Cet hiver, nouveau dispositif pour les femmes en détresse

Grâce au CHU de Tours et à la Croix Rouge, un dispositif d’hébergement hivernal est mis en place pour les femmes en détresse et à la rue.

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(Photo archives NR)

Mardi 5 décembre, c’est dans l’enceinte du CHU de Tours qu’un nouveau dispositif d’hébergement d’urgence ouvrira pour l’hiver, jusqu’au 31 mars.
Ce lieu est réservé aux femmes en détresse – de plus en plus nombreuses malheureusement – qu’elles soient seules ou avec enfants.

L’idée vient de l’hôpital et de la Croix Rouge qui, pour l’occasion, se sont associés. C’est le 115 qui fera le lien, afin qu’elles soient prises en charge.

Ces femmes à la rue seront donc logées et réparties dans une vingtaine de chambres situées dans une enceinte de l’hôpital Bretonneau. Les enfants en bas âge auront eux aussi droit à des lits (cinq au total).

Un travailleur social, ainsi que des agents d’accueil, seront présents. Cette initiative est une première en région Centre Val-de-Loire. À Tours, une personne à la rue sur trois est une femme.

SOS centre pour policiers en détresse

Tmv a passé une journée au Courbat, un établissement unique en France. À 45 minutes de Tours, ce centre accueille policiers, gendarmes et gardiens de prison brisés par leur métier, le burnout ou les conduites addictives. Et tente de les reconstruire.

Il est 8 h 30. Le Liège et ses 340 habitants baignent dans un épais brouillard. Tout semble endormi. Sur la route du Courbat, il y a un château et un parc de 80 hectares. Le calme est assommant. Billy se grille une clope. Lui, c’est un PAMS. Un policier assistant médico-social. Billy connaît bien le Courbat, il y a fait un passage fut un temps. Ancien CRS, hyperactif, à fond dans son métier. Sauf qu’un jour, il a cramé comme la cigarette qu’il consume. 22 de tension, boum. Quand il a vu « la souffrance ici », ça l’a décidé : « J’ai postulé. Désormais, j’accompagne et j’encadre dans les démarches de soin », sourit-il.
Au Courbat, 60 % des 400 patients qui transitent chaque année sont policiers. Ils cohabitent avec les « civils » en soin ici : tous logés à la même enseigne.

Au Courbat, on reste un mois pour le burn-out, deux pour les conduites addictives (alcool, drogues…)
Au Courbat, on reste un mois pour le burn-out, deux pour les
conduites addictives (alcool, drogues…) [Photo Tmv]

9 h pétantes. Le deuxième appel de la journée (il y en a quatre chaque jour). Face à Billy et Philippe Adam, du développement des réseaux et communication au Courbat, une quarantaine de personnes. Au premier coup d’oeil, on reconnaît qui vient d’arriver et qui va partir. Certains ont la tête rentrée dans les épaules et fixent le sol. D’autres ont le torse bombé et un sourire. C’est le cas de Lolo. Ce matin, Lolo s’en va. Il en a fini avec le Courbat. Il triture un bout de papier et fait ses adieux. Il sort, retapé, et devra affronter le monde extérieur. Le vrai. Parce qu’ici, les flics sont dans un cocon. « Avant d’arriver ici, certains dormaient dans leur voiture, ils avaient tout perdu. Ils se faisaient verbaliser par leurs propres collègues. C’est une spirale infernale », souligne Philippe Adam. « On veut les remettre en selle. Mais parfois, le réveil est dur. »
En discutant avec les pensionnaires du Courbat, on sent la crainte. Sortir du cocon, c’est prendre le risque de retoucher à une bouteille par exemple. Ivan a cette appréhension. Ce Breton est arrivé début octobre. Très grand, avec une petite moustache, des yeux cernés, mais rieurs. Ivan a la voix cassée, comme son corps de flic (« l’appellation ne me dérange pas ! », rassure-t-il). « On n’est pas receveur, mais acteur de sa propre rédemption », pose-t-il d’entrée.  Trois divorces, surrendettement, accumulation, sommeil fichu, alcool… Ivan a fini par craquer. « Moi j’étais en triple burn-out. Je rentrais dans une maison vide, sans avoir envie de me faire à bouffer. Sentimentalement, je me disais : ‘t’as encore merdé’. Ma confiance en moi était arrivée à zéro. J’avançais sans projet, j’affrontais des murs », raconte-t-il sans tabou.

Loïc a réalisé une sculpture de Marianne durant l’atelier création. [Photo tmv]
Loïc a réalisé une sculpture de Marianne durant l’atelier création. [Photo tmv]

En ’95, à 23 ans, alors qu’il n’est policier que depuis trois ans, il connaît les attentats de 1995. « J’ai aussi vécu trois décès à mon boulot. Et vous savez, la dépendance à l’alcool est insidieuse… » Du coup, il aligne les bouteilles. Parfois une entière de whisky « à 8 h du mat’, devant BFM ». « Moi, c’est de l’alcoolisme chronique anxiogène. C’est-à-dire que je bois pour oublier », précise Ivan. Oublier, notamment, qu’il n’est pas « un surhomme », comme on lui demande constamment. Passionné de culture, hyper bavard, sympathique, faible et fort à la fois, cet officier (« eh oui, les hauts gradés aussi finissent au Courbat ! », lance Ivan) sait qu’il reste un espoir. « Rien n’est perdu, l’important est de se relever quand on est tombé ! »

Une maxime que veut suivre aussi Steve. Tête rasée, de faux airs à Vin Diesel, il s’applique à dessiner un masque des Anonymous. Bienvenue à l’atelier créa, géré par Elsa : « C’est comme une ruche, n’est-ce pas ? », s’amuse-t-elle. Steve tient à finir son œuvre. Puis il souhaite s’installer dans la bibliothèque pour parler. Il vapote, cherche ses mots, semble gêné. Puis sa timidité s’efface. Le gaillard raconte qu’il en est à son deuxième passage au Courbat. « La première fois, c’était pour un burn-out. Avec tout ce qu’il y a autour : alcool et dépression. C’est le boulot qui m’y a poussé. Mon travail était ma maîtresse, puis ma copine, puis ma famille. Je pensais H24 au boulot… »

« Bien sûr, j’aime toujours mon métier », indique Steve. [Photo tmv]
« Bien sûr, j’aime toujours mon métier », indique Steve. [Photo tmv]

Il regarde dans le vide. « Je n’ai pas peur d’en parler. Ça peut arriver à tout le monde. Moi, je ne suis pas un robot. J’étais tellement bas que j’allais faire une connerie.  Je me suis mis à boire. Juste une fois par semaine, mais seul chez moi sans m’arrêter jusqu’à être minable. Alors qu’en société, je gérais… » Sa hiérarchie l’a soutenu à 300 %, assure Steve, qui a travaillé à la BAC dans une des villes les plus difficiles de France pendant 10 ans. Mais à la sortie du Courbat, il a fait un AVC. Puis une opération à coeur ouvert. « J’avais grossi, je n’arrivais plus à marcher. Je suis revenu ici, car je voulais me sentir vivant et reprendre une vie saine. »

Car impossible d’y réchapper : au Courbat, le sport est une obligation. Les activités aussi. Peinture, dessin, équitation, atelier mécanique, basket, volley, art thérapie… « Nous avons une vocation pédagogique. Notre établissement doit s’ouvrir et faire partie du parcours de vie d’une personne », justifie Frédérique Yonnet, directrice de l’établissement. La big boss des lieux semble presque désolée que tant de flics détruits viennent pousser sa porte : « Ils viennent de toute la France et d’Outre-Mer. Il y a de plus en plus de jeunes, de plus en plus de précaires et de plus en plus de femmes ! » Selon elle, « les policiers sont passionnés par leur travail. Or, le burn-out, c’est une maladie professionnelle, c’est une histoire d’amour à mort avec son travail ».
Message de santé publique le Courbat ? Assurément. « Tous les métiers sont impactés », rappelle Frédérique Yonnet. Avant de parler de la « grande part de responsabilité des politiques » : « Il y a un manque de reconnaissance du métier, l’impression de travailler pour rien. Depuis 2007 et la politique du chiffre, l’image du flic qui est là seulement pour la répression a transformé la façon de percevoir la police. »
Ivan semble d’accord avec ça. Lui en a eu marre de « l’accumulation de victimes qui reviennent et n’assimilent pas les solutions qu’on leur propose ». Il donne en exemple les violences conjugales ou « le délinquant qu’on a vingt fois mais qui s’en tire toujours ». Il déplore le manque de solutions de réinsertion en France. Pour lui, « le tout-répressif ne sert à rien » : « Il faut parler, discuter, sans être moraliste, par exemple pour les conduites en état d’ivresse. C’est juste qu’on en a marre de ramasser les cadavres. »

Le repas de midi est passé. Salade de carottes en entrée, paella avec poulet et poisson au plat principal (« c’est jour de fête, car vous êtes là ! », rigolent Steve et Ivan) et fromage en dessert. La cantine se vide. C’est bientôt l’heure d’un énième appel. « On réapprend les règles pour la vie en société », résume Billy. Parce que le Courbat est une sorte de petit monde. Un village. Il est loin le temps où l’on n’osait pas parler du Courbat. « Je vais en stage de voile. » Voilà l’expression derrière laquelle les policiers malades se planquaient. « On a moins l’image de l’hôpital pour flics dépressifs et alcoolos », se réjouit désormais Billy. « Le Courbat est là pour tendre la main aux oubliés. »

Reportage et photos par Aurélien Germain

Ivan s’est trouvé l’âme d’un poète au Courbat. Ici avec son écrit « Acceptation ». [Photo tmv]
Ivan s’est trouvé l’âme d’un poète au Courbat. Ici avec son
écrit « Acceptation ». [Photo tmv]

L'avortement, "un droit fondamental"

A l’occasion du débat concernant l’avortement, nous avons interrogé Diane Roman, professeure de droit et spécialiste du sujet…

diane-romanEntretien avec Diane Roman, professeure des Universités en droit public. A travaillé sur le rapport remis par le Haut conseil à l’égalité sur l’accès à l’IVG et co-responsable du projet REGINE.

Dans son projet de loi pour l’égalité femmes-hommes, l’Assemblée nationale a voté la suppression de la notion de « détresse » pour l’avortement…
Un rapport en novembre mettait l’accent sur la nécessité de désigner l’IVG comme un droit. Le droit français ne reconnaît pas les droits reproductifs. Tout ce qui concerne la contraception, l’avortement, n’est pas considéré comme un droit fondamental de la femme. Dans le Code de santé publique, l’avortement n’est pas garanti comme droit des femmes. Dans la pratique, qui peut apprécier la « détresse » de la femme, si ce n’est la femme elle-même ?

Était-il temps de modifier cette notion ?
Très certainement. « Détresse » ne correspond pas à la mentalité de 2014. Il vaut mieux poser le principe d’un choix personnel. Là, on ne touche même pas à un tabou ! Notons d’ailleurs que ce n’est pas la première fois que l’on touche à la loi Veil.

Vous êtes spécialiste en droit à Tours : parlez-vous de ce débat avec vos étudiants ?
Bien sûr. Nous avons évoqué la question dans un cours de droit des libertés. C’est intéressant de les faire réfléchir sur le décalage entre un texte et une représentation sociale dominante.

On a pu voir des manifestations anti-IVG…
En France, il y aura toujours une opposition de certains. C’est leur droit ! Le problème, c’est quand certaines associations font des interventions musclées…

Y a-t-il quelque chose à changer ?
Il faudrait que le gouvernement soit plus en pointe, qu’on ait un article sur le droit reproductif, le droit à l’information. Ça coince au niveau de l’éducation.

Et concernant les autres pays ?
On a pu voir tout ce qu’il s’est passé en Espagne. Mais aux États-Unis aussi, rien n’est acquis ! Le débat s’est déplacé, ils insistent sur la protection de la femme, qu’elle se protège d’un choix qu’elle regretterait ! Quel recul !

Notre société est-elle en retard ?
On est dans la moyenne européenne pour le droit à l’avortement, les délais etc. Une grande majorité de gens est attachée à cette idée du droit des femmes à disposer de leur corps. Les récentes manifestations contre l’IVG restent marginales et galvanisées par le « mariage pour tous ».
Propos recueillis par Aurélien Germain