »twitter-tweet » lang= »en »><p>&gt; &gt; &gt; Radio Electron Episode 1 &gt; &gt; &gt; STRIP STEVE qui se produira demain avec toute l&#39;équipe de Boysnoize Records… <a href= »http://t.co/Tec0SfP8at »>http://t.co/Tec0SfP8at</a></p>&mdash; ELECTRON /HEADFUN (@electronfest) <a href= »https://twitter.com/electronfest/status/583354236722905088″>April 1, 2015</a></blockquote> <script async src= »//platform.twitter.com/widgets.js » charset= »utf-8″></script>[/nrm_embed]

Et comme nous aimons vous faire plaisir, un de nos journalistes va prendre le train (oui, le TGV même) pour vous raconter ce qu’il a entendu et vu pendant les deux jours où il sera sur place. Parce qu’électron, c’est aussi des expos, des performances, de l’art contemporain à gogo. Alors, rendez-vous ce week-end.

[youtube]https://youtu.be/6l4tTphPmi8[/youtube]

Plus d’infos sur electronfestival.ch/2015/

Reportage : à bord de l’Hermione

Alors que L’Hermione s’apprête à prendre le large pour rejoindre les États-Unis, tmv est allé à la rencontre de ceux qui vibrent au rythme de ce navire d’exception.

Photo de Patrick Lavaud
Photo de Patrick Lavaud

Belle, majestueuse, royale… La dame en question est une célèbre frégate du XVIIIe siècle. Dans le bassin des Chalutiers, on ne voit qu’elle. La fierté rochefortaise dont tout le monde parle : L’Hermione. Depuis le 22 février, le trois mâts a jeté l’ancre à La Rochelle (1). Dernière ville où le navire fait escale avant sa grande traversée jusqu’aux Amériques.

Mais avant de mettre le cap sur les États-Unis, l’heure est aux derniers préparatifs. À bord, pas le temps de chômer. Avant le départ, il faut encore s’occuper des mâts de perroquets, des vergues, des cordages, de l’installation des voiles… Les bénévoles et les membres de l’équipage sont donc sur le pied de guerre, même si tous ne sont pas présents. « Les bénévoles ne peuvent pas tous arrêter leur activité professionnelle pendant plusieurs mois. C’est essentiellement les marins professionnels qui sont là. Les gabiers se relaient pour leur prêter main forte » explique Marine Villartay, de l’Association L’Hermione- La Fayette. Elle est là, la magie de ce voyage. La grande majorité de l’équipage est loin d’être expérimentée. Alors qu’au XVIIIe siècle, l’équipage de L’Hermione se composait de 196 hommes, la version XXIe siècle a été réduite à 78 personnes à bord avec seulement 17 marins professionnels.
Les gabiers, les jeunes recrues volontaires — un tiers de femmes, moyenne d’âge 27 ans — composent la majorité des troupes. C’est sur eux que repose la réalisation des manœuvres manuelles. Eux que l’on voit grimper là-haut sur les gréements tels des acrobates sous les regards émerveillés et le crépitement des flashs rochelais. « On est habitués. La difficulté, c’est de constamment faire attention avec le matériel, les cordages… C’est un bon exercice car en navigation c’est pareil, il faut toujours être vigilant », assure Nicolas Chambon, 26 ans, gabier volontaire. Cet étudiant en gestion à La Rochelle, fait partie des 160 gabiers élus pour la traversée – en mer ils ne seront que 54 pour permettre un roulement au cours des différentes escales (cf. carte). Un rêve de gosse devenu réalité pour ce jeune Rochefortais. « J’ai suivi la construction du bateau depuis tout petit. Tous les ans, c’était la sortie familiale. Nous allions visiter le chantier. » Alors, quand il a appris le recrutement de volontaires, le jeune homme n’a pas hésité une seule seconde avant de postuler, conscient de pouvoir vivre « une aventure unique dans sa vie ». Il a mis ses études en stand by pour profiter du voyage. Et aujourd’hui, il se retrouve à grimper de nombreuses fois par jour à plusieurs mètres de hauteur.

Des efforts intenses qui nécessitent d’être en forme. « C’est sûr, c’est très physique. Au début, le plus dur pour moi, c’était de monter sur les gambes de revers, maintenant ça va », sourit Mélanie Le Floch, les cordages plein les bras. À 25 ans, ce gabier volontaire n’en revient toujours pas d’avoir été sélectionnée parmi les 800 candidatures. « Je ne suis pas une voileuse. Je ne pensais pas avoir ma chance. C’est ça qui est bien ici. C’est que contrairement à d’autres équipages, où les gens sont mutés, nous on a tous choisi d’être là. »

lexiqueJustement pourquoi est-elle là ? « Pour le côté historique. J’avais visité le bateau en août 2013 et au cours de la visite, j’ai appris que l’association cherchait des volontaires. » La jeune femme a pris sa plus belle plume pour écrire sa lettre de motivation et préparer son CV. Bingo ! Candidature retenue. Si Mélanie a été recrutée comme ses camarades, c’est parce qu’elle a réussi l’épreuve test : monter dans la mâture sans avoir le vertige. Mais au final, le test de vérité, c’était lors des essais en mer. « Comme beaucoup, j’ai été assez malade. Je n’avais jamais navigué avant. C’est un rythme à prendre. »
Yves Henry, 61 ans, bénévole, ajoute : « C’est pas le Club Med, c’est une discipline quasi militaire, car en mer y’a pas le droit à l’erreur. » Lui, qui fait partie des premiers bénévoles chantier, ne participera pas à la traversée. « Je suis trop vieux maintenant pour un tel voyage », dit -il. Mais qu’importe. Pour lui, l’essentiel est d’avoir participé « à ce projet fou ». À bord, c’est un rythme à prendre notamment pour l’organisme. En mer, les gabiers sont divisés en tiers : bâbord, tribord, milieu. Chaque tiers, partage le même rythme de vie. Les gabiers travaillent 4 h, se reposent 8 h, mangent et reprennent 4 h ainsi de suite. « Du coup, j’ai l’impression de ne faire que manger », plaisante, Mélanie. Question intimité, faudra repasser. Ils sont dix-huit par chambres filles et garçons confondus. Hamacs et bannettes superposés font office de lit.
Et pendant le temps libre, on s’occupe comme on peut. « On fait du yoga, pour se détendre, on joue aux cartes… », confie Thiphaine Gautier, 28 ans, gabier volontaire. Ça change des réseaux sociaux. Mais tous l’assurent : à bord, ils n’ont jamais le temps de s’ennuyer. On les croit sur parole.

 (1) Avant d’être offerte aux yeux des passants, L’Hermione a dû passer plusieurs jours au port de commerce de La Rochelle à la fin janvier, pour y subir des travaux de carénage (inspection de la coque et peinture).

Photo de Patrick Lavaud
Photo de Patrick Lavaud
Photo de Patrick Lavaud
Photo de Patrick Lavaud

A l'hôpital : docteur clown, rire médecin

Sur les traces de Buzz et Molotov, deux clowns de l’association Rire médecin qui interviennent à l’hôpital Clocheville.

Rire médecin
Le clown, c’est une éponge émotionnelle, s’amuse Nolwenn Jézéquel. Il est complètement bête. C’est comme si tout ce qu’il vivait, c’était pour la première fois. Il peut se permettre tout ce que les soignants ou les parents des enfants ne peuvent pas faire. S’il y a une porte à se prendre, ce sera lui qui se la payera. » La comédienne sirote son thé sur la terrasse de la caféteria de l’hôpital Clocheville. Elle n’est pas en costume aujourd’hui. Intermittente, elle parle de son travail à Rire médecin avec passion.
« Tous les clowns sont des acteurs professionnels et mènent une activité à côté. » En face d’elle, Agnès Blondelle. La jeune femme est infirmière et surtout bénévole pour l’association Rire médecin : « Sur Orléans et Tours, nous avons 13 clowns professionnels qui se relaient dans les différents hôpitaux. » Soudain, des gloussements se font entendre au fond de la cour. Buzz et Molotov viennent de faire leur entrée. « Bah, euh, on a eu du mal à vous trouver… », balbutie le plus petit des deux clowns. En plus du traditionnel nez rouge, il porte autour du cou une grande chaîne de pacotille dorée façon rappeur US. Son ami Molotov a les cheveux en pétard, sa grande veste laisse dépasser un petit accordéon usé par les chansons. Nolwenn Jézéquel les salue avec un petit rire et leur fait signe d’enlever leur nez. C’est un geste qui permet au clown de disparaître pour faire place au comédien.
Buzz redevient alors Frédéric Cartillier et Molotov retrouve la voix de Vincent Pensuet. Les deux comédiens orléanais travaillent trois à quatre jours par mois pour Rire médecin. Les duos de clowns changent à chaque fois. « Sans pour autant être classique, nous respectons la tradition. Nous sommes toujours deux, un auguste et un clown blanc, dans les services de l’hôpital, explique Vincent Pensuet. Cela produit plus de jeu et multiplie la vigilance par deux. »

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Shakira et endives
Il est 10 h 30, les deux clowns chaussent de nouveau leur nez. Les voix nasillardes de Buzz et Molotov réapparaissent comme par magie. Une fois passées les portes coulissantes, tous les regards s’arrêtent sur les deux personnages bariolés. « C’est la journée de l’amour aujourd’hui, lance Molotov à une femme de l’accueil. Un petit bisou sur la bouche ? » Molotov a déjà appuyé sur le bouton de l’ascenseur tout en embêtant gentiment un grand bonhomme : « Whouah, il est balèze celui-là ! » Le visiteur sourit quand Molotov lui tâte le biceps. « Buzz, regarde comme il est costaud ! Un peu comme toi, en fait. » Les portes de l’ascenseur s’ouvrent. Direction le service d’oncologie. Buzz et Molotov ne s’arrêtent jamais. Ils regardent tout le monde, rigolent, titillent la moindre personne qu’ils croisent. Parfois lancent un compliment étrange à une infirmière : « Tu sens bon l’endive au jambon toi. »
Rire médecinLe duo rentre enfin dans une chambre. Un couple pouponne leur bébé. Buzz et Molotov entament une petite comptine toute douce. L’ambiance s’apaise d’un seul coup. Une petite fille et son père, sur le lit d’à côté regardent avec de grands yeux les deux énergumènes faire leur show. Au fond, Léa* attend en silence l’infirmier qui effectue une ponction lombaire. L’équipe médicale met en place les instruments, tout le monde porte un masque. Regards concentrés sur la procédure. La petite fille se met sur le flanc pour laisser apparaître son dos. Les deux clowns s’approchent. « Vous connaissez une chanson africaine ? », lancent-ils à l’assemblée. Le nom de Shakira est prononcé entre deux gestes techniques. Buzz et Molotov prennent à parti une infirmière en sortant un petit kalimba et improvise la chanson Waka Waka. Paroles farfelues, les visages se détendent sous les masques de tissus.
Au bout de quelques minutes, la ponction lombaire est terminée. Ils sortent comme ils étaient rentrés, dans un tourbillon de calembours. Dans le couloir, ils croisent un petit garçon avec un chapeau, un gros livre entre les bras. Il est accompagné de sa maman. « Hey, tu te rappelles de nous Antoine ? » Le jeune patient hoche la tête. « On a fait un défilé de mode ensemble, c’était drôlement bien », s’amuse Buzz en tenant son propre chapeau entouré d’une compresse pour faire joli. Molotov s’approche de la maman, pas très à l’aise, « ils sont beaux tes cheveux, on dirait de l’or… »

Aimer l’autre
Buzz et Molotov ne s’arrêtent jamais. Électrons libres dans un hôpital où la douleur est palpable. Dans chaque chambre, ils offrent un petit moment à ceux qu’ils croisent. Adultes, médecins, chefs de services, enfants, bébés, aides-soignantes, les deux clowns ont toujours le mot pour faire rire. Rêver. Pendant leur pose, au vestiaire, les deux compères parlent du Rire médecin avec beaucoup de respect. « Nous sommes là pour valoriser l’autre, le clown n’est pas un psy. En revanche, nous sommes conscients que ce qui se passe dans chaque chambre n’est pas anodin, explique Vincent Pensuet. Le clown fonctionne simplement : il aime et veut être aimé. »
Frédéric Cartillier, le regard redevenu grave : « Nous ne sommes pas toujours en train de solliciter les enfants, nous nous adressons de temps en temps aux adultes. Tout ce que nous faisons à l’hôpital, l’ambiance que nous changeons, c’est au service de l’enfant. Une infirmière que nous allons détendre, un papa qui se déstresse, l’enfant en bénéficie. » Amis de longue date, les deux comédiens collaborent en dehors de leur travail de clown à Rire médecin. Heureux de se retrouver, ils n’avaient pas fait leur duo depuis six mois. Ils descendent désormais les escaliers. Traversent plusieurs couloirs, croisent une femme avec qui ils se mettent à danser, s’arrêtent, poussent une nouvelle porte. La petite salle est coupée en deux par une bande de scotch rouge. « Il faut mettre des chaussons par-dessus les chaussures et se laver les mains à l’alcool avant d’aller plus loin », explique Frédéric Cartillier, le nez-rouge descendu.

Dix euros à Las Vegas
Dans certains services, les règles sanitaires rappellent gravement la douleur et les situations dramatiques que certains enfants subissent dans leur lit d’hôpital. Les deux clowns s’arrêtent devant un petit hublot. Ils demandent avec leurs gestes farfelus si Julien souhaite les voir. L’adolescent, confiné dans sa chambre, accepte.
Buzz et Molotov doivent passer par un sas, se frotter de nouveau les mains avec une solution alcoolisée. « Parfois, quand il est en aplasie, nous devons mettre une blouse, quitter nos vestes pour éviter au maximum les infections. Aujourd’hui, ça va. » Une fois prêts, les clowns se chauffent. « Hé Buzz, tu as mes dix euros ? » L’autre répond, étonné : « Quels dix euros ? Ha ? Oui ! Mais je les ai dépensés à Las Vegas en VIP. » D’humeur chamailleuse, ils rentrent dans la chambre de Julien en se bagarrant. L’ado prend gentiment parti pour Molotov. Buzz sort alors un paquet de jeu de cartes : « Je me suis acheté ça avec tes dix euros, pour faire un tour de magie. » Le temps est suspendu aux gestes maladroits du mauvais magicien. Rien d’autre n’a d’importance. Julien laisse sortir un petit rire.

Kids : l'atelier-loft de Bertrand

Visite au Nowhite cube, un nouvel atelier d’art pour toute la famille.

Atelier Bertrand
L’atelier-loft de Bertrand pour les enfants

Quand on arrive devant l’Espace Nowhite Cube, rue Roger-Salengro, à Tours, on se croirait devant la devanture d’une boutique. Détrompez-vous, ce loft lumineux, entièrement refait au design épuré, abrite depuis début septembre, l’espace de vie de Bertrand Robert. Mais pas seulement.
Ce Tourangeau vient d’ouvrir, ici, sa galerie d’art contemporain et des ateliers d’enseignement artistique. Après plusieurs années passées dans l’Éducation nationale, de multiples collaborations, et un premier espace artistique, At Home, à Savonnières, Bertrand a rejoint à la rentrée son quartier tourangeau préféré, le quartier des Prébendes. Parmi les clients de cet artiste, des adultes, des adolescents mais également une vingtaine d’enfants à qui il transmet la passion du dessin, du design et des arts visuels.

Dans le cours des 4-6 ans, le jeudi soir, l’ambiance est studieuse. Cette année, les petits vont travailler autour de leur amie Kiki la girafe qui aurait, la malheureuse, perdu ses tâches. Cinq enfants assis sur des petits bidons transparents sont attablés dans le calme, le pinceau à la main laissant libre cours à leur imagination. Bertrand commente : « Mon approche de l’art est singulière et surtout ludique, je cherche à développer leur motricité et leur autonomie. Je fonctionne beaucoup sur l’humain, je m’adapte aux caractères des enfants et à leur niveau. L’objectif est de passer un moment convivial ! Le résultat est généralement très chouette, les parents sont souvent agréablement surpris ! » Avec un budget annuel raisonnable, Bertrand a pour objectif de compter désormais dans les activités d’éveil pour les petits Tourangeaux.

Anne Cécile Cadio

Plus d’infos sur nowhitecube.com

Huissier : profession mal aimée

L’huissier est un rouage méconnu de la justice. À l’heure où le projet de réforme des professions réglementées secoue le métier, nous avons suivi un professionnel dans son travail quotidien

Huissier, profession mal aimée
Le quotidien d’un huissier de justice.

Une vague déferle sur la place du palais de justice de Paris. Plus de 4 000 manifestants scandent « casse sociale », « justice privée ». Drapés de leur robe noire, les huissiers sont dans la rue. Cette scène a eu lieu le 15 septembre dernier. Depuis cette mobilisation, une concertation a été ouverte par l’État entre le ministère de l’Économie, celui de la Justice et les huissiers. Mais cette mobilisation sans précédent a mis en lumière une profession réglementée peu connue du grand public. « Ma première manifestation », confie Maître H, huissier de justice. Accompagné de ses quatre salariés, il a protesté contre le projet de réforme des professions réglementées. « Dommage. Ça n’a fait que quelques secondes au journal télévisé. »

Dans son étude, Maître H a accepté de nous recevoir pour parler de son quotidien. « Bienvenue chez les nantis », lance-t-il ironiquement. À cet accueil souriant, succède une courte visite de l’étude. Papier peint pastel, craquelure au plafond. À l’exception du sol, toutes les surfaces planes sont jonchées de dossiers. Les placards débordent. « Il n’y a pas deux journées identiques. » On tente de décrypter le jargon de la profession. Le téléphone l’interrompt. Au tribunal, l’huissier est présent lors des audiences. « On se charge d’y présenter les témoins ou d’appeler les experts, détaille Maître H. On présente également les scellés. » En qualité d’huissier audiencier, il se rappelle avoir manipulé quelques drôles d’objets : « Du fusil mitrailleur au bermuda ensanglanté ».

Adultère, expulsion et procédures
L’huissier est aussi homme de terrain. Il lui arrive même de procéder à des constats d’adultère ordonné par un magistrat. « Ça demande une grande préparation. Il faut localiser “ la cible ” vers 22 h. Y retourner un autre jour pour vérifier. » Et, à 6 h du matin (les horaires légaux sont les mêmes que pour intervention des forces de l’ordre), intervenir dans l’intimité du conjoint infidèle et de son amant. « Il faut parfois avoir recours à un serrurier, aux gendarmes ou à la police. Cela m’est arrivé il y a quelques années, se souvient Maître H. On toque, on sonne et personne ne répond. Pourtant, un rideau bouge. Le serrurier ouvre, les gendarmes entrent dans l’habitation. Rien. On fouille, on visite les combles. Je me retrouve à quatre pattes dans la laine de verre… » Le lit est défait, l’amant n’est pas loin. Un bruit étouffé s’échappe de la penderie. Toc toc badaboum. « “ Je garde la maison ”, s’exclame l’homme avec aplomb, en s’extirpant d’une armoire à vêtements. On aurait cru Belmondo. »
Bon, cette part du travail reste « anecdotique », modère Maître H. En revanche, le recouvrement représente une part majeure de son activité. « Des créditeurs prennent contact avec moi pour trouver une issue favorable à un contentieux. Là, je les conseille sur la démarche à suivre. Je leur rappelle ce qu’ils ont le droit de faire ou pas. » Une vraie mission de conseil avec des réponses circonstanciées. Parfois, c’est la justice qui somme un débiteur de rembourser une dette. Dans ce cas, plusieurs options sont envisageables : la saisie des comptes, du mobilier ou encore l’enlèvement de véhicule. « On prend toujours contact avec les débiteurs. On les prévient de multiples fois », avant de mettre en route la machine. « On privilégie la saisie bancaire, explique- t-il. La plus efficace. » L’huissier se rend chez le banquier et procède à l’immobilisation des comptes. « À l’exception de 509,30 €, le solde bancaire insaisissable » qui équivaut au RSA. « La saisie des meubles est rare. Et attention à ne pas la confondre avec l’enlèvement. » La saisie consiste à inventorier les biens d’un débiteur. « On ne repart pas tout de suite avec la télé comme dans les séries télévisées. » Cela n’arrive qu’en dernier recours, « parce qu’il n’est pas simple de trouver une valeur de 10 000 €, par exemple, dans du mobilier, de la hi-fi ou de l’électroménager. »

Huissier profession mal aimée
Le quotidien d’un huissier de justice.

Ce qui nuit le plus à l’image de l’huissier reste l’expulsion. « Ce n’est pas si courant », tempère Maître H. Là, l’huissier se situe au milieu d’intérêts antagonistes. « On est là pour apaiser le conflit. Pour une procédure complète, il faut près de quatorze mois. On n’expulse pas les gens comme ça. » Maître H. se voit d’ailleurs plus comme un médiateur. « Je suis là pour freiner les velléités du créancier ou du débiteur. »

Surprises, surprises
Lors d’enlèvement ou d’expulsion, l’huissier s’adjoint à nouveau le concours d’un serrurier et de la force publique. « Avec la peur que l’intéressé commette un acte désespéré… Qu’il se pende ou qu’il nous accueille avec un fusil. » On ne sait jamais ce qu’il y a derrière la porte. Et la surprise peut être à la limite du supportable. « Comme ce jeune blondinet, propre sur lui, qui avait conservé quelque 900 kg d’excréments dans sa chambre. », explique- t-il dans un haut-le-coeur.
De plus en plus, l’huissier procède à des constats. Le voilà donc obligé de se déplacer à la réception de matériel sur un chantier pour vérifier qu’il fonctionne, établir que des marchandises ne sont pas des produits de la contrefaçon. « Je ne dis pas toujours ce que les gens veulent entendre », convient Maître H. Il fait fi des a priori : « Je n’ai pas honte de ce que je fais. Parce que j’essaie de le faire bien. »

Antonin Galleau

Théâtre. On a vu : Yvonne, princesse de Bourgogne

Jacques Vincey, le nouveau directeur du CDRT, signe une pièce exigeante qui magnifie le texte de Gombrowicz.

Yvonne, princesse de Bourgogne (photo Pierre Grosbois)
Yvonne, princesse de Bourgogne (photo Pierre Grosbois)

Ambiance tropicale. Le roi court sur un tapis, le prince s’exerce au ping-pong. La reine répète quelques pas de tango avec le chambellan. Royaume des apparences, les polos et les leggings sont de rigueur. Ambiance nouveau riche californien. Une douce musique d’ascenseur berce la petite bande de sportifs royaux. Le public sert de cour, la famille souveraine la salue. Rires enregistrés de circonstances, courbettes, main en l’air. Le Prince Philippe, laissé seul avec son acolyte Cyrille, cherche une distraction. Ambiance moqueuse. Son ami lui propose quelques courtisanes.

Soudain, Yvonne. La jeune femme lui tape dans l’oeil. Dégoûtante, dégoulinante, elle le rebute mais l’attire : pourquoi doit-on forcément sortir avec de jolies femmes quand on est prince ? Yvonne est muette. Philippe plonge dans le désarroi et décide de l’épouser. Ambiance catastrophe. Le palais est sens dessus-dessous. La future mariée, amorphe, devient l’objet central des moqueries et des critiques.

Dans les mains de Jacques Vincey, le texte de Witold Gombrowicz résonne plus que jamais avec le présent. Universelle, Yvonne Princesse de Bourgogne a ce pouvoir de traverser les âges et les époques. Elle devient alors satire de nos vies modernes où les apparences normales sont tout d’un coup bousculées par un élément absurde. La scénographie, magistrale, souligne sans insister cette façon de raccrocher au réel. Yvonne se transforme en miroir des défauts de l’âme des autres. La normalité disparaît pour laisser place au monstrueux, thème cher à Jacques Vincey. Le metteur en scène déjoue les pièges, évite les sous-entendus lourdauds, affine le texte. Il se méfie de la grandiloquence évidente pour mieux tendre un fil avec ses acteurs et se concentre sur la déconstruction de cette famille. Pour amener au chaos final, la musique trouve une place centrale et nourrit avec force la nervosité qui gagne peu à peu le plateau.
Quant aux acteurs, tous justes, sans exception (c’est assez rare pour le souligner), ils jouent cette montée en puissance de la folie, sans tomber, eux aussi, dans la surenchère. Comme si d’un seul coup, le spectateur ne s’était pas aperçu du dérèglement progressif. Comme s’il était happé sans le vouloir dans ce tourbillon de l’anormalité.

>>EN BREF
AU THÉÂTRE OLYMPIA
Oui, parce que c’est officiel, on dit le théâtre Olympia maintenant. Yvonne, Princesse de bourgogne se joue jusqu’au samedi 11 octobre (il n’y a pas de représentation le dimanche 5 octobre). Tarifs (hors abonnement) de 15 à 22 €. Pour les horaires et pour réserver : cdrtours.fr ou au 02 47 64 50 50.

FICHE TECHNIQUE
Durée : 2 h 15. Une mise en scène de Jacques Vincey. Dramaturgie de Vanasay Khamphommala.
Avec Marie Rémond (Yvonne), Hélène Alexandridis (La Reine Marguerite), Alain Fromager (Le Roi Ignace), Thomas Gonzalez (Le Prince Philippe), Jacques Verzier (Le Chambellan), Miglé Bereikaité (dame 1), Clément Bertonneau (Cyrille), Nelly Pulicani (Isabelle), Delphine Meilland (dame 2), Blaise Pettebone (innocent).

La nouvelle vie des vieux métiers

Barbier, cireur de chaussures, caviste, kiosquier…
Ces métiers à l’ancienne reviennent sur le devant de la scène. Vague de fond ou effet de mode ?

Le coupe-chou, outil emblèmatique des barbiers
Le coupe-chou, outil emblématique des barbiers

« C’était footballeur ou coiffeur. J’ai vu mes limites en foot, alors j’ai choisi la coiffure « . Anthony a gardé une mèche travaillée, des cheveux coupés ras sur les côtés. Du garçon barbier, il a pris les gestes minutieux. « C’est mon patron qui m’a fait découvrir le métier. Avant, je ne savais pas qu’on pouvait être coiffeur pour hommes. » Depuis 18 mois, il est coiffeur-barbier chez Authentic Men. Dans ce petit salon réservé aux hommes, place Châteauneuf, il manie le coupe-chou et fait mousser le savon à barbe.
À la Chambre de métiers et de l’artisanat d’Indre-et-Loire, Claude Le Calvé accompagne les repreneurs d’entreprises. Il constate depuis quatre ou cinq ans la résurgence des métiers traditionnels, un peu plus longtemps sur certains secteurs, comme la boulangerie. Le pain, le vrai, fait de farine sans additifs ni conservateurs, fait un retour tonitruant. Le fournil du Centre de formation des apprentis tourne non-stop. Les apprentis sont plus âgés, certains ont quitté l’université pour un métier artisanal. Et lorsqu’ils ouvrent boutique, la clientèle est là. Dans ce succès des métiers traditionnels, Claude Le Calvé voit deux courants : un effet de mode, pour certains métiers vintage comme le barbier, et une vague de fond pour ceux répondant à une recherche de sécurité, comme la boulangerie à l’ancienne.
L’engouement submerge certaines professions . « Les émissions télévisées ont attiré beaucoup de jeunes vers la pâtisserie mais il n’y a pas de place pour tout le monde. Vous achetez des gâteaux tous les jours, vous ? Du pain, oui, des bavarois, non. » Chez les Compagnons du devoir, Jean-Michel Brosset parle même de « bulle pâtissière ».
Un spécialiste qui met en confiance
Le fondateur d’Authentic Men, Jacques Harnois, rappelle que les barbiers n’avaient disparu qu’en France. « Il y a un vrai besoin, assure-t- il. Les coupes sont plus rondes pour les femmes, plus tranchées pour les hommes. Le volume se travaille autrement. Et jusqu’aux années 1970, il y avait deux formations. » Il vient d’acquérir un deuxième salon rue Charles- Gilles et forme les jeunes coiffeurs qui veulent pratiquer cette facette oubliée du métier. Il rêve aussi d’embaucher un cireur de chaussures pour bichonner ses clients de la tête aux pieds.
Anthony, son employé, ne retournerait travailler pour rien au monde dans un salon mixte. Ses clients non plus, même si certains viennent uniquement pour une coupe de cheveux « Mais chez un barbier, ça n’a rien à voir, précise un client de 22 ans. Ici, on est entre hommes. Les fauteuils sont larges, il y a la place pour étendre les jambes, la musique est bonne… » Un peu plus âgé, Valentin porte la barbe depuis ses 18 ans, mais il a tenu à se démarquer de la mode actuelle. Il apprécie la particularité du salon : « Les femmes ont les esthéticiennes, nous, on a le barbier. » Au-delà des modes capillaires , le barbier s’affirme comme un spécialiste en qui les hommes ont confiance.
Stéphane Bondou conçoit des stratégies de communication pour les entreprises. Vingt ans d’expérience le confortent dans son constat : le professionnel et le client se rejoignent dans un besoin commun de retrouver du sens, de recréer des liens. « On vit dans une économie très oppressante, menée par les holdings, les lobbys, les multinationales. Beaucoup de gens en ont soupé. Ceux qui le peuvent sont prêts à payer un peu plus cher leur baguette pour connaître son histoire, la voir sortir du four à bois. Il s’agit de retrouver une sécurité affective et physique. »
Une boutique sans porte
Créer du lien social, c’est devenu le deuxième métier de Catherine Serin. Elle ne s’en doutait pas en ouvrant, fin mai, son kiosque au bout de la place des Halles. « Je peux vous dire que je me suis remis aux langues étrangères ! Tous les touristes me demandent leur chemin. Là, c’est la rentrée et les étudiants qui arrivent à Tours me demandent où est la fac, la mutuelle étudiante. Je suis une annexe du syndicat d’initiative », plaisante-t- elle. Cette ancienne commerçante savoure sa nouvelle vie. « Avoir une boutique ouverte, sans porte, a un côté magique. Les gens sont plus à l’aise, ils s’approchent, ils regardent. » Sur le bord de son comptoir, un bac plein d’élastiques multicolores attire les enfants. Les revues de mots fléchés épinglées en dessous se balancent joyeusement. Catherine Serin attend avec impatience l’agrandissement de son kiosque : « J’aurai plus de place pour trier les revues. Le weekend, avec tous les suppléments, j’ai à peine la place de bouger. »
Place des Halles, l'allure rétro du kiosque a beaucoup de succès
Place des Halles, l’allure rétro du kiosque a beaucoup de succès

Sa consoeur, installée place Jean- Jaurès, Sophie Fondimare, a choisi le métier de kiosquier pour les mêmes raisons. Malgré les horaires à rallonge (ouverture à 7 h, fermeture à 18 h 30), elle a répondu immédiatement à l’appel d’offre de Médiakiosk : la société qui gère 365 kiosques en France voulait en implanter deux à Tours. « Voir du monde, être indépendante, travailler dehors, ça n’a pas de prix. » Elle a abandonné sans regret son travail dans une maison de retraite. Les réflexions enthousiastes des passants, glanées autour des kiosques renvoient un écho encourageant.
Réinventer le métier et sa vie
Ces métiers et services à l’ancienne doivent donc avant tout répondre à un marché et parfois, se réinventer pour s’y adapter. « Le caviste à l’ancienne, qui vous remplit de piquette un jerrican en plastique, c’est fini », confirme Thierry Lamotte. Le propriétaire de la cave Domaines & Récoltants a ouvert sa cave en 2010. Sa clientèle est plutôt jeune, majoritairement féminine. «Elle vient chercher un conseil et un service : la sélection, qu’elle ne trouve pas en grande surface. » De fait, depuis une dizaine d’années, les ventes des vins fléchissent en supermarchés, au profit des caves. À elle seule, la ville de Tours compte une vingtaine de cavistes indépendants. « Bien sûr, tous ne tiennent pas. Il y a des ouvertures, des fermetures, explique Benoît Perrier, responsable de la licence professionnelle Commercialisation des vins à l’IUT de Tours. Mais nous formons 40 jeunes chaque année et ceux qui cherchent du travail en trouvent. » Plus d’un tiers travaillera dans une cave.
Un temps asphyxiée par les supermarchés, la profession a ressuscité au début des années 1990. La Fédération nationale des cavistes indépendants naît en 1994, un diplôme officiel est créé en 1998. Les anciens négoces de vins et charbon, aux tonneaux poussiéreux, ont cédé la place à des boutiques claires, bien rangées. Elles ne sont plus tenues par des charbonniers mais par de jeunes diplômés ou des passionnés. Comme Thierry Lamotte qui travaillait dans la publicité avant de choisir le vin et qui accueille à son tour des stagiaires : « Pour beaucoup d’entre eux, monter sa cave est un rêve. »
 

ALLER PLUS LOIN
Visiter le Musée du compagnonnage
Le Compagnonnage est inscrit par l’Unesco au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Le musée du Compagnonnage, aménagé dans l’ancienne abbaye Saint-Julien de Tours est unique et présente des collections régulièrement renouvelées. On y admire les chefs-d’oeuvres collectifs du 19e siècle, les chefs-d’oeuvres exécutés en vue de la réception, mais aussi les attributs des Compagnons (cannes, gourdes, couleurs), leurs outils et leurs traditions depuis leurs origines jusqu’à nos jours. Un parcours adapté est prévu pour les enfants.
Musée du compagnonnage, 8, rue Nationale à Tours – Informations au 02 47 21 62 20.

Art-thérapie : le soin, tout un art

Rencontre avec des art-thérapeutes tourangeaux pour parler de ce métier, de plus en plus visible dans les institutions médicales.

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J’ai envie de coller des bulles, là, tout autour et puis de les éclater ! » Isabelle*, 10 ans, sérieuse, cherche un nouveau moyen de continuer la peinture qu’elle a entamée avant l’été. Elle est assise devant sa toile qui représente un chapiteau de cirque, très coloré. De ses petits doigts, elle essaye de faire exploser les alvéoles d’un papier bulle résistant. Elle ne s’éparpille pas pour autant et reste concentrée sur l’avancement de son œuvre. À ses côtés, Audroné Berthier écoute, intervient très peu, propose de manipuler elle-même les ciseaux. L’art-thérapeute, bienveillante, dirige avec douceur la séance hebdomadaire. Tous les vendredis, elle rencontre Isabelle dans son atelier à l’Institut d’éducation motrice (IEM) Charlemagne, à Ballan-Miré. La pièce, pas très grande, est baignée d’une douce lumière qui rentre par une grande fenêtre. Les œuvres de ses patients remplissent l’atelier bordé de grandes étagères. Sur celle-ci, des dizaines de boîtes, de rouleaux de papier, de peinture, de capuchons, de petits objets… « Quand vous rentrez, vous pourriez penser que c’est le bazar, rigole Audroné Berthier. Le but, c’est que tout le matériel soit visible, ça permet de donner des idées aux patients, que ce ne soit pas imposé. » La séance continue. Isabelle plonge consciencieusement un pinceau dans un petit pot de colle blanche et l’applique par petite touche sur son tableau. Elle prend ensuite les bulles soigneusement découpées par Audroné Berthier et les presse délicatement contre la toile déjà peinte. L’art-thérapeute s’extasie devant la multitude de points en plastique : « On dirait de la pluie ! » Isabelle agite les bras en souriant.
Smiley et handicap
Au bout d’une heure de discussion et d’art plastique, Audroné Berthier annonce la fin de la séance. « Alors, Isabelle, tu trouves que c’est joli ce que tu as réalisé cet après-midi ? » Elle tend alors un morceau de bois avec des smileys plus ou moins heureux dessus. Isabelle saisit celui avec un petit sourire avant de sortir de l’atelier. Audroné Berthier est heureuse de la séance. Elle s’occupe d’une vingtaine de patients à l’IEM Charlemagne. Handicapés moteurs, certains trouvent dans l’art-thérapie une espace de liberté bénéfique. « Mais contrairement à ce qu’on peut lire parfois, l’art-thérapie ne guérit pas comme un médicament peut le faire, explique-t-elle. Si c’était le cas, Van Gogh aurait encore ses deux oreilles ! Mais je pense que l’art-thérapie permet de débloquer certaines choses. Contrairement à un kiné ou un ergologue, nous travaillons sur la partie saine du corps, ce qui marche bien. »
Audroné Berthier travaille main dans la main avec l’équipe médicale. « Chaque patient est unique. L’art-thérapeute s’adapte à eux. Dans quelques minutes, je vais recevoir Baptiste*. C’est un garçon qui ne s’exprime presque pas avec la parole. Nous avons essayé de trouver quelque chose qui lui plaisait, mais finalement, l’art plastique ne semblait pas lui convenir. Au bout de quelques séances, c’est la musique qui lui a plu. » Le garçon rentre à son tour dans l’atelier d’art-thérapie. Audroné Berthier lui propose d’écouter un CD et sort d’un placard une boîte remplie de maracas, de tambours et de petites percussions. Baptiste saisit un petit flacon rempli de graines et se met à battre en rythme alors qu’un morceau de blues sort des enceintes. Pendant une heure, le jeune homme ne parle pas beaucoup mais s’exprime avec ses percussions et son plaisir de jouer de la musique. Audroné Berthier a découvert l’art-thérapie au bout d’un long parcours professionnel. Le travail avec les personnes handicapées, elle l’a commencé dans son pays d’origine, en Lituanie. Bénévole dans une association handisport, elle est passée par la case Beaux-arts et le sport professionnel. Parcours atypique, quand elle s’installe en France, elle rentre en tant qu’éducatrice à l’Institut Charlemagne en 1999. Un jour, alors qu’elle s’occupe d’un atelier d’art créatif, une psychologue lui lance : « Mais tu fais de l’art-thérapie en fait ! » Audroné Berthier connaît vaguement le terme. Elle se renseigne. Elle tombe sur l’Afratapem, l’école de Tours. Elle est diplômée en 2005.
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Cas d’école
Direction la Tranchée où se trouve la formation d’art-thérapie de Tours. C’est un cas unique en Europe. Créée en 1976, elle forme chaque année des professionnels agréés par l’État. L’Afratapem a exporté son modèle dans plusieurs villes en France mais aussi en Corée, en Croatie, au Portugal, au Brésil… « L’art-thérapie est un terme très à la mode en ce moment, commence Richard Forestier, un des fondateurs de l’école et responsable du diplôme universitaire. Notre problème aujourd’hui, c’est que n’importe qui peut porter le titre d’art-thérapeute. Il suffit de faire quelques semaines de formation dans une école peu scrupuleuse et non reconnue. » Remonté, Richard Forestier insiste sur le sérieux des professionnels qui sortent de l’Afratapem : « Il faut faire attention avec l’art. C’est un domaine qui peut être néfaste pour certaines personnes. Une séance d’art-thérapie est forcément prescrite par un médecin au sein d’une équipe pluridisciplinaire. » Pour cette sommité de l’art-thérapie, il ne faut pas non plus confondre la pratique traditionnelle, liée à la psychologie, et celle moderne apprise à l’Afratapem. « Elle s’adresse à des patients sensibles aux arts, explique Richard Forestier. Elle exploite le potentiel artistique dans un but thérapeutique. » Musique, art plastique, calligraphie… L’art-thérapie possède ses spécialités et demande aux professionnels d’être compétents dans leur domaine artistique.
Les origines
Pour Richard Forestier, les prémices de la discipline sont nées dans les écoles de musique en Touraine. Au début des années 1970, plusieurs communes ont commencé à proposer l’apprentissage d’un instrument à tout le monde, pas seulement dans le but de former des musiciens aguerris, mais aussi pour ceux qui voulaient se faire plaisir. Cette pratique a ensuite franchi l’entrée des écoles. En 1975, des pédopsychiatres, à Tours, ont commencé à faire rentrer l’art dans leur service. La création de l’Afratapem était la suite logique. « L’art-thérapeute ne donne jamais son avis sur l’œuvre de son patient. C’est lui qui évalue sa pratique. Je me rappelle d’un vieux monsieur en maison de repos qui prenait beaucoup de plaisir à reproduire des cartes postales. Autour de lui, tout le monde s’est mis à lui rapporter des cartes postales de retour de vacances. Il se retrouvait à chaque fois avec une pile à recopier. On ne peut pas dire qu’il y avait une once de créativité dans ce qu’il faisait. Seulement, il n’était jamais aussi heureux que quand il se penchait sur ses dessins. Il diffusait en plus son bonheur. »
* Les prénoms ont été changés.
 
ALLER + LOIN
La bible, pour l’école de Tours, c’est le livre de Richard Forestier. Mis à niveau régulièrement, c’est une référence qui évolue en même que la profession et les recherches universitaires.
Tout savoir sur l’art-thérapie, ed. Favre, 7e édition.
 
 
 

Chroniques culture #32

BD, CD live, docu sur les Stones et DVD décapant : les chroniques culture de la rentrée sont là !

LE DVD
LA CRÈME DE LA CRÈME
Alors que les lois du marché semblent même s’appliquer aux relations garçons-filles, trois étudiants d’une école de commerce vont transformer leur campus… en lieu d’expérimentation. Conte générationnel décapant et presque subversif (le proxénétisme est abordé frontalement), le film de Kim Chapiron est d’une justesse rare et emmené par des acteurs parfaits (la sublime Alice Isaaz). On regrettera l’absence de bonus, à part ce maigre making-of de 25 minutes.

À LA TV
CROSSFIRE HURRICANE
Attention, à déguster sans modération. Emballé par Brett Morgen, Crossfire Hurricane retrace l’histoire du groupe mythique, les Rolling Stones. Interviews, parfois inédites, clips, images d’archives et enregistrements live nourrissent ces 110 minutes de sex, drugs & rock ‘n’ roll. Ce docu revient aussi sur le manager de l’époque, Andrew Oldham, qui souhaitait faire des Stones des mauvais garçons, en opposition aux gentils Beatles.
Samedi 6, sur Arte, à 22 h 20.

LE CD
STATUS QUO THE FRANTIC 4’S...
Les dinosaures du rock (et c’est un compliment dans notre bouche !) ont encore le culot, que dis-je l’outrecuidance, de balancer un nouvel album live. Avec LE line-up classique et historique du groupe, tant qu’à faire. Et en écoutant ce concert à Dublin, c’est qu’ils en ont encore sous le coude : gros son qui tache, mix parfait et set-list aux allures de best of (Caroline, Bye Bye Johnny, Big Fat Mama…). Dix-neuf titres sur un double CD et aussi disponible en vinyle.

LA BD
PATXI BABEL T1 LA VAGUE
Le soleil, la plage, le surf : l’histoire commence comme une carte postale en direct du Pays basque. Sauf que la vie de Patxi bascule lors d’une rencontre dans une fête indépendantiste. La découverte de l’amour et d’un secret familial font tomber le jeune Patxi dans un monde où l’insouciance cède la place à une réalité adulte. Boisserie au scénario et Abolin au dessin ont trouvé le ton juste pour cette nouvelle série très prometteuse.

Ambiances de rentrée tourangelle

Quatre lieux, quatre façons de vivre la rentrée : tmv a flâné du Nouvel Olympia à la Caf, en passant par un restaurant et une librairie…

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Rentrée, plat, dessert

>Premiers jours au Martin Bleu
Odeurs de prunes et de vanille, Thierry retire du four ses petits pots de crème au lait de brebis. À quelques mètres du cuisinier du nouveau Martin Bleu, avenue Grammont, son collègue Franck sort du frigo une belle brochette de poissons de Loire qu’il se met à découper en filet. C’est la spécialité du restaurant tenu, d’une main de gastronome, par Florent Martin. Le patron rigole de sa silhouette de rugbyman, sert un café, répond à un coup de fil. Le matin est déjà bien entamé avant le premier service du midi. Ambiance studieuse au Martin Bleu, tout le monde se concentre, l’heure du service approche.
Florent Martin grimpe sur une chaise devant le mur pour inscrire le menu du jour. De ses anciens locaux, le chef tourangeau n’a changé que la déco, plus contemporaine, ambiance bistrot chic. Dans l’assiette, c’est le même topo : poisson d’eau douce frais, produits de qualité, de la région, cuisinés avec passion. Stéphane, le serveur, arrive un peu plus tard. Il commence par s’occuper de la cave, sort ensuite l’aspirateur. Il n’y a pas un grain de poussière sur le sol. Les surfaces sont déjà immaculées.
Après la pause estivale, les visages ne sont pas encore tirés, les gestes toujours automatiques. Le mois d’août a été calme. Les choses sérieuses commencent en septembre. Depuis quelques jours seulement, le restaurant affiche complet. Il va falloir reprendre les horaires effrénés de la restauration, les deux services de la journée. Éprouvante vie d’un restaurant : il faut pouvoir se lever tôt et se coucher tard toute la semaine. Florent Martin n’a pas trop de mal à reprendre le rythme de la rentrée : « Je dis toujours qu’il faut être né dedans, sinon tu ne peux pas tenir. »

En coulisse
>La rentrée du Nouvel Olympia
Faux calme dans le hall d’entrée du Nouvel Olympia. Les habitués de la cafétéria ne sont peut-être pas revenus de vacances, mais le théâtre est déjà en ébullition. Abonnements, préparatifs de la nouvelle saison, création artistique… Dans la salle de répétition, nichée en haut du Nouvel Olympia, une dizaine de chanteurs lancent des « ooo » et des « aaa », gesticulent, moulinent leurs bras dans les airs, soufflent fort.
Devant eux, le nouveau dramaturge du Centre dramatique, Vanasay Khamphommala, orchestre cet échauffement à coup de notes de piano avant de les réunir en choeur. Depuis la rentrée, à midi, les employés du théâtre et les acteurs suivent ces répétitions de chant pour la nouvelle création du directeur du Nouvel Olympia. Jacques Vincey souhaite les incorporer à la pièce Yvonne, Princesse de Bourgogne qui se jouera fin septembre. Dans la salle de répétition, les chanteurs ont laissé place aux comédiens d’Yvonne, Princesse de Bourgogne. Commencer, recommencer, essayer, comprendre… les acteurs vivent ce texte de Witold Gombrowicz depuis plus de 10 jours. Plongé dans ses pensées, à chaque fin de scène, Jacques Vincey se lève de sa chaise. Il esquisse quelques pas devant des acteurs attentifs. Il lance finalement une petite phrase pour les faire réagir, les aider à avancer dans leur interprétation, ne les bouscule pas trop. La précision de la pièce se fait dans la recherche de l’intonation juste, de l’intention du jeu. La scène recommence. Les paroles filent. Il reste quatre semaines avant la première représentation de la saison.

Tourner la page des vacances
>Dernière ligne droite à La boîte à livres de l’étranger
Elle traîne des pieds. Souffle à chaque fois que sa mère la rabroue. « Tu aurais pu y penser plus tôt quand même ! » Oui, sauf que cette jeune ado a quelque peu « oublié » qu’il fallait avoir acheté et lu un livre en anglais pour la rentrée (après tout, ce n’est que dans quelques jours…). Alors elle souffle de nouveau. Trop dur la vie. Elle lève les yeux au ciel quand elle voit le nombre de pages. Cent-dix. Berk ! Et tout dans la langue de Shakespeare, sans images. Re-berk !
DOSS_PAP1_LIVRECeci dit, impossible de ne pas trouver son bonheur ici, à la librairie La Boîte à livres de l’étranger, rue du Commerce. Surtout à quelques jours de la rentrée. Les gros cartons continuent d’arriver. « Posez tout ici. » Le livreur, casquette vissée sur le crâne, mâchouille son gros chewing-gum et déverse de nouveaux livres en anglais et en espagnol. Une des dernières salves. Ce qui n’empêche pas une cliente – une prof – de râler quand elle apprend que l’ouvrage qu’elle a commandé n’arrivera que dans quatre jours. « Mais c’est beaucoup trop long ! Comment je vais faire, moi ? », lance-t-elle, agacée.
Au final, dans cette agitation de la rentrée, ce sont plus les clients que les libraires qui transpirent le stress. De loin, on observe ça, en souriant. Tout comme ce jeune homme devant un livre de Stephen Clarke. Ses yeux pétillent en lisant les quatrièmes de couverture. D’après les vendeuses, les oeuvres de cet écrivain britannique s’arrachent. Il se moque allégrement des particularités françaises (« être en grève est le deuxième sport national après la pétanque », écrit-il) et étonnamment, il est davantage prisé par… les Français.

Plein régime
>La CAF enchaîne les rendez-vous
« Les étudiants, ce ne sont pas des lève-tôt », sourit une conseillère. Bonne fille, la Caisse d’allocations familiales a prévu une file spéciale pour les accueillir chaque après-midi. Il est 9 h 15, l’espace d’attente est encore silencieux. Les canapés aux formes design n’incitent pas à la paresse. Les familles commencent à arriver. Des couples à poussettes zigzaguent savamment sur la rampe d’accès. Il y a les jeunes pères qui ont sacrifié leur dernier jour de vacances pour écluser la paperasse familiale avant la rentrée, les mamans, accompagnées contraintes et forcées, de leurs trois enfants.
Un blondinet qui n’a pas remarqué la télé, joue avec le portable de sa mère, une petite fille croque un BN. C’est aussi l’heure de la pause casse-croûte pour une quinquagénaire venue avec son mari et son fils : elle sort un sablé croustillant. On comprend pourquoi la chaîne Gulli est branchée en fond visuel. Le son est coupé mais les cris des enfants offrent un doublage de qualité. Dans les box d’accueil, les rendez- vous s’enchaînent toutes les 10 minutes. Une dame qui vient de prendre son ticket dodeline de la tête : « J’avais rendez-vous à 11 h, ils vont me prendre en retard. » Le gong l’appelle à 10 h 57, la dame se lève, tout étonnée.
11 h : trois bureaux sont ouverts, les techniciens travaillent à plein régime. Le public est reçu seulement sur rendez-vous. « Prendre rendez-vous ! Oh la la », souffle un homme d’une quarantaine d’années. Un peu emprunté, il s’est assis devant l’un des ordinateurs en libre-service. Ceux qui viennent au débotté patientent devant le guichet d’accueil. Pendant que les conseillers orientent les uns et les autres le plus rapidement possible, l’agent de sécurité garde un oeil sur tout le monde. On se demande si les étudiants seront aussi turbulents que les bambins…

Et retrouvez l’interview de François Testu, sur les rythmes à la rentrée ICI

Terres du son 2014… c'est parti ! #1

Vendredi 11 juillet, on était au lancement du festival tourangeau le plus populaire. On vous raconte ce premier jour ?

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De grosses gouttes de pluie s’explosent sur le capot des voitures qui foncent sur la route de Monts. Malgré quelques embouteillages pour ce jour de départ de vacances, la route vers le domaine de Candé n’est pas bondée en cette fin d’après-midi. Il y a de la place sur le parking. Les basses provenant des scènes, juste de l’autre côté de la barrière, tambourinent à leur tour sur le pare-brise. William Mc Anuff a déjà commencé, sans se préoccuper de la météo. Les nuages semblent bien réagir aux vibrations jamaïcaines.
Même site que l’année dernière, sur les dessus du domaine, la crainte d’un déluge comme en 2012 se retrouve sur les accoutrements des festivaliers : ponchos, bottes, kway… Ayo, elle, verse dans le mysticisme. Une voix pleine de miel, elle lance des regards aux cieux, comme si la chanteuse avait enfin trouvé la vérité. Décevante, sa voix se perd dans les limbes quand elle donne dans la soul sirupeuse. Elle est beaucoup plus intéressante dans ses tentatives hip-hop. Heureusement que son batteur est un bûcheron talentueux tout en funk et en groove. Alors quand la chanteuse allemande prend sa place pour entamer un mélodie édulcorée, la coupe est pleine : on se dirige vers le stand de burger pour pouvoir tenir la soirée. Et se préparer à Nasser. Le groupe de rock de la soirée. Celui qui va vraiment lancer cette édition. Le trio n’y va pas par quatre chemins : grosse basse au synthé analo, guitare criarde et un chanteur/batteur de folie, prêt à mouiller la chemise. Les corps se mettent à danser sur les rythmes binaires, Nasser fait le grand écart entre électro-clubbing et rock garage. A une centaine de mètre, le duo des Cats on trees débutent leur prestation sucrée-amer. C’est beau sur scène, plein de triangles et de lumières. Mais c’est à peu près tout. Petit instant de malaise, une partie du public n’est pas dupe : on a l’impression d’assister à une pâle copie de The Do. Nous, on retourne à Nasser pour profiter une dernière fois de leur énergie.
[nrm_embed]<iframe src= »//player.vimeo.com/video/100576868″ width= »500″ height= »281″ frameborder= »0″ webkitallowfullscreen mozallowfullscreen allowfullscreen></iframe> <p><a href= »http://vimeo.com/100576868″>Festival TERRES DU SON / Jour #1</a> from <a href= »http://vimeo.com/clementprotto »>Clement Protto &quot;ECL-R&quot;</a> on <a href= »https://vimeo.com »>Vimeo</a>.</p>[/nrm_embed]
22 h 45 : celui que tout le monde attend se fait désirer. La nuit est bien tombée, des spots agressifs aveuglent les festivaliers, un beat de rap fait monter la sauce. Woodkid monte sur scène. La violence des tambours et des cuivres alternent avec sa voix de basse mélancolique. L’égérie de la nouvelle french touch jubile de revenir en France, après avoir beaucoup travaillé aux Etats-Unis. La démesure outre-atlantique se ressent beaucoup dans ses jeux de scène, dans l’énorme écran qui balance des images sacrées, de squats… Spectacle total où vous en avez pour votre argent. Une prestation magnifique. L’heure tourne, ses mélodies font avancer le temps, un autre dilemme se présente : Ezequiel ou St Lô ? On passe vite voir les Tourangeaux qui restent un peu trop coincés dans leur univers de poupées mécaniques, même si leur talent est toujours au rendez-vous. A minuit, on a envie de fureur, de danse, de prendre du bon temps et de garder l’esprit éveillé. St Lô tente de faire réagir les festivaliers un peu engourdis. Rap, électro, soul, funk, les influences s’entrecroisent, se brouillent entre elles, se répondent. Un bon groupe qui représente l’éclectisme de la programmation de ce Terres du son 2014.
Dernière surprise de la soirée, Breton, on les avait déjà vus au Temps Machine il y a deux ans. A l’époque ces jeunes anglais surprenaient par leur rock nouvelle génération, entre rage contre la société malade et lignes de basses groovy. En quelques années, et un deuxième album, Breton persiste à montrer sa furieuse envie de faire danser les foules. Le son de la grosse caisse de la batterie ressemble plus à un beat de boîte à rythme que d’un repère pop. Les musiciens s’échangent la basse, la guitare, les synthés, ils se déhanchent sur scène jusqu’à l’extrême. Roman Rapak, le chanteur, manque un bout de marche et se retrouve les deux pieds en l’air. Pas grave, le loulou remonte sur ses guibolles. C’est bon de voir un prestation où tout peut déraper, où les musiciens ne prévoient pas, ne calculent pas, donnent tout ce qu’ils ont, même si une partie de la foule s’en ai déjà allée.
 
Le reste de la programmation ? Les groupes de samedi et dimanche par ici.
 

Reportage au Hellfest : côté ambiance !

Le Hellfest, c’est quoi ? Un festival metal démentiel, 152 000 personnes sur trois jours, une demande en mariage, de la bière, des gens déguisés en lapin et des tonnes de décibels. Tmv y était et vous raconte l’ambiance, avec galerie photos en prime.  

L'arbre Hellfest (Photo tmv - Aurélien Germain)
L’arbre Hellfest (Photo tmv – Aurélien Germain)

Samedi 21 juin, tôt. Très tôt. Trop tôt. Chaussures parées à être martyrisées : OK. Tee-shirt de groupe : OK. Échauffement de la voix : OK. Foie prêt à encaisser : OK. La liste était remplie, j’étais donc préparé à assister de nouveau à ce Hellfest, cuvée 2014. L’affiche la plus monstrueuse que ce festival (400 personnes à ses débuts !) ait proposé.
Car cette année, le Hellfest a vu grand, très grand. Au total, près de 152 000 festivaliers ont foulé le sol de Clisson, pour assister à plus de 160 concerts (le compte-rendu peut se lire ICI).

Balavoine, caddie et guitare géante

 Clisson, justement. Petite ville de 6 600 habitants, en Loire-Atlantique, qui vit au son du metal et du hard rock pendant trois jours. En arrivant près de la gare, direction la navette qui emmène au site contre deux petits euros. Au volant, Josiane, la cinquantaine, sourire aux lèvres (oui au fait, désolé, les Clissonnais sont ravis d’accueillir autant de festivaliers. Un bonheur pour les commerçants) Du Balavoine en fond sonore, ça calme.  « Oula, mais tu t’es fait quoi à la main ? », lance-t-elle à l’un des passagers, avec son plâtre improvisé. « Euh, accident de caddie ! » Éclat de rires général.
(Oui, précision : le festivalier du Hellfest aime organiser des combats en caddie. Toi-même, instruis-toi en regardant ICI)

En roulant vers le site, on zieute les tee-shirts de tout le monde. Signe de ralliement et de reconnaissance ultime, un point c’est tout. Des dizaines de festivaliers descendent faire leurs courses (= bière, bière, saucisson, bière, chips, bière, eau… et bière). Ça crie, ça chante, ça sourit. Le pied. Arrivé au rond-point d’entrée du festival, une immense guitare de 10 m de haut trône fièrement. Réalisée par l’artiste bordelais Jean-François Buisson, elle a été offerte à Clisson par le Hellfest !  Tout de suite, on est happé par une ambiance de folie. Les décibels sont portées par le vent, des milliers de gens déambulent, font des coucous aux policiers (aucun incident en neuf ans, alors ils sont plutôt tout sourire !), beuglent, mais sont heureux.

Une mini-ville

Que ce soit pour le néophyte ou l’expert du festival, une chose est claire : le Hellfest impressionne. Surtout cette année. Imaginez la bête : un quartier grandeur nature a été installé. Calqué sur celui de Camden, à Londres, on y trouve des stands de prévention, de tatouage, de vente de Doc Martens…
Au milieu, un rond-point avec une énorme tête de mort blanche, qui jouxte l’Extrem Market. Un gigantesque marché, où les métalleux achètent tee-shirts, casquettes, tasses aux couleurs de Black Sabbath et autres…  Pour le reste, vous n’avez qu’à imaginer le Disneyland pour metalleux… Une grande roue, des bars, une petite forêt, des vignerons qui font goûter leur Muscadet (chaque année, ces derniers vendent environ 5 000 litres au Hellfest), un espace VIP/Presse, six scènes, des stands de nourriture ou de pros du secteur…

« Personne ne t’insulte »

La veille, quelqu’un a demandé sa copine en mariage en plein festival (elle a dit oui, ouf). Ce samedi, c’est la folie partout. L’ambiance est mortelle (hé hé), tout le monde a le sourire vissé aux lèvres (dommage pour le cliché), certains sont déguisés (on a repéré un lapin, deux Elvis, un en string Borat, des pirates, des vikings, un déguisé en pénis géant, un autre avec un tee-shirt Céline Dion ou encore un Mario Bros…).
Sous un soleil de plomb (on tape déjà les 28° à l’ombre), beaucoup de festivaliers naviguent torse-nu ou en soutien-gorge. On a croisé une femme nue, mais notre décence nous interdit d’en parler ! Il n’empêche qu’ici, « les filles ne sont jamais embêtées. Tu peux te balader en mini-jupe, ou en soutif, personne ne te juge, ne t’insulte, et te poursuit pour avoir ton numéro », raconte Julie, 29 ans. Oui parce qu’en plus, sachez, braves gens, que la gente féminine a explosé ses effectifs dans le metal. La preuve au Hellfest, ELLES sont partout ! On tord le cou au fameux « metal = musique pour hommes ».

L’attente tranquille

Bon au fait, sachez aussi qu’au Hellfest, on attend. On attend pour tout. Pour aller aux toilettes, prendre des jetons, acheter à boire, se laver, aller au camping, prendre une bière, une deuxième bière, on attend en attendant l’attente d’attendre.  Heureusement, tout ça passe plutôt bien grâce aux 2 700 bénévoles d’une gentillesse inouïe. Impossible de ne pas saluer leur boulot monstre. Dans le lot, 1 250 ont été recrutés par Animaje, contribuant à financer le départ en vacances de 460 jeunes de la vallée de Clisson. Classe.
Au milieu de tout ça, il y avait aussi plus de 500 journalistes, venus du monde entier, de tous les supports. On a même croisé Maxime Musqua venu réaliser un défi pour le Petit Journal (à visionner ici). Déguisé en hippie, il a déambulé au Hellfest en quémandant câlins et bisous (tout le monde lui a rendu !), puis a profité d’un concert pour faire un slam dans la foule
on peut le voir venant de la gauche juste là :
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Venus de partout

D’ailleurs, en parlant de monde entier, près de 35 % des festivaliers ici sont étrangers. Djihnbah, par exemple. Ce jeune de 19 ans est venu du Bengladesh (« ça fait longtemps que j’économise ! », sourit-il). On ne sait pas pourquoi, mais il a un skate accroché dans le dos. Il a visiblement forcé sur le houblon, mais on l’aime bien. Surtout quand il s’excuse et part en courant comme un dératé, parce que son groupe fétiche a commencé. Idem pour d’autres personnes croisées, débarquant tout droit du Mexique, du Laos, ou encore de l’Australie et du Liban !

Un million de litres de bière

Alors avec tout ce monde, ça en fait de la bière qui file direct dans les gosiers (dimanche, il a fait 32°, la voilà notre bonne excuse). Et ça tombe bien, Kronenbourg, fidèle au festival, avait prévu un million de litres pour les trois jours ! En revanche, cette année, Christine Boutin n’a pas voulu polémiquer avec la marque de la bière. En 2010, elle avait écrit un courrier au Président de Kronenbourg pour lui demander de « cesser ce festival qui promeut et véhicule la culture de la mort ». Bizarrement, avec plus de 3 millions de demis servis, la lettre est restée sur un coin de bureau…

Peace and rock ‘n’ roll

Bah oui, c’est comme ça, le Hellfest. Certains veulent interdire un festival « satanique », « anti-chrétien » ou encore « dangereux pour la jeunesse » (à lire l’article de Konbini ICI) … Sauf que ça ne fonctionne pas et que l’ambiance est toujours aussi bonne. D’ailleurs, c’est drôle : tout le monde est ami avec tout le monde pendant ces trois jours. On ne se connaît pas, mais on s’aime. On ne va pas dire que ça fait hippie (un coup de casque de viking est vite arrivé), mais c’est du peace & love, façon rock ‘n’ roll. Les fleurs sont remplacées par des pintes ; les danses baba-cool sont remplacées par des wall of death. Un wall of quoi ? Mais si, ça :
[youtube width= »400″ height= »250″]http://www.youtube.com/watch?v=73d8pMnMbKg[/youtube]

Le camping de l’Enfer !

Avec tout ça, niveau ambiance, on a oublié le camping. Le camping Hellfest, c’est un peu compliqué. Tu es tout fier avec ta tente Q… (chut, pas de marque pour cette-tente-qui-se-déplie-en-quelques-secondes). Sauf qu’il n’y a que ça à perte de vue. C’est comme si tu disais « rejoins-moi, je suis à côté d’un type en noir avec des cheveux longs et j’ai une bière dans la main ».
Ne compte pas dormir non plus, ça ne sert à rien. Pourtant on a essayé en se couchant vers 3 h du matin. Dur, dur, car la tradition ici, ce sont les festivaliers qui hurlent « à poiiiil » ou « apérooooo » toutes les deux minutes (et forcément, tout le camping doit crier en retour).  Alors on a pu fermer l’œil de 7 h à 7 h 30, au moins. Pas mal. Le réveil s’est fait par un rôt tonitruant, venu tout droit du fin fond des entrailles. Enfin, surtout de la tente à côté, où dormaient des Russes à l’odeur de vodka.
Mais bizarrement, le réveil s’est fait avec le sourire. Avant de retourner dans la chaleur des concerts. Chaleur météo, mais aussi humaine. Retrouver tout ce beau monde et s’éclater. Laisser ses soucis de côté, écrabouillés par les musiques pachydermiques qui ont secoué Clisson. Donc forcément, on est obligé de dire à l’année prochaine.

(Merci au Hellfest, à Roger, Ben Barbaud, et aux bénévoles)   

Aurélien Germain

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Notre galerie photos 
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Reportage au Hellfest : côté concerts !

Le Hellfest, c’est l’ambiance, les festivaliers, mais aussi des concerts de folie. Compte-rendu de plus de trente groupes en deux jours. Ouille !

SAMEDI 21 JUIN

Les festivaliers ont déjà carburé la veille, vendredi, sous un soleil de plomb. Aux dires de certains, les vétérans du heavy, Iron Maiden, ont tout pulvérisé. Mais pour ce samedi, l’affiche est tout aussi alléchante et l’ambiance toujours aussi bonne (notre reportage ambiance sur le site ICI).

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Acid King  (photo tmv – Aurélien Germain)

Départ du marathon avec Benighted. La foule est déjà nombreuse. Tant pis pour l’estomac qui gargouille (il est 12 h 15), le groupe façon bulldozer a vite fait de calmer notre fringale ! Avec leur brutal death mâtiné de grind, les Français torpillent le public qui le lui rend bien : la fosse est déchaînée et la poussière grimpe jusqu’au plafond du chapiteau Altar. Surexcitée et surprenant même le chanteur, la foule hurle en chœur un tonitruant« Let the blood spill… between my broken teeth !” (traduction : laisse le sang couler entre mes dents cassées”. Charmant). Le frisson !
À 13 h 35, Supuration ravit les festivaliers avec son set calibré et au son explosif. Sur la Mainstage, les SkidRow (ultra populaires dans les années 90) envoient tube sur tube et leur hard rock aux relents de Mötley Crüe sonne parfaitement sous le soleil de Clisson. Un plaisir. Des milliers de personnes se ruent sous la tente Temple… Ce sont les très rares Trollfest qui débarquent sous des acclamations hallucinantes. Le folk metal sautillant des Norvégiens est l’un des concerts les plus attendus. Délire déjanté, né d’une soirée beuverie, leur musique enflamme subitement la foule : tout le monde hurle, saute, pogote, boit dans des cornes. Folie furieuse pour trois quarts d’heures de bonheur.
Dans la foulée, Incantation remet les pendules à l’heure : on n’est pas là pour rigoler. Leur gros death metal blindé fait l’effet d’un char d’assaut. En 45 minutes, les Américains ont littéralement tout dévasté. Ouille ! Venus de l’Oregon, Witch Moutain et sa chanteuse emmènent le public dans les étoiles, avec un concert planant et magnifique. Tandis qu’après, Schirenic plays PungentStench s’occupe de distribuer quelques baffes, avec un death metal hargneux, véloce, au son parfait.
À 17 h 50, tout le monde se rue vers Acid King. Ce groupe balance un énorme stoner à la sauce psychédélique (normal, ils viennent de San Francisco) et signe là, tranquillement, l’un des meilleurs concerts de la journée. Pour se remettre de tout ça, direction la Mainstage 2 pour assister au set des anciens de Status Quo. Ils ont tous beau avoir la soixantaine plus que bien tassée, leur rock est simplement fédérateur et fait chanter tous les festivaliers, notamment sur l’ultra culte In the army now. Un excellent set.

Le temps de prendre la tornade hardcore Hatebreed durant une chanson, direction (en courant !) le chapiteau pour le concert de Tsjuder. Plus qu’attendus, les Norvégiens enquillent des titres ultra rapides, dégoulinant de black metal, avec brio. Façon marteau-piqueur, Tsjuder assomme les têtes et enfonce le public dans le sol. Le coup de grâce viendra avec la reprise de Sacrifice de Bathory (un groupe culte dans le milieu). Le public en sort trempé, laminé. Wow.

Le plafond d'une des scènes...
Le plafond d’une des scènes… (Photo tmv – Aurélien Germain)

Histoire d’être maso jusqu’au bout, l’enchaînement se fait avec Brutal Truth et son grind culte. Les New Yorkais, qui pratiquent le tabassage en règle depuis 1990, finissent de brutaliser un public en transe et en nage. L’heure est passée trop vite. Vous pensiez calmer votre nuque avec Eluveitie ? Loupé ! Les Suisses vont envoyer une heure de concert absolument formidable, suivi par un public en ébullition, qui lui mange dans le creux de la main. Leur folk metal agrémenté de flûtes, cornemuse, violon et compagnie, emmène tout le monde dans un tourbillon de folie. Moment intense, lors du titre Inis Mona qui reprend la mélodie de la Tribu de Dana.
Changement de registre avec la fin du set de Deep Purple : les papys du rock sont là, bel et bien là. Un peu fatigués (ça a du mal à pousser la voix…), mais comment en tenir compte lorsque retentissent les accords du mythique Smoke on the water et le tube Hush ?
Quitte à continuer dans le classique, un petit Aerosmith ne fait pas de mal. Tête d’affiche du samedi, la bande à Joe Perry et Steven Tyler sont venus avec leur valise de hits. L’apogée survient avec le tube I Don’t wanna miss a thing, ballade qui permettrait à n’importe qui de tomber amoureux ou amoureuse et de se lancer dans un petit plan drague. Ah, ils savent y faire, les bougres !
La nuit est tombée, les pieds sont amochés, les oreilles bourdonnent. Avant de rejoindre le camping, un petit détour permet de tomber nez à nez avec Phil Anselmo & the illegals. Grosse surprise : l’ex-chanteur de Pantera reprend… du Pantera ! Et pas des moindres : les claques que sont Domination et New Level filent le dernier uppercut dans une fournaise chaude bouillante.
Victoire du Hellfest par KO.

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Blues Pills (Photo tmv – Aurélien Germain)

DIMANCHE 22 JUIN

Bon, on l’a dit dans l’autre article… la nuit a été « courte ». Qu’à cela ne tienne : à 11 h du matin, c’est Blues Pills sur la grande scène et c’est immanquable. Les festivaliers l’ont bien compris : ils sont très nombreux, malgré l’heure matinale. Le groupe lui-même est surpris de l’accueil et de la foule. Et là, d’un coup d’un seul, la claque. La baffe. La musique qui prend aux tripes. Ils n’ont que la vingtaine, mais les musiciens de Blues Pills envoient un  blues psyché teinté de hard rappelant Led Zep, Fletwood Mac, Cream ou encore Hendrix. Dans cette ambiance 60s-70s, la voix soul et rétro de la sublime Elin Larsson envoûte, rappelle Janis Joplin. Un trip, un véritable voyage, hallucinant et hallucinatoire.
Dans la foulée, impossible de résister à Satan’s Satyrs et leur doom piqué au stoner. Ils ne sont que trois, invisibles derrière leur choucroute capillaire, mais enquillent les riffs dévastateurs, magnifiés par une basse vrombissante qui remue le ventre. Même plaisir devant les Blacklodge qui mélangent black metal martial et sonorités industrielles/électroniques. Un délice. Du coup, le changement de décor avec Lofofora fait bizarre ! Parrains de la scène française, les énervés de Lofo ont rempli le site ! Yeux bleus perçants et menaçants, Reno (chant) balance ses diatribes avec sa verve habituelle. La justice prend cher et son discours sur les intermittents ravit les foules (une banderole de solidarité trône d’ailleurs à l’entrée du terrain). Le public, hyper excité, disparaît derrière les nuages de poussière lors des pogos.
Tout aussi énervé, The Ruins of Beverast (pourtant rares) crache son black metal devant un public un peu maigrelet, mais hypnotisé. Bof, bof. À 13 h 35, dans la foulée, les bourrins de Ulcerate enflamment les planches, tout comme Heretic et les fous furieux de Black Tusk (un succès incroyable !). Mais c’est sans conteste Unleashed qui remporte la palme du rouleau compresseur de la journée ! Avec leur death metal old school, leurs paroles de vikings bourrus et un son à décorner les bœufs, les Suédois enquillent les Mindvinterblot, I Don’t want to be born et Death Metal Victory ravageurs. Grandiose.

Contraste total avec Equilibrium (attendu par de nombreux festivaliers) avec  leur folk metal épique qui fait bondir la foule comme un seul homme et provoque un tsunami dans la fosse ! Bim. Moins puissants, les thrasheurs canadiens de Annihilator ont un peu plus de mal à remplir le contrat, la faute à une chaleur qui est entrain d’assommer tous les festivaliers (la scène est en plein soleil).  Retour sous le chapiteau Altar pour se prendre une grosse volée avec les Black Dahlia Murder. Les Américains mélangent tout : death, black, thrash, pour un metal survolté, branché sur du 1000 à l’heure en continu. Épuisant, mais jouissif.
Sur la Mainstage, à 19 h 50, le public se presse devant la scène, où le decorum de Behemoth file la chair de poule. Avec leur death black pachydermique, les Polonais proposent une setlist malheureusement trop commune (un peu d’audace, que diable !), mais sait lancer les bons missiles, notamment un Slaves Shall Serve surpuissant, gâché par un son brouillon et tout en basse. Mais il manque ce quelque chose, un peu d’intensité, de folie, ce petit quelque chose. Est-ce à force de les voir sur tous les festivals et en concert très souvent ? Peut-être…
Niveau déception, on remettra le Grand prix à Soundgarden… Groupe pourtant adulé, les rockeurs de Seattle semblent être sur scène uniquement pour toucher le chèque. Kim Thayil manie sa guitare avec brio, mais paraît s’ennuyer ferme, à l’instar du bassiste Ben Shepherd qui fait le minimum syndical. Heureusement que le très charismatique Chris Cornell relève le niveau, en communiquant avec le public, tout sourire. Et ce n’est même pas le tube planétaire Black Hole Sun qui relèvera le niveau. Une purge… Quel dommage…
En tout cas, impossible de faire quelconque reproche aux majestueux Emperor. Beaucoup sont d’ailleurs venus uniquement pour les maîtres du black metal grandiloquent. Et sur scène, c’est épique, joué au millimètre, entraînant dans un tourbillon d’émotions. Le soleil se couche et plonge alors le groupe dans une ambiance somptueuse, où les ténèbres viennent s’abattre en même temps que les dernières notes.

Image7Dire qu’à 23 h 10, cette immense foule (à perte de vue !) attend Black Sabbath avec impatience est un doux euphémisme. La nuit est là. Pile poil pour les inventeurs du heavy metal, ceux par qui tout a commencé. En backstage, on entend la voix de papy Ozzy qui demande au public si ça va… 45 000 personnes répondent. Et dans de superbes lights, apparaît alors le Sab, au son d’un War Pigs phénoménal. Alors oui, Ozzy Osbourne semble déphasé, s’accroche à son pied de micro et a dû prendre quelques substances pas très licites avant le concert… Sa voix laisse à désirer, mais le Prince of Darkness a 65 ans, et il est encore là. Sur scène. Avec son aura. Bien plus impérial est Tony Iommi qui rappelle à quel point il est un guitariste d’exception (pourtant tout juste sorti d’un cancer lympathique). Et puis, pour beaucoup de metalleux, c’est juste un plaisir de voir (peut-être pour la dernière fois ?) un des groupes mythiques, fondateur de tout, fondateur de la noirceur de cette musique. Comme le montre leur tube Black Sabbath, joué dans des lumières mauves, à l’ambiance terrifiante, où Ozzy rit comme un damné.

Et à en voir la foule hétéroclite qui chante à pleins poumons ce titre, l’on se dit que Black Sab réunit les générations et restera culte : enfants, parents, jeunes metalleux de 30 ans, sexagénaires… Bref, à l’image du Hellfest et des concerts : une réunion, une grande réunion. Voilà… On est venu, on a vu, le Hellfest a vaincu.

Aurélien Germain

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ET EN IMAGES ?
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[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=xbURoqK0yuQ[/youtube]

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=_YGjqUeo7lQ[/youtube]

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=YCpJpK_Fyro[/youtube]

Tmv déménage au Hellfest (ce week-end) !

Du 20 au 22 juin, le célèbre Hellfest – festival metal et hard rock de renom – s’installe près de Nantes. Et ça tombe bien, tmv y sera pour tout vous raconter !

hellfest-logo
On en parlait ICI début avril : du 20 au 22 juin, c’est le Hellfest, soit l’un des plus grands festivals metal et hard rock du monde (et l’un des plus énormes de France, d’ailleurs !). Installé à Clisson, près de Nantes (44), c’est un peu la messe pour tout bon chevelu qui se respecte.

Cette année, un de nos journalistes à tmv va prendre son sac à dos et assister au Hellfest. Vous pourrez donc lire le compte-rendu sur notre site internet : concerts, ambiance, animations, ou galerie photos et festivaliers.

Car au total, le Hellfest, ce sont 100 000 personnes sur les 3 jours (et c’est complet depuis janvier) et plus de 155 groupes : cette édition (l’affiche est en or, on vous dit !) verra défiler les plus grands noms, comme Black Sabbath, Iron Maiden ou encore Aerosmith et Deep Purple. Mais aussi Slayer, Kvelertak, Emperor, Lofofora, Avenged Sevenfold, Acid King, Spirit Caravan, etc. (La programmation, pour les curieux, est à admirer ICI).

Aujourd’hui, jeudi 19 juin, les festivaliers ont déjà commencé à affluer sur le site (si, si, regardez en dessous). Tmv y sera et on vous racontera tout, même le plus inavouable !

[nrm_embed]<blockquote class= »twitter-tweet » lang= »fr »><p>[<a href= »https://twitter.com/search?q=%23Hellfest&amp;src=hash »>#Hellfest</a>] Pèlerinage en cours !! <a href= »http://t.co/TJNExRgNHV »>pic.twitter.com/TJNExRgNHV</a></p>&mdash; À Jeter Prom (@AJeterProm) <a href= »https://twitter.com/AJeterProm/statuses/479549407084691456″>19 Juin 2014</a></blockquote> <script async src= »//platform.twitter.com/widgets.js » charset= »utf-8″></script>[/nrm_embed]

[nrm_embed]<blockquote class= »twitter-tweet » lang= »fr »><p>Le <a href= »https://twitter.com/search?q=%23Hellcity&amp;src=hash »>#Hellcity</a> en vidéo !! <a href= »https://twitter.com/search?q=%23hellfest&amp;src=hash »>#hellfest</a> <a href= »https://t.co/Hr46U2kxia »>https://t.co/Hr46U2kxia</a></p>&mdash; À Jeter Prom (@AJeterProm) <a href= »https://twitter.com/AJeterProm/statuses/479605569578610688″>19 Juin 2014</a></blockquote> <script async src= »//platform.twitter.com/widgets.js » charset= »utf-8″></script>[/nrm_embed]

[nrm_embed]<blockquote class= »twitter-tweet » lang= »fr »><p>Camping gates… H-1 ! <a href= »http://t.co/fVy5CLkqFg »>pic.twitter.com/fVy5CLkqFg</a></p>&mdash; Hellfest Productions (@hellfestopenair) <a href= »https://twitter.com/hellfestopenair/statuses/479575166474002432″>19 Juin 2014</a></blockquote> <script async src= »//platform.twitter.com/widgets.js » charset= »utf-8″></script>[/nrm_embed]

Le Bar Bidule au vert

Un air de vacances flotte déjà dans l’air. Cela tombe bien, on s’est fait un tour au Bar Bidule. Idéal pour nos kids !

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Un air de vacances d’été flotte depuis le 14 mai au parc de Sainte-Radegonde à Tours. Au détour du sentier, quelques mètres seulement après l’entrée, apparaît un petit chalet en bois aménagé à l’ombre des grands chênes : le Bar Bidule. Un espace ludique et coloré réservé aux familles.
Ce projet, porté par l’association Bidulbuk, est lancé en 2012 par deux mamans, Aurélia Behr et Maud Tondereau, auxquelles s’est jointe Anita Bret, éducatrice d’enfants handicapés. Toutes les trois rêvaient d’un lieu de détente pour les parents tourangeaux. Le premier café des enfants, les mercredis et dimanches, a commencé au sein du café Colette sur le quai Paul-Bert, à Tours.
Au Bar Bidule, on rit, on boit une grenadine, on papote ou on participe à ce qu’Aurélia appelle « les temps d’expression ou de création ». En gros, ce sont des ateliers d’expérimentation, animés par des bénévoles. Bref, une ambiance douillette qui connaît un franc succès. Avec l’arrivée des beaux jours, le Bar Bidule a décidé de sortir de ses murs, Aurélia et sa bande vous attendent également au parc Sainte-Radegonde. Sur place, confortablement installés sur des transats ou des poufs près de la cabane ou à l’ombre des tentes à flots, les passants sont invités à se prélasser ou à déguster une glace pendant que les chérubins eux pourront lire ou jouer en toute tranquillité…
Et pour animer les lieux, l’association a prévu de faire venir ponctuellement des musiciens, conteurs et masseurs…
Ouverture du Bar Bidule les mercredis-samedis- dimanches de 14 h à 18 h en mai et juin, du jeudi au dimanche de 12 h à 18 h en juillet et août.
Plus d’infos sur assobidulbuk.over-blog.com

Nostalgie Bac : on a repassé les maths !

À un mois du bac, les révisions s’accélèrent et le stress s’accumule. Pour comprendre ce qui se passe dans la tête d’un lycéen, un de nos journalistes est allé repasser son bac… Enfin juste l’épreuve de maths. (Photos tmv)

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Jeudi dernier. 13 h. Après avoir rapidement déjeuné, je prépare mon sac. Aujourd’hui, je passe mon bac. Feuilles de brouillon, trousse complète, bouteille d’eau. Je suis fin prêt. Direction le lycée Sainte-Ursule, dans le centre-ville de Tours, où se déroule l’épreuve. Dans le bus, je regarde mes pieds et tente de me remémorer une dernière fois les points clés du programme. Une fois arrivé au lycée, je suis accueilli par un membre de l’équipe enseignante qui me conduit à la salle d’examen. La traversée de la grande cour du lycée me paraît interminable. Des lycéens discutent à côté de la grille, d’autres sortent du bâtiment principal pour rejoindre le réfectoire. Je fuis les regards et m’efforce de rester concentré.
J’arrive dans la salle du 2e étage, la boule au ventre. Les rangées de tables scolaires en PVC se succèdent jusqu’au grand tableau noir. Pas d’horloge, aucune inscription sur les murs, pas un bruit, un brin austère. Je m’installe, seul, dans cette grande salle de classe vide.

« Vous avez trois heures ». 14 h. Le coup d’envoi de l’épreuve de mathématiques est donné. Les mains tremblantes, je m’empare du sujet posé par l’enseignant sur le coin de mon bureau. Je le parcours du regard, à la recherche de l’exercice le plus facile pour me lancer. Après plusieurs lectures des cinq pages du sujet, je me fais à l’idée que mes révisions n’auront pas été suffisantes. J’ai 23 ans et le bac depuis six ans. Pourtant je me sens soudain pris d’un léger sentiment d’angoisse, qui me rappelle mes années lycée. Pause nostalgique. Je reprends mes esprits et plonge dans le sujet, stylo dans la main droite, calculatrice dans la gauche.
Les réflexes du (presque) bon scientifique que je fus, reviennent au fur et à mesure. Pour ne pas me ridiculiser, j’ai opté pour le sujet de terminale ES, légèrement plus simple que l’épreuve de S. Les questions faciles défilent et, soudain, plus rien. On rentre dans le vif du sujet. Une équation à rallonge me nargue avec insolence, me poussant à laisser tomber la question, visiblement trop compliquée pour mes connaissances sur le déclin. Je m’étais fait une joie d’être le cobaye tmv quand les collègues de bureau ont énoncé l’idée de repasser le bac. Peutêtre trop serein au départ, je me rends rapidement compte que je ne suis plus à la hauteur. Et que la mémoire n’est pas éternelle.

J’avais pourtant bien préparé cette épreuve blanche en relisant les programmes, en enquêtant auprès de jeunes bacheliers et en me remémorant ma propre expérience du baccalauréat. L’après-midi s’annonce bien long. Il doit être 15 h. L’heure tourne. Pour éviter de la regarder toutes les cinq minutes, je n’ai pas pris ma montre. Bien mal m’en a pris, il n’y a pas d’horloge dans la salle de classe et je n’ai pas de voisin à déranger, étant seul dans cette immense pièce vide. Qu’à cela ne tienne, je sais qu’il faut passer à la vitesse supérieure. Lois binomiales, fonctions dérivées, primitives, exponentielles… Le vocabulaire m’est familier mais chaque question me demande de fouiller ma mémoire de fond en comble pour me rappeler comment résoudre les problèmes posés.

Les deux premiers exercices terminés, je m’attèle aux deux suivants, visiblement plus complexes. Là encore, je prends le temps de lire l’ensemble des questions, histoire de bien structurer mon propos. L’épreuve de mathématiques ne demande pas seulement de savoir bien compter. La rédaction et le détail des explications font partie de la note finale. Pour l’heure, je préfère ne pas y songer et poursuis ma tâche, avec rigueur et concentration. Les réflexes de calcul reviennent, je gagne en confiance.
Tout est finalement question d’entraînement. Je me rends compte qu’un lycéen arrivant à l’épreuve sans suffisamment de pratique doit se sentir bien seul devant sa copie. Même si les mathématiques restent faciles d’accès pour les personnes dotées d’un bon esprit de logique, les formules et les théorèmes ne s’inventent pas. Au bout de deux heures d’épreuve, je boucle le troisième exercice. 16 h, d’après moi. Pas le temps de souffler, j’enchaîne en me disant que le temps restant au terme de l’épreuve sera précieux pour me permettre de bien relire ma copie. Dès la première question, je sèche. Mon smartphone posé sur la table me fait de l’œil. « Va donc retrouver cette formule sur internet », me dis-je. Un moment tenté par l’idée, je me ravise en m’efforçant de jouer le jeu jusqu’au bout. Pendant l’épreuve officielle, toute tentative de triche est punie d’une interdiction de présenter un examen national pendant cinq ans. Imaginez un peu : pas de bac, pas de permis de conduire, pas d’études supérieures pendant cinq ans.

On a rarement connu pire situation pour se lancer dans la vie d’adulte. Très souvent, dans les épreuves scientifiques, les questions sont indépendantes ; il ne faut donc pas s’attarder sur une difficulté, mais plutôt passer à la suite.
16 h 55. Question 5 de l’exercice 4 bouclée. Partie terminée. Je suis assez content de moi. Je profite des cinq minutes qu’il me reste pour relire rapidement ma copie, à la recherche de fautes d’étourderie. L’étape est cruciale, deux ou trois points peuvent vite être perdus. La porte de la classe s’ouvre. « Alors, ça a été ? » À question bateau, réponse bateau : « Bof, on verra. » Le lycéen est modeste, voire défaitiste. Je joue mon rôle à fond. L’enseignant récupère ma copie et me raccompagne à la sortie. Épilogue d’un après-midi mouvementé. DOSS_PAP_3

Le lendemain, 17 h. Non content d’avoir retrouvé mon statut de journaliste, je n’en suis pas moins pressé de connaître ma note. Le téléphone sonne, ma copie a été déposée à l’accueil de la rédaction. Tel un jeune premier de la classe, j’accours dans le hall pour découvrir ma sentence. Stress. Joie. 16/20, je ne suis finalement pas si rouillé que ça. L’appréciation souligne de bonnes qualités rédactionnelles, mais quelques oublis. Le bonheur m’emplit, je pense même appeler ma mère pour lui dire que je suis reçu. Deuxième séquence nostalgique. Je me rappelle ce jour de juillet 2008 où j’ai vu mon nom écrit en lettres capitales sur le tableau des résultats du baccalauréat, mes parents me félicitant, mes amis me proposant d’aller fêter ça, mes professeurs n’en revenant pas et moi, juste fier du travail accompli.

Rythmes scolaires : une rentrée 2014 plus light

Les rythmes scolaires, on en parle, on en parle. Mais à Tours, comment ça va se passer ?

Les activités périscolaires des petits tourangeaux auront lieu seulement deux après-midis par semaine.
Les activités périscolaires des petits tourangeaux auront lieu seulement deux après-midis par semaine.

« C’est une petite victoire, » rigole Sabrina Hamadi, représentante de la Coordination des écoles de Tours. Cette organisation, qui a beaucoup combattu les nouveaux rythmes scolaires, vient de participer à une réunion avec la ville de Tours. Le 12 mai dernier, plusieurs représentants des directeurs d’école, de parents et d’Atsem (Agent spécialisé des écoles maternelles) se sont mis d’accord avec la municipalité sur un assouplissement des horaires pour la rentrée 2014.

« C’était surtout la question des activités pendant la pause méridienne qui nous choquaient, rappelle Sabrina Hamadi. Nous avons été très surpris de voir que la nouvelle municipalité nous avait écoutés. » La semaine se déroulera bien du lundi au vendredi. Deux jours par semaine, les enfants iront à l’école de 8 h 30 à 11 h 30 et de 13 h 30 à 16 h 30. En revanche, les deux jours restants, ils finiront à 15 h et les activités périscolaires gratuites prendront le relais jusqu’à 16 h 30. Le mercredi, une garderie sera mise à disposition jusqu’à 12 h 15, gratuitement.

« C’est une avancée, constate Sabrina Hamadi. En revanche, il reste beaucoup de questions sur le bon déroulement de la rentrée. » Quel budget la mairie a-t-elle ? Comment les 250 éducateurs seront formés ? Par qui ? Sabrina Hamadi se dit « contente de cette avancée, en revanche, je suis un peu déçue que cet assouplissement soit appliqué aux maternelles et aux primaires de manière identique. Un enfant de quatre ans n’a pas la même concentration qu’un autre de huit ans. »
Cette réunion tourangelle coïncide avec le projet de Benoît Hamon pour « alléger » le décret Peillon. Le nouveau ministre de l’Éducation, sans revenir sur la semaine de cinq mâtinées d’affilée, propose de concentrer les trois heures de périscolaire en une seule demijournée. Visiblement, ce n’est pas l’option tourangelle. Les écoles de Tours se dirigent vers un système à mi-chemin entre l’ancien et le nouveau.

Reportage : au coeur de la Croix-Rouge

À l’occasion de la Journée mondiale de la Croix-Rouge, tmv s’est rendu dans l’antenne locale, Tours plus. Un véritable microcosme, le cœur de ces héros de l’ombre.

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(Photo S. Gaudard)

Un mardi après-midi, sous des trombes d’eau. La pluie dégouline des gouttières, le ciel est menaçant. Au numéro 25 de la rue Bretonneau, une foule hétéroclite se presse. Trempées de la tête au pied, une vingtaine de personnes, hommes et femmes de toutes nationalités, sont venues ici pour la distribution du courrier. Tous sont domiciliés ici, à l’antenne de la Croix- Rouge de Tours. « Non, monsieur, c’est tout nouveau. Madame devra venir chercher son courrier elle-même, vous ne pouvez pas le prendre. Désolé. C’est pour tout le monde pareil. » Dimitri (*), la quarantaine bien tassée, visage anguleux, voulait récupérer les lettres de sa femme. Mais ce n’est plus possible. Venu tout droit de Roumanie, il est arrivé à Tours il y a quelques mois. « Parce que… Des accidents de la vie », bafouille-t-il, dans un français hésitant. Il n’en dira pas plus. Et disparaît comme une ombre sous la pluie.

« Le mardi matin, on trie le courrier. L’après-midi, on le distribue à ces personnes. Ils sont demandeurs d’asile, sans domicile fixe, etc. », explique Patrick Choutet. Il est le président de l’unité locale de la Croix-Rouge, Tours plus. Voix posée, douce, il parle tranquillement, avec un petit sourire. Derrière ses petites lunettes, ses yeux foncés ont vu passer des centaines de gens depuis un peu plus d’un an, lorsqu’il a pris officiellement ses fonctions. Dans la salle d’attente du local, on s’aperçoit que la distribution du courrier est surtout un moment d’échange. On tisse du lien social, on aide. Quatre hommes attendent leur tour. Engoncés dans des vestes en cuir, ils se saluent, parlent fort, heureux de se voir. Une petite accolade, deux trois saluts de la tête en direction d’une jeune femme, assise. Eux sont Serbes et expliquent apprécier « ce moment sympa à la Croix-Rouge ».

S’il y a un souci avec le courrier, les bénévoles seront là pour les aider, les aiguiller. « Écoute, accueil et conseil », comme le répète en boucle Patrick Choutet. « La Croix-Rouge n’est pas là pour régler la détresse », mais pour tendre la main, « les remettre dans le droit commun, dans le circuit ». Preuve en est : « On ne les questionne pas sur leur passé. Ils en parlent s’ils veulent… Que quelqu’un soit en situation régulière ou pas, ait appartenu à un gang… ça arrive mais c’est quelqu’un qu’on doit accueillir. On n’a pas à faire le tri ! », précise le président. Chaque semaine, ce sont dix à vingt nouvelles inscriptions rue Bretonneau… « C’est beaucoup », avoue Patrick Choutet.

En 2013, d’après lui, il y avait 64 nationalités différentes, sur Tours. « C’est en fonction des conjonctures internationales… Il y a beaucoup de migrants qui viennent d’Europe de l’Est, d’Afrique, d’Asie. » D’ailleurs, dans le local tourangeau, on entend un tas de langues différentes. Du russe, du romani, du somali… Mais à chaque fois, un petit mot de français : un merci, un bonjour. Parce qu’ici, les mercredis et samedis, la Croix- Rouge dispense aussi des cours de français. « On donne la base », prévient Patrick Choutet. Des rudiments pour comprendre un minimum. « On évalue les progrès quand quelqu’un qui parlait en regardant ses pieds, finit par dire quelques mots de français en nous regardant en face ! », dit-il en souriant. Au final, c’est dans ce petit immeuble de la rue Bretonneau que se trouve le cœur de la Croix-Rouge de Tours. « C’est une grosse structure, oui. » Une sorte de grande maison, où l’on va et vient.

Loin de ne faire que dans le secourisme, l’antenne régit quinze actions sociales. Par exemple, la distribution alimentaire à l’épicerie sociale. Si Joué-lès-Tours reçoit 70 familles par semaine, le chiffre est de… 200 à Tours. « C’est pour cela qu’on a besoin de bénévoles », martèle Patrick Choutet. Car il en faut beaucoup pour gérer tout cela. La vestiboutique notamment, où les vêtements sont vendus entre 0,50 € et 3 € à tous (« 1 € égale un repas pour la Croix- Rouge ! »), ou servent encore aux dons, aux maraudes… Il en faut aussi pour les actions en prison : la Croix-Rouge travaille main dans la main avec la maison d’arrêt de Tours. « Sur la base du volontariat, les mineurs peuvent venir à nos ateliers cuisine, où ils prépareront ce qu’ils veulent manger. C’est un lieu de ré-identité, de partage », raconte Patrick Choutet.

Autre action, la santé-prévention. Toujours rue Bretonneau, où la Croix-Rouge informe sur les lieux de dépistage des maladies sexuellement transmissibles (MST). Ce jour-là, Nouria attend dans la salle d’attente. Cachée dans un survêtement trop large, elle esquisse à peine un mot : « préservatif ». Un peu perdue, les yeux dans le vague. Un homme assis en face semble l’écouter. Nouria s’arrête net et se ferme. Mais l’antenne Tours plus l’aiguillera. Pas de soins à proprement parler, mais une main tendue, une nouvelle fois. Idem pour les actions de collecte, de secourisme (à Joué-lès-Tours), de microcrédit (prochainement) ou encore de visites aux personnes isolées et hospitalisées, où les bénévoles « voient beaucoup de personnes âgées et retraitées, contrairement au secourisme et au Samu social, où il y a de nombreux jeunes ».

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Le Samu social est, lui aussi, basé rue Bretonneau. C’est ce qu’on connaît plus communément sous le nom de « maraude ». Les bénévoles fabriquent eux-mêmes les sandwiches. « Il y en a environ une centaine à faire par tournée », indique Nathalie Fillon, la coordinatrice. Boissons chaudes, soupes, desserts, gâteaux : « la chance » pour eux est d’avoir eu certaines boulangeries de Tours qui ont accepté de jouer le jeu. « Ils nous offrent beaucoup de pâtisseries et de viennoiseries ! » Julien, croisé sur le chemin alors qu’il se rendait au local, confirme. À 24 ans, il dit tout de même avoir « un peu honte de devoir mendier un casse-croûte. Surtout à mon âge… » Comme lui, d’autres jeunes n’ont pas le choix et « sont parfois nombreux », confirme la coordinatrice. « Mais il y a aussi beaucoup de gens qui ont des fins de mois difficiles et, depuis 2010, de plus en plus de personnes en précarité énergétique… » Chaque maraude voit venir une cinquantaine de demandeurs. « Parfois, ça peut monter jusqu’à soixante. » Une fois encore, pour la Croix- Rouge, il s’agit d’une mission de « lien social et d’écoute ». Et, toujours, sans jugement aucun. Patrick Choutet le rappelle : « Le symbole de la Croix-Rouge représente la protection et surtout la neutralité. »

 Aurélien Germain

ALLER PLUS LOIN
Adresse Antenne de Tours : 25, rue Bretonneau. Tél. 02 47 36 06 06. Du lundi au vendredi, 9 h-12 h et 14 h-17 h.
UNE APPLI
La Croix-Rouge française offre une séance de rattrapage pour enseigner les gestes qui sauvent et tester vos connaissances, grâce à une appli sur smartphone. L’appli qui sauve : Croix- Rouge, disponible sur Itunes et Google Play. Gratuit.
UN LIVRE
La Croix-Rouge française, 150 ans d’histoire (éditions Autrement). Un bel ouvrage signé Frédéric Pineau, Virginie Alauzet et Benjamin Lagrange. Il retrace l’histoire de l’association depuis sa création, avec une iconographie de grande qualité.
√ PRECISIONS
Dans la version papier de cet article, nous vous parlons du flashmob de la Croix-Rouge, organisé le 24 mai. Le midi, un pique-nique est organisé, mais pour précision, il est prévu uniquement pour les bénévoles, étudiants et salariés de la Croix-Rouge !

Guy Limone : le monde taille XXS

On s’est pris pour Gargantua en visitant l’expo 1/87e et ses 4 200 figurines miniatures. Géant !

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(Photos tmv) Retrouvez notre galerie ci-dessous

Ah, on est comme ça au Centre de création contemporaine (CCC) : on aime voir les choses en grand. Sauf que là, les œuvres se mesurent… en millimètres. Bienvenue dans le petit monde de l’artiste Guy Limone, et son exposition 1/87e. Intitulée ainsi « parce que ses figurines sont 87 fois plus petites que nous ! », débute Charlotte Bornes, étudiante en Master.
Elle et ses collègues en Histoire de l’art font les visites guidées de l’expo. Un plus pour leur formation. « Maintenant, je n’ai plus la pression ! On n’est pas comme des profs, mais davantage dans une notion de partage », indique-t-elle.
Piercing à la lèvre, tout sourire, à l’aise, Charlotte parle beaucoup avec ses mains. Décrit et décrypte l’expo. Plutôt que de laisser les visiteurs se perdre dans les méandres de l’art contemporain, elle explique, raconte, et surtout interagit. Pour 1/87e, elle pose des questions, fait réagir les visiteurs.

Sur les murs, on a l’impression de ne voir que de gros ronds. On s’approche et on observe toutes ces figurines miniatures, achetées puis peintes à la main par Guy Limone. Toutes ont des détails, toutes s’incorporent dans ces cercles mesurant 1,75 m, « car c’est la taille de l’artiste ». À chaque fois, l’œuvre est accompagnée d’une légende à rallonge débutant par un pourcentage. Par exemple, « 64 % des Français sont opposés à une intervention en Syrie… ». Pour celui-ci, parallèle avec l’actualité, les minuscules personnages portent des petits bonnets rouges.
« En fait, ce sont des œuvres vivantes », fait remarquer un des visiteurs. Plutôt oui ! Tout prend vie quand on approche son œil de curieux. Un véritable monde lilliputien, où chaque figurine est différente, caractéristique. Et il y en a plus de 4 000 en tout ! On balade ses yeux et finalement, on scotche devant la dernière partie de l’expo : Guy Limone a enfilé 1 500 petits bonshommes sur un fil de nylon long de 4,60 mètres. Du sol au plafond, peints en dégradé du bleu foncé au bleu clair. « De la mer au ciel, rappelant les 1 500 candidats à l’émigration. »

Alors on quitte l’exposition. Nos pas de géant laissant derrière eux une œuvre singulière, un art différent. Un monde miniature. Ho, et après tout, c’est pas la taille qui compte…

Aurélien Germain
EN BREF
L’EXPO
1/87e de Guy Limone est encore visible jusqu’au 1er juin, du mercredi au dimanche, de 14 h à 18 h, au CCC (rue Marcel-Tribut). Une visite commentée par l’une des étudiantes en Master d’Histoire de l’art aura lieu le samedi 3 mai, à 16 h 30. Et c’est gratuit ! Plus d’infos au 02 47 66 50 00 ou sur ccc-art.com

UNE FORMATION Étudiantes en Master Histoire de l’art et CCC marchent main dans la main. En leur permettant de commenter une exposition et sensibiliser les publics à l’art, l’idée, pour le CCC, est « de former les étudiants à l’expo, à la transmission de l’art. On les encadre », indique Noélie Thibault, chargée des publics au CCC. Pour celle de Guy Limone, ces jeunes filles en Master ont pu « participer au montage, à la mise en place du parcours, etc. » Un véritable tremplin pour leur insertion dans le monde professionnel et artistique.

LE PLUS On a aimé le bonus : la classe qui visitait l’expo ce jour-là a eu l’occasion (en demandant au préalable) de se prêter à une séance photo sympa. Les clichés seront miniaturisés et serviront à l’artiste Guy Limone ! (voir notre galerie photos juste en-dessous)

 

Vidéosurveillance : souriez, vous êtes filmés

Tmv a fait une petite balade… sous l’œil des caméras. Levez les yeux, elles sont plutôt nombreuses et pas forcément où on les attend. Visite guidée et paroles de Tourangeaux

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Il paraît que les murs ont des oreilles… mais aussi des yeux. Si, si, regardez un peu à droite, à gauche, les façades des bâtiments. Mais aussi les poteaux, le tramway, les lampadaires. Vidéosurveillance pour les uns, vidéoprotection pour les autres : peu importe la terminologie, le débat a toujours agité Tours. Pendant la campagne des municipales, Serge Babary (lire notre interview ICI) a répété vouloir de nouvelles caméras dans les rues, notamment dans des « zones sensibles ».
Le bas de l’avenue Grammont est plutôt vide, en matière de caméras, à part autour de la Maison d’arrêt de Tours. Arrivée à la place de la Liberté : les petits yeux sont là. Des boules, appelées « caméras Dome », sont posées sur le réseau du tramway et son environnement. Elles sont gérées par Kéolis, un opérateur privé. Vous ne les voyez pas forcément (d’un côté, qui se balade le nez en l’air ?). Mais curez-vous le nez dans la voiture, vous êtes vus. Embrassez goulûment votre dulcinée à l’arrêt Liberté, en attendant le tram, vu aussi !
Un peu plus loin, en plein quartier du Sanitas, la vidéoprotection hérisse le poil de certains habitants. « Il y a des caméras partout ! Au Palais des sports, au Centre de vie… Le Sanitas, c’est Big Brother ! », lance Ibra.
Accompagné de son ami Jonathan, il traîne dans le quartier et fait la moue à chaque caméra. « C’est pas ça qui va arrêter la délinquance. Ceux qui croient le contraire ne réfléchissent pas. Un type qui voudra voler un autre n’aura qu’à le faire un peu plus loin », souffle-t-il, dépité.
Inefficace, donc ? Catherine Lison- Croze, présidente de la Ligue des droits de l’homme Touraine (LDH37), le pense aussi. « Les caméras ne dissuadent pas. J’étais avocate pendant 40 ans et j’ai bien vu que les gens savaient s’adapter aux moyens de dissuasion. La loi oblige à prévenir de la présence des caméras. Donc on ne fait que déplacer le problème. » Avant d’asséner que « ce qui est ciblé, ce sont les couches populaires, les plus pauvres ». Récemment, Jean Germain, à l’origine de la vidéoprotection à Tours, se justifiait en rappelant que « les gens ont le droit de se promener en ville sans être ennuyés ».
« Le Sanitas, c’est le royaume des caméras. Je ne suis pas contre la vidéosurveillance, mais il ne faut pas exagérer… », soupire André, septuagénaire, vivant dans le quartier depuis une dizaine d’années. Trop de caméras, alors ? Non, d’après quelques habitants croisés. Notamment pour deux étudiantes, Marjorie et Leïla, qui estiment pour leur part que « la vidéoprotection a apporté un bénéfice au quartier. Pas seulement pour la sécurité, mais ça a poussé certains à respecter un peu les bâtiments, les gens, la tranquillité de tous… »
La balade continue. Le soleil tape. On se retrouve devant la gare, baignée par le soleil et où l’on peut apercevoir des caméras « boîtes » : de longs boîtiers, les plus répandus, que l’on voit souvent sur les bâtiments publics. Dites-vous que quand vous courez comme un dératé pour attraper votre train, vous êtes filmés ! Idem tout autour des arrêts de l’arrêt gare du tramway.
Une présence qui ne semble pas beaucoup déranger ici : « C’est même plutôt rassurant, surtout sur le parvis de la gare, le soir. Quand on rentre, seule, on a un peu la trouille… », raconte Sarah, 19 ans. « Et je me mets à la place de quelqu’un qui va se faire piquer son portefeuille. Moi, ça m’arrangerait bien que les vidéos aident à retrouver le voleur ! »
La gare oui, mais le tramway… c’est visiblement plus problématique. En apercevant la petite caméra suspendue à l’arrêt, exploitée par Kéolis, Pierrick, Tourangeau de naissance, se sent « épié et pas à l’aise ». Chaque rame compte deux caméras extérieures et huit intérieures. Ces dernières sont indiquées par de petits écriteaux, au-dessus de vos têtes quand vous validez votre ticket. Sans compter celles disposées aux abords, tout le long de la ligne, Joué-lès-Tours y compris. Un système qui avait, par exemple, permis à la police, en novembre dernier, d’éplucher les bandes vidéos et d’arrêter trois femmes coupables de nombreux vols à la tire dans le tramway.
Début mars, MobiliCités (portail des transports publics et de la mobilité) expliquait que, suite à une demande de Kéolis Tours, le préfet avait autorisé le transporteur à installer 22 caméras aux abords des stations. Seule condition : l’exploitation des images serait du ressort des pouvoirs publics.
S’appuyant dessus, La Rotative, site collaboratif d’informations locales, s’interrogeait sur la visualisation des images filmées sur la ligne de tramway, plus uniquement réservée aux compétences de la police, mais aussi désormais aux agents de Kéolis. En citant un arrêté préfectoral du 20 décembre 2013, qui faisait disparaître la référence de « visualisation de l’image ». « Celle-ci n’est donc plus réservée aux flics (sic), et les agents de Kéolis pourront passer leurs journées à regarder la ville depuis leurs écrans de vidéosurveillance », écrivait La Rotative. Or, la loi stipule bien que le public doit être informé de la présence de vidéoprotection. Si c’est bien le cas à l’intérieur des rames du tramway, tous les arrêts que nous avons visités ne présentaient pas de panneaux pour l’annoncer.
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Alors pour se reposer un peu, direction les quais, au bord de la Loire. On finirait presque par s’habituer à tous ces petits objectifs. En grignotant votre sandwich, sur les marches de l’Hôtel de ville, vous pouvez voir quelques caméras si vous levez un peu les yeux. Il y a aussi celles collées aux banques le long de la rue Nationale, autour du commissariat rue Marceau ou encore aux lycées René-Descartes et Paul-Louis-Courier.
Il est 15 h et une dizaine de collégiens, 16 ans à tout casser, sirotent des bières. Ça fume aussi (mais chut, il ne faut pas le dire). En attendant, une vingtaine de caméras observe tout ça. Julie, en classe de 3e, en rigole : « Bah, de toute façon, ça ne filme pas, c’est juste pour faire peur ! » Sa copine Sandra rétorque : « Au moins, depuis les caméras, c’est devenu plus calme et tranquille ici. »
Un couple, posé au bord de l’eau à bouquiner, ne se dit « pas dérangé » par cette vidéoprotection le long de la Loire. « Il ne faut pas polémiquer pour rien. Le Tourangeau est parano ! Si on n’a rien à se reprocher, où est le problème ? »
Le problème, pour Catherine Lizon-Croze, présidente de la LDH37, c’est le trio effet-coût-liberté. « La vidéosurveillance est inefficace. En plus, c’est une politique onéreuse dans une période de pénurie et d’économie. Et c’est attentatoire aux libertés individuelles. » Un débat loin d’être tranché. « La vidéosurveillance n’est qu’un outil, il ne faut pas caricaturer. Il faut en ajouter, mais ce n’est qu’un outil. La priorité c’est la prévention », a encore récemment rappelé Serge Babary dans la presse locale.
ALLER PLUS LOIN
tours.sous-surveillance.net
Projet né sur le web, c’est une cartographie participative et collaborative qui recense toutes les caméras de vidéosurveillance de Tours. Construit à la manière d’un Google Maps, ce plan indique aussi le nom de l’opérateur, public ou privé, ainsi que l’endroit précis filmé et l’apparence de la caméra (boîte, Dome…)
LES DÉBUTS C’est au Royaume-Uni que s’est généralisée la vidéosurveillance, suite aux attentats de l’IRA. Il reste d’ailleurs le pays d’Europe le plus « télésurveillé », avec au moins 4,2 millions de caméras installées depuis 1990. Londres, la capitale, est la ville qui en compte le plus.
À TOURS Aujourd’hui, il existe près d’une soixantaine de caméras dites de « vidéoprotection », dans la ville. Une quarantaine surveille les bâtiments communaux. Les enregistrements sont archivés durant un mois et détruits ensuite, sauf si la police demande à les consulter.
OBLIGATIONS Depuis la loi du 21 janvier 1995, le public doit être informé de manière claire et permanente de l’existence d’un système de vidéoprotection. De plus, il faut savoir que chaque citoyen a le droit de demander à la municipalité les images enregistrées le concernant.

Musique : cet été, TMV s'exporte au festival Hellfest !

Tmv va poser ses valises au festival de hard rock et metal, Hellfest. Au programme, la légende Black Sabbath, ou encore Deep Purple et plus d’une centaine de groupes !

Black Sabbath, la légende, sera l'une des têtes d'affiche.
Black Sabbath, la légende, sera l’une des têtes d’affiche.

Le Hellfest, vous connaissez ? Si oui, tant mieux. Si non, honte à vous, mais votre journal Tmv vous pardonne et vous propose une séance de rattrapage.
Installé à Clisson (près de Nantes), ce festival gigantesque est le pèlerinage obligatoire pour tous les metalleux, hard-rockeurs, ou simples curieux. La Rolls Royce des festivals français. Le Hellfest a vu passer des groupes cultes et connus du grand public (ZZ Top, Ozzy Osbourne, Europe, Kiss…), aux plus obscurs représentés dans tous les styles : thrash metal, black metal, death, grind, hardcore et on en passe…
Cette année, Ben Barbaud et son équipe remettent le couvert les 20, 21 et 22 juin 2014. L’été, la chaleur, de la musique et ô surprise : TMV qui sera présent lors du festival pour vous raconter les concerts, l’ambiance, proposer ses coups de cœur et ses surprises, avec aussi son lot de photos pour vous régaler les yeux. On vous propose de vivre et revivre ce festival de l’intérieur et de tout vous raconter, sur le site et sur notre Twitter.
Au programme cette année ? Oh, en vrac les cultissimes Iron Maiden (à ne pas louper !), les géniaux Aerosmith et les monstrueux inventeurs du heavy metal : Black Sabbath. Voilà pour les têtes d’affiche. Pour le reste, plus d’une centaine de groupes, avec Deep Purple, Kvelertak, Status Quo, Rob, Megadeth, Zombie, Slayer, Nile, Turisas, Watain, MonsterMagnet, Tagada Jones, Opeth, Soilwork, ou encore Emperor. La liste complète (énorme) est à retrouver ICI.
Les pass 3 jours sont sold-out, car pris d’assaut. Mais pour les intéressés (et on sait qu’ils sont nombreux à Tours) et retardataires, des tickets une journée à 79 € sont encore disponibles ICI. On se dépêche !
On vous donne rendez-vous en juin, pour fêter l’été … et la Fête de la musique qui, cette année, sera métallique !
Plus d’infos à retrouver ici : http://www.hellfest.fr/
l-affiche-du-9eme-hellfest_1737447
Un peu de vidéos et de gros son ?
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=cen1SvpTsYk[/youtube]

Le Tours gratuit : donnez comme vous prenez

Café en attente, Gratiferia, Happy troc… Des mouvements ponctuels de gratuité venus du monde entier se multiplient à Tours, entre nouveaux modes de consommation et façon locale de repenser les échanges humains.

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Sur une grande ardoise noire, à l’Instant ciné rue Bernard-Palissy, treize petits bâtons suivent le mot café. Comme ces traits que l’on trace, en comptant les jours. Là, ce sont des consommations « en attente » : quelqu’un paye deux cafés et en laisse un sur ce tableau, afin de l’offrir à un(e) inconnu( e). Bienvenue dans une de ces nombreuses zones gratuites qui prolifèrent tout doucement à Tours. Un petit geste désintéressé pour changer les choses. Comme cela. Parce qu’on sous-estime parfois la largesse du cœur humain.
Ce concept (aussi appelé café suspendu), Sylvain Petitprêtre, le gérant de l’Instant ciné, y a immédiatement accroché. « Quatre étudiantes sont venues me voir et je me suis tout de suite lancé. » Il prend son ardoise, y inscrit les consommations en attente : café, expresso, thé ou encore jus de fruits… Ses clients se prêtent au jeu. Payer 4 € au lieu de 2 € pour être solidaire, aider. « L’exemple typique, ce sont les petits groupes d’étudiants. S’ils sont cinq ou six, il y en aura souvent un qui ne peut rien consommer, faute de moyens. » Il peut donc prendre un café suspendu. « Il y aussi des retraités… », en raison de leur petite retraite ou simplement pour retisser un lien social un peu usé. On se pose alors la question des malintentionnés qui voudraient avoir leur petit café gratuit : « Alors oui, bien sûr, ça marche sur la confiance », souffle Sylvain Petitprêtre, avec un large sourire.
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Lancée au départ en Italie, cette idée de café en attente a beaucoup plu à quatre copines de l’IUT de Tours. Julie, Agathe, Élisabeth et Ingrid, étudiantes en Gestion des entreprises et administrations (GEA), ont décidé de tenter le coup pour leur projet d’école. « Il n’y avait rien à Tours, ville pourtant connue pour ses cafés. Il y avait un potentiel. Et je trouvais ça tellement bien… On s’est donc lancées en novembre », raconte Ingrid Merleau. Voix douce, posée, elle explique s’être heurtée au refus de certains cafetiers de la place Plumereau et du Monstre. « À cause des stéréotypes… On s’imagine le SDF qui vient, dégoûte le client », soupire-t-elle, trouvant cette attitude « dommage ». « L’un d’eux nous a même dit : “ Je ne vois pas pourquoi je paierais le chauffage pour quelqu’un qui ne paie pas son café ’’… »
Pourtant, cela ne coûte rien au gérant et il peut poser ses conditions. Pour l’instant, ils ne sont que quatre cafés tourangeaux à participer. Les étudiantes aimeraient, bien sûr, plus de participants. « Ça a de très bonnes répercussions et ce n’est pas du boulot en plus pour eux ! » Un concept qui pourrait d’ailleurs aussi donner des idées à d’autres. « Baguette en attente » utilise le même principe : une achetée pour soi, l’autre mise en attente pour une personne dans le besoin. Une centaine d’établissements dans une soixantaine de villes en France participe. Succès plus mitigé en Touraine, puisque, pour l’instant, seule la boulangerie EmiNico à La-Croix-en-Touraine (près de Bléré) joue le jeu.
Cette philosophie du prendre et donner, c’est aussi ce que va tenter La Belle Rouge, à Joué-lès- Tours, une salle proposant habituellement des manifestations artistiques et culturelles. Le 18 mai, elle organise une Gratiferia. Un néologisme en espagnol qui signifie foire gratuite. L’idée, née dans les quartiers populaires d’Argentine, a tapé dans l’œil de Charlotte Ameslon, gérante de la salle, il y a deux mois. « C’est un marché gratuit, c’est sympa ! Pas d’argent, pas de troc ; tout dans un esprit de récup’ pour éviter de jeter », s’enthousiasme- t-elle. Venez les mains dans les poches, sans porte-monnaie, et… prenez ce qui vous fait envie ! Dix minutes après avoir créé l’événement sur Facebook, elle recevait déjà une cinquantaine de réponses ! « Il faut croire que les gens attendaient ça. Là, tout sera gratuit : et pas seulement les objets, mais aussi des services. »
Elle qui dit en avoir « marre de cette société de sur-consommation qui gaspille » a bien conscience que les gens risquent d’être gênés. « Ils vont probablement dire : je n’ose pas. Mais servez-vous, c’est gratuit ! » Une culture inhabituelle qui demande un temps d’adaptation. Car beaucoup pensent encore que ce ne peut pas être gratuit ET désintéressé… Autre zone de gratuité, autre démarche, le Happy troc. Organisé par Adresse à échanger, ce « rendez-vous convivial permet de s’échanger des objets (CD, vêtements, etc.) : du troc ! », explique Marjorie, fondatrice du site. Ce nouveau mode de consommation, qui a essaimé dans six villes de France, aura lieu à Tours à table, le dimanche 13 avril, de 16 h à 18 h. « Il suffit de s’inscrire sur notre site. Il y a une quarantaine de places. Ensuite, vous troquez gratuitement ! »
Une initiative mise en place, car Marjorie et sa collègue Manon sont « à fond sur la tendance du consommer autrement ». Et là encore, comme le café suspendu, « cela marche beaucoup à la confiance. C’est un principe de réciprocité. On n’échange pas qu’un objet. On échange aussi un bon moment ». À chaque fois, au-delà du simple côté gratuit, il y a aussi et surtout cette façon de repenser les rapports humains. « De partage », comme insiste Yohan Vioux, graphiste de Sous le manteau. Avec l’auteur Jérémy Bouquin, le photographe Philippe Lucchese et la relectrice Isabelle Maximin, ils mettent à disposition de tous des cartes postales, avec une petite histoire et un visuel. « On donne un accès gratuit à la lecture, au partage. On l’avait déjà fait avec des petits livres. » Là, leurs cartes postales sont disséminées dans Tours, dans le tramway, à l’Instant ciné… « Toutes racontent une histoire globale. Il y en a 25 au total et pour l’instant, 14 ont été distribuées. Certains les jettent par terre, d’autres les font voyager. Il y en a même une qui a atterri à… l’île de la Réunion ! »
Ces Tourangeaux ont fait ça pour « faire réagir sur notre société. » Un acte gratuit comme un autre, par ailleurs auto-financé à 100 % : « Les cent exemplaires de chaque carte sont imprimés par nos propres moyens… »
Lancée en 2011, la zone de gratuité à la fac des Tanneurs a eu un sacré succès, tout comme ses autres éditions. Idem pour celle du Bar Bidule chez Colette, ou encore celle mise en place rue Nationale à Noël 2013. Elles doivent être appréhendées. Expliquées. Comprises. S’habituer à penser en terme de « je prends ce dont j’ai besoin », plutôt que « je prends tout ce que je peux et j’amasse, car c’est gratuit ». Petit à petit, le 100 % gratis fait son chemin. Tours doit simplement se familiariser avec ces nouveaux modes de consommation et d’échange. L’écrivain Cesare Pavese disait : « Les choses gratuites sont celles qui coûtent le plus : elles coûtent l’effort de comprendre qu’elles sont gratuites… »
Aurélien Germain
++ Café en attente
tmv a décidé de s’associer à l’initiative Café en attente. Pour rappel, les établissements participant pour l’instant au concept sont : Sa Majesté des couches et le Corneille (rue Colbert), l’Instant ciné (rue Bernard-Palissy) et New 7 (Sanitas). Si vous voulez jouer le jeu, direction la page Facebook « Café en attente Tours ». Et rien ne vous empêche non plus de vous inscrire sur « Baguette en attente ».
+ E-books
De nombreux livres, tombés dans le domaine public, sont disponibles gratuitement en PDF sur livrespourtous.com ou encore ebooksgratuits. com À lire sur votre ordinateur ou sur smartphone et tablettes.

Gilles : femme, enfants et (dé)clic

Gilles est chef d’entreprise. A 37 ans, originaire de Lille, il est venu poser sa valise et s’installer avec sa famille à Tours. Un régal, pour lui !

Si sa société et ses quatre salariés sont importants, sa famille passe avant tout. (Photo tmv)
Si sa société et ses quatre salariés sont importants, sa famille passe avant tout. (Photo tmv)

Gilles Foine, 37 ans, arrive pile à l’heure au rendez-vous. Petite chemise rayée à manches courtes, cheveux rasés et une poigne franche. Ravi à l’idée de participer à notre série de portraits. Avant de venir, il a potassé les tmv, retenu plein de choses. Raconte pourquoi il a aimé à toute allure. « Je vis à cent à l’heure », lance-t-il.
Derrière ses lunettes bleues un peu rondes, ses yeux bleu-gris sont rieurs. Originaire de Lille, « tombé amoureux d’une Rouennaise », il a fait quelques pas à Orléans, où le couple ne s’est pas vraiment épanoui (« on ne s’est fait presque aucune connaissance »).
Il est arrivé à Tours il y a sept ans. « La ville nous a plu direct ! », dit-il avec un sourire. « C’est une autre mentalité ici. C’est un petit Lille. »
C’est aussi à Tours qu’il a créé sa propre société, plus exactement à Joué. « Pour faire simple, je vends des services d’informatique aux entreprises. On propose d’être l’informaticien de la boîte. »
On sent de la fierté quand il raconte son travail. Ravi d’avoir réussi, « alors que les études n’étaient pas trop mon truc ! ». D’avoir « osé », un mot qui revient souvent dans sa bouche. Osé, « parce qu’on n’apprend pas à être dirigeant à l’école ». Osé surtout grâce à Caroline, son épouse, sa « magnifique femme », comme Gilles Foine le dit. « Elle a été le déclic pour que je crée mon entreprise. »
Si sa société et ses quatre salariés sont importants, sa famille passe avant tout. « J’ai quatre filles et un gars ! » Quand il en parle, ce papa a des étoiles dans les yeux. Lui qui vit près de la place de la Liberté souhaiterait trouver une maison plus grande à Tours (« Mais c’est cher… »), toujours avec cette idée de les rendre heureux. Pas si facile de concilier vie de famille et travail prenant : « On se laisse vite embarquer par la boîte, mais je suis très famille », répète-t-il. Le
Centre des jeunes dirigeants (CJD, une association nationale apolitique qui possède aussi une antenne à Tours) lui a finalement permis de ne pas perdre pied et « de grandir ». « Cette asso aide à organiser son temps, faire attention à ses salariés, à sa famille, au temps pour soi… Ça m’a aidé en tant que père de famille et chef d’entreprise ! »
En fait, avec Gilles Foine, l’habit ne fait pas le moine : il a une boîte d’informatique, mais n’est pas le stéréotype du geek ; il est patron, mais loin d’être le grand stressé vissé à son smartphone qui ne jure que par le métro-boulot-dodo… « C’est tellement sympa ici. Je m’y sens bien, je cours au bord du Cher… Je suis même moins speed en voiture depuis que je vis à Tours ! » Il souhaiterait juste la gratuité des transports. « Ça serait révolutionnaire ! Je suis conscient que c’est un grand changement, mais ça serait bien pour la ville. Je n’ai pas de prétention politique, mais j’aime l’action, quand ça roule. Vous voyez, tout le monde ne s’intéresse plus qu’aux faits divers… La vie économique ne passionne pas beaucoup, mais c’est le moteur. »
Aurélien Germain
 

Quelques heures dans la vie d'une sage-femme libérale

Les sages-femmes travaillent aussi en libéral. Reportage avec Marie-Ange Benoit qui exerce ce métier entre Tours et Chinon.

Marie-Ange Benoit, dans son cabinet. (Photo tmv)
Marie-Ange Benoit, dans son cabinet. (Photo tmv)

Il y a des vocations, comme ça, qui ne vous quittent jamais. Petite, Marie-Ange Benoit adorait rentrer dans une maternité, son ambiance. Travailler au contact des enfants, cette idée de carrière ne l’a jamais quittée. Puéricultrice ? Au collège, elle décide : elle sera sage-femme.
Installée dans son cabinet, dans le quartier des Deux-Lions, Marie-Ange Benoit reçoit plusieurs patientes par jour. « Depuis quelques années, nous avons le droit de faire le suivi gynécologique des femmes, de leur adolescence à leur ménopause. Le grand public n’est pas encore très informé, les femmes ne savent pas vraiment qu’elles peuvent venir nous voir pour une visite courante, sans passer par un gynécologue ou un médecin traitant. Nous sommes là pour dépister les pathologies, en prévention. Dès qu’un problème se présente, je les dirige vers le médecin compétent. En Angleterre, le système est différent, une sage-femme suit une patiente pour qu’elle ne voit qu’un seul référent. » Marie-Ange Benoit s’inspire beaucoup de cette pratique anglo-saxonne.
De A à Z
Elle est une des rares sages-femmes libérales à proposer un suivi global lors d’une grossesse. Les patientes qui le choisissent ne voient qu’elle, de la déclaration de grossesse jusqu’à l’accouchement. Marie-Ange Benoit a passé un accord avec l’hôpital de Chinon pour avoir accès à la salle de naissance. Elle a même participé à la création d’une salle nature, où l’équipement médical est restreint au minimum pour que l’accouchement se passe le plus physiologiquement possible.
Consultations
La sonnette de son cabinet sonne, Emilie (tous les prénoms ont été changés) rentre. C’est la première patiente de l’après-midi. Les rayons du soleil printanier illuminent la pièce. La jeune femme a le ventre un peu rebondi. Elle parle de ses premiers mois de grossesse avec un petit sourire. Marie-Ange Benoit pose des questions calmement. L’alimentation ? Le stress ? Le travail ? Tout a l’air de bien se passer. La sage-femme note les réponses avec beaucoup de soin. Pas forcément liées au médicale, ses interrogations sont également sur le bien-être de la femme, de son couple, du père. « Il ne faut jamais oublier le papa, il fait aussi partie du processus. Si lui a des problèmes vis-à-vis de la grossesse, de l’accouchement ou dans le couple, on peut avoir des complications. » Marie-Ange Benoit ne laisse rien au hasard. Un passage sur la table d’occultation pour vérifier que le développement se déroule bien, Emilie se rhabille. La visite aura duré une heure.
A l’extérieur
Après plusieurs patientes vues dans son cabinet, Marie-Ange Benoit remet son manteau, prend ses clés de voiture : sa journée de travail continue, mais à l’extérieur. « J’ai beaucoup de patientes qui ne peuvent pas se déplacer, pour éviter de prendre des risques. » Elle quitte le quartier des Deux-Lions pour aller à Joué-lès-Tours. La sage-femme sonne à l’entrée d’un immeuble, monte un étage. C’est Jeanne qui ouvre. Cette jeune maman ne doit pas trop se déplacer. Sa première grossesse a été compliquée, alors par précaution, elle a fait appel à Marie-Ange Benoit pour des visites à domicile. L’examen se déroule bien, aucun problème détecté. Des dessins animés tournent en boucle dans le salon, le jeune fils de Jeanne est assis dans son siège surélevé et s’amuse avec un paquet de gâteaux. Il rigole. Sa maman se détend.
Donner la vie, accepter la mort
Les actes de la sage-femme sont remboursés. Pas la peine de passer par un médecin traitant. « Je demande juste un supplément pour l’accompagnement global. Je dois sacrifier une partie de ma vie privée, pour être à moins de 30 km de Chinon quand je sais qu’une de mes patientes est dans sa dernière période de grossesse. » Le métier de sage-femme n’est pas toujours rose. « Dès mes premiers stages, j’ai vu des couples perdre leur enfant. Même si le bébé est mort-né, il faut quand même pratiquer l’accouchement. Ça fait partie du métier. Il faut affronter ce genre de situation, faire face à sa manière. Je me rappelle d’un couple dont l’enfant avait très tôt été diagnostiqué d’une trisomie non viable. Il a fallu faire sortir cet enfant déjà mort. L’équipe autour de moi s’est blindée, leurs visages se sont fermés. Moi, j’ai pleuré avec les parents. J’avais chauffé des petits vêtements pour habiller le nouveau-né décédé. Je ne voulais pas que la maman serre dans ses bras un corps froid. Je souhaitais qu’elle sente un peu de vie. Je dois rentrer en empathie avec mes patientes. Je suis une professionnelle, mais ça ne m’empêche pas d’être humaine. »

Reportage fiction : la Loire en crue !

Nous sommes le 28 février 2015 et le fleuve est sorti de son lit… Attention, une histoire fictive pas si loin du réel vu le niveau du fleuve actuellement.

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L’eau a tout envahi. Tours a été submergée en une nuit. L’image du fleuve débordant dans les rues a ce quelque chose d’irréel, d’impensable, que personne n’aurait pu prédire. Les hors-bords des pompiers sillonnent depuis deux jours les rues à la recherche d’habitants encore piégés chez eux. Les autorités ont de suite réagi. Les pompiers ont été mobilisés dès le début de la montée de eaux. On dénombre, pour l’instant, 300 disparus mais il est encore trop tôt pour se prononcer sur un bilan définitif. La pluie s’est arrêtée vers 23 heures hier soir. Plus d’un millier de maisons ont été emportées. Comme des embarcations mal proportionnées, des toits retournés dévalent le fleuve. Ils portent parfois sur leur dos des hommes et des femmes qui ont réussi à sauver leur vie en se hissant sur ces radeaux de fortune.
Désastre national
Le désastre a également pris une ampleur nationale. La Loire dans sa totalité a été touchée par cette crue. Au niveau de Tours, l’A10 et l’A85 ont très vite été fermées. Les trains et les TGV ne circulent plus. Le nord de la France est littéralement coupé du sud. C’est une partie de l’économie nationale qui s’est arrêtée. Localement, seules les entreprises situées en dehors de la vallée de Loire proprement dite peuvent continuer à tourner, au ralenti.
 
Historique d’une tragédie
Comment une telle tragédie a pu se produire ? La question est sur toutes les lèvres, dans toutes les conversations. Une crue cinq-centennale est très difficile à prévoir. Dans les premiers jours, ce sont d’abord les pluies torrentielles dans l’Allier qui ont fait grimper le niveau de l’eau. Plus de 350 personnes en Indre-et-Loire étaient mobilisées pour le plan de surveillance. Gien a été touché en premier. Ce fût ensuite au tour d’Orléans et de Blois d’être submergées trois jours plus tard. Puis, sur tout le val, les brèches dans les digues se sont multipliées en quelques heures. En 1856, lors de la dernière crue historique, on avait recensé 160 fractures de la levée de la Loire. Aujourd’hui, on en dénombre 250. Ces barrières, construites au XVIIe siècle, ont cédé devant la puissance des eaux. À certains endroits, comme à Saint-Pierre-des-Corps, même si elles ont tenu bon, le courant est passé par-dessus, noyant les habitations qui se situaient à l’arrière. C’est ce qu’on appelle un phénomène de surverse. Au XIXe siècle, le niveau de la Loire était monté jusqu’à 7 m 50 au-delà de sa cote d’alerte.
 
La place Plum’ coulée
Aujourd’hui, nous en sommes à plus de neuf mètres. Rue Nationale, l’eau est montée jusqu’au premier étage des habitations. La place Plumereau ressemble désormais a une grande mare où les parasols ont choisi de rester à la surface, comme les témoins d’une vie festive passée. Certains ont sorti leurs canoës ou leurs bateaux à moteur pour prêter main-forte aux secouristes. L’entraide s’organise. Les gymnases, les écoles et les mairies des communes hors d’atteinte accueillent des centaines de milliers de réfugiés. Même si la décrue a commencé, les semaines de nettoyage et de remise à neuf vont être éprouvantes. Les Tourangeaux garderont en mémoire cet épisode sombre de leur histoire.
 

Nivek : portrait d'un serial-rappeur

Ce rappeur tourangeau cartonne et participe au radio crochet de France Inter, On a les moyens de vous faire chanter.

(Photo Charline Adzuar)
(Photo Charline Adzuar)

Il est 9 h 45, Nivek ouvre la porte de son appartement, le teint blanc. « Je crois que je suis malade. » Combatif, il avale quelques gorgées de café, accepte de faire l’interview malgré tout. Il s’occupe de tout, n’a pas de manager pour lui dire de se reposer. « J’aime cette indépendance. »

Dans quelques heures, Nivek doit se rendre à France Inter pour enregistrer deux morceaux. Il vient d’être sélectionné pour l’émission On a les moyens de nous faire chanter. Nivek, son pseudo commence à se partager un peu partout, comme une traînée de poudre. Dans ses chansons, il balance avec violence et verve des phrases écrites à coups de couteau. «
Moins pourave que les propos de Florent Pagny, je fais de la chanson française avec charisme. » Nivek ne renie pas ses influences hétéroclites. Il en rigole : « Petit, j’ai longtemps cru que Léo Ferré était mon grand-père, à cause de toutes les photos que ma mère avait accrochées. » Dans son enfance, chez lui, les vinyles de Brel, de Brassens ou des Talking heads tournent à plein régime. Le rap est venu après. « J’écoutais NTM au collège, parce que mes potes écoutaient l’album en boucle. Je n’ai compris que quelques années plus tard l’importance du travail de certains groupes comme I AM. » Pour Nivek, comme le jazz ou la musique classique, le rap est une musique élitiste, « il faut prendre le temps, connaître, comprendre, avant de pouvoir apprécier . »

Paradoxe de sa musique, sa façon d’être ne reflète en rien la violence de ses textes. Plus gendre idéal un peu hipster que caïd façon Booba : « Je fais du rap inconscient, pour ne pas m’enfermer dans un style particulier. J’écoute beaucoup de rock, de chanson française aussi. Je n’ai aucune règle dans mes morceaux. » Aujourd’hui installé à Tours, avant le passage à Montpellier pour les études, il a grandi à Saint-Pierre-de s-Corps. Une adolescence bercée entre cascades façon Yamakasi et expérimentation hip-hop. « Je crois que, oui, j’ai une certaine fierté aujourd’hui, je travaille à Radio Béton, ma musique fonctionne : c’était mon rêve quand j’étais gamin. Je l’ai atteint. Après ? Aucune idée. »
Benoît Renaudin

√ LE CONCERT
Nivek jouera à la salle Ligéria de Montlouis le vendredi 21 février, pour la soirée Coud’boost organisée par Tous en scène. Vous aurez aussi l’occasion d’écouter un autre super groupe montant : Waloobeach CONSORTIUM. À partir de 20 h 30. Tarifs : de 3 à 12 €

√ ENTRE NOUS
Kévin Araujo (c’est son vrai nom) vous livre quelques-uns de ses péchés mignons.
SA SÉRIE
« Les Sopranos, pour moi, c’est culte. Ça me rappelle mes années à Montpellier quand je passais des week-ends tout seul à me mater des séries. »

SON PLAT
« Les beignets de morue de ma grand-mère, le plat typique portugais. Mais à chaque fois, j’attends Noël avec impatience pour en manger. »

MUSIQUE
« Ma dernière grosse claque musicale ? Ce sont les Von Pariahs, quand j’ai reçu leur album à Radio Béton, j’ai halluciné. »

UN LIVRE
« En ce moment, je suis en train de lire Baltimore (de David Simon, le créateur de la série tv The Wire, NDLR). Je n’ai pas envie de le finir, alors je lis seulement quelques pages à chaque fois, ça fait un an que ça dure ! »

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=iP5uoSu8leE[/youtube]

Reportage : le tatouage dans la peau

À l’occasion de la 6e convention de tatouage de Tours, tmv est allé passer un après-midi dans le salon de son organisateur, histoire de s’ancrer dans le monde encré.

Jack Jouan, tatouant une jeune femme. (Photos tmv)
Jack Jouan, tatouant une jeune femme. (Photos tmv)

« Bon, t’es prête ? C’est parti ! » D’ici une grosse demi-heure, Déborah aura une première rose tatouée dans le haut du dos. Puis une deuxième, symétrique. Un nouveau tatouage qui se rajoutera à ses colombes et à son lys. « Oui, j’ai pas mal de fleurs encrées sur moi, effectivement. Ma mère est fleuriste ! », lance-t-elle en souriant. Jolie jeune femme aux cheveux auburn, elle est venue accompagnée de Philippe, 31 ans, coiffure impeccable et énorme barbe, aussi fan de tatouages. Ses jambes en sont d’ailleurs recouvertes. Les deux travaillent dans un laboratoire pharmaceutique. Et quand ils ont envie d’une séance, ils débarquent chez Jack, du Studio Ray Tattoo.

Jack Jouan est arrivé dans ce salon de tatouage il y a cinq ans. Concentré à tatouer les contours de la rose de Déborah, il manie son dermographe (la machine à tatouer) qui semble minuscule dans ses mains gantées.
Regard sombre, large d’épaule, bracelet religieux à droite, montre classe à gauche : cet imposant Tourangeau de naissance est chic et choc à la fois. Engoncé dans une chemise  élégante, cheveux gominés, barbe taillée au millimètre. Le reste, c’est du tatouage à tout va. Cou, phalanges, ou encore sous l’œil…
Né en 1980 d’un père tourangeau et d’une mère pied-noir née en Algérie, Jack s’est vite distingué par ses dessins. Après un tour en Loire-Atlantique, il est revenu à Tours, poussé par sa famille. « Et ma petite fille. » Lui qui est tombé dans cet univers « par hasard » a rapidement choisi la voie de l’auto-didactisme. « Je me suis formé tout seul, à coup de vidéos et d’émissions, tout en m’intéressant à différents artistes. »

Le pied sur une pédale (qui fait fonctionner le dermographe), Jack continue de « piquer » le dos de Déborah. Il essuie les quelques gouttes de sang qui perlent et trempe son faisceau d’aiguilles dans un petit pot à usage unique, rempli d’encre noire. Celle-ci est déposée dans un espace assez précis à la limite entre le derme et l’épiderme. D’où le tatouage à vie.
Déborah et Philippe en sont presque devenus accrocs. « Une fois que t’es lancé, difficile de s’arrêter ! », expliquent-ils.

« Brrrzzzzzzz ». Le petit bruit de la machine à tatouer continue et se mêle aux grosses guitares des Guns N’ Roses et à la voix criarde d’Axl Rose. Un morceau ultra-calme de Johnny Cash enchaîne. La salle de tatouage ressemble à un appartement du vieux Tours, poutres apparentes et cheminée abandonnée. Il y a une chaîne hi-fi vintage, des feutres posés dans un étui à violon et des posters au mur. Dans l’étagère du fond, au milieu d’un livre Playboy et sur les orchidées, s’entassent des ouvrages sur Dalí, Michel Ange et d’autres peintres. « Je suis spécialisé dans le réalisme et les portraits. Je suis influencé par des artistes de l’Est et j’essaie d’y apporter des couleurs ou quelque chose qui ressort. », indique Jack.

Dès qu’il a fini de poser sa patte sur une des peaux, place au nettoyage. Tout y passe. « Je désinfecte tout bien entendu. » Le siège, son espace de travail et même ses feutres. Un travail minutieux avant d’encrer le prochain client. Comme cela, toute la journée et parfois jusqu’à 22 h ou minuit…
Jérôme (son prénom a été changé, NDLR) est venu de région parisienne exprès avec sa compagne. Lui va un peu plus souffrir que Déborah : il est venu se faire tatouer dans le cou ! « Tourne ta tête. Voilà, comme c’est bon. »  Le bruit de la machine, comme celui d’une roulette de dentiste en plus sourd, se mêle à la rythmique de la chanson American Woman des Guess Who. Jérôme serre sa ceinture et les dents. Grosse douleur sur la gorge. Vêtu d’un débardeur, on voit ses muscles saillir et tressauter. Finalement, la séance sera écourtée, car sa peau saigne un peu trop et l’encre pourrait s’en aller. Une fois le tatouage bandé et fini, il faudra encore attendre la cicatrisation…

Un cou tatoué, de la folie pour certains ? 5 % des Français en sont adeptes. « Je refuse juste de tatouer les mains et les doigts pour les non-initiés. Sinon, je ne fais pas sur les parties génitales pour les hommes. On a juste eu une ou deux fois des filles qui voulaient quelque chose sur le pubis… », raconte Jack.
Y a-t-il certains motifs qu’il n’accepte pas de faire ? « Tout ce qui est symboles nazis. Hors de question », répond-il du tac au tac. Mais tient à préciser que « le tatouage n’est pas politique » : « J’ai parfois tatoué des skinheads d’extrême gauche, comme d’extrême droite. Mais c’étaient des dessins comme des menhirs, des signes celtiques. Tant que le motif n’est pas tendancieux, croix gammées et compagnie, je le fais. C’est mon boulot. Je me fous des convictions politiques des gens », indique le tatoueur, avant de tracer un parallèle avec la religion. « Moi, je suis catholique et croyant. Mais ce n’est pas pour autant que je vais refuser de tatouer des personnes athées. Je suis hyper ouvert d’esprit. Au delà de tout, j’aime le métier que je fais ! »

Avant de rentrer chez lui ce soir, il aura tatoué des roses, un lettrage ou encore un papillon réaliste. Il aura même vu passer un quinqa, looké comme un cadre BCBG, lui demander « Pouvez-vous faire quelque chose pour les trois tatouages que j’ai sur le corps ? » Surprenant. Mais l’habit ne fait pas le tatouage…

Aurélien Germain.
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A SAVOIR
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√ SALON DU TATOUAGE
Tattoo-Tours-2014Tours accueille sa 6e convention du tatouage et piercing. Au total, une trentaine de professionnels pour ce salon (incorporé au Tours moto show). Le 21 février, de 18 h à 22 h (gratuit) ; le 22 de 10 h à minuit (5 €) et le 23 de 10 h à 19 h (5 €). Au Parc des expos. Retrouvez toutes les infos ICI

√ UN SYNDICAT
Le Snat est le Syndicat national des artistes tatoueurs qui « œuvre pour la reconnaissance du tatouage artistique et la défense » des professionnels en France. Créé en 2003 par le célèbre Tin-tin, tatoueur mondialement reconnu, il compte plus de 1 000 membres.

√ 10
C’est le pourcentage de personnes à posséder un ou plusieurs tatouages en France, d’après le dernier sondage Ifop. La tranche des 18-24 ans est la plus représentée. Aux États-Unis, ils sont 21 % à être « encrés ». Et les plus adeptes sont les 26-40 ans.

Retrouvez aussi notre interview de David Le Breton, Professeur à l’université de Strasbourg et sociologue travaillant sur les représentations et les mises en jeu du corps.
>>>NOTRE GALERIE PHOTOS :

Nyanko Café : tour(s) au Japon

La folie Manga n’épargne personne. Reportage dans un lieu typique où se réunissent les fans.

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Haruka, Konomi et Kaori (Photo tmv)

Prêt pour un dépaysement en deux secondes chrono ? À peine entré au Nyanko café, c’est un autre monde. Le Japon à l’honneur. Des senteurs de thé dans les narines et nos yeux se baladant partout : estampes typiques au mur, immense kimono, long jardin zen à faire soi-même… On veut parler à François, le gérant, mais il court partout. Aujourd’hui, les clients sont venus en nombre.

Plutôt relax, le chat au Nyanko Café... (Photo tmv)
Plutôt relax, le chat au Nyanko Café… (Photo tmv)

Un peu moins stressé, un gros chat pas franchement farouche s’affale sur la table. Ce qui amuse Haruka, Konomi et Kaori, 20 ans, tout droit venues du Japon. De passage à Tours « pour apprendre le français », elles enchaînent les photos dans « cet endroit trop marrant dont nous ont parlé nos amis ».

Idem pour Antony, 26 ans, qui vient « depuis que je sais que ça existe ! » Le Nyanko est sorti de terre en août 2012. Né du cerveau de François, à son retour du pays du Soleil Levant. « Je suis parti au Japon en 2009 et j’ai vécu dans une famille traditionnelle. Je voulais mettre en valeur cette culture. Il y avait un potentiel sur Tours, d’ailleurs jumelée avec Takamatsu, une ville japonaise. Ce que peu de monde ne sait. »

Accoudée au comptoir, une jeune fille – cheveux roses surmontés de fausses oreilles de chat et lentilles bleu clair – regarde un clip vidéo de LM.C, un groupe de visual kei (mouvement musical au Japon).
Au fond, une salle où on joue aux jeux vidéo. Après avoir longé le mur (consacré à des expos), on descend à l’espace Manga et ses… 3 000 ouvrages !
Ici, on enlève ses chaussures (et on regrette d’avoir gardé ses chaussettes trouées). Certains lisent, d’autres apprennent à dessiner avec Manu Stvz. Caché derrière de petites lunettes, « gros geek » revendiqué, cet amoureux du Japon, 34 ans, est intarissable. « Je leur apprends les bases du dessin. » Il travaille même sur un projet de manga sur Tours, « où il y a une grosse communauté ! »

Le Nyanko, petit monde et « concept novateur », comme le dit François qui souhaiterait juste un peu plus de lecteurs (« les Tourangeaux sont davantage collectionneurs »). Sa collègue Floriane et lui travaillent plus de 70 heures par semaine et n’ont pas pris de vacances depuis un an et demi. « C’est compliqué, mais on tient uniquement par passion. »
Aurélien Germain

Nyanko Café / 15 rue de Jérusalem. Sur le net : nyankocafe.wix.com/site
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FESTIVAL MANGA SUR LOIRE
CULTURE_BV1-C’EST OÙ ET QUAND ?
La vague manga déferle sur Montlouis- sur-Loire pour la sixième fois, au complexe du Saule Michaud. Le festival Manga sur Loire est devenu un événement incontournable dans la région. Cette année, c’est reparti pour une journée spéciale jeux vidéo, expos, défilés de cosplay, conférences, gaming, ateliers ou encore concerts… L’an dernier, la journée avait ramené plus de 3 500 visiteurs. Samedi 15 février, de 10 h à 20 h. Gratuit.

-À NE PAS MANQUER
> Le défilé cosplay à 17 h, animé par Soheil. Véritable sous-culture japonaise, le cosplay (mix de costume et playing, pour votre gouverne) est une performance qui consiste à jouer le rôle de personnages (mangas, jeux vidéo, films, etc.). Mêmes costumes, mêmes coiffures et maquillage : impressionnant !
> De 10 h à 17 h, un concours de dessins par catégories d’âge, avec de nombreux lots à gagner.
> La séance karaoké, à 13 h, qui fera de vous une star. Ou pas…
> Le manga des petits à la médiathèque Stéphane-Hessel, avec salon de thé, contes et ateliers confection.

Programme intégral sur wmaker. net/mangamontlouis/

Reportage : dans les profondeurs du deep web

Le deep web, vous connaissez ? En plus de vous expliquer ce que c’est, on l’a exploré.

Le but de cet article n’est pas de vous encourager à vous rendre sur le deep web. C’est un réseau qui peut être risqué. Cela vous expose à de nombreux dangers (images très violentes et virus à gogo).

Pourquoi il ne veut pas rebooter sur le cd ? » « Tu as essayé echap ? » « Ouais, mais je crois que Windows 8 a changé le système de rebootage. » Au bout de quelques minutes de discussions et de recherches, LesPortes et Elquarinque trouvent le moyen de lancer le programme sur l’ordinateur. Une nouvelle interface apparaît sur l’écran, elle ressemble à s’y méprendre à une vieille version de windows XP. « Ça y est, on va enfin pouvoir aller sur le deep web… »

Visite dans les bas-fonds
LesPortes et Elquarinque, ce sont deux informaticiens tourangeaux qui ont accepté de visiter avec nous cette partie du web invisible des moteurs de recherche classiques (voir l’infographie). On trouve de tout sur le deep web, et en grande quantité. Certains spécialistes expliquent que cette face obscure du web contiendrait 500 fois plus de contenus que, par opposition, le clear web, celui de Madame et Monsieur Tout le monde.
Le deep web comprend aussi les vieux sites internet tombés dans l’oubli. « Certaines entreprises l’utilisent également, à leur manière, pour échanger des informations, des données, sans que ce soit public », ajoute Elquarinque. Pour atteindre le deep web, il faut accéder au réseau Tor (qui veut dire The Onion Router). Pour faire simple, quand un ordinateur se connecte à Tor, il rentre dans un labyrinthe fait de plusieurs milliers de routeurs situés en Chine, au Bangladesh, en Égypte ou au Japon. Une fois sur Tor, impossible de savoir où la personne se trouve physiquement et ce qu’elle fait. Intraçable.

Si internet était à un iceberg, ça ressemblerait à ça. (cliquez pour agrandir notre infographie )
Si internet était à un iceberg, ça ressemblerait à ça. (cliquez pour agrandir notre infographie )

Cryptage
« Quand on est sur le deep web, il faut oublier le web classique. Il n’existe pas de moteur de recherche efficace sur le web caché, explique Elquarinque. Les sites internet ne ressemblent pas à ceux que nous trouvons avec Google mais finissent tous par .onion et commencent par des séries de lettres et de chiffres. » Justement, LesPortes clique sur un lien qui ressemble, en gros, à fz1535fz51efe21.onion : « J’essaye de trouver The Hidden wiki, c’est un site qui propose une sélection de sites internet du deep web. » Au bout de plusieurs tentatives, de fausses adresses, il tombe sur la bonne page, qui rappelle le web des années 1990. « Comme tout est crypté sur le deep web, le temps de chargement est plus long, analyse Elquarinque. Les sites sont donc réalisés de manière la plus simple possible. »

Porte d’entrée
The Hidden wiki est une porte d’entrée. Un premier clic et c’est parti. Un site internet apparaît, son titre : Unfriendly solution (une solution pas très amicale, NDLR). Juste en dessous, un long texte explique que vous pouvez faire appel à un tueur à gages, les prix vont de 7 000 à 15 000 $. Pour le contacter, il faut une adresse email estampillée deep web et crypter les messages.
En quelques secondes, on bascule dans un monde où la morale n’a plus lieu d’être. LesPortes modère quand même : « Rien ne prouve qu’il y a un vrai tueur à gages derrière ce site. » Pour Damien Bancal, journaliste et fondateur du site zataz. com (voir son interview ICI), il existe un « web opaque » à l’intérieur même du deep web, pour désigner les pratiques illégales qui pullulent. Certains parlent de dark web. « Mais tout ça, ce n’est que du vocabulaire marketing, pour faire peur. » Au bout de quelques minutes Elquarinque tombe sur un site qui propose de vous créer un faux passeport. Comptez 700 $ pour des papiers français et le permis. Là encore, il faut envoyer un mail crypté pour entamer la transaction.

Le but de cet article n’est pas de vous encourager à vous rendre sur le deep web. C’est un réseau qui peut être risqué. Cela vous expose à de nombreux dangers (images très violentes et virus à gogo).
Le but de cet article n’est pas de vous encourager à vous rendre sur le deep web. C’est un réseau qui peut être risqué. Cela vous expose à de nombreux dangers (images très violentes et virus à gogo).

Bitcoins
Si les sommes sont exprimées en dollars, en revanche, sur le deep web, il faut payer avec des Bitcoins. Cette monnaie virtuelle est intraçable quand on en possède sur un compte dans l’internet profond. Le moyen de paiement idéal quand il s’agit de s’adonner à des pratiques illégales, comme vendre de la drogue. Les deux informaticiens ont retrouvé la trace de The Silk Road (la route de la soie, NDLR). Où plutôt un site qui y ressemble fort.
The Silk Road a été fermé par le FBI en octobre dernier. Sorte d’Ebay de la drogue, ce site a fait beaucoup de petits, qui ont copié son interface. LSD, haschich, cocaïne, amphet…. des centaines de vendeurs anonymes proposent d’acheter leur « marchandise ». Un email, un point de rendez vous ou même directement par la Poste : en quelques clics vous pouvez vous procurer une quantité de drogue assez impressionnante, au meilleur prix. Porno, vente d’armes, d’iPhones, de numéros de cartes de crédit valides : les deux informaticiens plongent peu à peu dans cet internet caché, où l’anonymat est roi et l’illégalité est à quelques clics de souris. « Il y a quand même beaucoup de liens qui ne fonctionnent plus, constate LesPorte. Les sites changent continuellement d’adresse. »

L’anonymat
Pour tomber sur du contenu vraiment choquant et des images très violentes, il faut vraiment le vouloir et s’engager dans les méandres les plus obscures. Si les vices et les crimes règnent sur le deep web, le FBI ou d’autres organisations en surveillent également les tréfonds. Régulièrement, des réseaux pédophiles sont démantelés et des sites fermés. Mais c’est aussi un repère d’activistes. Quand un État bride internet, les opposants se réfugie dans le deep web pour s’envoyer des messages, organiser des manifestation ou échanger des idées contre un régime dictatorial.
Pendant les printemps arabes, de nombreux révolutionnaires ont utilisé le deep web pour communiquer, échanger. L’anonymat du deep web attire tous les fervents défenseurs d’un internet libre qui militent pour moins de surveillance. Beaucoup d’utilisateurs restent dans la partie légale du deep web, pour montrer qu’il n’existe pas qu’un seul internet.

Le Point Haut : la culture en chantier

La Compagnie Off et le pOlau sont en plein travaux : leur ancien hangar se transforme en Point Haut de la création tourangelle. On a chaussé les bottes pour vous faire visiter le chantier qui va changer le visage de la culture à Tours.


S
aint-Pierre-des-Corps, un vendredi. Le ciel gris rogne cette matinée qui touche à sa fin. Rue des Mortiers, les bâtiments alignés et le silence. Au numéro 20, un autre espace, un autre monde : un gros pylône blanc, sur lequel est estampillé « Chantier ouvert. L’expérience a lieu ici », trône à l’entrée.
La petite allée est un chemin de flaques et de terre, trempé par la pluie du matin. Mais dans quelque temps, ce sera une véritable et authentique petite rue.

C’est ici, sur ce site industriel, que Le Point Haut prend vie tout doucement. Un futur lieu de création urbaine, histoire de renforcer le rayonnement culturel de l’agglomération de Tours.
Dans ce gigantesque chantier, la Compagnie Off et le pOlau (pôle des arts urbains) cohabitent avec la « trentaine d’ouvriers », comme le présente Pascal Ferren, chargé de projet au pOlau. Les deux acteurs occupent le terrain depuis 2001 : la Compagnie Off, fondée en 1986, est devenue emblématique des arts de la rue et se présente comme un « débordement poétique urbain ».
Pour le pOlau, ce chantier est un espace de nouvelles expérimentations urbaines. Né en 2007, ce pôle accompagne les projets artistiques et de la rue.

Jeune, à l’aise dans ses baskets, engoncé dans sa grosse veste, Pascal fait visiter le chantier. Il s’attarde sur la grande maquette de « ce lieu de travail » qui se trouve au milieu de la pièce. À ses côtés, Ariane Cohin. Le sourire vissé aux lèvres, des cheveux tissés en dreads, cette étudiante s’occupe de la permanence architecturale du site. « Il y a trois phases pour le chantier. D’abord, la rénovation des bureaux, où il y aura aussi les logements des futurs artistes », indique-t-elle.
Il y a aussi ce bâtiment neuf, adapté aux normes pour handicapés, « un lieu de vie des structures, comme ce “ coffee’’ où tout le monde mange » : un vrai point névralgique, où les membres de la compagnie se mélangent aux ouvriers munis de leur petit sac. Enfin, derrière de grandes grilles, s’élève la halle industrielle. « La troisième phase du chantier : c’est sa réhabilitation », avec le désamiantage de l’ossature métallique impressionnante. « Elle servira au pOlau pour la diffusion de spectacles, à la Compagnie Off pour leurs décors et comme atelier de création », précise Ariane Cohin.
Dans cette immense bâtisse, le fameux point haut. Une tour de 22 mètres qui s’élèvera depuis ce hangar central : « Un point rouge qui donnera un point de vue sur la gare de Saint-Pierre-des-Corps. » Chloé Bodart, architecte à la tête du chantier culturel, précise que l’équipe travaille « beaucoup sur Google Earth. Ce rond, il sera visible du ciel, voulant dire : c’est ici, c’est là que ça se joue ». Pour Pascal Ferren, c’est « un beau projet, vraiment excitant ».

Quelque chose qui cogite dans leurs têtes depuis longtemps : « Les premières réflexions remontent à 1998. C’est un travail de longue haleine. On a un peu la pression, car on devra le faire vivre », sourit Ariane. En attendant, c’est ce chantier que tout le monde doit faire vivre. Une véritable fourmilière. Beaucoup de charpentiers et d’électriciens. Les plus matinaux arrivent à 7 h. Les ouvriers repartent en général vers 17 h. Au milieu de tout cela, on scie, on perce, on soude. On chante aussi.
De nombreuses tasses de café vides jonchent les étagères poussiéreuses, à côté des casques empilés. Un peu plus loin, la terrasse prend forme. Le bruit est assourdissant à cause des cris stridents des perceuses. L’odeur de la peinture rouge pique le nez.
En levant les yeux, on aperçoit en face de grosses lettres collées au mur comme pour un vieux motel américain : la lettre C à l’envers, un « OFF » et un « EE ». Soit « coffee », comme le lieu où tout le monde se réunit à midi. Et comme « Compagnie Off ».

Midi approche justement. Une bonne odeur titille les narines. Au fond de la cafétéria, une femme s’affaire, concentrée dans sa tambouille. Tellement concentrée qu’elle sursaute quand on lui adresse la parole. « Désolée, j’étais à fond là… ! » Cette cuisinière courageuse, qui s’occupe aussi de la logistique, c’est Edwige. Travailleuse sociale à la base, elle n’a « que » dix bouches à nourrir aujourd’hui… « Oh mais ça, c’est rien ! Elle en a déjà eu trente ! », renchérit Pascal. Edwige n’est pas cuistot à l’origine, mais se débrouille comme une chef. « Aujourd’hui, c’est riz, lentilles, sot-l’y-laisse et pudding de semoule », indique-t-elle en naviguant de casserole en casserole, dans cette cuisine rudimentaire.
Tout autour, l’ambiance est paisible. On fume sa cigarette tranquillement, au milieu de chaînes hi-fi, de chaises de jardin et de tabourets rose fluo. Dehors, il y a un petit palmier, un bac, des vélos qui s’entassent et un faux héron. C’est bariolé. Original.
À l’image de ce lieu « d’expérimentation » qui sera inauguré en janvier 2015. « Si les occupants se l’approprient, ils feront participer le public qui, à son tour le prendra en main. En réhabilitant ces bâtiments, on touche à leurs tripes, à l’histoire des lieux », précise Chloé Bodart. Un lieu « partagé » dans une région qui manquait de création, comme l’explique Pascal Ferren. « Là, on est atypique. Notre mission, ce sera de rapprocher l’art et la ville. »
Aurélien Germain

VISITES & CONFÉRENCES
Le chantier du Point Haut est ouvert au public. Des visites sont organisées les jeudis, à 17 h. Des conférences et des « moments spéciaux » ont aussi lieu régulièrement. Il suffit de se connecter sur www.pointhaut-lechantier.com pour réserver et tout savoir.
CONSTRUIRE
L’agglomération a confié la réhabilitation de cette friche culturelle au constructeur scénographe Patrick Bouchain et aux architectes de l’agence Construire. Celle-ci a notamment réalisé le Lieu Unique à Nantes (en 1999) ou encore le Channel à Calais (2005).
LES CHIFFRES DU PROJET
4,4 M€, c’est le montant total TTC de l’opération (coût des travaux, des études ou encore honoraires, branchements, équipements, etc.). Le financement de Tour(s) plus s’élève à 3,9 M€ et 500 000 € pour la Région Centre.
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POUR ALLER PLUS LOIN
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√ L’architecte parle
Toujours sur notre site internet, retrouvez l’interview de Chloé Bodart, l’architecte de l’équipe de Patrick Bouchain qui suit le chantier du Point Haut. Elle revient sur la place occupée par le lieu dans le paysage de Saint-Pierre.

L'entrée du chantier du Point Haut (photo tmv)
L’entrée du chantier du Point Haut (photo tmv)

Vignes : jeunes pousses de Touraine

Reportage au lycée viticole d’Amboise, où le profil et les envies des futurs travailleurs se transforment en même temps que les métiers de la vigne.

 

vignes

Le seau à leurs pieds, le sécateur dans la main. Les mouvements se répètent. Presque mécaniques. Raphaël, Emmanuel, Nicolas et leurs camarades vendangent depuis une dizaine de jours les pieds de vigne du domaine de la Gabillière, qui appartient au Lycée viticole d’Amboise. « Raphaël, tu ramènes des caisses ? », lance Jordan. En classe de première Conduite et gestion d’une exploitation agricole, option vigne et vin, ils s’appliquent dans leurs tâches. Sans machines à vendanger, la priorité est donnée au travail manuel. Même si la « vigne comme nos grands-parents, c’est fini », résume Rodolphe Hardy, maître de chai sur le domaine.

Afféré sur un exercice de thermovinification avec d’autres élèves, il mesure la température d’une cuve. « Avant, il y avait seulement le travail de la vigne et celui du vin. Désormais, il y a tout l’aspect commercialisation qui rentre en jeu », explique-t-il. Vendre son vin aux quatre coins de la France ou du monde, savoir le mettre en valeur. « Le métier s’est professionnalisé », analyse Guillaume Lapaque, directeur de la Fédération des associations viticoles d’Indre-et-Loire et de la Sarthe (Fav 37). Avec les mutations de l’industrie du vin, les jeunes générations changent aussi. « Avant la question de la transmission ne se posait pas. Le fils reprenait l’exploitation du père », continue le directeur de la Fav 37. Aujourd’hui, seuls 30% des viticulteurs d’au moins 50 ans de la région Centre pensent que leur successeur sera un membre de leur famille, selon l’Agreste, le service des études du ministère de l’Agriculture. Et 60 % ne savent pas qui prendra la relève ou estiment que leur domaine est voué à disparaître.

« Investir peut être un peu cher pour les jeunes »

Les investisseurs n’appartenant pas au milieu doivent s’assurer de posséder une certaine capacité financière ou d’être rentable. Ce qui peut décourager les plus jeunes. «Quand on veut acheter un domaine, ce n’est pas une petite somme, on parle en millions », résume Raphaël, 17 ans, les bottes pleines de boue. Tout dépend de l’appellation : en Indre-et- Loire, le coût moyen d’un ha dans une AOP est de 22 600 euros quand il est seulement de 3 700 euros hors AOP. Quel que soit la surface, « il y a désormais tellement de techniques et de machines qu’il faut aussi bien anticiper cette partie de l’investissement », avertit Rodolphe Hardy. « Cela peut peut-être un peu cher pour un certain nombre de jeunes », poursuit Guillaume Lapaque. Les grosses structures s’alignent ainsi avec plus de facilité. La preuve par le chiffre : seules les exploitations de 30 ha ou plus ont vu leur nombre augmenter ces dix dernières années, en région Centre.

Un horizon plus grand

La professionnalisation aidant, l’éventail des métiers s’est élargi. Et travailler au cœur de la vigne devient moins attirant. Au cœur des lignes, la crête de Roman dépasse des rangées. Il est le seul à couper les grappes sans sécateur, et utilise ses mains. Avec facilité. Il assure pourtant que « les métiers dans la vigne sont compliqués. C’est assez physique, il faut avoir du courage ». Une pénurie de main-d’œuvre pointe à l’horizon. « En stage, on s’est déjà retrouvé à trois pour tailler la vigne. Alors qu’aujourd’hui, on est 12 ! », s’exclame Guillaume, qui est habitué du domaine de Vouvray. Il montre un de ses doigts, blessé par les vendanges. « En même temps, il faut comprendre, quand on est à moins quinze degrés et qu’il faut tailler… » lâche-t-il.

« On doit être complet »

Guillaume et Roman s’orientent vers le vin plutôt que la vigne. Maître de chai pour le premier, œnologue pour le second. Le seau plein dans la main gauche, Emmanuel, souhaite, lui, reprendre l’exploitation familiale. Ils s’accordent tous sur un point : travailler dans le secteur viticole requiert aujourd’hui un niveau plus élevé. « Un BTS permet souvent d’approfondir les connaissances après le bac pro », appuie Gaëlle, occupée à trier les grappes dans les bacs. « On doit être complet », poursuit Raphaël, insistant sur les compétences commerciales nécessaires dans les métiers du vin. Dans la ligne d’à côté, Nicolas parade. Toujours la banane et la tchatche facile. « Je veux devenir négociant », glisse-t-il, le smartphone visible dans une poche de sa combinaison. Originaire de Montreuil (Seine-Saint-Denis), son profil est symbolique d’un secteur qui s’ouvre à d’autres mondes. « On a environ 30 % de fils ou filles de vignerons. On devait être à 90 % il y a quinze ans », estime Rodolphe Hardy.

Le renouvellement et l’attractivité pour le vin n’empêchent pas les élèves d’être attachés à des valeurs. Conscients que les mutations ne doivent pas galvauder une certaine conception de leur domaine. « Il faut garder un équilibre entre les grosses structures et les petits vignerons », souligne Guillaume, quand Raphaël met en garde contre une « monopolisation du système de vente des vins ». À eux de jouer. D’autant plus qu’ils sont certains d’être à l’ouvrage d’ici quelques années. Jean-Pierre Genet, directeur de l’établissement, confirme avec le sourire : « Six mois après la fin d’études, plus de 90% de nos élèves ont un emploi ».

Tranches de tram

Reportage sans prétention dans le tram, pour voir comment vous le sentez, vous, les Tourangeaux.

Calme plat à l'intérieur du tram...
Calme plat à l’intérieur du tram…

«Heure tranquille ! La la la la ! » L’annonce chantée de la station fait sourire les quelques voyageurs assis. Certains critiquent, un enfant s’écrit : « Maman, il chante le tram ! » La cloche de départ retentit, la secousse est forte. Les novices sont obligés de trouver en urgence une barre à laquelle se raccrocher. Direction Tours, Malick et sa famille essayent de trouver de la place. Ses trois jeunes fils, une fois assis, regardent le paysage défiler derrière la fenêtre, comme hypnotisés. La quarantaine, Malick travaille dans le bâtiment. Parfois en déplacement plusieurs mois à l’autre bout de la France, aujourd’hui, il profite de sa famille. C’est la première fois que le Jocondien prend le tram pour aller dans le centre-ville de Tours, « je pense que c’est plus rapide que le bus ». Le temps de quelques stations, il parle de ses difficultés à monter sa propre entreprise, « trop de racisme » et l’envie de quitter Joué-lès-Tours.
Le chauffeur n’entend rien
Dans les rames, certains Tourangeaux ont déjà pris leurs aises, écouteurs vissés aux oreilles, ils rêvent en observant la ville. Les voyageurs commencent à rentrer en masse à l’approche du centreville. D’autres prennent le tram comme un manège, commentent chaque arrêt, la façon dont les sièges sont agencés : « Rhoo, il n’y a pas beaucoup de place pour passer. » À la station Sanitas, une famille avec poussette cherche à savoir comment valider ses tickets. Les Monteiro viennent de Chartres pour accompagner leur aîné s’inscrire en fac de musicologie. Un peu stressé, le futur étudiant ne sait pas trop où se trouve le conservatoire. Tout aussi inquiets que leur fils, les parents essayent de le rassurer. C’est le premier à quitter la maison. « Faut que je pense à acheter des cordes de guitare » finit par lâcher le grand garçon. Le tram s’arrête à la station de la gare, une première foule descend, très vite remplacée par une autre. Les portes se referment. Des cris retentissent : « Arrêtez ! Il y a un enfant qui est rentré sans sa maman ! » Le chauffeur n’entend pas dans sa cabine sécurisée. On essaye de trouver une solution, un voyageur se dévoue pour rester avec le bambin jusqu’à la prochaine station, le temps d’attendre sa maman. Et toujours ces annonces farfelues. « Anatole France ! La lala la la ! » Un autre enfant s’amuse, « on va tomber dans la Loire, la lala la la ! »
+ Une vidéo sympa de Poncho production à voir ici !

#1 Terres du Son 2012 : ciré, bottes and rock’n’roll.

L’équipe de tmv s’est équipée de bottes et de cirés pour vous raconter de l’intérieur le festival Terres du son 2012.

 

 

L’équipe de tmv s’est équipée de bottes et de cirés pour vous raconter de l’intérieur le festival Terres du son 2012. Episode#1 : ambiance pluie le vendredi 13 juillet.

18h30. Arrivée sous le déluge. L’eau tombe du ciel par gros paquets. La boue commence à recouvrir les chemins de traverse qui mènent au festival. Les voitures sont garées sur les champs extérieurs. Certains courageux sont en train de monter leur tente au camping spécialement installé pour Terres du son. Les visages des festivaliers sont malgré tout souriants. « Vous avez des stups ? » demandent gentiment mais fermement les femmes et les hommes de la sécurité.

18h45. Une fois passé la fouille, on rentre dans le village du festival, adossé au magnifique château de Candé, à Monts. Les guides ont fini leur journée. Trois jeunes femmes sortent justement d’une porte dérobée. Leur tenue contraste avec celles des festivaliers. Vendredi soir, c’était aussi le festival des costumes anti-pluie. Chacun a son truc pour tenir le coup toute la soirée. D’ailleurs, elle ne s’arrête plus. La terre, foulée par des milliers de pas, se transforme en bourbier géant. Il y a ceux qui sont venus avec les bottes, les cirés et les parapluies. Des petits rigolos ont pensé à amener leur masque de plongée. D’autres n’ont pas prévu que le ciel allait s’abattre sur leur tête et les Converses ou les petites baskets se sont déjà transformées en sacs de boue.

19h. On s’approche peu à peu des deux scènes principales, celles du Ruisseau et de l’Etang. Nadéah, l’ancienne chanteuse australienne du groupe Nouvelle Vague a commencé. C’est jazzy à souhait. Malheureusement pour elle, il n’y a pas encore beaucoup de spectateurs.
20h. C’est au tour de Catherine Ringer de monter sur scène. L’ancienne Rita n’a pas pris une ride. Sa voix est toujours aussi rock’n’roll. Elle bouge, fait voler sa robe à froufrou et n’hésite pas ressortir ses tubes passés et écrits aux côté du génial guitariste feu Frédéric Chichin. Elle semble touchée par ces spectateurs qui bravent les éléments.
20h30. Les capuches redeviennent inutiles. Ouf… L’eau a cessé de tambouriner les têtes heureuses des festivaliers. Les parapluies ont disparu. Pour les organisateurs, c’est un peu le soulagement, même si le mal est fait. Tout le monde a Woodstock comme référence. Cette édition de Terres du son restera dans l’histoire du festival tourangeau.

21h15. Le cinéaste-musicien Emir Kusturica vient d’investir la scène du ruisseau avec son No Smoking orchestra. On écoute les premiers morceaux mais la faim se fait sentir. Il faut se préparer à voir Joey Starr qui va passer juste après. Et pour ça, il faut avoir l’estomac bien accroché.

21h45. Remontée pénible de la côte pour retourner au village du festival. Les festivaliers sont de plus en plus nombreux. Beaucoup portent des bottes. On avale une crêpe complète rapidement et une beurre-sucre.

22h30. Emir Kusturica a décidé de faire un rappel. Il parle, lance des « fuck » et chante un blues dans un anglais approximatif et rocailleux. La scène de l’Etang est en train d’être préparée pour le prochain article. La rumeur se fait de plus en plus présente : Joey Starr serait bloqué dans les bouchons des départs en vacances. Il passera en dernier, à une heure du mat’. Les géniaux DJ de C2C vont le remplacer au pied levé.

22h45. Emir a lancé un dernier « bonsoir ». C2C se poste derrière leurs platines. Jeux de lumière, vidéos, ils commencent en mettant les basses à fond. C’est jouissif. Les plus jeunes festivaliers dansent comme des fous. C’est parti pour une heure trente de grosse électro. Beaucoup de festivaliers lancent des pas de danse dans la boue. C2C a le don de faire bouger les corps. Vieux standards de blues, de jazz ou de musique brésilienne, ils jouent avec le public. Leur jeu scénique est millimétré. Petite battle entre eux amusante, chaises musicales : ce sont des pros qui ne laissent rien au hasard. Ils échangent de platine et finissent avec une petite surprise pour le rappel. Ils lancent alors Intergalactic des Beastie boys et se mettent à rapper. Décidément, C2C fait partie des grands groupes français de cette année 2012 et ils ont donné leur maximum à Terres du son.

00h. Place au rock. C’est Skip the Use, le groupe lillois, qui s’en charge. Même si certaines chansons peuvent sembler un brin trop commerciales, le sémillant chanteur Mat Bastard a le don, lui aussi, de faire bouger les foules. Ils ne sont pas dans l’économie d’énergie et finissent même par une reprise de Blur, Song 2. Tout le monde est aux anges.

01h15. Joey Starr est arrivé. On l’entend de loin. « Mais pourquoi suis-je aussi méchant » s’amuse-t-il. Il a une réputation de bad boy à tenir même s’il lance au public un gentil « Désolé pour le retard ». C’est lui la star de la soirée de toute manière. Il le sait, en joue. Sa voix caverneuse et les beats hip-hop tirent aux festivaliers leur dernière énergie. La pluie a refait son apparition. Mais les gouttes sont plus fines. La joie, elle, est immense.

Vous voulez encore plus de Terres du Son ? Voici l’épisode  #2 : le reportage photo de Nahim Houée

Reportage : des autistes chez eux

Nous avons passé la journée au Maisonnées, une structure qui accueille des adultes autistes. Ici, ce sont des résidents, ils ont leur chez-soi et leurs activités. Le but, c’est qu’ils vivent dans de bonnes conditions.

Nous avons passé la journée aux Maisonnées, une structure qui accueille des adultes autistes. Ici, ce sont des résidents, ils ont leur chez-soi et leurs activités. Le but, c’est qu’ils vivent dans de bonnes conditions.

 

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