A l’Escat, les étudiants font leur cinéma

Ambiance studieuse au sein de la nouvelle école de cinéma de Tours. Les tout premiers élèves de l’Escat se préparent à partir en tournage. Action !

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« Silence, ça tourne ! », demande Aude, réalisatrice en herbe, derrière un cameraman et un patient improvisé, allongé sur une table. « Fais un plus gros plan. Il ne faut pas qu’on la voie dans le champ », avance-t-elle à son camarade, un poil autoritaire. Aude le sait, sur un plateau, c’est chacun sa place.

À ses côtés, Jérémy, premier assistant. Il note l’avancée des prises et répond aux demandes de sa « réal ». Un autre trépied pour la caméra ? Il l’a. Libérer une salle ? Il s’exécute. Discret, son histoire personnelle aurait pourtant de quoi inspirer ces Luc Besson de demain. « J’étais pâtissier-boulanger mais j’écris depuis longtemps des scénarios. J’ai inventé ma première pièce en CE2, se souvient le jeune homme de 19 ans qui finance seul sa formation à l’Escat. Travailler dans le cinéma c’était un rêve, mais avant, j’ai travaillé un an en Angleterre et j’ai aussi appris beaucoup auprès de grands chefs-pâtissiers à Paris. Revenu à Tours, c’est là que j’ai vu qu’une école de cinéma allait ouvrir. J’étais le premier à appeler la directrice. »

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Comme Jérémy, 53 autres élèves ont été sélectionnés pour faire partie de la première promotion de l’Escat, à Tours-Nord, dans les anciens ateliers des Compagnons du Devoir. Âgés de 17 à 28 ans, ils viennent essentiellement de Tours. Cet après-midi-là, la moitié d’entre eux prépare le tournage de leur troisième court-métrage de l’année. L’autre moitié de la promotion étant déjà partie enregistrer. Tout l’espace a été investi : les deux classes, l’espace cuisine, le « foyer », le plateau… Divisés en quatre groupes, ils ont deux heures pour tourner les plans d’un court-métrage de cinq minutes.
Armé d’une « Sony PX-70 », comme on dit dans le jargon, d’une perche et d’un micro, un groupe s’est enfermé dans une salle de classe. C’est Cassandre la réalisatrice. Derrière ses grandes lunettes rondes, elle surveille attentivement le déroulement de la scène dans l’écran de la caméra. Le livreur sonne (enfin… fait semblant), un homme ouvre, un pistolet dans le dos, il prend le paquet et referme la porte. « Coupez ! C’est l’histoire d’un soldat traumatisé par la guerre qui ne trouve pas le sommeil, résume Cassandre. Nous allons tourner dans un appartement la semaine prochaine et un magasin de surplus militaire nous prêtera des éléments de décor. » NEWS_ESCAT (5)

De l’autre côté du couloir, dans la cuisine, autre histoire, autre ambiance : un prisonnier qui sort de prison veut tuer son père… et coupe des oignons avec un énorme couteau. Effrayant. Tout comme l’aiguille qui tourne alors que le groupe n’a filmé qu’un tiers des plans prévus. Dans 20 minutes, ils devront passer au montage pour avoir une idée du résultat et réajuster, voire totalement modifier leur plan de bataille.
« On les met constamment en difficulté de tournage, révèle un professeur fondu dans la masse des étudiants. On leur donne beaucoup moins de temps pour qu’ils apprennent à faire des choix, on les sort un peu de leur cocon pour qu’ils soient préparés à la réalité. Ils ont deux ans de sécurité avant le crash test à la sortie », explique franchement leur professeur Geoffroy Virgery, réalisateur de 25 ans à Tours. Avec lui, ils ont aussi analysé des films, découvert les éclairages et le tournage spécifique pour donner une ambiance nocturne. La théorie et la pratique se rejoignent toujours ici.

DEUX ANS AVANT LE CRASH-TEST

Dans toute cette agitation, Bryan vaque à ses occupations et vide les poubelles du Foyer. « Chaque élève effectue une semaine de régie dans l’année, comme sur un plateau », explique Sarah Chauvet, directrice adjointe.
« On veut qu’ils respectent la profession de régisseur et qu’ils aient une attitude professionnelle ». Dans cette école, pas de notes et la possibilité d’effectuer des stages à tout moment, en fonction des demandes des boîtes de productions. Quitte à louper quelques semaines de cours. « Je suis parti en stage deux semaines sur le tournage d’un téléfilm pour France 3 à Tours. J’ai appris à “ percher ” sans bouger d’un pouce, vérifier les batteries, transporter le matériel… », décrit Bryan, qui, à 21 ans, détient déjà un CAP projectionniste.

Occupée à monter une captation de concert dans un canapé, Julie revient de six semaines en stage « régie » avec une équipe d’Arte en Touraine. Un bon moyen de découvrir les codes de ce milieu et d’acquérir de précieux contacts professionnels. S’investir, être rigoureux, ne pas avoir peur des responsabilités demeurent ainsi autant de qualités pour devenir cameraman, monteur, scénariste ou réalisateur. Un rêve qui semble devenir réalité pour les élèves de l’Escat.

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Isabelle Heurtaux et Sarah Chauvet

POUR ALLER PLUS LOIN
UNE CENTAINE D’ÉLÈVES EN SEPTEMBRE 2018

Créée par Isabelle Heurtaux et co-dirigé par Sarah Chauvet, l’Escat, première école de cinéma de Tours dont tmv vous avait révélé l’exclusivité en février 2017, s’apprête à recruter une nouvelle promotion. Bilan d’une année pleine de promesses.

Comment se sont passés les premiers mois de l’école ?
Tout se déroule parfaitement ! Je vois des élèves qui s’épanouissent, l’ambiance est familiale… Je cultive ce groupe comme si c’était une vraie équipe de cinéma, je les connais tous et ils savent qu’ils sont un peu les « chouchous ». L’an prochain, ce ne sera peut-être pas aussi facile d’organiser des projections et des soirées à 100. 

Les productions de films vous appellent souvent pour des stagiaires ?
Oui, il y avait un réel besoin. On est en contact avec le réalisateur Philippe de Chauveron (Qu’est-ce-qu’on a fait au bon Dieu) qui doit passer dans la région pour son prochain film.

Qui a donné les premières masterclass ?
La 1re assistante Julie Navarro (Insoupçonnable), le réalisateur Éric Barbier (La Promesse de l’Aube) et le producteur Éric Altmayer (Chocolat). En première année, les élèves touchent à tout et l’année suivante, ils se spécialisent. Quelles sont les propositions de l’Escat ? Comme prévu, il y aura une classe Réalisateur, une autre en Image et une autre de Production dont on n’était pas certain l’an dernier, pour l’aspect administratif, recherche de financement, législation, etc.

Des projets pour la suite ?
Pour le moment, j’étais surtout dans l’organisation interne, mais à l’avenir j’aimerais ouvrir l’école vers l’extérieur. Avoir un rapport avec des festivals de cinéma, pour pouvoir emmener les élèves sur ces événements. En attendant, leurs premiers courts-métrages ont participé au Mobile Film Festival et au festival Désirs…Désir, un groupe a réalisé la bande-annonce du Festival International de Cinéma Asiatique de Tours, d’autres ont fait des captations et on a un projet de web-série en mars.

> Samedi 17 mars, de 11 h à 17 h, journée portes ouvertes de l’Escat, 34 rue de Suède, à Tours. Renseignements au 02 46 65 53 37 ou par mail à escatfrance@gmail.com

Tours : Une école de cinéma en septembre

Une école de cinéma à Tours en septembre ? Le projet est signé Isabelle Heurtaux, qui souhaitait combler un vide dans la région. La directrice nous en dit un peu plus…

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Cela fait 25 ans que je suis dans le monde de la télé et du journalisme. Mon mari (le producteur tourangeau Jean-François Geneix – NDLR) a passé 40 ans dans le cinéma. Et un jour, je me suis dit : c’est dingue, il n’y a toujours pas d’école de cinéma dans la région Centre ! » C’est comme ça qu’est venue l’idée à Isabelle Heurtaux. Son projet, elle le chouchoute, et y croit dur comme fer. L’EscaT – ou École supérieure de cinéma et d’audiovisuel de Tours – doit ouvrir ses portes à Tours-Nord, le 20 septembre 2017. Les dossiers d’inscription, eux, devraient être en ligne dès cette semaine.

« Il y aura entre 100 et 125 élèves sur les deux ans de la formation », assure Isabelle Heurtaux. Tranche d’âge visée ? Les 18-25 ans. Ils formeront des équipes. Tous les matins, ils auront des cours théoriques. La directrice de l’école n’en démord pas : « La théorie est importante. Il faut savoir ce qu’est le cinéma et avoir les références ».
L’après-midi, place à la pratique. « Les étudiants seront dans les conditions du réel. En sortant, ils seront à même d’intégrer une équipe de production. » Deux options seront d’ailleurs possibles : scénario/réalisation ou image (chef opérateur). Caméras, studios son, plateau de 200 m²… À l’EscaT, on devrait travailler dur !

Un partenariat a par ailleurs été noué avec les studios de tournage de Bry-sur- Marne qui fournira une part du matériel. « On assurera aussi un stage à la fin des deux ans », ajoute Isabelle Heurtaux. Avant d’aborder la réalisation d’un film de fin de scolarité par les étudiants et sa présentation devant un jury de professionnels qui donnerait un prix « pour faire un court-métrage pro ensuite ». Isabelle Heurtaux et Jean-François Geneix ayant un gros carnet d’adresses, tous deux ont aussi choisi de jouer sur les masterclass : une fois par mois, un professionnel interviendra en cours. Sur le site de l’EscaT, plusieurs noms sont déjà divulgués : notamment le comédien Bruno Solo, le producteur Éric Altmayer, ou encore la productrice TV Alexia Laroche-Joubert et Aurélien Dauge, distributeur.

Une ouverture qui a de quoi transformer le paysage tourangeau ? Contactée à propos du dossier de l’EscaT, la municipalité n’a pas donné suite à nos demandes. Mais Tours, terre de cinéma, a vu les initiatives dans le monde du cinéma se multiplier : des festivals Mauvais Genre et du cinéma asiatique, en passant par les Journées du film italien ou des tournages, des concours de courts-métrages et des projets étudiants autour de cet univers.
Pour la directrice de l’EscaT, l’arrivée d’une École de cinéma sera donc « quelque chose d’important en matière de culture, mais aussi d’emploi ». Avant de conclure : « C’est, je pense, un maillon qui manquait. Et je suis très enthousiaste. J’espère faire de l’EscaT un véritable pôle culturel. »

> +d’infos : escat-france.com
> Frais de scolarité : 6 000 € par an. Frais d’inscription : 550 € par dossier.