Théâtre. On a vu : Yvonne, princesse de Bourgogne

Jacques Vincey, le nouveau directeur du CDRT, signe une pièce exigeante qui magnifie le texte de Gombrowicz.

Yvonne, princesse de Bourgogne (photo Pierre Grosbois)
Yvonne, princesse de Bourgogne (photo Pierre Grosbois)

Ambiance tropicale. Le roi court sur un tapis, le prince s’exerce au ping-pong. La reine répète quelques pas de tango avec le chambellan. Royaume des apparences, les polos et les leggings sont de rigueur. Ambiance nouveau riche californien. Une douce musique d’ascenseur berce la petite bande de sportifs royaux. Le public sert de cour, la famille souveraine la salue. Rires enregistrés de circonstances, courbettes, main en l’air. Le Prince Philippe, laissé seul avec son acolyte Cyrille, cherche une distraction. Ambiance moqueuse. Son ami lui propose quelques courtisanes.

Soudain, Yvonne. La jeune femme lui tape dans l’oeil. Dégoûtante, dégoulinante, elle le rebute mais l’attire : pourquoi doit-on forcément sortir avec de jolies femmes quand on est prince ? Yvonne est muette. Philippe plonge dans le désarroi et décide de l’épouser. Ambiance catastrophe. Le palais est sens dessus-dessous. La future mariée, amorphe, devient l’objet central des moqueries et des critiques.

Dans les mains de Jacques Vincey, le texte de Witold Gombrowicz résonne plus que jamais avec le présent. Universelle, Yvonne Princesse de Bourgogne a ce pouvoir de traverser les âges et les époques. Elle devient alors satire de nos vies modernes où les apparences normales sont tout d’un coup bousculées par un élément absurde. La scénographie, magistrale, souligne sans insister cette façon de raccrocher au réel. Yvonne se transforme en miroir des défauts de l’âme des autres. La normalité disparaît pour laisser place au monstrueux, thème cher à Jacques Vincey. Le metteur en scène déjoue les pièges, évite les sous-entendus lourdauds, affine le texte. Il se méfie de la grandiloquence évidente pour mieux tendre un fil avec ses acteurs et se concentre sur la déconstruction de cette famille. Pour amener au chaos final, la musique trouve une place centrale et nourrit avec force la nervosité qui gagne peu à peu le plateau.
Quant aux acteurs, tous justes, sans exception (c’est assez rare pour le souligner), ils jouent cette montée en puissance de la folie, sans tomber, eux aussi, dans la surenchère. Comme si d’un seul coup, le spectateur ne s’était pas aperçu du dérèglement progressif. Comme s’il était happé sans le vouloir dans ce tourbillon de l’anormalité.

>>EN BREF
AU THÉÂTRE OLYMPIA
Oui, parce que c’est officiel, on dit le théâtre Olympia maintenant. Yvonne, Princesse de bourgogne se joue jusqu’au samedi 11 octobre (il n’y a pas de représentation le dimanche 5 octobre). Tarifs (hors abonnement) de 15 à 22 €. Pour les horaires et pour réserver : cdrtours.fr ou au 02 47 64 50 50.

FICHE TECHNIQUE
Durée : 2 h 15. Une mise en scène de Jacques Vincey. Dramaturgie de Vanasay Khamphommala.
Avec Marie Rémond (Yvonne), Hélène Alexandridis (La Reine Marguerite), Alain Fromager (Le Roi Ignace), Thomas Gonzalez (Le Prince Philippe), Jacques Verzier (Le Chambellan), Miglé Bereikaité (dame 1), Clément Bertonneau (Cyrille), Nelly Pulicani (Isabelle), Delphine Meilland (dame 2), Blaise Pettebone (innocent).

Y'a l'feu : White House Down

Deux heures d’explosions et de rafales de Kalachnikov. Naïf, ronflant et sans réelle saveur… Un petit 2 sur 5 pour WHITE HOUSE DOWN.

Channing-Tatum-and-Jamie-Foxx-in-White-House-Down-
Il y a des gens, comme ça, qui adorent détruire la Maison Blanche. Roland Emmerich, qui l’avait déjà dézinguée dans Independence Day et 2012, met cette fois en scène John Cale (joué par Channing Tatum) qui vient de se voir refuser le job de ses rêves : protéger le président des États- Unis (Jamie Foxx). En plus, la nouvelle tombe pile le jour où ce mauvais père de famille emmène sa gamine ronchonne et fan de politique (oui, c’est un film) visiter la Maison Blanche.
Un groupe paramilitaire/terroriste – on ne sait pas trop – débarque pour tout pulvériser. John Cale va devoir sauver sa fille, le président et, tant qu’à faire, le monde entier.
Avec un scénario et un titre étrangement ressemblants à La Chute De La Maison-Blanche, White House Down ne révolutionne rien.
Déjà, parce que la moitié du film est ratée. Sous une pellicule d’un patriotisme gonflant, Emmerich copie-colle la saga des Die Hard avec Bruce Willis, allant même jusqu’à habiller son héros de la même façon avec son marcel blanc. Les rares touches d’humour distillées au milieu des explosions, si elles relèvent d’une bonne idée, ne sont pas drôles du tout.
White House Down et son super président « trop cool, trop sympa » sert une première demi-heure d’exposition interminable et plate. Puis, dans un déluge de balles tirées (environ 100 000, tmv a fait le compte), le film devient indigeste, en particulier dans sa manière de filmer en plan serré.
Bourré d’incohérences tant scénaristiques qu’au niveau de l’action (une rafale de Kalachnikov pendant 20 secondes qui n’atteint pas un type à 20 centimètres…), le film a cependant le mérite de montrer un dernier acte relativement gratiné et bien fichu, avec un rythme effréné rattrapant l’heure et demie passée.
En fait, White House Down est simplement un énième blockbuster, signé par un réalisateur – pourtant assez bon –  en roue libre. Vite vu, vite oublié. Un pop corn movie XXL.
Aurélien Germain
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TOUJOURS EN SALLES :
JEUNE ET JOLIE (3 étoiles)
La polémique suscitée par les déclarations de François Ozon à Cannes a failli occulter l’essentiel : le film. Le réalisateur traite sans voyeurisme l’histoire d’une lycéenne qui se prostitue. Pas à court d’argent, aimée par sa famille, rien n’explique ses actes. Une technique habile et voulue, qui frustrera néanmoins certains spectateurs. Le tout est sublimé par d’excellents acteurs, Marine Vacht en tête. G.V
CONJURING, LES DOSSIERS WARREN (3 étoiles)
Après le génial Insidious, James Wan récidive : Conjuring, les dossiers Warren dresse le quotidien cauchemardesque d’une jolie famille débarquée dans une maison possédée. Deux démonologues (ayant réellement existé) vont les aider… Série B angoissante, entre l’Exorciste et Amityville, Conjuring et son esthétique 70s manient l’épouvante avec brio : pas original du tout mais des scènes de frousse intense. A.G.(la critique complète est dispo ici)
ELYSIUM (3 étoiles)
2154. Les très riches vivent sur une station spatiale ; les autres dans les bidonvilles sur Terre : Max (joué par Matt Damon, méconnaissable) va essayer de sauver sa peau et celle des autres. Esthétiquement somptueux, Elysium est non seulement une science-fiction post-apocalypse, mais aussi une métaphore politique, avec son questionnement sur les disparités pauvres/riches. A.G.