Sports de combat extrême : clichés et réalité

Notre expérience des sports de combat extrêmes consiste en un épisode de Friends (où le petit ami de Monica se met au MMA) et aux prouesses de Gal Gadot dans Fast and Furious. Alors tmv a enquêté… et casse quelques mythes.

Crédit MMA FIGHT CLUB GYM
Crédit MMA FIGHT CLUB GYM

Quand on lit « sport de combat extrême », on pense sang qui gicle, os qui se brisent et yeux qui sortent de leurs orbites. Après avoir visité plusieurs clubs, nous sommes en mesure de vous dire que ça ne se passe pas (mais alors pas du tout) comme ça.

« Les dents qui volent c’est une légende », nous lance de but en blanc Florian Rousseau, propriétaire du MMA Fight Club Gym à Saint-Cyr-sur-Loire. Et même s’il est écrit « Fight Club » à l’entrée de la salle, « on n’est pas la pour faire la bagarre ». D’ailleurs le « vrai » MMA (anciennement Free Fight) est interdit en France. Ce que l’on pratique, c’est en réalité sa variante, le pancrace, qui part du même principe (mélanger lutte, boxe et arts martiaux divers) mais est truffé de règles et d’interdits. Bon. Et ailleurs ?
« En krav maga il n’y a pas de règles ni d’interdits », révèle Thomas Euzénat, qui dirige Team K37, où se pratiquent aussi une forme de karaté full contact et des arts martiaux philippins. Bien que l’on mime certains gestes en entraînement (les doigts dans les yeux, les coups dans la gorge ou les cervicales), le professeur préfère revoir ses élèves la semaine suivante : on voit donc très peu de blessures en salles ou même en compétition, beaucoup moins en tous cas par exemple — tous les professeurs sont unanimes — qu’au rugby.

Krav maga, MMA, kickboxing, arts martiaux philippins… Tous ces sports vus comme extrêmes le sont donc surtout… à la télé. La réalité des salles de sports est bien différente. « Parce qu’à la télé ce sont des professionnels !, développe Florian Rousseau. Ils s’entraînent toute la journée en vue des combats. Nous ici on ‘joue’ à MMA. » Et si tout le monde peut s’essayer à tous les sports, il ne faut pas s’attendre à monter directement sur le ring. Certificat médical en main, on s’inscrit (et souvent on signe une charte de bonne conduite), puis on suit les cours en fonction de son niveau.
Kader Zighem, président du BSJT à la Rabière, propose boxe éducative et kickboxing. Mais pour arriver au deuxième, il faut un minimum de prérequis… que l’on trouve dans le premier cours. Kung Fu Panda, c’est pas pour demain.

TOC, TOC, QUI EST LÀ ?

Bien sûr, en krav maga ou en arts martiaux philippins, où l’on use de couteaux ou bâtons (on a vérifié, pour l’entraînement c’est des faux), le côté extrême on le voit bien. Le fait qu’il ne puisse pas y avoir de compétition parle d’ailleurs de lui-même : « La compétition engendre forcément des règles pour protéger les pratiquants et on ne veut pas créer de mauvais automatismes par rapport à ça, comme par exemple s’empêcher de frapper les parties génitales ou encore les yeux ou la gorge alors que ce sont des techniques qu’on apprend en krav maga. Puisqu’on ne souhaite pas déconditionner notre entraînement, il n’y pas de compétition possible », décrypte Thomas Euzenat.

Mais le lien entre tous ces sports, c’est que le « vrai » côté extrême est le dépassement de soi. Pour Kader Zighem, « il s’agit surtout de sports extrêmes dans la préparation, parce que pour combattre, il faut aller au-delà de ce qu’on pense pouvoir faire. On va chercher ses ressources, et c’est pour ça qu’on travaille le mental. On ne va pas s’arrêter dès qu’on a une petite douleur. » Longtemps « réservés » aux hommes de 20 à 40 ans environ, ces sports voient leur public s’élargir.

Aux femmes, mais aussi aux enfants. Nader Zighem travaille avec 24 filles sur 28 élèves en tout dans son cours de boxe éducative. Et voit surtout des jeunes et des ados. Chez Team K37, les cours commencent à 12 ans (avec un programme adapté) et les femmes représentent environ un quart des pratiquants. Au club de MMA, les enfants sont acceptés dès 5 ans et les femmes représentent environ 35 % des adhérents. Cette démocratisation se voit également au niveau social, alors qu’au départ, ils étaient plutôt réservés aux métiers de la sécurité, aux policiers ou aux militaires.

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Crédit MMA FIGHT CLUB GYM

Pourquoi ce public aussi varié qu’une salade composée choisit un sport de combat ? « Pour sortir du métro-boulot-dodo, se dépasser, en chier, se sentir vivant, selon Florian Rousseau. Les gens viennent se défouler et évacuer le stress. Sinon on fait quoi ? On gueule sur ses employés, sa famille ? » Thomas Euzenat complète : « Les gens viennent passer un bon moment, transpirer. Mais aussi pour améliorer leur confiance en eux. » La confiance en soi. Un thème récurrent. Nader Zighem raconte d’ailleurs qu’une élève de 13 ans a réussi à tenir tête à « deux garçons plus âgés et grands qu’elle lorsqu’ils ont voulu lui voler son téléphone ».
Le besoin de self-défense explique aussi en grande partie cette démocratisation. « Il y a trois types de réaction en cas d’agression : se figer, s’enfuir (si c’est possible) ou se battre. Et dans le cas où l’on aurait l’étincelle qui permet de se défendre, il n’y a rien de pire que de ne pas savoir quoi faire », analyse Thomas Euzenat.

Pas question pour autant de promettre une méthode miracle. Rien ne garantit une réaction en situation de stress. Mais l’entraînement permet de (re)prendre confiance en soi et augmente ses chances. Même si cela prend du temps. « Au bout de trois ans de pratique régulière en krav maga, on commence à avoir quelques bonnes habiletés, mais pour un bon niveau c’est six ans, analyse Thomas Euzenat. C’est l’équivalent chez nous du temps minimum pour l’obtention d’une ceinture noire. » Alors, prêts à se lancer ?

Textes : Chloé Chateau
Photos : MMA FIGHT CLUB GYM

Huissier : profession mal aimée

L’huissier est un rouage méconnu de la justice. À l’heure où le projet de réforme des professions réglementées secoue le métier, nous avons suivi un professionnel dans son travail quotidien

Huissier, profession mal aimée
Le quotidien d’un huissier de justice.

Une vague déferle sur la place du palais de justice de Paris. Plus de 4 000 manifestants scandent « casse sociale », « justice privée ». Drapés de leur robe noire, les huissiers sont dans la rue. Cette scène a eu lieu le 15 septembre dernier. Depuis cette mobilisation, une concertation a été ouverte par l’État entre le ministère de l’Économie, celui de la Justice et les huissiers. Mais cette mobilisation sans précédent a mis en lumière une profession réglementée peu connue du grand public. « Ma première manifestation », confie Maître H, huissier de justice. Accompagné de ses quatre salariés, il a protesté contre le projet de réforme des professions réglementées. « Dommage. Ça n’a fait que quelques secondes au journal télévisé. »

Dans son étude, Maître H a accepté de nous recevoir pour parler de son quotidien. « Bienvenue chez les nantis », lance-t-il ironiquement. À cet accueil souriant, succède une courte visite de l’étude. Papier peint pastel, craquelure au plafond. À l’exception du sol, toutes les surfaces planes sont jonchées de dossiers. Les placards débordent. « Il n’y a pas deux journées identiques. » On tente de décrypter le jargon de la profession. Le téléphone l’interrompt. Au tribunal, l’huissier est présent lors des audiences. « On se charge d’y présenter les témoins ou d’appeler les experts, détaille Maître H. On présente également les scellés. » En qualité d’huissier audiencier, il se rappelle avoir manipulé quelques drôles d’objets : « Du fusil mitrailleur au bermuda ensanglanté ».

Adultère, expulsion et procédures
L’huissier est aussi homme de terrain. Il lui arrive même de procéder à des constats d’adultère ordonné par un magistrat. « Ça demande une grande préparation. Il faut localiser “ la cible ” vers 22 h. Y retourner un autre jour pour vérifier. » Et, à 6 h du matin (les horaires légaux sont les mêmes que pour intervention des forces de l’ordre), intervenir dans l’intimité du conjoint infidèle et de son amant. « Il faut parfois avoir recours à un serrurier, aux gendarmes ou à la police. Cela m’est arrivé il y a quelques années, se souvient Maître H. On toque, on sonne et personne ne répond. Pourtant, un rideau bouge. Le serrurier ouvre, les gendarmes entrent dans l’habitation. Rien. On fouille, on visite les combles. Je me retrouve à quatre pattes dans la laine de verre… » Le lit est défait, l’amant n’est pas loin. Un bruit étouffé s’échappe de la penderie. Toc toc badaboum. « “ Je garde la maison ”, s’exclame l’homme avec aplomb, en s’extirpant d’une armoire à vêtements. On aurait cru Belmondo. »
Bon, cette part du travail reste « anecdotique », modère Maître H. En revanche, le recouvrement représente une part majeure de son activité. « Des créditeurs prennent contact avec moi pour trouver une issue favorable à un contentieux. Là, je les conseille sur la démarche à suivre. Je leur rappelle ce qu’ils ont le droit de faire ou pas. » Une vraie mission de conseil avec des réponses circonstanciées. Parfois, c’est la justice qui somme un débiteur de rembourser une dette. Dans ce cas, plusieurs options sont envisageables : la saisie des comptes, du mobilier ou encore l’enlèvement de véhicule. « On prend toujours contact avec les débiteurs. On les prévient de multiples fois », avant de mettre en route la machine. « On privilégie la saisie bancaire, explique- t-il. La plus efficace. » L’huissier se rend chez le banquier et procède à l’immobilisation des comptes. « À l’exception de 509,30 €, le solde bancaire insaisissable » qui équivaut au RSA. « La saisie des meubles est rare. Et attention à ne pas la confondre avec l’enlèvement. » La saisie consiste à inventorier les biens d’un débiteur. « On ne repart pas tout de suite avec la télé comme dans les séries télévisées. » Cela n’arrive qu’en dernier recours, « parce qu’il n’est pas simple de trouver une valeur de 10 000 €, par exemple, dans du mobilier, de la hi-fi ou de l’électroménager. »

Huissier profession mal aimée
Le quotidien d’un huissier de justice.

Ce qui nuit le plus à l’image de l’huissier reste l’expulsion. « Ce n’est pas si courant », tempère Maître H. Là, l’huissier se situe au milieu d’intérêts antagonistes. « On est là pour apaiser le conflit. Pour une procédure complète, il faut près de quatorze mois. On n’expulse pas les gens comme ça. » Maître H. se voit d’ailleurs plus comme un médiateur. « Je suis là pour freiner les velléités du créancier ou du débiteur. »

Surprises, surprises
Lors d’enlèvement ou d’expulsion, l’huissier s’adjoint à nouveau le concours d’un serrurier et de la force publique. « Avec la peur que l’intéressé commette un acte désespéré… Qu’il se pende ou qu’il nous accueille avec un fusil. » On ne sait jamais ce qu’il y a derrière la porte. Et la surprise peut être à la limite du supportable. « Comme ce jeune blondinet, propre sur lui, qui avait conservé quelque 900 kg d’excréments dans sa chambre. », explique- t-il dans un haut-le-coeur.
De plus en plus, l’huissier procède à des constats. Le voilà donc obligé de se déplacer à la réception de matériel sur un chantier pour vérifier qu’il fonctionne, établir que des marchandises ne sont pas des produits de la contrefaçon. « Je ne dis pas toujours ce que les gens veulent entendre », convient Maître H. Il fait fi des a priori : « Je n’ai pas honte de ce que je fais. Parce que j’essaie de le faire bien. »

Antonin Galleau