A l’Atelier d’Offard, Simon Florent est l’orfèvre du papier peint

#VisMaVille Simon Florent est « dominotier » ou imprimeur à la planche de papiers peints à l’Atelier d’Offard de Tours. Depuis huit ans, il y développe son goût pour l’artisanat et l’histoire.

Minutieusement, il déroule son papier peint sur 300 mètres linéaires, y imprime les nuances de vert à l’aide de sa planche faite sur mesure, aidé par Hardy. Simon Florent, le chef d’atelier, est en mode concentré. Dans l’atelier d’Offard, situé en haut de la Tranchée, à Tours Nord, le travail se déroule en silence cet après-midi-là pour les cinq artisans d’art, sur fond musical.

L’entreprise est singulière dans le paysage tourangeau et même français : elles ne sont qu’une poignée à perpétuer le savoir-faire des papiers peints à la planche des grandes manufactures des XVIII et XIXe siècles, par les « dominotiers ».

Ici l’impression se déroule par superposition de couleurs planche après planche, les cylindres n’ont pas droit au chapitre. « Nous reproduisons fidèlement des modèles historiques avec du neuf, explique Simon Florent. Dans 80 % des cas, tout part d’un vieux document décollé envoyé par le client et nous le restaurons à l’identique. »

Pour cela, l’atelier redessine le modèle sur informatique puis crée des plaques en résine sur-mesure. « La planche de gaufrage permet de donner du relief au papier, détaille le jeune chef d’atelier de 31 ans. Nous avons entre 400 et 500 références de ces planches, nous recréons nous-mêmes les couleurs à partir des échantillons et nuanciers. » Au final, il en ressort une qualité picturale et d’impression visible.

« Avec cette technique on a aussi la liberté d’aller chercher des effets de matière, s’amuser à aller chercher un grain particulier » assure Simon Florent. Lui a commencé comme menuisier-ébéniste avant d’intégrer, en 2016, l’atelier d’Offard. « Je suis l’un des plus vieux ici », sourit-il. Chacun maîtrise la fabrication du papier peint de A à Z, il n’y a pas de poste fixe ni de journée type, même si Simon dit pouvoir rester quelques jours coincé derrière la presse. C’est un travail physique, qui demande de l’énergie et une passion certaine pour l’art.

« Je m’éclate surtout avec les commandes des monuments historiques, précise-t-il, dépliant une copie de tenture tissée en velours rouge du XVIIIe siècle. Réaliser le décor du château de Fontainebleau ou de maisons illustres est à la fois classique et intemporel. À l’époque, ils n’étaient pas timides sur les couleurs. On aurait tendance à vieillir les reconstitutions, à ne pas assez doser la couleur, mais c’est une erreur. Cela je l’ai appris aux côtés de François Xavier (F-X. Richard, le fondateur et patron de l’Atelier d’Offard). »

Autre satisfaction du métier : « nous avons la chance d’être à l’embryon du projet jusqu’à la finalisation. Lorsque l’on intervient sur le chantier final pour poser le papier, on se rend compte de la globalité du projet, ce pour quoi on le fait. On arrive parfois dans des décors incroyables. Je me souviens notamment de de la Villa Laurens à Agde qui était assez dingue, comme une villa romaine. C’est émouvant », conclut Simon Florent.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

 

Agnès Caillieux, aide à domicile à Tours : « On s’attache forcément aux gens »

#VisMaVille Agnès Caillieux est aide à domicile à Tours. Un métier varié, qui au-delà des courses et du ménage, représente parfois le seul lien social maintenu avec des personnes âgées.

Leurs mains sont serrées et les sourires s’échangent. Les deux Scorpions de signe plaisantent sur leur anniversaire à venir sur un ton enjoué. Mme Deveau fêtera ses 90 ans, Agnès Caillieux ses 59 ans. La seconde est l’aide à domicile de la première depuis qu’elle exerce à l’association d’Aide à Domicile en Milieu Rural (ADMR 37).

Derrière ces quatre années et demi, deux heures passées ensemble les lundis et jeudis, se dessine une complicité évidente. « On s’attache forcément aux gens, je pense à eux même en dehors de mes visites », révèle Agnès Caillieux qui s’est reconvertie après 30 ans à travailler comme gestionnaire de stock à la pharmacie mutualiste.

Elle s’occupe à présent d’une dizaine de personnes, souvent âgées, dans les quartiers de Beaujardin, Bouzignac et de la rue Vaillant, à Tours. De 30 minutes à 2 h 30, le temps consacré aux personnes est flexible selon les besoins. « Cela va de la toilette du matin, à la préparation des repas en passant par le ménage, les courses, bref toutes les tâches qu’on a besoin de faire chez soi », détaille l’aide à domicile.

Au-delà de ces missions bien connues, s’ajoutent des petites choses du quotidien comme changer une ampoule, voir pourquoi la télé ne marche pas, un peu de couture. Agnès peut également accompagner les personnes chez le médecin, au marché, en promenade ou apporter son aide lors de la déclaration d’impôts. Mais c’est surtout le temps passé à créer du lien, à « papoter » comme elle le dit, qui est important.

Agnès a d’ailleurs pris ses habitudes, sur son temps personnel, le mardi midi chez un papy de 94 ans. « Je lui cuisine du poisson, ce qu’il préfère, et partage le repas avec lui. » Car certains sont seuls, d’autres entourés, certains malades, d’autres mieux portants, les situations se révèlent très différentes. Pour Agnès Caillieux, l’essentiel est l’attention portée aux autres. « Ces petites choses qui font plaisir. »

Le tout, avec discernement. « On rentre dans l’intimité des gens, il faut s’adapter à leur environnement. À nous de voir ce qui est faisable et quels sont leurs besoins. » Le métier d’aide à domicile, longtemps cantonné dans les esprits à la femme de ménage fait, depuis la crise du Covid, enfin figure de métier utile. « Tant mieux même s’il n’est toujours pas bien valorisé », assure Agnès Caillieux.

Si elle est passionnée par son métier, elle ne nie pas les difficultés. « Tout n’est pas rose, on voit des choses difficiles, on est souvent confrontés à la mort. Et puis, c’est un métier souvent pénible, le mal de dos, même si aujourd’hui, nous avons du matériel adapté. C’est plus compliqué pour celles qui travaillent en milieu rural et qui ont de la route à faire. »

Elle, de son côté, continue à « s’éclater comme une folle ». Bientôt à la retraite, elle n’envisage pas de couper net pour autant et va poursuivre par des extras à l’ADMR. « Je prendrai toujours de vos nouvelles », dit-elle, rassurante, en se tournant vers Mme Deveau.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Dans le quotidien des drôles de dames de la cinémathèque

#VisMaVille Agnès Torrens et Elsa Loncle animent la cinémathèque de Tours. Depuis plus de 15 ans, elles nous transmettent leur passion des films de patrimoine.

Le rendez-vous est bien connu des cinéphiles tourangeaux. Tous les lundis soirs, de septembre à juin, les fauteuils sont prisés aux cinémas Studio pour la séance hebdomadaire de la cinémathèque.

L’accueil par le trio de ses salariées, Agnès Torrens sa directrice, Elsa Loncle chargée de communication et Corinne Bellan de la comptabilité et logistique, est aux petits oignons. Un ou deux films du muet aux années 2000 sont diffusés, accompagnés d’une présentation fouillée par Agnès ou Elsa, d’un débat avec la salle, et souvent d’un invité.

 

Depuis 50 ans, la cinémathèque Henri Langlois de Tours a pour mission « d’intéresser les gens à l’histoire du cinéma, leur permettre d’accéder à une culture cinématographique, souligne Agnès Torrens. L’idée est que les jeunes générations puissent découvrir sur grand écran des classiques tandis que les gens qui viennent depuis plusieurs dizaines d’années puissent toujours découvrir un film, être étonnés ».

La programmation concoctée par Agnès Torrens et Elsa Loncle se compose en effet d’un subtil mélange de grands classiques (Ophüls, Lubitsch, Lynch, Pasolini…) et de nouveautés (deux films inuits inédits seront montrés), le tout relié par un fil conducteur, les femmes cinéastes et la question des rapports entre femmes et hommes pour cette saison.

« Nous aurons beaucoup de réalisatrices programmées comme Agnès Varda, Jane Campion, Sofia Coppola… Je suis partie du documentaire de Juliette Klinke qui rend compte de leur présence tant que le cinéma était un art, et qui constate que celle-ci s’est amoindrie lorsqu’il est devenu une industrie. Elle viendra présenter les deux soirées consacrées aux pionnières Lois Weber et Ida Lupino », détaille Agnès Torrens.

La programmation découle d’heures de recherches, d’inspirations, de visionnages, de lectures au fil de l’année et d’une part de hasard aussi. Quant à la logistique, elle est plus simple à présent car les films en 35 mm sont remplacés par le numérique. Un bouleversement dans leur fonctionnement et leurs habitudes. « Les gens ne sont plus habitués à voir une image qui saute ou entendre un craquement ! ».

Outre la construction de la saison, Agnès Torrens s’occupe des partenariats (Studio, médiathèque, musée des Beaux-Arts,…) et de l’accueil des tournages de films avec Elsa. « Nous sommes le guichet unique, nous faisons le relais des cinéastes auprès des services municipaux pour obtenir les autorisations de tournage », explique Elsa Loncle. Toutes deux possèdent en effet « trois ou quatre casquettes différentes. Nous sommes une toute petite équipe et il faut savoir tout faire », relève Agnès.

Gardant intacte leur flamme pour le cinéma et « le plaisir toujours présent d’accueillir notre public le lundi », elles espèrent que les 50 ans marqueront le début d’un nouvel élan car les spectateurs ont eu du mal à retrouver les salles depuis le Covid.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Vadrouille : voir la Ville de Tours… d’en haut

Aujourd’hui, on prend de la hauteur dans tmv ! Comment trouver le meilleur point de vue à Tours ? On a essayé… À vous de nous dire si on y est arrivé !

Notre première pensée va à la Tour Charlemagne : depuis qu’elle a rouvert ses marches au public en 2016, elle offre une expérience hors-norme aux touristes désireux de découvrir Tours d’un autre œil. Cinquante-six mètres de hauteur, et 248 marches. L’ascension est déconseillée aux personnes en mauvaise forme.

Après deux ans de Covid et d’arrêt du sport, nous grimpons donc à nos risques et périls jusqu’en haut de la tour, sous laquelle gît Luitgarde, épouse de Charlemagne (qui lui, donne son nom à la tour, merci les misogynes des siècles passés). Nous optons pour la visite-apéro, car « après l’effort, le réconfort ». Essoufflé, mais revigoré par l’air pur des hauteurs, pas de doute : le panorama vaut le détour.

Contrat rempli ? Non. Telle une Tina Arena cherchant toujours à « Alleeer plus hauuut », direction la Cathédrale Saint-Gatien et ses tours de 68 et 69 mètres. Malheureusement, l’accès est interdit au public, et seuls les services de sécurité ou les ouvriers intervenant sur l’entretien du bâtiment peuvent grimper. Nous rangeons donc notre robe d’Esmeralda (à moins que ce ne soit notre bosse de Quasimodo). Cap sur le quartier Verdun, car là-bas, un autre promontoire nous nargue.

Avec son teint rougeaud et son horloge, la tour de la caserne des pompiers promet une belle grimpette et une belle vue. Le soldat du feu qui nous reçoit n’hésite pas longtemps : « C’est une tour qui servait à sécher les tuyaux, à l’époque où ceux-ci étaient en toile. » Et ils sont hissés par un système de treuil. Donc on n’y grimpe pas, en tout cas pas jusqu’en haut. Retour à la case départ…

… Ou presque ! En sortant sur le boulevard Wagner, deux grands immeubles nous font les yeux doux. Au sud du carrefour de Verdun, encadrant l’avenue Grammont, ces bâtisses construites en 1966 sont hautes de 23 étages. Et elles pourraient bien être les tours les plus hautes du centre-ville ! La tour Lumière bâtie aux Deux-Lions en 2015 ne fait « que » 16 étages. Au Sanitas, la championne culmine à 21 étages, et du côté des quartiers des Rives du Cher ou des Fontaines, on grimpe au maximum jusqu’à 19.

Devant l’interphone comme une poule devant un couteau, le journalisme d’investigation local se révèle trépidant. Sonner au hasard, ou attendre qu’un habitant entre pour se glisser à l’intérieur ? Ce sera l’option 2, et le bouton 23 dans l’ascenseur.

Au dernier étage, Claude, retraitée qui vit là depuis à peine plus d’un an, nous reçoit gentiment. « L’immeuble est un peu vieux, il faudrait que je fasse réparer certains volets » s’excuse-t-elle en poussant la lourde porte-fenêtre qui mène au balcon. Claude a une vue… sur le Cher. Il aurait fallu prendre l’autre ascenseur pour atterrir au Nord et voir le centre-ville historique. Mais chez Claude, le panorama est magnifique aussi. La rivière navigue entre les barres d’immeuble dont la blancheur contraste avec l’horizon verdoyant.

Pour Claude « c’est l’emplacement idéal, j’ai les bus en bas de l’immeuble, et je suis tranquille. La chaleur est moins forte qu’en bas, près du bitume. Et lorsqu’il y a des feux d’artifice, mes petits-enfants courent d’une fenêtre à l’autre pour tout voir ! ». Claude tutoie donc les cieux au quotidien, avec l’horizon le plus dégagé qui existe en ville.

Direction le ciel !

Les cieux… Et si on s’envolait ? Direction le Tours Aéroclub, à Tours Nord. Dominique Janssens, vice-président de l’association, nous donne toutes les infos : l’altitude minimale pour survoler Tours est de 5 500 pieds (soit quasiment 1,7 kilomètre), avec l’autorisation de la tour de contrôle. « Mais à cette altitude, vous ne voyez pas grand-chose. Si c’est pour faire du tourisme, ça ne vaut pas le coup, il vaut mieux aller voler du côté des châteaux de la Loire où vous pouvez vous approcher un peu plus ! ».

Retour en centre-ville. Pour nous cultiver l’esprit, la bibliothèque universitaire des Tanneurs et la Bibliothèque Centrale sont au rendez-vous. Au dernier étage de chacune, on profite d’une belle vue aussi, à condition qu’un événement (conférence, colloque, soutenance de thèse ou remise du Prix du roman tmv en juin !) y soit organisé pour nous permettre d’y accéder !

La fatigue se fait sentir après ces pérégrinations de plus ou moins haute volée. Ça tombe bien, il nous restait un endroit à explorer : la suite panoramique du tout nouvel hôtel Hilton Garden Inn, sur la place Anatole France, avec vue sur la Loire. Reste à négocier la note de frais pour achever cette mission très spéciale…

Texte : Maud Martinez / Photos : JC Coutand (ouverture), Maud Martinez et NR-Julien Pruvost (article)

Véronique et Malvina : le quotidien de deux maraîchères en famille

#VisMaVille Véronique Jeanneau et Malvina Bouet sont maraîchères à La Riche. Elles produisent des légumes de saison dans une ferme familiale à taille humaine.

Leur visage n’est pas inconnu des habitués des marchés des Halles, de Strasbourg, à Tours, ainsi que de celui de Notre Dame d’Oé. Les deux maraîchères associées à la tête de la ferme du Saugé, à la sortie de la Riche en direction de Saint-Genouph, sont en effet appréciées pour la fraîcheur de leurs légumes, herbes aromatiques et fleurs comestibles, cultivés sans pesticides.

Dans la vie, Malvina, 31 ans, est la nièce de Véronique. Elles ont toutes deux repris la ferme familiale en 2016. Une ferme maraîchère qui date de 1917. Ce sont Auguste et Thérèse, les grands-parents de Véronique qui y officiaient alors. Leurs descendantes sont aujourd’hui passées à la permaculture depuis deux ans, cultivant avec le calendrier lunaire et des engrais verts.

Sur leur petite ferme d’un hectare, elles aiment produire des variétés atypiques telles que la chayotte, la poire de terre ou remettre au goût du jour les légumes anciens comme le cardon, le rutabaga, les ocas du pérou ou l’héliantis. « Nous faisons en permanence des tests de semis, des renouvellements de cultures, comme sur les concombres ou les aubergines. »

Véronique et Malvina sont des maraîchères d’une nouvelle génération, travaillant avec passion sans se tuer à la tâche pour autant. D’ailleurs elles n’habitent pas sur place, ce qui leur permet « de couper ». Elles prennent quatre semaines de congés par an, et le dimanche, c’est repos. Les parents de Malvina qui habitent toujours sur la ferme, se chargent d’ouvrir et de fermer les serres ainsi que d’arroser si besoin.

Leur ferme à taille humaine fonctionne grâce à leur organisation au cordeau et leur complémentarité. Véronique s’occupe plus des serres, Malvina des productions extérieures. Les tâches sont bien réparties. « Le lundi tout le monde est là pour de l’entretien, du désherbage, des plantations. Ensuite, on prépare les récoltes pour les marchés les mardis et vendredis. Et quand l’une est au marché, l’autre est à la ferme, sauf le samedi où nous sommes toutes les deux de marché. »

Les deux femmes sont aidées par Althéa, la fille de Véronique, et Antoine, le salarié. Si « le rapport à la terre, voir pousser leurs productions » constitue leur principale satisfaction, elles apprécient aussi le côté vente directe sur les marchés et les échanges avec les clients.

Tôt le matin, vous croiserez des restaurateurs du quartier des Halles venus se fournir sur le stand de Malvina. Dans l’idéal, les deux maraîchères se verraient bien reprendre la vente à la ferme « pour nourrir les habitants d’à côté », expérience qu’elles ont appréciée durant le confinement.

Textes et photos : Aurélie Dunouau

Rencontre avec les étudiants internationaux à Tours. Paula : « SANS REPÈRES, MAIS BIEN ENTOURÉE »

#EPJTMV [4/4] Munie de son français qu’elle parle depuis son plus jeune âge, Paula Georgeș (20 ans) est désormais seule à plus de 2 000 kilomètres de sa famille. Prête à faire de la vie tourangelle son quotidien, elle compte bien profiter un maximum de ses cinq prochains mois en France. Rencontre avec un étudiant international – épisode 4.

Pour son tout premier voyage en solitaire loin de sa famille, Paula a choisi la ville de Tours comme lieu de résidence pour ses cinq prochains mois à l’université. À 20 ans, la jeune Roumaine née à Bistrița porte un grand intérêt pour la langue de Molière. Les cours de français renforcé n’ont donc pas fait peur à la lycéenne qu’elle était.

SANS REPÈRES

Le parcours de l’étudiante ne s’arrête pas là. Elle a poursuivi ses études à l’université BABȘ-BOLYAI de Cluj-Napoca intégrant une licence en Langues étrangères appliquées (LEA) français/anglais.

À la rentrée 2021, elle a même choisi de suivre des cours d’espagnol, une quatrième langue dans son escarcelle. À Tours, elle suit les cours de français pour les étudiants d’échanges, des cours d’anglais dispensés aux deuxième année de licence et des cours d’espagnol pour débutants.

Arrivée en France le 7 janvier avec un niveau C1 (utilisateur expérimenté selon Le cadre européen de référence pour les langues, NDLR), interroger les passants ne fut pas compliqué pour Paula. « Le plus difficile a été de m’orienter dans la ville », confie l’étudiante. Sans repères dans une agglomération qui compte plus de 360 000 habitants, dénicher la résidence Crous du site des Tanneurs n’a pas été une mince affaire. Le tout pour se retrouver finalement « dans une chambre vide où il n’y avait rien de familier », se désole-t-elle.

Paula n’a cependant pas baissé les bras. Elle nous explique : « Les premiers jours, une étudiante marocaine m’a indiqué les nombreux points importants de la ville. » Récemment, elle a tissé des liens amicaux avec d’autres étudiants internationaux, « une Taïwanaise et une Italienne avec qui je suis désormais amie ». Il s’agit évidemment de contacts qui sont nécessaires pour prendre ses marques dans un pays étranger. « Petit à petit, je vais m’accommoder », dit-elle en souriant.

UNE PLACE QUI VAUT CHER

Paula a commencé ses études supérieures il y a maintenant deux ans et demi. Elle n’avait pas encore pu fréquenter les bancs de son université de CLUJ, car la pandémie l’avait forcée à suivre ses cours en distanciel. Une monotonie qu’elle peut enfin briser en France grâce au présentiel. 

« C’est un avantage d’être présente en classe et je trouve ça plus intéressant. » Une place à l’université de Tours qui vaut cher puisqu’à sa connaissance, Paula qui est étudiante boursière Erasmus, est la seule Roumaine sur le campus. Sans cette aide précieuse, il aurait été très difficile pour Paula de venir à Tours, car ses parents n’auraient pas pu financer l’ensemble des coûts du voyage. « La ville de Tours n’est pas aussi petite que je le pensais et l’on peut facilement s’y déplacer. En plus, j’ai l’impression d’être dans les films français que je voyais en Roumanie. »

L’étudiante roumaine doit également s’adapter au système français : « J’attends toujours pour avoir un compte bancaire, pour m’inscrire à la CAF mais j’ai réussi à obtenir mon abonnement Fil Bleu. » Côté gastronomie, Paula reste sur sa faim : « La nourriture est bonne ici, mais je ne trouve pas tous les ingrédients de la cuisine roumaine et je dois donc m’adapter. » Il faut également savoir que le coût de la vie en France n’est pas le même qu’en Roumanie : un euro correspond à cinq lei roumains.

VOYAGE, VOYAGE

Outre les études, l’objectif de Paula est de revoir ses amies roumaines (elles sont six). Si elle a déjà visité Paris et les châteaux de Bois et de Chambord, elle compte bien organiser des voyages de groupe avec les autres étudiants internationaux avec qui elle s’entend très bien.

« Il y a des étudiants de plusieurs pays et même de plusieurs continents ce qui est très intéressant pour échanger nos cultures. » Paula porte une grande importance à sa capacité de pouvoir « aider les gens et contribuer au bien être de la société », des valeurs qu’elle souhaiterait peut-être mettre à profit par la suite à travers le métier d’interprète.

Billet spécial sur le Centre universitaire d’enseignement du Français pour étudiants étrangers

Service commun de l’université de Tours en liaison avec la direction des relations internationale, le CUEFEE est une structure qui accueille de nombreux étudiants internationaux sur le site universitaire des Tanneurs. Cette année encore, « ils sont environ 150 étudiants venus des quatre coins du monde avec un niveau de français qui varie du niveau A2 à C1 », indique Christian Gaujac Directeur du CUEFEE.

Au-delà de l’objectif scolaire, les étudiants peuvent  également participer à la vie sociale française par l’intermédiaire des activités proposées par le Service universitaire des activités physiques et sportive (SUAPS), le Passeport culturel étudiant (PCE) ou l’association Erasmus Student Network (ESN).

Texte : Florian Wozniak, journaliste en formation à l'EPJT

Crédit photo : Julie Cedo, journaliste en formation à l'EPJT

Dans l’antre des archives municipales avec Lise Schnel

#VisMaVille Lise Schnel est archiviste. Nous l’avons rencontrée aux archives municipales contemporaines, situées à la mairie de Tours. Elle défend une vision vivante du métier.

Au deuxième sous-sol de la mairie de Tours, ce matin-là, dans la salle des archives municipales, Carole peaufine l’exposition à venir sur les 100 ans du Congrès de Tours(*) tandis que Lise nous a sorti quelques documents valant le coup d’œil : une photo sur plaque de verre, l’album du Lycée de Tours de 1891, des photographies du camp Beaumont lors de la Première Guerre mondiale, des plans rares de projets urbains de la ville ou encore les messages et objets conservés déposés par les Tourangeaux devant l’Hôtel de Ville après les attentats de 2015. Preuve de la diversité des documents municipaux conservés.

Les archives contemporaines rassemblent tous les documents écrits concernant la ville depuis 1945, les photographies, les gravures, mais aussi les documents numérisés historiques. Lise Schnel et ses six collègues archivistes naviguent entre deux lieux, les archives contemporaines de la mairie et les archives historiques situées à la chapelle Saint-Eloi.

Les archives contemporaines sont de loin les plus imposantes avec leur 4 500 mètres linéaires. Il faut dire que tout document administratif y est conservé, selon une procédure bien établie. « Nous sommes un service public, explique Lise Schnel. Nous collectons les archives auprès des services municipaux et leur volume reste croissant malgré la dématérialisation. »

Pour le reste, comment établir ce qui a valeur d’archive pour la ville ? « Nous nous référons aux Archives de France. Mais il y a une part de subjectivité, par exemple lorsque nous conservons les messages déposés après les attentats du Bataclan. Les documents privés, en rapport avec l’histoire de Tours, nous intéressent également. »

Lise Schnel, passionnée d’histoire et par sa Touraine natale, souligne cette part importante de collecte. Pour les particuliers, elle n’hésite pas à les solliciter directement. « Nous avons ici le fonds personnel de Jean Meunier, ancien maire de Tours (1944-47), remis par sa fille Mireille Saint-Cricq. Nous avons aussi des associations qui nous donnent leurs archives comme les Fêtes musicales de Touraine ou des sections sportives. On ne s’interdit rien pour la conservation. »

Egalement, l’archiviste suit de près les évolutions de la société pour ajuster sa sélection. « La veille est constante. Nous évaluons les changements sociétaux pour voir quels documents pourraient être importants à l’avenir et nous les conservons plus longtemps. Comme ceux du service petite enfance. »

La valorisation est une autre facette du métier d’archiviste qu’exerce Lise Schnel depuis 1990 à Tours. Présentation en salle de lecture, montage d’expositions, publication de brochures et d’ouvrages… Décidément, l’archiviste loin d’être enfermée dans des salles poussiéreuses s’ouvre vers le public. « Ici, les archives ne dorment pas », conclut Lise Schnel.

Textes et photos : Aurélie Dunouau


(*) Grande exposition du centenaire, péristyle de l’Hôtel de Ville de Tours, du 20 novembre au 14 décembre.

Vieux-Tours côté pile, côté face : plongée dans le cœur historique de la ville

Les touristes seraient-ils insensibles aux aléas météo ? Glissée dans une visite de l’office de tourisme incognito (ou presque, puisque je suis la seule à prendre des notes), je constate que la pluie n’arrête pas les visiteurs motivés par la découverte du Vieux-Tours, guidée par Magali. « Tu vois vraiment plein de choses que tu ne verrais pas autrement », glisse un participant à sa bande de copains.

Avouons-le : même pour les Tourangeaux de longue date, l’expérience est instructive. 90 % des centres-villes anciens seraient en réalité des restaurations. Les maisons à pans de bois étaient moins chères à construire que les maisons de pierre (et nous qui pensions qu’elles étaient chics !). Les bâtiments de la cour Ockeghem étaient au XVIIIe siècle une église transformée en écuries pour l’auberge mitoyenne… Et tant d’autres informations !

Nuits d’ivresse

Mais le Vieux-Tours n’est-il pas plus qu’une carte postale pour vacanciers en goguette ? Vous nous répondrez : c’est le quartier des bars et restaurants. Pas faux. Un petit tour dans les rues pavées certains soirs suffit à le vérifier, à tel point que l’affichage public sur la limitation du bruit ne semble pas faire son effet (au grand dam des habitants amateurs de sérénité).

Veille de jour férié. Sur les coups de 23 h, malgré les frimas, les derniers mètres de la rue du Commerce qui mènent à Plumereau sont encore bondés. Même tarif pour la place du Grand Marché ou la rue Châteauneuf. Seule la rue de la Rôtisserie, une fois passés le New Hamac et la Vida Loca, se calme au rythme des terrasses de restaurants qui se plient pour la nuit.

Phare au bout chemin, l’enseigne de la Civette. Un bar-tabac (surtout tabac) qui ne désemplit jamais, même aux heures les plus avancées, sauvant du naufrage les fumeurs en manque de nicotine. « Il ne faudrait mettre que des fêtards dans ce quartier ! ». Attablé au Bombay pour se refaire une santé, Joseph, 18 ans, vit place du grand Marché. Et il assène cette phrase avec l’assentiment de ses trois comparses : « Habiter ici, c’est la vie ! »

Ce sont en tout cas ces jeunes qui font tourner les commerces nocturnes du quartier. Dans la rue des 3 Orfèvres, la discothèque n’est pas encore ouverte, mais la supérette voisine turbine : « Ce sont les clients des bars qui nous font vivre, on travaille surtout entre 19 h et 22 h pour la vente d’alcool », explique Menad derrière son comptoir. « Après 22 h c’est la nourriture, les chips, et les sodas qui accompagneront l’alcool. La clientèle est jeune, mais ça se passe bien, il y a rarement des problèmes. »

Pause. Lecteur ou lectrice de plus de 30 ans, vous venez de prendre un coup de vieux. Pas de panique ! À chaque bar son identité, à chaque coin de rue sa tranche d’âge. Le Canadian pour les concerts de rock et metal, le Strapontin pour le jazz, et des dizaines d’autres à explorer.

Nos divagations nous mènent jusqu’à la place de la Victoire. Dernier bar avant la fin du monde, le Duke y a ouvert ses portes il y a deux mois, à la place de l’Aventure. « L’esprit du bar ? Celui que vous voudrez ! » répond Pascal en souriant. « C’est comme le nom : Duke, certains pensent à Duke Ellington, d’autres à Booba, ou à la traduction française de « The Dude » dans le film The Big Lebowski. »

L’ancien du milieu pétrolier avait quitté la mer pour ouvrir le Shelter, et à soixante-trois ans, avec un nouveau bar, il n’entend pas prendre sa retraite : « Tant que je suis jeune il n’y a pas de raison ! ». Plusieurs générations sirotent des cocktails au son du rock qu’affectionne le patron. L’expérience nous confirme donc que le Vieux-Tours reste the place-to-be de toutes les générations lorsque l’envie de boire un verre se fait sentir.

Jours heureux

7 h, 8 h, 9 h du matin… Nouveau visage pour la vieille ville. Au fil des jours, vous croiserez les employés de la métropole en opération nettoyage ou les livreurs de fût de bières alimentant le quartier. Au Tourangeau comme ailleurs, c’est l’heure du café du matin. Le quartier s’anime petit à petit. La Bicyclerie et l’épicerie Sur la Branche à la Victoire, les concept-store de Châteauneuf, les libraires rue du Commerce…

Le Vieux-Tours diurne redevient l’antique quartier des marchands qui s’agglutinaient à l’époque dans les ruelles et sur les carrois aux alentours de la collégiale Saint-Martin, aimant à pèlerins. Tandis que les étudiants Léa et Guillaume font tourner leur linge à la laverie du Grand Marché, un peu plus loin, le peintre Laurent Vermeersch apprécie la vie de quartier. Rue Eugène Sue, il est « au cœur de la vieille ville mais en périphérie de la zone bruyante ».

L’artiste observe avec plaisir l’évolution du secteur Grand Marché-place de la Victoire : « Il y a de nouveaux commerces, une galerie, des projets avec l’association Victoire en Transition pour le carroi aux herbes… C’est de plus en plus attractif ! ». Quant au vitrailliste Pascal Rieu, il a choisi à dessein ce quartier pour y installer logement et atelier l’an dernier : « Le quartier est animé, c’est un quartier de nuit, mais on le sait quand on le choisit ! ».

C’est cependant en journée que leur association le Quartier des Arts entend faire vibrer la vieille ville (voir encadré). Il faut en arpenter les ruelles pour découvrir les ateliers… et les très bons restaurants cachés entre les pièges à touristes des grandes artères, et les petites rues discrètes, loin du tumulte. Mais à vous de les trouver, car c’est la seule manière de vraiment connaître le Vieux-Tours : l’arpenter en dehors des sentiers battus !

Reportage : Maud Martinez
Photos : ouverture Gérard Proust NR archives / Maud Martinez / Aurélien Germain

Sandrine Abello, cheffe du Chœur de l’Opéra de Tours : « Il y a autant de musique que d’humain dans mon métier »

#VisMaVille Sandrine Abello est à la tête du Choeur de l’Opéra de Tours qui compte treize chanteurs permanents. Rencontre avec une mélomane pianiste entraînante par son enthousiasme.

Devant la scène du Grand Théâtre de Tours, elle sautille, s’anime, ses bras donnent le tempo. À l’instar du chef d’orchestre qui dirige les musiciens, la cheffe de chœur dirige les musiciens du chœur.

Nous sommes en pleine répétition du spectacle qui se tiendra le soir même. Les Indes Galantes et Hippolyte et Aricie, de Jean-Philippe Rameau sont au menu. « La couleur est très belle, continuez comme cela, on frôlait la perfection. » En tenue décontractée, jean et baskets blanches, derrière son pupitre, Sandrine Abello, distille ses conseils et derniers réglages aux chanteurs, veillant à l’homogénéité des voix et aux nuances. « Ne forcez pas la voix, tout est dans la souplesse et la tranquillité. Après, il faudra y aller. »

Être cheffe de chœur, c’est comme « un entraîneur sportif. Mon rôle est de préparer musicalement le chœur. Il faut que ce soit nickel pour le concert et quand le chef d’orchestre prendra le relais. » Car le jour J, pour un opéra, Sandrine Abello écoutera dans le public.

Avant cela, de multiples répétitions, selon un rythme rigoureux (deux fois par jour cinq jours par semaine minimum), se déroulent entre les premières répétitions par pupitre (les femmes, les hommes, les aigus, les graves) les scènes-piano, les italiennes, les scènes-orchestre et la générale. La plupart du temps, le chœur travaille entre lui, sans l’orchestre ou les solistes.

Treize chanteurs permanents et un pianiste, Vincent Lansiaux, forment le Chœur du Grand Théâtre de Tours auxquels s’ajoutent parfois des intermittents. Soit un des plus petits effectifs de France mais une équipe soudée que Sandrine Abello dit avoir plaisir à diriger. « On apprend beaucoup avec l’échange humain, il faut savoir écouter. Être cheffe de chœur, c’est du management aussi, ne pas être trop raide. Il y a autant de musique que d’humain dans mon métier. »

La cheffe d’origine nîmoise est arrivée là un peu par hasard. Études de piano, conservatoire, elle s’est mise à accompagner le chœur avec son instrument à Avignon. Au gré des concours, elle est devenue cheffe de chant auprès de solistes puis de chœur à Nantes, à l’Opéra national du Rhin enfin à Tours depuis 2018. « Je ne suis pas chanteuse mais musicienne. Je ne donne donc pas de conseils techniques aux musiciens qui sont des professionnels et maîtrisent leur sujet à la perfection, mais je les guide sur une interprétation. Je veille à la qualité musicale ainsi que scénique lorsque ce sont des opéras. »

Sandrine Abello affectionne particulièrement le répertoire lyrique, les opéras classiques. En dehors de son temps au Grand Théâtre, elle se branche sur du jazz, son autre passion. « Je viens de découvrir Chet Baker, c’est extraordinaire. »
Aurélie Dunouau

Johana Boktor, l’architecte du patrimoine

#VisMaVille Johana Boktor et son mari Benoît Moreau sont architectes à Tours. Leur petite entreprise s’appuie sur la réhabilitation du patrimoine. Avec talent et humilité.

Il a fallu convaincre Johana Boktor pour réaliser cet article. Pourquoi elle plutôt qu’un ou une autre ? Sa modestie réelle n’empêche pas qu’à 39 ans, elle a déjà réalisé d’importants projets architecturaux comme le hall du musée Guimet. Elle planche en ce moment sur la rénovation du bâtiment historique de la Chambre de Commerce et d’Industrie et sur la nouvelle entrée du musée du Compagnonnage. Benoît Moreau n’est pas en reste avec la façade de la bibliothèque de Tours.

Un couple complémentaire qui s’est associé à leur arrivée en Touraine, en 2016. Lui est « technique, la tête chercheuse des pathologies du bâtiment », elle est « créative et part de l’identité du lieu pour la prolonger dans sa réalisation ». Ce qui relie le duo d’architectes qui s’est rencontré sur les bancs de l’école d’archi à Paris, c’est leur enclin pour la réhabilitation de l’ancien, et tout particulièrement du patrimoine.

Diplômés de l’Ecole de Chaillot qui délivre une spécialisation complémentaire en patrimoine en deux ans, ils travaillent en grande partie sur les monuments historiques. Ce n’est pas un hasard s’ils se sont installés près du couvent des Capucins, à Tours-Nord, sur un ancien terrain divisé en parcelles appartenant jadis à l’ordre des Frères mineurs. Ils y ont construit et expérimenté leur maison bioclimatique, vitrine de ce qu’ils font et de ce qu’ils sont. Murs épais isolés, nombreuses fenêtres pour des ventilations naturelles et croisées, luminosité, grande pièce de vie traversante : ils prônent le confort des usages et la simplicité des volumes.

Leur maison abrite leur bureau à l’étage. C’est là qu’ils reçoivent leurs clients. Des particuliers mais aussi des collectivités locales. Parfois, leurs garçons de 6 et 8 ans débarquent en pleine réunion pour récupérer des crayons de couleur. L’ambiance est familiale. Qu’elle s’en souvienne, Johana a toujours voulu être architecte, voyant son père s’épanouir dans le métier. Petite, elle bricolait des meubles pour ses poupées.

Après le bac, l’école d’architecture s’est donc imposée. Naturellement. A Paris, elle était salariée pour une agence de logements. « C’était passionnant, il y a le côté pratique que j’adore, toucher et comprendre l’usage de chaque pièce, matériau. »

Aujourd’hui Johana Boktor garde, dans son métier, ce goût du fonctionnel et y ajoute sa touche personnelle, créative. « Je m’inspire de l’ancien pour reproduire une atmosphère. L’idée est de réhabiliter ou construire des extensions en partant de l’essence du lieu, souvent chargé d’histoire. » La meilleure récompense pour elle, qui parvient tout juste à se définir architecte ? « Susciter de l’émotion dans la réponse qu’on a su apporter au client. »

Textes et photos : Aurélie Dunouau


> L’Indre-et-Loire compte une dizaine d’architectes spécialisés dans le patrimoine. Sachant que le département compte 867 édifices bénéficiant de cette protection au titre de monuments historiques, les chantiers en perspective ne manquent pas.

 

François Pérona, le sourire et l’accueil du CCCOD

#VisMaVille Jean-François Pérona est chargé d’accueil au centre de création contemporaine Olivier Debré de Tours. Rencontre avec cette figure du lieu.

Les habitués du musée d’art contemporain connaissent forcément Jean-François Pérona. Au CCC rue Marcel-Tribut puis désormais au CCCOD en plein coeur de ville, il en est un des visages historiques. Depuis 2005, il est au service du public, ce qui en fait le plus ancien de l’équipe.

Au milieu des sept autres jeunes personnes qui s’occupent des visiteurs, il apporte son expérience et son savoir-faire. Car avant tout, Jean-François Pérona a le don de recevoir et de vous mettre à l’aise comme si vous entriez dans sa propre maison. Avec tact, il vous ouvre la porte de son univers professionnel, celui de l’art contemporain.

Un univers auquel il n’était toutefois pas destiné, lui qui n’a pas fait d’études d’art ou d’histoire. Ce Normand d’origine, débarqué à Tours dans les années 80 pour ses études, a travaillé dans le commerce, un temps caissier chez Mammouth. Déjà, le contact avec le public l’attire, « j’étais moins doué pour vendre », concède-t-il. Seule incartade avec le milieu des artistes avant son entrée au musée : sa participation à l’organisation niveau régie d’une grande expo en 2000 avec Jeff Koons entre autres.

Car s’il est amateur d’art sans être spécialiste, « c’est un hasard si j’y travaille aujourd’hui après avoir répondu à une annonce du CCC. Je devais rester un an, j’ai manifesté l’envie de rester et j’y suis encore », explique Jean-François Pérona. Rue Marcel-Tribut, il n’était pas rare de le voir quitter l’entrée pour faire visiter les expositions.

Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Avec la nouvelle dimension du centre d’art, il reste attaché au public et à la billetterie, mais il n’est pas pour autant bloqué derrière le comptoir. Car il ne tient pas en place, Jean-François. Quand il n’y a pas trop de monde, il apprécie de se promener au milieu des expositions ou de dispenser quelques informations aux visiteurs, « même si je ne suis pas capable de faire le travail des médiateurs et conférenciers ».

Bavard lorsqu’il tient sa place au musée, il sait toutefois s’adapter au public. « Je reconnais les personnes qu’il ne faut pas aller embêter ou bien les jeunes pressés qui n’aiment pas trop les longs discours », tempère-t-il. « Mon travail, c’est orienter, recevoir, être attentif aux caractères de chacun et à ce qui se passe. Le public ici est bienveillant et détendu. Notre idée est d’accueillir simplement. »

D’un public d’habitués rue Marcel-Tribut, il est passé à un panel plus large, jeunes et touristes inclus. Ce qui n’est pas pour lui déplaire. « L’esprit d’accueil demeure l’âme du CCCOD. » En dehors de son temps au musée, Jean-François Pérona aime voir des comédies au cinéma, quelques spectacles de danse.

Mais son côté casanier prend vite le dessus. « En fait timide dans la vie privée », il n’aime rien tant que cultiver son petit bout de potager et se plonger sur les chaînes youtube des agriculteurs stars. Ce qui lui rappelle le rapport à la terre de ses aïeux dans l’Orne.

Textes et photos : Aurélie Dunouau

Dans le quotidien de Rachid Belaalim, propriétaire de la boulangerie Rabel

#VisMaVille Rachid Belaalim est le propriétaire de la boulangerie Rabel depuis février 2019 à Tours-Nord. Un lieu où se mélangent avec succès les pâtisseries et les clients les plus divers.

Sur l’esplanade François-Mitterrand, face à la médiathèque, l’odeur des croissants chauds nous happe dès la sortie du tramway, arrêt Beffroi. À l’intérieur de la boulangerie Rabel, Rachid Belaalim, son propriétaire, la main à la pâte depuis 6 h 30, en est à son deuxième café.

Il échange quelques mots, dans la partie salon de thé, avec un habitué qui prend son petit déjeuner, réchauffé par son chocolat chaud. Wassim, 22 ans, employé à Tours-Nord, se sent bien ici. « J’habite à côté. J’y viens souvent les matins et j’y mange tous les midis pendant ma pause. Il y a un bon accueil. »

Il faut dire que les habitants du quartier semblent apprécier la réouverture de cette boulangerie de proximité depuis plus d’un an et demi. Pour Rachid Belaalim, après Velpeau et le Sanitas qu’il a dû quitter à cause du projet de destruction de la barre d’immeuble près de Saint-Paul, cette nouvelle vie de boulanger à Tours-Nord correspond à ses attentes de commerçant qui aime voir se croiser et mélanger les populations, dans une bonne entente.

« Il existe une vraie mixité dans ce quartier, j’y retrouve celle qui existait auparavant au Sanitas. Ici on prend sa baguette chaude à toute heure mais on peut aussi se poser. À midi, les étudiants et les ouvriers de chantier déjeunent au coin snacking. À la sortie de l’école, les mamans discutent tandis que leurs enfants goûtent. Et toute la journée se croisent des clients de tous horizons, de tout âge et de toute culture. »

 

Une mixité symbolisée dans sa boulangerie par les viennoiseries et gâteaux traditionnels français qui côtoient les fameuses pâtisseries orientales. Rachid nous assure que « les gens traversent Tours pour elles. Je suis connu pour ça et mon chalet au marché de Noël qui propose des pâtisseries orientales depuis des années. »

Arrivé en France du Maroc en 1996, il a fait ses armes de boulanger à Paris avant de s’installer à Tours au début des années 2000. Il vient de déménager à Tours-Nord pour être au plus près de sa boulangerie avec sa femme qui y officie aussi.

À pied, en vélo ou en camionnette, les allers-retours rythment leur vie. Il rit beaucoup et son équipe semble suivre dans cette bonne humeur. Stefania, à la caisse, distribue le chant de son accent italien à ses clients. Cédric, jeune chef boulanger, n’est pas un inconnu : il a fait la première saison de « la meilleure boulangerie de France », sur M6. Sandrine, chef pâtissière, savoure la diversité de ses créations. Et Rachid, bien sûr, court entre les postes : à la caisse ou derrière, au four et dans son laboratoire.

Aurélie Dunouau

Avocates… rien que pour les enfants !

#VisMaVille La justice des mineurs ce n’est pas que des enfants qui commettent des délits ou en danger. C’est aussi, au quotidien, des avocats qui recueillent la parole d’enfants empêtrés dans les histoires de divorce de leurs parents. Rencontre avec deux avocates tourangelles, Karine et Valérie.

Le mercredi après-midi, la salle d’attente est remplie d’enfants dans le cabinet des Maîtres Bourgueil et Dubois, boulevard Heurteloup. Ces deux avocates tourangelles ont une prédilection pour ces clients pas ordinaires. Si être avocat d’enfant n’est pas une spécialité reconnue dans le droit, certains sont passés maîtres dans l’art de l’exercer, avec tact et empathie.

Valérie Bourgueil reçoit dans son bureau chaleureux, et met à l’aise, rassure l’enfant qui voit pour la première fois un professionnel de la justice. « Est-ce que tu sais qui je suis ? Je suis un avocat un peu particulier. Je ne suis ni l’avocat de ton père, ni l’avocat de ta mère. Je suis là pour toi. Tout est secret et je ne le répéterai à personne. »

Justine, 11 ans, semble très vite en confiance. Ses parents viennent de se séparer. Maître Bourgueil l’interroge pour évaluer si elle a envie de voir le juge et faire part de ses souhaits en termes de garde. L’avocat joue ici le rôle de « filtre ». Pour Karine Dubois, « les enfants y sont très sensibles car ils ont des messages à faire passer aux parents qu’ils ne peuvent pas transmettre directement. Il y a une liberté de ton. C’est à nous de porter cette parole auprès du juge. Nous avons aussi un rôle d’explication de ce qui va se passer. Pour eux, ce peut être compliqué à comprendre ».

Pour un cas de divorce, après avoir vu son avocat, l’enfant décide s’il souhaite être entendu par le juge aux affaires familiales. Après un entretien à huis clos, toujours sans ses parents, un rapport sera établi puis lu à ses parents, lors de l’audience de la procédure de divorce. « Leur parole sera écoutée mais pas toujours entendue », précise Maître Dubois. « Je suis claire avec eux sur ce point. »

Comment appréhender ces « clients » pas comme les autres ? À Tours, ils sont entendus à partir de 8 ans. L’avocat est chargé d’évaluer s’il est capable de discernement et s’il n’est pas manipulé par un de ses parents. Maître Bourgueil va au-delà, en « soutenant les enfants. Je les aide à traverser cette épreuve et prendre du recul, on est là pour qu’ils nous disent ce dont ils ont besoin et pas ce dont leurs parents ont besoin ou veulent entendre ».

Une relation de confiance et de complicité se noue. L’enfant sait qu’il peut joindre à tout moment son avocat. Comme ces deux sœurs qui souhaitaient revoir Maître Bourgueil, juste avant leur audition par le juge. Simplement besoin d’être rassurées. Et tout cela, gratuitement. Pas d’honoraires pour les avocats, l’aide juridictionnelle les rémunère, un forfait de 96 euros, quel que soit le temps passé. Autant dire que c’est une vocation.

Texte : Aurélie Dunouau / Photos : Aurélie Dunouau et Adobe Stock

A vélo à Tours : en route pour la véliberté !

À l’heure où la nouvelle municipalité crée des voies cyclables et projette une aide à l’achat de vélo, rencontrons ceux qui vivent déjà la ville à vélo au quotidien, en famille ou en solo, avec un sentiment partagé : la liberté.

Vente ou réparation, le bicyclette-business a le vent en poupe ! Mais il est difficile d’évaluer dès aujourd’hui l’impact à long terme du déconfinement et des nouvelles voies cyclables sur l’évolution des mobilités douces à Tours. Voyons pourquoi certains pédalent déjà.

Pour Julien, 46 ans au compteur et presque autant à vélo, c’est de famille : « Mon père faisait du vélo, je fais du vélo. J’imagine mes trajets en fonction de cela, que ce soit pour aller travailler en ville depuis notre maison de Tours-Nord, ou aller faire la fête chez des amis à Luynes, je ne me pose même pas la question ».

(Photo Hugues Le Guellec)

En couple, avec trois enfants et autant de bicyclettes à la maison, on sort la voiture familiale seulement pour les vacances, les grosses courses ou l’entraînement de roller-hockey et son matériel encombrant. À 41 ans, Alice pédale depuis ses années collège, et aujourd’hui ses enfants ont pris le relais.

« Je ne perds pas de temps à trouver une place de parking »

Quant à elle, elle parcourt chaque jour les kilomètres qui séparent son domicile de Tours-Nord, de son travail sur les hauts de Saint-Avertin. Un exploit au regard de ses collègues, un train-train quotidien pour elle : « Je mets 35 minutes contre une vingtaine de minutes en voiture, je fais de l’exercice, je ne perds pas de temps à trouver une place de parking… Sans compter ce sentiment de liberté absolue et cet autre regard sur la ville que permet le vélo ».

Plus novice dans cette pratique, Mélaine est montée en selle il y a un an, pour un trajet Saint-Avertin – Tours centre : « J’ai hésité à me lancer car j’avais du mal à trouver un parcours sécurisé pour ce trajet quotidien. J’ai fait des tests en juillet 2019, et depuis, je vais au travail comme cela, en évitant les bouchons et les problèmes de parking », qu’elle retrouve en voiture lorsqu’il pleut.

(Photo Hugues Le Guellec)

Parking, temps de trajet, autonomie, sans oublier le budget riquiqui : quatre qualités du vélo citées par nos cyclistes… et pas seulement. À 29 ans, Maxime se déplace en trottinette électrique, pour rallier le quartier Giraudeau à la gare de Tours, d’où il embarque pour Paris-Montparnasse, avant de rejoindre son bureau à Boulogne-Billancourt : « Je n’ai plus l’angoisse du vol de vélo ou les soucis du parking puisque j’ai ma trottinette avec moi dans le train ou au bureau, et je suis autonome, même en cas de grève RATP ou Fil Bleu ! ».

Une vie en rose ?

Passer d’un mode de transport à un autre est fréquent pour certains cyclistes de centre-ville : pour la famille Perrin, couple avec trois enfants, plus de voiture individuelle, mais un recours à l’autopartage Citiz de temps en temps. Idem pour Julie, 35 ans, qui avait choisi le vélo avant d’avoir le permis : « Je travaille et vis dans l’hypercentre, donc je mixe marche, vélo, autopartage pour sortir de l’agglo, et carte Fil Bleu Liberté, quand la pluie me décourage de pédaler. Mais avec le Covid, j’évite un peu les transports en ce moment ».

La vie en vélo est donc une vie en rose ? Nos témoins saluent les améliorations récentes côté voies cyclables : pont d’Arcole, pont Wilson, rue Mirabeau… mais rappellent que certains trajets sont encore peu sécurisés, comme avenue Maginot ou quartier Paul-Bert, ou peu cohérents, avec des fins de voies dangereuses (coucou le rond-point de la Victoire !).

(Photo Hugues Le Guellec)

Pour Julien, « avec un bon vélo, en roulant à son rythme, on va partout, et on grimpe la Tranchée. Hormis le choix d’une tenue vestimentaire adaptée, je ne vois pas d’inconvénient, à part l’état d’esprit des gens. Les automobilistes sont parfois agressifs, ou doublent trop près… ».

Apprendre à partager l’espace serait donc la clé, comme le défend le Collectif Cycliste 37 via son vice-président, David Sellin : « Rendre Tours cyclable, c’est un grand chantier ! Tours est une ville conçue depuis les années 1960 pour la voiture. La solution, c’est repenser la place qu’on accorde à chacun (voiture, vélo, piétons), et faire sortir les automobilistes de l’automatisme qui les pousse à utiliser leur véhicule pour des petits trajets ». On ne sait pas vous, mais nous pour la rentrée, on va tester le vélo-boulot-dodo, pour se sentir libéréééés, délivréééés…

Textes : Maud Martinez
Photos : Hugues Le Guellec (sauf photo de tête, par Julien Pruvost)

Alexandra Dupont, éleveuse de chèvres engagée

#VisMaVille À quelques jours du Salon de l’agriculture, rencontre avec une femme engagée, Alexandra Dupont, qui élève depuis 2011 des chèvres à la ferme des Croq’épines à Nouans-les-Fontaines, dans le sud-est du département.

Lorsqu’Alexandra Dupont nous accueille ce jeudi-là dans sa chèvrerie de Nouans-les-Fontaines, tout ne se déroule pas comme prévu. « S’adapter aux imprévus, c’est ça le métier d’éleveur ! », lance-t-elle tout en remplissant les mangeoires.

Les 43 chèvres se ruent sur la nourriture tandis que la machine à traire collecte leur lait. 11,5 litres ce matin-là, la période creuse… La traite a lieu chaque jour vers 9 h, puis 19 h, pas moins de trois heures de travail pour l’éleveuse, qui enfile ensuite sa blouse de fromagère.

Dans une pièce attenante à la salle de traite, elle filtre le lait cru pour ôter d’éventuels brins de paille, puis ajoute le petit lait et la présure nécessaires à la coagulation. Le lait doit ensuite reposer 36 à 48 heures avant la fabrication des fromages. Mais pour Alexandra Dupont, point de repos : elle sale les tommes, retourne les crottins, démoule les pyramides… « Je gère les urgences les unes après les autres », assure-t-elle en gardant le sourire. Après le fromage, l’administratif. Après l’administratif, les livraisons…

Dans sa campagne tourangelle, la quadragénaire trace son chemin loin des allées du Salon de l’agriculture. Dans son troupeau métissé, les chèvres ont gardé leurs cornes et portent toutes un collier à leur nom : Litchi, Fiesta, Fable…

Dans sa ferme, aucun animal ne partira à l’abattoir

L’éleveuse connaît le parcours de chacune : « À 11 ans, Douchka est la doyenne des laitières. Je l’ai ramenée d’un stage dans une ferme cévenole. » C’était en 2008. Après une formation en agronomie tropicale, une expérience dans une ONG de développement au Mozambique puis divers contrats aidés en France, elle décide de devenir éleveuse : « Je voulais être mon propre patron, avec mes animaux, à la campagne. »

En stage de reconversion, elle n’a pas supporté d’amener les chevreaux chez l’engraisseur. Dans sa ferme, aucun animal ne partira ni chez l’engraisseur, ni à l’abattoir, se dit-elle alors. Pari tenu grâce à la création en 2014 d’un refuge attenant à sa ferme. La relation de l’éleveuse avec ses chèvres se renforce : « des êtres sensibles, curieux et affectueux, avec lesquels je vis au quotidien ». À ceux qui militent pour l’abolition de l’élevage, elle répond que soutenir des fermes familiales et respectueuses des bêtes, ce serait déjà bien : « Les humains et les animaux domestiques évoluent ensemble depuis des millénaires. Nous sommes interdépendants. »

Nathalie Picard


> EN SAVOIR PLUS

Aux petits soins Bienvenue aux boucs castrés, aux chèvres à la retraite et aux éclopés. Depuis 2014, le refuge associatif des Croq’épines accueille tous les animaux de la ferme devenus non productifs. Pour limiter leur nombre, Alexandra Dupont laisse au moins deux à trois ans entre deux gestations (ce qui réduit les naissances de chevreaux mâles) et mise sur une lactation de longue durée. Reste malgré tout 75 bouches à nourrir, ce qui nécessite du temps et de l’argent. Le refuge lance un appel au bénévolat et aux dons. Il est même possible de parrainer une chèvre.

>>> lafermedescroqepines.com

Ehpad : aux petits soins pour nos anciens

Souvent, la question des conditions de vie des personnes âgées dans les établissements spécialisés revient à la Une de l’actualité. Nous avons décidé de pousser la porte de l’un d’entre eux. Rencontre avec Estelle Menit, aide-soignante à l’Ehpad de La Vallée du Cher et passionnée par les relations humaines. Elle transmet son dynamisme aux 103 résidents.

Installé au cœur du quartier des Fontaines, à deux pas du Stade Rodriguez, l’immeuble se fond dans le paysage. Dans ce quartier de grande mixité sociale, on ne se doute pas un seul instant que ce bâtiment aux jolis balcons suspendus abrite une centaine de résidents âgés, très âgés même pour certains.

Au 2 de la place Sisley, vous êtes à l’Ehpad de La Vallée du Cher, un des quatre établissements gérés par le CCAS sur Tours. Ehpad ? Cela signifie Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes. Une maison de retraite pour faire simple. CCAS ? Ça veut dire Centre communal d’action sociale.

C’est là que travaille Estelle. Elle nous a parlé de son quotidien. De ses joies, de ses doutes parfois. Mais surtout de son extraordinaire dynamisme pour aider les résidents. Certains ont nettement plus du double de son âge. « Mais ils ont vécu de telles expériences dans la vie, que j’adore les écouter. Si on n’a pas cette passion, pas la peine de venir travailler ici », confie-t-elle.

Estelle Menit va avoir 40 ans. Elle est aide-soignante. D’origine martiniquaise et née en banlieue parisienne, elle a pensé devenir assistante dentaire, avant de « s’expatrier » en Touraine où elle a gravi tous les échelons au rythme des concours et des études : agent d’entretien, auxiliaire de vie puis aide-soignante.

Beaucoup d’écoute

Lors de notre première rencontre, un soir de fin décembre, tous les emplois du temps ont été chamboulés. Les blouses blanches, roses ou bleues sont au placard. Repas de Noël oblige, le personnel comme les résidents sont en tenue de soirée. Ou presque. Estelle est venue sur un jour de repos pour aider et participer à ce moment festif.

Tout le personnel, sous la houlette de l’animatrice, Isabelle, aide les résidents à s’installer autour des tables dans la grande salle à manger du 1er étage. Quelques minutes plus tard quand le repas débutera, chacun viendra s’asseoir à une table, participera au service, amènera de la bonne humeur, ou tout simplement aidera Jacqueline, Nicole ou un autre résident à dîner.

« On est dans l’exceptionnel, ce soir, explique Estelle. Mais vous voyez bien l’esprit dans lequel on travaille. » Beaucoup d’écoute, un maximum de relationnel, une tonne d’énergie, des kilos d’empathie, il leur faut donner tout cela pour éclairer la journée des résidents. « Certains sont diminués, en fauteuil. Pas toujours drôle pour eux. »

Plus tard, en janvier, lors de notre deuxième visite, Estelle et tout le personnel ont rebasculé dans le quotidien. Arrivée à 14 h, l’aide-soignante finira à 21 h. « De 14 h à 14 h 30, nous faisons la réunion de transmission entre les deux équipes. Nous indiquons ce qui a été fait auprès des résidents. Comment ils se sentent. Certains se sont réveillés un peu grognons. On les laissera se reposer. D’autres veulent parler. On ira les voir plus longtemps. »

En pantalon et blouse rose, Estelle commence son petit tour au 3e étage – Il y a une vingtaine de résidents par niveau, du rez-de-chaussée au 4e étage. Elle frappe doucement à chaque porte. Demande comment ça va. Même si elle connaît le prénom de chacun, c’est par « bonjour M. ou Mme untel » qu’elle entame la conversation. « Le matin, nous nous occupons des toilettes, du service des petits déjeuners. »

« Bien sûr, on s’attache aux résidents, parce qu’ils sont des puits de savoir. »

Le soin mis dans la décoration des couloirs et l’individualisation des chambres font de l’Ehpad un lieu à part, entre pension de famille et maison de convalescence. Les difficultés de son travail, Estelle les a gommées avec le temps et l’expérience.

« Bien sûr, on s’attache aux résidents. Parce qu’ils sont des puits de savoir et qu’ils ont vécu des choses extraordinaires. Un jour, un monsieur me dit : ‘’Vous savez, j’ai connu la reine d’Angleterre.’’ Je me suis assis à côté de lui et il m’a raconté des tas de souvenirs qu’il avait sur le couronnement d’Elisabeth, notamment. D’autres fois, c’est dur. Les résidents peuvent avoir des mots qui dépassent leur pensée. Quand ça arrive aujourd’hui, je relativise. »

Issues d’une multitude de corps de métiers (infirmière, psychologue, cuisinier, couturière, coiffeur, agent technique, aide-soignant(e)s, etc…), plus d’une cinquantaine de personnes sont au service des 103 résidents de l’Ehpad dont la moyenne d’âge est d’environ 85 ans.

Dans ce choc de générations, le dynamisme et l’enthousiasme comblent les fossés et la rudesse des destins. Estelle le sait : « Pour les résidents, c’est le dernier lieu de leur vie. À leur âge, certains voient leur santé se détériorer assez vite aussi. On est là pour les aider, leur donner bon moral. J’aime prendre soin d’eux. »

Textes et photos : Thierry Mathiot

Biodivercity, l’apiculture… urbaine !

#EPJTMV La disparition des abeilles est une problématique environnementale préoccupante. Anne Desnos et Laurie Dufrenne sont apicultrices au sein de l’association Biodivercity qui propose des ateliers de sensibilisation à la vie de la ruche.

« Je vous propose d’aller chercher les tenues, nous allons aller sur le rucher. » Ce vendredi 17 janvier, Anne Desnos et Laurie Dufrenne animent le « Club Api » de l’association Biodivercity.

Dans le domaine du Château de Taillé à Fondettes, l’association possèdent sept ruches dont les salariés s’occupent toute l’année. Le « Club Api » se réunit une fois par mois pour former à l’apiculture une poignée de volontaires.

La mission du groupe aujourd’hui : bricolage d’hiver et visite des ruches pour vérifier que les abeilles vont bien. Sur le chemin, Laurie explique : « Pendant la période hivernale, les abeilles sortent peu. Elles sont en période d’hibernation et consomment leurs réserves dans la ruche. »

Ne pas déranger les butineuses

Laurie est apicultrice depuis dix ans. Elle a commencé sa formation sur le terrain en Allemagne, en production biologique de miel. Elle s’est rapidement tournée vers les associations jusqu’à intégrer Biodivercity en 2014. Ce qu’elle aime le plus, surtout dans « ce contexte de difficulté pour l’environnement, c’est sensibiliser et faire connaître le rôle de l’abeille dans l’environnement ».

Concernant les ruches, les deux animatrices insistent sur la nécessité de ne pas déranger les butineuses et de ne pas ouvrir les ruches si ce n’est pas nécessaire. Le parcours d’Anne Desnos jusqu’à l’apiculture est différent. Elle a intégré l’association en 2017 pour un service civique et ne l’a pas quittée depuis. « Je me suis formée sur le tas, à Biodivercity », confie-t-elle.

« J’ai longtemps eu un projet d’animation autour de l’environnement. J’ai un lien très fort avec la nature et il est très important pour moi de le partager pour la protéger. »

Sur le rucher, les deux animatrices expliquent au groupe comment s’assurer que la ruche est en bonne santé. Il faut la peser et vérifier les réserves de nourriture. Les volontaires écoutent attentivement mais toujours dans une ambiance détendue.

Pendant cette séance, aucune n’a eu besoin de nourriture (du sucre) supplémentaire. Les deux animatrices mettent en place une approche douce de l’apiculture. Pour Laurie, « le consentement doit aussi être avec les abeilles. Il faut comprendre les abeilles et ne pas déranger les colonies nerveuses par exemple. » Elle confie, avant de partir, que grâce à ce métier, elle a « appris à avoir une certaine humilité face à l’abeille ».

Texte : Cassandre Riverain / Photos : Jeanne Gerbault, étudiantes à l’Ecole publique de journalisme de Tours (EPJT)


> En savoir plus sur l’association Biodivercity : www.biodivercity.fr

 

A la Gloriette, les enfants s’interrogent sur l’urgence climatique

Au parc de la Gloriette, des élèves de CM2 sont invités à s’interroger sur les questions liées à l’urgence climatique à travers diverses activités. C’est aussi l’occasion pour ces enfants citadins de sentir et déguster les plantes de saison.

« Vite, vite, vite mon équipe » s’exclame Lucien, 10 ans. Un questionnaire dans une main, un crayon de bois dans l’autre, l’atelier climat commence pour la classe de CM2 de l’école André-Gide. Pendant deux heures, les 25 enfants vont participer à différentes activités.

Au programme, questionnaire sur l’hiver, dégustation de plantes aromatiques et visite de la serre du parc. Ce jeudi 16 janvier, leur terrain de jeu s’étend sur deux parcelles du potager de la Gloriette. Leur mission ? Identifier les plantes, les légumes et les animaux typiques de la saison hivernale. Par groupe de trois, les élèves déambulent en remplissant leur questionnaire.

L’animal phare de la matinée est le ver de terre. Anis le ramasse en premier avant de le montrer fièrement à ses camarades. « Touche, touche, touche ! », dit-il au petit groupe qui s’est formé autour de lui. Intrigués, les enfants tendent timidement leurs mains.

Après vingt minutes, Sophie Legland, l’animatrice de la Gloriette en charge de l’atelier, rassemble les élèves. « Qu’estce que vous avez répondu pour la météo du jour ? » Aussitôt, les mains se lèvent et les réponses fusent. « Froid », « nuageux », « soleil », réagissent les enfants. Sophie Legland leur explique alors que le climat est relativement doux avec une température de 10° C, plus du double de la température moyenne pour la saison.

« Rassembler des enfants d’un milieu urbain autour d’un projet commun lié à l’écologie »

« Regardez, un ver de terre qui marche ! », s’exclame un élève. Une nouvelle fois, le lombric vole la vedette à l’animatrice. Pendant un an, la classe de CM2 va participer à différents ateliers autour du climat. Tantôt dans leur classe, tantôt à la Gloriette. Une initiative de leur enseignant, Stéphane Burel, pour qui « il est intéressant de rassembler des enfants d’un milieu urbain autour d’un projet commun lié à l’écologie ».

Leur vision du réchauffement climatique témoigne de leur vie citadine. Lors de leur deuxième séance en décembre, Sophie Legland a présenté à sa classe plusieurs photos liées au dérèglement du climat : des embouteillages, des radiateurs, des catastrophes naturelles ou encore des panneaux solaires. Instinctivement, la plupart des élèves se sont tournés vers des images de pollution ou de déchets.

Avant les vacances de Noël, Sophie Legland était venue dans la classe des CM2 pour un atelier bouture. Le but était qu’ils se questionnent sur l’effet de serre. La moitié de la classe a réalisé un pot avec un couvercle et l’autre moitié a laissé la plante à l’air libre.

Tous les matins, les élèves suivent le même rituel ; après avoir regardé Arte journal junior, ils observent l’évolution de leurs boutures. « Des élèves jouent les jardiniers dans la classe et s’occupent des plantes tous les jours », précise leur professeur. Il est maintenant l’heure pour les élèves de se rendre dans la serre, pour enfin comprendre ce qu’est ce fameux effet de serre.

Mais avant, petit détour par le potager où une dégustation de plantes aromatiques s’improvise. Devant la lavande, les réactions ne se font pas attendre : « Ça se mange ça ? » Sophie Legland répond par la négative et les invite à sentir la plante. Quelques mètres plus loin, le groupe s’arrête devant un plan de légumes. Ici, l’animatrice leur fait goûter des feuilles de céleri. D’abord sceptique, « ça se mange cru ça ? », demande l’un deux, les enfants se prêtent finalement au jeu. Souriant, ils semblent avoir apprécié.

Avec le froid qui commence à se faire sentir, les enfants sont de plus en plus pressés d’arriver à la serre. Une fois à l’intérieur, ils découvrent l’espace et observent avec attention les différentes plantes qui y poussent. L’animatrice les rassemble devant les plantes aromatiques. Persil, origan, basilic… Les enfants poursuivent leur dégustation.

Avant qu’ils retournent à l’école, Sophie aborde la problématique de l’effet de serre. Les accessoires sont de mises : globe terrestre, saladier, lampe torche et tableau. Les enfants se concentrent et écoutent avec attention. Sophie aborde le parcours des rayons du soleil et des rayons infrarouges avant de demander aux enfants quels sont les gaz à effet de serre. Les réponses sont diverses : CO2, O3, CH4 ou encore N2O. L’animatrice est bluffée.

Le mois prochain, ils se transformeront en petits rats de laboratoires pour comprendre les effets du réchauffement climatique à travers des expériences chimiques.


Enquête : Mélanie Guiraud et Cassandre Riverain / Photos : Jeanne Gerbault
Étudiantes à l’Ecole publique de journalisme de Tours (EPJT)

Madeline chante pour les enfants autistes

#VisMaVille Madeline Ardouin est musicienne (son groupe est Jane is beautiful) et chanteuse. Elle s’est spécialisée dans l’expression auprès des enfants en situation de handicap. Reportage à l’hôpital Bretonneau où ses notes enchantent les enfants.

Quelques notes de ukulélé résonnent dans la toute petite salle d’activités nichée au sein du centre pédopsychiatrique de l’hôpital. Madeline Ardouin accueille en chanson et par leur prénom les trois enfants présents pour la séance.

Wellan, ravi, bat des mains, Nazim est un peu sonné par son rhume mais n’en perd pas une miette tandis que Sharif s’agite dans un coin de la salle. Ils sont tous trois atteints de troubles autistiques. Ils ont 7 ans. Depuis la rentrée, ils participent, tous les quinze jours, à une séance musicale de trente minutes avec Madeline Ardouin.

Artiste de scène avec Jane is Beautiful, elle chante et joue du ukulélé, de la guitare, du violon et du balafon auprès des tout-petits. Madeline endosse le rôle de chef d’orchestre, les enfants de musiciens. « Ce que je recherche, c’est qu’ils puissent s’exprimer et prendre du plaisir. Il n’y a pas d’objectif thérapeutique. J‘ai le luxe de pouvoir prendre le temps avec eux. Parfois, c’est abstrait et difficile, d’autres fois c’est fort et poétique. »

Improviser et s’adapter aux enfants

Le débrief après la séance avec l’équipe soignante le confirme. « On recherche la spontanéité, pas le cadre », explique Clotilde, infirmière. « C’était génial aujourd’hui, Wellan n’a jamais autant parlé. Et ta chanson sur la bulle d’eau et le poisson les a scotchés ! » Madeline improvise beaucoup, s’adaptant aux réactions des enfants. « Il faut accepter que ce ne soit pas un long fleuve tranquille. Comme ce sont des enfants fragiles, la moindre chose prend son importance. Je suis là pour les entendre et recevoir leurs propositions. Ils me touchent et je m’éclate. »

Pour en arriver là, Madeline s’est formée il y a quatre ans auprès du Centre de Formation des Musiciens Intervenants de Fondettes par un diplôme Musique et tout-petits et enfants en situation de handicap. Elle travaille à présent en crèches, auprès du centre médico pédopsychiatrique de Langeais et mène ses ateliers d’expression musicale à Bretonneau depuis un an. Avec Rémi Claire, cadre du service, elle s’est associée pour trouver des financements, aujourd’hui assurés par une fondation de lutte contre l’autisme (l’AESPHOR).

Mais cela reste « un combat » de chercher des subventions, chronophage pour une artiste. Cependant, Madeline et ses doux yeux noisettes gardent la flamme. La joie et l’évolution des enfants lui donnent l’énergie nécessaire. Elle aimerait d’ailleurs les amener voir un concert au Petit Faucheux.

Aurélie Dunouau

« À Emmaüs, on trouve ce qu’on n’est pas venu chercher »

#VisMaVille Patrick a rejoint la communauté d’Esvres, il y a une dizaine d’années. Il réceptionne, trie, classe et vend des objets donnés. Sa spécialité : les livres. Sa vie : un roman.

Des magasins de Tours-Nord ou Saint-Pierre-des-Corps à celui d’Esvres-sur-Indre, c’est bien de travail dont il s’agit. Si vous déboulez un samedi sur les coups de 14 heures à l’ouverture des magasins d’Emmaüs, le rideau tombe et c’est le grand rush garanti.

À Esvres, du côté des meubles d’occasion, vous tomberez sur Simon, compagnon, plaisanterie en bandoulière et éclats de rire assurés. Un peu plus loin, aux Bibelots, c’est Danièle (une bénévole d’Emmaüs, ancienne de France Télécom) qui bichonne les verres, les vases et belles assiettes.

Pas loin, on retrouve Patrick et Odilon. Ils s’occupent des livres. Autant Odilon, la quarantaine, originaire du Congo Brazzaville, arrivé en France au début des années 2000, est calme et observateur, autant Patrick porte haut l’élégance vestimentaire et le verbe.

Des chemins particuliers

Ces deux-là s’entendent bien. Tôt le matin, lorsque je les ai retrouvés dans un des hangars de la communauté d’Esvres, ils réceptionnaient des kilos de cartons remplis de bouquins. D’un côté, une benne pour évacuer (et recycler) et de l’autre une pile d’ouvrages divers qui seront mis en vente. Patrick connaît son affaire. « Des bouquins, dans ma vie, j’en ai acheté 7 000, 8 000… », assure-t-il.

On imagine déjà le prof de lettres, ou quelque chose dans le genre : « Non, je suis diplômé en droit des affaires ; j’ai été avocat, expert- comptable, haut placé à la Générale des eaux, au crédit foncier. » Une carrière et une vie peu commune. « Aujourd’hui, je suis retraité, malade aussi, Emmaüs m’apporte une sécurité. Comme j’ai tout eu en biens matériels avant, je n’ai pas besoin d’autre chose que ce que je trouve ici. »

À bien y regarder, la cinquantaine de compagnons d’Esvres ont tous des chemins particuliers qui les ont menés ici. Patrick y trouve son compte. Son expertise sur les livres est sa richesse. « Avant 1800, les livres se vendaient en vrac, aux feuillets. Ce sont les acheteurs qui les faisaient relier. Par la suite, tout s’est industrialisé. J’aime moins. »

Dans une remise au chaud, jouxtant le hangar, Patrick et Odilon classent, rangent et donnent un prix à chaque ouvrage. « En moyenne, on vend à un quart du prix neuf. » Sous les beaux livres reliés, j’aperçois une collection complète de la série écrite par George Martin, Game of Thrones. Les cinq tomes, en parfait état, partiront pour le prix d’un seul volume neuf. De retour dans la salle des ventes, Odilon réceptionne les achats tandis que Patrick discute, explique, conseille.

« Depuis le temps, je connais les habitués », insiste-t-il. Mais à côté des collectionneurs, il y a monsieur et madame Tout-le-monde à la recherche d’un titre particulier… L’autre jour, quelqu’un voulait un livre sur la langue bretonne, il est reparti avec la bio souvenir de Michel Drucker. Car comme le dit Patrick : « À Emmaüs, on trouve ce qu’on n’est pas venu chercher ».

Thierry Mathiot


> En règle générale, les dons peuvent être déposés les jours d’ouverture le matin et tous les jours à Esvres. Tél. 0247264325. www.emmaus-touraine. org

 

SPA de Luynes : un refuge après l’abandon

Au refuge SPA de Luynes, les journées ne se ressemblent pas, mais suivent un même rythme. Chaque après-midi, les portes s’ouvrent au public, et nous en avons profité. Visite guidée.

La SPA de Luynes recueille (trop) souvent des animaux abandonnés.

« On n’abandonne pas un animal comme on jette une paire de chaussettes ! ». Naïs Venanzi, responsable du refuge SPA de Luynes, laisse échapper un cri du cœur dans l’intimité de son bureau peuplé de chats.

Après un pic d’activité cet été, le refuge héberge à l’heure actuelle environ 80 chiens et 80 chats attendant de trouver leur nouveau maître. Toute une ménagerie choyée par une équipe dévouée : quinze salariés, et une cinquantaine de bénévoles actifs, qui vont et viennent entre les bâtiments cachés au milieu des bois.

Après une matinée consacrée aux tâches administratives, aux soins vétérinaires, aux promenades et au nettoyage des locaux, le refuge a ouvert ses portes au public. Il est 14 h. Les futurs adoptants débarquent à l’improviste.

Mais pour un abandon, il faut obligatoirement prendre rendez-vous : « On n’essaie pas de dissuader le propriétaire, mais on lui donne des conseils de gestion du comportement animal, au cas où cela l’aiderait. »

Ce jour-là, les conseils n’auront pas suffi : après plusieurs entretiens téléphoniques avec l’un des onze agents animaliers, un jeune homme se présente pour abandonner son chien, devenu trop agressif avec celle qui partage sa vie. Il remplit les papiers et s’acquitte de frais de 80 €, avant d’aller pleurer dans sa voiture, à l’abri des regards indiscrets.

« Les chiens nous témoignent un amour incroyable »

Départ en EHPAD, décès, déménagement… Les causes d’abandon au comptoir sont multiples, mais concernent moins de 20 % des pensionnaires à quatre pattes que nous croisons. 80 % proviennent de la fourrière, qui prend en charge durant huit jours les animaux perdus ou abandonnés en pleine nature, avant de les confier à des associations comme la SPA.

« Dans ces cas-là, nous ignorons tout du passé de l’animal : il faut donc apprendre à le connaître, pour l’aider à écrire une nouvelle histoire avec de futurs adoptants », explique la responsable. Dans les couloirs des chenils, sur chaque porte, des ardoises témoignent de cette découverte mutuelle entre l’homme et le chien : « Farceuse. Attention : un peu craintive au début ». « Lanco. Attention aux autres chiens ».

Au fil des jours, bénévoles et salariés prennent note de la personnalité de chaque pensionnaire… et s’y attachent. Pour Emilien, bénévole devenu salarié, la fameuse « tournée de caca » du matin, avec le nettoyage des couvertures et le ramassage des déjections, n’est presque plus une corvée. « Je ne m’attendais pas à vivre ici autant de moments forts, les chiens nous témoignent un amour incroyable, cela rend presque dépendant ! ».

Nicole et Laëtitia seraient donc aussi accros ? La retraitée et la jeune femme sont entourées de chats, comme tous les jours depuis deux ans. Pierre-Martial, étudiant de 20 ans tout juste arrivé dans l’équipe, résistera-t-il à cette drogue des plus douces ? Caresser et faire jouer les chats, sortir les chiens en balade : chaque jour, ils sont une dizaine de bénévoles aux petits soins pour les résidents. Ceux-ci trouveront bientôt de nouveaux maîtres, triés sur le volet.

Car pour adopter une boule de poils, il faut montrer patte blanche. Naïs Venanzi précise : « Nous posons beaucoup de questions : le chat vivra-t-il dedans ou dehors, avec des enfants, des personnes âgées, des allergiques… ? À quel rythme le chien pourra-t-il sortir ? Quelle est la hauteur de la clôture ? Il peut nous arriver de nous déplacer au domicile, et si la famille possède déjà un animal, elle doit l’amener pour que les deux se rencontrent. »

À la manière d’une agence matrimoniale, la SPA tâche ainsi d’accorder les personnalités, pour assurer le succès de l’adoption. Dans l’un des 15 parcs de détente, le coup de foudre est confirmé entre le gros Sam et son futur maître Damien, qui vient chaque semaine depuis un mois. Le croisé labrador attend avec impatience de pouvoir repartir avec ce propriétaire qui n’a d’yeux que pour lui.

Lorsque sonnent 17 h, l’heure de la fermeture, nous rejoignons le parking sous la rumeur des aboiements. Une manière pour ces petites bêtes de signaler qu’elles attendent LA rencontre qui leur changera la vie.
Textes & photos : Maud Martinez


> Animal abandonné : qui contacter ?

Si vous repérez un animal domestique abandonné, le numéro à contacter est celui de votre police municipale, qui se chargera de le récupérer pour le mettre en fourrière. L’identification des animaux de compagnie est obligatoire en France et permettra de retrouver rapidement le propriétaire. Mais s’il ne se manifeste pas dans les huit jours, l’animal sera transféré vers une association comme la SPA.

Librairie Libr’Enfants : des livres pour bien grandir

#VisMaVille Rachel est libraire depuis 11 ans chez Libr’Enfant, la librairie jeunesse de Tours. Un métier qu’elle prend très à cœur.

Enthousiaste, elle est aussi très sérieuse. « Un enfant, si tu lui racontes des histoires, il n’y aura pas de problème pour le faire grandir . C’est le rôle du libraire jeunesse que d’aider l’enfant à développer son autonomie, sa liberté et son sens des responsabilités ».

Sous les anciennes poutres de cette belle librairie du quartier Colbert, Rachel rayonne. Dynamique, espiègle et surtout très impliquée, elle sait qu’on n’est jamais trop petit pour lire.
Pas étonnant vu son parcours : autrefois dyslexique, elle a toujours exercé des métiers liés à l’enfance. Un cheminement atypique mais très cohérent. Maîtrise de psychologie de l’enfant et master de littérature jeunesse pour la théorie, Maison de la presse et médiation socio-culturelle pour la pratique.

Du temps libre pour lire

Deux fois par semaine, c’est la livraison. Rachel et ses collègues réceptionnent les colis, parfois avec un coup de main d’amis de la librairie. Les yeux pétillants, elle précise : « C’est un peu Noël à chaque fois que j’ouvre les cartons de nouveautés ! »
Toute la semaine, elle accueille et conseille les clients en priorité mais elle passe aussi beaucoup de temps devant l’ordinateur (commandes, comptabilité, préparation des animations et de la communication). Parfois, elle quitte la librairie pour intervenir dans les écoles ou les bibliothèques. Mais ce n’est pas tout ! Une fois la journée terminée, environ 80 % de son temps libre consiste à… lire.

Un métier-passion où les moments de grâce font oublier les plus pesants. Comme ce jour où un petit garçon, client régulier, est venu transmettre le goût de la lecture en demandant un livre pour sa petite sœur qui venait de naître.

Surtout, en cette période de rentrée littéraire, Rachel insiste : « il en existe aussi une vraie pour les adolescents ». Parmi toute la production, si elle ne devait garder qu’un seul titre, elle choisirait « Félines » de Stéphane Servant. Un roman coup de poing sur la quête de soi, la différence et la place des femmes dans la société. Preuve que, contrairement aux idées reçues, en littérature jeunesse, les auteurs sont bien vivants.
Textes et photos : Claire Breton


Librairie Libr’Enfant

48 rue Colbert. Tél. 02 47 66 95 90

www.librenfant.fr

Pompier : « Aucune intervention n’est à prendre à la légère »

#VisMaVille Jérôme Virton, 33 ans, fait partie des 80 sapeurs-pompiers professionnels de la caserne de Tours-centre. Des sauveteurs polyvalents qui s’entraînent tous les jours pour porter secours rapidement et en toutes circonstances.

À peine sorti de son appartement, il enfourche la rampe qui le mène en moins d’une minute trois étages plus bas.
Il est 7 h 30. Au rez-de-chaussée de la caserne, Jérôme Virton, pompier professionnel, commence sa garde par un rassemblement avec les membres de son équipe. « Une grande famille », sourit-il.

Des hommes, quasi exclusivement, portant l’uniforme réglementaire bleu marine et rouge, réunis pour 12 ou 24 heures, c’est selon.
Premier rituel de la journée ? Vérifier minutieusement le matériel avant de débuter, une demi-heure plus tard, l’entraînement physique obligatoire : 1 h 30 le matin, 45 minutes le soir, a minima. De quoi forger des muscles capables de soulever, entre autres, l’appareil respiratoire lourd de 15 kg, indispensable pour intervenir sur les incendies.

Entre ces séances de sport, il y aura aussi, forcément, des exercices de manœuvre (accident de la route, arrêt cardiaque, etc.) pour répéter inlassablement les gestes qui sauvent.
« Sauf intervention », nuance le pompier de 33 ans, volontaire durant 11 ans et professionnel depuis 2010.

30 à 40 fois par jour

Et elles sont nombreuses. Les 80 pros de la caserne de Tours, à l’organisation paramilitaire, sortent 30 à 40 fois par jour, bipés par un petit boîtier individuel qu’ils ne quittent jamais durant leur garde.
« Nous sommes capables de répondre très rapidement, 24 h sur 24, répète le caporal chef d’équipe. Aucune intervention n’est à prendre à la légère. On a toujours une petite appréhension, mais notre formation nous a permis d’acquérir des automatismes. Et puis, nous travaillons toujours en équipe ; il y a beaucoup de cohésion entre nous. »

Contrairement aux idées reçues, les incendies ne concernent que 7 % de leurs sorties, contre 8 % pour les accidents de la voie publique et 78 % pour les « secours à la personne » (malaises, hémorragies, etc.).
Mais les pompiers sont de plus en plus appelés « pour tout et n’importe quoi », regrette Jérôme Virton. Qui, outre la caractéristique de concevoir des formations pour ses pairs, a aussi une spécialité : le trentenaire fait partie « du groupe de reconnaissance et d’intervention en milieu périlleux ».

Traduction : Jérôme Virton est formé pour intervenir et coordonner des interventions en hauteur (grues, montagnes, etc.) ou en profondeur (fossés, ravins, etc.). Comme par exemple pour sauver cette personne âgée tombée au fond d’un puits sec de 20 mètres de fond. Sa devise, qu’il partage avec tous les pompiers professionnels : « Courage et dévouement ».

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Flore Mabilleau

A Tours, avec les passionné(e)s de running

Dimanche 22 septembre, 13 000 coureurs s’aligneront au départ des 10 et 20 km et du marathon de Tours. Les joggers que nous avons rencontrés ont une histoire unique avec la course. Sur route, sur piste ou sur trail. Rencontres.

 

(Photo illustration Adobe Stock)

« Je me suis inscrite sur 10 km alors que j’apprends à peine à courir ! » Gégé – comprenez Géraldine ! -, cheveux courts, petites lunettes, gabarit de poche, amuse le groupe.
On est lundi, 19 h 15, j’ai chaussé mes baskets, enfilé mon short et me voilà sur la piste d’athlétisme du stade des Tourettes (Tours-Nord), au beau milieu de 80 adhérents remontés comme des coucous. Autant de femmes que d’hommes.

Vu le nombre de licenciés, le travail s’effectuera sur deux tranches horaires, par niveau, aptitudes et affinités. Beaucoup ont déjà en tête les objectifs à venir. Le marathon du Medoc pour certains. Pour d’autres, pourquoi pas une échappée vers le triathlon.

La coach, c’est Céline (Degham) et, apparemment, elle est du genre à savoir ce qu’elle veut. « Courir, c’est facile. Bien courir, c’est difficile », lance-t-elle pour mettre tout le monde à l’aise.

Autour du lac de la Bergeonnerie (photo tmv)

Pour cette première, le groupe en entier tourne tranquillement sur la piste avant d’attaquer des allers-retours, montées de genoux, talons-fesses, fentes et accélérations. La couleur est donnée.
JogginTours a pour devise « Je cours pour le plaisir », mais côté entraînement, c’est quand même du sérieux.

Le lendemain, mardi, Les Copains coureurs d’Indre-et-Loire (ACC37) m’ont donné rendez-vous au Bois des Hâtes à 17 h 45. Ça nous fait même pas une journée de récup’ depuis mes aventures aux Tourettes, mais bon, l’info avant tout ! Nous sommes dans le poumon de Saint-Avertin et c’est là que cette association de Notre- Dame d’Oé, créée en 2012, regroupe ses adhérents-joggers.

Fractionné et accélération sont au programme

Autour de William Da Silva et son épouse Marie-Claude, le niveau semble plus hétéroclite que dans un club. Sylvie, Sébastien, Michel, Virginie, Corinne, Jacques sont dans les starts. La trentaine de coureurs a la bonne idée de se scinder entre les costauds et les moins forts. Fractionné et accélération sont au programme. Certains finiront en marchant quand les premiers, revenus à l’entrée du Bois, auront dressé une table… de récupération. Boissons, gâteaux, amandes, cacahuètes et abricots permettent de recharger les batteries.

Le groupe joue les prolongations. Ça discute, ça se raconte, ça rigole. « On s’y sent bien », me dit-on. L’association écume les courses d’Indre-et-Loire mais se projette aussi hors de France.
Le marathon d’Athènes, le 10 novembre est à leur programme. « Grâce à quelques sponsors, des connaissances, nous arrivons à tirer les prix, explique William Da Silva. Les quatre jours en Grèce, vols compris, et dossards nous reviendront à 350-400 euros. »

Entraînement du club Jogg’in Tours, au stade des Tourettes. (photo tmv)

La semaine suivante (il faut bien se reposer un peu…), l’état d’esprit est le même à l’ACIL (association des coureurs d’Indre-et-Loire), que nous retrouvons le mardi, à 17 h 30 au Stade des Fontaines.
Créée en 1984, c’est l’association originelle des coureurs du coin. Aujourd’hui, ils sont une trentaine réunis pour cette rentrée. Jean-Marc Pesson (« 2 h 48’ au marathon… il y a trente ans ») préside aux destinées de l’association et Alain Barral, grand ancien, veille sur ses ouailles.

Tous les mardis, le groupe s’entraîne aux Fontaines jusqu’à 20 heures (« La location nous coûte 1,56 euro de l’heure, l’adhésion à 25 euros fait le joint », explique Jean-Marc Pesson), et parfois, il s’en éloigne. Nathalie, Christophe et le groupe se dirigent vers le lac des Peupleraies. Le dimanche, c’est plus long, direction Ballan-Miré, Joué, la côte de l’Épan.
Marathons, trails, 10 et 20 km sont dans le viseur du groupe… et toujours dans la bonne humeur.

Thierry Mathiot

Hellfest 2019 : un marathon d’enfer

« On est bénis des Dieux… » Ben Barbaud, le big boss du Hellfest, avait le sourire pour cette nouvelle édition ensoleillée et caliente du festival ! Plus de 180 000 personnes sur 3 jours très chauds, 156 groupes, du metal et de la bonne humeur : le Hellfest a encore brillé pour sa 14e édition. On y était. Instant souvenirs après avoir peu dormi…

Un tour sous le mur d’eau pour se rafraîchir ! (photo tmv)

1) Encore des records

> Moins de 2 heures. C’est le temps qu’il aura fallu pour écouler les 55 000 pass 3 jours, lors de leur mise en vente.

> 25 millions d’euros : le budget du Hellfest (toujours organisé par une association de loi 1901!). C’est le plus gros de France.

> 215 € : le prix d’un pass 3 jours.

> 27 millions d’euros : le chiffre d’affaires du Hellfest

> 70 : le nombre de nationalités présentes lors du festival

Dragon n’est pas une nationalité (photo tmv)

> 7 500 : la population de Clisson, la ville accueillant le Hellfest. Ben Barbaud, directeur du festival, a rappelé :   » Il n’y a plus un habitant qui n’aime pas les festivaliers alors qu’il y a 14 ans, il n’y avait pas grand nombre à nous pifrer. Il y a une vraie histoire d’amour entre les Clissonnais et les festivaliers.  »

> 15 000 litres : la consommation de muscadet durant les 3 jours

> 400 000 litres de bière écoulés l’an dernier. Va-t-on casser le record en 2019 ? Vivement les chiffres…

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2) La polémique Manowar

(Manowar a laissé des traces… Photo tmv)

Ce n’est qu’un Manorevoir… Le vendredi, MANOWAR, la tête d’affiche, a tout simplement quitté le site du festival le jour même, à quelques heures de son show. Bim. La nouvelle a refroidi de nombreux festivaliers, dont certains qui venaient spécialement… d’Amérique du Sud !

Pas contents mais connus pour être des divas, les slips en cuir (on parle de Manowar hein) sont restés flous quant aux raisons, laissant croire que l’organisation les avait empêchés de proposer l’énorme show qu’ils avaient promis (Rammstein, Iron Maiden ou Aerosmith n’ont pourtant jamais râlé les années précédentes, mais soit). Le directeur du Hellfest, quant à lui, est resté tout aussi flou, parlant de désaccords contractuels.

Désormais, Manowar se fait allumer sur les réseaux sociaux et les rumeurs courent de partout : le groupe aurait voulu faire ses balances avec une chorale sur un horaire déjà pris, ou dépasser la limite sonore autorisée en France, il aurait râlé à propos de la taille de la scène…
Au final, l’histoire se réglera probablement au tribunal. Rock ‘n’ roll…

3) Le « Disneyland » des metalleux : plein les yeux !

Espace restauration (Photo tmv)

Visuellement, il est impossible de ne pas être subjugué par les infrastructures magnifiques du Hellfest.
Imaginez la chose : sur une vingtaine d’hectares, trônent six scènes différentes, une grande roue, une statue géante en l’honneur de Lemmy de Motörhead, une horloge géante (ainsi qu’une main gigantesque faisant le signe du metal), une forêt « muscadet », ou encore un hélicoptère crashé dans un espace pour se rafraîchir et un espace VIP/Presse avec fontaine de faux sang et bar en ossature…

Aussi dingue que sublime, aussi grandiloquent qu’hallucinant : un travail d’orfèvre !

On vous a déjà parlé des murs d’eau géants ! (Photo tmv)

4) Pouvoir aux « vieux » !

On ne va pas se mentir, les vieux groupes en ont encore sous la pédale. Cette année, on s’est pris une bien bonne claque avec KISS – sur qui on ne misait pas un kopek – et leur concert ahurissant. Potards poussés au max, les amplis du Bisou ont craché sec. Et la bande à Gene Simmons a fait le show : débauche d’effets visuels, confettis, vomi de faux sang, pyrotechnie et… survol de la foule en tyrolienne !

Et les autres « anciens » n’ont pas démérité : ZZ TOP a fait pousser la barbe des festivaliers en une heure chrono, le temps de balancer ses tubes jouissifs. Quant à LYNYRD SKYNYRD, il a fait ses adieux devant une foule impressionnante. Le rock sudiste du gang floridien n’a rien perdu de sa superbe. Surtout quand il envoie un « Simple Man » beau à pleurer ou un « Sweet Home Alabama » ! Et que dire de ce rappel qu’on n’attendait pas (le groupe ayant dépassé son créneau) constitué de « Free Bird » et son solo mythique : ju-bi-la-toi-re. Après avoir entendu ce titre en live, croyez-moi que l’auteur de ces lignes peut mourir tranquille !

5) Les adieux

Slayer sur scène. Un goût d’enfer. (Photo tmv)

L’édition 2019 du Hellfest a également été marquée par le dernier concert des Américains de SLAYER. Les rois incontestés du thrash metal signaient là leur ultime passage français, pour cette tournée d’adieux. Set list monstrueuse (« Disciple », « Season in the abyss », « Hell Awaits », « Gemini », « Evil has no boundaries », « Angel of death », etc.), hargne dingue, concert brutal à souhait, scène envahie par une immense toile aux couleurs de l’Enfer et des rideaux de flammes…

Slayer a offert l’un de ses meilleurs concerts et tire sa révérence de manière sublime.

Slayer ? C’était le feu. (Photo tmv)

6) Ultra Vomit : la France brille (et rit)

Le Hellfest avait choisi cette année de mettre en place un vendredi spécial scène française sur la Mainstage. De KLONE à MASS HYSTERIA en passant par les énormes GOJIRA. Mais c’est ULTRA VOMIT qui, une nouvelle fois, a enflammé les milliers de métalleux. Jouant à domicile, les Nantais ont balancé leur metal parodique hilarant, dévoilant une Maïté peinturlurée en chanteuse de black metal, faisant venir une chorale gospel et un Jésus en maillot de foot qui distribue des hosties derrière une scène où apparaît un immense logo Jésus, façon ACDC. Sans oublier, bien sûr, la venue d’un faux Calogero (sur leur titre « Calojira ») qui aura berné tout le monde !

(Capture d’écran Arte concert / Ultra Vomit)

7) Metal maori et alerte aux fous

Dimanche, 10 h 30 du matin, la tête enfarinée, l’oeil bovin et l’haleine chargée de relents de la bière de la veille, on se dirige vers la Mainstage pour jeter une oreille sur ALIEN WEAPONRY. Bon, le nom est laid, le logo tout autant. Et pourtant sur scène, ces Néo-Zélandais vont mettre la torgnole matinale grâce à du metal maori ! Sur de gros riffs rappelant les Soulfly et Sepultura époque « Roots », les jeunôts alternent des chants maoris, traditionnels ou metal. Chouette !

Dans la foulée, on a assisté à INSANITY ALERT. Sur scène, ces Tyroliens (oui, oui) sont déchaînés. Oeuvrant dans le thrash crossover, les riffs s’enchaînent, rapides et véloces, tranchants et imbibés de bière et d’herbe qui fait rire. Heavy Kevy, le chanteur, balance vanne sur vanne et semble complètement torché alors qu’il n’est qu’onze heures du mat’. Dégaînant une pancarte avec la photo de David Guetta, il hurle « Pourquoi David Guetta est encore vivant ?? ». Derrière, sont diffusés des messages comme « Je m’appelle Mireille ». Pourquoi ? On ne sait pas. Mais les Autrichiens ont filé le sourire à tout le monde ce matin-là.

(Photo tmv)

8) Folie, émotion et vikings

Qui d’autre a-t-on vu ? Les tarés de PUNISH YOURSELF (prenez de la grosse techno hardcore et mélangez avec un mur du son punk et metal), le « super-groupe » DEADLAND RITUAL (avec le bassiste de Black Sabbath !), ou encore l’instant émotion avec EAGLES OF DEATH METAL. Le groupe connu pour les tristes raisons que l’on sait, était de retour sur les terres françaises après avoir été banni suite aux paroles polémiques du chanteur après l’attentat. Le Californien arborait cette fois un badge « Life for Paris », du nom de l’asso des victimes et s’est fendu d’un « je vous aime » en français.

Revocation (Photo tmv)

Le dimanche, on a aussi aimé le thrash monumental de DEATH ANGEL, le death-thrash ultra technique mais un peu m’as-tu-vu de REVOCATION (des musiciens qui ne se prennent pas pour des manches, ouarf), le black metal grec et poisseux de LUCIFER’S CHILD, le death culte d’IMMOLATION ou de VLTIMAS (regroupant des musiciens de Mayhem, Cryptopsy et Morbid Angel !).

Les frenchies de Punish Yourself (Photo tmv)

Enfin, petit bonus avec SKALD, la nouvelle sensation de la scène musicale viking. Avec costumes et instruments traditionnels (lyre, talharpa, etc.), ces Français pratiquent une musique nordique, envoûtante, percutante, au lyrisme prononcé, piochant ses influences dans la mythologie scandinave, le vieux norrois, les légendes islandaises. À en voir l’immense foule massée pour les voir, Skald a confirmé que son ascension était loin, très loin d’être terminée.

Céline, une festivalière du Hellfest (Photo tmv)

9) Les deux claques du festival

Il aura suffit d’assister au concert terrifiant de CULT OF LUNA pour se prendre l’une des plus grosses baffes du week-end. Show dantesque, jeu de lumières confinant au sublime, voix surpuissante, transcendée par un mur du son et… deux batteries ! L’effet est fou et la musique pachydermique des Suédois aura fini notre samedi en beauté.

Retenons aussi EMPEROR, dimanche, qui nous a autant écrasé qu’un bulldozer croisé avec un mammouth :musique froide, technique, complexe, épique, aux envolées explosives ou symphoniques, les pionniers du black metal norvégien ont brillé.

Le soleil se couche sur le camping du Hellfest

10) L’événement Tool pour finir

Autant dire qu’après 12 ans d’absence en France, la venue du groupe légendaire TOOL était plus qu’attendue, le dimanche à 0 h 30. D’autant que le Hellfest essayait d’avoir la formation depuis bien des années.

Au final, du grand spectacle, des écrans géants enveloppant la scène de mini-films psyché et envoûtants. Envoûtant, comme la voix de Maynard James Keenan, véritable OVNI, pépite maniant les variations comme personne. Musique dense, intellectuelle, mélodieuse et mélodique, aussi mystérieuse que le groupe en lui-même. Un instant rare, un instant magique. Idéal pour finir un week-end extraordinaire.

Le prochain Hellfest aura lieu du 19 au 21 juin 2020.

Textes et photos : Aurélien Germain

Un tour au marché : Velpeau (4/6)

(Série 4/6) Cœur d’un quartier réputé pour son esprit village, la place Velpeau accueille deux marchés hebdomadaires. En route pour celui du jeudi, moins connu que son grand frère du dimanche, mais plein de pépites !

L’odeur de poulet rôti flotte jusqu’au bout de la rue de La Fuye et nous signale que les commerçants sont déjà bien installés sur la place Velpeau. Il est 9 h, il pleut et les clients se font rares.

Dans son camion, le fromager en profite pour passer ses commandes : de la mozarella, de la burrata, du saint-nectaire… Les huit sortes de gouda nous font de l’oeil dans sa vitrine.
Blotti sous leur parapluie, un couple de clients vient lui apporter un café.

Pas de doute, les adeptes du marché du jeudi sont des habitués. Des têtes grises, une jeune maman avec sa poussette, qui nous avoue préférer ce jour-là, plus calme que le dimanche matin. Plusieurs commerçants viennent les deux jours.

C’est le cas de Karine, maraîchère à Fondettes. Six matins par semaine, son mari et elle se partagent les marchés, l’après-midi, c’est préparation des cageots et travail à l’exploitation. À 10 h 30, les tables où elle présentait ses premières fraises sont déjà presque vides.
« Des malvina. Ensuite, j’aurai des anabelles jusqu’à fin octobre. » Une cliente soupire, elle en a marre du céleri-rave, Karine rigole : « C’est ça avec les saisons ! Allez, un peu de patience, c’est la fin des légumes d’hiver ! » « On parle beaucoup d’environnement, souligne Aurélien, et les gens qui font leur marché y sont souvent bien plus sensibles. » Il propose la consigne pour ses pots de confiture et les clients les ramènent de bon cœur.

Lui aussi est producteur mais dans le produit laitier. Sa femme a repris la ferme familiale des Grands Villepins, à Montreuil-de- Touraine et il tient les stands : Velpeau le jeudi, Amboise les vendredis et dimanche. Il y vend des fromages (de vache ! Oui, ça existe en Touraine), des yaourts, du beurre fermier et de la crème. Et des confitures maison, pour accompagner le tout.

« Ici, c’est plutôt pour nous faire connaître des Tourangeaux. On vend beaucoup plus à Amboise. » « J’ai vu le marché rétrécir au fil du temps, soupire Eric, le fleuriste. On se serre, pour ne pas laisser de trous mais il y a quelques années, le marché du jeudi allait jusqu’au bout de la place. » Le marché du jeudi garde tout de même de beaux restes. On y trouve un poissonnier, un charcutier, un traiteur asiatique, deux camelots, un fleuriste, sans compter les primeurs, les fromagers… L
’odeur de poulet rôti est couverte par celle des plumes brûlées d’une main experte par le volailler. Le ciel s’est dégagé et la queue s’est allongée devant son camion.
Un étal présente exclusivement des légumes bio. La vendeuse vient du Puy-Notre-Dame, à côté de Saumur, et un peu désolée, explique à un client : « Ce sera la dernière fois la semaine prochaine. Mon patron arrête les marchés de semaine, ça ne rapporte plus assez. »

Son voisin, secoue la tête : les jeunes ne cuisinent plus, c’est pour ça que les marchés souffrent. Le fleuriste, qui travaille depuis toujours sur les marchés, fait tous ceux de la ville, tient chaque samedi un grand stand à l’entrée du marché aux fleurs du boulevard Bérenger, confirme : « Les marchés de semaine ne sont plus adaptés aux horaires des gens. Est-ce qu’on peut trouver un moyen de faire venir les jeunes ? Je ne sais pas. La ville a essayé de lancer un marché le mardi soir aux Deux-Lions mais ça n’a pas pris. Le dimanche, par contre, ça reste une promenade et les gens sont contents d’avoir de l’animation près de chez eux. »

« LE PLACEMENT, ÇA NE SE FAIT PAS N’IMPORTE COMMENT »

Jean-Luc approuve. La semaine, il couvre tout juste ses frais. Alors pourquoi continuer ? « Parce que j’aime ça ! On ne gagne pas beaucoup, mais on est libre, on est solidaire, on se donne toujours le coup de main si un camion tombe en panne ou s’il y a besoin d’aller chercher une bricole. » Il travaillait dans la grande distribution avant de devenir marchand de primeurs. « J’ai aidé un copain qui vendait ses pommes, ça m’a plu et je me suis dit : pourquoi ne pas tenter ? »

Il se lance pour un essai de six mois, renouvelle l’expérience. Dix ans désormais qu’il monte et démonte ses tables et ses grands parasols bleus et blancs sur le goudron. « Le premier hiver, quand tu vends des patates ou des navets, qu’il fait froid, c’est rude, avoue-t-il. Il faut faire venir le client ! C’est plus facile avec les tomates, » dit-il en montrant de jolies tomates-grappes jaunes dénichées au marché de gros.

Dans son petit camion La Cabane Enchantée, Nadège propose des débats, des ateliers de
yoga ou d’éveil sensoriel pour les enfants, les parents et les professionnels de la petite enfance.

Pendant que nous discutons, Louis, le placier-receveur de la Ville, encaisse les paiements. Ils sont huit agents municipaux à se partager ce travail, six jours sur sept, dans les différents quartiers. Et le métier est plus complexe qu’il n’y paraît.
« Le placement, ça ne se fait pas n’importe comment, explique Louis. Les bouchers, c’est dos au soleil, les primeurs, au contraire, face au soleil et les poissonniers, sur l’extérieur, pour permettre l’écoulement de l’eau… »

À 13 h, le marché n’est pas terminé. Si les maraîchers remballent, les employés de la ville arrivent pour nettoyer. « Beaucoup de monde travaille autour du marché, rappelle Louis. Le matin tôt et la veille, la voirie et la police municipale passent pour installer les plots ou dégager les voitures mal garées, le gardien de marché vient tirer les câbles électriques, et après, bien sûr, le service de nettoyage ! En maintenant tous ses marchés, la ville est presque dans du service public. »

TVB : la soirée de rêve !

Vendredi, le TVB a décroché son 8e titre de champion de France face à Chaumont. C’était aussi le dernier match pour Hubert Henno. Une soirée historique, donc. Vous l’avez ratée ? Pas grave, on rembobine et on y retourne.

(Photo Julien Pruvost)

Une heure avant le coup d’envoi, c’est déjà bouillant. Seules les deux tribunes de placement libre sont bien pleines (« premiers arrivés, premiers servis ! », comme le dit une supporter juste derrière moi), mais ça gronde quand même dans les gradins.

Et quand les Intenables, dans la tribune opposée, tentent un petit « Allez, TVB ! » histoire de se mettre en train, c’est une voix profonde et puissante qui répond, un écho multiplié par 100 : « Alleeeez TVB ! ».

Sur le parquet, des types grands comme des allumettes russes s’échauffent et font des trucs incroyables avec leur corps.
« Tu savais qu’on pouvait envoyer son pied au-dessus de sa tête comme ça, toi ? ». « J’sais pas. Jamais essayé. »

Après, ils se mettent à jouer au ballon, mais au pied. Dans les gradins, ça balance : « C’est eux qu’on aurait prendre au TFC, on s’rait peut-être un peu moins dans la mouise ! »
Les minutes s’égrainent, la pression monte. Les journalistes commencent à arriver sur les pupitres réservés, les photographes claquent leurs premières images. Ils s’échauffent un peu, eux-aussi.

Quelques minutes avant le coup d’envoi, ce sont les partenaires qui s’installent dans les tribunes latérales, en provenance du pot d’accueil offert par le club. Puis monsieur le maire, costard sombre et cravate rouge, qui prend sa place.
Tout le monde est là, la télé a ouvert les vannes : le show peut commencer.

La star Hubert Henno

Les applaudissements sont nourris pour accueillir l’équipe de Chaumont. D’un geste de la main, les joueurs saluent la trentaine de supporters qui ont fait le déplacement de la Marne, tout de rouge vêtus.
Mais quand le premier joueur tourangeau revient sur le terrain, c’est un tonnerre, c’est un rugissement, c’est une explosion. On se dit que plus, ce n’est pas possible, mais le deuxième joueur qui arrive, c’est Hubert Henno, figure mythique du club, seul rescapé de l’équipe championne d’Europe en 2006 et qui joue, ce soir, son ultime match, à Tours.

(Photo Julien Pruvost)

Et là, en plus du bruit, c’est un cri scandé qui descend des tribunes : « Hubert ! Hubert ! Hubert ! ». Émouvant. Vient ensuite une Marseillaise intense, qui se termine a cappella. Puis le jeu. Très vite, le TVB fait comprendre à tout le monde qu’il n’y aura pas de suspense, ce soir. La domination est totale.
Sur chaque service qui claque dans le camp de Chaumont une explosion de joie, sur chaque smash, un hurlement, sur chaque block, un soupir admiratif. Les points défilent. Monsieur le maire tombe la veste. La sueur coule, les voix se perdent. Les challenges vidéo n’y changent rien. Pour conclure les sets, la salle entière est debout, tapant en rythme, comme un seul cœur, jusqu’au point final.

La balle de match se joue en réception. C’est, peut-être, le dernier point d’Hubert. Le chant rien que pour lui, reprend. Il touche la balle. Clameur. Le point est perdu mais le match est déjà gagné. 10 points d’avance, tout le monde le sait depuis un moment.

Ensuite, il y a la coupe qui passe de mains en mains, Hubert qui valse dans l’air puis qui enlace monsieur le maire, définitivement passé au tee-shirt blanc et bleu. Il y a le champagne dont on s’arrose, les mines dépitées des joueurs en noir et les sourires lumineux des supporters qui croisent ceux des joueurs.

Merci TVB !

Un tour au marché : Amboise (3/6)

(Série 3/6) Au lendemain de la visite présidentielle sur la tombe de Léonard de Vinci, à Amboise, nous sommes allés faire un tour sur le marché de la ville, en bord de Loire. Sur ce marché historique et ombragé, on partage surtout le goût de la proximité et des bonnes choses.

« C’était quand la dernière fois qu’on l’a servi, Léonard de Vinci, y’a pas si longtemps, si ? » Stéphane, hilare, s’amuse comme un gamin derrière son magnifique étal de poissons.

C’est un historique, Stéphane. À douze ans à peine, dans les jambes de son père, il vendait des kilos de moules emballés dans du papier journal. Aujourd’hui, il commence à entrevoir l’âge de la retraite.
« C’est dans quatre ans, mais j’en parle dès maintenant. Il faut au moins ça pour trouver un repreneur… C’est dur comme métier, vous savez… » Stéphane, ancienneté oblige, a eu le droit de choisir son emplacement, parmi les premiers, au moment du déménagement du marché en bord de Loire. Tout comme Gilles, en face de lui, qui vend des volailles, des poulets surtout et des dindes, des chapons et du foie gras en saison.
« Ce sont toutes des bêtes que j’ai élevées et que j’abats spécialement avant chaque marché. »

ll vend un peu en direct, à l’exploitation, Gilles, mais ce qu’il préfère, c’est retrouver ses clients derrière son petit étal vitré dont il peut faire le tour en tendant les deux bras. « Mes parents sont arrivés sur le marché en 1956, moi j’ai repris en 93. » Soixante ans de bouche-à-oreille, y’a pas à dire : ça vous fait une réputation.

De Léonard, décidément, il est beaucoup question. Au détour d’une allée, un petit groupe ironise : « Il est pas enterré à l’église Saint-Florentin, De Vinci. C’est en plein centre-ville, Saint-Florentin ! » Sans doute quelque journaliste parisien un peu pressé et mal informé aura t-il confondu avec la chapelle Saint-Hubert, qui se trouve, elle, dans le château royal. La veille du traditionnel marché, deux présidents, français et italien, sont venus s’incliner sur la célèbre stèle à l’occasion du 500e anniversaire de la mort du génie.
Mais le ciel clair et le vent frais de ce vendredi matin ont tôt fait de balayer cette journée un peu folle où plus âme qui vive n’avait eu le droit d’arpenter à sa guise les pavés de la cité. « Autant le dimanche, les gens viennent pour la balade, ils arrivent de Tours ou de Blois ou de plus loin encore, autant le vendredi, c’est une clientèle locale, qui vient vraiment faire ses courses », explique Jean-Paul, compagnon boulanger qui voue au pain et à ses dérivés une passion communicative. « Je suis dedans depuis mes quinze ans, c’est ma vie ! », résume t-il, philosophe.

Soudain, un papy peu bavard se poste devant l’étal et lance un laconique : « Il m’en faut deux ! ». Pas besoin de précision : Jean-Paul sait deux quoi. Deux belles boules de campagne qui feront la semaine. Mais tout le monde n’a pas eu la chance de rencontrer, comme Jean-Paul, une vocation précoce. Maxime, posté de l’autre côté de l’allée fait partie de ceux qui ont changé de vie.
« Avant, j’étais commercial dans un secteur qui n’avait rien à voir. Mais je m’ennuyais, ça ne me convenait pas. Les gens de la génération d’avant, je crois, voulaient de la reconnaissance sociale, des métiers valorisant, gagner de l’argent. Pour ma génération, c’est très important d’avoir un métier qui ait du sens ».

Hélène et Romain, du Van.

Alors Maxime vend des légumes, bio et locaux pour la plupart. Il déniche des producteurs, il va les rencontrer, voir comment ils travaillent et, quand il tend une botte de carotte à un client sur le marché, ça se voit bien que ce n’est pas seulement une botte de carottes. Du sens, il en a trouvé, merci, ça va.

« IL FAUT AIMER LES GENS POUR FAIRE CE MÉTIER »

Pareil pour Corentin, un peu plus loin. Ancien apprentis dans une exploitation maraîchère de l’Indre, il donne encore le coup de main pour les marchés. « Nous, on est les seuls producteurs, bio, sur le marché d’Amboise. » En cette saison de plantation, on peut venir chercher ses plants ici et participer, du même coup, à la préservation des variétés historiques puisque 35 variétés de tomates et six de basilic sont à portée de main.
Et, de l’autre côté de l’étal, les mêmes variétés, mais prêtes à consommer celles-là. « En ce moment, nous avons les toutes premières courgettes, les mini-carottes et les fenouils nouveaux. »

À les contempler, l’âme du cuisinier se réveille. L’exploitation fournit d’ailleurs plusieurs restaurants gastronomiques de la région. Tous, clients comme commerçants, quand on leur demande ce qu’ils aiment retrouver quand ils viennent ici, chaque vendredi ou chaque dimanche de l’année, répondent d’une seule voix : le contact avec les gens ! « Il faut aimer les autres pour faire ce métier, c’est une chose que l’on a ou que l’on a pas. » résume François, en nous tendant pour qu’on y goûte une fine tranche de filet mignon séché et fumé.

« C’est plus convivial, on peut discuter avec les gens, on peut demander des conseils, des recettes… » confirme Régis bien parti pour remplir à l’en faire craquer son grand tote bag aux couleurs de la Région. « Je me tâtais pour venir ce matin, explique cette dame, un peu fatiguée, devant l’étal de sa fromagerie préférée, mais j’aime tellement vos confitures ! ». What else ?

Un tour au marché : Lakanal-Strasbourg (1/6)

[Série 1/6] Le temps est idéal pour faire son marché. Tmv a donc pris son plus beau panier et parcouru quelques unes des nombreuses allées colorées de Touraine, tentant de capter l’ambiance et l’identité de six marchés parmi la dizaine existante. Premier arrêt, jeudi, dans le quartier Lakanal-Strasbourg.

 

Comme chaque jeudi, c’est jour de marché sur la place goudronnée. Plusieurs chariots de course, quelques poussettes et une ou deux cannes convergent vers les étals.
« Est-ce que je t’ai dit Michel que j’allais marier mon fils ? », lance une cliente à son maraîcher. « Bonne journée madame, à bientôt », peut-on aussi entendre en écho au traditionnel, « et avec ceci ? ».

Avant 9 h 30 voire 10 h, on croise surtout les habitués, armés de leur panier ou de leurs cabas. Les irréductibles du marché Strasbourg. Des retraités ou travailleurs matinaux qui veulent être certains de trouver tous les produits de leur liste griffonnée rapidement sur un morceau de carton.

À L’OMBRE DES PLATANES

Chaque semaine, ils reviennent à l’ombre des platanes choisir leurs fromages, attendre dans l’interminable file chez le boucher ou discuter autour d’un café. On les appelle par leur nom ou leur prénom et ils connaissent ceux des commerçants par cœur, comme cette dame de 90 ans qui ne louperait ce rendez-vous hebdomadaire seulement si sa santé l’y obligeait.

Ce joyeux brouhaha de conversations et de rires se mêle à la voix discrète de feu Daniel Balavoine, émanant des enceintes du crémier. Dans les allées, vers 11 h, les poussettes et les draisiennes commencent à arriver pour animer un peu le marché.
Les odeurs réconfortantes de l’enfance émanent alors des étals, comme ces senteurs de fleurs qui contrastent avec celles des poulets rôtis.

Parmi la trentaine de commerçants présents sur cette place, il y a Jérôme et son épicerie qu’on qualifiera de fine, même s’il est trop modeste pour l’avouer. Olives, fruits secs ou confits, épices, thés et tartinades… Ces saveurs exotiques ont du succès (autant que l’humour de son vendeur) si l’on en croit l’affluence devant son camion.

Arrivé en 2006, il ne fait pas partie des plus anciens du marché, à l’instar de Thierry Soriano, présent depuis 35 ans place Strasbourg. Chaque semaine, ce dernier expose ses volailles de la Sarthe, de l’Orne et de la Mayenne. « C’est un marché convivial, qui n’a pas changé », explique-t-il en réponse à Christiane, cliente retraitée, qui a l’impression qu’au contraire, il se dynamise et s’agrandit.
Les clients « de toujours » ou « les occasionnels » semblent toutefois s’accorder sur le fait que ce marché familial propose vraiment de tout — de la salade au Porto — et que les commerçants demeurent de précieux conseillers et des oreilles attentives. Il faut dire que certains ont de la bouteille. 

Philippe et Christine Masson, poissonniers de père en fils, sont eux aussi arrivés il y a plus de trois décennies. Sur la glace, des araignées, du homard, de la sole ou du turbot, mais surtout, du lieu jaune pêché à la ligne comme « c’est la pleine saison ! », précise le poissonnier en levant ses filets. Des produits sortis de l’eau dans la nuit même, par de petits pêcheurs de la Turballe et du Croisic.

« LES DERNIERS PÂTÉS DE PÂQUES DE MA CARRIÈRE »

« On est plusieurs à se suivre depuis des années », sourit ainsi Pierrette quelques allées plus loin, derrière son étalage de charcuterie aux couleurs de Pierrette et Modeste, Aux fins gourmets.

« Ce sont mes derniers pâtés de Pâques », confie-t-elle avec « fanfan », sa vendeuse, « la retraite, c’est pour la fin de l’année ! » Bientôt, on ne dégustera plus ses rillettes et ses rillons maison ni son jambon blanc : « on en vendait jusqu’à 60 kg par semaine », estiment les deux femmes.

Mais la relève est là place Strasbourg. Surtout pendant les vacances. Alanis, 17 ans, travaille sur les marchés depuis ses 15 ans et vend ses fraises avec le sourire, le téléphone dans la poche et les écouteurs apparents.
« Ce n’est même pas que j’aime faire les marchés, c’est que je suis née dedans. Ma tante Julie et ma mère viennent ici depuis plus de vingt ans et quand je suis née, elles m’ont emmenée avec elles, me posant dans un parc derrière le stand », raconte celle qui retournera en cours à la fin des vacances.

À peine plus âgé, Baptiste Delaunay, est un jeune primeur de 20 ans, installé à son compte depuis quatre mois sous le nom de Le Coudray Primeur. Fils de boulanger, il n’a pas baigné dans cet univers mais veut s’accrocher. « Je travaille avec des producteurs locaux et bientôt je veux produire aussi des champignons », décrit-il devant ses carottes jaunes et ses asperges blanches.

Mais la relève, c’est aussi Claire Turpin de Aux Pains etc (retour de congés le 9 mai) arrivée il y a un an sur la place Strasbourg. Farine bio, levain naturel, cuisson au feu de bois font la particularité de ses pains traditionnels ou aux plantes de saison. Une de ses clientes avoue aussi craquer pour ses fougasses et tmv pour ses biscuits. Et vous, qu’attendez-vous pour aller rencontrer ces producteurs locaux et déguster ces produits de qualité ?

L’école de musique de Saint-Avertin et le Tours soundpainting orchestra réunis

Les musiciens de l’école municipale de musique de Saint-Avertin préparent un projet hors norme : improviser un concert avec le Tours soundpainting orchestra. Une création d’un soir à découvrir le 30 mars.

Reportage_TSO4
Les musiciens jouent aussi avec leur corps

Une trentaine de personnes déambulent sur la scène du Nouvel Atrium à Saint-Avertin. Elles marchent lentement, occupent tout l’espace, accélèrent le pas, ralentissent, s’observent, se disent bonjour du regard… Tout à coup, une personne s’arrête. Tout le groupe l’imite. Puis elles avancent à nouveau, s’arrêtent, ferment les yeux, pointent le doigt vers un projecteur ou un siège, et repartent…

Le groupe suit les consignes de leur guide Angélique Cormier : « Je vais là où je regarde et je regarde là où je vais », indique-t-elle. Pourquoi cette curieuse déambulation ? « Pour se familiariser avec la scène et se rencontrer. »
On dirait un cours de théâtre, mais en réalité, c’est la première répétition des élèves de l’école municipale de musique de Saint-Avertin sur scène, en prévision de leur prochain spectacle : un concert improvisé avec le Tours soundpainting orchestra, ensemble dirigé par Angélique Cormier. Un sacré challenge pour les musiciens des classes de cordes et de flûtes traversières, de l’atelier de musiques actuelles et de l’orchestre à cordes.

Avec le soundpainting, les élèves apprennent à utiliser toutes les possibilités de leur instrument.
Avec le soundpainting, les élèves apprennent à utiliser toutes les possibilités de leur instrument.

Chaque année, l’école mène un projet original pour « favoriser la rencontre avec des professionnels, apporter de l’éclectisme aux élèves et les placer dans des situations artistiques variées », précise la directrice Céline Halbout. Théâtre, bal Renaissance… et cette année : soundpainting. L’ idée vient de l’équipe pédagogique, certains enseignants comme Erick Pigeard (percussions) connaissant déjà cette pratique.

Inventé par le new-yorkais Walter Thompson dans les années 70, c’est un langage des signes universel qui permet de composer en temps réel des pièces de musique, danse, théâtre… grâce à un dialogue entre le soundpainter – sorte de chef d’orchestre qui fait les signes – et les artistes improvisateurs. Dans le rôle du soundpainter : Angélique Cormier, la fondatrice du Tours soundpainting orchestra (TSO), qui a découvert ce langage en 2005 en Touraine.

Angélique Cormier dirige l’ensemble à l’aide de signes, le langage universel du soundpainting.
Angélique Cormier dirige l’ensemble à l’aide de signes, le langage
universel du soundpainting.

« Ce fut une révélation, un coup de foudre », se souvient-elle. La jeune femme traversa l’Atlantique pour se former auprès du maître new-yorkais puis créa le TSO fin 2005. L’ensemble professionnel monte des spectacles, en région Centre-Val de Loire comme à l’international, et des projets pédagogiques.

À l’école de Saint-Avertin, l’expérience a démarré dès la rentrée, en septembre dernier. Les élèves ont travaillé et appris par coeur des extraits musicaux sélectionnés par leurs enseignants, devenus un matériau d’improvisation identifié par un signe de leur invention. Lors des précédentes répétitions, ils ont appris plusieurs dizaines de signes de soundpainting. « Les signes parlent d’eux-mêmes, ils sont assez logiques », apprécie le flûtiste Grégoire, 15 ans.

PARTIR D’UNE PAGE BLANCHE

Ce samedi-là, après leur déambulation, les élèves retrouvent chaises et instruments pour la suite de la répétition. Pas question, en revanche, de se cacher derrière un pupitre : ici, point de partition. « Lâcher le support écrit n’est pas facile pour eux, mais ensuite ils se sentent plus libres », remarque la professeure de violoncelle Lucile Louis. Les musiciens jouent avec leur instrument, leur voix, leur corps…

Travailler sur le corps permet de se sentir moins nu sans pupitre.
Travailler sur le corps permet de se sentir moins nu sans
pupitre.

Seule limite à leur créativité : l’imagination… Et peut-être la peur d’improviser ? « Wrong is strong est la première chose qu’Angélique nous a dite, rapporte la violoncelliste Sophie. Il n’y a pas d’erreur. La fausse-note fait partie du spectacle. » Le mot d’ordre d’Angélique Cormier : se déconditionner. « Le soir du spectacle, je partirai d’une page blanche. » Mais alors, comment se préparer ?
Reportage_TSO5« Lors du concert, les élèves devront être présents et acteurs de A à Z. La présence, essentielle, donne vie à la musique. » Rien de tel, donc, que des jeux d’écoute : reproduire une phrase improvisée par un soliste, y ajouter une variante ou une réponse. L’entraînement porte ses fruits : « Bravo, vous captez bien les notes. Promenez vos oreilles, tendez des fils d’écoute entre vous », les encourage la fondatrice du TSO.

Après un travail sur les signes, histoire de réviser leur langage, le groupe improvise des pièces de quelques minutes sous la houlette du soundpainter. L’occasion pour les musiciens de mettre en pratique ce qu’ils ont appris. Que pensent-ils de l’expérience ? « C’est bizarre mais génial », résume Grégoire. « Au début, tu flippes, tu te dis “ c’est quoi ça ? ”, puis “ ouah, il se passe un truc ! ” », ajoute la violoniste Noémie.
Ce truc, la clarinettiste Christine l’appelle « la tension créatrice » : « Elle naît de notre hyper-concentration et crée une liberté. C’est unique, incroyable ! » Démonstration sur scène le 30 mars.

Photos et reportage : Nathalie Picard

> Concert le samedi 30 mars à 20 h 30 au Nouvel Atrium.
> Entrée 6€ – gratuit pour les moins de 12 ans et les élèves de l’école municipale de musique de Saint-Avertin. Billetterie en mairie.

Maison Boinet : L’art de la ceinture

Pendant la Fashion Week de Paris, Maison Boinet a exposé ses créations aux Tuileries. Des produits de luxe, nés à quelques kilomètres au nord de Tours.

MAROQUINERIE_BICHONAGE
Valérie contrôle la finition de chaque minaudière : c’est le bichonnage.

Bienvenue à Château-Renault, chez l’un des derniers fabricants français de ceintures. C’est un accessoires que tout le monde porte mais que l’on oublie, il peut pourtant être très original, voire carrément couture. De l’extérieur, rien ne fait rêver une modeuse : la manufacture Maison Boinet est installée au milieu d’une petite zone industrielle.

Il faut se glisser dans une grande pièce annexe de l’usine pour entrer dans le monde des photos de mode et du luxe. Des corsets en cuir vernis et des ceintures pailletées sont présentés sur des étagères en faux marbre.
« C’est notre petit studio photo, explique Ewelina, responsable de la communication. Nous faisons le maximum de choses en interne, pour être plus souples, plus rapides mais aussi pour intégrer les salariés à chaque étape. C’est important de savoir ce qui se passe après, une fois les pièces fabriquées. »

MAROQUINERIE_EMBALLAGE
Lucie, à l’emballage, l’une des dernières arrivées chez Maison Boinet.

La petite PME a été réveillée il y a dix ans par le groupe familial Vigin qui l’a rachetée et confiée à Bruno Jourd’hui. Le directeur imagine les collections et joue les VRP sur les salons de luxe. Après Pitti Uomo, la grande messe internationale de la mode masculine, mi-janvier, les ceintures made in Touraine s’affichaient début mars au salon Première classe, à l’occasion de la Fashion week.

UNE MANUFACTURE FAMILIALE

À 160 ans, la Maison Boinet s’est aussi offert une nouvelle jeunesse en ouvrant sa boutique en ligne, un saut nécessaire pour l’entreprise qui utilise encore des machines centenaires mais imagine des corsets en vinyle fluo. Avec ses 36 salariées et ses 4 stagiaires, elle reste une manufacture familiale. Tout le monde se connaît, certaines ouvrières travaillent ici depuis plus de trente ans.

Comme Isabelle, qui contrôle la qualité de chaque peau, l’une des rares femmes à occuper ce poste plutôt physique : les peaux de vachette sont lourdes. Elle entoure à la craie chaque défaut du cuir, même invisible pour un néophyte, avant de dessiner les bandes qui seront découpées puis encollées dans une machine, à la colle à l’eau. La teinture des tranches nécessite jusqu’à sept passages, les finitions se font à la main. Il faut ensuite poser les boucles, les œillets… La plupart des ouvrières sont polyvalentes et passent d’un poste à l’autre, comme Brigitte. Aujourd’hui à la couture des pochettes Origami en vinyle de la collection Eté, elle saute du perçage à la pareuse.

Cette organisation évite aux ouvrières la monotonie mais permet aussi à la manufacture d’être plus souple. « Nous avons travaillé avec des intérimaires en période de coups de feu, mais c’était compliqué. Certains manquaient de soin », explique Ewelina.

DES PIÈCES UNIQUES

La qualité. Le maître-mot de la petite usine, labellisée Entreprise du patrimoine vivant. Car Boinet est façonnier pour plusieurs marques haut de gamme et fabrique des pièces uniques pour de grands couturiers. Elle vend également ses propres créations au Bon Marché, à Paris mais aussi dans des magasins de luxe à Tokyo, Séoul, Singapour…

Monique, chargée de la qualité, contrôle la conformité de chaque pièce : couleur, finition, « main » – la souplesse et l’épaisseur de la ceinture finie – et les estampilles, avant leur emballage. Les ceintures doivent être soigneusement protégés pour ne pas s’abîmer pendant le transport : les boucles, emballées trop serrées, peuvent marquer le cuir.

Chaque pièce est marquée à chaud, en argenté ou en doré : taille, matières, nom de la marque… et bien sûr, « made in France »
Chaque pièce est marquée à chaud, en argenté ou en doré : taille, matières, nom de la marque… et bien sûr, « made in France »

Spécialiste de la ceinture depuis 1858, Maison Boinet s’attaque au marché de la maroquinerie depuis deux ans, avec prudence, car le sac à main nécessite un savoir-faire complexe, très différent. Amandine est l’une des deux maquettistes chargées des prototypes. Arrivée à l’usine par hasard il y a six ans, elle ne savait alors même pas qu’il restait des fabricants de ceintures en France, avoue-t-elle en riant.

(capture Insta Maison Boinet)
(capture Insta Maison Boinet)

Son habileté et son intérêt pour la création ont poussé la direction à lui confier ce poste particulier. D’après un dessin technique fourni par le styliste, elle coud un premier sac, dont les proportions et les finitions seront réévaluées selon sa « prise en main ». La création fonctionne encore de façon empirique : rien de tel que le regard, le toucher, pour voir ce qui fonctionne. Elle note également le temps de coupe et de montage, pour évaluer le coût de production final.

Chaque pièce possède sa fiche détaillée : le prix du cuir utilisé, des fils, de la bouclerie, du temps de main-d’oeuvre mais aussi de l’emballage… un euro d’écart, sur une pièce fabriquée 10 000 fois, peut coûter cher à l’entreprise ou trop augmenter le prix public. Tout est calculé. Par souci d’économie mais aussi pour ne pas gâcher.

C’est ainsi que la ligne de bracelets en cuir hyper chic est née en 2012 : la maison voulait valoriser des chutes de cuir. Vous avez dit upcycling ?

Dans les coulisses de l’Espace Malraux

#EPJTMV L’Espace Malraux regorge de couloirs menant à des loges, à des salles d’archives ou encore à la régie. Visite guidée des coulisses de cette salle. Elles seront d’ailleurs ouvertes au public le dimanche 27 janvier 2019 à 14 h, avec des visites de groupes.

Salle Plisson

La salle Bernard-Plisson est la deuxième salle de l’Espace Malraux. Contrairement à l’auditorium, elle est entièrement modulable. Elle peut accueillir des concerts, des pièces de théâtre ou encore des séminaires. C’est dans cette plus petite salle que sont généralement organisés les spectacles pour le jeune public.
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Patio

C’est ici, entre la cafétéria et l’auditorium que sont organisées les avant-scènes. Avant chaque spectacle, des artistes locaux ou des compagnies en résidence se produisent sur cette petite scène. L’un des enjeux principaux de l’Espace Malraux : s’intégrer dans la vie locale et donc de promouvoir des artistes de la région.
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Scène

L’auditorium principal peut accueillir 1 008 personnes. Avec un plateau de 400 m2, c’est la plus grande salle de théâtre publique du département. À l’origine, cette scène était dédiée à l’opéra. Le sol dans la partie avant est donc amovible pour laisser place à un orchestre dans la fosse. Aujourd’hui, elle n’est plus utilisée et sert d’entrepôt pour le matériel audio. C’est donc à quatre mètres sous la scène qu’est stocké un piano Steinway.
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Passerelles

Tout autour de la scène sont installées trois passerelles à 15, 18 et 20 mètres du sol. Deux passerelles servent pour l’habillage de la scène. C’est avec un système de balancier que les techniciens montent ou descendent les décors. La passerelle électricien permet quant à elle de gérer l’électricité et la lumière sur scène. Plus de 500 projecteurs sont installés dans la salle et « oui, tous sont utilisés » relève le régisseur général.
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Ancienne régie

La vidéo, le son et la lumière étaient gérés depuis une pièce fermée face à la scène, au-dessus du public. Cette pièce, décorée avec des affiches de concerts de 1990, n’est plus utilisée car les magnétos à bandes ont laissé place à des systèmes électroniques plus performants. Pour plus d’aisance, les techniciens son et lumière ont déplacé leurs commodes de travail dans la salle.
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Loges

Derrière la scène se cachent deux petites loges individuelles. Sous l’auditorium, deux espaces servent à la fois de loge ou de studio de répétition. Au total, l’Espace Malraux compte six loges qui peuvent accueillir jusqu’à 150 personnes. Elles sont toutes équipées d’écrans pour surveiller ce qui se déroule en direct sur scène.
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Par Alice Blain et Mathilde Warda

[#EPJTMV / Cet article fait partie du numéro 321 de tmv, entièrement réalisé par les étudiant(e)s de 2e année en journalisme de Tours]

Formations digitales : My-Serious-Game impose son jeu

Spécialisée dans la création de formations digitales personnalisées et axées sur le jeu, My-Serious-Game connaît une croissance fulgurante. Visite de cette entreprise tourangelle devenue leader sur le marché national.

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My-Serious-Game a déménagé rue Édouard-Vaillant pour de plus grands locaux.

Mercredi matin, à deux pas de la gare. Au numéro 21 se dresse un de ces nombreux immeubles de la rue Édouard-Vaillant, coincé entre les hôtels et les résidences étudiantes. Direction le 3e étage. Il y a déjà du mouvement ici et l’ambiance est studieuse. Une poignée de main ferme et énergique nous accueille : c’est Frédéric Kuntzmann, le big boss des lieux.
Bienvenue à My Serious Game, ou MySG pour les intimes.

Ici, on crée des formations digitales sur mesure. Exit les méthodes tradi’ à coup de Power Point ronflants : MySG s’est spécialisée dans des solutions technologiques et modernes qu’elle vend aux entreprises pour qu’elles forment leurs collaborateurs de manière ludique, à travers des jeux sérieux. S’adapter à l’apprenant, en faisant appel à différentes formes comme la simulation 3 D, la vidéo interactive ou encore la réalité virtuelle.

Devenue leader français sur ce marché, My-Serious-Game a pourtant débuté il y a peu. C’était en 2014. Le duo tourangeau Aurélie Duclos et Frédéric Kuntzmann fonde à cette époque cette startup qui va vite affoler les compteurs. Aujourd’hui, elle « affiche une croissance annuelle à deux chiffres », précise la direction. Elle compte des clients comme « des grands groupes du CAC 40, des acteurs publics ou des organismes de formation et des PME ». De sept salariés au départ, on en compte désormais… 40. Un effectif qui devrait encore doubler d’ici la fin d’année.

REPORTAGE_ORDI
Les salariés créent des formations ludiques et technologiques, offrant de vraies aventures immersives.

ESPRIT STARTUP

REPORTAGE_FREDERIC - Copie
Frédéric Kuntzmann, CEO et co-fondateur de My-Serious-Game, dans son bureau

En se baladant dans les immenses et récents locaux (la troupe s’y est installée cet été), on sent que MySG, bien que devenue entreprise, a souhaité garder l’esprit startup. On pense à ces atmosphères typiques des bureaux nés dans la Silicon Valley. Murs blancs, salles lumineuses, canapés confortables à droite à gauche, des plantes un peu partout. Au beau milieu trônent un baby-foot et une cuisine. « Désolé du bazar, on a fait la galette des rois !, lance Clément Horvath, communication manager qui nous présente aussi « la machine à café customisée » : à la clé, des jeux de mots que n’aurait pas renié l’astrologue de tmv (en-dessous du thé à la menthe est inscrit « sans kebab ») et un logo détourné.

Un peu plus loin, on aperçoit un espace avec faux gazon au sol et hamac suspendu. Ambiance décontractée mais studieuse caractéristique pour une équipe dont la moyenne d’âge oscille entre 30 et 35 ans. « C’est assez jeune, car c’est une génération qui oeuvre dans le digital. Les profils sont divers : développeurs web, designers, chefs de projet, commerciaux, ingénieurs pédagogiques ou personnes issues du monde de la formation », énumère Clément.

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Ici, le management se fait à l’horizontale : tout le monde est autonome et responsable.

Carlos par exemple se présente comme « expert en neurosciences ». Sourire vissé aux lèvres, couronne sur la tête (il a eu la fève !), il travaille en ce moment sur une « solution digitale pour les formateurs, afin d’accompagner les gens sur leurs compétences cognitives ». La première version devrait être disponible en mai pour le marché national. Quelques secondes après, il a déjà disparu pour plancher derrière son Mac.

MySG s’est propulsée aux quatre coins du monde, lors de salons à Paris, Las Vegas, Lisbonne ou encore Londres. Montrer son savoir-faire et étoffer le porte-feuille clients avec Sanofi, SNCF ou encore le Ministère de l’Intérieur. Pour ce dernier, My-Serious-Game « a conçu un “ jeu ” pour voir comment réagir en cas d’attaque terroriste », explique Clément. Pour Bouygues Construction, « on a fourni une formation digitale pour que leurs équipes partagent les valeurs de la société. On a ainsi modélisé un chantier dans lequel le collaborateur pouvait s’immerger ».
Il y a également leur gros bébé, IFSImulation, une simulation 100 % digitale dédiée à l’application de prescriptions médicales pour un apprentissage par la pratique. Exit les faux mannequins pour s’entraîner : ici, l’étudiant(e) infirmier(e) évolue dans un environnement 3D et applique les méthodes apprises en formation.

Mais face à « un marché qui bouge vite », My-Serious-Game a les yeux rivés vers le futur. Déjà parce qu’elle vient tout juste de lever 3 millions d’euros auprès de trois fonds d’investissement. Ensuite, parce qu’elle va ouvrir des locaux à Paris prochainement. Et enfin, parce qu’elle vise un gros projet d’internationalisation.
« On est leader sur le secteur national mais on veut désormais l’être au niveau européen », annonce Clément. Leur projet ? Une solution basée sur l’intelligence artificielle. Rendez-vous à l’été 2019.

> My-Serious-Game sera présent au Vinci le 24 janvier au Human Tech Days et les 30 et 31 janvier au Learning Technologies de Paris.

REPORTAGE_AMBIANCE
Une entreprise à l’esprit startup : ça se voit dans l’aménagement du plateau de travail !

Reportage : Aurélien Germain
Photos : Aurélien Germain & My-Serious-Game

J’ai testé pour vous… la doundoun danse !

Que faire un dimanche pluvieux à Tours ? De la doundoun danse ! La rédaction a participé fin novembre à un stage organisé par l’association tourangelle Le pied à l’oreille.

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La doundoun danse ? Mais c’est quoi ce truc ?? « C’est pas compliqué, on joue sur un doundoun et en même temps on danse ! Et c’est trop cooool ! », annonce Maeva Frémont, danseuse, percussionniste et organisatrice du stage à l’association Le pied à l’oreille.

Le doundoun, c’est un grand tambour africain au son grave, fait de bois et de peaux reliées par des cordons. L’accessoire indispensable ? Les baguettes pour taper dessus ! À l’origine, la doundoun danse viendrait de Guinée, raconte Maeva Frémont : elle ferait partie des rites initiatiques de passage à l’âge adulte pour les femmes du peuple Baga. Aujourd’hui, c’est une danse mixte. Si, si ! Pourtant, à l’occasion du stage, un seul danseur a répondu présent… pour 18 danseuses.

À vos marques…

La séance commence en douceur. L’échauffement complet – des pieds à la tête – monte progressivement en cardio. Ensuite, nous découvrons le rythme (macru) sur lequel nous allons jouer et danser. D’abord, nous écoutons les trois percussionnistes, David, Olivier et Abdoulaye. Puis nous marquons le rythme avec des pas simples, tout en claquant des mains. Jusque là, tout va bien. doundoun1

Prêts…

Ça y est ! On va enfin taper sur les doundouns. Mais pas n’importe comment : David nous explique comment ne pas les abîmer, ni casser les baguettes. Comme il n’y a pas assez de doundouns, des congas (grand tambour cubain) et des poubelles renversées sont réquisitionnées. Chacun devant son « truc à taper », nous voilà fin prêts. « Ce n’est pas grave si vous ne captez pas tout. L’essentiel est de se faire plaisir ! », insiste Maeva.

Dansez !

Facile, le premier mouvement : les pieds ne bougent pas, il suffit de taper sur le temps avec les baguettes. Bien fort, ça défoule ! « Takalata poum poum ! », scande Maeva. Que signifie ce curieux langage ? Mettre des mots sur les rythmes permet de mieux les retenir. Testé et approuvé.
D’autant qu’au fil de l’après-midi, la chorégraphie se corse : rythmes décalés, pas plus difficiles, enchaînements à retenir… Je comprends mieux pourquoi une pratique de la danse africaine ou des percussions était conseillée pour participer au stage. Heureusement, mes quelques années de danse me permettent de suivre la cadence (#jemelaraconte !).
Mais voilà qu’en plus, il faut se mettre à crier. Scander des « hey ! » au bon moment. « Seule, je crie plus fort que vous tous », lance Maeva, pleine d’énergie. Et c’est vrai. L’après-midi passe très vite. Nous apprenons une dizaine de pas.
Le bilan : beaucoup de plaisir, des courbatures et surtout, l’envie de recommencer.

Testé par Nathalie Picard

> En savoir plus : Le Pied à l’oreille (lepiedaloreille.wixsite.com/danse-africaine) organise de nouveaux ateliers danse parent-enfant et maman-bébé. Samedi 15 décembre à la salle du Petit Morier (81 boulevard Jean-Royer) à Tours. Résa obligatoire : lepiedaloreille@gmail.com. 

> D’autres assos proposent de découvrir danses et percussions africaines sur Tours et environs : Choréa Corps à Saint-Pierre-des-Corps, Courteline et Anoukowadé à Tours, L’Aubrière à Fondettes, Tous ensemble 37 à Joué-lès-Tours…

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Avec Livre Passerelle, des histoires qui rapprochent

Vingt ans que l’association tourangelle Livre Passerelle raconte dans tout le département que le livre et la littérature sont essentiels au développement de chacun ! Vingt ans qu’elle transporte ses valises d’albums là où on ne les attend pas.

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Tout le monde écoute la lecture de Va-t-en-guerre, de Thierry Dedieu, au Seuil Jeunesse.

Vendredi matin, 9 h 30, à la Protection Maternelle et Infantile (PMI) des Rives du Cher, installée au pied des barres d’immeubles. Christine arrive. Elle tire une grosse valise, remplie d’albums jeunesse. Délicatement, elle l’ouvre bien grand, comme une invitation à plonger dedans.

Elle en sort quelques livres qu’elle dissémine dans la pièce. La salle d’attente est encore vide.
Puis arrive un couple avec une petite fille de 18 jours. Tout le monde se salue. Ils s’installent. Christine attend quelques instants puis s’approche de la famille, avec un grand sourire : « Voulez-vous que je vous raconte une histoire ? ». Et c’est parti. Alors que d’autres familles arrivent, l’animatrice, les enfants et les parents se liront des albums, piochés au hasard par l’un, minutieusement choisis par l’autre. Un moment de plaisir et de partage.

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Patrick et Anne-Sophie ont rendez-vous à la PMI pour leur fille Abbigaël. Ils découvrent les livres de l’association

Voilà ce que fait l’équipe de Livre Passerelle depuis sa création en 1998. Elle lit des albums aux bébés et à leurs parents dans les lieux qui les réunissent. Comme Christine, Dominique va tous les lundis à la PMI de Rochepinard-Bouzignac. Marie-Françoise lit tous les mois à la Petite Maison, le Comité d’aide aux détenus de la maison d’arrêt de Tours. Le mardi, Sarah anime un atelier de lecture pour ados à la médiathèque de La Riche. Elles lisent également chaque semaine à la sortie de certaines écoles. Avec 5 salariées (Christine Barbier, Sarah Goyer, Émeline Guibert et les deux fondatrices Catherine Métais et Dominique Veaute) et 80 bénévoles, l’association intervient dans une quarantaine de lieux en Indre-et-Loire.

LE POUVOIR DE COHÉSION

Malika, Syrienne, arrivée en France dans les années 1990, se souvient de ses rendez-vous hebdomadaires avec Livre Passerelle : « Quand mes enfants étaient jeunes, on allait à la PMI de Bouzignac, le mercredi matin, sans rendez-vous. Et la dame des livres venait. C’était magnifique. On s’amusait. La salle était pleine. Il y avait au moins 20 enfants. Et elle lisait. Parfois, les médecins venaient écouter aussi. Nous, on ne venait pas pour le médecin. On venait pour la dame. J’ai emmené mes 4 enfants jusqu’à l’âge du collège. » TMV 181024 Livre passerelle 5

Maintenant, elle y emmène sa petite-fille et retrouve le même plaisir à partager les lectures de l’association. Au-delà des bienfaits de la littérature, c’est le pouvoir de cohésion du livre et plus largement de la culture que cherche à faire vivre Livre Passerelle. « L’album, outil de création, de recherche et de lien social », c’était justement le thème du colloque qu’elle organisait le 13 octobre dernier, à l’espace Jacques-Villeret.

Pour lancer cette journée de réflexion, Catherine Métais et Dominique Veaute sont revenues en images sur 20 ans d’actions. Une série de photos attire plus particulièrement notre attention. Sur un premier cliché, un adolescent, clairement récalcitrant, se fait conter « Comment on fait les bébés ? » de Babette Cole. Sur le suivant, même scène, mais un rictus est apparu sur son visage. Il faut dire que le livre est particulièrement drôle. Sur ceux d’après, l’adolescent s’est emparé du livre, sourire aux lèvres et le lit à d’autres enfants. Manifestement à plusieurs reprises ! Mission accomplie pour Livre Passerelle…

Mais l’association n’est pas du genre à s’asseoir sur ses lauriers. En perpétuelle réflexion pour faire valoir au mieux les droits culturels pour tous, elle a créé en 2016 l’atelier Passerelle. Tous les vendredis, de 14 h à 15 h, l’association propose une séance de lecture d’albums à voix haute, ouverte à tous et totalement gratuite, à la bibliothèque Paul-Carlat. Pendant une heure, par petits groupes, les participants vont soit lire des histoires, soit les écouter, juste pour le plaisir de… les lire et de les écouter.

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« C’est vraiment une idée géniale, constate Frédéric Terrier, éditeur, typographe et directeur des Mille univers, partenaire de Livre Passerelle. Et le plus étonnant, c’est ce que ça fonctionne merveilleusement bien. Ce sont des gens de divers horizons sociaux et culturels, des réfugiés, des fonctionnaires, des retraités, de partout dans le monde, qui n’avaient pas de passion spéciale pour la littérature jeunesse et qui se retrouvent autour de l’album. Ils n’ont a priori rien d’autre en commun. Mais autour de l’album jeunesse, Livre Passerelle arrive à faire société. Et ça, c’est exemplaire. Ça pourrait être un projet gouvernemental : le livre jeunesse pour faire société. »

Une bonne idée, mais comme toute association de loi 1901, Livre Passerelle passe un temps fou à remplir des dossiers de subventions pour rémunérer ses salariés, acheter ses livres (pour soutenir les librairies), entretenir sa camionnette littéraire, etc. Autant de temps qu’elle ne passera pas sur le terrain. À bon entendeur…

Texte : Jeanne Beutter

Reportage : la rentrée au cœur de la Boîte à livres

Ça sent l’encre, le papier et les rêves, on y trouve des milliers de pages et les espoirs de centaines de romanciers qui espèrent toucher les lecteurs. Née en 1946, La Boîte à livres vit toujours au rythme des rentrées littéraires.

Marie a vu le rayon Art de vivre et Pratique suivre les évolutions de la société.
Marie a vu le rayon Art de vivre et Pratique suivre les évolutions de la société.

Il est 10 h. La grille, rue Nationale, vient de se lever et La Boîte à livres est silencieuse mais à l’arrière du magasin, une demi-tonne de livres a déjà été livrée. Pierre et Manu, les responsables de « l’arrivage », ouvrent chaque carton, les ouvrages sont vérifiés, enregistrés, puis rangés dans des bacs. Chaque libraire a le sien, il y trouve les commandes passées par les clients, les réassorts demandés et les nouveautés livrées par les éditeurs.

Tous les libraires sont passés par l’arrivage. « C’est essentiel », explique Marie-Noëlle qui travaille à la Boîte à livres depuis plus de quinze ans.
Chargée de la communication, elle organise entre autres les rencontres avec les auteurs. Le carnet d’invitations de septembre fait rêver : Gaëlle Nohant, Éric Fottorino, Boualem Sansal, Tiffany Tavernier et Adrien Bosc seront là. La Boîte à livres est considérée par le circuit du livre comme une librairie de niveau 1, les plus importantes. Avec 34 salariés, dont trois apprentis, et un fond de 65 000 titres (120 000 au moment de Noël), elle est dans le top 25 des librairies indépendantes en France. Plusieurs fois par an, les diffuseurs (Hachette, Sodis, Harmonia Mundi…) envoient leurs représentants, catalogues d’éditeurs sous le bras, présenter les nouveautés. À eux de convaincre le libraire d’acheter le dernier Angot ou le nouveau Lévy.

À l’arrivage, Pierre et Manu vérifient le bon état de chaque livre puis les scannent.
À l’arrivage, Pierre et Manu vérifient le bon état de chaque livre puis les scannent.

Cette année, une centaine de nouveaux romanciers tentent leur chance à l’occasion de la rentrée littéraire. Les éditeurs imposent certains titres, ce sont les « offices ». En fonction des goûts de leur clientèle, les libraires en commandent un certain nombre d’exemplaires : « Amélie Nothomb a ses fidèles, nous en commandons plusieurs dizaines, explique Joël Hafkin, le directeur. Parfois, un livre discret s’envole au bout de quelques semaines grâce au bouche-à-oreille ; ça été le cas pour En attendant Bojangles. Les libraires surveillent les demandes et commanderont alors de nouveaux exemplaires au fur et à mesure. »

Les invendus peuvent être renvoyés au bout de trois mois à un an ; entre temps, le stock mobilise beaucoup de trésorerie et d’énergie. Au rayon jeunesse, Jean-Christophe, représentant pour plusieurs éditeurs, montre à Véronique les nouveautés pour Noël. Sa valise est pleine de « maquettes », des livres-échantillons. Une couverture argentée nous fait de l’oeil. En vingt ans, Véronique a vu le secteur exploser. Trois libraires se partagent d’ailleurs l’espace enfants, qui va du livre en peluche pour les bébés au roman young adult.

« SI ON NE FAIT PAS VIVRE LA LIBRAIRIE, ON MEURT »

L’édition n’échappe pas aux tendances. « Il y a eu la vague des livres de cuisine vegan, des livres de chefs et maintenant, ce sont les ouvrages pratiques pour cuisiner maison vite et bien », explique Marie, responsable du rayon gastronomie, pratique et développement personnel, pour lequel la demande est exponentielle.
Si elle conseille les clients, elle transmet aussi aux représentants les demandes des lecteurs. « Par exemple, les livres de cuisine trop grands ne fonctionnent plus, les gens ont de moins en moins de place pour les stocker. » Au sous-sol, le rayon BD a grandi ; Céline, sa gardienne, lui a greffé les mangas et une sélection uchronie.

Claire, responsable du rayon polar, accroche des notes sur ses livres « coups de coeur ».
Claire, responsable du rayon polar, accroche des notes sur ses livres « coups de coeur ».

Midi. Une dame traverse la librairie au pas de course jusqu’au rayon des polars ; elle profite de sa pause déjeuner pour venir voir les nouveautés. Elle avoue être « droguée aux livres, j’en lis au moins trois par semaine. » Elle ne lit que sur papier, explique avoir besoin de toucher les couvertures, feuilleter les pages, pour faire son choix. « Catherine adore les thrillers, sourit Claire, la responsable du rayon. Comme je n’ai pas le temps de tout lire, elle me donne son avis sur certains romans. »

À l’étage, le petit salon de thé accueille quelques clients le temps de grignoter une quiche maison. Pour résister au géant en ligne, les librairies doivent se montrer imaginatives. Si la venue des auteurs stars fait toujours son effet, elles organisent aussi des ateliers, des débats, participent à des salons spécialisés. Au sous-sol, Michel, qui veille sur le rayon Essais et Histoire, prépare le stand de la librairie pour les Rendez-vous de l’Histoire. La Boîte à livres est aussi présente lors des séminaires gastronomie de l’IEHCA et propose une sélection d’ouvrages d’art au CCCOD.

Pour Joël Hafkin, qui a des idées plein la tête, il faut toujours avancer. « Si on ne fait pas vivre la librairie, on meurt. Pas d’agrandissement pour l’instant, mais nous venons de créer un rayon littérature en langues étrangères et nous préparons deux beaux projets pour 2019. »

Code Troopers : appli, ma belle appli

Il y a quelques semaines, elle a signé l’appli officielle de Fil Bleu : l’agence Code Troopers, installée à Mame, est spécialisée dans la conception d’applications mobiles sur-mesure. Un des piliers de l’économie numérique tourangelle.

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Premier étage du bâtiment Mame. Une vaste salle, où copinent autocollants et imagerie de jeux vidéos cultes et casques des soldats Stormtroopers de Star Wars, où trône un grand baby foot.
Ambiance studieuse — tout le monde travaille dur — mais décontractée — en cette fin août, les bermudas sont de mise.

Le silence est brisé par les cliquetis des claviers d’ordinateur. Sur les écrans, les lignes de code défilent. Un langage incompréhensible pour beaucoup, pas pour l’équipe de Code Troopers. Cette start-up – enfin, préférez plutôt le terme PME — vit des jours paisibles du côté du boulevard Preuilly, à Tours.
Elle a été lancée il y a 4 ans par sept jeunes sortis de Polytech. Sept amis, sept collègues, sept têtes pensantes qui avaient la tête tournée vers le numérique et son économie. Depuis, l’équipe, dont la moyenne d’âge oscille entre 25 et 34 ans, s’est renforcée. Leur travail ? « On développe des applications web et mobiles pour les PME, les petites start-up, mais aussi des multinationales », explicite Nicolas Dauphin-Moulin, l’un des derniers arrivés ici. « Tout ça, en les accompagnant du conseil au développement », ajoute Benjamin Cousin, l’un des co-fondateurs de Code Troopers.

La nouvelle équipe de Code Troopers au complet
La nouvelle équipe de Code Troopers au complet

La nouvelle appli du festival Aucard de Tours cette année ? C’est eux. WeGuide, la plateforme de mise en relation entre touristes et guides professionnels ? Toujours eux. La toute nouvelle appli Fil Bleu — officielle celle-ci — sortie en août 2018 ? Encore eux. « On les avait déjà contactés pour prendre la température, retrace Benjamin. On avait présenté Navig’Tours [pour consulter les horaires des transports — NDLR], mais ce n’était pas leur priorité à l’époque. Puis la demande a commencé à augmenter… »

De fil en aiguille, l’application mobile du réseau de bus et tramway tourangeau se construit. Puis débarque sur les smartphones. Disponible gratuitement sur Android ou iOS, elle est le côté pratique qui manquait aux voyageurs. « Elle fonctionne un peu comme celle de la RATP : vous avez les bus et tram’ en temps réel, vous pouvez prévoir des itinéraires, voir les perturbations. C’est aussi un thermomètre des lignes qui indique en temps réel où en est votre bus, quand il va arriver, etc. », énumère Nicolas.
Fil Bleu a travaillé main dans la main avec Code Troopers et l’association Valentin-Haüy, afin de répondre également aux besoins des déficients visuels.

L’OUTIL DES FESTIVALS

L’autre gros morceau de Code Troopers s’appelle Chapitô. Ce projet interne a été développé durant un an. Cet outil en ligne permet aux organisateurs de festivals de créer une appli sans connaissances particulières en informatique. Inutile d’être geek. Et pas besoin de s’arracher les cheveux : « La personne rentre ses données, choisit son logo, son code couleur, tape la programmation. Nous, on s’occupe du reste en générant une appli avec tout ça ! Tout le monde peut le faire, c’est rapide », résume Nicolas. Comptez un prix d’entrée de 2 000 €.

Au niveau local, Aucard a été le premier à tester la bête. Terres du Son a suivi. « Les Rendez-vous de l’Erdre l’ont aussi adoptée et on va probablement travailler avec Tours Événements. Maintenant, on développe Chapitô pour toucher d’autres institutions que les festivals. On va notamment le faire pour les salons, les foires, etc. »

En attendant, la vie suit son cours à Code Troopers. On enchaîne les tasses de café (leur site indique 62 tasses hebdomadaires cette semaine-là), les réunions obligatoires à 9 h 15 (« celui qui est en retard paye les croissants », se marrent Nicolas et Benjamin) et… les projets. Qui ne cessent d’arriver. Entre le bouche-à-oreilles et les plateformes de mise en relation, les guerriers tourangeaux du code se sont fait un nom. L’an passé, leur chiffre d’affaires affichait 500 000 €.
« Côté clients, en Touraine, on travaille avec MMI, RCP, Géovélo et d’autres, et ailleurs avec les casinos Barrière, des gens du secteur bancaire ou de Londres… », précise Benjamin. Fondée en 2014, Code Troopers n’a pas fini de faire bouillonner Mame, la cité du numérique.

> Retrouvez Code Troopers sur leur site internet

SNCF : à l’intérieur de la salle de la crise

Un train à l’heure, ça arrive. Un train qui a du retard, ça arrive. Un train qui est annulé, ça arrive aussi. Une multitude d’incidents peuvent perturber la circulation. Et, quand une crise se passe dans la région, c’est à la gare de Tours que cela se gère

Le graphique de circulation permet, en cas d’incident, de connaître les trains impactés et de réagir en fonction.
Le graphique de circulation permet, en cas d’incident, de
connaître les trains impactés et de réagir en fonction.

« J’ai reçu un mail de Pascal. Il nous laisse pas le temps de réfléchir. Il applique jusqu’à Étampes. Je vais appeler l’astreinte voir s’il y a d’autres préconisations chez nous », lance Philippe Duret, se saisissant de son téléphone. Dirigeant régional à la circulation, ces mots sont destinés à son collègue Fabien Maitrot, dirigeant régional opérationnel, en charge de la mobilité.

Nous sommes dans la salle de crise de la SNCF située au deuxième étage de la gare de Tours. Des fenêtres, les voies sont visibles. Autour du grand bureau central cinq sièges. Pas un de plus. En temps de crise, seulement cinq personnes sont habilitées à entrer dans cette pièce.

Dans la salle de crise, comme dans le centre opérationnel de proximité, un écran affiche le trafic.
Dans la salle de crise, comme dans le centre opérationnel de
proximité, un écran affiche le trafic.

Ce jour-là, ils ne sont que deux. La raison de cette petite effervescence est la suivante : l’abaissement de la vitesse sur la ligne Paris-Étampes. « Quand il fait chaud, la caténaire devient fragile. Si on roule trop vite, avec le contact du pantographe, on risque de tout casser », explique Philippe Duret. Mieux vaut ajouter dix minutes au temps de trajet qu’avoir une caténaire qui lâche. Tout deux sont en poste une semaine sur deux, sept jours sur sept et joignables 24h/24. En cas d’incident, ils sont systématiquement appelés et décident d’ouvrir la salle ou non. « Si on juge que ça monte en puissance, si on sait qu’il va y avoir un gros impact sur la circulation, le directeur de crise vient. Puis, au fur et à mesure, les autres astreintes vont se greffer », indique Philippe Duret.

L’essentiel de leur travail consiste à prévoir. Quand ils reçoivent une alerte météo, ils anticipent. Quand une grève est annoncée, ils anticipent. Mais « prévoir une crise n’est pas quelque chose de palpable », atteste Philippe Duret. Ce qui semble le plus important, ce sont les prévisions de durée.
« Le boulot le plus compliqué qu’on a, c’est de prévoir la fin d’incident. C’est ce que les usagers exigent », constate Fabien Maitrot. Sauf que, pendant la première demi-heure, difficile de savoir. Le temps que tout ce petit monde se mette en place, il y a un flottement. Un feu vient de passer au rouge. Qu’est-ce que ça veut dire ? Est-ce qu’une caténaire est tombée ? Un passage à niveau qui est ouvert ? « Il faut envoyer quelqu’un et que les informations nous remontent », explique Philippe Duret. « Une crise est bien gérée quand on a les bonnes informations », assure Fabien Maitrot. Plus la représentation de ce qui se passe sur le terrain est claire, mieux c’est.

Sur la carte, il montre la portion où l’abaissement de la vitesse aura lieu : Paris-Etampes.
Sur la carte, il montre la portion où l’abaissement de la vitesse
aura lieu : Paris-Etampes.

UNE GROSSE CRISE PAR SEMAINE

Chacun a ce qu’il appelle un « outil opérationnel » chargé de relayer les décisions prises en salle de crise. Le centre opérationnel de la gestion de la circulation se trouve juste à côté. Il coordonne la circulation des trains sur la région Centre. Chaque table de régulation agit sur un secteur précis. « Toutes les lignes ne sont pas régulées, traduit Philippe Duret. Pour les petites lignes à voie unique, ce sont les agents de circulation dans les gares qui sont responsables de la circulation des trains. » Au centre, les lignes gérées sont celles où le trafic est important. Là où il y a plus de risques d’incident.

Au sein de la salle de crise, Philippe Duret (à gauche) et Fabien Maitrot s’informent suite à la réception d’un mail.
Au sein de la salle de crise, Philippe Duret (à gauche) et Fabien
Maitrot s’informent suite à la réception d’un mail.

« 18 aussi, un département qui m’est cher », dit le régulateur de la table 3. Il ne manque pas d’humour. À moins que cela soit normal. Après tout, ils ont l’air d’avoir un langage bien à eux. S’en suit une suite de lettres et de termes difficilement compréhensibles. Encore plus quand toutes les tables parlent en même temps. « Hier, on a eu à gérer un feu de transformateur à proximité des voies vers Vierzon. Les circonstances ont fait que l’intervention des pompiers était rapide. Le courant a été rapidement rétabli. Cela aura duré deux heures. Mais quand les dégâts sont plus importants, on peut être sur une demi-journée. » Résultat : neuf trains supprimés et une vingtaine retardés.

« La plupart du temps, on est en opérationnel trois à quatre fois par semaine. On ouvre et on referme tout de suite », explique Fabien Maitrot. Par opérationnel, il faut comprendre que seul deux personnes se rendent dans la salle et évaluent la situation.
Environ une « grosse crise » par semaine est comptabilisée.

Textes et photos : Justine Brichard

Au centre opérationnel de la gestion de la circulation, le régulateur est en relation avec les agents de circulation.
Au centre opérationnel de la gestion de la circulation, le régulateur
est en relation avec les agents de circulation.

Hellfest 2018 : bière, soleil et décibels (partie 2)

Deuxième partie de notre périple au Hellfest. Cette fois, on s’intéresse à un dimanche brûlant, aussi bien sur scène que sur le site. Une dernière journée placée sous le signe des découvertes.

Hellfest 2018
Le Maître, Lemmy, a toujours sa statue en son honneur. (Photo tmv)

Lectrice, lecteur, es-tu toujours là ? Bien, parfait.
Si vous avez lu notre première partie, vous savez qu’en ce dimanche matin, on se réveille cassé en deux, suite à un petit dodo à l’arrière d’une (petite) voiture. Les cheveux en pétard, la bouche pâteuse et de la poussière dans les oreilles (c’est bon, vous l’avez, l’image sexy du journaliste ?), on s’extrait du véhicule. Il est 8 h du matin, Clisson dort encore. Le temps de faire deux trois coucous aux villageois qui se baladent tant que les rues sont calmes, et nous voilà repartis sur le site.

Au Hellfest, les concerts commencent à 10 h 30 du matin pour se finir à un peu plus de 2 h. Du non-stop. Sur place, certains festivaliers sont déjà levés. Le soleil est déjà là et il fait une bonne vingtaine de degrés. Un barman, d’une bonhomie et d’une gentillesse sans pareil, nous convainc de commencer avec… une bière ! Matinal, le monsieur, mais que voulez-vous : nous sommes des journalistes de terrain. Alors trinquons !

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En hectares, la superficie du site du Hellfest. Il y a six scènes : les deux Mainstages, la Valley, la Temple, l’Altar et la Warzone. 160 groupes s’y produisent en 3 jours.

C’est donc parti pour un tour sous la Valley, une pinte à la main, l’appareil photo dans l’autre. C’est THE TEXAS CHAINSAW DUST LOVERS qui a la lourde tâche de démarrer la journée. Le public est clairsemé, mais une chanson plus tard et la foule est là ! Parce que face à nous, les Français vont jouer comme si leur vie en dépendait.
Œuvrant dans le rock ‘n’ roll pur et dur, les « Dust Lovers » vont réveiller jusqu’au dernier des festivaliers endormis. Mélangeant le sens du rythme d’un Volbeat ou d’un Clutch, le remuage de popotin d’un Elvis Presley, avec un chant de crooner, les Parisiens proposent un excellent rock baignant dans le vieux whisk. Le set est énergique au possible, les loustics ont une patate monstre, le sourire vissé aux lèvres du début à la fin. Au beau milieu du concert, la foule obéit au chanteur qui lui demande de « faire un gros fuck »en levant un majestueux majeur au ciel. On aurait clairement repris une louchée d’un groupe aussi prometteur que sympathique.

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Les Français de The Texas Chainsaw Dust Lovers ont réveillé les festivaliers. (Photo tmv)

À 11 h 05, direction la scène principale où résonnent les premières notes de FEED THE RHINO. On ne sait pas trop à quoi s’attendre avec pareil nom, mais c’est finalement vers le hardcore / metal que lorgne le groupe. Là encore, l’énergie est au rendez-vous, les Britanniques n’hésitant pas à descendre de scène pour se frotter aux premières rangs, voire s’y jeter ! Feed the rhino ne réinvente pas la roue, loin de là, et ne propose rien d’original (on pense souvent à Gallows et à une tripotée de combos du genre), mais il le fait avec beaucoup de sincérité.

11 h 40. La Valley se remplit de nouveau. Il est l’heure d’accueillir LUCIFER. Ici, c’est retour aux années 70. Vestes à franges, fringues en jean, son rétro au programme : emmené par Johanna Sadonis (qui fait visiblement chavirer quelques cœurs masculins), Lucifer donne dans le blues rock mâtiné de heavy. L’occultisme imprègne visiblement la musique des Suédois/Allemands et rajoute une belle atmosphère aux compositions. Sur les dernières secondes, la chanteuse s’empare d’une bouteille de vin qu’elle descend au goulot. La Belle part alors sans prévenir, laissant la Bête continuer de distiller ses dernières notes.

Lucifer est en Enfer. (Photo tmv)
Lucifer est en Enfer. (Photo tmv)

Des métalleux échoués sur la plage

La pause du midi va se faire sous un soleil de plomb et les écoutes furtives de SHINEDOWN (on ne se souvient pas de grand-chose…) et THE LORDS OF ALTAMONT (qui renverse la Warzone avec son punk efficace), et à admirer les centaines de cadavres chevelus qui jonchent le sol. Car en ce dimanche, 3e jour de festival, certains ont visiblement :

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Certains sont bien éveillés : il faut rester accroché à un pantalon plus d’une minute pour gagner des vêtements ! (Photo tmv)

A) abusé de l’alcool
B) les pattes coupées à force d’enchaîner les concerts
C) mal digéré les « apééééroooos » du camping et les nuits blanches
D) Obi Wan Kenobi

Filons à la Valley pour assister à GRAVE PLEASURES. Il est 14 h 20 mais le chapiteau est plein à craquer. Les Finlandais vont alors nous transporter avec leur post-punk progressif rappelant un mix bâtard entre The Cure, The Smith, Depeche Mode, à la sauce metal. À ce titre, on reconnaît à la guitare le six-cordiste d’Oranssi Pazuzu (lire notre partie 1) dans un registre totalement différent. Mais, surtout, c’est vers Mat McNerney que tous les yeux se tournent. Le magnétique Kvohst – son surnom – scrute la foule de son regard bleu perçant. Solaire, le chanteur qu’on connaît dans Beastmilk maîtrise sa voix à la perfection et offre une performance vocale hallucinante. Gestuelle et mimiques finissent de le transformer le personnage, point névralgique du show. Géant !

Le chanteur de Grave Pleasures est connu pour son rôle dans Beastmilk. (Photo tmv)
Le chanteur de Grave Pleasures est connu pour son rôle dans Beastmilk. (Photo tmv)

Un rapprochement avec Nantes ?

Johanna Rolland, maire de Nantes, a été invitée à Clisson par les organisateurs du festival. En conférence de presse, Ben Barbaud, le patron du Hellfest, a indiqué : « Avec la Ville de Nantes, on a envie de créer des choses : pourquoi pas envisager de créer un trait d’union. »

Nebula et la cigarette qui fait rire

Après un croque-monsieur dégoulinant d’on-ne-sait quoi (notre estomac préfère ne pas savoir) devant ASKING ALEXANDRIA dont on n’a pas grand-chose à faire (leur metalcore nous en touche une sans faire bouger l’autre, comme disait Chirac), retour à la Valley. La tente a un parfum de cigarette qui fait rire, NEBULA déboule dans le plus simple appareil (ça ne veut pas dire tout nu hein) : une gratte, une batterie, une basse, un mur d’amplis poussés au max.

Le trio de rock stoner psychédélique, fondé par un ex de Fu Manchu, va nous emmener dans un trip hallucinatoire, un voyage où envolées de soli à la pédale wah-wah se mêlent à une basse vrombissante que fait résonner un Tom Davies visiblement un peu perché (vous me direz, avec un t-shirt où il est écrit « Say perhaps to drugs » [dites peut-être aux drogues]…). Planant quoiqu’un poil trop long.

Voyage psychédélique et enfumé avec Nebula. (Photo tmv)
Voyage psychédélique et enfumé avec Nebula. (Photo tmv)

La palme du meilleur concert

Manuel Gagneux (à droite) est la tête pensante de Zeal & Ardor. (Photo tmv)
Manuel Gagneux (à droite) est la tête pensante de Zeal & Ardor. (Photo tmv)

Mais dans ce déluge de bons groupes, c’est le créneau de 17 h 35 qui va connaître la plus grosse folie, le plus beau moment du festival. Après « Sacrilegium I », intro quasi dubstep (qui n’annonce en rien le style à venir), le « groupe phénomène » du moment débarque sur scène, encapuchonné. Succès grandissant oblige, ZEAL & ARDOR est tellement attendu que la Valley déborde de monde. Les photographes accrédités sont obligés de se succéder par groupe de 20 et ce, durant tout le concert !

Et pendant 45 minutes, on va assister à un show extatique, extraordinaire, une jouissance musicale. Zeal & Ardor, porté par la voix proprement ahurissante de son frontman Manuel Gagneux, mélange blues, gospel et black metal ; il le nourrit de références occultes, mais aussi de « negro spirituals », ces chants d’esclaves dans les champs de coton. Il y a une fureur folle, un groove contagieux, un sens de la musicalité incroyable, un propos parfois mélancolique voire dénonciateur torpillant le racisme. Le groupe, agrémenté de deux choristes à la limite de la folie, est possédé. La communion avec le public est merveilleuse (le tube « Devil is fine », les applaudissements sur « Row Row », la folie enragée de « Servants »). On considérait déjà Zeal & Ardor comme la meilleure chose qui soit arrivée au metal depuis dix ans. Au Hellfest, le groupe a prouvé qu’il était aussi épatant que sidérant.

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Zeal & Ardor, travail soigné sur les lights et concert magique. (Photo tmv)

On fait le bilan

Au final, la 13e édition du Hellfest aura de nouveau tenu toutes ses promesses. Tout au plus regretterons-nous l’éternel problème de la sur-saturation du site et du réseau GSM (rendant bien difficile les « eh Bébeeert, t’es oùùùù ? »), ainsi que la venue de plus en plus importante de « touristes » uniquement là que pour montrer leur trombine ou leurs nouvelles espadrilles et parce que le Hellfest, c’est rock ‘n’ roll, voyez-vous Jean-Eudes.

Pour le reste, avec 60 000 festivaliers par jour, Hellfest confirme sa place d’incontournable en France et en Europe, et son statut de meilleur « festoche metal ». Le week-end a été un plaisir absolu.

Des retombées économiques

Les acteurs locaux ont bien compris le poids du Hellfest. Si le budget s’élève à plus de 20 millions d’euros (le festival, qui a un statut associatif, vit majoritairement grâce aux festivaliers), les retombées économiques sont de 5 millions d’euros pour la ville.

Pour bien finir les trois jours, c’est Joey DeMaio, bassiste de MANOWAR, qui est venu sur scène exprès afin d’annoncer la venue de son mythique groupe de heavy metal lors de la prochaine édition. Pour la première fois, l’organisation du Hellfest a dévoilé quelques noms de la prochaine édition : Slayer (leur ultime date française), Dropkick Murphys, Mass Hysteria et Carcass.

Rendez-vous en Enfer en 2019 !

PS : Merci à Ben, Roger, tout le crew du Hellfest et bien sûr, les bénévoles !
PS 2 : Oh, et l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Votre pote Modération, tout ça tout ça…

Reportage et photos : Aurélien Germain

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Tmv retournera au Hellfest l’an prochain, promis ! (Photo tmv)

Hellfest 2018 : bière, soleil et décibels (partie 1)

Comme chaque année, tmv est allé faire un tour au Hellfest, à Clisson, pour la grand-messe du metal. On commence par le samedi ! La suite, au prochain épisode !

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Le Hellfest, by night (Photo tmv)

Décidément, il faut croire que le Hellfest a de la chance avec la météo ! Cette année encore, pour sa 13e édition, le festival metal a bénéficié d’un temps d’enfer avec soleil et températures au top. D’autant que quelques jours avant, une partie du site se retrouvait gorgée d’eau en raison des pluies diluviennes. Mais le jour-J, le ciel bleu est au rendez-vous. Craignant une canicule bis qui avait frappé le Hellfest l’an dernier, l’orga avait prévu certains aménagements : notamment un « hell fresh » (espace brumisateur géant) et, « l’attraction » du week-end, deux immenses murs d’eau de 7 mètres pour se rafraîchir, les filets de flotte formant même le mot ‘’Hellfest’’ (!).

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Un des murs d’eau, récemment installés au Hellfest. (Photo tmv)

En raison d’un gros numéro à préparer (notre 300! #instantautopromo), ce n’est que le samedi qu’on arrive à Clisson, désormais capitale du metal en France. Si vous avez lu nos anciens reportages, vous connaissez la chanson : on prend notre petite navette pour grimper jusqu’au site. Ce jour-là, Clisson est d’ailleurs saturée de véhicules et de personnes qui attendent les navettes, car – grève des trains oblige – les festivaliers se sont organisés différemment.

Après récupération des pass, les portes de l’Enfer s’ouvrent à nous. Tout d’abord, il y a un monde fou (comme d’habitude, me direz-vous…) : Ben Barbaud, le big boss du Hellfest, a annoncé 180 000 personnes sur 3 jours. Va-t-on battre le record de consommation de bière cette année ? En 2017, plus de 350 000 hectolitres (environ 1,5 million de demis de binouze) avaient été bus aux bars du Hellfest en 3 jours !

Comme chaque année, un village à la Camden a été construit dans le festival. (Photo tmv)
Comme chaque année, un village à la Camden a été construit dans le festival. (Photo tmv)

Autre chose : le festival, toujours soucieux de se renouveler, a effectué quelques modifications pour améliorer le confort des chevelu(e)s. Au hasard, des pavés devant les mainstages pour éviter les nuages de poussière (on s’en souvient l’an dernier…), des écrans géants de 250 m², des nouvelles structures, de la pyrotechnie, un immense bar central et, changement notable, l’utilisation obligatoire du cashless, un système de paiement dématérialisé. Désormais, inutile d’avoir du liquide sur soi, on peut payer grâce à son bracelet de festival. C’est pratique et on a beaucoup aimé ! Notre banquier moins quand il verra nos dépenses…

Bon et côté musique, hein ? Eh bien c’est simple. Une fois encore, le Hellfest a tenu toutes ses promesses. Sur trois jours, se sont succédé grosses têtes d’affiches (Judas Priest, Avenged Sevenfold, Iron Maiden), groupes nous rappelant notre adolescence à skate (Marilyn Manson, Limp Bizkit, Deftones…), noms connus (A Perfect Circle, Suffocation, Bad Religion, Napalm Death…), d’autres moins (Malemort, Plebeian Grandstand, Bongzilla…) et autres surprises (Joan Jett et son célèbre I love rock’n’roll ou encore Redemption, plus jeune groupe passé sur la scène principale avec son batteur de… 9 ans !!!).

Le saviez-vous ? 

Le budget du Hellfest s’élève à 22 millions d’euros (le plus gros de France), dont 0,1 % de subventions publiques seulement.  «Le Hellfest est parvenu à se construire un modèle économique viable, car nous avons su fidéliser le public», a indiqué Ben Barbaud, son créateur.

Pas l’temps d’niaiser

Après une petite balade pour zieuter les aménagements, on écoute de loin L7, groupe américain exclusivement composé de femmes, qui fait déjà perdre quelques litres de sueur aux festivaliers par son rock endiablé.
Mais on se dirige vite vers la tente de la scène Temple, que les ORANSSI PAZUZU s’apprêtent à décimer. Il faut dire que la musique des Finlandais n’est pas pour toutes les esgourdes. D’une, parce que le groupe joue fort, TRES fort (visiblement 107 décibels, même à plusieurs dizaines de mètres de là) ; de deux, car leur black metal avant-gardiste plaît surtout aux amateurs d’expérimentation musicale. Leur musique est hypnotique. Les accords de guitare jouent sur un effet de répétition, sont distordus à coup de pédales multi-effets. Exigeant et riche. C’est une plongée dans un autre monde. Difficile d’accès, mais passionnant quand on y est.

Oranssi Pazuzu (Photo tmv)
Oranssi Pazuzu (Photo tmv)

Vite, on se dirige vers la Valley – notre scène / tente préférée – où arrive Ho99o9 (prononcez Horror). Une prise de risque pour le Hellfest, le groupe proposant une mixture fusion, où punk, hardcore et hip hop (oui, vous avez bien lu) copulent gaiement. Mais les plus sceptiques du départ vont vite se retrouver pris dans le tourbillon Ho99o9, les Américains mettant une sacrée claque au public. Déjanté, furieux, politique, le combo fait preuve d’une vicieuse férocité en même temps qu’une énergie cathartique. Les deux Afro-Américains à la tête d’Ho99o9 vont repartir sous des applaudissements plus que fournis. Et bim.

Pas l’temps d’niaiser, nous voilà repartis vers la Mainstage, la scène principale, investie par JONATHAN DAVIS. Le chanteur de KoRn s’y produit solo. Le public est donc au rendez-vous et mange dans la main du frontman le plus célèbre du neo metal. À ce titre, son projet rappelle à bien des égards son groupe originel, entre basses fréquences, groove contagieux et voix si caractéristique. Au final, c’est sympathique, bien torché, mais pas non plus inoubliable.

Body Count is in da house (mais Orange Goblin aussi)

L’enchaînement suivant va faire mal à la nuque. Sous la Valley, on retrouve ORANGE GOBLIN. Déjà vus lors de la fournée de 2015, les Anglais n’ont pas changé d’un iota : Ben Ward est toujours aussi impressionnant du haut de ses 2 mètres, il chante à merveille, a le sourire vissé aux lèvres et mène son groupe de stoner bouillonnant à la baguette. Les riffs de tueur s’enchaînent, tout comme les slammeurs qui donnent bien du fil à retordre aux agents de sécurité postés aux barrières. Une dérouillée comme on aime.

Au Hellfest, on aime la poésie (Photo tmv)
Au Hellfest, on aime la poésie (Photo tmv)

Dans la foulée, on tape un sprint pour assister à l’autre moitié du set des mythiques BODY COUNT. Emmené par Ice-T, célèbre rappeur que la populace connaît davantage pour son rôle dans New York Unité Spéciale, le groupe de rap-metal avait fait bien des frustrés il y a 3 ans lorsqu’il s’était produit sur la scène Warzone. Cette année, l’orga a eu le déclic : Body Count investit la scène principale devant un parterre noir de monde.
Audacieux (le set a débuté par une reprise du morceau le plus culte de Slayer), violent (Ice-T éructe ses paroles), alternant entre ses morceaux des 90s et de son dernier album (la tuerie « Black Hoodie »), haranguant la foule de discours politiques (le Black Lives Matter) les Américains font l’effet d’un tsunami.
Preuve que derrière les t-shirts noirs des metalleux se cache un petit cœur tout mou, c’est avec un grand sourire bébête qu’on assistera à la venue sur scène de la fillette d’Ice-T, âgée de 2 ans, pour que papa poule la fasse applaudir.

Juste après, le hit « Cop Killer » finira d’achever une foule exsangue. Oui, la transition était brutale, mais on ne savait pas comment terminer cette partie.

Le savoir inutile  

Cette année, nous avons pu croiser un homme déguisé en licorne, un Jésus, de faux gendarmes alcoolisés qui chantaient sur un toit, des familles et des gens de 6 à 666 ans, tonton Zegut, Nephael la présentatrice d’émissions à déconseiller aux moins de 18 ans, un monsieur à qui l’on tartinait de la crème solaire sur son entrejambe tandis qu’il dormait, une mamie rockeuse et des bénévoles super sympas.

Il est déjà 21 h 05 : DEFTONES est là pour balancer la sauce. L’un des fers de lance du neo metal est visiblement attendu. La masse grouillante s’agite devantla set list parfaite aux allures de best of. Les ricains dégoupillent les grenades (« My own summer (shove it) » en déboulant) mais il manque un petit quelque chose à tout ça. Chino Moreno, au micro, semble souffrir, la prestation vocale s’en ressent. De plus, après notre enchaînement Orange Goblin / Body Count, force est de constater que la partoche jouée par Deftones semble un peu molle.

Show chaud

La grosse baffe du jour arrive à 21 h 50. DEAD CROSS débarque sous les vivats du public. La tornade qui va s’abattre sur la Valley fait l’effet d’une gifle (on a même tendu la joue droite car on aime ça). Au micro, Mike Patton – également chanteur de Faith No More – est aussi barré qu’hystérique. À la batterie, Dave Lombardo (batteur de Slayer) est une véritable machine. Le groupe sue et aère son propos régulièrement en balançant des vannes (Johnny Depp, présent la veille en concert, en prend pour son grade) ou en faisant monter un gamin d’à peine 8 ans sur scène pour chanter avec lui ! Dead Cross est une expérience, la créature sauvage d’un fou. Bref, Dead Cross défouraille sévère comme dirait Mamie Joséphine.

Dead Cross. (Photo tmv)
Dead Cross. (Photo tmv)

On n’en dira pas autant de LIMP BIZKIT, figure clé du neo metal / rap metal. Alors oui, la bande à Fred Durst (dont le style façon sac à patates sous LSD nous interroge) fait preuve d’une maîtrise scénique sans faille, écrase la foule sous un mur du son et est capable de balancer des torgnoles à tout va. Mais alors qu’il ne bénéficie que d’une heure de jeu, le groupe nous refait le même coup qu’en 2015 en proposant une set list ridicule, composée à plus de 30 % de… reprises. Pourtant, Limp Bizkit a en sa possession une multitude de trésors. Mais non, torpillant son répertoire, il laisse la place à des covers inutiles de Nirvana, Metallica ou de Rage against the machine (qu’on adore au passage). Un ventre mou qui a le don d’exaspérer, mais qui au moins nous aura permis de faire du air-guitar avec un inconnu sous les murs d’eau (désolé, on va garder les vidéos pour nous). Une déception.

De déception, en revanche, il n’en est point question avec WATAIN. Les Suédois vont mettre le feu et donner une leçon aux allures de coup de pied aux fesses. Scéniquement déjà, c’est exceptionnel. Des tridents enflammés, des croix renversées et des lumières rouges plongent l’endroit dans les entrailles de l’Enfer. Musicalement, la bande à Erik Danielsson est en béton armé. Leur black metal malsain et rapide est d’une violence inouïe. Les guitares véloces se noient dans un déluge de double pédale, pendant que le leader vomit sa colère. Le show est éreintant, le public épuisé. Watain est venu, a vu, a vaincu.

Dans l'espace presse/VIP, une fontaine couleur rouge sang a été installée (Photo tmv)
Dans l’espace presse/VIP, une fontaine couleur rouge sang a été installée (Photo tmv)

Casser la voix

Autant dire que la fin de soirée avec AVENGED SEVENFOLD va nous laisser un goût amer… Tête d’affiche de ce samedi, le mega-groupe US aux plus de 8 millions d’albums vendus déboule sur scène avec la ferme intention de… ben, de rien du tout. « A7X » est en pilotage automatique, les musiciens semblent s’ennuyer mortellement (mention spéciale à Zacky Vengeance qui aurait pu jouer au Scrabble que c’était la même chose). Certes, musicalement, c’est joué à la perfection (Synyster Gates est un excellent guitariste), les éléments visuels et la déco est réfléchie et les membres d’A7X sont tout choupinets comme tout (on fait très attention à son brushing). Certes, le groupe a également pensé à rendre hommage à Vinnie Paul, batteur de Pantera, décédé la veille. Mais pour le reste, on a surtout l’impression d’un groupe venu cachetonner.

Dans le naufrage, le bateau continue de sombrer lorsque M.Shadows annonce avoir la voix trop cassée en raison de trois concerts d’affilée. Au moment « Nightmare », il fait donc monter un festivalier du public sur scène pour chanter (pas très bien, mais on salue le courage) ce tube devant des dizaines de milliers de personnes ! De quoi finir de plomber l’ambiance. Dommage.

La nuit est tombée, le traditionnel feu d’artifice zèbre le ciel clissonnais. Il est temps d’aller dormir dans la voiture, le dos cassé en deux, les crochets de ceinture dans les reins et une odeur de bière nous imprégnant le corps. Romantique, on sait.

>>> Retrouvez la suite de notre reportage au Hellfest avec la journée du dimanche !

La décoration du Hellfest est stylisée à l'extrême (Photo tmv)
La décoration du Hellfest est stylisée à l’extrême (Photo tmv)

Reportage et photos : Aurélien Germain

La face cachée du musée des Beaux-Arts

Les Tourangeaux croient tout connaître du musée des Beaux-Arts. Mais derrière l’élégante façade classique, un autre monde se cache. Nous l’avons visité.

REPORTAGE_OUVERTURE_1

Mardi, le musée est fermé mais Éric Garin, notre guide particulier nous attend. Diplômé en histoire de l’art et conférencier, Éric travaille au musée depuis 2002. Dire qu’il est passionné par le lieu est faible, il en parle avec une telle verve qu’on lui conseillerait de lancer sa chaîne YouTube. Succès assuré !

Éric connaît le bâtiment et beaucoup de ses secrets, mais nous explique-t-il, cette histoire est pleine de trous : les archives ont été brûlées en 1792 sur le parvis de la cathédrale, ce qui en restait sera achevé par les bombardements de 1940. Depuis, il tente de reconstituer la longue histoire du palais des évêques de Tours. Nous entrons d’abord dans le souterrain qui nous plonge dans le passé gallo-romain de la ville. Le palais épiscopal s’appuie contre le rempart du IVe siècle ; la société de consommation n’étant pas encore née, ses constructeurs l’ont bâti avec des pierres récupérées à droite et à gauche.

Eric, le guide !
Eric, le guide !

On peut ainsi reconnaître un tronçon de colonne ou le fronton de temple gallo-romain. Le mur semble fait de bric et de broc mais il résiste depuis quinze siècles, malgré quelques fissures. Si cette galerie est ouverte à la visite une fois par mois, la cave reste cachée au public. Les Allemands la transformèrent en bunker et y installèrent leur central téléphonique pendant la Seconde Guerre.

« D’autres parties du bâtiment ont subi des reconversions un peu rock’n’roll », nous explique Éric en quittant les catacombes. Ainsi, les cuisines n’abritent plus de marmites ni de cochons rôtis mais l’atelier d’encadrement. Même surprise dans la chapelle privée des évêques. Commandée à Louis de Galembert vers 1865, c’est une belle vitrine de l’art religieux tourangeau. Les vitraux sont signés de la célèbre manufacture Lobin, le plafond en coupole présente des mosaïques dorées à la mode byzantine, très en vogue à la fin du XIXe siècle, et les portraits des premiers prélats de Tours : Baldus, Volsinus, Perpetus (notre préféré, parce qu’il a l’air gentil).
La pièce héberge aujourd’hui la collection de dessins, conservés dans de grands cartons noirs. Éric souligne : « Nous avons plus de 5 000 dessins, des Boucher, des Werner, des Delacroix… »

17 000 pièces dans les réserves

Le musée regorge de trésors cachés de toutes les époques, dont beaucoup ne sont jamais exposés, faute de place. Plus de 17 000 pièces dorment dans les réserves : argenterie, faïences, fauteuils, commodes, tableaux, sculptures, lustres, horloges, vases et même une armure japonaise.
Les Beaux-arts fournissent d’ailleurs la préfecture ou les services de l’État en meubles et objets de décoration. La majorité des collections sont conservées dans les nouvelles réserves à Chambray mais quelques pièces sont encore entreposées dans la salle du synode, qui attend d’être rénovée pour être rouverte au public. Cette pièce bordée de colonnes accueillit les États généraux du royaume en 1468 et 1484. Sa hauteur sous plafond permet d’y accrocher des tableaux monumentaux et d’y organiser des concerts. Il fait bon, dans la chapelle colorée et lumineuse mais pas question de rester traîner à feuilleter les croquis et les sanguines.

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Nous retraversons le bâtiment, découvrons un escalier dérobé caché dans le plancher puis Éric ouvre une petite porte et nous quittons les coulisses pour déboucher dans une salle du musée, juste dans le dos d’un petit tableau carré enchâssé dans une niche. C’est un Rembrandt, l’un des joyaux du musée. À peine le temps de le photographier et d’admirer une grisaille accrochée à sa droite, notre guide nous entraîne jusqu’au grenier. Là, sous la charpente du XIIe siècle, des rangées de cadres dorés attendent leur heure. « Restez bien sur les solives, nous prévient Éric. Un gardien s’est tué en passant à travers le plancher. »

PORTFOLIO_SALLES_3Les statues oubliées nous regardent marcher sur les poutres comme des enfants de 5 ans en cours de gym. Tout est silencieux. La vue sur le jardin est magnifique. Presque quatre heures déjà que nous explorons les lieux. Même si notre rêve serait de passer la nuit au musée, il faut partir. Au-détour d’un couloir, nous apercevons un échafaudage : Catherine Pinvert, la régisseuse, et deux employés des services techniques de la Ville s’affairent à réinstaller des oeuvres. Il faut compter une à deux journées de travail par salle pour leur rendre leur visage originel après une exposition temporaire.
À l’inverse, au rez-de-chaussée, les techniciens et les organisateurs préparent l’exposition Sculpturoscope, réalisée en partenariat avec le Centre d’études supérieures de la Renaissance (CESR) et le Laboratoire d’Informatique Fondamentale et Appliquée de Tours (LIFAT). La majesté de la salle Richelieu nous arrête une dernière fois. Les peintures de batailles, la table massive, les bustes antiques… Il nous semble entendre le son du canon et le claquement des bottes du Cardinal. Travailler au musée, c’est baigner dans cette ambiance hors du temps, naviguer entre la collection de primitifs italiens et les installations de Calder exposées au dernier étage.

Éric, qui a longtemps travaillé sur le bureau de Georges Courteline himself, aime ce voyage incessant. « Tout est intéressant. Même les périodes dites de régression ou le style “ pompier ”. C’est tellement humain ! Quand l’homme disparaît, la peinture, la sculpture, l’architecture, sont ce qui nous reste et qui nous raconte son histoire. »

> Le musée est ouvert tous les jours, de 9 h à 12 h 45 et de 14 h à 18 h. Fermé le mardi.

Texte : Elisabeth Segard
Photos : Julien Pruvost

> > Retrouvez notre portfolio intégral dans le numéro 288 de tmv < < 

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Quand l’Aubrière va à « Volo »…

Volo, groupe de chanson française qui écume les scènes depuis 2005, animait fin février, son quatrième stage d’écriture de chanson à l’Aubrière de Fondettes, dans le cadre du festival Mot d’hiver. Nous nous sommes glissés parmi les stagiaires et nous avons passé quatre jours avec eux.

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Fredo entre dans la petite remise encombrée qui sert de loge à la salle de l’Aubrière, dans le bourg de Fondettes. Il a le sourire rassurant et un petit regard pour chacun. À l’autre bout de la pièce, son frère Olivier met la main aux derniers préparatifs. « Bon, les amis, on a une grosse moitié de salle, ce soir. » Puis, faisant mine de tenir une guitare entre ses mains : « On a bien les textes, les accords et tout… Le plaisir, c’est le plus important et… Bravo à tous ! »

Des applaudissements fusent et les deux frères Volo prennent dans leurs bras, un par un, les seize participants à ce quatrième stage d’écriture organisé dans le cadre du festival Mots d’hiver. S’en suit une avalanche de câlins entre les stagiaires eux-mêmes. « Bon spectacle ! » « Elle est trop belle, ta chanson », « Fais comme si tu chantais pour un copain ». Il faut faire tomber la tension, tandis que dans la salle, remplie bien plus qu’à moitié en fait, le public prend place tranquillement.

Rien de ce qui sera chanté ce soir n’existait quatre jours plus tôt. Pas la moindre note, pas le premier couplet. Et les artistes du jour, pour la plupart, ne sont pas des professionnels. Tous se sont rencontrés, le mardi même, par un matin plus que frisquet dans la bibliothèque de l’Aubrière. Ils avaient posé des guitares partout, un ukulélé, un accordéon, un violon et même un cajon, drôle de caisse en bois qui imite le son de la batterie. PAUSE_VOLO05
Les frères Volo étaient arrivés tout emmitouflés, tout le monde avait pris un café puis s’était assis un peu au hasard autour d’une grande table en U. L’un après l’autre, ils avaient dit d’où ils venaient, les chansons qu’ils aimaient, comment ils avaient l’habitude d’écrire. Emmanuel avait dit qu’il n’arrivait jamais à finir une chanson, qu’il écrivait des bouts de textes, comme ça. Léo et Tom, les jumeaux du nord avaient expliqué qu’ils jouaient souvent ensemble, qu’ils avaient un petit répertoire déjà, mais qu’ils ne savaient pas trop.

POUVOIR DE LA CRÉATION

Laëtitia avait avoué dans un sourire qu’elle avait commencé la guitare deux mois plus tôt. Il y avait aussi Chloé, Aurore, Caroline, Sandy, David, Elsa, Sandrine, Noémie, Sophie, Aurélien, Audrey… Ils venaient de Tours, de Nantes, de Montpellier, de Clermont-Ferrand… Olivier avait expliqué les règles du jeu : « Souvent, on doit écrire pour quelqu’un d’autre et sur un thème précis. Nous avons donc choisi quatre thèmes : l’amour, le quotidien, le temps qui passe et la mort. Il y a aussi quatre tranches d’âge : 16-25 ans, 25-35 ans, 35-60 ans et 60 ans et plus. Enfin, vous écrirez soit pour un homme soit pour une femme. » Quelques minutes plus tard, chacun était reparti avec ses contraintes à la recherche d’une capricieuse inspiration, quelque part dans la bibliothèque, dans les salles de répétition ou dans la petite maison à l’autre bout de la cour.

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Sophie, l’instit’ chantante avait déplié son petit cahier rouge. Elle s’était mise à griffonner en silence, prenant bien soin à ce que personne ne la remarque. Chloé s’était isolée dans la salle du haut, avec sa guitare, son ukulélé et son enregistreur numérique, Sandrine et Sandy avait chaussé leur casque. Caroline avait séché et avait cru ne pas y arriver. Et le miracle avait eu lieu. Quelques heures plus tard, Fredo dans son petit bureau d’où montait par intermittence les accords, peutêtre, du prochain album des Volo et Olivier dans la bibliothèque avaient reçu les premiers débuts, les premières bribes. Ils avaient écouté, ils avaient souri, ils avaient conseillé. Et, le jeudi matin, après plusieurs rendez-vous manqués (pas tout à fait prêts…), tout le monde avait écouté les chansons des autres, autour de la grande table en U.

Et tout le monde avait pris une sacrée claque. On se connaissait mieux déjà, pour avoir partagé des repas, des bouts de moments, des fous rires ou des couplets de Barbara, mais il restait l’intime de la création à découvrir.

CHANSON ET ÉMOTION

Chloé avait fait couler sur les joues de David de belles larmes rondes, Sophie avait ému Sandy et toute la tablée avec son hommage au fils qui n’était jamais venu. Léo l’avait fait rire avec sa visite à l’agence locale des pompes funèbres. Emmanuel avait réussi à finir sa chanson, pour une fois. Et quelle chanson… Tom avait le début d’un morceau. c’était bancal et pas fini, mais Olivier y croyait dur., Puis, au cours de la journée, on avait tout mélangé. Audrey était venue faire les choeurs chez Aurore. Caroline avait posé un violon sur la chanson de Sophie et finalement, non. Elsa avait laissé sa guitare à David et Léo était venu poser trois notes de glockenspiel dessus. Puis, on s’était retrouvés le vendredi midi. Il n’y avait plus de bribes alors. Il y avait des chansons. On leur avait donné des titres, on avait encore gommé quelques petites choses. « Je vais vous embêter un peu avec les textes », avait prévenu Fredo d’emblée.

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Ensuite, tout était allé très vite. La salle de l’Aubrière, où chacun savait qu’il avait un rendez-vous à honorer était devenue le centre du monde. Les techniciens étaient venus : son au top, lumière impec, des conditions de pros. Olivier avait tout bordé. « Tu joues assis ? Debout ? Le pupitre, tu le veux où ? Combien de micros pour les chœurs, sur ton morceau ? »
Ils avaient mis de la fumée sur la scène, tout le monde avait chanté sa chanson, dans les conditions du spectacle. Et puis, on s’était retrouvé là. À se faire des câlins dans la loge, faisant mine de ne pas entendre le murmure du public. « C’est Caro et Sophie qui attaquent », dit Fredo.

Et le noir se fait et le spectacle commence. Une des seules pros de la bande, Caro scotche les spectateurs avec sa jolie morte qui reproche à son compagnon d’avoir bâclé le décor de son enterrement. Des rires, des frissons. Les titres et les applaudissements chaleureux s’enchaînent. À la fin arrive Tom accompagné à la guitare par son frère Léo. Il avait raison d’y croire, à sa chanson en chantier, Olivier. « Youpi, Youpi, j’suis sans abris. Year, year, c’est cool d’être à la rue ! », il swingue l’ironie des temps dans une chorégraphie improbable. Il vit sa chanson. Il emporte tout. Et tout le monde revient saluer. Rideau sur les mots d’hiver. Jusqu’à l’année prochaine, sa nouvelle brassée de stagiaires et son lot de petites perles chantées.

A l’école du Parkour et du freerun

Course, saut et escalade : le parkour est l’art du déplacement en utilisant le mobilier urbain. Une école a ouvert à Saint-Pierredes- Corps et forme les yamakasi de demain.

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Le Parkour ? « C’est se déplacer de la manière la plus efficace et rapide possible d’un point A à un point B », dit Charles Brunet, ici en photo. (Photo instagram.com/haiscorentin)

Le soleil tombe doucement. Saint-Pierre-des- Corps grelotte avec quatre petits degrés en cette fin février. La fraîcheur enveloppe les ateliers de la Morinerie. Dans ce hangar, un couloir où s’alignent des locaux d’artistes. La douce quiétude est troublée par le roulement d’un skateboard qui se dirige vers le fond. Sur sa planche, Martin, jeune ado blond aux petites lunettes, aussi relax qu’un surfeur californien. Passé une porte où est collée une affiche West Coast Academy, il se dirige vers de grands échafaudages.
Dix secondes plus tard, il s’y balance, s’accroche, grimpe avec une aisance et une souplesse déconcertantes, sous l’oeil bienveillant de son mentor, Charles Brunet.

Ce trentenaire tourangeau de l’asso Gravité Zéro/Parkour37, membre de la team West Coast Academy, est un « traceur » pro qui a ouvert, en octobre 2017, une école de parkour, la première de la région. Un sport pour les adeptes de la liberté du corps et du déplacement. De quoi ravir Martin : « Ici, c’est un peu ma deuxième maison », se marre-t-il. « C’est toujours encadré, donc je peux me surpasser. »

L’école compte plus de 200 licenciés, âgés de 9 à 30 ans. (Photo Julien Pruvost)
L’école compte plus de 200 licenciés, âgés de 9 à 30 ans. (Photo Julien Pruvost)

Le cours va commencer. La voix de Charles résonne dans la salle de 400 m². Le cadran à LED au mur affiche 17 h 29 et 58 secondes. « J’avais bien dit que c’était 17 h 30 pétantes », sourit-il. Cet endroit est un rêve devenu réalité. Créé avec trois fois rien : « Après avoir galéré à trouver un lieu, un ami m’a conseillé les ateliers de la Morinerie. Le local n’était pas cher. »
Pour le matériel ? De la récup’ pour les palettes, une structure achetée à Amiens pour les échafaudages et « un grand merci à l’asso de gym de Saint-Pierre qui nous a donné certains tapis et matelas. » Soit un lieu d’entraînement idéal avant d’affronter la rue et son mobilier urbain.

NINJA WARRIOR ET ACROBATIES

Charles Brunet, prof et pro du parkour, pratique depuis 15 ans. Sa chaîne YouTube compte 67 000 abonnés. (Photo instagram.com/haiscorentin)
Charles Brunet, prof et pro du parkour, pratique depuis 15 ans.
Sa chaîne YouTube compte 67 000 abonnés. (Photo instagram.com/haiscorentin)

Tandis que Charles retrace l’histoire, Léonard, en stage ici, est en charge de l’échauffement. Poignets, coudes, genoux, chevilles, cou et nuque : tout y passe. Et c’est parti ! Par petits groupes, les jeunes élèves sautent par-dessus des blocs, s’accrochent à des hauteurs inimaginables, enchaînent roulades, « sauts de chats » et saltos. « Ouais, c’est un peu Ninja Warrior », sourit Charles, avant de charrier un apprenti qui enchaîne les pirouettes au-dessus d’un gros cube en mousse : « Si tu touches l’obstacle, c’est cinq pompes ! »
L’ambiance est bon enfant, la fraîcheur du hangar est oubliée. On s’entraîne dur. Corentin, par exemple, avec ses saltos arrières hallucinants. Il a 17 ans et pratique depuis 7 mois. Comme le prouvent ses figures, sa préférence va au freerun. « C’est une variante qui implique des acrobaties en plus. Le freerun embellit le déplacement en parkour », nuance cet ancien fan de BMX et de trottinette freestyle. Le sourire aux lèvres, engoncé dans son maillot bleu, Corentin triture sa petite barbe et s’amuse de ses débuts, lorsque, tout petit, il « grimpait déjà aux arbres ». Maintenant, c’est sur les murs en ville.
« En fait, je m’adapte aux autres dans la rue. Si quelqu’un n’avance pas devant moi, je me dis tout de suite : tiens, et si je le dépassais plutôt en m’accrochant à ce rebord de fenêtre ? Le parkour me fait découvrir la ville différemment, c’est un deuxième point de vue. Tout se joue au mental… et je n’ai pas peur du béton ! ».

L’heure tourne et c’est déjà bientôt la fin du cours. Subejan, 13 ans, le bonnet enfoncé sur la tête laissant choir ses longs cheveux, continue les figures sans s’arrêter. Trois ans de pratique, mais capable de surmonter n’importe quel obstacle et visiblement à l’aise aussi bien en parkour qu’en freerun.

Seul équipement nécessaire pour pratiquer le parkour ? De bonnes chaussures ! (Photo Julien Pruvost)
Seul équipement nécessaire pour pratiquer le parkour ?
De bonnes chaussures ! (Photo Julien Pruvost)

Les autres élèves s’enflamment, c’est le moment du « floor is lava » [le sol est de la lave, NDLR]. Exercice fendard : interdiction de toucher le sol avec ses pieds. Les bras sont mis à rude épreuve, on saute de bloc en bloc, les chevilles arrêtent les corps, les muscles amortissent les chutes, les pieds ne doivent pas se placer trop haut. « Ça peut être dangereux », souffle Charles. Sous leurs airs de casse-cou, les traceurs sont prudents et font preuve d’une grande maîtrise. Charles est comme un grand frère. Il chapeaute et conseille.

Les étirements indispensables. Ici, avec Subejan, 13 ans. (Photo Aurélien Germain)
Les étirements indispensables. Ici, avec Subejan, 13 ans. (Photo Aurélien Germain)

« Ici, on donne nos expériences et on découvre sa voie. La technique est là, ils travaillent maintenant leur autonomie et leur créativité. » Plus qu’un sport urbain, le parkour est une philosophie. L’association le rappelle d’ailleurs sur sa page internet : « Notre état d’esprit est l’entraide, le partage et la persévérance. » Trois valeurs respectées au pied de la lettre à l’école du parkour.

> En savoir plus : facebook.com/Parkour37000 ou pk37.weebly.com pour les cours et stages

> Vidéos : youtube.com/user/gravitezer0

Reportage : Aurélien Germain

L’équilibre parfait pour un traceur ? Souplesse et puissance. (Photo Aurélien Germain)
L’équilibre parfait pour un traceur ? Souplesse et puissance. (Photo Aurélien Germain)

Dans les coulisses de la rédac de tmv

[Spécial #AssisesDuJournalisme] À l’occasion des Assises du journalisme qui se dérouleront à Tours du 14 au 17 mars, tmv a souhaité vous ouvrir les portes de sa rédac, afin de découvrir un quotidien fait de café, de sujets à trouver, d’amour et d’astrologie bidon. 100 % authentique… ou presque !

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Passer les portes de tmv pour découvrir comment la rédac’ fonctionne, peu y ont eu droit, si ce n’est quelques stagiaires courageux, attirés par notre antre… et qui ne sont plus jamais revenus (on recherche toujours l’apprentie- journaliste disparue dans nos couloirs en juin 2014 d’ailleurs. Envoyez OUPS au 6 15 15).

Pour le reste, le commun des mortels ne sait pas vraiment ce qui se cache derrière nos murs et quels sont les sombres secrets qui émaillent le quotidien des journalistes. On croirait presque être dans un épisode d’Enquête exclusive. Mais sans drogue, prostituées et Bernard de la Villardière, contentons-nous de vous décrire l’envers du décor.

LE LUNDI, PAS DE CHICHIS

Le réveil sonne, le journaliste de tmv grogne. Nous sommes lundi, le pire jour de la semaine pour tout humain normalement constitué. Le premier oeil s’ouvre. Il est (trop) tôt. Le deuxième oeil s’ouvre. Il est (trop) tard. Le journaliste de tmv arrive donc généralement en trombe (non, pas « en retard », mauvaises langues !) au bureau. Les locaux sont situés au siège de La Nouvelle République, avenue Grammont, en face du carrefour de Verdun, merveilleux endroit où les voitures ont l’incroyable occasion de parcourir 200 mètres en 1 h 43.

Mais pas l’temps d’niaiser, comme diraient nos amis québécois. Le lundi, c’est bouclage du prochain numéro. Chez nous, la semaine commence donc par… la fin ! Une agréable journée, durant laquelle les journalistes s’aiment, rient et s’embrassent (ou pas)… tout en quémandant au dernier moment de multiples changements à des maquettistes d’une patience indescriptible.
Habituellement, c’est durant la matinée que sont réalisées les pages « chaudes » (l’actu tourangelle et internationale en début de journal). Ainsi que les corrections et, plus tard, le travail sur la une : tragique moment où, fatigue de fin de journée oblige, le dérapage n’est jamais très loin. C’est ainsi que vous échappez, parfois de peu, aux titres à jeu de mot honteux.

19 h 30, c’est la deadline. C’est à cette heure-ci que le journal part à l’impression. Là, plus rien n’est possible. Beugler « stoppez les rotatiiives ! » comme une vache limousine en fin de vie ne changera rien. Si erreur ou coquille il y a, elle y restera. Et le responsable culpabilisera le restant de la semaine, flagellé par des collègues psychopathes (1) munis de branches d’orties.

(1) D’après une étude du psychologue Kevin Dutton, le métier de journaliste est à la 6e place des professions où l’on trouve le plus de psychopathes. Désolé.

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DES SUJETS ET DU CAFÉ

Le lendemain – mardi pour celles et ceux du fond qui n’auraient pas suivi – se décompose en deux gros morceaux. Durant une matinée, c’est la mise en ligne : le journaliste de mauvaise humeur (pléonasme) poste et réalise la mise en page des articles à paraître sur le site internet.
Bugs de WordPress, arrêts intempestifs, photos introuvables et autres joies technologiques font du mardi matin un moment d’allégresse jamais ô grand jamais ponctué de vilains mots grossiers. C’est le mardi après-midi que se déroule la conférence de rédaction. Soit le moment fatidique où sont choisis les sujets qui se trouveront dans les numéros à venir. Pour y survivre, il vous faut un bloc-notes, des stylos, quelques litres de café, une canette d’une boisson-avecun- taureau-qui-vous-donne-des-ailes et du jus de cerveau. La réunion ressemble à un brainstorming d’une heure à une heure trente.

En tant que journalopes illuminati reptiliens à la botte du pouvoir, nous essayons de proposer des articles aussi divers que variés, de la culture à la santé, en passant par des sujets société ou économiques. Tout en nous imposant une ligne directrice : s’adresser à tout le monde, défricher, faire découvrir, en faisant le travail sérieusement mais avec un ton décalé.

L’HOROSCOPE : JE T’AIME, MOI NON PLUS

Tantôt adorée, tantôt haïe, cette rubrique déjantée ne laisse pas indifférent. Il y a eu des mails d’amour, des remerciements et des « qu’est-ce que vous nous faites rire ». Et il y a eu des messages d’insultes, des courriers nous ordonnant « d’arrêter la fumette » et même une menace de traîner l’astrologue au tribunal, car « certaines personnes pourraient se sentir visées et humiliées » (sic).

Le secret de fabrication est donc bien gardé. Pourquoi tant de haine ? L’astrologue bénéficie-t-il d’un garde du corps ? Lit-il vraiment dans les entrailles des stagiaires ? Est-il humain ou un hommecrabe ? Pourquoi s’en prend-il au Bélier ? Pourquoi les Sagittaires sontils à la fois chouchoutés et tourmentés ? Mystère. Tout juste peut-on vous dire que la personne en charge de l’horoscope s’appelle (oups, problème de clavier).

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RESTO, BOULOT, DODO

Le reste de la semaine, la fine équipe prépare, rédige et construit le futur numéro. Au programme : des rencontres et des interviews avec des figures locales ou de parfaits inconnus à mettre en lumière ; des disques à écouter ; des films à chroniquer ; des coups de fil à passer ; des personnes à qui répondre sur les réseaux sociaux ou au téléphone (quand nous ne sommes pas sur le terrain) ; des reportages passionnants à réaliser ; des restos à tester anonymement sans annoncer notre venue avant, on le rappelle (même si, on le sait, les journalistes sont tous vendus et corrompus).

À côté de cela, il faut s’entretenir avec les éventuels pigistes ou Giovanni, alias Crayon-Qui-Tue, qui s’apprête à pondre son dessin piquant. Il faut également organiser des batailles sanglantes dignes du Seigneur des anneaux avec nos collègues de NR Communication en charge de la publicité pour tmv, ou encore construire le chemin de fer du numéro, c’est-à-dire l’ossature du journal page par page.
Alors que le nouveau numéro de tmv vient de sortir, il est distribué dans les rues par nos streeters d’amour, bravant les obstacles comme le froid, la canicule, la pluie, la tempête ou les fans de Kev Adams.

Mais la page est déjà tournée : la rédac’ ne pense plus au petit dernier et se concentre sur la prochaine édition. Les yeux rivés vers le bouclage du lundi. C’est reparti pour un tour, en espérant une fois encore que le nouveau numéro de tmv sera un plaisir pour les lecteurs.

Récit : Aurélien Germain
Illustrations : Giovanni Jouzeau

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Hellfest, 13e édition: rendez-vous en Enfer

C’est devenu notre petit péché mignon, un rituel, une habitude : chaque été, tmv déménage au festival de metal Hellfest, à Clisson près de Nantes. La 13e édition se jouera à guichets fermés, du 22 au 24 juin.

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Un festival de tous les records… Cette année encore, le Hellfest a créé la surprise. En octobre dernier, le festival clissonnais a écoulé ses 55 000 pass 3 jours en une trentaine d’heures… sans même que la programmation soit connue ! Pour la troisième fois de suite, le Hellfest a donc affiché complet neuf mois avant le début des hostilités, sans avoir divulgué un seul petit groupe.

Rebelote en février, lorsque les pass une journée ont été mis en vente (cette fois, avec l’affiche dévoilée bien évidemment). Des sésames qui sont partis comme des petits pains en quelques heures.

Bref, l’engouement est total et la renommée du Hellfest n’est plus à prouver. Récemment, la Bête a été élue « meilleur grand festival » aux Festivals Awards France. Parmi 200 inscrits, le Hellfest s’est de nouveau distingué en grimpant sur la première place du podium, en chipant en même temps la première place aux Vieilles Charrues.

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Pour cette 13e édition, placée sous le slogan « You can’t control it », plus de 150 groupes vont se succéder durant trois jours, sur six scènes différentes, dans un cadre de rêve (pour les amoureux du triptyque bière/décibels/metal, bien sûr).

Au menu ? Trois têtes d’affiche, évidemment, avec deux British bien cultes : Iron Maiden et Judas Priest. Mais aussi du gros spectacle ricain avec Avenged Sevenfold. D’autres grands noms fouleront aussi les scènes principales, comme Marilyn Manson, Limp Bizkit, Europe, Megadeth mais aussi les plus rares A Perfect Circle !

Pour le reste, on se délecte aussi – et surtout – des autres formations qui nous font de l’oeil, du pied et tout ce que vous voulez : le rap metal énervé de Body Count, les mythiques punks de Bad Religion, le pachydermique Neurosis, les mystiques Batushka, le thrash culte d‘Exodus, la beauté spleenétique d’Amenra, le romantisme avec Napalm Death et Suffocation ou encore les très très très (rajoutez-en autant que vous le souhaitez) attendus Zeal & Ardor, notre chouchou de l’affiche.

En juin 2018, la rédac de tmv se délocalisera donc, comme chaque été, à Clisson. Notre journaliste ira plonger sa chevelure houblonnée et ses Doc boueuses dans la grande messe métallique, pour vous rapporter quelques souvenirs. Vous pourrez retrouver notre reportage, nos photos et nos vidéos quelques jours après le festival. On s’y retrouve ?

> Infos sur http://www.hellfest.fr/

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Cliquez pour agrandir l’affiche

A l’Escat, les étudiants font leur cinéma

Ambiance studieuse au sein de la nouvelle école de cinéma de Tours. Les tout premiers élèves de l’Escat se préparent à partir en tournage. Action !

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« Silence, ça tourne ! », demande Aude, réalisatrice en herbe, derrière un cameraman et un patient improvisé, allongé sur une table. « Fais un plus gros plan. Il ne faut pas qu’on la voie dans le champ », avance-t-elle à son camarade, un poil autoritaire. Aude le sait, sur un plateau, c’est chacun sa place.

À ses côtés, Jérémy, premier assistant. Il note l’avancée des prises et répond aux demandes de sa « réal ». Un autre trépied pour la caméra ? Il l’a. Libérer une salle ? Il s’exécute. Discret, son histoire personnelle aurait pourtant de quoi inspirer ces Luc Besson de demain. « J’étais pâtissier-boulanger mais j’écris depuis longtemps des scénarios. J’ai inventé ma première pièce en CE2, se souvient le jeune homme de 19 ans qui finance seul sa formation à l’Escat. Travailler dans le cinéma c’était un rêve, mais avant, j’ai travaillé un an en Angleterre et j’ai aussi appris beaucoup auprès de grands chefs-pâtissiers à Paris. Revenu à Tours, c’est là que j’ai vu qu’une école de cinéma allait ouvrir. J’étais le premier à appeler la directrice. »

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Comme Jérémy, 53 autres élèves ont été sélectionnés pour faire partie de la première promotion de l’Escat, à Tours-Nord, dans les anciens ateliers des Compagnons du Devoir. Âgés de 17 à 28 ans, ils viennent essentiellement de Tours. Cet après-midi-là, la moitié d’entre eux prépare le tournage de leur troisième court-métrage de l’année. L’autre moitié de la promotion étant déjà partie enregistrer. Tout l’espace a été investi : les deux classes, l’espace cuisine, le « foyer », le plateau… Divisés en quatre groupes, ils ont deux heures pour tourner les plans d’un court-métrage de cinq minutes.
Armé d’une « Sony PX-70 », comme on dit dans le jargon, d’une perche et d’un micro, un groupe s’est enfermé dans une salle de classe. C’est Cassandre la réalisatrice. Derrière ses grandes lunettes rondes, elle surveille attentivement le déroulement de la scène dans l’écran de la caméra. Le livreur sonne (enfin… fait semblant), un homme ouvre, un pistolet dans le dos, il prend le paquet et referme la porte. « Coupez ! C’est l’histoire d’un soldat traumatisé par la guerre qui ne trouve pas le sommeil, résume Cassandre. Nous allons tourner dans un appartement la semaine prochaine et un magasin de surplus militaire nous prêtera des éléments de décor. » NEWS_ESCAT (5)

De l’autre côté du couloir, dans la cuisine, autre histoire, autre ambiance : un prisonnier qui sort de prison veut tuer son père… et coupe des oignons avec un énorme couteau. Effrayant. Tout comme l’aiguille qui tourne alors que le groupe n’a filmé qu’un tiers des plans prévus. Dans 20 minutes, ils devront passer au montage pour avoir une idée du résultat et réajuster, voire totalement modifier leur plan de bataille.
« On les met constamment en difficulté de tournage, révèle un professeur fondu dans la masse des étudiants. On leur donne beaucoup moins de temps pour qu’ils apprennent à faire des choix, on les sort un peu de leur cocon pour qu’ils soient préparés à la réalité. Ils ont deux ans de sécurité avant le crash test à la sortie », explique franchement leur professeur Geoffroy Virgery, réalisateur de 25 ans à Tours. Avec lui, ils ont aussi analysé des films, découvert les éclairages et le tournage spécifique pour donner une ambiance nocturne. La théorie et la pratique se rejoignent toujours ici.

DEUX ANS AVANT LE CRASH-TEST

Dans toute cette agitation, Bryan vaque à ses occupations et vide les poubelles du Foyer. « Chaque élève effectue une semaine de régie dans l’année, comme sur un plateau », explique Sarah Chauvet, directrice adjointe.
« On veut qu’ils respectent la profession de régisseur et qu’ils aient une attitude professionnelle ». Dans cette école, pas de notes et la possibilité d’effectuer des stages à tout moment, en fonction des demandes des boîtes de productions. Quitte à louper quelques semaines de cours. « Je suis parti en stage deux semaines sur le tournage d’un téléfilm pour France 3 à Tours. J’ai appris à “ percher ” sans bouger d’un pouce, vérifier les batteries, transporter le matériel… », décrit Bryan, qui, à 21 ans, détient déjà un CAP projectionniste.

Occupée à monter une captation de concert dans un canapé, Julie revient de six semaines en stage « régie » avec une équipe d’Arte en Touraine. Un bon moyen de découvrir les codes de ce milieu et d’acquérir de précieux contacts professionnels. S’investir, être rigoureux, ne pas avoir peur des responsabilités demeurent ainsi autant de qualités pour devenir cameraman, monteur, scénariste ou réalisateur. Un rêve qui semble devenir réalité pour les élèves de l’Escat.

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Isabelle Heurtaux et Sarah Chauvet

POUR ALLER PLUS LOIN
UNE CENTAINE D’ÉLÈVES EN SEPTEMBRE 2018

Créée par Isabelle Heurtaux et co-dirigé par Sarah Chauvet, l’Escat, première école de cinéma de Tours dont tmv vous avait révélé l’exclusivité en février 2017, s’apprête à recruter une nouvelle promotion. Bilan d’une année pleine de promesses.

Comment se sont passés les premiers mois de l’école ?
Tout se déroule parfaitement ! Je vois des élèves qui s’épanouissent, l’ambiance est familiale… Je cultive ce groupe comme si c’était une vraie équipe de cinéma, je les connais tous et ils savent qu’ils sont un peu les « chouchous ». L’an prochain, ce ne sera peut-être pas aussi facile d’organiser des projections et des soirées à 100. 

Les productions de films vous appellent souvent pour des stagiaires ?
Oui, il y avait un réel besoin. On est en contact avec le réalisateur Philippe de Chauveron (Qu’est-ce-qu’on a fait au bon Dieu) qui doit passer dans la région pour son prochain film.

Qui a donné les premières masterclass ?
La 1re assistante Julie Navarro (Insoupçonnable), le réalisateur Éric Barbier (La Promesse de l’Aube) et le producteur Éric Altmayer (Chocolat). En première année, les élèves touchent à tout et l’année suivante, ils se spécialisent. Quelles sont les propositions de l’Escat ? Comme prévu, il y aura une classe Réalisateur, une autre en Image et une autre de Production dont on n’était pas certain l’an dernier, pour l’aspect administratif, recherche de financement, législation, etc.

Des projets pour la suite ?
Pour le moment, j’étais surtout dans l’organisation interne, mais à l’avenir j’aimerais ouvrir l’école vers l’extérieur. Avoir un rapport avec des festivals de cinéma, pour pouvoir emmener les élèves sur ces événements. En attendant, leurs premiers courts-métrages ont participé au Mobile Film Festival et au festival Désirs…Désir, un groupe a réalisé la bande-annonce du Festival International de Cinéma Asiatique de Tours, d’autres ont fait des captations et on a un projet de web-série en mars.

> Samedi 17 mars, de 11 h à 17 h, journée portes ouvertes de l’Escat, 34 rue de Suède, à Tours. Renseignements au 02 46 65 53 37 ou par mail à escatfrance@gmail.com

Le HQ va faire bouger la tech à Tours !

La place Jean-Jaurès verra bientôt naître le HQ, temple du numérique. Au menu, 1 000 m2 et 3 étages pour mieux accueillir la population et les entrepreneurs tourangeaux. Visite des lieux.

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Le HQ s’adresse à tous, de l’étudiant au salarié, du plus jeune au plus âgé.

À chaque niveau, odeurs de peinture, câbles électriques et échafaudages à gogo. Alors que Julien Dargaisse, l’un des cinq associés à l’initiative du HQ et directeur de l’association Palo Altours (retrouvez son interview juste ICI), nous promène d’étage en étage, ouvriers et chefs de projets s’affairent.

Dans les anciens locaux de La Poste, ambiance French tech et co-working seront au rendez-vous courant février, selon le jeune entrepreneur. Au premier niveau, étudiants, lycéens et travailleurs en pause déjeuner, ou souhaitant se retrouver entre amis, seront les bienvenus dans un espace de travail avec café et bar. Dans cette même salle, un espace exclusivement dédié à l’événementiel, avec vidéoprojecteur, pourra accueillir 170 personnes et plus si besoin. Un endroit chaleureux et décontracté ouvert à tous, gratuit aussi souvent que possible, qui ouvrira ses portes dans quelques semaines.

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Architectes et ouvriers s’activent pour finir les travaux à temps.

Quelques marches plus haut, les visiteurs pourront se restaurer tout en travaillant. Des bureaux pourront être loués au mois, sachant que la structure privilégiera les entrepreneurs dont le projet touche au numérique et à l’innovation. Le plus important restant les valeurs entrepreneuriales des candidats. Dernière étape, et pas des moins intéressantes, le troisième étage. Ici, Julien Dargaisse et ses collaborateurs pensent à un studio photo couplé d’une sorte de Fablab à la pointe de la technologie où pourraient être installées des imprimantes 3D. De quoi faire rêver les passionnés les plus habiles. « Ici, l’enjeu sera de favoriser la collaboration entre les différents acteurs qui s’y rencontreront », insiste Julien Dargaisse.
Étudiants, startupers et entreprises se côtoieront donc quotidiennement, autour du numérique. « Nous allons aussi proposer des formations autour de l’innovation », explique Julien Dargaisse. Les entreprises pourront venir se former à de nouvelles méthodes de travail ou des nouvelles technologies numériques. Les formations seront assurées par des intervenants extérieurs, sélectionnés par le HQ. « Tout le monde pourra proposer des formations. On regardera de quoi il s’agit, si ce n’est pas n’importe quoi, puis on validera. Ensuite, ces formations seront intégrées dans notre catalogue », explique Julien Dargaisse.

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Les collaborateurs veillent au bon déroulement des opérations.

Pour les intervenants, l’entrepreneur peut déjà compter sur le réseau qu’il a développé avec Palo Altours, son association dédié au numérique. Elle compte 150 membres et pourrait intégrer les locaux flambant neufs. À Palo Altours, les membres proposent des formations par rapport à leurs connaissances. Ces formations sont ensuite validées et dispensées aux gens qui le souhaitent. Le système sera semblable au HQ.

SENSIBILISER AU NUMÉRIQUE

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Le 3er étage accueillera un studio photo et un Fablab.

La formation tiendra donc une place importante. Avec cette offre, Julien Dargaisse veut sensibiliser les entreprises tourangelles au numérique. « Les entreprises du territoire n’ont pas toutes pris le virage du numérique, surtout les PME. Nous pensons qu’il faut les aider à le faire sinon elles vont droit dans le mur », estime Julien Dargaisse. Les formations seront donc très pratiques et n’excéderont pas deux jours. L’idée est que les entreprises puissent directement rentrer dans leurs établissements avec des solutions concrètes.

Le modèle du HQ n’est pas nouveau. Ce genre d’espace existe déjà à Paris. « Nous n’avons rien inventé. On s’est inspiré de ce qui existait déjà, on l’a transporté à Tours parce qu’il n’y avait rien », explique Julien Dargaisse. Le coût global du projet : deux millions d’euros. Il a fallu racheter le bâtiment et tout rénover. Pour réunir cette somme, il s’est donc entouré de quatre autres associés, mais la Région Centre-Val-de-Loire a également participé au projet en accordant un prêt de 200 000 euros. C’est le seul investisseur public du projet. « Nous n’avons pas demandé d’argent à la mairie ou une autre collectivité. Je pense que l’argent public peut servir à plein d’autres choses », confie Julien.

Pour rentabiliser ces lourds investissements, le HQ commercialisera ses offres de formation et compte sur la location des bureaux et de la salle de conférence. Avec le HQ, Julien Dargaisse veut que Tours compte dans le numérique, avec un lieu ouvert à tous.

EN SAVOIR PLUS
> lehq.co/
> facebook.com/lehqtours

TEXTES : Clara Gaillot & François Breton / PHOTOS : Lorenza Pensa (toutes et tous étudiants à l’EPJT)

Solary : Quand les gamers débarquent

Ils répondent au nom de Solary et animent une des plus grosses web-tv de France dans le domaine du gaming. Cette équipe de gamers a élu domicile au nord de Tours depuis fin octobre. En toute discrétion.

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Solary, c’est plusieurs ordinateurs, quelques caméras et des joueurs passionnés.

Ils sont terrés dans un hangar à deux étages qui ne paie pas de mine, vu de l’extérieur. Une fois à l’intérieur, les odeurs de peinture rappellent que l’endroit est encore en travaux. Depuis moins de trois mois, Solary s’est installé au nord de Tours. Les huit parisiens, âgés de 19 à 25 ans, jouent au jeux vidéos en ligne , principalement à League of Legends (LoL), à longueur de journée.

C’est ce drôle de métier qui leur permet de gagner leur vie. En deux semaines à peine, les geeks ont rendu leur lieu de travail habitable. Avec l’aide d’amis et de famille, ils ont donné quelques coups de peinture, posé du parquet et installé le matériel indispensable à leur activité. Plusieurs ordinateurs, quelques caméras, un grand canapé gris clair, une télévision encadrée d’une guirlande lumineuse de toutes les couleurs, une table de billard, une table de ping-pong, des figurines de leur jeu favori et des armes-jouets aux munitions en mousse. On ne voit pas des bureaux comme celui-ci tous les jours.

Solary a commencé à retransmettre en direct les parties de LoL de ses joueurs le 27 octobre via la plateforme spécialisée Twitch, bien connue des joueurs de jeux vidéo. Le succès a été immédiat. « Nous ne pensions pas que ça marcherait aussi bien. Au cours du premier mois, nous avons réalisé le deuxième meilleure score parmi les chaînes françaises de Twitch », se souvient un des joueurs, Sakor Ros dit Le Roi Bisou. Solary totalise aujourd’hui près de dix millions de vues.
Ce n’est pas si étonnant à vrai dire. Avant de se lancer dans cette aventure, les Parisiens étaient déjà des stars parmi les streamers — les joueurs de jeux vidéo qui diffusent leurs parties en les commentant. Ils jouaient pour l’équipe Eclypsia depuis 2013, un nom qui ne dit pas grand-chose aux non-initiés mais qui fait figure de référence dans le milieu. Pour Le Roi Bisou, c’était surtout un patron bien enquiquinant : « Il fallait faire ses heures, Eclypsia c’était l’usine. »

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Sakor Ros, dit Le Roi Bisou, est un des joueurs de Solary.

Désormais, les huit démissionnaires sont indépendants et s’amusent bien plus qu’avant. En ce début d’après-midi, il n’y a qu’un seul joueur dans « l’arène », une pièce sombre, ouverte sur la partie salon, où sont regroupés six ordinateurs. Jbzz, un casque avec micro vissé sur la tête, commente ses actions en direct en parlant plutôt fort.
Par moments, lorsqu’il se retrouve en difficulté dans le jeu, les jurons fusent. Dans le salon, un autre membre de Solary s’impatiente : « Dépêche-toi de perdre que je puisse jouer ! » L’équipe de streamers ne pourrait pas coexister sans une certaine rigueur : « Nous avons mis en place un planning pour que, à tour de rôles, tout le monde puisse jouer. Le soir, on fait des parties à plusieurs », précise Le Roi Bisou.

De 9 h à 2 h du matin, ils streament en permanence. La plupart du temps, ils jouent à LoL, jeu phare des compétitions d’eSport. Mais ils s’autorisent également à jouer à Mario Kart, Golf it ! ou Fortnite. Solary voit plus loin que le simple divertissement. « Nous voulons allier le stream et la compétition de haut-niveau », explique le coach Sam, qui a rejoint l’aventure récemment. Depuis le lancement de la chaîne, la famille s’est agrandie. Ils sont désormais dix, répartis en deux équipes : Solary, axé sur la compétition, et Luna, avec moins d’ambition professionnelle. Un choix de vocabulaire en forme de clin d’oeil, un peu ironique, à leur ancien employeur, Eclypsia.

League of Legends est un jeu d’équipe en ligne.
League of Legends est un jeu d’équipe en ligne.

DE L’AMBITION ET DES MOYENS

C’est l’heure de travailler. Accompagnés de leur coach, les compétiteurs se sont installés sur le grand canapé, juste en face de la télévision. Ils analysent des streams de joueurs coréens, les meilleurs au monde. « C’est le pays de l’eSport, les compétitions passent même à la télévision ! », rappelle Le Roi Bisou. En mars prochain, la bande de potes se rendra en Corée du Sud pendant deux semaines.
Ce séjour leur permettra de s’imprégner du jeu asiatique mais aussi de faire découvrir à leur communauté les concerts de K-pop, les barbecues typiques ou encore les temples. « Ceux qui nous suivent sont souvent jeunes, ils n’ont pas de quoi se payer le voyage », poursuit Le Roi Bisou.

Ekko est un personnage du jeu League of Legends.
Ekko est un personnage du jeu League of Legends.

Pourtant, ce sont bien les fans qui financent leur balade. Le 7 janvier, Solary lançait une campagne d’appel aux dons sur Internet. En une heure, l’objectif de 15 000 euros était atteint ; quelques jours plus tard, le compteur atteignait 50 000 euros. Une somme qui s’ajoute aux 38 000 euros donnés par leurs sponsors, Acer en tête. De quoi s’amuser et se préparer pour le tournoi de jeux vidéo Dreamhack qui reviendra à Tours au mois de mai. Et même assez d’argent pour continuer les travaux du local de Tours-Nord.

>> Retrouvez l’équipe Solary sur solary.fr, Twitch et YouTube.
>> Ainsi que l’interview de leur coach juste ICI ! <<

Textes : Louise Baliguet & Photos : Lorenza Pensa, étudiantes à l’EPJT.

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Emmaüs : agir pour les autres

Ouvert à tous trois jours par semaine, le point de vente d’Emmaüs à Tours-Nord, ne désemplit pas cet hiver. Responsable de l’équipe de bénévoles, Hervé Vétillard en présente l’esprit associatif, le fonctionnement et les vertus. #EPJTMV

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SEPT ADRESSES EN TOURAINE

Sept lieux de vente Emmaüs sont ouverts en Touraine dans les villes d’Amboise, d’Auzoueren- Touraine, de Chinon, d’Esvres-sur-Indre, de Joué-lès-Tours, de Saint-Pierredes- Corps et à Tours-Nord. Créée en 1954 sous l’égide de l’abbé Pierre, l’association Emmaüs est à l’origine d’un mouvement qui se décompose aujourd’hui en plusieurs branches (International, Solidarité, SOS Familles…) et intervient dans une quarantaine de pays. À l’échelle nationale, Emmaüs France rassemble plus de 18 000 personnes et fédérait 284 groupes au dernier recensement.

CINQUANTE-ET-UN BÉNÉVOLES À TOURS-NORD

Le point de vente Emmaüs de Tours-Nord, situé au 14 rue de Belgique, s’étale sur plus de 2 000 mètres carrés. L’équipe compte 51 bénévoles, dont une vingtaine présents à chaque ouverture pour s’occuper de l’administration et des différents stands. Le lieu ouvre ses portes seulement trois jours par semaine : les mardis et jeudis de 14 h à 17 h 30 et le samedi de 10 h à 12 h et de 14 h à 17 h 30. Et, au regard de la fréquentation constatée sur place, on veut bien croire Hervé Vétillard lorsqu’il confie que le site « cartonne ».
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« SAUVER LES PLUS DÉMUNIS »

Image23« Notre rôle est de transformer les dons et ventes d’objets en argent pour sauver les plus démunis, résume Hervé Vétillard. On poursuit l’idée de l’Abbé Pierre. » L’argent ainsi récolté est redistribué à de nombreuses associations partenaires (comme « 100 pour 1 Hébergement » ou Le Relais) qui s’occupent de loger des personnes en difficulté, aident à monter des microcrédits ou se portent caution pour des achats… Mais tout l’argent n’est pas redistribué, « il faut également payer les compagnons », c’est à dire près de 5 000 personnes.

DES « COMPAGNONS » ?

Sous le nom de « compagnons » sont désignés les femmes et les hommes « en difficulté » qui sont accueillis par les communautés Emmaüs. Les compagnons travaillent au sein de l’association, à la collecte de produits ou à la distribution, et peuvent en contrepartie être logés et blanchis. Ceux d’Esvres-sur-Indre s’occupent par exemple des camions chargés d’objets qui font la navette entre les différents Emmaüs de Touraine. Tout le monde peut cependant devenir bénévole et les rejoindre. L’association, « complètement autonome », ne reçoit pas de subvention.

BRIC-À-BRAC

« On croule sous les dons », confie l’équipe de Tours- Nord. Qui veut donner donne, les refus sont rares. La Touraine n’a pas (encore) les mêmes problèmes que Paris, où les dépôts sont « de plus en plus sélectifs car les personnes confondent Emmaüs avec la déchetterie ». Aucun contrôle de stock n’est fait. Habits, livres, meubles : les allées regorgent de produits. Quant aux prix fixés par l’association, « on part du principe que c’est le tiers du prix initial ». Exemple : un jouet coûtant dix euros dans un magasin sera vendu trois euros.

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FAIRE BOUGER LES LIGNES

Fondé sur le volontariat et le souhait d’aider les plus démunis, l’esprit Emmaüs anime les bénévoles de Tours- Nord. Hervé Vétillard a commencé à démarcher des écoles pour organiser des visites. « Aujourd’hui, il y a un paradoxe entre les problèmes économiques et la surconsommation. C’est un sujet de société important, surtout quand on voit que des enfants n’apprécient pas ce qu’ils ont… alors qu’ils ont beaucoup. Il faut qu’ils voient ça. » Comme disait l’abbé Pierre : « La première règle avant d’agir consiste à se mettre à la place de l’autre. »

« SI J’ÉTAIS RESTÉ DANS MON CANAPÉ… » Image18

Plusieurs bénévoles de Tours-Nord sont aujourd’hui en centres d’accueil. Certains n’ont aucun papier. D’autres dorment dehors le soir. Franchir les portes d’Emmaüs, c’est aussi ouvrir les yeux sur un monde que beaucoup refusent de regarder. « Il y a un vrai problème de logement. Il y a des gens qui n’ont rien, qui appellent le 115 tous les soirs… Je ne l’aurais pas vu si j’étais resté dans mon canapé. » Hervé Vétillard veut mobiliser les élus pour que les travailleurs d’Emmaüs soient reconnus et bénéficient de plus d’avantages dans la société.

TEXTES Daryl Ramadier ; PHOTOS Alizée Touami

>> ALLER PLUS LOIN : nos portraits de bénévoles et compagnons à Emmaüs << 

Plongée au cœur des égouts de Tours

Que se passe-t-il au fond des égouts ? Pour la première fois, tmv s’est immiscé dans le réseau des eaux pluviales de la ville et vous en dévoile tous les mystères. #EPJTMV

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« C’est par ici que vous allez descendre. » En voyant la petite bouche d’égout que nous pointe du doigt l’agent, on pense à une blague. Mais non. C’est bien par ce passage exigu dans l’enceinte de la Villa Rabelais que nous allons pénétrer dans les entrailles de Tours. Pas super rassurant au premier abord.

Heureusement, nous sommes bien entourés. Car il est impossible de descendre seul. Il est même normalement interdit de s’aventurer dans les égouts sans avoir suivi une formation de sécurité. « Cette descente est exceptionnelle, vous êtes un peu privilégiés », annonce malicieusement Pascal Perrineau, chef d’équipe et chargé de l’exploitation des réseaux dans la Métropole.
Privilégiés ? Peut-être. Mais un peu flippés. Avant tout, indispensable de s’équiper. Combinaisons, bottes, gants, casques… Jean-Marc Beccavin, chauffeur égoutier, nous fournit tout l’attirail nécessaire, de quoi garder le style, même sous terre. Équipés certes, mais pas encore briefés niveau sécurité.

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C’est Franck Deruelle, spécialiste de la sécurité en espaces confinés, qui s’en charge. On enfile notre harnais, qu’il prend le soin de bien vérifier, au cas où… Puis une lourde ceinture sur laquelle est attaché un boîtier en métal renfermant un masque auto-sauveteur. « Si jamais il y a un souci, vous mettez le tuyau dans la bouche le plus vite possible puis le pince-nez. Ensuite, le reste, je m’en charge. »
Notre vie tient donc dans les mains de Franck. Elle dépend aussi d’un petit boîtier qui clignote vert. S’il passe au rouge, alerte ! Ce détecteur permet de toujours garder un œil sur la présence ou non de certains gaz toxiques. « Le méthane se forme à partir de pourrissement végétal, en moins de trois heures. À la moindre source d’activation, ça pète facilement. »

BALLES DE FUSIL ET EMBALLAGES DE SHIT

C’est le moment. Chacun à notre tour, nous descendons dans le tampon de chaussée, terme jargonneux pour désigner les bouches d’égout. Comme dernière précaution, on nous accroche un mousqueton relié à un tripode pour emprunter l’échelle. Nous y voilà enfin, mode Tortues Ninjas activé.

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Une fois dans le conduit, appelé dalot, il fait plutôt doux. On progresse dans le réseau d’évacuation des eaux de pluie, guidés et éclairés par Jean-Marc Beccavin. Sachez que sous vos pieds, soixante kilomètres de galeries sont praticables. Sans compter les 1 300 kilomètres de réseaux d’eaux usées, non visitables.
Les égouts de Tours, qui datent du XIXe siècle, sont loin de ce que nous imaginions. La visite se fait courbés à moitié accroupis dans un tunnel en pierre plongé dans le noir. Pas plus d’1,60 m, parfois moins. On sent un léger courant d’air continu. Il s’agit de l’oxygène apporté de l’extérieur par un gros tube orange, indispensable pour ne pas manquer d’air. En revanche, grande surprise : pas d’odeurs. « Les égouts, c’est beaucoup de clichés, affirme Pascal Perrineau. Mais en réalité ça ne pue pas et il n’y a pas de rats qui grouillent. » C’est vrai que l’on n’a pas croisé de rongeurs. Mais il y a quand même de la vie dans les égouts. Les pieds dans vingt centimètres de limon et de vase, nous tombons nez à nez avec un scarabée. Et il n’est pas tout seul. « Sous le boulevard Béranger il y a de l’eau et donc des petits poissons, crevettes et insectes », détaille Jean-Marc Beccavin devant une pousse de champignons.

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« Bip Bip ! » L’un de nos détecteurs se déclenche. Après quelques regards inquiets, Franck met fin au début de panique. Fausse alerte. Trop près de la bouche, le boîtier a été alarmé par le CO2. La visite peut se poursuivre sereinement. Plus loin, mégots, gobelets et sachets en plastique jonchent le sol. Malheureusement, les déchets font aussi partie du quotidien des égoutiers. « L’une de nos tâches consiste à dégager les grilles d’évacuation. Mais beaucoup de déchets sont jetés dans les égouts », s’alarme Pascal Perrineau. « On trouve de tout, poursuit Jean-Marc Beccavin, lampe-torche à la main. Des portefeuilles, des sacs à main, de l’argent, des balles de fusil et même des emballages de shit ! »

Les égoutiers ont aussi pour mission de curer et entretenir les réseaux régulièrement pour éviter les bouchons et inondations. Sur notre parcours, un filet d’eau sort d’un tuyau. Après vérification, il ne s’agit pas d’une chasse d’eau mais d’un seau jeté dans les caniveaux. Tout ce qui est jeté dans la rue coule directement dans les égouts, donc dans le Cher et la Loire. « C’est pourquoi il ne faut pas jeter de la javel ou autres produits toxiques, dangereux pour l’environnement, signale Pascal Perrineau. Beaucoup l’ignorent. » Après une demi-heure dans les dalots, il est temps pour nous de remonter à la surface. Les égouts n’ont (presque) plus de secret pour nous !

Textes : Malvina Raud & Clément Argoud
Photos : Alizée Touami & Lorenza Pensa

>> Pour retrouver ceux qui nous ont guidés dans les égouts, filez lire leurs portraits juste ici ! << 

>> Pour plonger en vidéo dans les égouts avec nous, jetez un œil sur notre reportage vidéo <<

Une demi-heure, c’est le temps que nous avons passé dans le réseau. Les égoutiers ne dépassent jamais cette durée.
Une demi-heure, c’est le temps que nous aurons passé dans le
réseau. Les égoutiers ne dépassent jamais cette durée. Sécurité oblige.

Portraits : Les figures des égouts

Portraits des quatre hommes qui vous ont permis de découvrir ce qui se passe sous vos pieds, dans les égouts, lors de notre reportage. #EPJTMV

JEAN-MARC BECCAVIN, 56 ANS, CHAUFFEUR ÉGOUTIER

Les égouts de Tours n’ont plus de secrets pour Jean-Marc. Cela fait neuf ans qu’il travaille dans le service de la ville. Mais il ne passe pas toutes ses journées sous terre non plus. « On ne descend pas plus de trois ou quatre heure par jour, en faisant des rotations de trente minutes. Quand on remonte, on tourne, on change de rôle : le surveillant devient intervenant. » Le chauffeur égoutier nous a guidé pendant la visite et n’était pas avare d’anecdotes. Ni de métaphores : « Ici, à la Villa Rabelais, on peut comparer les égouts à une deux fois deux voies. Alors qu’à Jean Jaurès, c’est l’autoroute ! Les dalots sont de différentes tailles partout dans la ville. »

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FRANCK DERUELLE, 45 ANS, SPÉCIALISTE DE LA SÉCURITÉ EN ESPACES CONFINÉS

Son rôle officiel : préventeur Hygiène sécurité environnement (HSE) et formateur Catec (Certificat d’aptitude à travailler en espaces confinés) au sein de Tours Métropole. C’est lui qui forme les égoutiers aux normes de sécurité. « Je passe 80 % de mon temps à Tours métropole. Le reste, je le passe à l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité) et dans des grandes entreprises pour former leurs salariés. » Sans lui, impossible pour nous de descendre dans les égouts, car depuis novembre 2017 il faut impérativement avoir le Catec pour y aller. Une formation qui coûte plus de 300 euros.

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PASCAL PERRINEAU, 54 ANS, CHEF D’ÉQUIPE ET CHARGÉ DE L’EXPLOITATION DES RÉSEAUX DANS LA MÉTROPOLE

Entré en 1987 au service des réseaux de la ville de Tours (puis de la Métropole), il a été chauffeur égoutier pendant 20 ans. Aujourd’hui, il est plus souvent à la surface. Il dirige une équipe de vingt personnes travaillant dans le réseau des égouts. Mais il lui arrive encore de descendre dans les souterrains tourangeaux. Lors de notre visite, Pascal, riche de son expérience a pu nous indiquer toutes les choses à savoir sur le métier de chauffeur égoutier et du réseau d’eaux pluviales et usées.
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FRANCK LENESTOUR, 42 ANS, CHAUFFEUR ÉGOUTIER

Franck est le petit dernier de l’équipe. Il a été recruté en tant que chauffeur égoutier pour Tours métropole, il y a trois mois. Pendant qu’un de ses collègues est au fond de l’égout, il assure sa sécurité. Franck, c’est un peu les oreilles des dalots. Il entend tout depuis la surface grâce à ses oreillettes. Plusieurs fois, il prend des nouvelles. « On est reliés en wi-fi, ce qui me permet d’entendre tout ce qui se passe au fond. J’instaure le dialogue pour savoir s’ils m’entendent. » Franck n’est encore jamais descendu à plusieurs mètres sous terre dans le réseau d’eaux pluviales. Il attend la formation Catec, que lui donnera Franck Deruelle.
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TEXTES Malvina Raud & Clément Argoud ; PHOTOS Lorenza Pensa & Alizée Touami.

>> Vous pouvez lire notre reportage dans les égouts de Tours juste ici ! << 

A Tours : La course aux jouets

À quelques jours de Noël, notre journaliste est allé passer l’après-midi dans les allées d’un magasin de jouets à Tours. Au programme ? Un petit coup de vieux et un retour en enfance. Attention, un message caché se trouve dans ce texte…

La petite Apolline aura un cadeau avant l’heure.
La petite Apolline aura un cadeau avant l’heure.

Je sursaute. La voiture de police se met à hurler. Les sirènes s’allument et les roues patinent. Une mamie me regarde étrangement. Non, je n’ai pas été embarqué par la maréchaussée, parce qu’avouons qu’un homme de 30 ans traînant des heures à La Grande Récré, appareil photo en main et l’air béat, c’est plutôt… louche. Aujourd’hui, j’agis simplement comme un gamin de 8 ans tripotant un jouet bien bruyant et qui se fait remarquer dans les rayons d’un magasin de jouets. Une cliente rigolarde, passant au même moment, me lance : « Eh ben, on a envie de jouer ? Allez, on va dire que je n’ai rien vu… ».

Tête de crotte !, c’est « le jeu cacarrément génial ».
Tête de crotte !, c’est « le jeu cacarrément génial ».

Oh maman, oh maman, oh maman ! » Ce « oh maman » sera répété 23 fois en seulement deux minutes (promis juré). La petite fille qui court partout entre les rayons est excitée comme une puce. Elle veut tout, de la poupée Barbie à la guitare Chica Vampiro. Cela faisait un bail que je n’avais pas mis les pieds dans un magasin de jouets. Coup de vieux : parfaite inconnue à mes yeux, Chica Vampiro est en fait une telenovela colombienne avec, au menu, musique, danse, humour et vampires. Les enfants en raffolent. Chica a donc droit à sa super guitare électrique qui joue toute seule. Quand j’étais gosse, je me contentais d’enlever les cheveux de mes Playmobil. J’ai presque envie de souffler un « Bouarf, de mon temps… » avant de me raviser. Alerte vieux schnock, la vieillesse me guette. Help.

Y-a-t-il un pilote dans l’avion ? Ou du moins dans l’hélico ? En l’occurrence oui, et « c’est un expert », rigole Christophe Soulat, le responsable du magasin. L’expert, c’est Brian. L’employé fait une démonstration d’un hélicoptère radiocommandé et visiblement très solide, vu les gadins qu’il supporte. Crash-test passé avec succès pour le “hover dragon”, « l’un des jouets qui cartonnent le plus », d’après Christophe Soulat.

Et il n’a pas tort : ça s’agglutine devant le jouet stratégiquement positionné en entrée de magasin. La jeune Jade, et sa superbe chevelure à la Raiponce, s’y essaye, manette en mains. L’appareil vole très haut, avant de s’écraser dans un rayon… sans se casser. L’apprentie- pilote s’éclate et les deux garçons qui attendent leur tour ont des étoiles plein les yeux. Tout le monde tente, l’hélico frôle les têtes (le scalp n’est pas loin !). Secrètement, je m’en veux de ne pas m’élancer également. Je me rassure : « Allez, ressaisis-toi, t’es un vieux maintenant. »

Un autre jouet attire les foules : Cutie Six, un set de création de bracelets. Ou comment faire ses bijoux à partir de perles fun et multicolores. Simple, basique et surtout « sans danger », comme le précise Laura qui multiplie les démonstrations auprès des clients. La petite Apolline, 7 ans, est scotchée. Un bracelet se réalise sous ses yeux. « Elle est très créative, donc elle adore », confirme son père. Elle repartira avec le précieux sésame autour du poignet, toute sourire.

Xavier (son prénom a été modifié pour me sauver la mise et m’arranger dans la construction de cet acrostiche) fait la moue. « Tiens, des puzzles ! C’est bien, les puzzles ! », s’enthousiasme-t-il. Réponse bazooka des chérubins ? « Non, c’est nul. » Et pan. En revanche, quand une des vendeuses propose de tester « ma première Ferrari radiocommandée » (tournez le volant et le bolide tourne aussi), les enfants poussent un « ouaiiiis » suraigu. Échec et mat, papa !

Jade s’est mise aux commandes du Hover Dragon.
Jade s’est mise aux commandes du Hover Dragon.

Noël approche, tu as fait ta liste ? », interroge une maman plus loin. Emma, à peine 6 ans, répond : « Promis, je choisirai quelque chose de pas trop cher. » Cette petite est étonnante. Toute sage, elle pose un œil sur de gros jouets, mais le détourne en voyant les prix. Et jette son dévolu sur la « toupie- bataille », un joujou à succès du magasin.

Outre cette toupie et « le fameux hélicoptère… qui fait aussi tondeuse », comme plaisante Christophe Soulat, « ce qui marche, c’est le micro musical, tout ce qui a trait à la créativité et le tigre rugissant ».

Exit, aussi, les jouets genrés. Désormais, filles et garçons partagent les mêmes. Enfin fini, la dînette pour fifille et la grosse tuture pour bonhomme. D’après le responsable du magasin, les parents ne veulent plus de ça : « Il faut vivre avec son époque ! »

Les deux jouets-stars du magasin passent à la caisse du magasin, accompagnés d’un énorme tyrannosaure prêt à se goinfrer de petits bonshommes en plastique. Oui : faible que je suis, j’ai craqué et fais chauffer la carte bleue. La prophétie de Christophe Soulat (« vous ne repartirez sûrement pas les mains vides ») s’est visiblement réalisée. Mes neveux et nièce devraient être ravis de ces cadeaux. Et, comme tous les autres enfants, passeront un joyeux Noël.

Quoi ma gueule ? Qu'est-ce qu'elle a ma gueule ?
Quoi ma gueule ? Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ?

Vous avez dit « permaculture » ?

Sur la plaine de la Gloriette, des Tourangeaux découvrent la permaculture avec Kiwi-Nature. L’occasion de mieux saisir ce concept en vogue.

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« On leur coupe la tête alors qu’elles nous rendent service ! » Défenseur des plantes sauvages, le paysagiste et botaniste Davy Cosson s’insurge contre le sort réservé aux « mauvaises herbes ». Consoude, pissenlit, plantain lancéolé… L’homme ne tarit pas d’éloges sur ces végétaux aux mille vertus.

Face à lui, 8 personnes venues découvrir, sous un grand soleil d’automne, les plantes sauvages de la plaine de la Gloriette. Pas besoin de s’aventurer dans les méandres du potager. Elles sont là, juste à l’entrée, au pied d’une barrière en bois. Premier atout : « Ce sont des plantes bio-indicatrices. Elles nous renseignent sur l’état du sol », commence Davy Cosson. La consoude, par exemple : avec ses grandes feuilles poilues et rugueuses se terminant en pointe, elle indique un sol compact et humide. Mais ce n’est pas tout : transformée en purin, source de phosphore, elle revitaliserait les plantes. Et ses touches jaunes, juste à côté ? Ce sont des pissenlits, bien sûr. Ils indiquent un sol pauvre en potassium.

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Et comme la nature est bien faite, leurs longues racines vont chercher ce nutriment en profondeur. « C’est comme en médecine, poursuit le botaniste. Plutôt que d’éradiquer le symptôme en arrachant les plantes, on ferait mieux de travailler sur les causes de la maladie ! Le pissenlit, en nourrissant le sol, est à la fois le symptôme et le remède. Ça n’a donc aucun intérêt de l’enlever. » Si on laisse la plante en place, elle disparaîtra toute seule une fois le sol suffisamment enrichi, assure le spécialiste. Après une matinée théorique, cette promenade digestive à la découverte des plantes sauvages a lieu dans le cadre d’un stage d’initiation à la permaculture, organisé par la société Kiwi-Nature.

La permaculture ? « C’est la conception et l’entretien d’écosystèmes humains et durables s’inspirant de la nature. Une philosophie de vie, qui amène vers plus d’autonomie et d’écologie », définit Davy Cosson, formateur et fondateur de Kiwi-Nature. La permaculture est un concept né dans les années 1970 à l’initiative de deux australiens : Bill Mollison et David Holmgren. Elle s’inspire du fonctionnement des écosystèmes naturels et repose sur trois principes essentiels : prendre soin de la terre, respecter l’Homme et partager équitablement les ressources. Appliquée au jardinage, elle consiste, par exemple, à améliorer le sol pour que la plante se développe dans des conditions optimales. « Adapter le sol aux plantes, et non l’inverse », précise le botaniste. Bien sûr, tous les herbicides, insecticides et autres produits chimiques en « -icides » sont remisés au placard. Une autre manière de jardiner, donc. Adieu le Roundup qui permettait de désherber son jardin en dix minutes. En même temps, vu ses effets probablement cancérogènes, notre santé s’en portera sûrement mieux. On oublie aussi les engrais de synthèse, auxquels on préférera la matière organique (fumier, compost…).

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Culture en lasagnes

La fin de l’après-midi arrive, c’est le moment de passer à l’action ! L’objectif : mettre en pratique les acquis de la journée en créant une butte en lasagnes. Vous imaginez déjà des plaques de lasagnes géantes sur lesquelles pousseraient des légumes nourris à la sauce tomate ? Changez les ingrédients, et vous y serez. La culture en lasagnes consiste à empiler des couches de matériaux riches en carbone et en azote : fumier, paille, argile, compost, branche… Moins appétissants, mais plus propices à la création d’un riche support de culture.

Jardinière avertie, Véronique, l’une des stagiaires, a hâte de tester la technique : « La permaculture m’intéresse. Passionnée de jardinage depuis 30 ans, j’ai d’abord pratiqué en jardin ouvrier, puis chez moi à Thilouze. Si c’était à refaire j’en ferai mon métier ». Nicolas, lui, a franchi le pas : ancien courtier en œuvre d’art sur Paris, il se reconvertit dans le maraîchage bio sur 3 hectares à Langeais. Mais il n’y a pas que des pros : dépourvus de jardin, les autres stagiaires, comme Quentin et Cynthia, sont venus poussés par la curiosité.

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Direction la cabane à outils. Chacun se munit d’une bêche, d’une binette ou d’une brouette, puis le groupe part à la recherche de matériaux disponibles sur la plaine de la Gloriette. De retour, les voilà qui empilent une couche de branches, une autre de fumier, des feuilles mortes, de la paille… En deux temps trois mouvements, la butte en lasagnes est faite. Il ne reste plus qu’à arroser, puis attendre le printemps pour planter.

En savoir plus : Prochain stage de permaculture théorique et pratique organisé à Tours les 9 et 10 décembre 2017.
> Infos sur kiwi-nature.com

N.P.

FreeFit Concept : le sport sort des salles

Vous les avez peut-être croisés à s’agiter ou à courir dans un parc. La communauté du FreeFit concept grandit à Tours, faisant chaque semaine un peu plus d’adeptes. Mais le Freefit, c’est quoi exactement ?

BONUS FORME FREE FIT

Au gymnase Choiseul, 62 personnes attendent près de leurs tapis. C’est la première fois que ce cours se déroule en salle depuis que le Freefit Concept a été lancé à Tours il y a un an et demi. Damien et Priscilla ont apporté l’idée de Grenoble et monté une association Loi 1901 avec 7 autres amis, pour gérer les inscriptions.

Ce soir, ils sont 6 coachs à encadrer les participants. Une séance de Freefit c’est 1 h 30 de renforcement musculaire, mais aussi des exercices de cardio. En retirant les explications et les pauses, c’est 1 h de travail intensif. D’abord, des échauffements sur place, avant de s’élancer autour du gymnase. Comme au collège, il y en a qui font les malins en sautant pour toucher le panier de basket, et comme au collège, ils n’y arrivent pas tous. Certains s’arrêtent pour dire bonjour, l’ambiance est bon enfant.

« Permettre aux gens de se rencontrer »

Retour au tapis et début des hostilités : des pompes, des squats, des abdos et des exercices pour les biceps, qui ne sont pas oubliés. « It’s the eye of the tiger! », crient les enceintes. À la fin de chaque session, on s’applaudit. Ils sont plusieurs centaines en tout à se retrouver pour faire du sport le lundi, le mercredi et/ ou le vendredi, ou bien pour le « boot camp » du mardi. Le principal attrait de ces séances, c’est qu’elles sont gratuites. « Le but du freefit c’est le sport accessible à tous. On sait tous que le coût d’une salle de sport n’est pas négligeable », explique Yohann Rivault, trésorier de l’association et coach énergique, qui trouve que ces sessions aident également les gens qui ont du mal à sortir à rencontrer des gens.
« On fait aussi des événements hors sport qui sont faits exprès pour ça, pour permettre aux gens de se rencontrer, apprendre à se connaître, venir aux séances ensemble. » Si le concept pose parfois question car les coachs sont souvent des bénévoles amateurs, ces séances tourangelles sont bien encadrées.

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It’s the final countdown : les participants doivent signer une décharge avant de se lancer (et bientôt l’inscription gratuite à l’association sera obligatoire) mais les coachs circulent et aident en corrigeant les positions pour éviter les blessures, motivant les troupes au passage.
Certains exercices se font en équipes et une amusante rivalité se met en place entre ceux qui font durer exprès leurs squats et les autres, obligés de tenir un peu plus en position de gainage. Enfin, obligés… Personne ne se force à aller au-delà de ses limites. On sait que si on abuse, on le paiera et d’aucuns n’hésitent pas à faire une pause quand c’est nécessaire. Uptown, funk you up : Magali et Caroline, deux étudiantes de M2 de biologie, viennent se défouler et se remettre en forme. Magali a fait quinze ans de gym avant d’arrêter il y a deux ans.

« Ça marche bien, il y a des résultats assez rapidement », affirme-t-elle. C’est elle qui a convaincu son amie, qui vient pour la première fois. « C’était un peu hard, quand même au début, avoue Caroline. Surtout après trois mois d’été, quand on n’a rien fait, on s’empâte un peu. Ça reprend dur mais ça fait du bien, on le sent. » « L’année dernière on a avait essayé de courir toutes les deux, mais c’était facile de se démotiver. C’est pour ça que le freefit c’est top. Y’a une bonne ambiance, les coaches sont hyper sympas, ça motive », conclut Magali.

CLM

Médecin légiste : secrets d’un métier

Médecin légiste, Pauline Saint-Martin est responsable depuis 2011 de l’Institut médico-légal de Tours. Un travail discret, précieux pour les enquêteurs et pour permettre aux victimes de violences d’être reconnues.

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Je ne sais pas si je vais parler beaucoup de moi. » Sa voix est douce mais les mots sont choisis avec une précision chirurgicale. Elle n’est pas là pour se mettre en avant mais pour aller au-delà des clichés. À 37 ans, Pauline Saint-Martin est professeur en médecine et responsable de l’Institut de médecine légale de Tours. Le service est niché dans une petite annexe, au pied du CHU. La salle d’attente est vide et ressemble à celle de tous les médecins de famille : quelques magazines, des affiches d’information sur les murs et dans un coin, un grand bac à jouets. Tout est silencieux.

Les cinq médecins du service interviennent 365 jours par an, sur réquisition d’un officier de police judiciaire, d’un magistrat ou d’une commission d’experts. Ils sont 240 médecins légistes en France et le chemin est long, onze ans d’études, avant d’obtenir leur diplôme. Une profession discrète, loin des séries télé, qui apporte ses compétences scientifiques aux policiers et aux magistrats.
« C’est un métier particulier, avoue Pauline Saint-Martin. C’est être médecin sans soigner les gens… mais en les aidant d’une autre manière. » Elle ajoutera au fil de la discussion : « On ne comprend pas mieux la mort en étant médecin légiste. Ce métier ne donne pas du tout de clés sur la mort. »

Du médecin légiste, on connaît le travail sur les morts mais l’examen des vivants représente 95 % de son activité. Femmes maltraitées, enfants battus, gardés à vue, blessés dans une bagarre de rue, accidentés… les légistes tourangeaux reçoivent 2 000 victimes par an, toujours dans le cadre de procédures judiciaires. Le légiste ne soigne pas, il constate les lésions et établit pour la justice un rapport détaillé. Professeur, Pauline Saint-Martin enseigne sa discipline à l’université. Elle aime transmettre son métier mais son but principal est ailleurs : apprendre aux futurs professionnels de santé à détecter les violences.
« Qu’ils soient médecins, sage-femmes ou kinés, tous seront confrontés à des victimes de violence et surtout de violences intrafamiliales. Les patients viennent parfois consulter pour un autre motif mais si on détecte ces violences, on fait un pas. » Elle participe aussi à des campagnes de prévention contre la maltraitance des femmes ou des enfants mais refuse d’adhérer à une association : « Dès que l’on devient militant, on n’est plus objectif et on ne peut plus faire notre métier correctement. C’est aussi une question de crédibilité : personne ne pourra mettre en doute la sincérité du rapport médical. Et c’est le meilleur service qu’on puisse rendre aux victimes. »

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Comme l’enquêteur, le médecin légiste doit rester neutre : il peut être amené à examiner une victime le matin et son agresseur le soir, dans le cadre d’une garde à vue. « La médecine demande qu’on accepte de mettre nos compétences au service des personnes. Quel que soit leur passé, d’où qu’elles viennent. Et si on ne peut pas l’accepter, il faut exercer un autre métier. » Mais elle reconnaît que c’est une profession difficile : « Pas à cause de la mort, contrairement à ce que l’on imagine. Ce qui est dur, c’est la violence chez les vivants, et surtout, la répétition de la violence et de voir la plupart des victimes la subir dans le milieu familial. On croit que la famille est un milieu protecteur et en faisant ce métier, on se rend compte que non, pas toujours et parfois, la terreur y règne. »
Dans ce bureau lumineux, impossible d’imaginer jusqu’où le malheur peut se glisser. Le calme de Pauline Saint-Martin est une barrière.

Au bout du couloir, une autopsie est en cours (200 chaque année à Tours). Chacune est réalisée à la demande de la justice, pour connaître les causes de la mort en cas de décès suspect. Mesure, poids, sens des déchirures… un assistant note chaque détail, en présence de l’enquêteur – policier ou gendarme – qui mettra ensuite sous scellés les prélèvements effectués. Ils pourront, si besoin, être analysés. Puis le corps est restitué à la famille.

Pour l’examen des victimes vivantes, l’enquêteur n’est pas présent. Le médecin lui détaille ses constatations, avec les photos et les prélèvements. Et il reste soumis au secret médical, en limitant son rapport à ce qui concerne l’enquête. Les photos, toujours prises avec l’accord de la victime, sont précieuses : elles permettent de garder une trace des lésions et de suivre leur évolution.
Médicale, judiciaire, psychologique, les prises en charge des victimes sont multiples. Parfois elles se croisent, parfois, elles se suivent en pointillés : certaines victimes portent plainte plusieurs années après une agression sexuelle ou un accident de la route. Si les blessures sont plus difficiles à constater, le légiste procède aussi à un examen psychologique et pourra constater les cicatrices ou les séquelles, physiques ou psychiatriques.

Comme tout légiste, Pauline Saint-Martin témoigne plusieurs fois par an lors de procès d’assises à Tours mais aussi à Blois ou Châteauroux. Ces dépositions exigent des médecins beaucoup de pédagogie : les jurés et les magistrats ne sont pas des spécialistes. Il faut épurer l’autopsie, utiliser des mots simples et précis. Face aux familles présentes dans la salle, devant les victimes parfois, ce récit est difficile, chargé d’émotion, parfois insoutenable pour elles. « Ce sont toujours des moments de souffrance, confirme Pauline Saint-Martin mais ils montrent l’utilité de notre travail. »

Après dix ans d’exercice, qu’est-ce qui lui donne toujours la force d’affronter les blessures des autres ? « On ne peut pas dire que ce métier ait de bons côtés ou rende heureux : face aux souffrances et aux difficultés des personnes qu’on rencontre, on ne peut pas utiliser ces termes. Mais pouvoir les aider dans leur processus de reconnaissance et de plainte est le côté intéressant. On a l’impression de servir à quelque chose. »

CCNT : la danse en partage

Depuis le mois d’octobre à Tours, 17 danseurs amateurs créent une oeuvre collective. Une aventure artistique et humaine encadrée par la chorégraphe Claire Haenni.

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D’un pas tranquille, une femme s’avance sur scène en chantonnant. Rejointe par une autre, puis encore une autre… Bientôt, seize danseurs forment un cercle au milieu de la scène. En son centre, un tas de vêtements jonche le sol. Les artistes y puisent tantôt une jupe grise, tantôt une tunique verte. Se déshabillent, se rhabillent, puis se dévêtissent à nouveau, tout en chantant en chœur. Soudain, un grondement de tonnerre retentit. Changement d’ambiance. Musique dramatique. Une femme tombe à terre. D’autres courent, affolées. Même les vêtements, lancés tels des projectiles, deviennent menaçants. C’est la guerre. Puis le silence, sombre et lourd de sens.

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Ce samedi-là au Centre chorégraphique national de Tours (CCNT), les danseurs de l’atelier chorégraphique filent leur spectacle. Dans un mois, ce sera la grande première. Ils sont 17 amateurs, 15 femmes et 2 hommes, à vivre une expérience unique en son genre : participer à une création collective avec un chorégraphe professionnel. « Une aventure à la fois humaine et artistique, qui les propulse dans l’univers d’une compagnie.
Ils vivent un processus riche de joies, de doutes et de pleurs », rapporte Emmanuelle Gorda, l’assistante. Le stage, renouvelé chaque année depuis l’arrivée en 2012 de Thomas Lebrun à la tête du CCNT, a été successivement dirigé par Christian Ubl, Odile Azagury, Thomas Lebrun lui-même, puis Pascale Houbin. Cette année, Claire Haenni s’est lancée dans l’aventure. Sa volonté : transmettre l’héritage du chorégraphe Jacques Patarozzi, « un maître un peu oublié », dont elle a longtemps été l’une des interprètes et qui a marqué sa carrière : « J’ai suivi ses cours pendant 20 ans et passé 15 ans dans sa compagnie. C’est un pédagogue extraordinaire, qui a trouvé comment faire exprimer une danse à la fois théâtrale et lyrique. »

Image2En septembre 2016, le projet démarrait par une audition. La chorégraphe a retenu la moitié des candidats. De tout âge et tout niveau, plus ou moins à l’aise techniquement. Si certains comptent de nombreuses années de danse derrière eux, d’autres, comme Hugo, débutent. « Pour moi, c’est une première. Je me suis dit que ce serait l’activité idéale pour me débloquer, être moins rigide et crispé au théâtre. C’est dur car je manque de souplesse et de technique, mais je m’amuse beaucoup ! », assure le jeune homme de 18 ans, qui suit un cursus de théâtre au conservatoire de Tours.
Pour Claire Haenni, l’enjeu n’est pas dans la technique. C’est avant tout un travail de groupe et d’écoute. « J’ai choisi des personnes suffisamment “ réveillées ” pour comprendre ce qui se joue dans le groupe et construire collectivement. Tout le monde n’a pas ce talent-là », souligne-t-elle. La sélection passée, les stagiaires se sont retrouvés un week-end par mois pendant 8 heures.

Au programme : transmission de l’héritage de Jacques Patarozzi, apprentissage de morceaux de chorégraphies, improvisations… Un travail sur le corps, mais aussi la voix et l’écriture. La bande-son est composée de textes écrits et lus par les danseurs : « envie de partir, repartir », « monter, s’alléger vers le ciel qui danse tout en haut »… Le thème de leur création : le voyage, la migration… « Une envie de fuir, de se dégager du quotidien. Ils m’ont parlé de mer, de vent, d’oiseau…Ils forment une communauté en voyage », décrit Claire Haenni, qui laisse une grande place à l’improvisation. Sur 45 minutes de spectacle, seules 15 minutes sont écrites. Pas facile d’improviser une demi-heure sur scène face à un public.

La confiance entre en piste

Le groupe a traversé des périodes de doute. Au creux de la vague, il a fallu les aider à repartir, retrouver la magie des débuts. Ce samedi de mai, après un premier filage, la chorégraphe multiplie les encouragements : « La première partie était très belle. Vous voyez, ça prouve bien que vous en êtes capables ! Il y a eu des moments collectifs, d’autres solidaires, du vide également. Laisser du vide, c’est important aussi, conseille-t-elle. Et si vous vous trompez, ce n’est pas grave, ne vous affolez pas. Vous allez être de plus en plus à l’aise, et vous ferez le mouvement à votre manière. »

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Une chose est sûre, les danseurs apprécient l’expérience : « J’aime sa dimension collective. C’est une belle aventure humaine. Chacun avance et nourrit le groupe à sa manière, sans aucun jugement », apprécie Pascale, 56 ans. Une atmosphère bienveillante, qui semble permettre à chacun de se sentir à l’aise et de donner le meilleur de lui-même.

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Texte et photos : Nathalie Picard

PAROLES DE DANSEUSES

-« La danse, pour moi, c’est tout ce qui compte ! Elle évoque la rencontre, le partage… Un moyen de s’exprimer sans utiliser de mot. La danse contemporaine me permet d’aller toujours plus loin car elle ne connaît aucune limite. Je suis en recherche perpétuelle. » Lila, 18 ans

-« La danse, c’est le langage premier. Celui qui permet de communiquer partout, avec n’importe qui. Pour moi, elle est un besoin vital, de l’ordre de la respiration. Impossible d’imaginer ma vie sans danser. J’ai pris mon premier cours à 4 ans et depuis, je ne me suis jamais arrêtée. » Emmanuelle, 48 ans Image9

-« Ici, nous dansons sans masque, face à nous-même. Cette danse-là est thérapeutique. Elle nous révèle qui nous sommes et nous permet de mieux nous comprendre. Elle fait écho à notre propre chemin de vie. Aussi, elle renvoie le spectateur à son histoire personnelle. Il y a beaucoup d’émotions et d’humanisme. » Pascale, 56 ans

>>TOURS D’HORIZONS
À l’occasion du festival de danse Tours d’horizons, vous pourrez découvrir la création des danseurs amateurs. Leur spectacle, intitulé « Ils sont là, avec leurs deux bras qui sont des choses inséparables d’eux », sera présenté à deux occasions, les 14 et 15 juin à 19 h au Centre chorégraphique national de Tours. Du 10 au 23 juin, Tours d’horizons sera l’occasion de remettre sur le devant de la scène des figures majeures de l’art chorégraphique un peu oubliées. Au programme, 16 compagnies invitées et 26 rendez-vous dans divers lieux tourangeaux, du prieuré de Saint-Cosme au musée des Beaux-Arts.
Pour en savoir plus : 02 18 75 12 12 – billeterie@ccntours.com – www.ccntours.com

Association Active : Des dons pour des emplois

Depuis 1999, Active, association caritative d’insertion par le vêtement, aide les femmes en difficulté. Petite virée dans cette véritable ruche, remplie de travailleuses émérites

Gina, appliquée sur sa machine à coudre.
Gina, appliquée sur sa machine à coudre.

La pluie tombe à grosses gouttes ce mardi aprèsmidi. Le ciel est gris, le temps morose. Au 153 rue Saint-François, à La Riche, l’ambiance est toute autre. Dans cet immense bâtiment, on sourit, on s’active. Active, justement, c’est son nom : le lieu abrite l’association caritative tourangelle d’insertion par le vêtement. Émanation du Secours Catholique au départ, devenue autonome depuis, Active « est un chantier d’insertion », introduit Elise Yagoubi-Idrissi, la directrice. Ici, on favorise le retour à l’emploi de femmes en difficulté. La collecte de vêtements et de jouets, puis leur vente en boutique, permet de salarier une vingtaine de personnes.
Ce jour-là, la clientèle est variée. Un grand-père traîne des pieds et déambule entre les rayons. Une petite brune, étudiante, jette un oeil au rayon jouets, tandis que deux mamans se régalent face aux chemisiers. Un peu plus loin, des maillots de foot des équipes françaises et algériennes par dizaines. Les prix sont minis : un haut banal à 3 € ; une tunique Jacqueline Riu pour 5 €. « Cela permet de relativiser le rapport marque/prix, n’est-ce pas ? », sourit Mondane Blin de Laloubie, vice-présidente d’Active. Mais attention, pas question de coller « l’affreuse étiquette du magasin pour “ pauvres ” », prévient Élise Yagoubi-Idrissi. « Nous sommes ouverts à tout le monde. Étudiants, personnes dans le besoin ou qui veulent consommer autrement… il y a une très grande mixité sociale. »

Dans un entrepôt, les sacs remplis d’habits attendent de passer par l’espace tri.
Dans un entrepôt, les sacs remplis d’habits attendent de passer par l’espace tri.

Un peu plus loin, Hadiamany aide les clients devant les cabines. « Je suis arrivée il y a 4 mois et tout va bien. Je fais un peu de tout ici », explique la jeune femme. Tout comme ses collègues, elle est en CCDI, un contrat à durée déterminée d’insertion. C’est sa conseillère de Mission locale qui l’a dirigée vers Active. Pour d’autres, c’est Pôle emploi. Les contrats – de 20 à 26 h – sont renouvelables. L’accompagnement est obligatoire. « Les encadrantes sont là pour les aider. On redonne confiance à ces femmes », se félicite la présidente d’Active. Soussana, par exemple, est encadrante. On la retrouve à l’atelier textile, situé derrière les murs du grand magasin. Ici, pas de public ou de clients. Seules les salariées d’Active y ont accès.

Active fait partie du réseau Tissons la solidarité et compte 300 passages par jour au magasin.
Active fait partie du réseau Tissons la solidarité et compte 300 passages par jour au magasin.

Soussana conseille et dirige une petite troupe hyper concentrée. Gina, l’une des salariées, est en train de réaliser une nappe. Le travail est minutieux. Un compliment et ses yeux rieurs s’agrandissent derrière ses lunettes : « Oh, pourtant c’est facile ! », rigole-t-elle. Cela fait une semaine qu’elle est arrivée à Active et comme toutes ses collègues, « c’est un plaisir ». La couture, c’est son truc. Tout comme Faiza qui fabrique « une création avec de la fourrure ». Le vêtement « customisé » finira au rayon “ créa ” du magasin. « Ce sera beaucoup plus cher que les autres habits », plaisante Mondane. Soit… 6 € !

CAVERNE D’ALI BABA

Chic dans son petit tailleur, porte-épingles au poignet, Faiza est fière de son travail. Comme toutes les femmes travaillant ici. Une source de motivation incontestable avant de se lancer sur le marché du travail extérieur. Cela se voit aussi sur le visage d’Armine, de l’atelier jouets. « Bienvenue ! », lance-t-elle toute sourire, avec un petit accent. Elle a le français hésitant, mais pas approximatif. Un peu timide, mais rayonnante, elle raconte : « Là, nous trions et nettoyons les articles. Après, nous les présentons en vitrine ou en rayons jouets du magasin. » Annie, l’encadrante, a l’air ravie d’Armine, arrivée il y a déjà 6 mois. « Elles peuvent constamment proposer des idées. J’adore les initiatives. C’est le travail d’équipe qui est intéressant », souligne Annie.
Récemment, ateliers jouet et couture ont collaboré : la mousse de certaines peluches a ainsi été récupérée pour rembourrer l’oreiller d’un petit lit en jouet.

Jouets ou jeux de société : Armine leur offre une seconde vie.
Jouets ou jeux de société : Armine leur offre une seconde vie.

À l’extérieur de cette « caverne d’Ali Baba », il y a cette montagne de sacs. Des tas d’habits y sont entassés. « Il y en a une tonne par jour ! », informe Mondane. « Alors on doit tout trier. C’est un vrai métier. Il faut savoir ce qui est tendance, connaître les marques, etc. Puis certains habits seront récupérés pour l’atelier couture, d’autres seront recyclés. On ne jette rien à Active. »

Cependant, les dons continuent d’être indispensables à leur survie. Jouets, vaisselle, textile, tout est bon à prendre, sauf l’électroménager et les gros meubles. « En revanche, nous manquons d’habits pour hommes et enfants. » Ici, la devanture de la boutique indique « Vos dons créent de l’emploi ». « C’est valorisant pour tout le monde. C’est un beau projet », souffle Mondane. En sortant d’Active, le ciel s’est enfin éclairci. Il ne pleut plus. Le beau temps est revenu.

> Suivre l’association sur son site ou sur Facebook. Téléphone : 02 47 37 13 33.

> Active à La Riche, 153 rue Saint-François / Active à Tours : 155 rue Edouard-Vaillant. 

Faiza, future créatrice de mode ?
Faiza, future créatrice de mode ?

Textes et photos : Aurélien Germain

Tmv au Hellfest : c’est reparti pour un tour !

C’est devenu une habitude : chaque année, tmv part dans la jolie ville de Clisson pour assister au festival de metal devenu culte, le Hellfest. On se donne rendez-vous en juin.

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L’entrée du festival (photo tmv)

On ne va pas se mentir, il faudrait être un poil râleur, voire de mauvaise foi, pour ne pas être satisfait de l’affiche du Hellfest. Une nouvelle fois, le festival de l’Enfer a mis les petits plats dans les grands, proposant têtes d’affiche prestigieuses (Deep Purple, Slayer, Emperor, ou encore Aerosmith pour la der’ des der’) accolées à près de 150 autres groupes.

De plus en plus prisé, le Hellfest l’est assurément. Preuve en est, le festoche a vendu l’intégralité des pass 3 jours en une semaine cette année. Un record. D’autant qu’aucun nom n’avait encore été dévoilé ! Surtout, c’est un Hellfest qui se jouera de nouveau à guichet fermé.
Si vous n’avez pas eu de places, tmv vous fera un peu voyager. Du 16 au 18 juin 2017, notre journaliste ira faire un tour à Clisson, près de Nantes, afin de rapporter un reportage d’ambiance, mais aussi un résumé des concerts.

61_aerosmithEn attendant, on peut déjà vous dire qu’on ira secouer notre tignasse devant SLAYER (les rois du thrash metal), beugler « Antisocial tu perds ton sang froid » devant TRUST, verser notre larme face à AEROSMITH, danser et descendre quelques bières au concert d’ALESTORM (du pirate metal, si, si), se la jouer viking devant le mythique WARDRUNA, mais aussi taper du pied avec CLUTCH, mettre notre bandana de skater pour SUICIDAL TENDENCIES, zieuter la grosse production de ROB ZOMBIE et surtout chanter « Smoooooke on the waaaater » avec DEEP PURPLE.

À dans trois mois !

> En savoir plus sur hellfest.com ou la page Facebook du festival. 

> Pour visionner le documentaire Open the doors sur le Hellfest, par Redbull TV, c’est par là

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Senior cherche jeune pour rompre l’isolement

Renforcer les liens entre générations et lutter contre l’isolement, ce sont les ambitions de plusieurs projets intergénérationnels nés en Touraine. Zoom sur trois initiatives.

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OFFRE TOIT À PARTAGER

« Florent est un jeune homme gentil et patient. Sa présence vaut de l’or ! », s’exclame Edith Vanbockstaël. La septuagénaire partage son appartement avec ce lycéen de 17 ans depuis le mois de janvier. Une cohabitation réussie, malgré les soixante ans qui séparent les deux colocataires. Comment se sont-ils rencontrés ? Grâce à l’association tourangelle Jeunesse et Habitat, qui a repris en 2015 le concept « un toit en partage », créé par Françoise Menant il y a dix ans. Le but : favoriser la cohabitation intergénérationnelle en mettant en relation des jeunes de moins de 30 ans à la recherche d’un logement, avec des seniors disposant d’une chambre libre à leur domicile.

Partage, solidarité, tolérance : les bénéficiaires doivent adhérer aux valeurs du projet. Un critère que l’association vérifie dès la première rencontre avec les personnes intéressées. En fonction des goûts et des attentes de chacun, elle tente de constituer les meilleurs binômes. Elle organise leur rencontre puis reste présente pour accompagner la cohabitation. Actuellement, le dispositif accueille 15 binômes, un autre est en cours de signature. Avis aux jeunes intéressés : 5 seniors restent en attente. Pour 180 € par mois, Florent dispose d’une chambre et d’un cabinet de toilette indépendant, ainsi qu’un accès à la cuisine et au salon. Une somme modeste contractualisée dans le cadre d’un bail meublé, sous l’oeil de l’association : le loyer ne doit pas dépasser 250 € par mois charges comprises. Une autre formule est possible : une convention d’hébergement, lorsque le locataire paie uniquement les charges.

L’objectif : permettre aux jeunes d’accéder à des logements peu onéreux. « Ce n’est pas l’argent qui a motivé ma participation, précise Edith. Je recherchais la compagnie d’une personne patiente et serviable, surtout pendant la semaine car je suis seule. Toutes mes attentes ont été comblées, c’est formidable. » Et ça va même au-delà : « Lorsqu’il rentre le soir, il s’installe à côté de moi pour me raconter sa journée, ses soucis. » Florent, lui, apprécie cette solution « pratique et économique » : « Je suis là pour l’aider quand elle en a besoin, et elle me laisse ma liberté. Je suis tombé sur la bonne personne. »
Une mise en relation réussie, estime Jeunesse et Habitat, qui souhaite favoriser le dialogue et la solidarité entre générations. Pour Aline Largeau, chargée de développement habitat : « Ce n’est pas une location comme les autres, mais la rencontre de deux personnes qui inventent leur manière de vivre ensemble. »

ÉCHANGE PERMIS DE CONDUIRE CONTRE COMPAGNIE

Alexandra Cormier a 25 ans. Elle travaille à Château-Renault et habite au Boulay, une commune voisine. Sans voiture, c’est compliqué mais elle n’a pas les moyens de financer son permis de conduire. Suzanne Durand, elle, a 89 ans. Elle vit au foyer Le Maine à Château-Renault. Elle se sent parfois seule et ne bouderait pas un peu de compagnie. Grâce à une initiative communale, les deux femmes ont noué une relation privilégiée, et Alexandra espère bien décrocher le précieux papier rose. Cette initiative, c’est le permis solidaire : un dispositif social intergénérationnel mis en place depuis octobre 2013 à Château-Renault.

Le principe ? Un jeune effectue 50 heures de bénévolat, réparties en général sur huit semaines, auprès d’une personne âgée. Il reçoit en échange un financement du centre communal d’action sociale (CCAS) pour son permis de conduire. « Lors du bilan, une enveloppe de 1250 € est versée en trois fois à l’une des trois auto-écoles de la ville », indique Chloé Daumain, coordinatrice du CCAS. Sélection des bénéficiaires, signature d’un contrat d’engagement par les deux parties, livret de suivi… Le projet est encadré pour éviter tout abus.
« En général, ça fonctionne bien. Nous nous efforçons de constituer des binômes selon les personnalités de chacun. Le seul souci rencontré, ce sont quelques jeunes qui n’ont pas eu la motivation suffisante pour persévérer jusqu’à l’obtention du permis », précise Chloé Daumain. Alexandra Cormier, elle, compte bien aller jusqu’au bout : « Ce permis, je l’ai tellement attendu ! Je pourrai enfin être autonome. Mon quotidien sera plus facile. »

Les deux femmes, qui se sont rencontrées l’été dernier, ont partagé promenades, parties de triominos ou discussions autour d’un café… « Ça m’a apporté beaucoup de bonheur », reconnaît Suzanne. Quant à Alexandra, au-delà du financement de son permis, elle a trouvé ce projet « super » car elle « adore le contact avec les gens ». Aujourd’hui, le duo continue à se voir de temps en temps. Rien que pour le plaisir.

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QUAND L’ÉCOLE ET LA MAISON DE RETRAITE FONT BON MÉNAGE

Venir à l’école pour assister à un cours d’histoire ou faire une dictée. À Souvigny- de-Touraine, c’est possible à tout âge : la Marpa-école intègre dans un même lieu une école élémentaire et une maison de retraite. Ainsi, les résidents de la Marpa (Maison d’accueil et de résidence pour l’autonomie) sont les bienvenus à l’école, et vice-versa. La maison de retraite compte désormais 14 résidents permanents, deux en accueil temporaire, et d’autres devraient bientôt les rejoindre. Côté école, il y a 72 enfants. Ce dispositif innovant fait la part belle aux échanges entre jeunes et personnes âgées.
« On organise des séances hebdomadaires de jeux de société. Aussi, à tour de rôle, 6 à 8 enfants viennent manger à la Marpa deux fois par semaine », explique Anne-Sophie Housseau, responsable de la Marpa. Autre initiative : chaque mois, les anciens et les écoliers qui fêtent leur anniversaire confectionnent des gâteaux pour toute la Marpa-école. L’occasion de souffler les bougies ensemble.

Par Nathalie Picard

La Ville-aux-Dames : honneur aux dames !

À peine 2 % des rues françaises portent le nom d’une femme. À La Ville-aux-Dames, à quelques minutes de Tours, la proportion atteint quasiment 100 %. Petite virée dans cette commune d’un peu plus de 5 000 âmes, histoire de rendre hommage à ces dames… qui le méritent bien !

UN PEU D’HISTOIRE

Mercredi, 10 h du matin. Le thermomètre peine à afficher son petit degré au-dessus de zéro. À l’arrêt de bus Colette, deux jeunes ados, emmitouflées, tapent le pied de grue. « Pourquoi tous les noms de rue sont féminins ? », demande-t-on naïvement. Leurs yeux grandissent. « Ouaaah, j’avais jamais tilté ! », s’exclame l’une d’elle, hilare (et honteuse). Bienvenue à La Ville-aux-Dames où – eh oui – tout le monde ne connaît pas encore le pourquoi du comment.
Retour quelques siècles en arrière, en l’an 790. Hildegarde, une noble, édifie une abbaye de femmes à Saint-Loup, les religieuses étant nombreuses à l’époque parmi la population. Le nom ? Villa Dominarium, qui deviendra ensuite La Ville-aux- Dames (la commune sera d’ailleurs renommée Les Sables, pendant la Révolution). Mais ce n’est qu’en 1974 – le 13 mars exactement – que la ville verra ses rues baptisées en l’honneur des femmes. Le maire de l’époque, Lionel Delaunay, décide de donner des noms de femmes plus ou moins célèbres aux rues. Unique en France.

Notre GPS n’aura jamais vu autant de dames !
Notre GPS n’aura jamais vu autant de dames !

DE TOUS LES DOMAINES

Cinéma, santé, Histoire et bien d’autres… Du square Mary Queen of Scotts à la rue Anne Frank, les femmes mises en valeur par les plaques de rue se sont illustrées dans bien des domaines. En errant un peu au hasard, on tombe sur la rue Lucie Coutaz Repland. Qui n’est autre que la cofondatrice d’Emmaüs, systématiquement associé à l’Abbé Pierre, mais dont on oublie trop souvent à quel point Lucie Coutaz a fait part intégrante du projet. Guérie d’une paralysie à Lourdes en 1921, elle deviendra secrétaire de l’Abbé Pierre qui, lui-même, la contactera directement pour créer la fondation Emmaüs.

En remontant la rue, on tombe sur l’avenue Jeanne d’Arc. Un détour par la rue Louise Weiss (femme de lettres, journaliste, femme politique et féministe, rien que ça), puis l’on atterrit sur l’avenue non pas Pierre mais Marie Curie. Désolé Pierrot, mais ici, on se rappelle que madame a obtenu deux prix Nobel.
En s’égarant un peu, on finit même dans un quartier sympathique et tout propret. Un panneau indique le croisement de la rue Marie Laurencin, artiste peintre proche de Picasso, et celle de Raymonde Meunier. Née à Joué-lès- Tours, cette résistante est connue (ou pas) pour son rôle d’agent du réseau CND-Castille dans la région de Tours dans les années 40.

Trop d’Honoré de Balzac tue l’Honoré. Ici, on met à l’honneur sa soeur. Laure de Balzac possède une autre rue, à Paris, appelée rue Laure-Surville, son nom de femme mariée.
Trop d’Honoré de Balzac tue l’Honoré. Ici, on met à l’honneur sa
soeur. Laure de Balzac possède une autre rue, à Paris, appelée
rue Laure-Surville, son nom de femme mariée.

LES BÂTIMENTS AUSSI

L’oeil fouineur remarquera que le gymnase porte le nom de Lionel Delaunay, tandis que le boulodrome s’appelle Vincent Masanet. Mais pour le reste, en majorité, la municipalité a choisi de donner à ses bâtiments et édifices des noms de femmes célèbres.
En témoignent l’accueil de loisirs Françoise Dolto (psychanalyste française), la résidence pour personnes âgées Jeanne Jugan (religieuse et fondatrice des Petites Sœurs des Pauvres) ou encore la salle de spectacles Maria Callas, du nom de la cantatrice.

Les édifices municipaux ont aussi droit de rendre hommage aux femmes !
Les édifices municipaux ont aussi droit de rendre hommage aux femmes !

OH, L’INTRUS !

Une toponymie rêvée, un nom d’impasse qui en jette : La Dame Noire. Oui mais non. Il s’agit en fait du nom de code de… Jérôme Besnard, curé de La Ville-aux-Dames, figure de la résistance tourangelle, dans le réseau Marco Polo.
Aux côtés de la place du 11-Novembre, par exemple, elle fait partie des rares rues à ne pas être féminine.

La seule voie de la commune dédiée à un homme. Jérôme Besnard était un prêtre et résistant tourangeau.
La seule voie de la commune dédiée à un homme. Jérôme Besnard était un prêtre et résistant tourangeau.

> À noter que tmv est désormais disponible dans 4 nouveaux endroits à La Ville-aux-Dames : Karamel Kafé, Concept Immo 37, Le Concorde et La Cale Sèche.

Classe inversée : une révolution pédagogique ?

Donner un cours aux côtés des élèves et non pas uniquement en face d’eux, c’est le principe de la classe inversée. Découvrez cette pédagogie qui se développe avec ce lexique désordonné !

Rapide et amusant, les test Plickers font participer toute la classe.
Rapide et amusant, les test Plickers font participer toute la classe.

On l’appelle pédagogie « inversée » car elle bouscule les codes du cours traditionnel magistral. Le professeur ne délivre plus seulement un savoir devant les élèves qui l’écoutent sagement, il les invite beaucoup plus à échanger en classe et à interagir avec lui ou avec les autres élèves. Une pédagogie du « côte à côte, plutôt que face à face » comme le définit Héloise Dufour présidente de l’association Inversons la classe.

En pratique, l’élève réalise chez lui des tâches simples via des vidéos et des supports numériques. Il a ainsi accès aux cours avant la leçon et peut y retourner à tout moment de l’année. En classe, il étudie ensuite les notions dites complexes à travers une pédagogie active (travaux de groupes, argumentations…).
Le professeur aura ainsi plus l’occasion de « répondre à des questions que les élèves se posent, plutôt qu’à des questions qu’ils ne se posent pas », résume le ministère de l’Éducation qui promeut cette nouvelle façon d’enseigner. Une Semaine de la classe inversée, du 30 janvier au 3 février, permettra d’ailleurs d’entrer dans ces classes différentes.

À Tours, six classes inversées ont été mises en place au lycée Sainte-Ursule depuis septembre. Cécile Cathelin professeure de lettres et Delphine Péron professeure de mathématiques appliquent cette méthode de la seconde à la terminale. Petit lexique pour mieux comprendre.

À Sainte-Ursule, deux classes sont dédiées à cet enseignement et équipées d’un vidéoprojecteur et d’un ordinateur.
À Sainte-Ursule, 2 classes sont dédiées à cet enseignement et équipées d’un vidéoprojecteur et d’un ordinateur.

 >> POUR LIRE L’AVIS DE PROFS, ÉLÈVES ET PARENTS, C’EST A LIRE ICI ! <<

I… comme îlot

9 h. Des élèves de seconde rentrent en classe de maths avec Delphine Péron. Ils s’agglutinent devant le bureau. « T’es avec qui ? » Ils sont placés par groupe de cinq ou six sur des « îlots » de tables dispersées dans la classe. Ainsi disposés, ils vont travailler ensemble pour construire le cours et l’expliquer à leurs camarades.
Delphine Péron s’assoit à leurs tables pour leur donner des explications. En Français, le placement est choisi. Pour Cécile Cathelin, professeure de lettres, « cette disposition permet de construire une relation plus proche avec les élèves ».

P… comme « Plickers »

« Tournez la figure que je vous ai distribuée en positionnant la lettre de votre réponse vers le haut », demande l’enseignante de maths. La question et trois réponses s’affichent au tableau. Les élèves lèvent non pas le doigt mais leur feuille. Et là, surprise, Delphine Péron sort son smartphone et balaie la pièce avec sa caméra. En un instant, l’application « Plickers » scanne les figures et calcule le taux de bonnes réponses. Tout va très vite. Ces outils numériques sont nombreux dans la pédagogie inversée, ils permettent de gérer le temps autrement et de capter l’attention des élèves.

W… comme web

Les deux professeurs alimentent leur site : vidéo, plan de travail, jeux interactifs, exercices, notes de cours, méthodologie… « Ceux qui n’ont pas vu la vidéo ont manqué quelque chose, maintenant, vous pouvez mettre vos écouteurs et la regarder sur votre téléphone », suggère Cécile Cathelin en cours de français. Le smartphone devient un outil de travail.

À côté des manuels scolaires, des outils familiers : l’ordinateur et le téléphone.
À côté des manuels scolaires, des outils familiers : l’ordinateur
et le téléphone.

A… comme autonomie

L’objectif, c’est aussi de préparer les élèves à des méthodes universitaires en leur donnant des outils et une organisation : « J’ai pas eu le temps », se plaint une élève de première. « Applique la méthode, APR : anticiper-planifier- réviser », lui répond sa professeur de français la renvoyant vers le plan de cours.

S… comme solidarité

« On souhaite que les élèves s’entraident », explique Delphine Péron. Cette façon de faire peut déstabiliser les bons éléments, habitués à retenir les notions en cours et à moins travailler chez eux. Pour ceux-là, c’est aussi apprendre à partager ses connaissances.

E… comme effervescence

« S’il-vous-plait, moins de bruit ! » C’est le risque avec les cours non-magistraux ! Cela peut même freiner certains professeurs à utiliser cette méthode. Les élèves chuchotent, parfois rigolent, se lèvent en toute liberté, mais ils ont du travail et une note de groupe !

La personnalisation de la salle, rend créatif les élèves et créé une ambiance chaleureuse
La personnalisation de la salle, rend créatif les élèves et créé
une ambiance chaleureuse

B… comme bac

« Parce qu’il y a le bac, on ne peut pas appliquer cette méthode » est un argument des profs réfractaires. Pourtant les devoirs sur table sont toujours d’actualité dans ces classes et les élèves sont plus motivés. « Actifs, ils retiennent dix fois plus », explique Delphine Péron.

D… comme diffusion

La mise en place de cette pédagogie inversée au lycée a fait quelques émules parmi les 68 enseignants de l’établissement. Sophie Gaspar, en histoire-géo, Marie Hersperger, en lettres, Mariel Murciano en espagnol et Johan Guiton, professeur de musique ont emboîté le pas sur une partie de leurs cours.

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La discussion en petit groupe permet d’établir un lien entre les élèves et les professeurs.

Pauline Phouthonessy

La Boulangerie : les artistes au fournil

À Saint-Pierre-des-Corps, une boulangerie est devenue un atelier d’artistes amateurs et professionnels. Un endroit où la chaleur humaine a remplacé la chaleur du four.

Pendant deux ou trois heures, ils avancent à leur rythme.
Pendant deux ou trois heures, ils avancent à leur rythme.

Ding, dong ! »… Le tintement de la sonnette retentit dans l’ancienne boutique de Saint- Pierre-des-Corps. Cette musique rythme les allées et venues des clients comme si rien n’avait changé au 33 de la rue Pierre-Sémard. Une mélodie intacte, à l’image du « Boulangerie Pâtisserie » inscrit en lettres gothiques sur la devanture. Pourtant, les habitudes de ce lieu ont bien évolué. Depuis 1998, la peinture et les chevalets ont remplacé le four et les pains chauds ; les boulangers ont troqué leur tablier pour des blouses de peintres ; les tableaux exposés ont pris la place des éclairs au chocolat ; et dans l’ancien fournil, les effluves de peinture à l’huile se sont substituées à l’odeur de la pâte.

L’association Diagonale propose depuis dix-neuf ans des cours d’arts plastiques à la « Boulangerie ». Soixante-dix adultes et autant d’enfants s’y retrouvent du lundi au jeudi, par groupe de quatorze maximum, pour un moment de partage et d’expérimentation.

À la Boulangerie, on essaie toutes les techniques.
À la Boulangerie, on essaie toutes les techniques.

Juliette Gassies et Frédéric Dumain sont les deux artistes à l’origine de cette initiative (portraits à découvrir ICI). Avec deux autres personnes, ils ont créé, en 1994, l’association Diagonale. « Après les Beaux- Arts de Tours, où nous nous sommes tous connus, nous avons exercé comme professeurs d’arts plastiques dans différents foyers culturels de la ville, se rappelle Juliette Gassies, une fleur plantée dans les cheveux. On voulait monter notre propre structure et la mairie de Saint-Pierre-des-Corps nous a proposé cette ex-boulangerie. »
Restée dans « dans son jus », cette maison pouvait accueillir l’activité « salissante » sans problème et contre un loyer modique. Les deux étages ont ainsi été privatisés et transformés en ateliers professionnels. Le rez-de-chaussée a, lui, été aménagé pour les cours où se mêlent débutants et confirmés.

« ON LÂCHE LES SOUCIS À L’ENTRÉE »

D’ailleurs en ce lundi après-midi pluvieux, les apprentis ont repris le chemin de l’atelier. Après avoir passé l’ancien magasin, ils traversent un couloir de blouses et d’étagères, avant d’arriver dans le vif du sujet, un atelier baigné dans la lumière crue des néons. Une bulle où tout est possible, un endroit où le temps s’est arrêté. Une dizaine de retraitées déballent leur boîte à outils et sortent pinceaux, gouache, huile, pastels, crayons de couleurs, gomme… « Je leur donne un fil conducteur et ensuite, chacun est libre de faire ce qu’il veut, dans le temps qu’il souhaite, ce n’est pas contraignant », raconte la prof.
« Pour moi, c’est un moment de détente, de plaisir, révèle Chantal, 71 ans, au-dessus d’un paysage aux teintes verts d’eau. Elle poursuit en regardant sa toile, « Juliette nous aide beaucoup. Chez moi, je peignais, je reproduisais, mais ici, je travaille plus mon imagination. » Et quelques minutes plus tard, elle lui demande conseil. Les deux femmes échangent, regardent, se penchent sur le chevalet. « C’est important que les élèves se trompent, qu’ils essayent. Ils apprennent aussi la patience », note Frédéric Dumain qui donne lui aussi des cours.

Juliette conseille, explique avec patience.
Juliette conseille, explique avec patience.

L’enseignante haute en couleur semble autant plaire à ses élèves que l’activité elle-même. Pour Myrtille Bout, 75 ans, « les trente minutes de route valent bien ces moments de bonheur ». Chantal, 71 ans, de Joué-les-Tours complète même : « Ici, on pose tout, on lâche les préoccupations à l’entrée. C’est un moment pour soi. » Lors de ces ateliers, on vient aussi tromper l’ennui, la solitude, qu’on soit employé ou en profession libérale avec des horaires décalés. « Depuis que je suis retraitée et comme j’habite à la campagne, je vois moins de gens. Toute seule, ce n’est pas évident d’avancer. Ici, c’est agréable de rencontrer des gens, voir ce que chacun peint au mur », sourit Marie-France, 66 ans.
Image4Les rires, les conseils et même les chocolats circulent ainsi pendant trois heures. Des amitiés et des vocations sont aussi nées entre ces murs. « Ce n’est pas qu’un lieu où l’on dessine ou l’on peint, ça a un côté familial », confirme Frédéric Dumain qui s’y sent comme chez lui. Et comme dans tous les foyers, certains quittent le nid. Les petits qui ont commencé à cinq ans à manipuler la terre ou le pinceau sont partis vers des cursus artistiques aux Beaux-arts, dans une école d’architecture ou encore comme illustratrice et céramiste.

Dans l’avenir, le duo voudrait faire perdurer la boulangerie, inviter d’autres artistes à exposer et continuer à faire connaître ce lieu, pas très passant : « Soyez curieux, osez l’aventure et passez le pont, invite Frédéric Dumain, il reste de la place ! »

Reportage et photos : Pauline Phouthonessy 

Frédéric et Juliette invitent à « passer le pont ».
Frédéric et Juliette invitent à « passer le pont ».

Elles tendent la main aux migrants de Tours

Des citoyens tourangeaux partagent le quotidien des migrants hébergés au Centre d’accueil et d’orientation de Saint-Pierre-des-Corps. Une véritable solidarité de proximité.

Des liens forts se sont tissés entre Gaëlle, Tiphanie, Manuella et certains exilés.
Des liens forts se sont tissés entre Gaëlle, Tiphanie, Manuella et certains exilés.

« Pour moi, elles sont comme deux sœurs et une mère. Une nouvelle famille. Je suis très heureux quand je les vois », affirme Khaled un sourire aux lèvres. Le jeune homme de 31 ans est Soudanais. Après avoir connu la jungle de Calais, il est arrivé au centre d’accueil et d’orientation (CAO) de Saint-Pierre-des-Corps, lorsque le camp a été démantelé il y a près de deux mois.

« Elles », ce sont Tiphanie, Gaëlle et Manuella : trois amies devenues inséparables alors que fin octobre, elles ne se connaissaient même pas. Plusieurs fois par semaine, elles se rendent au CAO afin de passer un moment avec « les gars », comme elles les appellent. Ils sont une cinquantaine d’hommes seuls, une grande majorité de Soudanais, quelques Libyens et Érythréens. Ils sont ici pour une période transitoire d’environ trois mois.
D’après le ministère de l’Intérieur, le passage en centre d’accueil et d’orientation doit permettre « aux personnes migrantes sans-abri de bénéficier d’un temps de répit et d’engager, si elles le souhaitent, une démarche de demande d’asile ». C’est l’association Adoma qui les accompagne dans cette démarche et gère le dispositif d’hébergement et d’insertion. La plupart des hommes accueillis ici viennent de Calais ou de Paris. Mais il est difficile de remonter plus loin le cours de leur histoire.

Parmi les dons récoltés par Coup de pouce, plein de livres scolaires.
Parmi les dons récoltés par Coup de pouce, plein de livres
scolaires.

Selon l’Organisation des Nations unies (Onu), depuis 2003, la crise du Darfour aurait causé 300 000 morts et 2,5 millions de déplacés. « Ils ne veulent pas raconter leur passé. Avant d’arriver là, ils ont vécu tout un périple marqué par la violence. Certains ont connu la torture. Souvent, leur famille leur manque. L’un d’eux me racontait que sa femme était sur le point d’accoucher lorsqu’il a dû quitter son pays. Et depuis trois mois, il reste sans nouvelles. »

LEUR CHANGER LES IDÉES

Ce jour-là, à l’entrée de l’ancienne résidence SNCF qui tient lieu de centre d’accueil, deux migrants sont assis sur un banc, une cigarette à la main et les yeux de le vague. Le vague à l’âme. Ils semblent s’ennuyer. Et cogiter, surtout. À l’intérieur, dans la salle télé, Saeed regarde une émission de billard en compagnie de deux autres Soudanais. Dans le couloir qui jouxte la pièce, Manuella improvise une partie de football avec Younis. Pendant ce temps, un groupe de sept migrants est en cours de français, à l’étage. Ils apprennent les bases de la langue, pour réussir à se présenter et se débrouiller au quotidien.

Chaque semaine, des cours de français sont dispensés.
Chaque semaine, des cours de français sont dispensés.

Si les journées sont rythmées par les repas et quelques activités, le temps semble suspendu. On sent que ces hommes sont dans l’attente. Ils ont fui un pays en guerre, sont en pleine procédure de demande d’asile et ne savent pas de quoi leur avenir sera fait. « Plus les jours passent, plus ils s’éteignent. Ils font des insomnies et sont fatigués. Nous essayons de leur changer les idées, en leur proposant des activités », explique Tiphanie. Atelier d’arts plastiques en partenariat avec les étudiants de l’école des Beaux-Arts de Tours, sorties au marché, visites au musée, théâtre, jeux de société, cuisine… Les bénévoles organisent même un réveillon pour le jour de l’An. Au programme : un après-midi cuisine puis une soirée festive avec une compagnie de cirque et un concert de jazz manouche.

Certains, comme Saeed, regardent de temps en temps la télé.
Certains, comme Saeed, regardent de temps en temps la télé.

Tout a commencé fin octobre par un message posté sur Facebook par Sarah, une Tourangelle, qui se demandait où se trouvaient les migrants de Calais accueillis en Touraine. Tiphanie lui a répondu, et de cet échange est né le groupe Facebook Coup de pouce aux migrants de Tours. « En moins de 4 jours, nous étions 400 membres. Nous avons récolté plein de dons : vêtements, chaussures, produits d’hygiène… Le 75 Restaurant a offert 50 kebabs. Une semaine après, des voisins préparaient un couscous pour 50. Nous ne nous attendions pas à une telle mobilisation », raconte Tiphanie.
Aujourd’hui, le groupe compte près de 730 membres. Parmi ces nombreux soutiens, une quinzaine de bénévoles sont actifs au quotidien. L’ampleur de la mobilisation leur a donné envie de créer une association. L’objectif ? Se doter d’un statut leur permettant d’agir et de monter des projets avec les migrants. Pour Tiphanie, Gaëlle, Manuella et consorts, c’est une implication au quotidien. Pleines d’énergie, les jeunes femmes apportent à leurs amis un soutien sans faille. Nuit et jour. Leur moteur ? « Ce sont eux, répond le trio en chœur. Nous avons tissé des liens très forts. Pour nous remercier, ils nous traitent comme des princesses, et nos enfants aussi. »

Textes et photos : Nathalie Picard

> Contact : Groupe Facebook : Coup de pouce aux migrants de Tours
> Association en cours de création : 07 68 48 60 06 – coupdpm@gmail.com

> L’association recherche une salle pour organiser son réveillon du Nouvel an.

Baby Capoeira : alors on danse

Avec son école Capoeira Mandara, Luiz Gonzaga Desa Junior enseigne les bases de cet art-lutte aux tout-petits, dès 3 ans.

capoeira

Musique brésilienne sur fond de Pandeiro – une sorte de tambourin – chants portugais et uniforme blanc de rigueur. Luiz Gonzaga Desa Junior, 35 ans, a revêtu sa tenue traditionnelle : le cours de baby capoeira peut débuter. Au rythme de l’atabaque, un tambour de forme conique, c’est parti pour l’échauffement dans la salle de danse de l’avenue du Général de Gaulle, à Tours. Le Maître de Capoeira – un grade qu’il a acquis après 25 années de pratique – apprend les bases de cet art martial afro-brésilien aux tout-petits, dès 3 ans.

Lui-même a débuté « l’art-lutte » – comme il le définit lui-même – en 1987, au Brésil, avant de fonder son école en 2007, à Barcelone. La Capoeira Mandara est aujourd’hui présente dans 5 pays, dont la France, et a posé ses valises depuis cinq ans à Tours. Qu’est-ce que les enfants apprennent dans les cours de Capoeira, cette discipline héritée des esclaves et qui fut longtemps interdite par les colons au Brésil ? Image6
« La coordination, l’agilité, l’endurance et l’élasticité, cite pour exemple Luiz Gonzaga Desa Junior. C’est aussi un bon moyen pour vaincre sa timidité et développer son sens artistique. Les enfants découvrent des notions de musique, de rythme – car il faut jouer la capoeira dans le bon tempo – ou encore de portugais. Je leur apprends, par exemple, à compter jusqu’à 10. »

Une fois les corps réchauffés, place à la Ginga. Un mot portugais qui signifie « jeu de jambe » et qui constitue le pas de base de la capoeira. Puis les enfants tentent la Meia-lua de compasso (soit, en version française, la demi-lune de compas), un coup de pied rotatif avec les mains posées au sol. Avant de s’essayer à différents enchaînements. « Les enfants jouent et apprennent en même temps, sourit Luiz Gonzaga Desa Junior. Il n’y a pas de rigidité dans l’apprentissage : il faut être patient et très pédagogue. » Et pas plus de 45 minutes. Attention, Ginga !

Flore Mabilleau

Regard neuf sur le handicap visuel

#EPJTMV Le 3 décembre prochain sera célébrée la Journée internationale des personnes handicapées. L’occasion pour tmv de mettre en relief le quotidien de la dizaine d’étudiants tourangeaux atteints de déficience visuelle.

ÉTUDIER

Image5« C’est perturbant de parler avec quelqu’un que tu ne vois pas. » Une dizaine d’années après avoir subi un décollement de la rétine, accentuant sa déficience visuelle de naissance, Théo Lenoble a encore du mal à « encaisser le choc. » « Le plus dur reste de ne pas pouvoir discerner les visages. Je ne me fie qu’au son », explique-t- il. Ce qui ne l’empêche pas pour autant de suivre des études supérieures.

À 26 ans, Théo prépare un Master 1 de promotion et de gestion de la santé. Le jeune homme assiste aux cours, en amphi, avec ses camarades. En complément, une personne de la Mission Handicap de l’Université François-Rabelais l’aide à compléter ses prises de notes. Des logiciels intégrés à son ordinateur lui permettent ensuite d’agrandir le texte à l’écran et d’en effectuer une synthèse orale. « Ça m’a facilité la vie, se réjouit-il. Je suis aussi moins fatigué. » En moyenne, un déficient visuel a besoin de trois à quatre fois plus de temps de travail par rapport à un valide. Mais leurs requêtes ne sont pas toujours prises en compte par les professeurs. Théo pointe des problèmes de réception et de lenteur. « Il faut souvent insister pour obtenir les documents sous format informatique. Je pense que nous ne sommes pas assez nombreux pour changer la donne. »
Un constat que partage Damien Remaux, de la Mission Handicap. « Il faut continuer à sensibiliser toute la communauté universitaire. »

RECHERCHER Image3

L’an passé, l’Union nationale des aveugles et déficients visuels a doté la médiathèque de Tours en matériels onéreux, adaptés pour répondre aux attentes des malvoyants. « Tout est intuitif, ergonomique et facile d’utilisation », précise Emmanuelle Jarry, responsable du site François-Mitterrand, place du Beffroi à Tours- Nord.

Dans un espace calme et ouvert sur les rayons de livres et de disques, on trouve un ordinateur avec un clavier aux gros caractères et un logiciel qui lit le texte affiché. Il y aussi un téléagrandisseur, qui permet de zoomer sur tous types de documents, ou encore des loupes numériques et une machine à lire. « Ça ressemble à un scanner. On peut même importer les sons avec une clé USB », détaille Lyse Dumaine, de la médiathèque. « Un étudiant vient souvent avec ses cours pour les écouter », rapporte Frédéric Bachelier. La dotation complète avoisine les 10 000 euros, mais les équipements ne sont pas encore connus de tous. La bibliothèque sonore de Tours propose également, sur demande, une retranscription d’ouvrages et de manuels scolaires. « Tout cela gratuitement, grâce à nos donneurs de voix bénévoles », souligne Catherine Pellerin, présidente.

SE DIVERTIR

Des jeux de société adaptés existent, comme le Scrabble en braille. « Cela requiert de développer le toucher, mais les pièces d’échecs et de dominos par exemple sont facilement reconnaissables », estime Danièle Rénier, bénévole à l’association Valentin Haüy 37. Un Rubik’s Cube en relief est même disposé dans la vitrine des locaux. Aussi, le cinéma CGR des 2 Lions propose l’audiodescription, sur demande préalable. La médiathèque François-Mitterrand dispose d’un fonds de DVD audiodécrits. Les livres parlés et ceux en gros caractères sont de plus en nombreux dans les bibliothèques tourangelles. Ils peuvent être lus par un appareil nommé Victor, disponible en prêt.
« Il permet de reprendre la lecture où l’auditeur s’est arrêté », indique Danièle. La bibliothèque sonore de Tours donne, elle, un accès à plus de 3 500 romans et revues, ainsi qu’à un résumé hebdomadaire du journal La Nouvelle République. Quant à Théo Lenoble, il n’a pas le temps d’écouter des livres mais il aime, comme tout le monde, la musique.

En revanche, il n’est pas fan des sorties nocturnes. « Il y a beaucoup de bruit en soirée donc je dois me concentrer davantage et faire attention à ne pas bousculer les autres. Je ne me sens pas très à l’aise, accorde-t-il. Je profite plus à la maison, ou chez des amis. »

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Image9SE DÉPLACER

On a pour habitude d’associer les malvoyants et les aveugles à leurs chiens guide. « Même si j’ai fait en sorte d’habiter au pied de la fac, je l’emmène partout », reconnaît Théo Lenoble. Leur présence doit être acceptée dans la majorité des lieux ouverts au public. Dans les transports en commun, Danièle Rénier note que « l’accessibilité s’est améliorée depuis quelques années ».

Des bandes de vigilance au sol et des feux sonores, activables via une télécommande, ont été mis en place, spécifiquement dans le centre-ville. Le nom des arrêts de bus et de tramway peuvent être énoncés. « Mais ça reste au bon vouloir des chauffeurs », regrette Théo. Sinon, il existe également des applications GPS, sur smartphone, qui obéissent aux ordres donnés et indiquent la position, « quand il y a de la batterie… » Les récents aménagements posent aussi quelques problèmes de repères. « Même si les élus sont de plus en plus réceptifs, il est parfois dommage de privilégier l’esthétique. Par exemple, il n’y a pas de différence de couleur entre les voies du tram et celles piétonnes de la rue Nationale », assure Danièle.
« Quand je suis allé à la gare après les travaux, je n’avais plus mes repères. Les trottoirs avaient disparu », déplore Théo.

FAIRE DU SPORT

Tennis de table, danse, tandem, voile, torball, tir, musculation, pétanque, équitation… Le club sportif de l’association Valentin Haüy 37 ne manque pas d’activités adaptées aux malvoyants et non-voyants. Parmi elles, le torball est particulièrement apprécié. Voisin du goalball, discipline paralympique, ce sport collectif consiste à s’échanger, trois contre trois, avec les yeux bandés, un ballon muni de grelots. Le but est de l’envoyer dans les filets adverses, en le faisant rouler sous des ficelles tendues. « Un peu comme du volley-ball, avec des joueurs à la fois attaquants et défenseurs », compare le président, Philippe Frelon.

Un sport fédérateur puisque des étudiants, des travailleurs et des retraités, hommes comme femmes, se retrouvent pour un moment d’échange et de partage, chaque mardi soir. « Ça permet de se changer les idées », confie Guylaine, jeune pratiquante depuis mars 2016. Petit plus : la licence du club, qui ouvre à toutes les disciplines, est offerte aux moins de 20 ans.

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> Une exposition photo de Sylvain Renard, Un autre regard sur le handicap visuel, est à découvrir, jusqu’au samedi 3 décembre, à la médiathèque François-Mitterrand.

TEXTE : SIMON BOLLE ET MARCELLIN ROBINE
PHOTOS : MARTIN ESPOSITO ET MARCELLIN ROBINE

[#EPJTMV / Cet article fait partie du numéro 235 de tmv, entièrement réalisé par les étudiant(e)s de 2e année en journalisme de Tours]

Une semaine sans rien dépenser

#EPJTMV « J’achète donc je suis. » C’est le credo de notre société de surconsommation. Et si, pendant 24 h, on disait non ? C’est l’idée de la Journée mondiale sans achat, fêtée chaque 26 novembre. À tmv nous avons décidé de pousser le défi un peu plus loin : une semaine sans dépenser.

sans dépenser

JOUR 1 √

En ouvrant mon frigo d’une main tremblante, je m’aperçois que je ne pourrais pas tenir la semaine. Si je veux respecter mon défi « zéro dépense », sans finir la peau sur les os, je dois m’organiser. Tel un hamster en fin de saison, j’ai quelques (maigres) provisions. Le petit-déjeuner et le déjeuner se déroulent sans incident. Je m’autorise même un goûter.
Mais l’heure fatidique du dîner arrive. Le frigo et les placards crient famine, tout comme moi. Je décide alors de me dépanner chez mes chers voisins. On voit bien ça dans toutes les séries américaines, pourquoi pas à Tours ? Je frappe à la porte de ma voisine de palier. En attendant qu’elle m’ouvre, je répète sans cesse la même phrase dans ma tête : « Bonjour ! J’étais en train de cuisiner quand je me suis rendue compte que j’avais oublié l’ingrédient principal de ma recette… Quelle tête en l’air je suis. » La porte s’ouvre enfin. Je récite mon speech, armée de mon plus beau sourire. J’obtiens un pot de sauce tomate. Bingo.

Chez un second voisin, je récupère du sel qui me servira à rehausser mon repas improvisé. J’arrive enfin chez mon troisième (et dernier) voisin. C’est la scène finale. Je connais mon texte par cœur, désormais. Je n’oublie pas le sourire et le petit air gêné qui va bien. Jackpot ! Je reçois un paquet de pâtes, bio en plus. Je pense déjà au plat que je vais me préparer : une assiette de spaghettis nappés de sauce tomate, avec un léger arôme de gratuité.

JOUR 2 √ Capture

« Un caffè sospeso per favore ! » Rassurez-vous, mes notions d’italien s’arrêtent là. Le caffè sospeso est une tradition de solidarité, venue tout droit de Naples. En France, on appelle ça le café « suspendu » ou « en attente ». Le principe ? Commander un café et en payer deux, un pour soi et un autre pour un client qui en fera la demande. Au Corneille, petit bistrot restaurant de la rue Colbert, le patron a étendu le principe aux repas. « Qu’importe les apparences, si on me demande un café ou un repas suspendu, je dis oui », m’explique Didier, le patron. Bien sûr, le système est d’abord là pour aider les plus démunis.

Alors que je demande timidement un café suspendu, un homme accoudé au comptoir lance un « C’est pour moi ! » Dix minutes plus tard, un généreux plat chaud m’attend, dans une petite barquette à emporter. Je me délecte de ce plat savoureux, le meilleur que j’ai pu manger cette semaine (et, avec du recul, depuis quelques mois). Le patron du Corneille avoue qu’il prépare plus de plats et cafés qu’il n’y en a en attente. Le café suspendu n’est pas encore entré dans les moeurs en France. Et si le 10 décembre prochain on faisait comme les Napolitains qui fêtent la journée du caffè sospeso ? Rendez-vous au Corneille, à L’Instant Ciné ou au New Seven pour offrir un café ou un repas à un inconnu. Un petit geste de générosité qui fait du bien.

JOUR 3 X

Au temps où j’étais une consommatrice aguerrie, j’avais remarqué un grand panier en osier planté au milieu du rayon fruits et légumes du Monoprix. À l’intérieur, des pommes, des oranges, du raisin et des bananes en libre service. Cette opération, valable dans les 250 magasins de l’enseigne depuis septembre dernier, vise à encourager les enfants à manger sain. C’est avec ce doux souvenir en tête que je me rends donc au Monoprix, rue Nationale. Trois jours que je n’ai pas avalé le moindre fruit. Je frise l’overdose de pâtes à l’huile, faute de beurre frais dans mon frigo vide. Rayon fruits et légumes, je feins de m’intéresser aux mandarines bio. À 4,06 euros le kilo, ça sera pour une prochaine fois.

Soudain, le panier à fruits m’apparaît, telle une corne d’abondance. Une petite pancarte indique « Pour les enfants ». Dilemme. Suis-je encore une enfant à 20 ans ? N’ai-je pas dépassé la date limite de péremption ? En même temps, je ne suis pas vraiment adulte… Je décide que je suis une enfant et que, moi aussi, j’ai le droit à ma pomme gratuite. Le « bien manger », c’est à tout âge, non ? Granny Smith à la main, je ressors du magasin, la tête haute. « Madame ? Pouvez-vous venir par ici ? » me lance le vigile. Repérée. Face à son regard accusateur, j’explique, balbutiante, que j’ai emprunté une pomme dans le panier à fruits en libre service. « C’est pour les enfants, madame », me répond le vigile, en insistant bien sur le « madame ».
Je repars bredouille et le ventre grognant. Astuce : si vous vous lancez dans une semaine sans dépense, recrutez vos progénitures pour avoir des trucs gratuits. Ça marche à tous les coups.

Voisins, amis, collègues et même inconnus… Tous ont répondu présents pour m’épauler dans mon expérience : vivre une semaine sans dépenser.
Voisins, amis, collègues et même inconnus… Tous ont répondu présents pour m’épauler dans mon expérience : vivre une semaine sans dépenser.

JOUR 4 √

Alors que je flânais rue Nationale, le regard envieux vers les vitrines décorées aux couleurs de Noël et sur les sacs remplis à ras bord d’emplettes en tout genre, je me suis retrouvée dans un magasin de cosmétiques. Je vous jure, je me suis littéralement fait aspirer par les portes automatiques. Comme un appel irrépressible à la consommation. À peine le seuil de la boutique franchi, un parfum d’interdit me submerge. Non pas celui du dernier gel douche vanillé, mais celui de l’envie, du besoin même, de tout acheter. Afin d’assouvir ma tentation de dégainer ma carte bancaire, je trouve la parade. « Ce fard à paupière est magnifique ! » je m’extasie, à proximité stratégique d’une vendeuse. Ni une ni deux, celle-ci s’approche de moi, flairant la bonne cliente potentielle : « Puis-je vous aider ? »

Je feins un intérêt certain pour ce fard à paupière pailleté qui me fait de l’oeil depuis le début. « Est-ce qu’il m’ira ? » Face à mon hésitation non dissimulée, la vendeuse me propose, un large sourire aux lèvres, de me maquiller. « Je suis là pour ça vous savez », m’explique-t-elle, un pinceau de maquillage entre ses doigts parfaitement manucurés.
Je ressors de la boutique quinze minutes plus tard, arborant un teint plus frais que jamais, des yeux de biche et des mains toute douces (bon, d’accord, j’ai un peu forcé sur les échantillons de crème hydratante). Conseil d’experte : ne pas lésiner sur l’intérêt porté sur le produit en question.

JOUR 5 √

Les dégustations gratuites. Parlons-en. Ce sont nos petits plaisirs inavouables qui permettent de s’en mettre plein la panse, sans dépenser un centime. J’en ai repéré une, au coin de ma rue, organisée régulièrement par une cave à vin. Mais je n’ai jamais osé franchir le cap de l’observation du coin de l’oeil. « C’est maintenant ou jamais » je me répète, le pas décidé. Phase 1 : analyse de l’environnement. Autour de la table, quelques badauds discutent entre deux gorgées de vin, la main piochant nonchalamment dans les assiettes de charcuterie et de fromages. C’est mon jour de chance. Je suis prête à bondir sur la table. « Canalise-toi », lance une petite voix dans ma tête. Furtivement, je jette un coup d’oeil à droite, puis à gauche. Cible isolée, je répète, cible isolée. Plus personne ne rôde devant la table. Je lance alors la phase 2 de mon plan d’attaque. À pas de loup, je me dirige vers la table, feignant de m’intéresser à la provenance du vin exposé.

Alors que l’hôtesse me parle de tanin et d’arôme, je m’empare, mine de rien, d’un verre de rouge. Un verre qui m’ouvre l’appétit. Il est temps de passer à l’ultime étape de mon plan. Je chaparde un morceau de fromage, puis un autre. Impossible de me refréner. J’hésite presque à abandonner mon végétarisme pour profiter des tranches de saucisson qui se battent en duel sur l’assiette en carton. Mais je résiste. Ma faim n’aura pas mon amour pour les bêtes.

Prochaine cible : le marché de Noël et ses dégustations gratuites (le pain d’épice et le vin chaud, c’est 100 % vegan non ?)

Cliquez sur la photo pour l'agrandir
Cliquez sur la photo pour l’agrandir

JOUR 6 √

Aujourd’hui, retour au paléolithique (période de la Préhistoire marquée par l’apparition d’une économie de survie, pour ceux qui n’auraient pas suivi leurs cours de CM2). Je troque, non pas un silex contre une peau de bison, mais un service contre un sac de courses et une lessive. Le « service » s’appelle Milo, a 9 mois et pèse 26 kilos. C’est un beau labrador marron à la truffe frétillante et à la gueule barbouillée de bave. Me voilà dog-sitter le temps d’un après-midi. Après une première phase d’observation (« Mais c’est qui celle-là ? Qu’est-ce qu’elle me veut ? »), Milo semble m’adopter.

Deux heures de promenade dans les ruelles et parcs du Vieux Tours plus tard, je rends mon cher compagnon à quatre pattes à sa maîtresse, Carine, patronne du MYAH Café. Les adieux sont un déchirement. Déchirement vite balayé par ma récompense… Carine me tend un sac de linge tout propre et un autre rempli de produits de première nécessité. C’est la première fois de ma vie que je suis aussi heureuse d’avoir un rouleau de papier toilette et une barquette de gnocchis entre les mains.

Pour troquer, rien de plus simple. Il vous suffit d’organiser une troc party entre voisins, collègues ou amis ; ou bien vous rendre sur l’une des nombreuses plateformes d’échange entre particuliers qui se développent sur le Web : GChangeTout, Le comptoir du troc, Troc Légumes, My Troc … À vous de (re)créer la monnaie du lien !

JOUR 7 

Dernier jour, je tiens le bon bout. Seule ombre au tableau, mon frigo est désespérément vide. Ça tombe bien, Carine, la maîtresse de Milo, m’a conseillé d’aller à la Barque, café associatif rue Colbert. Là, Olivier, le patron, m’accueille à bras ouverts. Depuis six mois, il propose un frigo partagé, sous l’initiative de l’association de lutte contre le gaspillage, Disco Soupe. « Au lieu de gaspiller la nourriture, partageons-là ! », peut-on lire sur la porte du petit frigo. « L’idée est de faire profiter aux autres la nourriture que nous ne pouvons pas consommer, explique Olivier. Par exemple, les vacanciers peuvent déposer leurs restes, plutôt que de les laisser périmer chez eux. » Laitue, pain, ananas, tomates, riz, sachets de purée Mousseline®… On y trouve de tout, pour tous. Olivier me tend un cabas, je n’ai plus qu’à me servir, comme à la maison.

Le principe est ludique, convivial et surprenant. Je sors de la Barque, les bras chargés de denrées en tout genre. Et trois ananas à manger. On connaît tous un frigo ou un emplacement autour de nous qui est prêt à accueillir une zone de partage : dans une cantine, dans un hall d’immeuble, au sein d’une association, au travail…
Pour soutenir l’initiative, rendez-vous sur le site de Partage ton frigo. Ce soir, après une semaine « zéro dépense », j’ouvre mon frigo, confiante. J’ai (presque) de quoi attaquer une deuxième semaine. Comme quoi, avant d’être des consommateurs, nous sommes d’abord des producteurs de solidarité.

TEXTE : Sophie Lamberts et Salomé Mesdesirs
PHOTO : Manon Vautrier-Chollet

[#EPJTMV / Cet article fait partie du numéro 235 de tmv, entièrement réalisé par les étudiant(e)s de 2e année en journalisme de Tours]

L’art thérapie contre la douleur

À quelques jours du congrès d’art-thérapie organisé le week-end prochain à Tours, Tmv est parti à la rencontre d’une art-thérapeute au pôle santé Léonard de Vinci.

Modeler une boule puis l’écraser permet de former les pétales.
Modeler une boule puis l’écraser permet de former les pétales.

Un chariot médical l’attend chaque mercredi après-midi au service de soins palliatifs. Un banal chariot en inox, comme on en voit dans tous les couloirs d’hôpitaux. Mais dessus, Claire Giboureau ne pose ni compresses, ni gants, ni instruments médicaux. Et pour cause, la jeune femme est art-thérapeute. Au pôle santé Léonard de Vinci, à Chambray-lès-Tours, elle propose aux patients de pratiquer une activité artistique. Le temps d’une parenthèse, qui peut leur permettre d’oublier leurs soucis.

« L’art-thérapie exploite le potentiel artistique dans une visée thérapeutique et humanitaire », définit la jeune femme tout en disposant son matériel sur les deux plateaux. Différents livres sur l’art, les fleurs ou les chevaux, des feuilles de papier, de la peinture, des crayons de couleur, de la pâte à modeler, des pinceaux… et un appareil photo : « C’est un prétexte pour inciter les personnes à sortir, lorsqu’elles le peuvent. Un jour, une patiente, qui n’avait pourtant plus goût à rien, a souhaité se lancer dans une séance photo. Elle s’est faite belle pour l’occasion. Elle voulait sentir l’air sur son visage. Elle a posé dehors avec son mari, touché de pouvoir vivre ce beau moment avec sa femme. C’était une semaine avant son décès », se rappelle l’art-thérapeute.

EXPRIMER SES MAUX

Le service de soins palliatifs n’est pas une unité ordinaire. Ses 18 lits sont occupés, en majorité, par des patients en fin de vie : « Au-delà des problématiques médicales, ils se posent de nombreuses questions existentielles. Comment peuvent-ils donner un sens aux épreuves qu’ils traversent ? Les mots ne suffisent pas toujours à exprimer les maux. L’art-thérapie leur offre un espace d’expression et de création. Claire leur apporte une saveur existentielle », estime Alain Urena, le chef de service. Malgré les difficultés, pas question de tomber dans le pathos : « C’est le service le plus vivant de la clinique », juge Bernadette Peigné, aide-soignante et membre de l’association Histoires de vies, à l’origine des ateliers d’art-thérapie. Les enfants sont les bienvenus et même les animaux peuvent rendre visite à leur maître.

Peinture et pâte à modeler sont des outils de l’art-thérapie.
Peinture et pâte à modeler sont des outils de l’art-thérapie.

« Nous sommes là pour apporter réconfort et tendresse », ajoute Emmanuelle, une autre aide-soignante. Pour Claire Giboureau, qui travaille la plupart du temps auprès d’adultes handicapés psychiques : « C’est ma bulle d’air de la semaine ». Alors qu’elle s’appuie d’ordinaire sur des protocoles de soins personnalisés, des objectifs et un programme de séances défini à l’avance, son approche en soins palliatifs est totalement différente : « Ici, je ne sais pas si je reverrai un patient d’une semaine sur l’autre. Je travaille dans l’instant présent, pour lui apporter un moment de bien-être. »

C’est ainsi qu’une nouvelle journée se dessine chaque mercredi. À son arrivée, l’art-thérapeute profite de la pause café pour prendre le pouls du service. Médecins, infirmières et aides-soignantes l’orientent vers les patients à rencontrer. « Nous ne proposons pas de séance d’art-thérapie à un nouvel arrivant dans le service, ni une personne exténuée ou trop perturbée. Ce n’est pas indiqué non plus pour des patients atteints de graves troubles cognitifs », indique Bernadette Peigné.
Ce mercredi- là, seuls deux patients peuvent être sollicités. C’est peu. Munie de son chariot, Claire Giboureau se rend dans leurs chambres. Le premier se sent trop fatigué. Avec le second, elle réalise une aquarelle. L’art-thérapeute dessine un chat, que le patient met en peinture. Il compte l’offrir à une amie. Rendezvous est pris, la semaine prochaine, pour une séance de photographies à l’extérieur.

L’art-thérapeute échange chaque mercredi avec l’équipe médicale
L’art-thérapeute échange chaque mercredi avec l’équipe médicale

Peinture, écoute musicale, photographie, dessin, origami… Les patients peuvent choisir parmi différentes activités. « Souvent, ils n’ont pas envie de pratiquer, alors je deviens leurs mains. Ils me guident au gré de leurs envies. Certains s’y mettent en me voyant faire. Pour d’autres, le plaisir de regarder suffit. Ce qui compte, c’est qu’ils soient mobilisés intellectuellement. Même s’ils ne sont pas en activité physique », ajoute Claire Giboureau. Avant et après chaque séance, le patient évalue son niveau de douleur, fatigue, anxiété, tristesse et envie. L’art-thérapeute note une amélioration globale de 20 % en moyenne. Et cela s’ajoute un autre effet bien visible : les créations artistiques fleurissent sur les murs des chambres. Comme autant de traces joyeuses et colorées d’une parenthèse un peu hors du temps.

Par Nathalie Picard

> En savoir plus : Congrès international d’art-thérapie, vendredi 25 et samedi 26 novembre 2016 au Centre congrès Vinci de Tours. Organisateur : AFRATAPEM école d’art-thérapie de Tours.
> art-therapie-tours.net

Les origamis sont appréciés par les patients.
Les origamis sont appréciés par les patients.

Tout-petits : objectif autonomie !

La microcrèche montessorienne Ema a ouvert à La Riche. Un endroit pas comme les autres. Tmv y a donc fait un tour…

Des tapis de couleur vert vif, des meubles bas en peuplier, un grand miroir fixé au mur, des jouets bien rangés… Ce bel endroit douillet et ordonné est le « nido » de la microcrèche montessorienne Ema, qui vient d’ouvrir à La Riche, près du jardin botanique. Le « nido » ?
C’est le nom que Maria Montessori, médecin et pédagogue italienne (1870-1952), a donné à cet espace conçu pour les tout-petits qui ne maîtrisent pas encore la marche. « Nous suivons la pédagogie Montessori, dont l’objectif principal est d’aider les enfants à devenir autonomes », souligne Marianne Bertrel, la directrice. Avec Amande et Émilie, les deux éducatrices de jeunes enfants, elle accueille une dizaine de petits. Ici, rien n’est laissé au hasard. À chaque âge un matériel spécifique, auquel est associé un objectif de développement. Comme le mobile de Gobbi, composé de 5 sphères de différentes nuances de rose pour permettre aux plus jeunes d’affiner leur perception visuelle.
« Ces mobiles sont les premiers objets que l’on présente à un bébé. Ils sont faits pour être observés », précise Amande. Les plus grands, eux, travaillent leur préhension grâce aux hochets et autres objets à attraper. Lorsqu’ils maîtrisent la marche, un nouvel espace leur est destiné, avec un autre matériel. « Il n’y a qu’un seul exemplaire de chaque objet. Ainsi, les enfants apprennent à respecter l’activité de l’autre et à attendre leur tour », note Marianne Bertrel.

D’autres signes indiquent que ce n’est pas une crèche comme les autres : pas de chaise haute ni de transat, et un minimum de lits à barreaux. « Autant que possible, l’enfant doit être libre de circuler dans l’espace », justifie la directrice. Cerise sur le gâteau, la crèche s’inscrit dans une démarche écoresponsable et utilise des couches lavables pour limiter ses déchets.

Nathalie Picard

Crèche fermée le mercredi après-midi. 07 87 84 08 90. 
– mdft37@gmail.com
mdft.fr

Poussez les portes du CCC OD

Et si on poussait les portes du CCCOD ? Mais si, vous savez, le Centre de création contemporaine Olivier Debré. Tmv y a fait un petit tour, pour vous montrer l’envers du décor.

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On préfère vous prévenir : vous allez en entendre parler. Et c’est normal. L’ouverture du CCC OD à Tours, c’est un événement de la dimension de la construction du Vinci ou de l’arrivée du TGV pour vous situer la chose. Mais c’est quoi, au juste, le CCC OD ? Eh bien, c’est un peu comme si le CCC de la rue Marcel- Tribut avait avalé un tonneau de potion magique pour devenir le plus grand Centre de création contemporaine de France. Rien que ça. 4 500 m2 dont près de 2 000 m2 de salles d’expos qui permettent de tout faire, de tout exposer, de tout oser. Cette semaine, l’équipe du CCC OD entre dans ses locaux. Alors, nous, on y est allés juste avant, jeter un petit œil. On vous fait visiter ? Effet « whaou » garanti !

>>> Pour tout savoir du CCC OD, côté chiffres et dates, cliquez ICI <<<

Elle court tout autour du nouveau bâtiment, la galerie de verre. Toute la construction semble reposer sur elle, mais il n’en est rien. Les prodiges de l’architecture font que tout le poids est réparti vers le haut. Le soir venu, la galerie s’éclaire et le cube de pierre semble flotter dans la nuit.

Associer l’ancien bâtiment avec une construction moderne, c’était tout le défi proposé aux architectes portugais. Minéralité, solidité et fluidité, le bâtiment, de l’extérieur, ne dévoile pas tous ses secrets.

C’est par cet escalier que les visiteurs accéderont à l’étage.
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La Nef, une salle de onze mètres de hauteur qui permet d’exposer les œuvres les plus monumentales. Ouverte sur l’extérieur, elle permettra aux Tourangeaux d’entrevoir, par les immenses baies vitrées, une partie des œuvres présentées.
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Nous sommes ici dans la « salle noire ». Située au rez-de-chaussée, juste en face de la nef, elle est conçue pour permettre un noir absolu. On pourra y exposer des œuvres multimédia, de la vidéo, des créations qui travaillent sur la lumière.
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CA VEUT DIRE QUOI CCC OD ?

OD, ce sont simplement les initiales du peintre Olivier Debré, dont la famille est profondément liée à la Touraine. Toute sa vie, le peintre a magnifié les couleurs et le mystère de la Loire. Les cinq plus grands tableaux qui avaient été réalisés en 1991 pour les cimaises du CCC ont fait l’objet d’une donation à Tour(s)Plus. À cela s’ajoutent une sélection de 150 œuvres graphiques (dessins…) et le prêt permanent de 140 tableaux. C’est dans cette « Salle blanche » que les oeuvres d’Olivier Debré seront exposées. Mais le lieu n’a pas vocation à être un musée Olivier Debré. C’est un Centre de création ouvert aux artistes contemporains du monde entier.

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Légendes : Matthieu Pays
Photos : Christophe Kibleur

Tous en selle à l’école du vélo !

Depuis 2008, le Collectif cycliste 37 propose des cours à… la vélo-école ! Des séances pour les adultes qui n’ont jamais appris à faire du vélo ou ont tout simplement oublié.

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Bras tendus, épaules baissées, regard au loin… Fabien Frugier rappelle quelques conseils.

Soixante ans sans monter sur un vélo, ça commence à faire long : « J’en ai fait jusqu’à 18 ans et j’ai repris à 78 ans, détaille Michelle. C’était à l’occasion d’une promenade à l’île d’Yeu avec des amis. Mais je me suis vite rendu compte que j’avais totalement perdu l’équilibre. » Pas facile de se remettre seule en selle… Motivée, la septuagénaire décide alors de s’inscrire à la vélo-école du Collectif cycliste 37 à Tours. Cette association d’usagers propose des cours pour adultes depuis 2008. Au début, il s’agissait uniquement de cours particuliers. L’acquisition d’une flotte de vélos lui a permis de lancer des séances collectives en 2012. Les objectifs ? Acquérir une bonne maîtrise technique du vélo, puis apprendre à se déplacer en ville, adopter les bons comportements et anticiper les dangers.

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Les locaux du collectif regorgent de pièces détachées et d’équipements pour les vélos.

Ce jeudi-là, dans le local de l’association situé quartier Beaujardin, Michelle et deux autres élèves se tiennent prêtes. Ici, on ne badine pas avec la sécurité : le gilet jaune fluo et le casque sont obligatoires. Deux moniteurs bénévoles, Marie et Manuel, accompagnent Fabien Frugier, le salarié du Collectif cycliste coordinateur de l’école. Leur vélo à la main, les six cyclistes quittent le local pour rejoindre le terrain d’entraînement. Problème, l’association n’a pas de lieu fixe pour assurer ses cours. Charge à Fabien Frugier de dénicher des endroits adaptés, pas trop éloignés du local et sans circulation.
Ce jour-là, destination la promenade de Florence, aux bords du Cher. Avant tout, un échauffement s’impose. Réunis en cercle, moniteurs et élèves se mettent tranquillement en mouvement. Étirements du dos, flexions, mouvements de la tête… Des exercices qui mettent en appétit. Monitrice attentionnée, Marie propose un encas aux trois participantes. Puis, c’est le moment de monter sur la selle. Aujourd’hui, il y a trois moniteurs pour trois élèves. Une vraie chance : chacune peut avancer à son rythme, profitant de conseils avisés. Mais ce n’est pas tous les jours le cas. « Dans l’association, nous ne sommes que quatre moniteurs. Ce n’est pas assez, regrette Fabien Frugier. C’est pourquoi nous avons diffusé une annonce pour recruter un nouveau bénévole. » Les pré-requis : être cycliste, avoir envie de partager ses compétences et posséder un brin de pédagogie et de patience.

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L’échauffement, incontournable avant de monter en selle.

Même s’il n’y a pas de classe, l’apprentissage se décompose en niveaux. Faoula Elise a franchi le premier : elle sait tenir en équilibre sur son vélo. Aujourd’hui, la quadragénaire reprend des cours après une interruption de huit mois. Elle vient de passer un CAP petite enfance et prépare un concours pour travailler dans les écoles. « Au début, on va me proposer des missions de remplacement. Il faut absolument que je sois mobile. Même si j’ai commencé à préparer le permis, le vélo va me permettre de me déplacer plus facilement sur Tours », estime-t-elle. Motivée, Faoula Elise s’attaque donc au deuxième niveau, sous la houlette de Fabien Frugier. Son nouveau challenge : réussir à se lever de la selle pour apprendre à démarrer et à s’arrêter debout. « Beaucoup de gens chutent à petite vitesse, au moment où ils cherchent à s’arrêter, constate Fabien Frugier. Nous leur apprenons à s’arrêter debout, un pied sur la pédale, un autre par terre. Un peu comme un trépied, ça permet de renforcer son équilibre. C’est ce qu’on appelle la sortie de selle, un point clé de notre pédagogie », souligne le moniteur.

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Apprendre à s’arrêter debout permet d’éviter la chute.

Comme beaucoup d’élèves, Faoula Elise n’a jamais eu l’occasion d’apprendre le vélo lorsqu’elle était plus jeune. La vélo-école reçoit environ 90 % de femmes, dont une large majorité de débutantes. Son activité se développe : elle est passée de 13 personnes formées en 2012 à 67 en 2015. Combien de temps faut-il à un adulte pour être à l’aise sur un vélo ? « Tout dépend de l’âge, de la forme physique… Mais en moyenne, il faut compter six mois à un an », précise le coordinateur. Une chose est sûre : c’est bien plus facile pour les enfants. En cause, la grande taille des adultes, qui ont un centre de gravité plus haut. Mais surtout, l’angoisse de la chute. Si l’on réussit à vaincre ses peurs, il n’y a pas d’âge pour se remettre en selle !

Photos et reportage : Nathalie Picard

> Vélo-école du Collectif cycliste 37 16 impasse Robert Nadaud à Tours 02 47 50 16 34 – info@cc37.org ou cc37.org/velo-ecole
> Cours de 2 h 30 le jeudi matin ou le samedi après-midi. Nouveauté : mini-stages de 2 h. 01/10 : rouler en double-sens cyclable et circuler dans les rues étroites. 03/12 de 10 h à 12 h : réparer une crevaison.

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Voyage sensoriel dans les vignes

Les 3 et 4 septembre se tiendra la 13e édition de Vignes, vins et randos en Val de Loire. En avant-première, à Rivarennes, Tmv a rencontré l’un des vignerons participant à l’opération.

"La conversion à l'agriculture biologique m'a permis de redécouvrir mes vignes"
« La conversion à l’agriculture biologique m’a permis de redécouvrir mes vignes »

Une route étroite serpente entre deux parcelles de vigne. Le temps est au beau fixe, et pourtant il n’y a personne à la ronde. « C’est le calme avant la tempête, nous éclaire Nicolas Paget, vigneron à Rivarennes sur un domaine de 15 hectares en appellations Azay-le-Rideau, Touraine et Chinon. Passés les travaux d’entretien de la vigne qui se déroulent de mai à juillet, nous observons la véraison, ce moment où le grain change de couleur, aux alentours du 15 août. »
Selon les cépages, le grain vert tourne au rouge ou au jaune. La tempête, elle, est annoncée pour début octobre : cette année, les vendanges seront tardives. En septembre, le vigneron préparera son arrivée : « C’est le moment où nous sortons le matériel, nous nettoyons les fûts et la cave. » L’objectif : être fin prêt pour accueillir la récolte.

Au moment de la véraison, les grains changent de couleur.
Au moment de la véraison, les grains changent de couleur.

À l’intérieur d’un vaste hangar se dressent de hautes cuves en inox dotées d’un système sophistiqué de régulation des températures de fermentation. Dans cet ancien bâtiment d’élevage réhabilité en chai moderne sera réceptionnée la récolte, cueillie à la main par une quinzaine de vendangeurs. Le domaine, dans les mains de la famille depuis cinq générations, est passé progressivement de la polyculture- élevage à la viticulture. Nicolas Paget, lui, exerce le métier de vigneron depuis 15 ans. Il y quelques années, le quadragénaire a choisi d’orienter le domaine en agriculture biologique : « C’est ma contribution personnelle afin d’assurer la pérennité du domaine familial », affirme-t- il. Ce mode de production met en oeuvre des pratiques culturales et d’élevage dans le respect des équilibres naturels. Par exemple, il exclut l’usage des OGM et des produits chimiques de synthèse, comme les herbicides. Pourtant, en viticulture, se passer des herbicides n’est pas une mince affaire : « On passe beaucoup de temps à travailler les sols. Ça a été compliqué, mais aujourd’hui mon vignoble vit, sans être étouffé par d’autres plantes. Il est magnifique », avance le vigneron, non sans une pointe de fierté.
Un cheminement qui donne, aussi, un nouveau sens à sa vie : « Je me suis voué corps et âme à cette reconversion, qui a remis un grain de folie dans mon activité. Au début, c’était dur : je me posais plein de questions, je ne savais pas trop où j’allais. Mais j’en suis ressorti grandi. C’est une véritable renaissance. »

Passion bio

Nicolas Paget l’affirme : il a redécouvert ses terres et sa vigne. Aujourd’hui, il prend le temps de l’observer, de comprendre comment elle fonctionne. Autre élément de satisfaction, la diversité des espèces qui vivent sur l’exploitation : « En bio, on nuit moins à la nature. Un naturaliste réalise des relevés sur mes parcelles. Il y a découvert des libellules très rares. » Le revers de la médaille ? Ses rendements ont un peu baissé et ses coûts de production sont devenus plus importants. En cause, la main d’oeuvre nécessaire à l’entretien des vignes : « Sur un domaine comme le mien, en agriculture conventionnelle, un seul salarié pourrait suffire. Alors qu’en bio, j’en emploie quatre : deux à temps complet et deux à mi-temps. » Tout l’enjeu, alors, consiste à réussir à maîtriser ce nouveau système, af in de proposer des vins à un prix qui reste abordable.

Dans la cave historique du domaine, le vin se bonifie en fût de chêne.
Dans la cave historique du domaine, le vin se bonifie en fût de chêne.

En contrebas du chai moderne, le vigneron nous amène dans la Creuse rue, une voie pittoresque qui s’engouffre dans le tuffeau. Elle descend jusqu’au village d’Armentières situé au niveau de l’Indre. De part et d’autre de la rue, pas moins de 80 caves dépendent des habitations du village. Nous pénétrons dans l’une d’elles par une double porte en chêne qui s’ouvre sur une grange construite contre la paroi de tuffeau. C’est la cave historique du domaine. Au fond, deux galeries sont creusées dans la roche. Des dizaines de fûts de chêne s’y alignent. Loin de toute agitation, cet endroit frais respire la tranquillité : « Ici, on laisse au vin le temps de se bonifier en fût, avant la mise en bouteille », précise Nicolas Paget. Le vin décante longtemps, ce qui permet au vigneron de supprimer l’étape de filtration. L’intérêt ? « Ça évite de déstructurer le vin. En filtrant, on casse l’âme du vin », estime le spécialiste.
Résultat, une belle gamme de vins – rosés, blancs et rouges – sur trois appellations. Mélodie, opus, maestro, jajavanaise… Chaque cuvée porte un nom qui évoque la musique. Et pour cause, Nicolas Paget a longtemps hésité entre deux vocations : le vin ou la musique. Il en reste une invitation à boire son vin en chantant.

Reportage et photos : Nathalie Picard

DRÔLE DE RANDO DANS LES VIGNES

Vignes, vins, randos, c’est déjà de belles balades dans les vignes du Val de Loire. Mais l’événement offre aussi son lot d’animations originales. Comme la découverte des vignes de Nicolas Paget en gyropode tout-terrain, une curieuse machine dotée d’un manche et constituée de deux larges roues reliées par une plate-forme. Cette activité, une journaliste de Tmv l’a testée pour vous. Au péril de sa vie… ou presque ! Jugez plutôt… Coiffée d’un casque et cramponnée au manche, je monte sur la plateforme et tente de trouver l’équilibre en suivant les conseils avisés de Sébastien Trova, organisateur de la randonnée et gérant de la société Gyroway. « Attention, prévient-il. Une chute est vite arrivée si l’on pêche par excès de confiance. » Avancer, freiner, tourner… Sur le parking, je m’exerce à maîtriser l’engin.

Puis, c’est le moment de passer aux choses sérieuses : une balade d’1 h 30 à travers vignes, champs et forêts des coteaux de l’Indre. Au début, tout va bien : on démarre par une route bitumée. En même temps, la balade en pleine nature est le grand intérêt de cette machine tout terrain. Nous voilà donc lancés sur un chemin caillouteux dans la forêt de Chinon.
Lorsqu’une roue de mon gyropode tombe dans un trou, je corrige trop brusquement la direction et me retrouve complètement déséquilibrée. Un pied à droite, un pied à gauche… Je réussis finalement à descendre de l’engin sans chuter. Après cette petite frayeur, nous repartons. Plus loin, nous apercevons un chevreuil à l’orée du bois. Je finis la promenade sans encombre. Et vous livre un conseil avisé : ne forcez pas trop sur la bouteille pendant la randonnée !

Vignes, vins, randos – 3 et 4 septembre 2016 14 randonnées dégustations le long de la vallée de la Loire, de Nantes à Blois, dont 5 en Touraine (Vouvray, Touraine-Mesland, Chinon, Touraine Azay-le-Rideau) Nouveauté 2016 : initiation au yoga du rire sur chaque parcours.
>Inscription en ligne sur vvr-valdeloire.fr

Hellfest 2016 : festival metal monumental

Pour fêter l’arrivée de l’été et se prendre une tonne de gros son en béton armé, tmv s’est de nouveau rendu au Hellfest. Le plus grand festival de metal a de nouveau donné lieu à trois jours de folie, d’amour, de bière en pichets, de tyrolienne folle et de groupes géniaux. Hell yeah !

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L’Enfer est un paradis.

Samedi : HOMMAGE A LEMMY, BIÈRE & PUNK UNIVERSITAIRE

#mode sensationnel ON# Métalleux assoiffés de sang, sacrifice de bébés roux à minuit, Satan, orgies démoniaques. #mode sensationnel OFF#

Voilà, on a votre attention ? Parfait. Même Bernard de la Villardière ne ferait pas mieux. Non, parce qu’on les connaît, les préjugés sur le Hellfest, le metal et compagnie. Nous, en tant que grands fans de metal, on est allé s’enjailler au Hellfest comme chaque année, rendez-vous incontournable de tout fan de metal qui se respecte, THE place to be dans l’année pour tout bon chevelu (les chauves aussi, on vous accepte). Après avoir snobé ce festival pendant des années (mis à part Arte qui rediffuse les concerts !), la majorité des médias traditionnels français font désormais la queue pour obtenir une accréditation et ont enfin compris l’importance de la Bête : 180 000 personnes sur 3 jours (une hausse de 7%), 160 groupes sur six scènes, budget monstre (18 millions de pépettes dont 1,2 millions d’investissements) pour des retombées économiques faramineuses (l’an dernier, le festival a généré plus de 5 millions d’euros) et des festivaliers qui dépensent plus de 21 millions d’euros. Ça vous la coupe ? Tant mieux, car vous n’en aurez pas besoin pour lire notre compte-rendu de deux jours dans l’ambiance extraordinaire du Hellfest.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=nPtIsKfIijc[/youtube]

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Nous voilà donc en route pour Clisson, petit village tout mignon près de Nantes, à l’architecture toscane (on la surnomme Clisson l’italienne. Et hop, 2e fois que ça vous la coupe). 6 600 habitants en temps normal. Multipliée par – euh – beaucoup le temps de trois jours de Hellfest. Ici, la majorité des Clissonnais est ravie d’accueillir autant de viles sataniques mangeurs de bébés : les commerces jubilent, les hôtels idem, les habitants s’inscrivent en nombre pour accueillir les festivaliers dans leur jardin/maison/garage/pour toute la vie (rayez la mention inutile).
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=BONS-zIpjgY[/youtube]

Une fois arrivé sur le site, c’est parti pour l’Enfer. Côté esthétique, imaginez une sorte de Disneyland gigantesque pour métalleux : une grande roue, des bars et des stands en rouille ultra-stylisés, des carcasses de voiture façon Mad Max, un skatepark, des scènes décorées, une forêt surnommée Kingdom of muscadet car elle accueille les vignerons locaux. Et, cette année, une tyrolienne reliant d’un bout à l’autre les deux scènes principales histoire de survoler la masse grouillante, le sourire aux lèvres et filer devant les yeux des groupes.

Côté musique, pensez simplement au meilleur du metal, allant des grosses têtes d’affiches connues comme Black Sabbath (pour leur tournée d’adieu) et Rammstein, aux cultissimes Slayer, Fu Manchu, Korn, Napalm Death et consorts, en passant par les plus obscurs Mgla et With the dead.

Arrivés sur le site, après avoir croisé un paquet de sourires, d’hommes, de femmes et de familles, on zappe vite GLENN HUGHES pour passer devant STRIFE, groupe de hardcore qui tabasse sec dans une Warzone refaite à neuf : cette scène, littéralement transformée en sorte de camp de Guantanamo, est barricadée de barbelés et fait face à une petite colline, derrière laquelle trône, imposante, la statue de 15 m. érigée en l’honneur de mister Lemmy, chanteur de Motörhead décédé en décembre 2015.
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Changement de scène ensuite pour (re)découvrir CATTLE DECAPITATION. Chouette nom, non ? Poétique, tout ça. Les membres de « décapitation de bétail » (ouais, en français, ça le fait moins) balancent la purée deathgrind – un style des plus bourrins qui soient – avec des chansons ultra-rapides dénonçant les maltraitances sur les animaux. Dommage que le début du set soit un poil gâché par un son brouillon. Difficile d’en distinguer toutes les subtilités…

Un tour par la grande scène principale nous permet de voir SIXX A.M (son fondateur était dans Mötley Crüe), dont l’enthousiasme sur les planches fait vraiment plaisir à voir. Du wock’n’woll à 1000 %.

> Point météo : des gouttes, du soleil, des nuages, des gouttes, mais mais… t’arrêtes Evelyne Dhéliat ??

> Point bière : Personne n’a dit qu’il était interdit de boire des binouzes à 15 h. Surtout si c’est servi en pichets !

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15 h 50. Les curieux affluent à la scène Altar. Au bout de quelques minutes, beaucoup déguerpissent et laissent la place aux plus courageux qui assistent, mâchoire décrochée, à AGORAPHOBIC NOSEBLEED. Un groupe qui n’en est qu’à sa sixième prestation live de toute sa carrière. Bref, un moment unique, où ce rouleau compresseur scénique broie le public. Os par os. Tornade de violence rehaussée par une boîte à rythmes démentielle, sur laquelle s’époumonent un gars et une fille déchaînés. Et vlan.

Après une petite pause, on se précipite à ENTOMBED A.D., les rois du death metal suédois. Son gras, groove hallucinant, voix caverneuse de LG Petrov baignée dans la bière, les pionniers envoient uppercut sur uppercut. Nous, perso, on a perdu quelques cervicales.
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Dans la foulée, ARCHGOAT plonge le Hellfest dans son black metal sombre et jouissif, mais un peu trop linéaire sur la durée.
Devant la Main Stage, ça se presse : DISTURBED est prêt à dégainer son gros rock US testostéroné. C’est beau, c’est propre, ça améwicain ouh yeah et ça affole la foule (encore plus lors d’une tripotée de reprises de Rage against the machine et Mötley Crüe). Ça nous donne envie d’aller voir d’autres Ricains, les mythiques BAD RELIGION. Les patrons du punk rock (depuis 1979 !) vont dérouler un set parfait de bout en bout, entre les géniaux Fuck You et Supersonic. Une patate d’enfer, de la musique ensoleillée et un service sécurité débordé par les multiples slammeurs dans la foule. Géant.

Un tour en tyrolienne ?
Un tour en tyrolienne ?

 ♣ Le saviez-vous ? Le chanteur de BAD RELIGION Greg Graffin a beau faire penser à un médecin quand il chante sur scène avec son petit polo et sa calvitie, il est surtout un universitaire renommé pour sa théorie de l’évolution. Il possède aussi deux baccalauréats, une maîtrise en géologie et un doctorat de paléontologie. Dans tes dents.

Les bonnes surprises s’enchaînent ensuite : TERRORIZER fait honneur à son nom, tandis que PRIMORDIAL – devant une foule conquise d’avance – offre l’un des concerts les plus incroyables de la journée, avec sa musique hypnotique et poétique confinant au sublime.

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La statue de Lemmy Kilmister.

> Point météo : une bataille (et pluie) de copeaux de bois a été lancée pendant le concert de Bad Religion. Du grand n’importe quoi complètement fendard.
> Point bière : c’est l’apéro, non ?

Pour finir, on assiste à la patate décochée par TWISTED SISTER. « Après 40 ans de carrière, c’est notre dernière tournée. Et non, on ne va pas faire comme Scorpions ! », se marre Dee Snider, leader culte du groupe de rock’n’roll. Le chanteur de 61 ans et ses tablettes de chocolat (ouais, ça, ça fiche un coup au moral) court partout, enquille les speechs, notamment lorsqu’il arrête le tube « We’re not gonna take it » pour demander à près de 50 000 personnes de faire un doigt d’honneur aux terroristes. Après avoir invité Phil Campbell, guitariste de Motörhead, sur scène pour une reprise qui nous a filé presque la larme à l’œil, Twisted Sister se retire pour laisser place… au fameux feu d’artifice. Après une introduction sous forme de petit film rendant hommage à Lemmy, les premiers feux sont tirés et très vite, se transforment colorent le ciel. Ça pète de tous les côtés, le final est somptueux. Le ciel, noir, se verra ensuite illuminé d’un feu d’artifice reproduisant les lettres « RIP LEMMY », sous un tonnerre d’applaudissements. Magique.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=JIHA3zA9F2M[/youtube]

> Point météo : il fait nuit.
> Point bière : on ne sait plus, mais on a dormi à l’arrière de notre voiture, avec une ceinture dans les côtes.

Dimanche : ALLEMAGNE VINTAGE, SEINS & GROSSES BAFFES MUSICALES

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Un petit coup de Stonebirds de grand matin.

Vous êtes toujours là ? Tant mieux, car nous aussi. Après un réveil difficile et avoir discuté avec une petite mamie de Clisson qui voulait nous inviter à déjeuner (« J’aime tellement quand il y a le Hellfest », a-t-elle dit, toute sourire), retour sur le site. Dès 10 h 30 (eh ouaiiis), on assiste à STONEBIRDS. Première surprise matinale, ces oiseaux Bretons vont proposer une très belle demi-heure de stoner magnifié par des envolées de voix planantes sur de gros riffs pachydermiques.
A 11 h, après avoir mangé un croque-monsieur rachitique à 4 €, place à NIGHTMARE. Les Grenoblois, hyper en forme, envoient un power metal mâtiné de heavy des familles. Maggy, au micro, ne se départit pas de son sourire et essaye de faire bouger un public un peu amorphe (point bière : BEUAAAARGH). « Eh, même si je suis une fille, vous pouvez montrer vos seins hein. Ça fera plaisir à certains ! », balance-t-elle entre deux morceaux.

Une coupe à la mode au Hellfest.
Une coupe à la mode au Hellfest.

Des seins, on n’en verra pas avec les MUNICIPAL WASTE. Œuvrant dans le thrash crossover, les loustics de Virginie provoquent un bazar monstrueux dans la fosse. Ça slamme, ça pogote, ça envoie en l’air des crocodiles gonflables. Trip délicieusement jouissif, la musique des Américains a toutefois le malheur d’être proposée sur la grande scène (on aurait préféré un cadre plus intime) et à une heure plus que matinale (12 h 15, sérieusement ??).
Mais allez, zou, allons prendre une dose de STILLE VOLK. Imaginez un peu la chose : le groupe pyrénéen oscille entre musique occitane, touches médiévales et celtiques, avec un soupçon de paganisme. Aucune guitare saturée, aucune grosse voix beuglarde. Mais la tente où se produit Stille Volk est remplie à ras bord. À l’arrivée, un succès hallucinant, des dizaines de métalleux se lançant dans des danses endiablées et au final, une véritable ovation. Oui, le métalleux a un cœur et une sensibilité. Take that, Christine Boutin !

Pour DEATH ALLEY, le public est bien plus clairsemé. Mais les absents ont toujours tort (c’est maman qui le dit) : les Néerlandais vont envoyer 40 minutes où le riff est roi, inspiré par Led Zep’ et compagnie, vénérant le rock vintage comme il faut avec un son à la limite de la perfection.
Carrément moins vintage, DRAGONFORCE ouvre l’après-midi avec sa musique virtuose et frappadingue (= on masturbe sa guitare très vite et on dégoûte tous les débutants qui se mettent à la guitare). Plus loin, KING DUDE fait tomber une chape de plomb sur le Hellfest. Souffrant d’un horaire peu adapté (14 h 20), King Dude ne parvient pas à nous faire entrer dans son univers pourtant passionnant sur album.

#interlude : on vient de croiser un homme déguisé en Spiderman, un homme déguisé en prêtre bénissant les paninis, une fille lançant du papier-toilette lors de son passage sur la tyrolienne, une autre seins nus filmée par… Le Petit Journal bien sûr.#

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No one is innocent en séance de dédicaces.

15 h 05. Moment révélation. Tmv ne misait pas un kopek sur NO ONE IS INNOCENT. Fouettez-nous sur la place publique, oui, oui. Mais finalement, les Français vont avoiner sévère pendant tout leur set. Emmené par un Kemar surexcité et possédé, le groupe enflamme le Hellfest jusqu’à sa chanson « Charlie » survoltée, dédicacée aux dessinateurs de Charlie Hebdo et aux victimes du Bataclan, avant que le vocaliste hurle de lever le poing « contre tous ces fils de p… de Daech ». Un grand moment.

Rien de tel qu'un bon massage de pied pour se remettre en jambes.
Rien de tel qu’un bon massage de pied pour se remettre en jambes.

BRODEQUIN, avec qui on enchaîne, a de quoi surprendre. Musique ultra-violente, pas de batteur (juste un m’sieur immobile tapotan sur sa boîte à rythme à la vitesse grand V), technicité exceptionnelle et voix d’outre-tombe. Une venue exceptionnelle, mais un concert qui passe de la jouissance hypnotique des premières minutes à une indifférence polie sur la fin. En retournant près des Main Stage, c’est le drame : la venue de GOJIRA, l’un des meilleurs groupes français qui a déjà tourné avec Metallica, rameute tellement de monde que le site est sur-saturé. Impossible de circuler ou de se rapprocher. Le temps d’assister à deux titres pachydermiques, on se décide la mort dans l’âme à laisser nos frenchies (vus déjà 4 fois en live) pour jeter un œil à MGLA. Leur prestation scénique est à la hauteur de leur black metal : froid, misanthrope et sans concession. Les zikos cagoulés déversent quelques missiles du dernier album Exercices in futility, sans aucune interaction avec le public. La scène est plongée dans une sorte de brouillard (la traduction de Mgla en polonais), les guitares sont assassines, le jeu de batterie virtuose. Une grosse claque.
Mais pas autant que celle que va nous infliger KADAVAR. Trois Allemands aux fringues aussi rétro que leur musique. Ça sue le hard rock psyché des 70s par tous les pores, c’est entêtant, hypnotique. Ici, Black Sab’ fornique avec Hawkind et Led Zep’ sans retenue. Kadavar enchaîne les hits, caresse sa basse qui vous tord les tripes. Christoph Lindemann est invisible derrière ses longs cheveux, chante et use de sa six cordes comme un Dieu (qui aurait tout de même pioché dans sa réserve d’herbe). Un concert MO-NU-MEN-TAL, servi par un son gigantesque (tout le contraire des immenses SLAYER dont on aura entendu qu’un duo batterie/guitare, vu que l’ingé-son s’était visiblement endormi ou avait les esgourdes un poil encrassées).

Kadavar, la baffe du week-end.
Kadavar, la baffe du week-end.

On se répète, mais chaque année, le Hellfest tient toutes ses promesses. Se déroulant dans une ambiance de folie jamais vue dans aucun autre festival et bon enfant (n’en déplaise à certaines associations qui essayent tous les ans d’interdire le festival). Pas de débordement ni de problème, de l’avis du maire, des habitants et des commerçants. Nous, on est revenus avec de jolis coups de soleil (coucou, je suis une glace vanille-fraise), des cernes ressemblant à des sacoches, mais surtout des souvenirs plein la tête et un sourire d’enfer. Quand on vous disait, l’an dernier, que le Hellfest c’était le Paradis…

Reportage & photos : Aurélien Germain

>> Merci à Roger, Ben Barbaud et toute l’équipe, ainsi que les bénévoles.
>> Photos vidéos et infos sur la page Facebook du Hellfest ICI !
>> Retrouvez d’autres photos du festival de notre collègue Eric Pollet ICI ou partout sur Internet de toute façon !

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>> ALLER PLUS LOIN <<
L’interview de Corentin Charbonnier, un Tourangeau anthropologue doctorant, auteur d’une thèse sur le Hellfest comme lieu de pèlerinage à lire sur TMV !

Ateliers de la Morinerie : haut lieu de création

Peu connus des Tourangeaux, les ateliers de La Morinerie à Saint-Pierre-des-Corps accueillent une centaine d’artistes et artisans. Le lieu, propriété de la société Clen, est devenu au fil des années une friche culturelle. Jauge de créativité ? Très élevée.

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Rien que dans ce couloir, il y a une quinzaine d’ateliers.

L’un soude, l’autre photographie, l’une tisse, l’autre songe. De l’extérieur, on ne soupçonne pas que ces grands entrepôts industriels de Saint-Pierre-des-Corps, gris et aux toits en dents de scie, abritent les Ateliers de la Morinerie, haut lieu de création. Le long de l’allée extérieure et dans les couloirs (O et T), se trouvent 42 ateliers — 42 univers. À l’intérieur, le béton brut est léché par les rayons de lumière qui traversent les sheds. Ici, les locataires ont installé leurs lieux de travail et bénéficient de loyers très modestes : en moyenne 1,70 € le mètre carré.
Promenade en couloir O : gris, étroit, lumineux, fauteuils épars, nombreux extincteurs, un large panneau indique qu’il est interdit de fumer. Il est 10 h, la Morinerie s’éveille. De chaque côté, certaines portes sont ouvertes, d’autres sont encore closes, fermées par des cadenas. Quelques bruits de pas, quelques voix, on entend de l’opéra à droite, du metal à gauche, du jazz dans le fond. Tout au bout, un salon de thé improvisé avec tables et chaises, encore vides.

Benjamin Dubuis en plein shooting d’épices.
Benjamin Dubuis en plein shooting d’épices.

Au numéro 1 s’active à l’acier Vincent Clairet, chaudronnier tatoué. Ancien commercial, il a tout plaqué il y a six ans. Depuis, avec son poste à souder et sa scie à ruban, il donne forme aux métaux. Le barbu charismatique a notamment réalisé les devantures du salon de tatouage Street Art Family et de la brasserie La Manufacture. Arrivé fraîchement il y a un an, il a aménagé son propre espace de 35 m2 : « On a tout fait de A à Z. » Autre porte, au 5 bis : l’atelier — jungle de Pierre Jean Chabert, sculpteur qui travaille la terre cuite et le bronze. Quand on entre, il baisse le son de l’enceinte dont sortent les cris du chanteur de Tool (metal), pris en flagrant délit de travail méticuleux. Sa dernière création : un crocodile en argile dont il dessine les traits avec sa mirette fétiche. « Je réalise de préférence des sculptures animalières car les humains ont trop d’imperfections, ça m’amuse moins. » Sur des étagères : les portraits « suggérés » d’un hippopotame, gueule béante ; de rhinocéros ; de lions ; de gorilles. Arrivé dans ces locaux en janvier 2015, il dispose de 100 m2. Originaire de Paris il réalise la chance qu’il a d’avoir un atelier ici, « au calme ».

Les loyers très modestes en font un lieu prisé. « Le prix intéresse les artistes, mais également le lieu », pointe Annie Catelas, l’intendante qui dirige les lieux. Dans son bureau ouvert à l’entrée du bâtiment et légèrement en hauteur, elle voit chaque va-et-vient. Amoureuse de l’art, elle rappelle : « La relation humaine est ce qui compte surtout ». « Se retrouver autour d’un café », « se prêter des outils, des costumes » : à la Morinerie, lieu excentré et peu visible, on se serre les coudes. Vaste réseau professionnel, les contacts et les compétences de chacun sont mis à contribution des autres. Ainsi le photographe Julien Dubuis a fait appel au collectif Au Q du camion, qui crée des décors de cinéma, pour l’un de ses projets. « L’émulation » et « l’effervescence » qui comptent tant pour Annie Catelas sont au rendez-vous. 

Malgré l’aspect onirique que donne à ce lieu la lumière zénithale, il est bien réel. Sans subvention, les ateliers fonctionnent uniquement avec le mécénat de la Société Clen, fabricant de mobilier et d’accessoires de bureau. Et c’est une activité à perte. Cette aventure humaine commence dans les années 1990. Elle est à base de rencontres et de prises de risques. Dans ces années-là, Clen devient propriétaire de ce qui était jusqu’alors une usine de fabrication de meubles. Une décennie plus tard, la société réfléchit à louer cet espace.
Tout débute véritablement fin 2006. Annie Catelas, l’épouse de Xavier Catelas, le directeur de la société, rencontre au château de Tours Lena Nikcevic, artiste plasticienne originaire du Monténégro qui cherche un lieu pour travailler. Annie Catelas lui propose de s’installer dans un des hangars : un espace de 4 500 m2. Elle raconte : « Il n’y avait rien à part un toit, même l’eau de pluie s’y écoulait. » La société décide d’étendre son offre à d’autres artistes ou artisans et de sectionner la bâtisse. Eau et électricité sont installées dans les bâtiments et seront à la charge des locataires. En échange d’un loyer très modeste, les nouveaux occupants réalisent les travaux d’aménagement intérieur. « Chaque ateliériste organise son espace comme il l’entend. »

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Pierre-Jean Chabert sculpte les portraits d’animaux sauvages.

Une première association d’artistes se constitue : Le Bled, au sein d’un local de 1 400 m2. Le bouche à oreille se faisant, d’autres ateliers se forment progressivement : des couloirs sont aménagés, des cloisons montées. Des bureaux sont depuis loués au premier étage à des entreprises et des associations. Et Annie Catelas continue d’être sollicitée par de nombreuses demandes. Lorsqu’il y a de la place, le choix se fait « en fonction du projet et du contact avec [son] interlocuteur ». Dans les 13 000 mètres carrés au total, demeurent encore des espaces vierges. Une salle destinée à l’accueil d’artistes en résidence ou à des expositions pourrait bientôt voir le jour. Bien que le lieu ne soit pas dévolu à l’accueil du public, des portes ouvertes ont déjà été organisées en mai et en octobre ainsi que la Nuit blanche en mars dernier, avec concerts et performances. Annie Catelas finit par confier : « Je ne m’attendais pas à ce que tout cela prenne autant de proportions. »

Reportage et photos : Victorine Gay

La devanture de Street Art Family, c'est lui !
La devanture de Street Art Family, c’est lui !

Années Joué : l’art à la conquête de la rue

Chaque printemps, le festival Les années Joué accueille des artistes qui prennent plaisir à envahir les rues et à s’approprier la ville. Leur but ? Rendre l’art accessible à ceux qui n’osent pas toujours franchir la porte des lieux traditionnels.

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(Photo Auguste Jarrigeon)

Les arts de la rue, c’est cette idée de donner de la place à la création artistique pour qu’elle s’installe au cœur de l’espace public. Que chacun se réapproprie un parc, un bout de trottoir ou encore une esplanade grâce à des représentations de théâtre, de danse, de musique, de cirque, etc. En France, ce sont plus d’un millier de compagnies et d’artistes qui pratiquent les arts de la rue, un procédé plus accessible que les salles de spectacles classiques. En effet, selon les chiffres de la Fédération des arts de rue, une personne sur trois assiste chaque année à un spectacle de rue, contre seulement une personne sur cinq pour un spectacle de théâtre. Pour cause : les festivals de rue sont souvent gratuits et touchent des publics plus variés. « Pour moi, c’est une revendication de faire de l’art dans la rue, de sorte que n’importe quel passant puisse le voir. C’est là où on touche le plus de profils différents », défend Agathe, membre de la compagnie Fouxfeuxrieux, qui participera aux années Joué dans la catégorie tremplin pour son spectacle Kamin’é. Cette envie de rendre l’art accessible au plus grand nombre, à ceux qui n’ont pas pu, pas pensé ou pas osé franchir les portes des salles de spectacle, s’est largement développée au sein des institutions ces dernières décennies. Des villes comme Aurillac, Sottevillelès- Rouen ou encore Chalon-sur-Saône ont créé leurs propres festivals et sont aujourd’hui parmi les plus grands événements nationaux. Des « saisons » d’art de rue ont aussi vu le jour. « La profession s’est vraiment structurée, ce qui est indispensable pour qu’on puisse en vivre. Mais dans le même temps, cela a enlevé un peu de notre spontanéité créative », regrette Agathe.

Lors de leur passage, les artistes proposent souvent aux villes de mobiliser les habitants et de les faire participer aux spectacles. Le jour J, les artistes rencontrent leur public, créent une proximité. « Ils participent parfois directement au spectacle et ils viennent nous voir plus facilement à la fin de la représentation, nous racontent que eux aussi jouent d’un instrument, etc. », constate Quentin, artiste de rue depuis quatre ans et membre de la Compagnie du Coin qui jouera L’Espérance de St-Coin aux années Joué. Image8

Pour les années Joué, les centres sociaux de la ville ont, par exemple, en amont, créé des ateliers avec les artistes et les habitants pour préparer les lieux du festival, en construisant notamment toute la signalétique. Pour son spectacle de projection audiovisuelle sur des façades d’immeubles, la compagnie komplex kapharnaüm a utilisé des témoignages de Jocondiens. Mis en place il y a dix-neuf ans, le festival de Joué était, à l’origine, une foire. « La Mairie voulait créer un événement transversal à l’ensemble de ses activités, pour que les services travaillent ensemble au moins une fois par an sur un projet commun », explique Sandrine Fouquet, adjointe à la culture de Joué-lès-Tours. Elle a ainsi greffé, petit à petit, des compagnies d’artistes : la compagnie Off était présente dès la première édition et sera là aussi cette année. Tous les premiers week-end de juin le rendez-vous est donné et il accueille aujourd’hui entre 30 000 et 40 000 visiteurs, pour 250 artistes et techniciens.

CaptureLa Ville n’a pas l’intention de s’arrêter là. « Après la cinquième édition, la question de savoir si on restait amateurs ou si on passait pro a été posée. On a opté pour la seconde option », se souvient Olivier Catin, directeur du festival en charge de la programmation, membre de l’équipe depuis la création du festival. Ce fut la première grande étape. Chaque année, Olivier Catin parcourt la France pour trouver de nouveaux spectacles, de nouveaux talents. « Depuis plusieurs éditions, on sent un réel effort dans la programmation, les troupes ne sont plus seulement locales, elles viennent de tout l’Hexagone et d’ailleurs. Ce n’est pas Aurillac évidemment mais ça pourrait en suivre le chemin », observe Hélène Bourdon, chargée de production pour la Compagnie du Coin. Le service culturel aimerait d’ailleurs développer encore un peu plus l’aspect international, afin que plus de programmateurs nationaux et internationaux viennent repérer les artistes.

Les arts de la rue, un secteur qui se porte bien ? Pas si simple. « Agathe et moi on ne fait effectivement que des arts de rue et nous arrivons à en vivre », explique Thomas, membre de la compagnie Fouxfeuxrieux. « Mais ce n’est jamais évident. Nous sommes dans le même cas que les autres artistes : globalement les contrats sont moins nombreux, des dates sont annulées et les programmations restreintes. Le régime des intermittents est souvent attaqué et le secteur est fragilisé depuis la crise », analyse-t-il. En période de disette, il n’est en effet pas rare que la ligne culture des budgets municipaux affiche quelques ratures. Et l’imaginaire collectif a parfois du mal à évoluer : « Certains croient encore que l’artiste est quelqu’un qui vit d’amour et d’eau fraîche. Nous sommes des professionnels, nous créons des spectacles que nous vendons pour pouvoir en vivre », rappelle Hélène Bourdon. Du côté de Joué-lès-Tours en tout cas, le message est plutôt clair : la mairie a décidé d’augmenter de 50 000€ le budget du festival, pour arriver à la somme totale de 350 000€ dont 210 000 € consacré à l’artistique.

> Festival Les années Joué, du vendredi 3 juin à 18 h 30 jusqu’au dimanche 5 juin à 20 h. Rue de Verdun à Joué-lès-Tours (arrêt de tram Rotière ou Rabière). Entrée gratuite.
> Toute la programmation sur anneesjoue.fr

Médiation animale : une thérapie qui a du chien

Aurélie Rougereau s’est lancée depuis janvier dans la médiation animale (ou zoothérapie). Elle utilise ses deux chiens, Jinko et Litchi, pour tisser du lien entre les personnes.

L’éducation canine des deux compagnons d’Aurélie prendra encore quelques mois, surtout que deux en même temps ce n’est pas toujours facile à gérer.
L’éducation canine des deux compagnons d’Aurélie prendra encore quelques mois, surtout que deux en même temps ce n’est pas toujours facile à gérer.

La zone est protégée par un code d’accès qu’Aurélie connaît par cœur, car sa grand-mère habite ici. Derrière le sas et ses doubles portes soigneusement fermées, un hall moderne quoique impersonnel offre aux visiteurs le choix entre des salons aux fauteuils plus ou moins récents et des couloirs desservant les chambres. Dans l’air se disputent une odeur de naphtaline et de produits d’entretiens pour hôpitaux. Les chaises roulantes et les déambulateurs ne laissent guère de doutes : cette résidence est une maison de retraite. Les patients qui y séjournent sont atteints, à des stades encore peu avancés, de la maladie d’Alzheimer et de ses différentes déclinaisons.

Au fond du dédale, une salle commune équipée d’une kitchenette les accueille pour l’après-midi. Mais aujourd’hui c’est une activité un peu différente qui leur est proposée. Aurélie, 24 ans, les rejoint avec ses deux chiens pour une séance de médiation animale. Son énergie et celle de ses compagnons détonnent forcément avec ce décor un peu terne. Et c’est le but. Malgré les bons soins d’une équipe enjouée, s’occuper et se sociabiliser n’a plus rien d’un chemin évident pour ces patients. « La dame en jaune que vous voyez là-bas n’a pas d’enfants et reçoit de moins en moins de visites car ses amis sont âgés aussi. Elle est souvent déprimée. Mais quand Aurélie vient avec ses chiens regardez comme elle rit », observe une assistante de soin (ASG) de 36 ans.
Avant de pouvoir amener ses animaux, il a fallu qu’Aurélie explique un peu son activité et en justifie les bienfaits pour les patients. « Au Canada, la zoothérapie est beaucoup plus développée. Mais en France non seulement nous avons beaucoup de normes sanitaires mais en plus nous sommes souvent dubitatifs sur les méthodes non purement médicales », constate-t-elle. La médiation animale, à quoi ça sert ? « Les animaux permettent de créer un lien, une interaction entre le patient et le thérapeute. Ils sont un prétexte, un médiateur sur lequel le patient se focalise, oubliant parfois ses troubles médicaux », explique Aurélie.

La médiation animale requiert la participation des patients.
La médiation animale requiert la participation des patients.

Cela permet de travailler sur la communication, le développement psychologique, cognitif, social et même moteur. « Je me souviens d’une dame âgée qui ne pouvait jamais se pencher en avant, c’était infernal pour l’habiller le matin. Un jour, elle a vu un chien passer et elle s’est penchée instinctivement pour le caresser », s’amuse une assistante de soin de la maison de retraite.

La zoothérapie (ou médiation animale) est née aux États-Unis. Elle remonte aux années 1960 et est attribué au psychiatre américain Boris Levinson qui, oubliant que son chien était resté dans son cabinet médical, reçut un enfant autiste pour une séance. Alors que le petit garçon restait d’habitude dans un mutisme total, il se mit à jouer avec le chien, puis à parler, notamment pour demander quand il pourrait revoir son nouvel ami. Le praticien a fait de cet accident méthodologique une voie de recherche, sur laquelle il a écrit de nombreux ouvrages. Effectivement, pendant la séance d’Aurélie, le résultat est immédiat. Elle met son petit chien Jinko sur la table, sous quelques effarements mais surtout de grandes exclamations. Le Jack Russel fait le tour de l’assemblée, recevant caresses et compliments à gogos sur son pelage soyeux. La star à quatre pattes distribue même des léchouilles à la volée aux plus audacieux. Clown d’un jour, il enchaîne ensuite les cabrioles à travers un cerceau. Aurélie questionne l’assemblée : « De quelle couleur est-il, combien en comptez-vous ? ».

Même si les effets cliniques de la zoothérapie sont controversés, l’interaction permet d’apporter du bien-être aux patients.
Même si les effets cliniques de la zoothérapie sont controversés, l’interaction permet d’apporter du bien être aux patients.

Pendant ce temps, Litchi, le teckel, a élu domicile entre les bras de la doyenne, Thérésa. Quand on lui demande quel âge elle a, elle se souvient être née en 1915. Mécaniquement on calcule 101 ans et on recalcule inconsciemment une deuxième fois pour être sûr d’avoir bien compris. « Si on m’avait dit que je vivrais aussi vieille », plaisante-t-elle tout sourire. Au bout d’une demi-heure elle répète pour la troisième fois : « à qui sont-ils ces petits chiens ? Oh ! il y en a deux. » Une autre dame s’est assise à côté d’elle, elle est descendue exprès pour cette activité : elle a elle-même eu des chiens par le passé et c’est une joie immense de pouvoir en retrouver. Aurélie lui propose de brosser Jinko ce à quoi elle répond sans se faire prier. Forcément, on est curieux : cette activité fonctionne-t-elle mieux que les autres ? Pourquoi ? « Je crois que c’est parce que c’est vivant et donc interactif », note une assistante de soins. Boris Levinson résumait le concept ainsi : « L’animal ne se nourrit pas d’attentes idéalisées envers les humains, il les accepte pour ce qu’ils sont et non pas pour ce qu’ils devraient être ».

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Litchi, jeune Teckel d’un an et médiateur.

Formée dans le social et passionnée par les animaux, Aurélie a vu dans la zoothérapie un moyen de façonner un emploi à son image. Elle a découvert cette pratique auprès d’une de ses collègues lors d’un stage dans une structure médicale. « Elle m’a montré ce qu’on pouvait faire avec différents animaux, car si j’ai choisi deux chiens, on peut le faire aussi avec des hamsters, des lapins, des chevaux, des chats et bien d’autres. »Son rêve serait de pouvoir créer un jour une ferme pédagogique pour travailler avec plus d’animaux. Mais pour l’instant la jeune femme en est encore loin. Après avoir suivi une formation à l’Institut de zoothérapie Agatéa à Colmar, elle s’est lancée à son compte depuis janvier. Comme beaucoup de créateurs d’entreprises de son âge, elle a choisi le statut d’auto-entrepreneur, un bon moyen de commencer à développer sérieusement son activité à moindre frais.
Mais pour l’instant les contrats en médiation animale ne pleuvent pas. « C’est une activité encore peu répandue, notamment à Tours », justifie-t-elle. Sa structure se met progressivement en place grâce à la création de sa page facebook MAJE (médiation animale joie et espoir) et des séances de découvertes qu’elle offre aux maisons de retraite, hôpitaux et même à domicile. En attendant le développement de son activité, elle cumule les petits boulots d’aide à domicile. Dans la maison de retraite où elle a fait sa dernière séance de découverte, le personnel est confiant : « Les activités d’Aurélie sont très bénéfiques, nous en avons déjà discuté plusieurs fois tous ensemble. Notre directrice lui proposera peut-être un contrat, pourquoi pas une fois par mois ».

Reportage et photos : Julia Mariton

AURÉLIE ROUGEREAU
> ar.maje@orange.fr
> Et sur Facebook : MAJE médiation animale joie et espoir.

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Tours : ils jouent leur sortie de prison

À la maison d’arrêt de Tours, la compagnie de théâtre Les 3 Sœurs intervient auprès de jeunes détenus. L’objectif ? Les aider à avancer dans leur parcours de vie.

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Les comédiens jouent une première saynète pour interpeller les détenus.

Une casquette bleue vissée sur la tête, Frank sort tout juste de  prison. Pour redémarrer du bon pied, il souhaite se lancer  dans le commerce. D’abord, se former. Mais avec son casier  judiciaire bien rempli, il se dit qu’il ne sera jamais pris en  formation. Heureusement, son pote Mario, qui a ouvert  une pizzeria, propose de l’embaucher et lui donne même une avance  sur salaire. Sauf que Frank est tiraillé. Là, il a surtout envie de fumer.  Et puis son copain qui l’appelle pour jouer aux jeux vidéo, c’est super  tentant. Alors tant pis, le travail attendra. Quant au rendez-vous avec sa  petite amie, il a zappé. Résultat, il se brouille avec Mario et sa copine.

En réalité, Frank n’existe pas. C’est un personnage joué par Antoine  Miglioretti, de la compagnie tourangelle Les 3 Sœurs. Face à lui, six  jeunes détenus de la maison d’arrêt de Tours. La scène se déroule dans  une salle d’activités de la prison, accessible de l’extérieur après avoir  franchi cinq portes et autant de grilles fermées à clé. La compagnie  intervient dans le cadre du programme Bouge — Bien orienter une  génération en devenir — à destination de jeunes délinquants, souvent  récidivistes, âgés de 18 à 25 ans. À l’origine, le questionnement de deux  conseillères d’insertion et de probation — Vanessa Fouillet et Emmanuelle Terriot — chargées d’accompagner les détenus et de prévenir  leur récidive :  « Le comportement de ces jeunes est un réel problème.  Comment les aider à évoluer ? »  Une difficulté décuplée par la détention  et la promiscuité qu’elle impose.

Un personnage tiraillé entre sa voix intérieure et les sollicita- tions extérieures.
Un personnage tiraillé entre sa voix intérieure et les sollicitations extérieures.

Ici, plus de 200 détenus vivent à deux  ou trois dans une cellule de 9 à 10 m2. Ils y passent 22 heures par jour,  sauf activité ou rendez-vous particulier. Le projet Bouge est porté par  le Spip, service pénitentiaire d’insertion et de probation, dont l’une des  principales missions est de prévenir la récidive par un accompagnement  individuel et collectif.

« Souvent, l’approche collective consiste à organiser des groupes de parole à visée thérapeutique. En investissant le champ  éducatif, nous nous inscrivons dans une toute autre logique » , souligne  Isabelle Larroque, directrice du Spip. Après une première session du  programme Bouge fin 2015, une deuxième est aujourd’hui en cours.  Parmi les six séances prévues, deux sont consacrées à l’intervention de  la compagnie Les 3 sœurs, qui pratique le théâtre d’intervention :  « Nous  avons créé un objet théâtral personnalisé et adapté à la demande du  Spip » , précise Sonia Fernandez-Velasco, comédienne de la compagnie.  Le personnage de Frank a été conçu de sorte que les détenus puissent  se projeter sur lui et réfléchir à leurs propres difficultés. Très présent,  l’humour favorise l’implication des jeunes et leur participation.

Ce mercredi-là à la maison d’arrêt, les détenus réagissent à la scène  jouée par la compagnie :  « En fait, Frank, il a réussi que les problèmes ! »,  lance Kader*. Accompagné des trois acteurs, les participants retracent  le parcours de Frank depuis sa sortie de prison. Matérialisées au sol,  deux lignes divergentes constituent un plateau de jeu imaginaire. La  première, la  « ligne de conduite » , mène Frank à l’objectif qu’il s’est fixé,  symbolisé par une coupe. Pour les jeunes, cette coupe, c’est avant tout  « un travail légal » . La deuxième ligne, déviante, conduit à un point  d’interrogation : c’est  « la cité » ,  « le quartier », « la prison »  ou encore  « le travail illégal  » .
Le groupe décortique ce qui a poussé Frank d’une  ligne vers l’autre : Quelles priorités s’est-il fixé ? Quels choix l’ont fait  basculer ? Quelle responsabilité porte-t-il dans cette évolution ? Puis, les  trois acteurs invitent les détenus à prendre leur place :  « Vous allez sortir  de prison. Vous serez au début d’un nouveau chemin. À vous de vivre votre  propre parcours. »  Commence alors la distribution des rôles : aux côtés de Kader dans le rôle principal de Frank, Julien* joue le monde extérieur  — toutes les personnes avec qui Frank interagit une fois dehors — et  Kevin*, la voix intérieure de Frank. Quant à Luc*, extérieur à la scène,  il peut à tout moment stopper l’action grâce à une télécommande. Voilà  comment s’invente l’histoire avec les jeunes comédiens…

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Elsa Adroguer, comédienne, dans le rôle de la petite amie de Frank.

Frank annonce à son conseiller :  « Mon oncle va m’embaucher dans sa  pizzeria. »  Mais dès sa sortie de prison, son pote du quartier l’invite à  boire un coup. Puis, son conseiller l’informe qu’il doit se rendre immédi- atement à la mission locale pour bénéficier d’un programme d’insertion,  avec des aides au permis et au logement à la clé. Excellente nouvelle !  Mais Frank a vraiment envie de trinquer avec ses copains. Tout de suite.  Il ne sait plus quoi faire…
Intervient alors sa maman, au téléphone :  «   Tu vas aller à ce rendez-vous, Frank, insiste-t-elle. Sinon, qui est-ce qui va  encore finir au parloir pendant un an, hein ? »  Ensuite, Frank apprend que  le rendez-vous à la mission locale est finalement à Blois. Sans permis, il  galère pour se faire conduire là-bas, et résultat, il arrive 45 minutes en  retard. Le conseiller, joué par Julien, retire sa proposition :  « Il faut être  assidu, ponctuel » , justifie-t-il. Kader s’emporte :  « J’ai fait 100 kilomètres pour vous ! Toi, t’as vu comment tu m’reçois ? Rentre chez toi, tu veux que j’t’insulte ou quoi ? » Fin de l’histoire.

Les trois comédiens se sont donné à fond dans leur rôle. Avec plein  d’énergie, d’humour et un sacré sens de la répartie. Un débriefing de la  saynète permet d’analyser pourquoi la situation a dérapé. En résumé :  « Il y a eu trop d’embrouilles ! Frank aurait dû expliquer clairement sa  situation au conseiller : lui dire qu’il n’avait pas le permis, pas de voiture.  Qu’il ne pouvait donc pas se rendre à Blois en si peu de temps » , analyse  Vanessa Fouillet.
L’occasion aussi, avec les comédiens de la compagnie,  de lancer quelques pistes de réflexion : comment canaliser son énergie,  se fixer des objectifs ou plus globalement, être réellement acteur de sa  vie. Pour Vanessa Fouillet et Mathieu Besson, les deux conseillers d’insertion et de probation qui accompagnent le groupe, cette séance s’avère  précieuse :  « Nous pouvons évaluer leurs réactions, leur comportement. Ce qui nous permettra, dans les prochains entretiens, de valoriser ce qu’ils  ont réalisé de positif et de leur montrer qu’ils détiennent en eux des clés  pour changer » .
L’objectif : leur donner confiance dans leur capacité à  changer dans la durée.

Reportage et photos : Nathalie Picard

* Les prénoms ont été changés.

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Pas facile de choisir entre sa ligne de conduite et une voie divergente.

Tours : la musique forme la jeunesse !

Au Centre de formation des musiciens intervenants (CFMI), de futurs artistes et pédagogues apprennent à transmettre leur passion de la musique aux enfants. Tout un art.

En cours de chant, il faut donner de la voix... et des émotions
En cours de chant, il faut donner de la voix… et des émotions

Ne cherchez pas. Ici, vous ne trouverez ni de sombres amphithéâtres, ni les interminables cours magistraux qui vont souvent avec. Pourtant, nous sommes bien à l’université François-Rabelais. Mais dans cet espace un peu à part, la plus vaste salle de cours est un auditorium. Des balafons multicolores — sorte de xylophone en bois d’origine africaine — sont disposés en demi-cercle, face à de larges baies vitrées offrant une belle vue sur les champs attenants. Un environnement propice à l’inspiration. Bienvenue au Centre de formation des musiciens intervenants (CFMI), un département universitaire qui occupe de charmants locaux sur les hauteurs de Fondettes. Sa mission : former des personnes, à la fois musiciennes et pédagogues, qui interviennent auprès des enfants pour les sensibiliser à la musique. Deux années de formation professionnelle, basées sur différentes pratiques musicales et sur une réflexion pédagogique, permettent d’obtenir un précieux sésame : le diplôme universitaire de musicien intervenant.

Répéter un rythme compliqué, toujours et encore
Répéter un rythme compliqué, toujours et encore

Ce jeudi-là, Richard Vincent, enseignant en percussion, donne un cours de rythme aux élèves de deuxième année. Chaque étudiant répète le rythme proposé par leur professeur sur un balafon. La mission de Richard Vincent ? « Je suis là pour développer le potentiel rythmique des élèves. Ils doivent être capables, avec les enfants, de chanter en s’accompagnant de rythmes. Cette indépendance de la voix et des mains est plus facile à acquérir que celle d’une main par rapport à l’autre. Nous travaillons cette difficulté ensemble. » Qui peut le plus, peut le moins. Son tuyau ? « Répéter toujours la même mélodie permet de se donner des repères. »
Mine de rien, ce n’est pas facile. Réussir à superposer des rythmes différents, travailler l’indépendance des deux mains… Certains s’arrachent même les cheveux. Comme Josefa Tvetey, 25 ans, qui a intégré le CFMI après un master de musicologie : « Le rythme, c’est compliqué pour moi. J’ai du mal à dissocier les deux hémisphères cérébraux. Il faut persévérer, pratiquer en permanence », insiste la jeune femme qui travaille d’arrache-pied. Pour s’entraîner entre les cours, quelques studios attenants à l’auditorium, avec synthétiseurs, ordinateurs et percussions, sont à la disposition des étudiants. Chacun peut venir y travailler son instrument.

À quelques mètres de l’auditorium, dans le bâtiment principal du CFMI, le cours d’écriture se tient dans une salle aux murs rouges. L’enseignant, Dominique Billaud, et ses deux étudiants, Lucas et Jonathan, sont en grande discussion autour d’une partition posée sur le pupitre d’un piano à demi-queue. Ici, les jeunes apprennent à composer une chanson : ils écrivent le texte et inventent la musique pour un ensemble d’instruments. L’objectif ? Mettre le tout en scène pour en faire un vrai spectacle. Toujours dans la perspective de leur futur métier. Histoire de le vivre au moins une fois avant d’en monter avec les enfants.
« Dans le métier de musicien intervenant, la création et l’inventivité sont essentielles », souligne Dominique Billaud. Les deux étudiants apportent leurs idées. « J’aimerais créer sur le thème du voyage. Les idées fourmillent, je les ai posées sur un carnet. Mais musicalement, ça ne se dégage pas encore. J’imagine quelque chose de massif, avec un chœur et des instruments », annonce Lucas. L’enseignant, lui, est là pour les accompagner : « Ils restent libres de leur choix, et surtout, il n’y a pas de jugement de valeur. » Dans cette formation, l’attention portée à chaque personne semble essentielle. Logique, si l’on considère que la relation humaine est au coeur de la musique.

Un moment de plaisir en cours de guitare
Un moment de plaisir en cours de guitare

Une impression confirmée lors du cours de chant, qui se déroule dans une petite salle au dernier étage du bâtiment, au fond d’un couloir. « Ici, on abat les masques, lance Muriel Marschal. C’est un sas de décompression, un endroit où les étudiants se permettent de craquer. » L’enseignante donne toute son énergie dans un objectif : « donner aux élèves le goût d’eux-mêmes et de leur voix, leur permettre de se sentir beau et confiant, éradiquer tous leurs doutes. » En somme, apprendre à s’aimer. Vaste programme. D’autant que travailler sur sa voix a quelque chose de troublant : « Des métamorphoses s’opèrent. C’est très intime », avoue Lucie.
La jeune femme se lance, debout face à son pupitre, dans une interprétation de « mon légionnaire ». Muriel Marschal l’accompagne au piano : « C’est magnifique ! C’est hyper beau », s’enthousiasme-t-elle. Ici, enseignants et étudiants partagent une même passion : la musique.

C’est maintenant l’heure du cours de guitare. Cet instrument populaire est le précieux allié du musicien intervenant. Pratique et facile à transporter, il s’avère idéal pour accompagner les enfants. En plus, la guitare s’adapte à tous les styles, du country au rock. Maëva, Marie et Jean-Félix s’entraînent sur l’air de Helplessly Hoping, une belle chanson à plusieurs voix accompagnées de deux guitares. « Regardez-vous bien, vous devez suivre comme une ombre la voix de Marie, la chanteuse principale », leur conseille Émilie Sansous, l’enseignante. Dissociation des deux mains, souplesse, dextérité… « Les étudiants doivent maîtriser suffisamment l’instrument afin de pouvoir gérer les erreurs des enfants qu’ils accompagnent », poursuit le professeur.

À l’école, le groupe des cloches s’en donne à coeur joie
À l’école, le groupe des cloches s’en donne à coeur joie

Et travailler avec des enfants, justement, ça s’apprend ! C’est une partie importante de la formation : les étudiants animent chaque semaine des ateliers musicaux dans des écoles. Comme chaque vendredi, Marie Menou, élève en deuxième année, se rend à l’école élémentaire Jules- Verne à Tours-Nord. Avec la classe de CM2 de Pierre Deseuf, elle monte un projet de création musicale autour de Casse-noisette. Non, il ne s’agit pas de leur apprendre à jouer de la flûte à bec… L’idée ? « Amener les enfants à créer eux-mêmes leur morceau. »
Avec leur enseignant, ils ont écrit des virelangues que la musicienne réutilise : « À partir d’un texte écrit rigolo, c’est plus facile de poser des rythmes. » Et ça marche : « Pirlipat a un papa qui fait du rap… en mangeant ! », chantent les enfants en tapant avec lames, grelots, cloches et bâtons. Ryad, 11 ans, aime cet atelier car « on peut chanter et s’exprimer ! ». Au mois de mai, ils présenteront leur création sur une vraie scène, comme des grands.

Textes et photos : Nathalie Picard

 

>> RETROUVEZ LES PORTRAITS DE MUSICIENS INTERVENANT(E)S JUSTE ICI ! <<

A l’école de la piste avec C’koi Ce Cirk

C’est la seule école de cirque du département alliée à la Fédération française des écoles de cirque. Avec C’Koi Ce Cirk, les novices et connaisseurs des arts de la piste mettent au défi leur sens de l’équilibre, apprennent à maîtriser les acrobaties ou s’amusent du jonglage.

Une petite avenue de Saint-Pierre-des-Corps. Au 50 de la rue Maxime-Bourbon, la devanture comme instagrammée d’un cinéma : bienvenue au Rexy. L’ancienne salle obscure, qui a abandonné ses bobines depuis 1983, s’est métamorphosée en école de cirque. Derrière les rideaux noirs, le grand écran est toujours là. Mais les sièges de velours ont laissé place aux tapis, massues, trapèze et au tissu d’acrobatie de C’Koi Ce Cirk. La compagnie, fondée en 2003, crée des spectacles, théâtre d’objets et de marionnettes et compte trois créations, une quatrième en gestation pour 2017.

« On a inventé “ Sourde oreille ” qui tourne un peu partout en France, avec 110 représentations en deux ans, souligne Ludovic Harel, le fondateur de la compagnie. On est très contents, on a fait de belles rencontres avec ce spectacle accessible aux sourds et malentendants ». Mais la deuxième activité de C’Koi Ce Cirk, c’est l’école de cirque, la seule dans le département et en Région Centre affiliée à la Fédération française. Et qui a déposé ses bagages, depuis le 1er octobre 2014 dans ces murs à deux pas de la gare TGV. « Depuis le début, nous proposons des activités pédagogiques mais nous avions envie de sédentariser une partie de notre activité », détaille Ludovic Harel.

La compagnie continue par ailleurs de balader ses ateliers itinérants partout dans le département : « on amène le cirque aux enfants », glisse Ludovic Harel, comme dans les écoles, les centres socio-culturels, ou encore lors de différents stages. L’année dernière, C’Koi Ce Cirk a ainsi prodigué 3 000 heures de cours à ses différents publics.
Parmi eux, des petits à partir de 5 ans mais aussi des adultes… jusque 45 ans. « Les enfants ne viennent pas pour travailler mais pour jouer, précise Ludovic Harel. Mais comme dans tous les jeux, cela passe par la maîtrise de techniques, de règles, par la rencontre de l’autre et l’épanouissement. » Et les adultes ? « Des connaisseurs mais aussi des débutants qui ont envie de s’initier à une activité artistique et physique. » Une combinaison réussie.

>> Pour le reportage photos à l’école, vous pouvez retrouver notre numéro en PDF SUR CE LIEN (l’article se trouve des pages 16 à 19)

Flore Mabilleau

Baby Planner : un coach avant bébé !

Les futurs parents ne savent pas toujours où donner de la tête avant le jour-J. Pour les aider, il existe des baby planner. Rencontre avec Karen Gioli, une Tourangelle qui exerce depuis cet automne.

Karen Gioli ne se déplace jamais sans son matériel de puériculture. Dans sa voiture, la trentenaire, elle-même maman, emmène tout ce qui peut être utile pour permettre aux futurs parents désarmés de gagner du temps dans leurs recherches d’avant-naissance. « Le métier de baby planner consiste à les rassurer afin que l’arrivée de bébé soit la plus sereine possible, explique la coach. En fait, mon champ d’action est assez large. Cela va de la préparation du trousseau pour le départ à la maternité jusqu’à la prévention des accidents domestiques en passant par l’aménagement de la chambre de bébé ou le choix du siège auto. »

Sa méthode ? « Après une série de questions, je cerne les attentes et le mode de vie de la famille. Après, je m’adapte et je propose une sélection de produits. Mes clients sont ensuite libres de faire ce qu’ils veulent. » Et pour ceux qui pensent que ce service n’est pas forcément utile, la jeune femme rétorque : « Les moeurs ont changé. Ce qui était vrai il y a une dizaine d’années ne l’est plus forcément en 2016. Actuellement, on prône l’autonomie du jeune enfant dans un environnement sécurisé. Exit, donc, le parc fermé ! » Karen est là également pour tordre le cou aux idées reçues : « Les conseils de belle maman ne sont pas toujours adaptés, sourit-elle. J’explique aux parents que ce qui est bon pour certains ne l’est pas forcément pour d’autres. Par exemple, un couple qui voyage aura besoin d’investir dans un transat léger. »
Indépendante, Karen met avant tout le bon sens dans le choix des équipements. « Je suis là pour faire faire des économies aux familles en évitant les dépenses inutiles. »

> Plus d’infos bebeetvous.fr

Anne-Cécile Cadio

Kids : Olé Flamenco !

Bientôt, la danse sévillane n’aura plus de secret pour les sept fillettes de l’association Tiempo flamenco. Ambiance.

flamenco

Jupes noires à pois rouges, chaussures pailletées à talons, fleurs rouges dans les cheveux… Comme tous les vendredis soirs au foyer Mirabeau à Tours, sept fillettes se tiennent prêtes pour leur cours de flamenco. Une danse pas très courante pour des enfants. Comment cette curieuse idée leur est-elle venue ? « Mes parents m’ont ramené une robe flamenco d’Espagne », répond Manon, une jeune blondinette. « Ce qui m’a donné envie, c’est Idalina, ma poupée espagnole danseuse de flamenco », ajoute Maëlys. Quant à Lana, elle a vu un spectacle avec « Florence et ses copines ».

Florence Milani, c’est la professeure de l’association Tiempo Flamenco, née en 2002. Au départ, une bande de copines, donc. Passionnées par cette danse, elles décident de monter une association afin d’organiser elles-mêmes les cours qu’elles ne trouvaient pas à Tours. Aujourd’hui, Tiempo Flamenco compte 50 élèves, dont sept enfants.
« Ce qui m’a plu, c’est le contraste entre les mouvements des mains et du corps, gracieux et sensibles, et ceux des pieds, plus carrés et rythmés », décrit Florence Milani. Car une bonne danseuse de flamenco doit aussi être musicienne : avoir une bonne oreille et le sens du rythme, coordonner ses bras et ses jambes. Alors, facile le flamenco ? « On tape souvent avec nos talons, ça fait mal aux jambes. Mais on se fait les muscles, aussi ! », lance Jeanne-Ève. Emballées, les jeunes filles préparent déjà le spectacle de fin d’année. Elles s’en donnent à coeur joie. Car pour une fois, elles ont le droit de taper du pied.

> tiempoflamenco.com

Nathalie Picard

Aux p’tits soins pour les petits lions

Des micro-crèches poussent dans l’agglomération tourangelle. Ces petites structures pour dix enfants maximum proposent un accueil collectif à taille humaine. Récit d’une matinée ordinaire à la micro-crèche Les petits lions, implantée dans le quartier des Deux-Lions.

9 H : La plupart des enfants sont arrivés. Certains font déjà la sieste, quand d’autres s’amusent dans un vaste espace de jeux. Avec ses couleurs vert et bleu pastel et son gentil lion peint sur le mur, la pièce à vivre s’avère très accueillante. Un univers tout douillet, et surtout des jeux partout à disposition des enfants : circuits de voitures, ballons, vaisselle, tapis… « Les temps de jeux libres sont indispensables pour leur autonomie. On laisse les enfants choisir », explique David Lécu, le directeur de la micro-crèche Les petits lions. Visiblement, ce matin-là, les petits élisent la cuisine « the place to be » !

9 H 30 : Jazz et sa maman poussent tranquillement la porte de la crèche. « Elle a tellement bien dormi : jusqu’à 9 h ! », s’emballe la jeune femme tout en déposant les affaires de sa fille dans un casier blanc. Ses chaussures troquées contre des chaussons bien confortables, Jazz rejoint ses petits camarades sans demander son reste. Pour prolonger encore un peu sa nuit, elle s’allonge sur un tapis, l’air rêveur.
Sidney, elle, est bien réveillée. La fillette d’à peine 3 ans communique par les signes. Le doigt sur l’oeil, elle me signifie son envie de regarder les images sur mon appareil photo. Je me prête au jeu et me retrouve subitement entourée de quatre enfants, qui mettent maintenant les doigts… sur l’objectif !

10 H : C’est l’heure de l’activité. « Margot, veux-tu faire de la pâte à modeler ? », demande Marine Foucault, éducatrice spécialisée. Margot, 16 mois, manifeste son enthousiasme : elle accourt en tapant des mains. Avec Imrane et Sydney, elle s’installe à la table. Jazz préfère se reposer. « On incite les enfants à participer aux activités, mais ce n’est pas obligatoire. Notre objectif, c’est qu’ils se sentent bien ici, qu’ils puissent évoluer à leur rythme », précise David Lécu.
La pâte à modeler, c’est l’occasion de manipuler une nouvelle matière et d’apprendre les couleurs. Alors, plutôt boudin ou ver de terre ? Ni l’un, ni l’autre. Le plus rigolo, c’est de taper dessus : on aplatit la pâte au maximum, et surtout on fait du bruit. Mais l’activité touche vite à sa fin. Imrane, lui, aurait aimé continuer : il n’est pas content.Capture

10 H 30 : Les plus jeunes commencent à se réveiller. Comme Tiago, 9 mois, le grand copain d’Imrane. Le deux petits se font de gros câlins. « On note systématiquement les heures de réveil. Un carnet de suivi, avec de nombreuses informations, permet de communiquer avec les parents. Ça leur permet de connaître les phases de sommeil, les changes, les activités… », souligne Pauline Mitault, animatrice petite enfance.
Le change, justement : un passage obligatoire après la sieste. C’est au tour de Tiago : « Quand je change un enfant, je peux prendre mon temps. Alors que dans une grande structure, c’est l’usine : tout doit être vite expédié. Ici, c’est très familial, on peut profiter de chaque enfant, on est plus proche des familles aussi », poursuit la jeune femme. « Voilà jeune homme, tu es tout propre », annonce-t-elle à Tiago. Le petit brun à bouclettes, en body vert kaki et jogging bleu, est un rampeur invétéré.

11 H 30 : Le repas approche. La fatigue des plus grands se fait sentir. Rien de tel qu’une histoire pour calmer les enfants avant le repas. Sidney choisit Chloé l’araignée, mais repart dès les premières phrases. Quant à Camille, elle se met à pleurer… Il est temps de préparer le repas. Tatiana Guyon, animatrice petite enfance, arrive en renfort. Trois personnes pour gérer le déjeuner, ce n’est pas de trop. Ici, ce sont les parents qui amènent les plats de leur enfant. Chacun son menu : boeuf-carottes pour Sydney, purée de potiron et pomme de terre pour Imrane, jambon-pâtes pour Camille…
Un temps calme après le déjeuner, puis tous vont faire une sieste dans deux dortoirs, un pour les petits, un pour les grands. Ce qui permet de gérer l’endormissement au cas par cas. « Certains enfants, comme Camille, ont besoin d’une présence. Nous pouvons répondre à cette demande », affirme le directeur. L’un des nombreux avantages d’un accueil à taille humaine.

Texte et photo : Nathalie Picard

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A Joué, les enfants adorent la zumba

La zumba, ce n’est pas que pour les grands. Les cours pour les enfants se multiplient dans l’agglo comme au Centre social de la Vallée Violette, à Joué-lès-Tours.

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Pour trouver le cours de zumba, il suffit de tendre l’oreille. Musique hyper rythmée et consignes enthousiastes d’Emilie Boissinot, qui donne des cours pour enfants au Centre social de la Vallée Violette à Joué-lès-Tours, chaque mercredi après-midi. « Et 1, 2, 3, 4 tapez », lance-t-elle tout en dansant sur Te quiero, la musique d’une chorégraphie que le petit groupe de 7 à 11 ans – quasiment que des filles – a appris.
Ici, pas de ballerines ou de tutu. La zumba se pratique habillé(e) décontracté(e) et en baskets. Ce mélange bondissant d’aérobic, de danse jazz et latine, a happé des millions d’adultes dans le monde. Mais il plaît aussi beaucoup aux enfants et particulièrement aux filles.

C’est d’ailleurs à la demande des familles fréquentant le Centre social que la structure propose, depuis l’année dernière, ce cours. « J’aime bien, ça bouge, c’est collectif et on rigole bien ! », sourit Amina, 9 ans, entre deux sauts. Échauffement, répétition des chorégraphies, l’apprentissage ne se fait pas sans jeux. Le tout sur les tubes qui font un carton chez les pré-ados, du genre Un monde meilleur, de Keen’V, ou encore les titres de la jeune Louane. Un moyen de faire fonctionner ses muscles, tout en faisant travailler sa mémoire.
Pas question cependant d’épuiser les corps. Le cours, entrecoupé de pauses pour boire de l’eau, dure maximum une heure. Et ça suffit, visiblement, pour leur donner le smile.

Flore Mabilleau

Sur 97.4 FM, la jeunesse sur les ondes

C’est le moment d’allumer votre poste : la Raj, radio animation jeunesse, émet jusqu’au 19 décembre. La parole est aux jeunes du val de l’Indre. Reportage au collège de Cormery.

« Hello, bienvenue sur la Raj, la radio animation jeunesse, sur le 97.4 FM. Aujourd’hui, on va parler de sexe », lance Abdelhakim, un micro orange à la main. Très à l’aise, le collégien n’en est pas à sa première émission, et ça s’entend. Avec trois copains, Clément, Justine et Nicolas, il profite de la pause déjeuner pour enregistrer une émission de radio. Le studio ? C’est la caravane de la Raj. Postée dans un coin de la cour du collège Alcuin de Cormery, elle ne passe pas inaperçue. Et surtout, elle ne désemplit pas.
L’initiative originale lancée l’année dernière par la communauté de communes du Val de l’Indre (CCVI) est un vrai succès. « Au service jeunesse, ça faisait plusieurs années qu’on montait ponctuellement des animations radio. Là, on a décidé de lancer une vraie radio, avec un nom, un site Internet, des lieux d’enregistrement et des périodes d’émission sur les ondes. Pour désacraliser un peu la radio. Montrer que ce n’est pas cher et accessible à tous », raconte Benoît Bourbon, animateur jeunesse à la CCVI. D’où l’idée de se doter d’un outil itinérant pour se poser sur la place du village, dans la cour d’un collège, et venir à la rencontre du public : des jeunes, bien sûr, mais aussi des habitants, des associations ou des élus locaux.
« Il nous fallait un lieu fun. La caravane, on l’a pensée et aménagée avec les jeunes », poursuit l’animateur. Sur la carrosserie, des graffitis multicolores sont partiellement recouverts d’une énorme inscription : « Info jeunesse exprime-toi ». Les quatre collégiens présents ce midi-là l’ont prise au mot ! Même quand il s’agit de parler de sexualité. À l’intérieur, ils sont bien installés, assis sur la banquette à fleurs orange des années 70. Dans cet espace exigu, le studio d’enregistrement est forcément sommaire : un ordinateur portable, une petite table de mixage et cinq micros suffisent.

Image2Première étape : préparer l’émission. Abdelhakim est volontaire pour prendre le rôle d’animateur. Ce grand brun aux lunettes noires raconte qu’il a déjà fait plein d’émissions, des directs même. Pas plus tard que la semaine dernière, il animait « Around the music », un direct sur l’histoire des courants musicaux. Pour les trois autres copains, cette émission est une première. Comme la dynamique Justine, bientôt 14 ans, qui n’a pas la langue dans sa poche : « Tu t’appelles Cauet, alors ? », dit-elle à Abdelhakim pour rigoler, en référence à l’animateur vedette de NRJ. « Non, ça sera plutôt Difool », répond l’intéressé du tac au tac. Le ton est donné.

Un peu de sérieux, quand même : « Vous avez choisi de parler de la sexualité chez les jeunes. Vous devez donc préparer différentes questions. L’animateur est là pour présenter l’émission et son contexte. Pensez aussi à l’intermède musical, qui coupera l’émission en deux parties. Pour vous lancer, ça peut être bien de vous appuyer sur ce que vous avez vu en cours d’éducation à la sexualité », conseille Benoît Bourbon. Car la Raj, c’est aussi un outil à vocation pédagogique. Les objectifs : valoriser les jeunes en leur permettant de s’exprimer à l’oral et d’être acteur de leur territoire, mais aussi créer un espace de débat public. « Sortir de l’écrit permet à ceux qui ont des difficultés de s’exprimer plus facilement. On propose ici un espace d’apprentissage, des mises en situation concrètes », estime l’animateur jeunesse. Ici, la parole est libérée. Si certains ont parfois du mal à énoncer des termes, Benoît les encourage : « On peut se dire les choses, utiliser les vrais mots, comme pénis ou vagin, plutôt que de parler d’appareil reproducteur. »

Silence dans la petite caravane, c’est le moment de commencer l’enregistrement. Après le lancement de l’émission, Abdelhakim, Benoît et Rémy Dougé, animateur jeunesse également, posent tour à tour des questions : qu’avez-vous appris au collège en cours d’éducation à la sexualité ? Avez-vous abordé la question des sentiments ? Qu’est-ce qui fait qu’à un moment, on se sent prêt ? Pourquoi a-t-on des rapports sexuels ? Comment imaginez-vous votre première fois ? Chacun, tour à tour, prend le micro pour donner son point de vue. À cette dernière question, Abdelhakim répond que pour lui, ce sera après le mariage : « Quand je serai bien avec ma femme. Pour des raisons religieuses, et aussi parce que je n’ai pas envie de jeter une fille comme une chaussette ! » Clément et Nicolas, eux, espèrent bien que ce sera avant 18 ans. Majeurs et puceaux, très peu pour eux… Quant à Justine, pour l’instant, elle a du mal à imaginer cette première fois. Des visions différentes, qui amènent les quatre jeunes à débattre entre eux.

C’est l’heure de la pause musicale, l’occasion pour Benoît de leur donner un petit conseil : « Pensez à vous observer, à vous écouter et à vous passer le micro, pour mieux répartir la parole. » Quelques minutes après, c’est reparti pour une dernière série de questions : quels sont les moyens de contraception ? Quels sont les maladies sexuellement transmissibles ? Comment peut-on les éviter ? Le Sida est sur toutes les lèvres. « Et vous en connaissez d’autres, des MST ? », interroge Benoît. « La rage, ça en fait partie, non ? », demande Abdelhakim. « Ah, non, la Raj, c’est la radio animation jeunesse ! » Grands éclats de rire.
L’enregistrement touche à sa fin. En animateur quasi professionnel, Abdelhakim clôture l’émission. Le retour de Justine sur sa grande première : « Moi, j’étais à l’aise, j’ai vraiment kiffé ! » Dernier conseil de Benoît avant que les quatre collégiens ne filent déjeuner : « Continuez d’apprendre sur la sexualité. Vous avez quelques bribes d’information, mais ce n’est qu’un début. Réfléchissez aux sentiments. Ne restez pas seuls avec vos peurs, parlez-en à des personnes de confiance autour de vous. » L’objectif des animateurs jeunesse est bien de créer des espaces où les ados se sentent en confiance, où ils peuvent se lâcher et parler de tout, même de sujets délicats. En tout cas, à la Raj, c’est mission accomplie.

Textes et photos : Nathalie Picard

EN SAVOIR PLUS :

>>sur Internet (diffusion permanente, boîte à outils, podcasts des émissions, radio collège) : radio.la-raj.fr

>>sur les ondes jusqu’au 19 décembre : 97.4 FM

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Enfants : des improvisateurs nés

#EPJTMV. Inventer des histoires sur scène, à plusieurs et sans se concerter. C’est ça, l’improvisation théâtrale, et même les enfants s’y mettent !

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(Photo Lucas Barioulet)

« Je suis un canard dépressif », lâche Gaspard. « Je fais le kangourou », assure Basile. « Moi je suis effrayée par Nell », avance Enora. Dans cet ancien office de tourisme de Langeais qui sert de lieu de répétition au théâtre de l’Ante, ils sont onze enfants entre 7 et 11 ans à venir faire de l’improvisation, ce mercredi après-midi. La séance d’une heure et demie commence par des exercices d’échauffement, où il est nécessaire de mimer et d’inventer des situations. Puis, sous la direction de Julien, les jeux d’improvisation débutent réellement.

Par deux, les apprentis comédiens montent sur scène pour jouer différentes histoires. Ils n’ont que quelques secondes pour trouver leurs mots. « On fait ce qu’on veut, il ne faut pas trop réfléchir avant », explique Enora. Nell, de son côté, choisit de jouer l’enfant incrédule face à un agent fédéral incarné par Basile. « Dans la vraie vie, c’est difficile de faire rire les autres. Mais ici c’est plus simple. On peut s’exprimer, inventer des histoires », confie-t-elle.
« La difficulté pour les enfants est de dépasser leur pudeur. Mais après, ils se lâchent », détaille Julien. « Quand on est seul on a le regard des autres braqué sur nous, mais à plusieurs il y a moins de stress, c’est plus facile », concède Nell. Sur la scène du théâtre de l’Ante. Les rôles les plus farfelus sont au rendez-vous. De la momie au plombier en pleine intervention. Daniel lâche même devant tout le monde : « Basile, ta braguette est ouverte ! »

Robin Wattraint

# Notre galerie photos sur ce lien

Un Tours-Paris moins cher qu’un Paris-Brest

#EPJTMV. 2 € l’aller-retour entre Tours et Paris en bus ? Vous n’y croyez pas ? Pourtant, c’est bien réel et nous l’avons testé pour vous. C’était long, mais rentable !

Image13RÉSERVATION

La réservation se fait en quelques clics sur Internet. Je me décide pour un trajet avec la compagnie allemande Flixbus à 1 €. La ligne a été ouverte mi-novembre avec un prix attractif qui se révèle être une offre de lancement. Il sera revu à la hausse à la fin de l’année pour tourner autour d’une dizaine d’euros. Quatre autres compagnies d’autobus proposent quotidiennement cette liaison entre Tours et Paris avec des prix pouvant aller jusqu’à 25 €. En train, le coût du trajet oscille entre 28 et 65 €. Mon billet est pris et payé. Départ à 10 heures de la gare routière, rue Édouard-Vaillant.

EMBARQUEMENT Image14

J’arrive une dizaine de minutes avant le départ. Le bus de couleur verte est déjà là. Devant la porte, il y a Ralf, le chauffeur. Je sors mon téléphone et lui présente mon e-billet téléchargé via l’application de la compagnie. Il le scanne. Pour les nostalgiques du papier, il est aussi possible d’imprimer son billet et de le présenter de la même façon. Contrôle rapide des papiers d’identité. Tout est en règle. Je peux monter dans le bus.
Pendant ce temps, les autres passagers placent leur valise dans la soute. Chaque billet donne le droit de transporter deux bagages en plus d’un bagage à main. Une fois à l’intérieur, je me rends compte qu’il y a très peu de voyageurs. Seulement neuf pour une cinquantaine de places. « J’avais quatorze réservations, glisse Ralf. Mais à un prix aussi bas, les gens ne prennent pas la peine d’annuler. » Retardataires ou non, tant pis pour eux. Il est 10 heures précises, le bus démarre. Direction Paris.

Image15TRAJET

L’avantage d’être si peu nombreux ? Je ne suis pas obligé de partager ma rangée avec une autre personne. Et j’en profite ! Je pose ma veste sur le dossier du siège devant moi et mon sac sur la place d’à côté. L’espace est assez grand pour y étendre mes jambes. Le siège est lui confortable : pas trop dur, ni trop mou. Sous la rangée de sièges gris, le luxe : deux prises électriques. Immédiatement, je branche mon téléphone que je connecte au wifi… Car oui, il y a aussi le wifi gratuit ! Et il fonctionne plutôt bien !
Une fois connecté, on peut même louer des films ou des séries le temps du voyage sur une plate-forme propre à la compagnie. Dans le bus, les passagers regardent la route et le paysage défiler, lisent, écoutent de la musique, dorment ou bien regardent le paysage défiler. Et quelques fois, de l’autre côté de l’autoroute, notre Flixbus croise des bus concurrents. Le voyage est long mais finalement, après plus de deux heures de trajet : on aperçoit enfin la Tour Eiffel. Paris, me voilà !

ARRIVÉEImage12

Le bus traverse Boulogne-Billancourt. Il passe devant la tour abritant TF1 puis en dessous du Parc des Princes. J’aperçois furtivement le blason du Paris-Saint-Germain.
Les tunnels se succèdent. On m’avait promis 2 h 50 de voyage. J’ai eu droit à un retard de trente minutes à cause de la circulation parisienne. Le bus nous dépose porte Maillot. Je suis alors à deux pas du palais des Congrès et de la station de métro et RER la plus proche. Pratique pour regagner le centre de la capitale. Mais pas le temps de profiter de mon après-midi à Paris. Le bus du retour est à 14 h. Dans l’autre sens, le prix est aussi de 1 €. Rentable qu’on vous avait dit…

Testé par Aubin Laratte

Photos : Lucas Barioulet

Tours : les étudiants travaillent sur leurs déchets

#EPJTMV. L’Indre-et-Loire fait partie des bons élèves en matière de tri sélectif. Mais les étudiants tourangeaux contribuent-ils à ce bel effort ? Tmv leur a posé la question.

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Les étudiants sont capables de trier correctement leurs déchets mais ne le font pas », constate Jean-Louis Brasero, coordinateur de Tour(s)Plus chargé d’informer et de sensibiliser le public au tri sur le territoire de l’agglomération tourangelle. Après une rapide concertation au sein de la jeune rédaction étudiante en journalisme de tmv, cette affirmation est à relativiser. Si certains font la démarche, d’autres ne s’en préoccupent pas. Pourtant, des moyens sont mis en place pour éduquer les enfants dès le plus jeune âge au tri sélectif.

La maison communautaire de l’environnement, située à Joué-lès-Tours, propose des animations, des ateliers ou des sorties natures, à destination du grand public mais aussi des établissements scolaires et des éducateurs. Des animateurs de Tour(s)Plus interviennent sur demande, pour aborder plus précisément les enjeux du tri sélectif et du recyclage. Parfois même sous forme ludique. L’université François-Rabelais avait proposé à Tour(s)Plus de participer à sa semaine organisée sur la réflexion autour du réchauffement climatique.
« Dans l’idée, cette activité aurait pris la forme d’une balade avec les étudiants à travers la ville, pour les sensibiliser au tri, explique Jean-Louis Brasero. Mais nous avons reçu leur demande par mail trop tardivement et cela n’a pas pu se faire. » De leur côté, les étudiants tentent de reproduire les bons gestes, acquis dans leur noyau familial. « Chez mes parents, on triait beaucoup, se sou- vient Tom Aguillon, étudiant en communication. J’ai des conteneurs pour trier les déchets devant chez moi, et si j’ai le réflexe de mettre les bouteilles ou les emballages dans une poche à côté, je le fais ! »

La commune de Tours possède 29 000 bacs jaunes, destinés à récolter les emballages métalliques, en plastique, en carton mais aussi le papier. En complément,  200  conteneurs enterrés viennent s’ajouter à ces poubelles, majoritairement dans la ceinture du vieux Tours. Malgré toute ces dispositions, c’est parfois difficile de garder ses bonnes intentions. « Honnêtement, je trie quand j’ai le temps et la motivation, poursuit l’étudiant. Quand je ne le fais pas, c’est plus par fainéantise… »
Alizée Le Moullec, elle ne partage pas cet avis. Cette étudiante en médiation scientifique et éducation à l’environnement pense « que les jeunes ne trient pas, parce que cela ne fait pas encore partie de leurs priorités. »

Autre difficulté à laquelle sont confrontés les jeunes : trier ses déchets lorsque l’on vit dans un petit espace. « Nous sommes beaucoup moins sollicités par les étudiants, regrette le coordinateur de Tour(s)Plus. Mais il y a trois ans, nous en avions suivi quelques-uns durant plusieurs semaines dans les résidences. Malheureusement, s’il n’y a pas de cadres, les bonnes résolutions ne tiennent pas. »
Une étudiante résidant en chambre universitaire à Saint-Symphorien, connaît cette difficulté. « Je dois avoir dans ma chambre de 9m2 ma poubelle d’ordures ménagères et autre chose pour stocker les déchets que je mettrai dans la poubelle jaune. Le constat est que pour autant, je pense que beaucoup d’étudiants de la résidence doivent trier, car la poubelle de tri est souvent pleine », ajoute-t-elle. Dans tous les cas, l’Indre-et-Loire ne fait pas figure de mauvais élève en matière de recyclage. Selon le rapport d’Éco-Emballages, une société privée qui fait le lien entre les industries et les collectivités pour le recyclage, 35 254 tonnes d’emballages ménagers ont été triées l’année dernière dans le département. Ce qui en fait l’un des plus performants de France.

Flore Battesti

Noël solidaire : leur mot d’ordre est partage

#EPJTMV. Ils sont bénévoles au sein d’associations et pour les fêtes de fin d’année, font revivre l’esprit de Noël. Leur maître-mot : le partage.

BONUS_SOLIDAIRES1« LES GENS SONT SEULS, ABANDONNÉS »
Véronique Verger, ancienne prostituée de 50 ans, a vécu six ans dans la rue. Entre 1989 et 1995. Aujourd’hui, elle préside l’association tourangelle Comme à la maison, qui accompagne les personnes démunies. Le 24 décembre, elle sera présente pour la cinquième année de suite en tant que bénévole au repas solidaire « Noël pour tous », organisé à la basilique Saint-Martin par le diocèse.
« Les gens sont seuls, abandonnés. J’ai éduqué mes quatre enfants dans cet esprit de partage. Lorsqu’ils étaient jeunes, on préparait des soupes ensemble, on achetait des oranges et on allait les distribuer aux SDF qui vivaient dans notre rue », témoigne-t-elle. Ce repas solidaire, ouvert à tous, rassemble chaque année depuis 2010 entre 300 et 400 personnes dans le besoin et mobilise une cinquantaine de bénévoles. (Photo Nathanja Louage)

« JE ME SUIS RÉCONCILIÉE AVEC NOËL »BONUS_SOLIDAIRES2
Avant son arrivée, en 2010, au café associatif La Barque (rue Colbert) en tant que directrice, Barbara Demcak ne fêtait pas Noël. Mais ça, c’était avant les repas solidaires « Noël pour tous ». Cela fait maintenant cinq ans qu’elle passe son 24 décembre auprès des plus démunis.
« Je me suis réconciliée avec Noël. J’ai découvert qu’on pouvait le fêter sans paillettes, sans argent. Maintenant je me dis toujours “ vivement l’année prochaine ! ”, raconte-t-elle. Il faut penser à toutes ces personnes pour qui ce moment de l’année est compliqué, parce qu’ils n’ont plus de famille, et pour qui il est difficile de demander de l’aide. Voir plus de 400 personnes réunies depuis maintenant cinq ans montre bien qu’ils sont heureux de passer ce moment avec nous et donc que notre objectif est atteint » conclue-t-elle. (Photo Nathanja Louage)

Image1« ILS NOUS APPRENNENT BEAUCOUP »
« J’ai été élevé dans la pauvreté. Petit, si l’on ne me donnait pas à manger je ne mangeais pas. Mon père était ouvrier et gagnait mal sa vie ». Claude Rouleau, ancien boucher de 72 ans, a connu la misère. Francine, sa femme de 74 ans, a œuvré dans plusieurs associations caritatives et avoue avoir la même sensibilité auprès des plus pauvres : « Quand j’étais enfant, il y avait toujours une assiette pour le pauvre au repas de Noël. »
Le couple de retraités participe depuis près de quarante ans à des repas de Noël solidaires, en tant que bénévoles. « C’est rafraîchissant, tout est simple et joyeux. Il y a plus de chaleur humaine que lors des dîners en famille », assure Francine Rouleau. Ce que partage son mari. « On les aide beaucoup. Ils nous apprennent beaucoup aussi. Des liens se créent et on se fait des amis » apprécie-t-il. (Photo Robin Doreau)

« DES CADEAUX CHOISIS PAR NOS SOINS »Image2
Depuis maintenant un an, Aimé Deux, 70 ans, est le président de l’association d’entraide des pupilles d’État, qui vient en aide aux enfants nés sous X ou aux orphelins pris en charge par l’État jusqu’à l’âge adulte. Cette année, le père Noël va passer en avance dans l’association. Samedi 5 décembre, entre 14 et 18 h, au centre Giraudeau de Tours, 25 enfants recevront leurs cadeaux de Noël.
« Des présents choisis et achetés par nos soins », précise Aimé Deux. Pour cet ancien conducteur de car, dans l’association depuis 1983, aider les enfants qui n’ont aucun repère est une évidence. Lui aussi a connu cette situation. « Tous les membres de l’association sont des pupilles. Moi même, je n’ai pas connu mes parents. J’ai eu la chance d’être élevé par mon oncle et ma tante. Cette chance, tous ne l’ont pas. » (Photo Robin Doreau)

Image5« JE LUTTE CONTRE LA SOLITUDE »
Cela fait huit ans que Johnny Gaulupeau, bénévole au Secours Populaire, endosse le costume de père Noël vert pour distribuer des cadeaux aux 300 enfants de l’association. Pour ce non-voyant de 35 ans, « la valeur du partage est la plus forte. Beaucoup de personnes se retrouvent exclues de cet esprit de fête. C’est pour ça que nous sommes là. Les fêtes durent tout le mois de décembre. »
Le repas de Noël sera, lui, distribué aux bénéficiaires les 22 et 23 décembre. Ils se retrouveront ensuite aux Tourettes pour le Nouvel An. L’association laïque n’organise pas de repas le 25. « Mais l’esprit de Noël transparaît le soir du nouvel an. » Cet engagement, Johnny le tire de son expérience personnelle. « En tant que non-voyant, je me suis senti abandonné. Aujourd’hui, je lutte contre la solitude. » (Photo Robin Doreau)

« TOUT EST PLUS SIMPLE »Image3
Nadège Henriot est à la retraite depuis quelques mois, mais cela fait déjà plus de onze années qu’elle est engagée au sein des actions du Secours populaire français. Bénévole, elle sera présente au repas solidaire de fin d’année organisé à la salle des Tourettes. « L’ambiance est totalement différente par rapport à un dîner familial, tout est plus simple. C’est vrai qu’on s’amuse bien. Certains se souviennent longtemps de cette soirée », sourit-elle, « J’ai été éduquée dans cet esprit de générosité », nous confie-t-elle après avoir fini de remplir de jouets un camion de l’association.
« Le Secours populaire occupe six jours sur sept dans ma semaine », révèle l’ancienne femme de ménage de 62 ans. Depuis maintenant six  ans, l’association occupe même sa fin d’année, pour son plus grand bonheur. (Photo Robin Doreau)

Textes : Robin Doreau et Nicolas Tavares

Des collégiens triés sur le bracelet

#EPJTMV. Aux collèges Christ-Roi et Sainte-Jeanne-d’Arc, deux établissements privés, les élèves portent constamment un bracelet de couleur correspondant à leur comportement. Un principe éducatif qui pose bien des questions. Reportage.

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Pour votre reportage, vous ne venez pas là uniquement afin de chercher la petite bête ? », nous demande un brin tendu Olivier Boyer, chef d’établissement du collège privé Christ-Roi. Après notre passage au collège privé Sainte-Jeanne-d’Arc, où l’on aurait posé « des questions trop pointilleuses » à Claudine Abraim, chef d’établissement, notre venue était attendue (et redoutée ?).
Et pour cause : le système de « bracelets d’autonomie » instauré dans ces deux établissements fait débat. Le principe ? Porter constamment un bracelet de couleur correspondant à un certain nombre de points acquis ou perdus selon le comportement de l’élève. Plus le collégien a de points, plus il a de droits. « La couleur du bracelet n’est pas liée aux notes, c’est en rapport avec l’autonomie et la responsabilité des élèves », explique Claudine Abraim. Chaque semaine, l’élève gagne un point. Mais au moindre écart (bavardage, oubli de matériel ou de bracelet, leçon non sue, travail non fait, etc), il est sanctionné par une perte de points.

Image10Les droits et les couleurs des bracelets varient sensiblement dans les deux établissements. À Sainte-Jeanne-d’Arc, le meilleur bracelet est violet, avec 24 points. Le moins bon, blanc. À partir de 14 points (soit 14 semaines de cours sans perte de points), un élève peut « lire en étude » quand il a terminé son travail. Plus surprenant, avec le bracelet violet, l’élève se voit accorder « la gratuité de l’étude le soir ».
Au Christ-Roi, les élèves avec le plus de droits obtiennent un bracelet vert avec 30 points, ceux avec le moins de droits en ont un rouge. Avec le bracelet vert, l’élève peut « choisir un camarade qui sera dans sa classe l’année suivante ».  Dans les deux cas, les élèves au meilleur bracelet ont accès au « graal », d’après Claudine Abraim : une salle où ils peuvent être indépendants et et qu’ils peuvent décorer à leur goût (la « salle violette » à Sainte-Jeanne-d’Arc et le « foyer » ouvert aux 4e et 3e à Christ-Roi).

Capture4Seul bémol, et pas des moindres : le foyer n’existe pas encore au Christ-Roi. « On nous promet cette salle depuis l’année dernière, mais elle n’existe toujours pas. Résultat : avoir un bracelet vert n’est pas vraiment intéressant », confie Anne*, élève de 4e. À Sainte-Jeanne-d’Arc, cette salle convoitée existe mais elle ne paye pas de mine. Elle est d’ailleurs fermée pour dégradation. « Les élèves doivent apprendre à respecter les règles », souligne Claudine Abraim. Ce système, impulsé par Olivier Boyer, est né au collège Sainte-Jeanned’Arc en 2009 : « On s’est demandé : et si on autorisait certaines choses à certains élèves au lieu de tout interdire à tout le monde comme le fait le règlement intérieur ? Avec les bracelets, on dit merci aux élèves qui ne nous cassent pas les pieds. » Alors qu’il change d’établissement il y a trois ans, il décide d’implanter ce fonctionnement au collège Christ-Roi. « C’est un  dispositif qui est loin d’être parfait, précise-t-il, mais on espère qu’il encourage les élèves, qu’il les amène à plus d’humilité et de confiance en eux. »  Sans surprise, la plupart des élèves avec les bracelets de la meilleure couleur sont plus favorables au système.Capture3
« Les droits que l’on nous accorde sont assez intéressants », explique Juliette, élève en 4e au Christ-Roi, qui a le meilleur bracelet, le vert. Mais tous ne sont pas cet avis. « Ces bracelets ne servent à rien, c’est de la ségrégation, comme dit ma mère. Je préfèrerais que personne n’en ait », explique Anne. Son ami Julien*, en 4e, a lui un bracelet rouge. Il est contre ce système. « Les élèves avec un bracelet vert sont vus par les profs comme les bons élèves, et ceux avec un bracelet rouge comme les mauvais élèves. Il y a du favoritisme. Quand on a un mauvais bracelet, on est stigmatisés. »

CaptureEt si certains estiment que les droits qui leur sont accordés sont intéressants, d’autres sont mitigés. Maxime*, en 3e » à Sainte-Jeanne-d’Arc, est très critique : « C’est un peu la prison ici. Il n’y a pas beaucoup de droits intéressants, ça ne vaut pas le coup de faire des efforts. Pour ceux qui n’ont pas le meilleur bracelet, il faut tout négocier et avoir une bonne excuse afin d’avoir accès au moindre droit. » Du côté des anciens élèves aussi, le constat est en demi-teinte. Andréa, passée par Sainte-Jeanne-d’Arc et maintenant en 1ere, recommande ce  système. Elle a gardé le meilleur bracelet de la fin de la 6e jusqu’à la 3e. « Pour moi, ce système fonctionne très bien, je n’en retiens que du positif. » À côté d’elle, son amie Shauna, qui avait un bracelet d’un niveau inférieur, tempère. « Les groupes d’amis étaient souvent composés d’élèves possédant un bracelet de même couleur. C’était quand même très strict mais maintenant que je suis au lycée, j’ai l’impression d’être plus autonome que ceux qui n’ont pas bénéficié du système. » Image8

Si ce système pose des questions, il n’est pas unique en France. On le retrouve notamment en Loire-Atlantique, au collège privé Saint-Joseph, à Machecoul. Là-bas, c’est la couleur des cartes qui donne des droits. Dans l’école élémentaire Sainte-Geneviève à Luynes, les enfants aussi sont récompensés pour leur attitude. Mais là-bas, aucune matérialisation. Les enfants n’ont ni carte, ni bracelet. Leur « couleur » est simplement écrite sur un tableau exposé en classe. « Si nous étions une plus grosse structure comme le Christ-Roi, ce serait sûrement plus facile d’être réactif avec une couleur exposée, par exemple sur un bracelet », explique Marie Robin-Brossard, chef d’établissement et professeure en petite et moyenne section.

Capture2Dans ces deux collèges, les bracelets ont pris une part très importante dans la vie des élèves. S’ils le montrent à l’entrée de Sainte-Jeanne-d’Arc et dès qu’ils ont besoin de prouver qu’ils ont le droit de faire quelque chose, ils deviennent aussi un moyen d’identification. Lola, élève au Christ Roi, soupire : « Maintenant, quand on parle à quelqu’un qu’on ne connaît pas, on ne demande pas son prénom mais la couleur de son bracelet. »

*Les prénoms ont été modifiés.

Reportage de Jeanne Laudren et Chloé Marriault
Photos de Nathanja Louage et Victorine Gay

EXTRAIT DU RÈGLEMENT INTÉRIEUR DU COLLÈGE SAINTE-JEANNE-D’ARC

Bracelet blanc : de 0 à 3 points.
Pas de droits particuliers.

Bracelet jaune : de 4 à 8 points.
Droit d’exercer ses fonctions de délégué Droit de participer à un club ou au spectacle de fin d’année Droit d’accompagner un élève ou de se rendre au secrétariat sur demande d’un professeur

Bracelet rose : de 9 à 13 points.
Droit d’accès à un ordinateur de la salle d’étude pour réserver ses cours au choix Droit de se faire prêter une clé par un adulte de l’établissement Droit d’être responsable d’un club (à partir du niveau 5e)

Bracelet vert : de 14 à 17 points.
Droit de lire en étude quand on a plus de travail. Droit de proposer son aide à la cantine des maternelles. Droit d’accès à la zone de “travail de groupe” dans la salle d’étude.

Bracelet bleu : de 18 à 23 points.

Droit d’accès à une salle d’étude autonome sur la pause méridienne. Droit de choisir une heure pendant les cours au choix du vendredi après-midi.

Bracelet violet : 24 points.
Droit de choisir sa place en classe (si accord du professeur ou du surveillant). Droit d’être en étude autonome (sur décision du surveillant) ou dans une salle annexe à la salle de cours (sur décision du professeur). Droit d’avoir accès à une salle sur une pause déjeuner, et aux récréations, ou l’on peut écouter de la musique, avoir un accès libre à des ordinateurs… Gratuité de l’étude le soir. Membre de droit d’accès à la zone d’ordinateurs dans la salle d’étude. Droit de déjeuner au rez-de-chaussée. Droit de sortie libre pendant l’étude du soir.

A Tours, un atelier pour dessiner manga et BD

Apprendre à illustrer, créer une BD ou un manga, c’est ce que propose l’école Terre et feu dans un de ses ateliers.

manga

Plutôt Akira ou Tintin, manga ou BD franco-belge ? Dur dilemme pour les apprentis dessinateurs d’un des cours de dessin de Terre et feu. Cette nouvelle école d’art vient de poser ses bagages dans un atelier lumineux, entre bars et restaurants de la rue du Grand Marché, quartier Vieux Tours. Et s’est lancé un défi : proposer un cours illustration-BD-manga.

Pour les deux premières heures, six enfants, ados et jeunes, siègent autour d’une table, devant leur feuille quasi blanche, crayon de papier à la main. Au programme : les différences de traits entre le dessin japonais et réaliste. « Dans le manga, certaines proportions changent, les yeux sont très grands, les jambes s’agrandissent, la taille des filles est très marquée », cite par exemple la prof Stéphanie Lezziero, illustratrice et membre de l’Atelier Pop. Briec, 9 ans, lecteur des séries Cédric ou Thorgal, croque rapidement six petits portraits à la japonaise, exercice du jour. « J’aimerais bien m’améliorer en dessin et savoir faire une BD », glisse-t-il.
Illustration, BD comme manga exige un travail précis, persévérant et l’apprentissage de nombreuses astuces. « Le manga est un dessin faussement simple, détaille Stéphanie Lezziero. Les Japonais sont très techniques ». Et c’est bien ce savoir-faire que l’experte ès phylactères compte transmettre.

Flore Mabilleau

Renseignements au 07 64 09 83 13 ou à tours@terre-et-feu.com ou sur www.terre-et-feu.com/tours

Précarité : «  Les étudiants sont toujours plus nombreux »

#EPJTMV Halima Mounir est présidente de l’association étudiante Les Halles de Rabelais depuis septembre. Cette action de solidarité aide les étudiants précaires en organisant des distributions de paniers repas deux fois par mois à la Maison de l’étudiant à Tours.

Halima
À 24 ans, Halima a toujours voulu faire du bénévolat. (Photo : R.D)

En dehors de l’associatif vous êtes également étudiante en licence de biologie, qu’est-ce qui vous a motivé à intégrer les Halles de Rabelais ?

J’ai connu ce projet il y a un an à travers le bouche à oreille au sein de l’université. Ma volonté première était d’apporter une aide aux étudiants et de me sentir utile. Il y a une ambiance très sympa entre bénévoles et chacun s’investit de son mieux. Je suis présidente de l’association depuis la rentrée, et ça me plaît beaucoup. En tant qu’étudiante, je peux comprendre la difficulté de certains jeunes à boucler les fins de mois. La solidarité reste une valeur essentielle, surtout dans le contexte actuel. Globalement cette action n’est pas très répandue dans les villes étudiantes, surtout en ce qui concerne les produits de première nécessité.

Ce projet de distribution existe à Tours depuis 2009, comment a-t-il été mis en place ?

À l’origine c’était un projet étudiant ponctuel, mais au fil du temps la précarité des jeunes s’est faite davantage ressentir. Il y a eu des périodes creuses mais nous avons un bureau qui s’est beaucoup mobilisé l’an dernier, afin de relancer les distributions de denrées. Avec l’aide de la banque alimentaire mais aussi grâce à quelques dons d’étudiants, nous parvenons à distribuer une centaine de paniers repas par mois. Les étudiants sont toujours plus nombreux à chaque distribution et nous comptons augmenter nos commandes. Il y a toujours 700 étudiants en situation précaire à Tours, d’où notre motivation à s’élargir. Avec 200 bénéficiaires de panier repas l’an dernier, la cotisation est passée de 10 à 8 € par semestre.

Quelles sont les conditions à remplir pour bénéficier d’un panier repas ?

Il existe plusieurs façons de venir à nous mais dans tous les cas, il faut passer par une assistante sociale. Elles sont présentes au sein de l’université, du Crous et même lors des distributions. Pour chaque étudiant, elles calculent le montant du « reste à vivre », suite aux dépenses mensuelles courantes (loyer, factures, transport..). Si l’argent restant est inférieur à 6 € on peut bénéficier du panier. La plupart des étudiants qui viennent ne disposent pas de bourse ou d’aide financière de leurs parents. Ils sont souvent contraints de travailler de nuits en parallèle de leurs études. Savoir qu’une telle action existe peut être un réel coup de pouce.

Une épicerie solidaire en centre-ville avait été envisagée en 2012, est-ce toujours d’actualité ?

Bien sûr. Ce projet est l’un de nos principaux objectifs car le campus de Grandmont est bien trop isolé des autres universités. Avoir une épicerie dans le centre-ville serait l’idéal, mais nous ne parvenons pas à trouver de local. Pour l’instant, l’université met à notre disposition la Maison de l’étudiant. En plus des distributions, nous envisageons de mettre en place des ateliers culinaires pour apprendre à cuisiner les produits frais et limiter le gaspillage. Les fruits et légumes seront distribués à partir de 2016. Ici, nous accueillons tout le monde avec le sourire et les gens ne devraient pas ressentir de honte s’ils sont dans le besoin. Chacun peut traverser des périodes difficiles mais il ne faut pas se renfermer sur soi-même.

 

groupe
La quinzaine de bénévoles se retrouve deux fois par mois à la Maison de l’étudiant, pour la distribution de paniers repas. (Photo : R.D)

Ralitsa DIMITROVA 

Des citoyens qui ont de l’énergie à revendre !

En Touraine, des citoyens participent concrètement à la transition énergétique : ils vont installer des panneaux solaires sur les toits des bâtiments publics.

COP21

Les citoyens peuvent se réapproprier leur énergie, choisir son mode de production et la gérer eux-mêmes », pensent Frédéric Messirejean et la vingtaine de bénévoles tourangeaux mobilisés autour de lui. Ensemble, ils ont créé l’association Énergie citoyenne en Touraine. Leur credo : « Agissez concrètement pour la transition énergétique. » Concrètement, en posant des panneaux solaires sur des toitures publiques.

L’idée n’est pas nouvelle. Au Danemark ou en Allemagne, les citoyens financent et gèrent des installations depuis plusieurs années. En France, la Bretagne fait figure de pionnier. Mais en Touraine, jusqu’à maintenant, il n’y avait rien. De premières rencontres, à l’automne 2014, débouchent sur l’organisation d’une réunion publique en décembre : un bénévole breton vient alors partager son expérience. Au fil du temps, le collectif s’étoffe. Des réunions mensuelles permettent de préciser le projet, définir des statuts, une charte éthique ou encore un mode de gouvernance. La participation active de chacun, Frédéric Messirejean y est particulièrement attaché. « C’est la démarche collective et citoyenne qui me motive. Ce projet est un prétexte à la coopération, au vivre-ensemble », affirme le bénévole. Dans ces conditions, mieux vaut prévoir du temps pour prendre les décisions, comme lorsqu’il a fallu choisir, parmi trente propositions, le nom de l’association. C’est en avril 2015 que la structure est créée, pour préfigurer la future société de coopérative d’intérêt collectif (Scic) qui sera propriétaire et responsable des panneaux solaires. Aujourd’hui, l’association compte 56 membres, dont une vingtaine d’administrateurs.

Suite à une étude de faisabilité, deux options sont envisagées : une surface de 60 mètres carrés de panneaux solaires pour un coût de 35 000 € ou 800 mètres carrés pour 75 000 €. « Nous commencerons sûrement avec la première, plus facile à mettre en oeuvre. Ce sera notre projet d’appel. On a envie de démarrer vite », s’enthousiasme Betsabée Hass, une bénévole. Pour elle, la transition énergétique se fera grâce à ces initiatives locales : « On veut montrer aux gens qu’on peut changer les choses, leur redonner l’envie d’agir. À plusieurs, on ouvre les portes des possibles. »

Pour trouver des toitures, les bénévoles ont sollicité plusieurs collectivités, comme les communes de l’agglomération, et les choses semblent bien engagées avec la ville de La Riche. Par ailleurs, grâce à un contact positif avec le Conseil régional Centre-Val de Loire, une première installation pourrait même voir le jour sur le toit du lycée Vaucanson à Tours- Nord. Le projet technique avance bien. Il faut dire que l’association a su s’entourer de professionnels du secteur, comme Ludovic Rousseau, administrateur et responsable de projets photovoltaïques dans une société privée. L’idée serait de démarrer l’installation des panneaux en 2016. Mais ce n’est pas tout : « Notre objectif est aussi de sensibiliser les lycéens, en lien avec l’équipe enseignante de l’établissement », affirme Betsabée Hass.

Pour financer les panneaux et leur pose, l’association constitue un capital. Tout citoyen peut y adhérer et acheter des parts sociales, à raison de 25 euros la part, pour alimenter ce capital social d’investissement. « Nous lancerons aussi un financement participatif et solliciterons sûrement des banques pour un prêt », envisage Frédéric Messirejean. Mais une fois les panneaux installés, que deviendra l’électricité produite ? « Elle sera injectée dans le réseau national EDF, dans le cadre d’un contrat de vingt ans au tarif subventionné. » Choisir un fournisseur d’électricité d’origine renouvelable aurait été plus cohérent, mais actuellement, seul EDF peut racheter au tarif subventionné. Et pour l’instant, la jeune association ne peut pas se passer de ce gain financier. D’autant plus qu’elle compte réinjecter l’argent gagné grâce à la vente d’électricité dans de nouveaux projets.

Nathalie Picard

Retrouvez chaque semaine dans tmv des initiatives locales dans notre rubrique COP21

Reportage : L’enfant autiste au cœur de l’attention

À Tours-Nord, un nouvel établissement expérimental accompagne de jeunes autistes. Parti à la rencontre de leurs éducateurs, tmv est revenu impressionné par leur dynamisme.

Gaëlle Fernandes, éducatrice, amuse les enfants.

Avec ses murs grisés par le temps et ses fenêtres obstruées par des volets roulants, l’ancien collège Paul-Valéry paraît bien triste. Pourtant, depuis le mois de mai, le site connaît une nouvelle vie : « Établissement Aba de Tours », peut-on lire sur la pancarte bricolée à l’entrée. Installé au rez-dechaussée, un établissement médico-éducatif accueille de jeunes autistes. Aba, c’est l’acronyme d’Applied behavior analysis, une approche basée sur l’analyse du comportement. Derrière la haie de thuyas, des fenêtres laissent percevoir quelques têtes d’enfants : l’un d’eux est en train de sauter, une jeune femme à ses côtés. C’est dans la salle de motricité que s’amuse le petit. À l’intérieur, des tapis bleus recouvrent le plancher, et la piscine à balles fait des heureux. Gaëlle Fernandes, l’une des éducatrices, agite un large tissu multicolore, pour le plus grand plaisir de Jules*, qui en redemande. Un joyeux bazar à vocation éducative, explique Johan Toulouse, psychologue Aba de l’établissement : « Jules a bien travaillé, c’est grâce à cela qu’il peut profiter de ce moment de récréation et de détente. C’est un temps de renforcement, une notion essentielle dans notre approche. »
Le renforcement ? « C’est l’inverse de la punition », répond le spécialiste. En somme, une récompense, même si Johan Toulouse n’aime pas utiliser ce mot. « Les punitions restent exceptionnelles. Le renforcement représente 99 % de notre pratique. Suite à un bon comportement, obtenir un moment de plaisir va donner envie à l’enfant de se tenir de la même manière. » À force de répétitions, les jeunes autistes, qui ont du mal à communiquer, finissent par comprendre, par exemple, que crier ou taper n’est pas une solution.

Des étagères pleines de jeux à demander.

Comme Jules, huit autres enfants de trois à sept ans et demi fréquentent les lieux. Un dixième étant sur le point d’arriver, la structure affichera complet. C’est un père d’enfants autistes qui a porté le projet d’ouverture dès 2008 avec Agir et vivre l’autisme, une association qui développe un réseau national d’établissements de ce type. De longues années ont été nécessaires pour obtenir les financements publics. La structure expérimentale, sous la tutelle de l’agence régionale de santé (ARS), se distingue par son taux d’encadrement élevé – un intervenant pour chaque enfant – ainsi que sa prise en charge spécifique (Aba).
Deux critères déterminent l’admissibilité d’un enfant : la notification d’orientation de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ainsi qu’un diagnostic d’autisme établi. « Nous bénéficions d’un agrément pour dix enfants de deux à douze ans, mais en réalité nous ciblons les plus jeunes, car plus la prise en charge est précoce, meilleurs seront les résultats », explique Félix Tran, le chef de service qui gère l’établissement tourangeau.

Pascaline Lair, éducatrice, montre une image à un enfant.

Lorsqu’un enfant arrive ici, Marc Jacob, moniteur-éducateur, détermine précisément ses difficultés à l’aide d’évaluations. « Ça nous permet de mettre en place un accompagnement individualisé, car chaque enfant est différent », estime par ailleurs le psychologue. Sur la base du curriculum établi à partir des évaluations, l’équipe éducative rédige ensuite des programmes détaillés. Un enfant peut en suivre quatre à douze en une année. Globalement, il s’agit de développer l’autonomie et la capacité à communiquer, apprendre et imiter. À chaque programme son objectif spécifique, comme uriner aux toilettes ou formuler une demande.
Pas facile, pour ces enfants, d’apprendre à demander. L’agencement de « la savane », la salle d’enseignement en environnement naturel (pour les spécialistes), a été pensé pour les y aider. Sur de hautes étagères grises reposent des bacs en plastique soigneusement étiquetés : pâte à modeler, legos, voitures, dînette… Tous ces jouets bien rangés, les enfants peuvent les voir mais pas y accéder. Pour en obtenir un, il faut le demander correctement.

Dans cet espace de jeu, installé à une petite table, Tom* tient consciencieusement son feutre bleu. Concentré sur sa feuille, il s’applique : « Ils ont l’air heureux, papa et maman », l’encourage son éducatrice, tout en regardant son dessin. Ici, toute la journée, on entend un concert d’encouragements et de compliments. Toujours dans l’idée de renforcer les bons comportements. Dans la pièce d’à-côté, c’est un « bravo, ouhaou ! » qui retentit. Pascaline Lair, éducatrice, s’enthousiasme des efforts d’Emma*, la brunette assise face à elle. Ici, c’est la salle d’enseignement à table. Les espaces de travail, de petits bureaux, sont délimités par des cloisons amovibles.
Première étape : apprendre aux enfants à coopérer. Face à une demande simple, comme « lève les bras », leur collaboration va leur permettre d’obtenir un moment de jeu. L’idée, c’est de leur donner envie de venir travailler au bureau. Les apprentissages plus poussés viennent dans un second temps. « Avion », « fromage », « clé », Emma doit répéter les mots énoncés par Pascaline Lair, reproduire ses gestes ou encore sélectionner des images. À chaque bonne réponse, elle gagne un jeton. Dix jetons accumulés, et elle obtient un temps de jeu. Satisfaite, la fillette s’amuse avec une petite maison rose. « Je ne vais pas tarder à la reprendre », prévient l’éducatrice, qui s’exécute quelques minutes après, pour se lancer dans une nouvelle série d’exercices. Très cadrés, ces temps de travail durent quinze minutes par heure maximum. En parallèle, Pascaline Lair remplit une feuille de cotation, qui lui permet de mesurer précisément le comportement de l’enfant. Pour éviter toute subjectivité dans son suivi.

Au fond de la pièce, un garçon est assis à une table, face à un tableau blanc accroché au mur. Un peu comme dans une classe ordinaire. L’éducatrice, elle, se tient debout, comme le ferait une maîtresse. À sa demande, Léo* se dirige vers le tableau afin d’y inscrire une série de chiffres. Pour l’instant, il est le seul à aller à l’école, dans le cadre d’un temps partagé. « Pour les enfants comme Léo, nous travaillons sur des compétences spécifiques. Par exemple, suivre une consigne de groupe », souligne le psychologue Aba. Pour que la transition s’effectue en douceur, Léo se rend à l’école avec son éducatrice. Permettre à leur petit de rejoindre un jour l’école ordinaire, comme les autres enfants, tel est certainement le plus grand souhait des parents.

* Les prénoms ont été changés.

Reportage et photos de Nathalie Picard

> Retrouvez les témoignages du moniteur éducateur et de la directrice de l’établissement ICI 

Redonner le jeu et se remettre à travailler.

Garde d’enfants : Mamies à la rescousse !

Votre petit(e) est malade et vous avez une réunion. Personne de dispo dans votre entourage ? Une structure existe à Tours : l’association SOS Urgences Mamans

Elles ont l’air plutôt géniales ces retraitées : elles vous accueillent avec le sourire et un certain dynamisme. Marie-Françoise, Arlette, Marie-Claude et Andrée font toutes partie de l’antenne départementale de l’association SOS Urgences Mamans. Le principe : dépanner les mamans en cas d’imprévu. Comprenez : un enfant malade, une absence des grands-parents ou de la nounou habituelle.
« La plupart du temps, la garde a lieu au domicile de l’enfant, mais nous pouvons très bien les accueillir chez nous », explique Marie-Claude Minet, la déléguée départementale. La garde peut durer de quelques heures à toute une journée. « Et pas question de faire autre chose, nous ne faisons pas le ménage et le repassage », prévient en riant Marie-Françoise, une bénévole.

 Le fonctionnement est simple : une permanence téléphonique est à disposition des parents. A l’autre bout du fil : Andrée qui va tout mettre en œuvre pour vous  trouver quelqu’un dans l’heure. Dans son carnet, elle a une liste d’une vingtaine de« petites mamies » (eh oui ! Pas de papys pour l’instant). Des retraitées qui ont été recrutées avec le plus grand soin. « Nous leur demandons ce qui les pousse à nous rejoindre et nous exigeons un certificat médical qui atteste de leur état de santé. Nous inspectons également leur domicile afin de s’assurer qu’ils maitrisent les règles d’hygiène élémentaires. Les familles sont toujours heureuses de nous voir arriver. On est une aide précieuse », raconte la plus timide, Arlette, une bénévole inscrite depuis 2003.

Anne-Cécile Cadio

 La permanence de SOS URGENCES MAMANS à Tours du lundi au vendredi de 7h30 à 19h en période scolaire : 02 47 37 74 74.

L’équipe recrute de nouveaux bénévoles. Une participation financière de 9 euros est demandée aux parents pour la demi-journée de garde, tarif valable pour la garde deux enfants. 

SOS centre pour policiers en détresse

Tmv a passé une journée au Courbat, un établissement unique en France. À 45 minutes de Tours, ce centre accueille policiers, gendarmes et gardiens de prison brisés par leur métier, le burnout ou les conduites addictives. Et tente de les reconstruire.

Il est 8 h 30. Le Liège et ses 340 habitants baignent dans un épais brouillard. Tout semble endormi. Sur la route du Courbat, il y a un château et un parc de 80 hectares. Le calme est assommant. Billy se grille une clope. Lui, c’est un PAMS. Un policier assistant médico-social. Billy connaît bien le Courbat, il y a fait un passage fut un temps. Ancien CRS, hyperactif, à fond dans son métier. Sauf qu’un jour, il a cramé comme la cigarette qu’il consume. 22 de tension, boum. Quand il a vu « la souffrance ici », ça l’a décidé : « J’ai postulé. Désormais, j’accompagne et j’encadre dans les démarches de soin », sourit-il.
Au Courbat, 60 % des 400 patients qui transitent chaque année sont policiers. Ils cohabitent avec les « civils » en soin ici : tous logés à la même enseigne.

Au Courbat, on reste un mois pour le burn-out, deux pour les conduites addictives (alcool, drogues…)
Au Courbat, on reste un mois pour le burn-out, deux pour les
conduites addictives (alcool, drogues…) [Photo Tmv]

9 h pétantes. Le deuxième appel de la journée (il y en a quatre chaque jour). Face à Billy et Philippe Adam, du développement des réseaux et communication au Courbat, une quarantaine de personnes. Au premier coup d’oeil, on reconnaît qui vient d’arriver et qui va partir. Certains ont la tête rentrée dans les épaules et fixent le sol. D’autres ont le torse bombé et un sourire. C’est le cas de Lolo. Ce matin, Lolo s’en va. Il en a fini avec le Courbat. Il triture un bout de papier et fait ses adieux. Il sort, retapé, et devra affronter le monde extérieur. Le vrai. Parce qu’ici, les flics sont dans un cocon. « Avant d’arriver ici, certains dormaient dans leur voiture, ils avaient tout perdu. Ils se faisaient verbaliser par leurs propres collègues. C’est une spirale infernale », souligne Philippe Adam. « On veut les remettre en selle. Mais parfois, le réveil est dur. »
En discutant avec les pensionnaires du Courbat, on sent la crainte. Sortir du cocon, c’est prendre le risque de retoucher à une bouteille par exemple. Ivan a cette appréhension. Ce Breton est arrivé début octobre. Très grand, avec une petite moustache, des yeux cernés, mais rieurs. Ivan a la voix cassée, comme son corps de flic (« l’appellation ne me dérange pas ! », rassure-t-il). « On n’est pas receveur, mais acteur de sa propre rédemption », pose-t-il d’entrée.  Trois divorces, surrendettement, accumulation, sommeil fichu, alcool… Ivan a fini par craquer. « Moi j’étais en triple burn-out. Je rentrais dans une maison vide, sans avoir envie de me faire à bouffer. Sentimentalement, je me disais : ‘t’as encore merdé’. Ma confiance en moi était arrivée à zéro. J’avançais sans projet, j’affrontais des murs », raconte-t-il sans tabou.

Loïc a réalisé une sculpture de Marianne durant l’atelier création. [Photo tmv]
Loïc a réalisé une sculpture de Marianne durant l’atelier création. [Photo tmv]

En ’95, à 23 ans, alors qu’il n’est policier que depuis trois ans, il connaît les attentats de 1995. « J’ai aussi vécu trois décès à mon boulot. Et vous savez, la dépendance à l’alcool est insidieuse… » Du coup, il aligne les bouteilles. Parfois une entière de whisky « à 8 h du mat’, devant BFM ». « Moi, c’est de l’alcoolisme chronique anxiogène. C’est-à-dire que je bois pour oublier », précise Ivan. Oublier, notamment, qu’il n’est pas « un surhomme », comme on lui demande constamment. Passionné de culture, hyper bavard, sympathique, faible et fort à la fois, cet officier (« eh oui, les hauts gradés aussi finissent au Courbat ! », lance Ivan) sait qu’il reste un espoir. « Rien n’est perdu, l’important est de se relever quand on est tombé ! »

Une maxime que veut suivre aussi Steve. Tête rasée, de faux airs à Vin Diesel, il s’applique à dessiner un masque des Anonymous. Bienvenue à l’atelier créa, géré par Elsa : « C’est comme une ruche, n’est-ce pas ? », s’amuse-t-elle. Steve tient à finir son œuvre. Puis il souhaite s’installer dans la bibliothèque pour parler. Il vapote, cherche ses mots, semble gêné. Puis sa timidité s’efface. Le gaillard raconte qu’il en est à son deuxième passage au Courbat. « La première fois, c’était pour un burn-out. Avec tout ce qu’il y a autour : alcool et dépression. C’est le boulot qui m’y a poussé. Mon travail était ma maîtresse, puis ma copine, puis ma famille. Je pensais H24 au boulot… »

« Bien sûr, j’aime toujours mon métier », indique Steve. [Photo tmv]
« Bien sûr, j’aime toujours mon métier », indique Steve. [Photo tmv]

Il regarde dans le vide. « Je n’ai pas peur d’en parler. Ça peut arriver à tout le monde. Moi, je ne suis pas un robot. J’étais tellement bas que j’allais faire une connerie.  Je me suis mis à boire. Juste une fois par semaine, mais seul chez moi sans m’arrêter jusqu’à être minable. Alors qu’en société, je gérais… » Sa hiérarchie l’a soutenu à 300 %, assure Steve, qui a travaillé à la BAC dans une des villes les plus difficiles de France pendant 10 ans. Mais à la sortie du Courbat, il a fait un AVC. Puis une opération à coeur ouvert. « J’avais grossi, je n’arrivais plus à marcher. Je suis revenu ici, car je voulais me sentir vivant et reprendre une vie saine. »

Car impossible d’y réchapper : au Courbat, le sport est une obligation. Les activités aussi. Peinture, dessin, équitation, atelier mécanique, basket, volley, art thérapie… « Nous avons une vocation pédagogique. Notre établissement doit s’ouvrir et faire partie du parcours de vie d’une personne », justifie Frédérique Yonnet, directrice de l’établissement. La big boss des lieux semble presque désolée que tant de flics détruits viennent pousser sa porte : « Ils viennent de toute la France et d’Outre-Mer. Il y a de plus en plus de jeunes, de plus en plus de précaires et de plus en plus de femmes ! » Selon elle, « les policiers sont passionnés par leur travail. Or, le burn-out, c’est une maladie professionnelle, c’est une histoire d’amour à mort avec son travail ».
Message de santé publique le Courbat ? Assurément. « Tous les métiers sont impactés », rappelle Frédérique Yonnet. Avant de parler de la « grande part de responsabilité des politiques » : « Il y a un manque de reconnaissance du métier, l’impression de travailler pour rien. Depuis 2007 et la politique du chiffre, l’image du flic qui est là seulement pour la répression a transformé la façon de percevoir la police. »
Ivan semble d’accord avec ça. Lui en a eu marre de « l’accumulation de victimes qui reviennent et n’assimilent pas les solutions qu’on leur propose ». Il donne en exemple les violences conjugales ou « le délinquant qu’on a vingt fois mais qui s’en tire toujours ». Il déplore le manque de solutions de réinsertion en France. Pour lui, « le tout-répressif ne sert à rien » : « Il faut parler, discuter, sans être moraliste, par exemple pour les conduites en état d’ivresse. C’est juste qu’on en a marre de ramasser les cadavres. »

Le repas de midi est passé. Salade de carottes en entrée, paella avec poulet et poisson au plat principal (« c’est jour de fête, car vous êtes là ! », rigolent Steve et Ivan) et fromage en dessert. La cantine se vide. C’est bientôt l’heure d’un énième appel. « On réapprend les règles pour la vie en société », résume Billy. Parce que le Courbat est une sorte de petit monde. Un village. Il est loin le temps où l’on n’osait pas parler du Courbat. « Je vais en stage de voile. » Voilà l’expression derrière laquelle les policiers malades se planquaient. « On a moins l’image de l’hôpital pour flics dépressifs et alcoolos », se réjouit désormais Billy. « Le Courbat est là pour tendre la main aux oubliés. »

Reportage et photos par Aurélien Germain

Ivan s’est trouvé l’âme d’un poète au Courbat. Ici avec son écrit « Acceptation ». [Photo tmv]
Ivan s’est trouvé l’âme d’un poète au Courbat. Ici avec son
écrit « Acceptation ». [Photo tmv]

Salon de l’érotisme de Tours : entre chaud et business

Des sex-toys par milliers, un rodéo sur un zizi mécanique et un gros paquet de sourires : on vous ramène nos souvenirs du Salon de l’érotisme à Tours, qui s’est tenu du 7 au 8 novembre 2015.

Que faire un samedi après-midi de novembre ? Se faire un petit plaisir charnel en zieutant Les Carnets de Julie suivi de Questions pour un champion sur France 3 ? Profiter des derniers rayons de soleil en buvant une Despé’ hors de prix Place Plum’ (« c’est parce qu’il y a une rondelle de citron avec, monsieur ») ? Ou bien prendre la température du Salon de l’érotisme au Parc des expos ?

Choisir sa tenue même si l’habit ne pas le moine.

 Va pour le troisième choix, Marcel ! (oui, on vous appelle comme je veux) Nous voilà donc devant l’Antre de l’érotisme – et plus si affinités – bref, Eropolis comme on l’appelle dans le milieu. Ici, tout, tout, tout, vous saurez tout sur le zizi.  En arrivant dans l’après-midi, il y a déjà la queue. [interlude : voilà, il fallait visiblement que l’on place ce fameux calembour utilisé à tout va par les journalistes dès lors qu’ils traitent du sujet] Ce qui est drôle, c’est d’observer les gens. Au Salon de l’érotisme, pas de regard de travers. Tout le monde vient comme bon lui semble. Eropolis aurait dû piquer le « venez comme vous êtes » à Mc Do. Ce jour-là, on croise tour à tour des visiteuses en tenue sexy, des hommes travestis, des jeunes couples, comme des papys mamies (plus rare, certes) ; à vue d’œil un public composé de 40 % de femmes et 60 % d’hommes. Tranquilou, Bilou. Pas de honte, ni gêne.

ALORS ON DANSE (bon, tout nu, ok)

  La majeure partie de l’espace est occupée par des stands de jouets, divers et variés, de tenues, costumes, ou autres ustensiles incroyables (mon dieu, qu’est-ce que c’est que cet avant-bras ?!). Car érotisme rime avec business. Le sexe fait vendre, c’est bien connu. Tout est bon pour appâter le chaland. Les vendeurs et vendeuses sont beaux/belles, ont la tchatche et savent vous faire rester (et acheter). D’un coup d’un seul, on se fait alpaguer par l’une d’elles. Boum, nous voilà debout, droit comme un piquet, à nous faire masser par deux appareils à trois pattes qui vibrent. Ça passe dans le dos, sur les jambes, dans la nuque. « On doit l’utiliser avec de l’huile de massage. Si vous voulez, on en a à la barbe à papa, au chocolat, ou encore à la framboise. Ça peut rapidement faire monter la température, mais vous pouvez aussi le faire seul, chez vous, si vous avez des douleurs musculaires », me dit-elle. On s’imagine au lit en train de nous auto-masser après notre footing. Ouarf !

Le zizi mécanique attend son rodéo.
Le zizi mécanique attend son rodéo.

Ailleurs, les couples s’agglutinent devant la lingerie affriolante. Du slip en cuir à ouverture-zipette facile aux bas résilles graou-graou. Pour le reste, ce sont surtout les vibromasseurs ultra-perfectionnés qui font les yeux doux aux porte-monnaie des couples. Sous une tente, un homme vante les bienfaits de son « gloss fellation ». Sous ses airs de Salon à bonne humeur (on ne le renie pas), Eropolis est aussi un marché XXL, une vitrine à ne pas louper pour les commerçants des joujoux coquins.
Quelques instants après, on croise un ami journaliste. Son joli badge « PRESSE » (écrit en très gros) a la classe. Nous, nous n’en avons pas pris. OUI, MONSIEUR ! Investigation, reportage inside, Bernard de la Villardière-style ! Visiblement surpris, il bredouille en nous voyant là : « Tu couvres le Salon pour tmv ? Tu as choisi quel angle ? », demande-t-il. Moui, moui, coquinou. Ne fais donc pas semblant de parler boulot !

On continue un peu plus loin pour s’apercevoir que quelques stands proposent aussi des lap dances privées. Les prix varient entre 40 € le petit strip-tease pépère à 80 € le show où l’on peut huiler madame. Perchée sur ses talons, en string et les jambes enveloppées dans des bas, Sophia a l’œil qui brille. Sourit aux clients qui s’approchent. Elle enchaînera les strips pendant deux jours. « Aussi bien pour des personnes seules que pour des couples ! Ce n’est pas réservé qu’aux hommes ou aux célibataires », indique l’hôtesse d’accueil. Après plusieurs recherches internet délicates (ah, quel métier difficile), nous apprendrons que ladite Sophia est aussi actrice X de chez Dorcel. C’est qu’on côtoie les stars, à tmv, non mais !

ZIZI, HYPNOTIQUE ET MÉCANIQUE

« J’veux desceeeendre »

A côté dudit stand trône un tout gros zizi. Mécanique. Il tourne, tourne et tourne sur lui-même. Se cambre, penche, se relève. Diantre, c’est que c’est hypnotique ce machin-là ! Il s’agit en fait d’un rodéo-pénis (on n’a pas trouvé mieux comme terme, désolé). Comme les taureaux mécaniques, mais en plus phallique. Une dizaine de filles vont alors se succéder pour chevaucher la bête et essayer de rester le plus longtemps possible dessus, après avoir payé 5 € de participation. Chacune enfile une paire de gant et zou ! En voiture, Simone. Dans le public, on rigole, on commente, on philosophe. Le zizi continue de tournicoter et de faire valser les courageuses, sous une pluie de stroboscopes et de grosse techno qui fait boum-boum-boum. Finalement, la gagnante – une petite brune qui a tenu plus d’une minute – remporte un strip-tease privé avec un gentil monsieur tout de cuir vêtu et aux fesses douces et imberbes. Félicitations !

Plus loin, l’espace X (comprenez vraiment hard) est rempli jusqu’au slip. Grosse ambiance. Il faut débourser 3 € de plus pour y accéder et montrer patte blanche : ici, s’enchaînent les strip-tease très très chauds sur scène, mais aussi des tournages de scènes porno. L’ambiance est plus qu’étrange. Rivés aux devants de la scène, des jeunes venus entre potes pour se marrer. D’autres pour mater. Des messieurs au regard lubrique filment la fornication avec autant d’attention qu’un Scorcese du X… Mais au milieu, il y a aussi des couples. Bien plus qu’on ne le pense. « C’est que ça va nous exciter, ça », soufflent deux amoureux, la trentaine. D’autres débattent ardemment sur la circonférence impressionnante de l’attribut du monsieur tout nu qui enchaîne les positions comme un robot sans âme. Tmv reste un peu perplexe devant cette partie spéciale du Salon. Mais les goûts et les couleurs, n’est-ce pas ?

  Il est 20 h 30 et nous piétinons au Salon de l’érotisme depuis plus de 3 h (ah quel métier difficile, bis). Après avoir éclusé une bière à 6 € (ça, c’est tout de même moins sexy) et un Ice-Tea en canette à 3 € (le business, qu’on vous dit), nous quittons l’ambiance tamisée du Parc expo. Au loin, les visiteurs continuent à sourire, se bidonner, ou faire des rencontres dans de gros canapés blancs.  Une fois dehors, on se rend compte à quel point le Salon de l’érotisme est une sorte de monde à part. Où l’inhibition n’existe plus vraiment. Qui ramène des milliers de personnes, de tous âges, toutes catégories socio-professionnelles confondues. Dingue tout de même.
Allez, on dit merci qui… ?

>>Plus de photos sur le site de la Nouvelle République (qui a un plus gros objectif que le nôtre, mais c’est pas la taille qui compte !) : JUSTE ICI !

Tendance jardinage : la quadrature du potager

Savez-vous planter les choux à la mode d’Anne-Marie Nageleisen ? Cette jardinière chevronnée est l’inventrice du potager en carrés à la française. À la recherche d’un endroit où installer son école du jardinage, elle a posé râteaux et arrosoirs à Azay-le-Rideau. Tmv est allé la rencontrer.

DES LIGNES AUX CARRÉS, CHANGEZ DE FORMAT

Pour Anne-Marie Nageleisen, un potager traditionnel est plein de défauts : « La plantation en ligne laisse beaucoup d’espace libre, propice à la pousse des herbes. On passe son temps à désherber. En plus, on ne peut pas s’y installer confortablement pour travailler. Et les planches en bois que l’on pose entre les rangs tassent la terre. » Alors qu’avec un potager en carrés, on ne piétine jamais le sol cultivé. Le principe ? Des petits carrés de 40 centimètres de côté que l’on peut agencer comme on veut. En général, on les regroupe par neuf pour former un grand carré de 1,20 mètre de côté. « Si bien que l’on peut accéder à tous les carrés, même celui du milieu en tendant un peu le bras », précise la jardinière. Carotte, poireau, laitue, tomate… À chaque carré sa plantation : « On resserre au maximum les distances entre légumes pour minimiser les herbes indésirables. »

PAUSE_potager1POURQUOI C’EST CARRÉMENT UNE BONNE IDÉE :

– Fini les week-end à quatre pattes, passés à désherber son potager.
– L’espace est optimisé : on peut cultiver neuf légumes différents sur à peine 1,5 mètre carrés.
– Pas besoin de faire une cure de choux tout l’hiver : le potager en carrés permet de cultiver en juste quantité.
– Pas de produits chimiques au jardin, c’est écologique.

À L’ÉCOLE DU JARDINAGE EN CARRÉS

Anne-Marie souhaite transmettre son savoir à travers ses livres et des formations. Au printemps, elle a créé le premier potager en carrés à la française ouvert au public en France, à Azay-le-Rideau. Support d’une école du jardinage, il permettra à des stagiaires de pratiquer concrètement le jardinage en carrés et au naturel, et de suivre l’évolution et les récoltes sur toute une saison.

OUI, MAIS…

À tmv, on est pas des pros du jardinage. Voici les réponses d’Anne-Marie à nos réserves.
Tmv : J’ai un tout petit jardin. Vraiment, je n’ai pas la place.
AM : Pour deux personnes, il suffit de huit carrés de 1,2 mètres de côté pour être autonome en légumes. Ça représente 42 mètres carrés.
Tmv : Je n’ai pas le temps.
AM : Pour huit carrés, une bonne demi-heure consacrée au potager suffit chaque jour. Sur une semaine, il faut prévoir en moyenne 4 h 30 de travail.
Tmv : J’ai mal au dos.
AM : Avec le système des carrés, on est bien installé pour travailler. On peut même créer un potager avec des bacs surélevés.
Tmv : En été, au moment où la production est au top, je pars en vacances.
AM : C’est un problème, surtout si l’on n’a personne pour prendre le relais. Il faudrait que je réfléchisse à un système spécial vacancier, avec des plantations qui donnent leur maximum début septembre par exemple.
Tmv : Le jardinage, je n’y connais rien.
AM : C’est vrai que les trentenaires, souvent, personne ne leur a transmis les bases du jardinage… D’où l’intérêt de venir à l’école du potager en carrés.
Alors, on jardine ?

EN AUTOMNE, AU REPOS !

Le petit conseil d’Anne-Marie si vous souhaitez vous lancer (ça tombe bien, ça commence en douceur) : « Fin octobre, c’est le moment où le jardin a donné son maximum. On récolte les derniers légumes. La terre doit se reposer et se régénérer pour la saison suivante. Il faut l’amender avec du compost, puis la couvrir avec du paillage. N’hésitez pas à utiliser les dernières tontes de pelouse, c’est un excellent paillage. Si vous taillez des haies ou ramassez des feuilles mortes, vous pouvez aussi utiliser leur broyât en guise de paillage. Même en ville, on peut toujours trouver sur place de quoi enrichir son jardin. »

ENVIE D’ALLER PLUS LOIN ?

L’école du jardinage se repose elle-aussi et prépare ses stages pour la nouvelle saison. En attendant qu’elle rouvre ses portes à la fin de l’hiver, vous pouvez déjà commencer à vous préparer. À vos règles et crayons de papier : dessinez votre futur jardin en vous inspirant, par exemple, du carré représenté ici. Une seule consigne indispensable : mélanger toutes les familles botaniques entre elles dans chaque grand carré. Si vous prévoyez plusieurs carrés de 1,2 mètre de côté, pensez à prévoir des allées de 80 centimètres de large entre chaque, pour passer la tondeuse. Vous pouvez également préparer vos bordures : elles ne sont pas indispensables mais permettent de délimiter l’espace. Choisissez des planches en bois non traité de 15 centimètres de haut. Il suffira de les poser sur le sol. Et si vous avez encore un peu de place, un espace de prairies fleuries, même d’un ou deux mètres carrés seulement, sera toujours le bienvenu : « Plus on préserve les équilibres naturels, plus on récolte de la simplicité à jardiner. »

École du jardinage en carrés Route des Granges à Azay-le-Rideau
Facebook : Le potager en carrés à la française
www.potagerencarres.info
contact@potagerencarres.info
Une campagne de financement participatif a été lancée pour raccorder le jardin au réseau d’eau et d’électricité et installer un point d’accueil : mymajorcompany.com/soutenir-l-ecole-du- jardinage-en-carres

Texte : Nathalie Picard

J’ai survécu à l’école de Xavier Niel !

Plonger dans le code informatique 7 jours sur 7, pendant un mois : bienvenue aux sélections de l’École 42, la pouponnière des développeurs de Xavier Niel, alias Mister Free. Une colonie de « vacances » geek racontée par Cédric Renouleau, un Tourangeau qui y a passé un mois complet.

J’ai fait l’école de Monsieur Free, mais j’ai pas tout compris.

Vous l’avez sans doute croisé, dans une autre vie, à l’accueil de la Carterie place Jean-Jaurès. Ou chaque été, en train de servir des bières à la Guinguette. Il s’appelle Cédric Renouleau et comme ses grands yeux bleus et ses longs cheveux soigneusement attachés ne l’indiquent pas, ce jeune homme de 24 ans est apprenti codeur. Pas le genre Néo de Matrix. Non, son cerveau n’est pas relié à un disque dur. Plutôt du genre à avoir fait ses études dans le domaine du commerce, à enchaîner les saisons : l’été à Tours, l’hiver en Suisse.
Et puis un jour, une révélation. « J’étais au chômage, je cherchais une nouvelle orientation professionnelle, j’ai commencé à m’intéresser au développement, à internet, à la programmation et on m’a parlé d’une école gratuite et accessible à tous avec le bac », dit-il. L’École 42. Ça ne vous dit rien ? La fameuse pouponnière de Xavier Niel. Oui, le PDG de Free, symbole de la success story entrepreneuriale à la française, grand gourou de tous les start-upers du numérique. Celui-là même qui a observé et décrété — ou l’inverse — que la France manquait de développeurs. Et s’est donc mis en tête de former les futures stars du code.

TROIS SALLES DE 300 MAC

L’École 42, c’est 3 ans de formation à Paris XVII. Mais avant d’y poser ses neurones, les heureux élus doivent passer une batterie de tests. Durant 26 jours en tout, sans pause. Cédric a sauté dans le grand bain en août dernier. « Ça s’appelle la piscine, car on plonge dans le code 24 heures sur 24. Il y en a qui nagent, d’autres qui se noient, il y en a qui ont juste la tête qui dépasse ». 900 jeunes âgés, grosso modo, de 18 à 30 ans débarquent. Ils sont répartis dans trois salles, les « clusters » où s’alignent 300 Mac. « Le bâtiment est impressionnant de technologie », décrit Cédric.

Les compétiteurs et élèves badgent, une machine salue chacun d’eux par leur prénom et leur demande, au passage, comment ça va. Pour manger ? Le food-truck reçoit les commandes par mail et informe chaque élève lorsque sa pitance est prête. Ambiance geek oblige, les salles de classe sont très branchées Star Wars : la cantine a été baptisée La Cantina, référence au bar de Jabba le Hutt. Côté hôtellerie, c’est un peu spartiate. « Sur place, il y a des douches, des toilettes, de quoi vivre. Moi, j’ai vécu là-bas durant 26 jours sans quasiment jamais sortir, se souvient Cédric. L’école met à disposition deux salles où l’on peut amener son matelas gonflable, ainsi qu’un sac de couchage pour dormir. Au début, les lits étaient collés les uns aux autres tellement il y avait de monde. Mais au bout de deux semaines, on avait beaucoup plus de place, car beaucoup ont abandonné. »

450 ABANDONS

Car il faut tenir le rythme fou de ces phases de sélection. « À 8 h 42, du lundi au vendredi, on reçoit les exercices à faire et on a jusqu’au lendemain 23 h 42 pour les rendre. Tous les vendredis, on passe un examen de 17 h à 21 h qui évalue ce que l’on a appris durant la semaine. Après cela, on doit se lancer dans un projet de groupe de 2 à 4 personnes qui va durer tout le week-end. Il n’y a pas de pause, on ne s’arrête jamais. »
De quoi en décourager plus d’un. Entre le début et la fin des phases de sélection, près de 450 élèves se sont fait la malle. « On t’impose un rythme énorme et une pression difficile à supporter, raconte Cédric. On n’a pas de prof, pas d’horaires, on travaille tout seul ou avec d’autres élèves. On n’a pas l’habitude de cela dans le système scolaire traditionnel. » L’apprenti codeur se dit pourtant prêt à retenter l’aventure si l’occasion lui en est donnée.

Car las, Cédric a reçu un mail du BDP (pour bureau des pleurs), lui signifiant que son nom ne faisait pas partie de la short list des grands gagnants. « C’est une super expérience, on vit un truc exceptionnel dans une bonne ambiance, c’est comme une grosse colonie de vacances. Et puis, c’est une méthode de travail qui me convient. J’ai appris 10 fois plus que n’importe où ailleurs. En un mois, j’ai carrément appris à programmer ! »

Portrait par Flore Mabilleau

Disco Soupe : rien ne se perd, tout se récupère

Parce que « le gâchis, salsifis », les économes étaient de sortie vendredi sur la place des Halles. Organisée chaque mois par une dizaine de Tourangeaux, la Disco Soupe vise à sensibiliser au gaspillage alimentaire. Au menu : des fruits et légumes invendus, une équipe d’éplucheurs et de la musique, pour une distribution de soupe gratuite. Tmv est allé y faire un p’tit tour. Et y a pris goût !

Arrêter de consommer à outrance. » C’est le leitmotiv de Noémie, bénévole de l’association Disco Soupe. Alors vendredi dernier, à l’occasion de la Journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire, elle et ses discopains ont récupéré 45 kilos de fruits et légumes prêts à être jetés. Certains viennent directement de producteurs locaux, d’autres ont été glanés à la fin d’un marché et quelques-uns ont été sauvés in extremis des bennes d’une grande surface. Alors oui, tous avaient la tête des mauvais jours. Une tâche par-ci par-là, une légère protubérance ou un petit coup de mou. Bon ok, certains avaient l’air d’avoir sérieusement abusé sur l’arrosage. Les traits tirés. Le corps malfichu. La tignasse froissée. M’enfin bon, y avait pas de quoi les jeter au rebut.
La lutte contre les « gueules cassées » ou les légumes « moches » commence à faire son chemin. Tant au niveau des enseignes que dans l’esprit des consommateurs. Mais les chiffres font toujours autant tourner la tête, années après années. C’est donc pour sensibiliser le grand public au gaspillage alimentaire que la première Schnippel Disko est organisée à Berlin en 2012, puis à Paris dans les mois qui suivent, sous le nom de Disco Soupe. Aujourd’hui, de plus en plus de villes des quatre coins du globe sauvent régulièrement leurs gueules cassées.

Car n’importe qui peut organiser son propre événement. À condition de respecter les discommandements de l’association, bien sûr. À Tours, la première Disco Soupe a eu lieu il y a un peu plus d’un an. Avec l’ambition de dépasser la lutte contre le gaspi, pour en faire un moment aussi bien festif que convivial. « La sensibilisation oui, mais pas que. On est aussi ici pour créer du lien social. On fait venir des musiciens pour que les gens s’arrêtent, prennent de quoi éplucher, boivent une soupe et discutent un peu », explique Maxime, également bénévole.

Radis to cook ? C’est parti mon kiwi. Il est 17 h 30 et chaque discosoupeur est armé de son plus bel économe. Le son est lancé, la fête peut commencer. Au menu ce soir : soupe de saison (comprenez un mélange de tout ce qu’on a sous la main) et compote pommes-bananes-coings. Pas d’inquiétudes à avoir sur l’avenir des pelures, elles finiront au compost ! Alors ça épluche, ça coupe, ça mixe.
Comme l’ambiance est top, je décide moi aussi de donner un coup de louche. À l’heure où je vous parle, l’épluchage de carottes n’a plus de secret pour moi (j’avais encore un doute). Je me retrouve avec un cuisinier « évidemment sensible à la question du gaspillage alimentaire » et une étudiante « venue par curiosité, pour voir ce que c’est ». Je papote en faisant la popote et la corvée habituelle devient un vrai plaisir. Également à mes côtés, Liam, 9 ans, manie l’économe comme personne. Futur cuisinier, « végétalien » s’il vous plait, il en est déjà à sa deuxième Disco Soupe. Ce soir-là, il a notamment découvert ce qu’était un coing : « c’est comme une poire, mais ça a le goût de pomme ! » lui a répondu sa maman (au cas où vous auriez eu un doute).

Dix carottes et un potiron plus tard, les premières odeurs chatouillent les narines. Les passants commencent à se prendre au jeu : certains mettent la main à la pâte, d’autres se contentent de goûter la première tournée de compote (on les a repéré ceux-là, oui, oui), mais tous approuvent l’initiative. Côté disco, on éteint la sono pour faire place à un tromboniste, un guitariste et un percussionniste venus proposer leurs services. Ce soir-là, puisqu’aucun groupe n’a répondu à l’appel lancé sur Facebook pour mettre un peu de pomme humeur, trois musiciens improvisent un petit boeuf. Comme ça, normal, sans même avoir répété avant. Et ça passe crème.

C’est donc sur quelques-uns des plus grands tubes des années 80 que la soirée se poursuit. Un verre de soupe à la main, l’heure est à l’échange de bons procédés. Les bénévoles n’hésitent pas à faire part de leurs petites astuces aux commis d’un jour. Saviez-vous que les tâches sur les poires ne sont pas synonymes de pourriture mais de… forte teneur en sucre ? « On demande aux gens comment ils consomment et on fait en sorte qu’ils repartent chez eux en se disant qu’ils peuvent agir à leur échelle. Ce sont des petits gestes à adopter. Il suffit par exemple de frotter les carottes, de les essuyer et de les laisser sécher une dizaine d’heures avant de les mettre au frigo, pour éviter qu’elles pourrissent en quelques jours », conseille Noémie, perruque bleue-disco sur la tête.

Afin de prolonger son combat contre le gaspillage alimentaire, l’association a pour projet d’installer un frigo collectif dans une rue de Tours. Basé sur l’esprit de partage et de solidarité, il fonctionnera en libre-service : chacun pourra y déposer et récupérer les fruits d’une récolte trop généreuse ou le surplus avant un départ en vacances.
Partager, plutôt que jeter : l’idée est bête comme chou, mais il fallait oser ! En attendant que l’initiative se mette en place, les disco-soupeurs profitent de l’occasion pour distribuer gratuitement aux passants les confitures de coings préparés avec les fruits de la dernière cuisine collective, ainsi que les légumes non utilisés. Tous s’étonnent de ne pas avoir à sortir leur porte-monnaie. Alors ils en profitent pour faire leur marché. Je suis moi-même repartie avec mon sac de provisions pour la soirée. Et promis, j’ai rien gâché !

>Reportage et photos de Camille Petit

La prochaine Disco Soupe aura lieu le 28 novembre devant le bar The Pale, place Foire le Roi. Si vous êtes choux-patates pour donner un coup de main, rendez-vous sur leur page Facebook « Disco Soupe Tours ».