Cancer du sein : à Tours, accompagnement et bien-être

Au CHRU de Tours, les femmes atteintes de cancer du sein disposent d’un large panel de soins d’accompagnement, des conseils en maquillage à la reconstruction de l’aréole mammaire.

Un visage qui s’éclaire tandis que Virginie applique méticuleusement du vernis rose sur les ongles de sa patiente, lui caressant au passage la main et la réconfortant de ses mots. Virginie Doguet est socio-esthéticienne à l’hôpital de jour de cancérologie de Bretonneau.

Salariée par la Ligue du cancer, son rôle ne se limite pas à prendre soin des mains, des visages et dispenser des conseils en maquillage pour cacher les plaies. « Le dialogue fait partie de mon métier. On est dans le soin du toucher, le bien-être et ainsi les tensions des patients se lâchent, ce sont des moments de confidence. On peut parler de choses superficielles comme d’autres plus graves, la maladie ou la mort. Cela permet de désamorcer les tensions et ensuite, je relaie aux équipes soignantes ou au psychologue. »

La socio-esthétique fait partie du panel des soins d’accompagnement (dits « soins de support » dans le jargon médical), proposés depuis des années, mais en toute confidentialité. « L’arsenal de la prise en charge est très large, mais ce n’est pas toujours su à l’extérieur de l’hôpital », confirme la docteur Marie-Agnès By, oncologue, qui coordonne l’activité en hôpital de jour.

« Et pourtant, c’est important pour nous. Pendant une chimiothérapie, si on constate une perte ou une prise de poids, le patient verra une diététicienne ; une assistante sociale est aussi nécessaire car on oublie souvent l’impact financier d’un arrêt maladie de longue durée, la baisse de revenus liés à l’aide à domicile… Tandis que le psychologue aidera aussi bien la personne que ses proches, le binôme est souvent épuisé ».

Les soins d’accompagnement s’adressent à tous les patients atteints d’un cancer suivis par l’hôpital et sont remboursés par la Sécurité sociale, tout le temps du parcours de soin, pendant et après la maladie. « Il a fallu plusieurs années pour motiver les patients. Ce n’est pas simple et après, les retours sont à 100 % positifs », souligne la docteur Marie-Agnès By.

« L’hôpital Trousseau propose la reconstruction de l’aréole mammaire »

Plus les années passent, plus le nombre d’activités augmente, tant les équipes soignantes sont convaincues des bénéfices sur le bien-être. « L’atelier d’éducation thérapeutique aux médicaments avec infirmier et pharmacien apprend à gérer son traitement à domicile, connaître les interactions médicamenteuses avec les plantes ou compléments alimentaires. L’hypnose permet d’améliorer la tolérance du traitement de la chimiothérapie. On propose aussi de l’art thérapie, des activités sportives adaptées comme du yoga en collaboration avec la Ville, et bientôt de la danse de salon. »

Un espace est dédié à cette palette d’activités, la salle ATOLL, dont les murs sont recouverts de photos invitant au voyage et les larges baies vitrées à l’évasion. À l’hôpital Trousseau, les femmes atteintes du cancer du sein bénéficient d’un soin médical particulier après l’opération chirurgicale, qui laisse des séquelles esthétiques et peut aller jusqu’à l’ablation. C’est pourquoi, depuis dix ans, le CHRU propose la reconstruction de leur aréole mammaire.

Là encore, cette activité médicale s’exerce de manière confidentielle, même certains personnels de l’hôpital de Bretonneau l’ignorent ! Trois infirmières, Dina, Eugénie et Aurélie y sont chargées de la dermopigmentation médicale. Il s’agit d’une technique visant à pigmenter le derme de la peau. Dina Castanheira, qui la pratique depuis huit ans maintenant, explique : « Cela n’a rien à voir avec du tatouage. C’est un acte médical simple, sans anesthésie, à l’aide d’un dermographe et de pigments. On dessine, en collaboration avec la patiente, l’aréole, sa forme puis elle choisit la couleur. On essaie de faire un trompe-l’oeil. »

À raison de deux séances, la nouvelle aréole ainsi formée durera de 4 à 5 ans, ensuite elle s’estompe et il faudra la refaire. « Ça ne fait pas mal », précise, satisfaite du résultat, une patiente, qui en a bénéficié l’année dernière. Surtout, souligne Dina Castanheira « c’est essentiel car ce qui définit la féminité du sein, c’est l’aréole. On a voulu que ce service perdure à l’hôpital, on s’est battus pour que tout le monde y ait ainsi accès. »

Textes : Aurélie Dunouau

Reportage : le tatouage dans la peau

À l’occasion de la 6e convention de tatouage de Tours, tmv est allé passer un après-midi dans le salon de son organisateur, histoire de s’ancrer dans le monde encré.

Jack Jouan, tatouant une jeune femme. (Photos tmv)
Jack Jouan, tatouant une jeune femme. (Photos tmv)

« Bon, t’es prête ? C’est parti ! » D’ici une grosse demi-heure, Déborah aura une première rose tatouée dans le haut du dos. Puis une deuxième, symétrique. Un nouveau tatouage qui se rajoutera à ses colombes et à son lys. « Oui, j’ai pas mal de fleurs encrées sur moi, effectivement. Ma mère est fleuriste ! », lance-t-elle en souriant. Jolie jeune femme aux cheveux auburn, elle est venue accompagnée de Philippe, 31 ans, coiffure impeccable et énorme barbe, aussi fan de tatouages. Ses jambes en sont d’ailleurs recouvertes. Les deux travaillent dans un laboratoire pharmaceutique. Et quand ils ont envie d’une séance, ils débarquent chez Jack, du Studio Ray Tattoo.

Jack Jouan est arrivé dans ce salon de tatouage il y a cinq ans. Concentré à tatouer les contours de la rose de Déborah, il manie son dermographe (la machine à tatouer) qui semble minuscule dans ses mains gantées.
Regard sombre, large d’épaule, bracelet religieux à droite, montre classe à gauche : cet imposant Tourangeau de naissance est chic et choc à la fois. Engoncé dans une chemise  élégante, cheveux gominés, barbe taillée au millimètre. Le reste, c’est du tatouage à tout va. Cou, phalanges, ou encore sous l’œil…
Né en 1980 d’un père tourangeau et d’une mère pied-noir née en Algérie, Jack s’est vite distingué par ses dessins. Après un tour en Loire-Atlantique, il est revenu à Tours, poussé par sa famille. « Et ma petite fille. » Lui qui est tombé dans cet univers « par hasard » a rapidement choisi la voie de l’auto-didactisme. « Je me suis formé tout seul, à coup de vidéos et d’émissions, tout en m’intéressant à différents artistes. »

Le pied sur une pédale (qui fait fonctionner le dermographe), Jack continue de « piquer » le dos de Déborah. Il essuie les quelques gouttes de sang qui perlent et trempe son faisceau d’aiguilles dans un petit pot à usage unique, rempli d’encre noire. Celle-ci est déposée dans un espace assez précis à la limite entre le derme et l’épiderme. D’où le tatouage à vie.
Déborah et Philippe en sont presque devenus accrocs. « Une fois que t’es lancé, difficile de s’arrêter ! », expliquent-ils.

« Brrrzzzzzzz ». Le petit bruit de la machine à tatouer continue et se mêle aux grosses guitares des Guns N’ Roses et à la voix criarde d’Axl Rose. Un morceau ultra-calme de Johnny Cash enchaîne. La salle de tatouage ressemble à un appartement du vieux Tours, poutres apparentes et cheminée abandonnée. Il y a une chaîne hi-fi vintage, des feutres posés dans un étui à violon et des posters au mur. Dans l’étagère du fond, au milieu d’un livre Playboy et sur les orchidées, s’entassent des ouvrages sur Dalí, Michel Ange et d’autres peintres. « Je suis spécialisé dans le réalisme et les portraits. Je suis influencé par des artistes de l’Est et j’essaie d’y apporter des couleurs ou quelque chose qui ressort. », indique Jack.

Dès qu’il a fini de poser sa patte sur une des peaux, place au nettoyage. Tout y passe. « Je désinfecte tout bien entendu. » Le siège, son espace de travail et même ses feutres. Un travail minutieux avant d’encrer le prochain client. Comme cela, toute la journée et parfois jusqu’à 22 h ou minuit…
Jérôme (son prénom a été changé, NDLR) est venu de région parisienne exprès avec sa compagne. Lui va un peu plus souffrir que Déborah : il est venu se faire tatouer dans le cou ! « Tourne ta tête. Voilà, comme c’est bon. »  Le bruit de la machine, comme celui d’une roulette de dentiste en plus sourd, se mêle à la rythmique de la chanson American Woman des Guess Who. Jérôme serre sa ceinture et les dents. Grosse douleur sur la gorge. Vêtu d’un débardeur, on voit ses muscles saillir et tressauter. Finalement, la séance sera écourtée, car sa peau saigne un peu trop et l’encre pourrait s’en aller. Une fois le tatouage bandé et fini, il faudra encore attendre la cicatrisation…

Un cou tatoué, de la folie pour certains ? 5 % des Français en sont adeptes. « Je refuse juste de tatouer les mains et les doigts pour les non-initiés. Sinon, je ne fais pas sur les parties génitales pour les hommes. On a juste eu une ou deux fois des filles qui voulaient quelque chose sur le pubis… », raconte Jack.
Y a-t-il certains motifs qu’il n’accepte pas de faire ? « Tout ce qui est symboles nazis. Hors de question », répond-il du tac au tac. Mais tient à préciser que « le tatouage n’est pas politique » : « J’ai parfois tatoué des skinheads d’extrême gauche, comme d’extrême droite. Mais c’étaient des dessins comme des menhirs, des signes celtiques. Tant que le motif n’est pas tendancieux, croix gammées et compagnie, je le fais. C’est mon boulot. Je me fous des convictions politiques des gens », indique le tatoueur, avant de tracer un parallèle avec la religion. « Moi, je suis catholique et croyant. Mais ce n’est pas pour autant que je vais refuser de tatouer des personnes athées. Je suis hyper ouvert d’esprit. Au delà de tout, j’aime le métier que je fais ! »

Avant de rentrer chez lui ce soir, il aura tatoué des roses, un lettrage ou encore un papillon réaliste. Il aura même vu passer un quinqa, looké comme un cadre BCBG, lui demander « Pouvez-vous faire quelque chose pour les trois tatouages que j’ai sur le corps ? » Surprenant. Mais l’habit ne fait pas le tatouage…

Aurélien Germain.
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A SAVOIR
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√ SALON DU TATOUAGE
Tattoo-Tours-2014Tours accueille sa 6e convention du tatouage et piercing. Au total, une trentaine de professionnels pour ce salon (incorporé au Tours moto show). Le 21 février, de 18 h à 22 h (gratuit) ; le 22 de 10 h à minuit (5 €) et le 23 de 10 h à 19 h (5 €). Au Parc des expos. Retrouvez toutes les infos ICI

√ UN SYNDICAT
Le Snat est le Syndicat national des artistes tatoueurs qui « œuvre pour la reconnaissance du tatouage artistique et la défense » des professionnels en France. Créé en 2003 par le célèbre Tin-tin, tatoueur mondialement reconnu, il compte plus de 1 000 membres.

√ 10
C’est le pourcentage de personnes à posséder un ou plusieurs tatouages en France, d’après le dernier sondage Ifop. La tranche des 18-24 ans est la plus représentée. Aux États-Unis, ils sont 21 % à être « encrés ». Et les plus adeptes sont les 26-40 ans.

Retrouvez aussi notre interview de David Le Breton, Professeur à l’université de Strasbourg et sociologue travaillant sur les représentations et les mises en jeu du corps.
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