Vive la récup’ en musique !

Il fallait y penser : fabriquer des instruments avec un pot de yaourt ou un bout de bois, c’est rigolo et pas bien compliqué.

Un pot de yaourt transpercé d’une paille et scotché sur une bouteille en plastique, ça donne quoi ? Une corne de brume ! Et cette tige creuse en bambou recouverte d’un papier de soie, c’est un mirliton. Mercredi dernier, une dizaine d’enfants, accompagnés de leurs parents ou de leurs grands-parents, ont fabriqué plusieurs petits instruments de musique. Leurs points communs : tous sont conçus à partir de matériaux que l’on peut trouver facilement, soit dans sa poubelle, soit dans la nature. L’atelier s’est déroulé à la maison de la Gloriette, dans le cadre du programme des animations environnement de Tour(s)Plus.

Au menu, un joyeux mélange entre sciences, musique et environnement : « Comprendre comment fonctionnent ces objets sonores et profiter de ce qui nous entoure pour s’amuser », propose Marion Carcelen, l’animatrice d’Arborésciences. Pour susciter l’envie, elle présente des exemples d’instruments. Tap-tap, kazoo, sifflet en paille, guiro, carillon… Sur une table, tout le matériel est mis à disposition des participants.
Munie d’une lime en bois, Eléana taille des encoches dans une tige de bambou. Pas facile ! Elle fabrique un guiro, instrument originaire des continents africain et américain : c’est une sorte de racloir, qui, frotté à l’aide d’un bâton, entonne le chant de la grenouille. Au fil de la séance, chacun fabrique plusieurs instruments et bien sûr, s’attache à vérifier leur bon fonctionnement. Au bruit fort de la corne de brume, s’ajoutent le coassement du guiro, puis le sifflement du kazoo… Le tout dans une joyeuse cacophonie !

> Infos pratiques : Maison de la Gloriette. 02 47 21 63 79.
> Programme sur agglo-tours.fr

Nathalie Picard

Disco Soupe : rien ne se perd, tout se récupère

Parce que « le gâchis, salsifis », les économes étaient de sortie vendredi sur la place des Halles. Organisée chaque mois par une dizaine de Tourangeaux, la Disco Soupe vise à sensibiliser au gaspillage alimentaire. Au menu : des fruits et légumes invendus, une équipe d’éplucheurs et de la musique, pour une distribution de soupe gratuite. Tmv est allé y faire un p’tit tour. Et y a pris goût !

Arrêter de consommer à outrance. » C’est le leitmotiv de Noémie, bénévole de l’association Disco Soupe. Alors vendredi dernier, à l’occasion de la Journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire, elle et ses discopains ont récupéré 45 kilos de fruits et légumes prêts à être jetés. Certains viennent directement de producteurs locaux, d’autres ont été glanés à la fin d’un marché et quelques-uns ont été sauvés in extremis des bennes d’une grande surface. Alors oui, tous avaient la tête des mauvais jours. Une tâche par-ci par-là, une légère protubérance ou un petit coup de mou. Bon ok, certains avaient l’air d’avoir sérieusement abusé sur l’arrosage. Les traits tirés. Le corps malfichu. La tignasse froissée. M’enfin bon, y avait pas de quoi les jeter au rebut.
La lutte contre les « gueules cassées » ou les légumes « moches » commence à faire son chemin. Tant au niveau des enseignes que dans l’esprit des consommateurs. Mais les chiffres font toujours autant tourner la tête, années après années. C’est donc pour sensibiliser le grand public au gaspillage alimentaire que la première Schnippel Disko est organisée à Berlin en 2012, puis à Paris dans les mois qui suivent, sous le nom de Disco Soupe. Aujourd’hui, de plus en plus de villes des quatre coins du globe sauvent régulièrement leurs gueules cassées.

Car n’importe qui peut organiser son propre événement. À condition de respecter les discommandements de l’association, bien sûr. À Tours, la première Disco Soupe a eu lieu il y a un peu plus d’un an. Avec l’ambition de dépasser la lutte contre le gaspi, pour en faire un moment aussi bien festif que convivial. « La sensibilisation oui, mais pas que. On est aussi ici pour créer du lien social. On fait venir des musiciens pour que les gens s’arrêtent, prennent de quoi éplucher, boivent une soupe et discutent un peu », explique Maxime, également bénévole.

Radis to cook ? C’est parti mon kiwi. Il est 17 h 30 et chaque discosoupeur est armé de son plus bel économe. Le son est lancé, la fête peut commencer. Au menu ce soir : soupe de saison (comprenez un mélange de tout ce qu’on a sous la main) et compote pommes-bananes-coings. Pas d’inquiétudes à avoir sur l’avenir des pelures, elles finiront au compost ! Alors ça épluche, ça coupe, ça mixe.
Comme l’ambiance est top, je décide moi aussi de donner un coup de louche. À l’heure où je vous parle, l’épluchage de carottes n’a plus de secret pour moi (j’avais encore un doute). Je me retrouve avec un cuisinier « évidemment sensible à la question du gaspillage alimentaire » et une étudiante « venue par curiosité, pour voir ce que c’est ». Je papote en faisant la popote et la corvée habituelle devient un vrai plaisir. Également à mes côtés, Liam, 9 ans, manie l’économe comme personne. Futur cuisinier, « végétalien » s’il vous plait, il en est déjà à sa deuxième Disco Soupe. Ce soir-là, il a notamment découvert ce qu’était un coing : « c’est comme une poire, mais ça a le goût de pomme ! » lui a répondu sa maman (au cas où vous auriez eu un doute).

Dix carottes et un potiron plus tard, les premières odeurs chatouillent les narines. Les passants commencent à se prendre au jeu : certains mettent la main à la pâte, d’autres se contentent de goûter la première tournée de compote (on les a repéré ceux-là, oui, oui), mais tous approuvent l’initiative. Côté disco, on éteint la sono pour faire place à un tromboniste, un guitariste et un percussionniste venus proposer leurs services. Ce soir-là, puisqu’aucun groupe n’a répondu à l’appel lancé sur Facebook pour mettre un peu de pomme humeur, trois musiciens improvisent un petit boeuf. Comme ça, normal, sans même avoir répété avant. Et ça passe crème.

C’est donc sur quelques-uns des plus grands tubes des années 80 que la soirée se poursuit. Un verre de soupe à la main, l’heure est à l’échange de bons procédés. Les bénévoles n’hésitent pas à faire part de leurs petites astuces aux commis d’un jour. Saviez-vous que les tâches sur les poires ne sont pas synonymes de pourriture mais de… forte teneur en sucre ? « On demande aux gens comment ils consomment et on fait en sorte qu’ils repartent chez eux en se disant qu’ils peuvent agir à leur échelle. Ce sont des petits gestes à adopter. Il suffit par exemple de frotter les carottes, de les essuyer et de les laisser sécher une dizaine d’heures avant de les mettre au frigo, pour éviter qu’elles pourrissent en quelques jours », conseille Noémie, perruque bleue-disco sur la tête.

Afin de prolonger son combat contre le gaspillage alimentaire, l’association a pour projet d’installer un frigo collectif dans une rue de Tours. Basé sur l’esprit de partage et de solidarité, il fonctionnera en libre-service : chacun pourra y déposer et récupérer les fruits d’une récolte trop généreuse ou le surplus avant un départ en vacances.
Partager, plutôt que jeter : l’idée est bête comme chou, mais il fallait oser ! En attendant que l’initiative se mette en place, les disco-soupeurs profitent de l’occasion pour distribuer gratuitement aux passants les confitures de coings préparés avec les fruits de la dernière cuisine collective, ainsi que les légumes non utilisés. Tous s’étonnent de ne pas avoir à sortir leur porte-monnaie. Alors ils en profitent pour faire leur marché. Je suis moi-même repartie avec mon sac de provisions pour la soirée. Et promis, j’ai rien gâché !

>Reportage et photos de Camille Petit

La prochaine Disco Soupe aura lieu le 28 novembre devant le bar The Pale, place Foire le Roi. Si vous êtes choux-patates pour donner un coup de main, rendez-vous sur leur page Facebook « Disco Soupe Tours ».

La Charpentière : complément d’objets

La ressourcerie La Charpentière répare et remet en vente les objets usagés apportés par les habitants. Installée depuis peu sur Tours, elle démarre sur les chapeaux de roue.

Tout l’après-midi, des habitants apportent des meubles et des objets usagés. Sophie et Paul font de la place dans l’espace de collecte, vite saturé.
Tout l’après-midi, des habitants apportent des meubles et des objets usagés. Sophie et Paul font de la place dans l’espace de collecte, vite saturé. (Photo tmv)

Danielle, si tu continues à visser de travers, je ne vais pas te donner le brevet ! », lance Paul en rigolant. Le duo fabrique un grand bac à roulettes pour collecter du bois. Pour Danielle, pas facile de maîtriser la visseuse électrique, mais sous le regard attentif de Paul, elle persévère. « Au fait, tu as passé de bonnes vacances ? », demande-t-elle. À la ressourcerie La Charpentière, on bricole et on papote aussi ! L’objectif de cette jeune association ? Récupérer, valoriser et réparer des objets usagés pour les revendre. Depuis le mois d’avril, elle s’est installée dans ses locaux, juste derrière le jardin botanique, à la limite de Tours et La Riche.
Abat-jour, chaise haute, machine à coudre, parasol, trotteur : des objets improbables s’empilent sur les étagères. Des colonnes de meubles en bois, elles, montent carrément jusqu’au plafond. Un joyeux bazar, plus organisé qu’il n’y paraît : à chaque espace sa vocation. « C’est ici que nous collectons les objets apportés par les habitants : meubles, vaisselle, bibelots, livres, petits appareils électriques… Nous récupérons tout ce qui peut être réutilisé ou réparé, sauf le textile et le gros électroménager », explique Fabienne Gouin, l’une des animatrices de l’association. On peut venir en voiture, une large rampe permet d’accéder facilement à l’espace de déchargement. Chaque objet est enregistré, diagnostiqué puis orienté vers la réparation ou le nettoyage. À peine cinq mois d’activité et déjà, les 140 m² de l’atelier sont remplis à bloc. Il faut dire que l’affaire est gérée par un duo de choc : Sophie Robin et Fabienne Gouin, les deux salariées, sont impliquées depuis longtemps dans l’éducation populaire et l’environnement. « Cette idée, c’est une vieille histoire, raconte Sophie avec le sourire. Je faisais beaucoup de vélo, et en 2009, j’ai lancé une association, Roulement à Bill, qui permet à des cyclistes d’apprendre à réparer leur vélo. Avec des copains, on avait envie d’élargir ce concept à tous les objets. » L’originalité de cette ressourcerie, c’est justement qu’elle est portée par un groupe de citoyens engagés. La plupart des autres projets sont impulsés par des collectivités territoriales. L’association est née fin 2014 et depuis, tout va très vite. Déjà, une centaine d’adhérents participent à la vie de l’association. « On est dans l’air du temps, estime Sophie. Les gens en ont marre de consommer à tout-va, d’acheter des objets programmés pour casser. »

L’atelier bricolage prend ses quartiers au soleil. Au menu, réparation d’objets cassés et fabrication d’un bac de stockage par Michelle.
L’atelier bricolage prend ses quartiers au soleil. Au menu, réparation d’objets cassés et fabrication d’un bac de stockage par Michelle. (Photo tmv)

Ras le bol du gaspillage ! Les bénévoles présents ce mercredi-là sont unanimes. Comme Annie, qui vient souvent donner un coup de main. Aujourd’hui, elle nettoie une lanterne en métal blanc. L’étiquette pend encore dessus. « Sûrement un cadeau mal choisi, imagine-t-elle. Quand je vois, à la déchetterie, tous ces meubles, ces fauteuils en bon état, ça me fait mal au coeur… Ici, je me sens utile. En plus, ça me correspond bien car je suis très branchée récup ! » Annie et Julien au nettoyage, Paul et Danielle à la fabrication… Chacun trouve sa place, accompagné par les animatrices. Il y a deux types d’ateliers : ceux qui sont proposés par les habitants — comme la création de meubles en palettes, la restauration de meubles, la fabrication d’une machine à laver à pédale… — et ceux qui sont nécessaires pour la vie associative, comme le netto-yage d’objets, le rangement ou la signalisation. La ressourcerie est ouverte à tous, sa vocation étant intercommunale.
Ce mercredi-là, plusieurs curieux découvrent les lieux. Souvent, ces nouvelles têtes passent déposer ou acheter des vêtements à l’association Active, juste à coté. Ils en profitent pour s’arrêter ici. Sophie et Fabienne prennent soin d’accueillir chacun. Elles proposent même une petite visite guidée. « Si vous avez une ou deux heures de libre, n’hésitez pas à venir donner un coup de main. Vous pouvez aussi apporter vos objets cassés et apprendre à les réparer », explique Fabienne à Ali, un curieux de passage. Elle lui montre l’espace bricolage, rempli d’outils collectés auprès des gens. « Wahou, c’est super ! », s’exclame cet habitant du Sanitas, qui a meublé tout son appartement avec des objets trouvés dans la rue. Car la ressourcerie, c’est un petit paradis pour les bricoleurs : du matériel, de l’espace et surtout, la liberté de faire du bruit et des saletés ! Ali reviendra sûrement pour réparer sa console de jeux. Il pourra demander conseil à Frédéric, un spécialiste. « Notre rôle, c’est de mettre les gens en lien. C’est extraordinaire, toutes les compétences que l’on peut trouver au sein de notre réseau de bénévoles, s’enthousiasme Fabienne. Et puis l’objet devient aussi prétexte à la rencontre, à l’échange et à la création. »

Autour d’une pause café, c’est aussi du lien social que les gens viennent chercher. Comme tous les objets peu abîmés, la lanterne nettoyée par Annie devrait rapidement trouver sa place dans la boutique. L’espace, bien rangé, tranche avec le bricà- brac de l’atelier. « Les objets que nous vendons sont toujours propres et en très bon état. Nous sommes là pour les mettre en valeur, donner envie de les acheter, un peu comme s’ils étaient neufs », estime Fabienne. Certains articles, comme les livres et les DVD, sont à prix libre tandis que d’autres, comme la vaisselle, disposent d’une pastille de couleur, du jaune (20 centimes) au rose (3 euros). La boutique doit devenir la source de financement principale de l’association. Car l’argent reste le nerf de la guerre… En tout cas, ce ne sont pas les idées qui manquent. Avec son immeuble de quatre niveaux et ses 750 m² exploitables, la ressourcerie dispose d’un sacré potentiel. Dans les étages sont prévus des « ateliers propres », comme la couture, l’informatique ou la réparation du petit matériel électroménager. L’association a obtenu un financement du Conseil régional dans le cadre d’un appel à projet sur l’économie circulaire : 30 000 euros sur trois ans pour des investissements. Une autre demande est en cours auprès de l’agglomération Tours Plus, sur l’éducation à l’environnement. Le projet : proposer aux enfants de réparer leur jouet cassé ou de démonter des objets de la vie quotidienne pour comprendre leur fonctionnement.

« Nous lançons notre activité auprès des particuliers, mais nous sommes déjà sollicités par d’autres structures, comme des centres de loisirs ou des centres sociaux, pour animer des ateliers », précise Sophie. Aussi, les deux animatrices aimeraient bien monter un bar associatif, pour animer un peu le quartier : « Il faut rêver, sinon on ne fait rien ! » Une philosophie de vie qui semble plaire à Charp’, le singe mascotte de la ressourcerie : des écouteurs sur les oreilles et une peluche Kiki dans la poche de son pantalon bleu, il pose à l’entrée de l’atelier, déjà prêt à faire le pilier de comptoir.

Nathalie Picard

COMMENT ÇA MARCHE ? Une chaise cassée, une lampe démodée, un sèche-cheveux hors-service… Plutôt que de jeter, apportez vos objets à la ressourcerie. Vous pourrez vous en débarrasser ou apprendre à les réparer. Et profitez-en pour faire un petit tour à la boutique !

À la boutique, Fabienne est en pleine réflexion : comment agencer au mieux l’étagère pour mettre en valeur ces verres à vin ?
À la boutique, Fabienne est en pleine réflexion : comment agencer au mieux l’étagère pour mettre en valeur ces verres à vin ?

101 C’est le nombre d’adhérents qui soutiennent déjà l’association, créée fin 2014. Aménager les locaux, fabriquer des étagères, nettoyer, animer un atelier, préparer la fête de soutien… Les activités ne manquent pas et toutes les bonnes volontés sont les bienvenues.

LA CHARPENTIÈRE ? « Nous avons choisi ce nom en référence à la structure porteuse d’un arbre, solide et ancrée sur le territoire, comme notre projet. Sur les branches plus fines, les habitants s’épanouissent, libres de réparer, créer et d’échanger. » Sophie Robin.