Vous avez dit « permaculture » ?

Sur la plaine de la Gloriette, des Tourangeaux découvrent la permaculture avec Kiwi-Nature. L’occasion de mieux saisir ce concept en vogue.

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« On leur coupe la tête alors qu’elles nous rendent service ! » Défenseur des plantes sauvages, le paysagiste et botaniste Davy Cosson s’insurge contre le sort réservé aux « mauvaises herbes ». Consoude, pissenlit, plantain lancéolé… L’homme ne tarit pas d’éloges sur ces végétaux aux mille vertus.

Face à lui, 8 personnes venues découvrir, sous un grand soleil d’automne, les plantes sauvages de la plaine de la Gloriette. Pas besoin de s’aventurer dans les méandres du potager. Elles sont là, juste à l’entrée, au pied d’une barrière en bois. Premier atout : « Ce sont des plantes bio-indicatrices. Elles nous renseignent sur l’état du sol », commence Davy Cosson. La consoude, par exemple : avec ses grandes feuilles poilues et rugueuses se terminant en pointe, elle indique un sol compact et humide. Mais ce n’est pas tout : transformée en purin, source de phosphore, elle revitaliserait les plantes. Et ses touches jaunes, juste à côté ? Ce sont des pissenlits, bien sûr. Ils indiquent un sol pauvre en potassium.

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Et comme la nature est bien faite, leurs longues racines vont chercher ce nutriment en profondeur. « C’est comme en médecine, poursuit le botaniste. Plutôt que d’éradiquer le symptôme en arrachant les plantes, on ferait mieux de travailler sur les causes de la maladie ! Le pissenlit, en nourrissant le sol, est à la fois le symptôme et le remède. Ça n’a donc aucun intérêt de l’enlever. » Si on laisse la plante en place, elle disparaîtra toute seule une fois le sol suffisamment enrichi, assure le spécialiste. Après une matinée théorique, cette promenade digestive à la découverte des plantes sauvages a lieu dans le cadre d’un stage d’initiation à la permaculture, organisé par la société Kiwi-Nature.

La permaculture ? « C’est la conception et l’entretien d’écosystèmes humains et durables s’inspirant de la nature. Une philosophie de vie, qui amène vers plus d’autonomie et d’écologie », définit Davy Cosson, formateur et fondateur de Kiwi-Nature. La permaculture est un concept né dans les années 1970 à l’initiative de deux australiens : Bill Mollison et David Holmgren. Elle s’inspire du fonctionnement des écosystèmes naturels et repose sur trois principes essentiels : prendre soin de la terre, respecter l’Homme et partager équitablement les ressources. Appliquée au jardinage, elle consiste, par exemple, à améliorer le sol pour que la plante se développe dans des conditions optimales. « Adapter le sol aux plantes, et non l’inverse », précise le botaniste. Bien sûr, tous les herbicides, insecticides et autres produits chimiques en « -icides » sont remisés au placard. Une autre manière de jardiner, donc. Adieu le Roundup qui permettait de désherber son jardin en dix minutes. En même temps, vu ses effets probablement cancérogènes, notre santé s’en portera sûrement mieux. On oublie aussi les engrais de synthèse, auxquels on préférera la matière organique (fumier, compost…).

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Culture en lasagnes

La fin de l’après-midi arrive, c’est le moment de passer à l’action ! L’objectif : mettre en pratique les acquis de la journée en créant une butte en lasagnes. Vous imaginez déjà des plaques de lasagnes géantes sur lesquelles pousseraient des légumes nourris à la sauce tomate ? Changez les ingrédients, et vous y serez. La culture en lasagnes consiste à empiler des couches de matériaux riches en carbone et en azote : fumier, paille, argile, compost, branche… Moins appétissants, mais plus propices à la création d’un riche support de culture.

Jardinière avertie, Véronique, l’une des stagiaires, a hâte de tester la technique : « La permaculture m’intéresse. Passionnée de jardinage depuis 30 ans, j’ai d’abord pratiqué en jardin ouvrier, puis chez moi à Thilouze. Si c’était à refaire j’en ferai mon métier ». Nicolas, lui, a franchi le pas : ancien courtier en œuvre d’art sur Paris, il se reconvertit dans le maraîchage bio sur 3 hectares à Langeais. Mais il n’y a pas que des pros : dépourvus de jardin, les autres stagiaires, comme Quentin et Cynthia, sont venus poussés par la curiosité.

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Direction la cabane à outils. Chacun se munit d’une bêche, d’une binette ou d’une brouette, puis le groupe part à la recherche de matériaux disponibles sur la plaine de la Gloriette. De retour, les voilà qui empilent une couche de branches, une autre de fumier, des feuilles mortes, de la paille… En deux temps trois mouvements, la butte en lasagnes est faite. Il ne reste plus qu’à arroser, puis attendre le printemps pour planter.

En savoir plus : Prochain stage de permaculture théorique et pratique organisé à Tours les 9 et 10 décembre 2017.
> Infos sur kiwi-nature.com

N.P.

Deep web : "Le Auchan du black market"

Damien Bancal, fondateur du site zataz et spécialiste en cyberdélinquance, parle du deep web, du côté juridique et sécurité…

 DOSS_PAP2_ITWDamien Bancal est journaliste fondateur du site zataz.com, spécialiste en cyberdélinquance et sécurité. 

Pouvez-vous présenter votre travail avec le site zataz ?
Je suis journaliste, spécialisé en cybercrime et cybersécurité. Je me suis lancé là-dedans il y a 25 ans. J’ai fondé zataz pour dire : s’informer, c’est déjà se sécuriser. J’aborde aussi les méthodes utilisées par les pirates. On est toujours un utilisateur lambda, toujours débutant… Tout évolue vite, mais il ne faut pas céder à la parano non plus.

En tant que spécialiste, comment pourriez-vous définir le deep web. Qui peut-on y trouver ?
C’est tout ce qui n’est pas référencé par les moteurs de recherche. Google et tout cela, ce n’est que 10, 15 %… Tout le reste, ce sont ces Internets qu’on ne contrôle pas. Le deep web, c’est aussi ce qui fait qu’Internet fonctionne. Mais il y a aussi toute cette part d’illicite, l’illégal, l’utilisation d’un système pour être invisible. Tout ce qui est vente de drogue, d’armes, ce n’est qu’une infime population sur le web. Le deep web permet d’être plus discret.

Le deep web, eaux troubles du Net… Mais on suppose qu’ il doit aussi y avoir des pêcheurs malintionnés niveau sécurité…
C’est obligé ! L’accès aux infos non-légales est leur jeu. Il y a des données qui peuvent être interceptées et revendues. Récemment, 110 millions clients ont été impactés aux États-Unis. Un pirate du deep web va les cacher puis les revendre un peu plus tard.

Comment ?
Il fait sa promo sur des forums privés non accessibles par les moteurs de recherche. C’est le Auchan du black-market ! Ensuite, il balance des échantillons… Par exemple, mille données bancaires. Les intéressés se diront :  »Ah, il a une base de données intéressantes ! » Une donnée bancaire peut atteindre 20 à 50 $. Imaginez quand il en a 100 000…

On parle souvent de Tor pour le deep web. Est-il infaillible ?
Non. C’est un système de chiffrement intéressant, pour la protection des données etc. Mais il a déjà été détourné, alors qu’on pensait que c’était 100 % safe (sécurisé, NDLR). Le FBI a fait tomber des gens, car il avait infiltré Tor. Le 100 % sécurisé n’existe pas !

Se lancer sur le deep web reste risqué…
Oui, c’est pour cela qu’il faut sécuriser, entretenir une hygiène numérique, des antivirus et un ordinateur mis à jour, pour corriger les failles. On surfe où on veut, mais on réfléchit et on se pose des questions. Il n’y a pas de cadeaux. On joue avec des gens plus dangereux que nous…

L’anonymat sur le deep web est un leurre ?
On rend juste plus difficile le fait d’être remonté et de savoir qui fait quoi. C’est une perpétuelle chasse, même si les pirates auront toujours une avance.

Mais alors, un pro de l’informatique peut-il être intouchable quand il surfe sur ce web caché ?
Ce n’est qu’une question de temps et de moyens. S’il réfléchit, on mettra plus de temps pour le retrouver. Je connais des gens qui se promènent sous différentes identités. Mais il est possible de surfer de façon transparente, oui.

Le « web opaque », c’est pareil que le deep web ?
Oui… Tout ça, ce n’est que du vocabulaire marketing, pour faire peur. C’est aussi un grand débat. Pour moi, le deep web contient le web opaque.

Comment le FBI fonctionne et travaille sur le deep web ? 
C’est une infiltration numérique. Ils se font passer pour quelqu’un d’autre. Par exemple, une petite fille pour les pédophiles ou quelqu’un qui veut acheter des données bancaires. Comme en vrai ! Mais soyons honnête, c’est plus facile sur la toile. Et d’ailleurs, depuis décembre, une section de gendarmes a été mise en place en France pour contrôler tout ça.

Y a-t-il des côtés positifs au deep web ?
Bien sûr ! C’est cela qui fait fonctionner tous nos sites et l’Internet. Si je n’ai pas envie de mettre mes photos de vacances sur Facebook, je peux les mettre sur le deep web, uniquement pour mes amis.

Si je fais une grosse bêtise sur le deep web, mais hors de France… Je risque tout de même ?
Il peut y avoir plainte, puisqu’il y a des prérogatives internationales. Il y a trois semaines, un pirate roumain a été ramené à Montpellier pour fraude à la carte bancaire, alors qu’il faisait ça de Roumanie. Il a pris quatre ans ferme.

Propos recueillis par Aurélien Germain

>> Vous voulez en savoir plus sur le deep web ? Lisez notre reportage.