Rythmes scolaires : sur quel pied danser ?

À l’échelle de la France, une école sur trois est retournée à la semaine des 4 jours. Les villes de Tours et de Joué-lès-Tours ont lancé une grande consultation auprès des parents. Quels arguments faire jouer ?

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SEMAINE DE 4 JOURS

Pour laisser dormir les enfants le mercredi matin
Quitte à choquer les experts, je sais une chose : les gosses de 5 ou 8 ans qui se lèvent à 7 h (et parfois plus tôt) cinq jours d’affilé sont à ramasser à la petite cuillère au bout d’un mois. Quand bien même on les couche à 20 h 30 tous les soirs. Ça s’appelle l’apprentissage empirique et ça vaut toutes les études du monde.

Pour faciliter la vie des collectivités
On a beau être de sales citoyens pourris gâtés et râleurs, on plaint les malheureux élus, éducateurs, enseignants, qui doivent articuler cours et TAP. On voit à quel point on misère pour planifier le truc avec nos 3 gosses, on n’imagine pas le bazar avec 9 000. Et le double de parents hystériques.

Pour limiter le nombre d’intervenants
Entre les heures de cours, la surveillance à la cantine, celle des cours de récré entre midi et deux ou le soir, les TAP, les heures de garderie ou d’études, les enfants peuvent avoir une dizaine de référents. Avec le risque, surtout pour les plus petits, d’être perdu au milieu de tous ces intervenants.

Pour faciliter la vie des parents
Oui, on est un peu égoïstes nous les parents, mais c’est plus facile d’organiser la garde des enfants sur une journée complète que sur quatre heures. Qu’il s’agisse des grands-parents qui se fadent la route ou d’une garde d’enfants. On ne parle pas des familles qui ont des enfants dans le privé et dans le public et doivent gérer le quotidien avec des rythmes à deux tons. Ajoutez une garde partagée et c’est la cacophonie.

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SEMAINE DE 4 JOURS ET DEMI

Pour ne rien changer
Un pas en avant, un pas en arrière, un pas sur le côté… Ça commence à devenir fatigant. Cahin-caha, tout le monde supportait enfin la semaine des quatre jours et demi, par pitié, touchez plus à rien.

Pour bénéficier du maximum de temps de cerveau disponible
En majorité, les enfants sont plus réceptifs et concentrés le matin. La semaine de 4 jours et demi permet donc d’exploiter une matinée de plus, pour « les savoirs fondamentaux », précise le site de l’Éducation nationale. Soit 36 matinées supplémentaires par an.

Pour offrir aux enfants des activité gratuites
Selon l’Observatoire des rythmes et temps de vie des enfants et des jeunes (Ortej), la semaine de quatre jours aggraverait les inégalités. D’après le chronobiologiste tourangeau François Testu, président de l’observatoire : « Cette mesure pénalise notamment les enfants issus de familles aux revenus les plus faibles, parce qu’elles n’ont pas forcément les moyens de prendre en charge des activités extrascolaires. »

Pour copier les voisins
Avec 4 jours de classe hebdomadaire, les écoliers français détenaient le nombre de jours d’école le plus faible des 34 pays de l’OCDE : 144 jours sur 365, contre 187 jours en moyenne. Avec 4 jours et demi, les petits Français arrivent à 180 jours par an.

Pour poursuivre la réduction du temps de travail
Nan, on rigole. Les enfants passent toujours 24 h / semaine en classe mais la semaine de 4 jours et demi, qui était déjà la règle avant 2008, permet de mieux répartir les heures de classe sur la semaine et d’alléger la journée de classe de 45 minutes en moyenne.

Tours métropole : ce que ça va changer

Mi-février, les députés disaient oui à Tours métropole, après un chemin parsemé d’embûches. Un combat politique, puisque Tours veut entrer dans la cour des grands mais qui (attention spoiler) ne changera pas la vie quotidienne des Tourangeaux. Explications.

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DES COMPÉTENCES ÉLARGIES

Il est évident que le passage au statut de métropole donnera de nouvelles compétences à Tour(s)plus. en matière de voirie, d’espaces publics, de gestion de l’eau et des abattoirs ou encore en politique d’urbanisme. L’agglo, avec ce nouveau statut, pourra aussi prendre des participations au capital de sociétés innovantes et rejoindre la gouvernance des gares.
Jusqu’à maintenant, le Département gérait les fonds de solidarité logement, la prévention spécialisée et les aides aux jeunes en difficulté. Désormais, c’est la métropole qui s’en chargera.

CÔTÉ GROS SOUS-SOUS

Ajout de compétences oblige, les effectifs de l’agglo vont doubler. Mais, dans les colonnes de la NR, Philippe Briand assurait que les impôts n’augmenteraient pas. Idem pour les dépenses publiques : il ne devrait pas y en avoir en plus, puisque cette hausse des effectifs se fait via un transfert de personnel des communes vers la métropole. Par ailleurs, chaque année, la métropole est censée recevoir 5 millions d’euros de l’État. Hop, c’est cadeau.

UN RÔLE RENFORCÉ

Politiquement, la métropolisation, c’est champion (hop, on a déjà trouvé votre slogan). Puisque sur le papier, Tours métropole doit peser plus lourd dans la balance. « Le territoire deviendra un interlocuteur privilégie pour l’État », rappelait récemment le président de l’agglo Philippe Briand, dans Tour(s)plus Le Mag. Les discussions avec l’État étant simplifiées, ce sont aussi les financements plus lourds qui seront facilités.
Pour faire simple, la métropolisation représente en fait une organisation plus moderne. Mais concrètement, pour les habitants, le quotidien ne changera en rien.

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QU’EN DISENT LES OPPOSANTS ?

D’aucuns ont critiqué l’absence de concertation des citoyens pour ce passage en métropole. C’est le risque avec le sujet métropole : le débat est effectivement monopolisé par les élus au détriment du débat citoyen. Si beaucoup admettent que la métropole pèse plus lourd, les opposants estiment aussi que l’absorption des compétences des communes à une échelle plus vaste entraîne une perte de pouvoir local. D’où l’inquiétude de certains maires de petites communes qui imaginent le pire : être soumis à la toute-puissance d’une seule entité qui deviendrait un peu l’ogre qui dévore tout.

D’autres, à l’instar du journal satirique grenoblois Le Postillon (Grenoble est passée métropole en 2015), regrettent le fait même de « métropoliser » : « Aujourd’hui, on gère les territoires comme des entreprises : il faut donc croître ou mourir. »

AMOUR POLITIQUE

Élus de tous bords, ont – en très très large majorité – soutenu le dossier de métropole. Suffisamment rare pour être noté. Philippe Briand (Les Républicains) et le député Jean-Patrick Gille (PS) sont les deux artisans ayant le plus œuvré à sa concrétisation. À coup d’annonces sur les réseaux sociaux et déclarations dans la presse, les deux élus n’ont cessé de communiquer sur un projet qu’ils estiment historique et obligatoire.
Bref, ils ont marché main dans la main tout du long. Comme quoi, la métropole aura au moins permis de dépasser les clivages politiques. C’est déjà ça.

[nrm_embed]<blockquote class= »twitter-tweet » data-lang= »fr »><p lang= »fr » dir= »ltr »><a href= »https://twitter.com/hashtag/DirectAN?src=hash »>#DirectAN</a> l’article 41 ouvrant le statut de métropole pour <a href= »https://twitter.com/hashtag/Tours?src=hash »>#Tours</a> adopté en 2eme lecture

Classe inversée : une révolution pédagogique ?

Donner un cours aux côtés des élèves et non pas uniquement en face d’eux, c’est le principe de la classe inversée. Découvrez cette pédagogie qui se développe avec ce lexique désordonné !

Rapide et amusant, les test Plickers font participer toute la classe.
Rapide et amusant, les test Plickers font participer toute la classe.

On l’appelle pédagogie « inversée » car elle bouscule les codes du cours traditionnel magistral. Le professeur ne délivre plus seulement un savoir devant les élèves qui l’écoutent sagement, il les invite beaucoup plus à échanger en classe et à interagir avec lui ou avec les autres élèves. Une pédagogie du « côte à côte, plutôt que face à face » comme le définit Héloise Dufour présidente de l’association Inversons la classe.

En pratique, l’élève réalise chez lui des tâches simples via des vidéos et des supports numériques. Il a ainsi accès aux cours avant la leçon et peut y retourner à tout moment de l’année. En classe, il étudie ensuite les notions dites complexes à travers une pédagogie active (travaux de groupes, argumentations…).
Le professeur aura ainsi plus l’occasion de « répondre à des questions que les élèves se posent, plutôt qu’à des questions qu’ils ne se posent pas », résume le ministère de l’Éducation qui promeut cette nouvelle façon d’enseigner. Une Semaine de la classe inversée, du 30 janvier au 3 février, permettra d’ailleurs d’entrer dans ces classes différentes.

À Tours, six classes inversées ont été mises en place au lycée Sainte-Ursule depuis septembre. Cécile Cathelin professeure de lettres et Delphine Péron professeure de mathématiques appliquent cette méthode de la seconde à la terminale. Petit lexique pour mieux comprendre.

À Sainte-Ursule, deux classes sont dédiées à cet enseignement et équipées d’un vidéoprojecteur et d’un ordinateur.
À Sainte-Ursule, 2 classes sont dédiées à cet enseignement et équipées d’un vidéoprojecteur et d’un ordinateur.

 >> POUR LIRE L’AVIS DE PROFS, ÉLÈVES ET PARENTS, C’EST A LIRE ICI ! <<

I… comme îlot

9 h. Des élèves de seconde rentrent en classe de maths avec Delphine Péron. Ils s’agglutinent devant le bureau. « T’es avec qui ? » Ils sont placés par groupe de cinq ou six sur des « îlots » de tables dispersées dans la classe. Ainsi disposés, ils vont travailler ensemble pour construire le cours et l’expliquer à leurs camarades.
Delphine Péron s’assoit à leurs tables pour leur donner des explications. En Français, le placement est choisi. Pour Cécile Cathelin, professeure de lettres, « cette disposition permet de construire une relation plus proche avec les élèves ».

P… comme « Plickers »

« Tournez la figure que je vous ai distribuée en positionnant la lettre de votre réponse vers le haut », demande l’enseignante de maths. La question et trois réponses s’affichent au tableau. Les élèves lèvent non pas le doigt mais leur feuille. Et là, surprise, Delphine Péron sort son smartphone et balaie la pièce avec sa caméra. En un instant, l’application « Plickers » scanne les figures et calcule le taux de bonnes réponses. Tout va très vite. Ces outils numériques sont nombreux dans la pédagogie inversée, ils permettent de gérer le temps autrement et de capter l’attention des élèves.

W… comme web

Les deux professeurs alimentent leur site : vidéo, plan de travail, jeux interactifs, exercices, notes de cours, méthodologie… « Ceux qui n’ont pas vu la vidéo ont manqué quelque chose, maintenant, vous pouvez mettre vos écouteurs et la regarder sur votre téléphone », suggère Cécile Cathelin en cours de français. Le smartphone devient un outil de travail.

À côté des manuels scolaires, des outils familiers : l’ordinateur et le téléphone.
À côté des manuels scolaires, des outils familiers : l’ordinateur
et le téléphone.

A… comme autonomie

L’objectif, c’est aussi de préparer les élèves à des méthodes universitaires en leur donnant des outils et une organisation : « J’ai pas eu le temps », se plaint une élève de première. « Applique la méthode, APR : anticiper-planifier- réviser », lui répond sa professeur de français la renvoyant vers le plan de cours.

S… comme solidarité

« On souhaite que les élèves s’entraident », explique Delphine Péron. Cette façon de faire peut déstabiliser les bons éléments, habitués à retenir les notions en cours et à moins travailler chez eux. Pour ceux-là, c’est aussi apprendre à partager ses connaissances.

E… comme effervescence

« S’il-vous-plait, moins de bruit ! » C’est le risque avec les cours non-magistraux ! Cela peut même freiner certains professeurs à utiliser cette méthode. Les élèves chuchotent, parfois rigolent, se lèvent en toute liberté, mais ils ont du travail et une note de groupe !

La personnalisation de la salle, rend créatif les élèves et créé une ambiance chaleureuse
La personnalisation de la salle, rend créatif les élèves et créé
une ambiance chaleureuse

B… comme bac

« Parce qu’il y a le bac, on ne peut pas appliquer cette méthode » est un argument des profs réfractaires. Pourtant les devoirs sur table sont toujours d’actualité dans ces classes et les élèves sont plus motivés. « Actifs, ils retiennent dix fois plus », explique Delphine Péron.

D… comme diffusion

La mise en place de cette pédagogie inversée au lycée a fait quelques émules parmi les 68 enseignants de l’établissement. Sophie Gaspar, en histoire-géo, Marie Hersperger, en lettres, Mariel Murciano en espagnol et Johan Guiton, professeur de musique ont emboîté le pas sur une partie de leurs cours.

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La discussion en petit groupe permet d’établir un lien entre les élèves et les professeurs.

Pauline Phouthonessy

Classe inversée à Tours : l’avis des concerné(e)s

Après la leçon, place aux travaux pratiques. Que pensent les élèves, le directeur, les professeurs et les parents, de cette pédagogie inversée ? Tour de table.

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ALAIN CERRUTI, DIRECTEUR DU LYCÉE SAINTE-URSULE, SOUTIENT LA CLASSE INVERSÉE

« L’équipe pédagogique a toujours recherché de nouvelles pédagogies et plus particulièrement depuis deux ans. Par rapport aux élèves qui manipulent sans problèmes les outils numériques, la pédagogie plus traditionnelle n’est peut-être plus à la hauteur. Il faut que les profs se mettent au niveau des jeunes en termes de technologie. »

NICOLAS, ÉLÈVE DE PREMIÈRE

« Aller sur le site n’est pas une contrainte, même si on a plus de travail chez soi, c’est un avantage, on peut y accéder quand on veut et on travaille mieux à la maison. Pour le bac, on y trouve plus de choses, la trace des cours et des méthodes sur lesquelles on peut revenir quand on veut. »

MARIE-LIESSE, ÉLÈVE DE PREMIÈRE

« Il y a plus d’interactivité dans ces cours. Je trouve ça important de savoir travailler en groupe, échanger, communiquer et utiliser l’ordinateur, le téléphone… On le fera en tant que citoyen et dans le monde du travail. »

AGNÈS*, MÈRE DE LOUISE, ÉLÈVE EN SECONDE

« Elle aimait déjà le français, mais là, je la trouve très épanouie et super heureuse. J’ai l’impression qu’elle n’apprend pas. Par exemple, elle a réalisé des recherches pour un exposé pendant les vacances et elle s’investie vraiment, elle était ravie. Cette professeure de français donne aux élèves une impulsion, leur dit qu’ils sont capables de faire des choses avec les outils de leur temps. » (* Le prénom a été changé)

SOPHIE GUILLET, MÈRE DE MARTIN EN SECONDE

« Depuis la 4e, Martin était un peu réfractaire aux mathématiques. Quand il est arrivé dans la classe de Madame Péron à la rentrée, il a vu les maths d’une autre façon. Au 1er trimestre ça a été une révélation. Les maths sont devenues ludiques pour lui. Il est passé d’un moyenne de 11 à 16 et envisage peut-être une première scientifique. Je suis super contente surtout parce qu’il a retrouvé confiance. En revanche, il faut vraiment que l’élève ait un ordinateur pour travailler, il va y passer du temps. »

ALICE, ÉLÈVE DE PREMIÈRE

« Il manque juste le wi-fi dans la salle… Ce serait bien que d’autres cours ce passent comme ça. On a envie de venir en cours ! ».

CÉCILE CATHELIN, PROFESSEURE DE LETTRES

« On a passé notre été avec Delphine à tout préparer pour la rentrée. Il nous faudra environ deux ans d’expérimentation ; nous échangeons quotidiennement avec nos collègues lancés cette aventure via Twitter, des salons, des des MOOCS. Pour rien au monde ne retournerait en classe en rangées frontales ! »

>> Retrouvez notre reportage en classe inversée << 

Loi sur le renseignement : pourquoi Jean-Patrick Gille a voté contre

Le député PS Jean-Patrick Gille, a voté contre la loi de surveillance qui était présentée la semaine dernière à l’Assemblée nationale. Il nous explique ce choix.

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Pourquoi ce non, alors que la majorité des députés PS ont voté pour ?
Je comprends tout à fait que le gouvernement légifère pour moderniser le renseignement en France. Mais cette loi pose l’éternelle question : à quelles libertés doit-on renoncer pour plus de sécurité ? J’ai voté contre au nom de la défense des libertés publiques et de l’individu. J’ai la conviction qu’il n’y a pas assez de garanties notamment sur ces fameuses boîtes noires. Il sera impossible de voir le contenu de vos messages mais l’idée, c’est de faire des connections avec les personnes que vous contactez ou les sites que vous visitez.

Qu’est-ce qui vous gêne précisément ?
Quand vous créez une loi sur le renseignement, ce qui est compliqué, c’est que les procédures se passent avant d’entrer dans le domaine judiciaire. Aucune des demandes n’est encadrée, dans ce projet, par la justice. Au moment où vous mettez quelqu’un sur écoute, c’est l’exécutif qui est directement responsable, ce qui veut dire que les pratiques sont en fonction de qui est au gouvernement. Une démocratie existe quand il existe des contre-pouvoirs. Là, il n’y en a pas. Je pense qu’il faudrait réintroduire la présence d’un juge.

Le projet de loi met pourtant en place une commission qui devra valider les demandes ?
J’ai été ébranlé par la position de Jean-Marie Delarue qui est l’actuel président de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. Il déclare que la future commission aura moins de pouvoir que celle qui opère actuellement et que le projet de loi prévoit qu’en cas d’urgence, on puisse carrément l’outrepasser. Je ne fais pas de procès de mauvaises intentions à mes camarades au gouvernement. Je pense juste que c’est la pratique qui va dicter l’utilisation de cette loi. Et l’Histoire nous montre bien qu’un gouvernement peut en abuser.

Loi sur le renseignement : « Des dispositions liberticides »

Christopher Talib est chargé de campagne à la Quadrature du Net. L’association défend les droits de l’Homme dans la société numérique. Interview.

Logo de la Quadrature du Net
Logo de la Quadrature du Net

Le 19 avril, François Hollande a annoncé qu’il saisirait le Conseil constitutionnel pour la loi sur le Renseignement…
Tout le monde a été surpris qu’il annonce ça. Le problème, c’est qu’il y a saisine sans raison. Il est possible que le Conseil constitutionnel ne voit pas où est le problème ici. Il faut montrer que telle ou telle disposition pose un souci. Il a fait ça pour effacer le débat public.

Tout le monde ne connaît pas votre asso. Quelle est la position de la Quadrature du Net sur ce projet de loi ?
On est contre ! (rires) Nous sommes une association de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet. Donc contre cette loi aux dispositions liberticides et cette surveillance de masse. Il y a un manque de contrôle citoyen ! Des tonnes de données vont être ratissées, alors qu’on nous dit que c’est pour aider dans la lutte contre le terrorisme… Tout sera couvert par le Secret défense. Un citoyen ne pourra donc pas savoir lesquelles de ses données ont été récupérées…

Une disposition crée vraiment la polémique : les boîtes noires…
Ce n’est pas une petite boîte noire, c’est une immense armoire ! (rires) On place ça au coeur du réseau, afin de brasser les données. On nous dit que ça fonctionne avec un algorithme. Or, ils vont devoir regarder tout le monde pour identifier ces comportements suspects. Ils disent que celles-ci seront détruites. D’accord, mais… le problème de base, c’est qu’ils les aient !

Si je masque mon adresse IP, je suis potentiellement suspect ?
Pour avoir des suspects, il faut déjà les modéliser, une norme. Que va-t-on faire des comportements alternatifs ? Ceux qui naviguent sur Tor (qui permet de surfer anonymement, NDLR), ou XMPP (un protocole de messagerie instantanée) ?

C’est utopique de dire qu’il est possible de contourner cette loi ?
C’est faisable. Si on construit un mur pour se protéger, il ne servira à rien si l’attaque est aérienne… Quand on voit les réseaux d’Al Qaïda, ils savent comment se cacher et ne pas être fichés.

Si j’écris un message privé sur Facebook à quelqu’un, on pourra le lire ?
Non, la NSA les lit déjà.

Vous dites donc qu’on est tous épiés ?
Les géants du web qui se plient aux services secrets, c’est une violation des libertés individuelles. Est-ce qu’on accepterait, dans la rue, d’avoir une grande plaque autour du cou avec toutes nos données, notre identité, d’où on vient, ce qu’on a fait ? Non.

Vous utiliseriez le terme de « dangereux » pour cette loi ?
Clairement. J’ai découvert que ce projet de loi était dans les cartons depuis longtemps. Seule la disposition sur les boîtes noires est récente. Les hébergeurs n’ont même pas été contactés au début.

Selon vous, le gouvernement passe-t-il en force ?
Oui. Le renseignement doit être modernisé, c’est évident. Mais ça ne se fait pas dans l’urgence. Il faut un vrai débat pour respecter la liberté des gens. Il faut des gardes-fous, car un service de renseignement peut toujours déraper.

Plus d’infos sur le site de la Quadrature du Net.

→ Retrouvez notre dossier intégral sur la surveillance Internet par ICI.

Internet : mais que fait Big Brother ?

Les députés devraient adopter, sans surprise, le projet de loi relatif au renseignement lors d’un vote solennel le 5 mai. Mais entre cette loi, les Google, Facebook et consorts, doit-on se demander si l’on est tous et toutes surveillé(e)s ?

Libéréééé, surveillééé…

Image17La loi sur le renseignement continue de faire débat. Encore plus après l’attentat déjoué à Villejuif (un suspect a été arrêté le 19 avril). Les pro et les contre s’affrontent. Les premiers en sont certains : la loi est nécessaire pour prévenir et lutter contre le terrorisme. Les seconds y voient une loi liberticide et une surveillance de masse.
Officiellement publié le 19 mars, puis discuté le 13 avril (30 députés sur 577 étaient présents ce jour-là…), le projet de loi relatif au renseignement est une étape supplémentaire dans l’après-Charlie. But assumé ? Légaliser les pratiques – jusque-là illégales – des agents de renseignement. Comment ? En autorisant la pose de micros dans un appartement ou un véhicule, écouter les communications téléphoniques (avec les IMSI-catchers qui fonctionnent dans un rayon d’un kilomètre), utiliser des balises GPS… Le tout, sans l’accord d’un juge. Le gouvernement veut détecter les comportements « suspects ». Le renseignement pourra donc désormais récupérer les métadonnées des échanges électroniques et surveiller le clavier de n’importe qui perçu comme suspect.

Cela ne concerne pas uniquement la lutte anti-terroriste. Car quand on parle de renseignement, on y inclut d’autres domaines (scientifique, économique…). « L’espionnage industriel, par exemple, fait partie du renseignement », rappelle Christopher Talib, de la Quadrature du Net. Vent debout contre certaines mesures (grâce à des boîtes noires, il sera possible d’espionner à la source, par exemple chez les fournisseurs d’accès), certains hébergeurs ont menacé de quitter le pays.
« Oui, mais si on n’a rien à se reprocher ? » Certes. Mais l’ensemble du trafic étant surveillé (puisqu’il faut déceler ces fameux comportements suspects), vous le serez tout autant. À vrai dire, les géants du web vous épient déjà. Facebook vous connaît mieux que votre môman et sait tout de vous (d’après les conditions d’utilisation, section 2.1, vous acceptez que vos données leur appartiennent). Le scandale Prism a prouvé que la NSA pouvait avoir un œil sur vos conversations. Google monnaye vos données aux publicitaires. En cliquant sur « j’accepte » en jouant à Candy Crush, vous les laissez accéder à un paquet de vos infos.
En 2013, l’un des boss de Google, Vint Cerf, un des pères fondateurs d’internet, disait qu’il serait de plus en plus difficile pour eux de garantir la vie privée. « La vie privée peut être considérée comme une anomalie », clamait-il fièrement. Visionnaire ?

>>> CLIQUEZ SUR LA PHOTO POUR DÉCOUVRIR LA SURVEILLANCE SUR LE WEB EN CHIFFRES :

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→Retrouvez ici l’interview de Christopher Talib, de la Quadrature du Net, à propos de la loi sur le renseignement

69 % des Français pensent que la loi sur le renseignement est utile (sondage Odoxa pour Le Parisien). 54 % pensent cependant qu’elle porte atteinte aux libertés et seulement 34 % font confiance au gouvernement pour protéger la vie privée.

>>LA PHRASE « Personne ne pourra écouter votre conversation, aucun service, sans demander une autorisation. » François Hollande, sur Canal + le 19 avril, à propos de la loi sur le Renseignement. Il a promis de « saisir, au terme de la discussion parlementaire, le Conseil constitutionnel ».

→ NEUF CLASSIQUES DU « JE TE VOIS »

Parce qu’à côté de ces neuf œuvres, films et livres, la loi sur le renseignement, c’est vraiment de la gnognotte ! Pfeuh.

DOSS_IMAGE1Minority Report
Inspiré d’une nouvelle de Philippe K.Dick, le film de Spielberg parle d’un système de prévention sophistiqué. Une brigade Pré-Crime et ses précogs prévoient les crimes à l’avance. Certains le comparent à notre loi du renseignement. Avec Tom Cruise en moins.

1984 DOSS_IMAGE2
Roman culte de George Orwell (1949) : c’est à lui qu’on doit le fameux Big Brother (vas-y, regarde-moi, oh oui !) dans une société de surveillance, de réduction des libertés et de « télécrans ». Référence pour journalistes en panne d’inspi (nous y compris).

DOSS_IMAGE3Citizenfour
Un docu signé Laura Poitras sur l’ancien employé de la NSA, Edward Snowden. Le lanceur d’alerte est maintenant reclus à Moscou. La réalisatrice, elle, est exilée à Berlin. Morale ? Balancer que nos communications sont espionnées coûte cher en déménagement.

Les Simpson – le film DOSS_IMAGE4
Dans l’adaptation ciné de la série, la famille Simpson découvre que la NSA et le gouvernement surveillent leurs conversations. Le scandale PRISM des écoutes de la NSA éclatera en 2013. Le film, lui, date de 2007… Edward Snowden/Edward Simpson ? #complot.

DOSS_IMAGE5La grande surveillance
ADN, caméras de surveillance, internet, portables… Argh, n’en jetez plus : vous êtes tous et toutes fliqués, espionnés, fichés. Grâce à l’enquête de Claude-Marie Vadrot, vous ne pourrez plus dire que vous ne saviez pas. Un petit verre de parano ? Volontiers.

Ghost in the shell DOSS_IMAGE6
Manga futuriste de Masamune Shirow, avec un cyborg et un cybercriminel qui prend le contrôle d’un humain, via le Réseau numérique mondial, soit l’évolution d’internet. Ça vous apprendra à faire confiance au web (et aux cyborgs). Prends ça Mark Zuckerberg !

DOSS_IMAGE7Open Windows
Un jeune fan (Elijah Wood) accepte d’espionner sa star préférée via son ordinateur. Avant d’avoir de grooos problèmes. Un film qui prouve que 1) même un ordi éteint vous espionne, 2) c’est pas bien de mater, 3) l’ex-star du porno Sasha Grey est devenue sage.

La zone du dehors DOSS_IMAGE8
Roman de Damasio sur une société fliquée, où les gens sont formatés et se surveillent même entre eux. Sauf un groupuscule contestataire qui va faire son bazar. De quoi calmer les pseudo-révolutionnaires sur Facebook, car il n’y a plus de frites à la cantoche.

DOSS_IMAGE9Projet échelon
Le film de Martelli se focalise sur des opérations de surveillance de masse, dirigées par la NSA (encore eux !) : ou comment permettre à ses agents d’écouter et voir n’importe qui, via un téléphone même éteint. Pire que Facebook et que votre maman réunis.

→ BOÎTE NOIRE : KEZAKO ?

3 QUESTIONS À… Laurent*, développeur en Touraine

On a beaucoup parlé des boîtes noires pour la loi sur le renseignement. Mais qu’est-ce que c’est ? Comment ça fonctionne ? Image18
Ça se place au niveau d’une infrastructure réseau, au plus bas en terme de protocole. Comme c’est un protocole réseau, c’est casse-pied à étudier, analyser et mettre en oeuvre. Concernant sa mise en place, la boîte noire voit passer tous les flux, c’est-à-dire les échanges sur le réseau. Elle regarde les « paquets ». On va regarder à quoi ressemblent les données. En fait, c’est le principe du colis à La Poste : il y a l’adresse et le nom sur l’extérieur et le colis en lui-même. Pour cette loi sur le renseignement, on ouvre les « paquets ». Comme si on ouvrait le colis à La Poste. Et on regarde le contenu.

On a beaucoup parlé d’algorithme. Vous pouvez l’expliquer simplement ?
C’est une recette de cuisine ! Avec cette loi, en fonction du contenu des « paquets », on cherche tel type de mot. Est-ce que le mot « attaque » est proche du mot « Paris », par exemple. On peut voir combien de fois un terme est employé et répété.

En tant que développeur, quel est votre avis sur la loi ?
La question est vaste et sensible. Je pense qu’ici, ce ne sont ni les bons outils, ni la bonne façon de faire. De plus, ce fonctionnement peut être mis en défaut. Avec des canaux chiffrés, des services qui servent à chiffrer un tunnel de communication ou simplement se voir dans la vraie vie… En fait, là, on légalise simplement certaines pratiques déjà courantes. Croyezmoi, certaines entreprises et sociétés ont déjà des boîtes noires…
* (le prénom a été modifié)

Plan anti-tabac : "Il faut surtout penser aux jeunes"

Interview de Jeanne Mesmy, déléguée prévention de la Ligue contre le cancer 37. Elle est ancienne médecin et tabacologue.  Elle réagit à l’annonce, par Marisol Touraine, du plan anti-tabac.

Le paquet neutre devrait arriver en 2016. Qu’est-ce que cela vous inspire ?  
En tant que tabacologue, je suis tout à fait pour ! Je pense que c’est efficace, puisque les cigarettiers sont prêts à intenter un recours devant le Conseil d’Etat. Ils ont peur. En Australie, où cela a été expérimenté, il y a eu une baisse des ventes. Donc ils ont peur que ça se répercute. Le but, c’est que les jeunes ne soient pas attirés par les paquets collector, l’aspect, les couleurs, la forme, l’emballage…

Vous parliez de l’Australie, seul pays à avoir mis en place les paquets neutres. Il y a eu une baisse de 3 % dans les ventes. N’est-ce pas dérisoire comme chiffre ?
En France, s’il y a -3 % des ventes, avec 13 millions de fumeurs, ça fait beaucoup. Il faut voir sur le long terme pour les conclusions. Là, on a déjà les photos choc sur les paquets. La taille est correcte, mais pas assez grande encore. Et il faudrait les renouveler, car les fumeurs s’habituent à ces images. Il faut surtout penser aux jeunes…

Avez-vous été concertés pour cette idée du paquet neutre ?
Effectivement, je travaille au groupe « Sortir du tabac ». C’était une de nos demandes. Une ville sans tabac, c’est une ville où l’on respecte les lois.

Une augmentation de 30 centimes du paquet est dans les tuyaux. Les effets sont-ils là ?  
Les prix augmentent tous les ans. Mais il n’y a qu’avec de grosses augmentations (par exemple, sous l’ère Chirac) que cela a entraîné la disparition d’un million de fumeurs sur 2003-2004. Ensuite, les augmentations se sont faites moins fréquentes et importantes (-6%). Peu décrochaient, car ce n’est pas suffisant. Une hausse de 10 % serait l’idéale. Les vrais dépendants continueront, mais on doit décourager les jeunes.

A votre niveau, comprenez-vous la grogne des buralistes ?
C’est difficile, mais les buralistes ont des aides, ils peuvent se diversifier. Le tabac rapporte 13 milliards de taxes, mais coûte 47 milliards pour les soins. Et encore, c’est une statistique qui date de 2006 !

Au final, êtes-vous satisfaite de ce plan anti-tabac ?  
Tout à fait. Il y a de très nombreuses mesures. Après, ce ne sont que des annonces, ce n’est pas encore adopté. Entre les deux, il y a un pas ! C’est important de les mettre en place. Par exemple, l’interdiction de fumer dans une voiture avec un enfant de moins de 12 ans. Même avec les fenêtres ouvertes, 60 % de la fumée reste ! Madame Touraine a plein d’idées formidables… La France a la meilleure législation anti-tabac au monde, mais c’est la moins appliquée…
Propos recueillis par Aurélien Germain
A LIRE AUSSI : Plan anti-tabac, à Tours, un débat qui fait tousser

Paquet neutre cigarette.
Exemple de paquets neutres en Australie.

 

Vidéosurveillance : souriez, vous êtes filmés

Tmv a fait une petite balade… sous l’œil des caméras. Levez les yeux, elles sont plutôt nombreuses et pas forcément où on les attend. Visite guidée et paroles de Tourangeaux

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Il paraît que les murs ont des oreilles… mais aussi des yeux. Si, si, regardez un peu à droite, à gauche, les façades des bâtiments. Mais aussi les poteaux, le tramway, les lampadaires. Vidéosurveillance pour les uns, vidéoprotection pour les autres : peu importe la terminologie, le débat a toujours agité Tours. Pendant la campagne des municipales, Serge Babary (lire notre interview ICI) a répété vouloir de nouvelles caméras dans les rues, notamment dans des « zones sensibles ».
Le bas de l’avenue Grammont est plutôt vide, en matière de caméras, à part autour de la Maison d’arrêt de Tours. Arrivée à la place de la Liberté : les petits yeux sont là. Des boules, appelées « caméras Dome », sont posées sur le réseau du tramway et son environnement. Elles sont gérées par Kéolis, un opérateur privé. Vous ne les voyez pas forcément (d’un côté, qui se balade le nez en l’air ?). Mais curez-vous le nez dans la voiture, vous êtes vus. Embrassez goulûment votre dulcinée à l’arrêt Liberté, en attendant le tram, vu aussi !
Un peu plus loin, en plein quartier du Sanitas, la vidéoprotection hérisse le poil de certains habitants. « Il y a des caméras partout ! Au Palais des sports, au Centre de vie… Le Sanitas, c’est Big Brother ! », lance Ibra.
Accompagné de son ami Jonathan, il traîne dans le quartier et fait la moue à chaque caméra. « C’est pas ça qui va arrêter la délinquance. Ceux qui croient le contraire ne réfléchissent pas. Un type qui voudra voler un autre n’aura qu’à le faire un peu plus loin », souffle-t-il, dépité.
Inefficace, donc ? Catherine Lison- Croze, présidente de la Ligue des droits de l’homme Touraine (LDH37), le pense aussi. « Les caméras ne dissuadent pas. J’étais avocate pendant 40 ans et j’ai bien vu que les gens savaient s’adapter aux moyens de dissuasion. La loi oblige à prévenir de la présence des caméras. Donc on ne fait que déplacer le problème. » Avant d’asséner que « ce qui est ciblé, ce sont les couches populaires, les plus pauvres ». Récemment, Jean Germain, à l’origine de la vidéoprotection à Tours, se justifiait en rappelant que « les gens ont le droit de se promener en ville sans être ennuyés ».
« Le Sanitas, c’est le royaume des caméras. Je ne suis pas contre la vidéosurveillance, mais il ne faut pas exagérer… », soupire André, septuagénaire, vivant dans le quartier depuis une dizaine d’années. Trop de caméras, alors ? Non, d’après quelques habitants croisés. Notamment pour deux étudiantes, Marjorie et Leïla, qui estiment pour leur part que « la vidéoprotection a apporté un bénéfice au quartier. Pas seulement pour la sécurité, mais ça a poussé certains à respecter un peu les bâtiments, les gens, la tranquillité de tous… »
La balade continue. Le soleil tape. On se retrouve devant la gare, baignée par le soleil et où l’on peut apercevoir des caméras « boîtes » : de longs boîtiers, les plus répandus, que l’on voit souvent sur les bâtiments publics. Dites-vous que quand vous courez comme un dératé pour attraper votre train, vous êtes filmés ! Idem tout autour des arrêts de l’arrêt gare du tramway.
Une présence qui ne semble pas beaucoup déranger ici : « C’est même plutôt rassurant, surtout sur le parvis de la gare, le soir. Quand on rentre, seule, on a un peu la trouille… », raconte Sarah, 19 ans. « Et je me mets à la place de quelqu’un qui va se faire piquer son portefeuille. Moi, ça m’arrangerait bien que les vidéos aident à retrouver le voleur ! »
La gare oui, mais le tramway… c’est visiblement plus problématique. En apercevant la petite caméra suspendue à l’arrêt, exploitée par Kéolis, Pierrick, Tourangeau de naissance, se sent « épié et pas à l’aise ». Chaque rame compte deux caméras extérieures et huit intérieures. Ces dernières sont indiquées par de petits écriteaux, au-dessus de vos têtes quand vous validez votre ticket. Sans compter celles disposées aux abords, tout le long de la ligne, Joué-lès-Tours y compris. Un système qui avait, par exemple, permis à la police, en novembre dernier, d’éplucher les bandes vidéos et d’arrêter trois femmes coupables de nombreux vols à la tire dans le tramway.
Début mars, MobiliCités (portail des transports publics et de la mobilité) expliquait que, suite à une demande de Kéolis Tours, le préfet avait autorisé le transporteur à installer 22 caméras aux abords des stations. Seule condition : l’exploitation des images serait du ressort des pouvoirs publics.
S’appuyant dessus, La Rotative, site collaboratif d’informations locales, s’interrogeait sur la visualisation des images filmées sur la ligne de tramway, plus uniquement réservée aux compétences de la police, mais aussi désormais aux agents de Kéolis. En citant un arrêté préfectoral du 20 décembre 2013, qui faisait disparaître la référence de « visualisation de l’image ». « Celle-ci n’est donc plus réservée aux flics (sic), et les agents de Kéolis pourront passer leurs journées à regarder la ville depuis leurs écrans de vidéosurveillance », écrivait La Rotative. Or, la loi stipule bien que le public doit être informé de la présence de vidéoprotection. Si c’est bien le cas à l’intérieur des rames du tramway, tous les arrêts que nous avons visités ne présentaient pas de panneaux pour l’annoncer.
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Alors pour se reposer un peu, direction les quais, au bord de la Loire. On finirait presque par s’habituer à tous ces petits objectifs. En grignotant votre sandwich, sur les marches de l’Hôtel de ville, vous pouvez voir quelques caméras si vous levez un peu les yeux. Il y a aussi celles collées aux banques le long de la rue Nationale, autour du commissariat rue Marceau ou encore aux lycées René-Descartes et Paul-Louis-Courier.
Il est 15 h et une dizaine de collégiens, 16 ans à tout casser, sirotent des bières. Ça fume aussi (mais chut, il ne faut pas le dire). En attendant, une vingtaine de caméras observe tout ça. Julie, en classe de 3e, en rigole : « Bah, de toute façon, ça ne filme pas, c’est juste pour faire peur ! » Sa copine Sandra rétorque : « Au moins, depuis les caméras, c’est devenu plus calme et tranquille ici. »
Un couple, posé au bord de l’eau à bouquiner, ne se dit « pas dérangé » par cette vidéoprotection le long de la Loire. « Il ne faut pas polémiquer pour rien. Le Tourangeau est parano ! Si on n’a rien à se reprocher, où est le problème ? »
Le problème, pour Catherine Lizon-Croze, présidente de la LDH37, c’est le trio effet-coût-liberté. « La vidéosurveillance est inefficace. En plus, c’est une politique onéreuse dans une période de pénurie et d’économie. Et c’est attentatoire aux libertés individuelles. » Un débat loin d’être tranché. « La vidéosurveillance n’est qu’un outil, il ne faut pas caricaturer. Il faut en ajouter, mais ce n’est qu’un outil. La priorité c’est la prévention », a encore récemment rappelé Serge Babary dans la presse locale.
ALLER PLUS LOIN
tours.sous-surveillance.net
Projet né sur le web, c’est une cartographie participative et collaborative qui recense toutes les caméras de vidéosurveillance de Tours. Construit à la manière d’un Google Maps, ce plan indique aussi le nom de l’opérateur, public ou privé, ainsi que l’endroit précis filmé et l’apparence de la caméra (boîte, Dome…)
LES DÉBUTS C’est au Royaume-Uni que s’est généralisée la vidéosurveillance, suite aux attentats de l’IRA. Il reste d’ailleurs le pays d’Europe le plus « télésurveillé », avec au moins 4,2 millions de caméras installées depuis 1990. Londres, la capitale, est la ville qui en compte le plus.
À TOURS Aujourd’hui, il existe près d’une soixantaine de caméras dites de « vidéoprotection », dans la ville. Une quarantaine surveille les bâtiments communaux. Les enregistrements sont archivés durant un mois et détruits ensuite, sauf si la police demande à les consulter.
OBLIGATIONS Depuis la loi du 21 janvier 1995, le public doit être informé de manière claire et permanente de l’existence d’un système de vidéoprotection. De plus, il faut savoir que chaque citoyen a le droit de demander à la municipalité les images enregistrées le concernant.

Cannabis et coffee-shops : et si on ouvrait le débat ?

Cannabis/ Après l’ouverture de coffee-shops dans le Colorado et sa légalisation en Uruguay, tmv s’intéresse à l’éventualité d’une telle « révolution » en France. Débat avec Dominique Broc et Dr Costentin. Du pour…et du contre ! Et vous, votre avis ?

Le 1er janvier, le Colorado (États-Unis) a surpris son monde en ouvrant les premiers coffee-shops. Les consommateurs peuvent désormais acheter légalement du cannabis, à condition d’avoir au moins 21 ans et se limiter à 28 grammes par visite. Le tout, sans même besoin de prescription médicale.  En décembre dernier, en Uruguay, les sénateurs ont carrément approuvé la loi permettant à l’État de contrôler la production et la vente de cannabis, afin de lutter contre le narcotrafic. Une première mondiale.
En France, le pays le plus répressif d’Europe, le débat est loin d’être terminé. Tmv a interrogé Dominique Broc, initiateur et porte-parole des Cannabis social club et Jean Costentin, médecin et professeur au CNRS.

POUR
Dominique Broc, initiateur et porte-parole des Cannabis social club.

dominique broc
Dominique Broc (Photo DR)

Les politiques
Le Tourangeau qui ironise sur la « guerre aux drogués » a toujours la dent dure contre les gouvernements : « Les chefs d’État ont reconnu l’échec de la prohibition politique mise en place depuis 40 ans. Celle-ci a été inefficace, même au niveau social. »

Bien pour l’économie
« Ces coffee-shops américains, c’est bien et pas bien en même temps. On ne voit que le côté économique, car Amérique égale fric. C’est quand même tant mieux pour eux, car l’argent ne tombe pas dans les poches des mafias ». Pour lui, la décision de l’Uruguay est « déjà mieux ».

Conso et pas schizo
Pour le porte-parole, « le cannabis n’est pas responsable de la schizophrénie. La consommation a été multipliée par dix. Ce n’est pas pour autant que le samedi soir, il y a une file d’attente devant l’hôpital psychiatrique ! », indique-t-il en rappelant que « des études ont démontré qu’il n’y avait pas de lien entre schizophrénie et consommation de cannabis ».

Un réveil en France
« En France, ce n’est pas peine perdue. On assiste à un réveil. De plus en plus de gens soutiennent la régulation, alors qu’ils ne consomment même pas ! Par exemple, Daniel Vaillant (du Parti socialiste, il appelait à une régulation contrôlée du cannabis, NDLR) mais qui n’est pas écouté. » Dominique Broc souhaite que l’on aille plus loin : « il faut être responsable et assumer qu’il y a 10 % de consommateurs quotidiens en France. Pourtant, on est toujours considérés comme des criminels… »

Attention aux jeunes
« Adolescent, on n’a pas à acheter de la drogue aux dealers ! Si la politique de prévention avait été bien faite, il n’y aurait pas ça », répète Dominique Broc. « On aurait pu expliquer, être sérieux, dire que le cerveau se forme en dernier… »

Le souci, c’est donc du côté de la jeunesse selon lui. « Les gamins consomment trop tôt et ne sont pas informés. Le cannabis est dangereux pour un ado. Les problèmes d’addiction commencent très tôt. »

Cannabistrot
Coffee-shops ou pas, alors ? Dominique Broc propose des « cannabistrots » : « Des points de vente, réservés, encadrés, avec gestion des membres et une production française ». Il propose qu’on « prenne ces petites mains qui bossent illégalement pour un vrai travail dans des cannabistrots. Cela libérerait du temps pour la police face aux vrais trafiquants et aux vrais criminels… »

De toute manière, il estime impossible l’ouverture de coffee-shops en France. « Les Français ne sont pas informés. Ils en auraient une autre vision, sinon… » Avant de conclure : « Il y a beaucoup de consommateurs mais on laisse le marché aux mafias. Est-ce responsable ? »

√ Retrouvez nos archives web sur Dominique Broc et son Cannabis social club ici.

CONTRE
Jean Costentin, professeur de pharmacologie CNRS et faculté de médecine de Rouen.

Jean Costentin (Photo DR)
Jean Costentin (Photo DR)

Son avis sur l’actu
Concernant l’Uruguay, « c’est une décision législative, mais les sondages ont montré que la population était en majorité opposée ! Dans le Colorado, c’est une votation citoyenne », rappelle Jean Constentin, tout en admettant « les premiers effets économiques ».

Les coffee-shops
Pour les coffee-shops néerlandais, il pense que « ces lieux sont là pour attirer le  »frenchie », le Luxembourgeois, le Belge… On y a fait des fouilles et ceux qui venaient chercher du cannabis avaient aussi de la cocaïne etc. »

Jusqu’à 8 semaines dans les urines
« Mon problème – car je suis médecin – c’est qu’on avait à l’époque des présomptions sur les effets du cannabis. Mais le travail neurobiologique a vérifié ces suspicions. » Le professeur rappelle alors que c’est un « produit accrocheur, même si c’est une drogue douce comme le tabac ». « On a 1,5 million d’usagers réguliers qui bravent la loi pour satisfaire leur appétit. De toutes les drogues, le THC (le tétrahydrocannabinol, la molécule contenue dans le cannabis, NDLR) est le seul à se stocker durablement dans l’organisme, car il est soluble dans la graisse. Or le cerveau est riche en lipides. C’est là où se stocke le joint. Un joint égal une semaine dans la tête ! » Il rappelle alors que les consommateurs réguliers qui arrêtent du jour au lendemain auront encore des traces de cannabinoïde dans leur urine « pendant huit semaines ».

Les effets du cannabis sur l’organisme
Côté effets, Jean Costentin est à l’opposé de Dominique Broc. Il cite notamment les « effets aigus, le sournois, comme les perturbations de la mémoire : un effet désastreux pour notre pays et l’Éducation nationale. Le THC perturbe la mémoire de travail, par exemple le fait de terminer une phrase qu’on a commencée. »

Il parle aussi des « troubles amotivationnels, l’effet  »ça plane pour moi » », mais aussi « l’effet anxiolytique chez les sujets anxieux. Il va en abuser, ça ne fera plus rien sur l’anxiété, mais ça sera dix fois pire plus tard. » Le docteur s’agace « de l’effet pseudo anti-dépresseur » du cannabis et parle de risque de suicide accru, puisqu’il y a une « corrélation entre suicidalité et consommation ».

Attention aux ados
Le seul rapprochement à effectuer entre nos deux interlocuteurs concerne le cannabis chez les jeunes. « Plus tôt l’essayer, c’est plus tôt l’adopter et plus vite se détériorer. Car le cerveau de l’ado est en maturation », insiste le docteur, précisant que fumer va agir intensément sur les grands axes neuronaux et les synapses.

Cannabis = schizophrénie
Pour le médecin, le rapport entre cannabis et schizophrénie est avéré. Il cite ainsi diverses études, notamment celle réalisée en Suède dans les années 70, époque où le pays était laxiste en la matière. Une étude gigantesque qui a suivi « 50 000 appelés aux armées et vus par des psys » et a prouvé « qu’avoir fumé plus de 50 joints avant ses 18 ans multipliait par six le risque d’être schizophrène ». Désormais, le pays a changé toute sa législation et l’explicite « depuis la maternelle, avec 40 h de cours. Le pays a maintenant la plus faible incidence des toxicomanies ».

Dosage ?
Jean Costentin fustige les coffee-shops, dans lesquels « le cannabis n’est pas du tout moins dosé qu’ailleurs ! » Il parle de « manipulation et sélections génétiques » et rappelle que la demande du consommateur est un dosage plus fort, car de fait plus accrocheur. « Le fait de réglementer ne raisonnera pas les gens. »

Cannabis, tabac, alcool
Le cannabis étant mélangé avec du tabac pour rouler un joint, le Dr Costentin rappelle que ce mélange multiplie par 6 à 8 le facteur de goudron cancérigène et de 200°C la température de combustion. « Il y a 73 000 morts par an à cause du tabac. En 2030, il y en aura 90 000, sachez-le… »

Enfin, il précise que « cannabis + alcool font très mauvais ménage. Notre pays macère dans l’alcool, c’est une folie supplémentaire. Il y a une démagogie dans tout ça… »

« Une folie »
Ce débat ? « Une folie », pour le médecin qui se dit « hors de lui » et parle « en tant que professionnel, docteur, père et grand-père ». Avant de conclure : « Touche pas à nos mômes ! »

  @rrêt sur images : « Cannabis, et si on parlait santé ? » avec J. Costentin
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Propos recueillis par
Aurélien GERMAIN