« La ronronthérapie peut nous aider »

Anti-stress, accélérateur de cicatrisation osseuse, bienfaits psychologiques… Le ronronnement des chats ferait des merveilles. Véronique Aïache, auteure et spécialiste en ronronthérapie, nous en dit plus dans une interview au poil.

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Vous êtes spécialiste en ronronthérapie. Pouvez-vous expliquer de quoi il s’agit ?
Il y a une phrase qui résume parfaitement cela : c’est l’art de se faire du bien au contact d’un chat. Le mot « ronronthérapie » est inventé, pas officialisé. J’avais par exemple repris ce terme en 2009 pour mon premier ouvrage sur ces chats qui nous guérissent. J’avais baptisé mon livre ainsi, car j’avais lu un article sur un vétérinaire toulousain, Jean-Yves Gauchet, qui s’y intéressait. Il y a une explication scientifique sur le ronronnement, cela procure un impact sur la santé. Le ronronnement, ce sont des ondes sonores et vibrantes que le chat émet s’il est bien ou non – il peut d’ailleurs le faire s’il va mourir.
En tout cas, cela fabrique des hormones du bonheur transmises au cerveau. Quand le chat se sent bien, il ronronne et se sent encore mieux. Au contraire, s’il se sent mal, cela lui permettra de secréter de la sérotonine. Il y a auto-médication. Le chat est son propre médecin. Et ce qui marche sur lui marche sur nous. Quand on entend ses vibrations, notre cerveau libère des hormones. C’est un antistress qui fonctionne, car on a en nous une telle dose de stress… L’humain fabrique alors de la cortisone, a des pics qui vont baisser ensuite de niveau. Au contact du chat, il régule cette cortisone.

J’ai cru comprendre qu’au départ, vous étiez pourtant plutôt chiens ! Mais l’arrivée d’une certaine Plume a tout changé…
Oui ! (rires) J’ai eu un chien, un petit caniche, pendant 14 ans. L’amour de ma vie. Je n’étais pas sensible aux chats. Je n’aimais pas trop ça au début. Je les trouvais un peu ingrats. Et puis un jour, ma fille en a voulu un pour ses 8 ans en promettant de s’en occuper. Évidemment… j’ai fini par le faire ! (rires) Plume m’a eue. Elle a su s’imposer à moi avec élégance et délicatesse. Je ne pouvais que m’émouvoir devant ses grands yeux verts. J’ai fini par que les chats n’étaient pas si ingrats. Ils sont fascinants, ne se livrent pas d’un bloc. Ils ont une logique, un art de vivre, un mysticisme.

Comment avez-vous effectué vos recherches sur les bienfaits du ronronnement ?
Grâce à Internet, des ouvrages et via une revue de Jean-Yves Gauchet. Je me suis aussi intéressée à une étude américaine qui a constaté qu’à fracture égale, un chat cicatrisait trois fois plus vite qu’un chien. Pourquoi ? À cause de la vibration du ronronnement qui aide à la cicatrisation osseuse ! Une technique qui a été adaptée à des appareils de kinésithérapeute pour les patients. C’est donc intéressant pour les scientifiques. En revanche, on ne sait toujours pas si le ronronnement vient de la gorge ou du nez…

Dans votre livre L’Art de la quiétude (*), vous revenez sur la fascination du chat à travers les âges, notamment chez les Égyptiens. Mais aussi sur sa capacité à se souvenir de l’essentiel, de ne pas s’inquiéter du lendemain, etc. Alors le chat est-il un animal malin ou intelligent ? Voire humain ?
Non, surtout pas humain ! (rires) Aucun animal ne l’est. La question est intéressante, mais difficile… Est-ce de l’intelligence ? Mmh… Peut-être du sens philosophique. Le chat est plus sage qu’intelligent. Je dirais que le chat a une intelligence existentielle.

C’est un animal souvent perçu comme ingrat ou égoïste… NEWS_CHAT_ENCADRE
Oui, car les gens ne comprennent pas qu’il s’agit surtout d’indépendance. Ce n’est pas de l’ingratitude. S’il est bien, le chat reviendra toujours. S’il sent un conflit dans la maison, il peut partir.

La zoothérapie a ses adeptes. La ronronthérapie peut-elle s’y intégrer ?
Complètement. Par exemple, la zoothérapie fait de plus en plus souvent intervenir des chevaux et des dauphins avec les enfants autistes. Elle est aussi indiquée pour les difficultés mentales. Alors oui, la ronronthérapie peut aider également. Certains services de gériatrie ont mis des chats avec des patients atteints d’Alzheimer. Les félins ont permis de les reconnecter à la réalité et ralentir la maladie, car ils sont doux et calmes.

On parlait du ronronnement comme puissant antistress. Quelles sont ses autres vertus ?
Il y en a tellement… Il suffit de caler sa respiration sur un ronronnement pour lâcher prise. Antistress, cicatrisation osseuse, mais aussi d’autres : en vivant avec un chat, on a 30 % de chances de moins de faire un AVC. Puisque le chat détend et détresse, votre tension artérielle se régule. Le chat boosterait aussi le système immunitaire. On a aussi vu que le ronronnement était perçu par l’enfant in utero : il fera moins de terreurs nocturnes plus tard.

Y a-t-il des races de chat dont le ronronnement apaise plus que d’autres ?
Non. C’est juste que certains chats ronronnent moins que d’autres.

Concernant votre ouvrage L’Art de la quiétude, ce n’est pas qu’un simple ouvrage sur la ronronthérapie et les chats. J’ai trouvé qu’il avait un côté « philo ». Vous êtes d’accord avec ça ?
Oui totalement et merci beaucoup pour votre remarque. C’était mon envie ! Je voulais amener la lecture à un niveau différent, à un degré de réflexion existentielle à travers la figure du chat. Et cela passe par le biais de la philosophie. Il ne fallait pas plomber le contenu pour autant. Je tenais à rester abordable sans diverger constamment.

C’est drôle, car vous parlez de philosophie, un terme qui étymologiquement signifie « amour de la sagesse ». Or vous disiez en début d’interview que le chat, c’est la sagesse…
Mais tout à fait ! La boucle est bouclée. Le chat est un grand sage !

Propos recueillis par Aurélien Germain

SOS centre pour policiers en détresse

Tmv a passé une journée au Courbat, un établissement unique en France. À 45 minutes de Tours, ce centre accueille policiers, gendarmes et gardiens de prison brisés par leur métier, le burnout ou les conduites addictives. Et tente de les reconstruire.

Il est 8 h 30. Le Liège et ses 340 habitants baignent dans un épais brouillard. Tout semble endormi. Sur la route du Courbat, il y a un château et un parc de 80 hectares. Le calme est assommant. Billy se grille une clope. Lui, c’est un PAMS. Un policier assistant médico-social. Billy connaît bien le Courbat, il y a fait un passage fut un temps. Ancien CRS, hyperactif, à fond dans son métier. Sauf qu’un jour, il a cramé comme la cigarette qu’il consume. 22 de tension, boum. Quand il a vu « la souffrance ici », ça l’a décidé : « J’ai postulé. Désormais, j’accompagne et j’encadre dans les démarches de soin », sourit-il.
Au Courbat, 60 % des 400 patients qui transitent chaque année sont policiers. Ils cohabitent avec les « civils » en soin ici : tous logés à la même enseigne.

Au Courbat, on reste un mois pour le burn-out, deux pour les conduites addictives (alcool, drogues…)
Au Courbat, on reste un mois pour le burn-out, deux pour les
conduites addictives (alcool, drogues…) [Photo Tmv]

9 h pétantes. Le deuxième appel de la journée (il y en a quatre chaque jour). Face à Billy et Philippe Adam, du développement des réseaux et communication au Courbat, une quarantaine de personnes. Au premier coup d’oeil, on reconnaît qui vient d’arriver et qui va partir. Certains ont la tête rentrée dans les épaules et fixent le sol. D’autres ont le torse bombé et un sourire. C’est le cas de Lolo. Ce matin, Lolo s’en va. Il en a fini avec le Courbat. Il triture un bout de papier et fait ses adieux. Il sort, retapé, et devra affronter le monde extérieur. Le vrai. Parce qu’ici, les flics sont dans un cocon. « Avant d’arriver ici, certains dormaient dans leur voiture, ils avaient tout perdu. Ils se faisaient verbaliser par leurs propres collègues. C’est une spirale infernale », souligne Philippe Adam. « On veut les remettre en selle. Mais parfois, le réveil est dur. »
En discutant avec les pensionnaires du Courbat, on sent la crainte. Sortir du cocon, c’est prendre le risque de retoucher à une bouteille par exemple. Ivan a cette appréhension. Ce Breton est arrivé début octobre. Très grand, avec une petite moustache, des yeux cernés, mais rieurs. Ivan a la voix cassée, comme son corps de flic (« l’appellation ne me dérange pas ! », rassure-t-il). « On n’est pas receveur, mais acteur de sa propre rédemption », pose-t-il d’entrée.  Trois divorces, surrendettement, accumulation, sommeil fichu, alcool… Ivan a fini par craquer. « Moi j’étais en triple burn-out. Je rentrais dans une maison vide, sans avoir envie de me faire à bouffer. Sentimentalement, je me disais : ‘t’as encore merdé’. Ma confiance en moi était arrivée à zéro. J’avançais sans projet, j’affrontais des murs », raconte-t-il sans tabou.

Loïc a réalisé une sculpture de Marianne durant l’atelier création. [Photo tmv]
Loïc a réalisé une sculpture de Marianne durant l’atelier création. [Photo tmv]

En ’95, à 23 ans, alors qu’il n’est policier que depuis trois ans, il connaît les attentats de 1995. « J’ai aussi vécu trois décès à mon boulot. Et vous savez, la dépendance à l’alcool est insidieuse… » Du coup, il aligne les bouteilles. Parfois une entière de whisky « à 8 h du mat’, devant BFM ». « Moi, c’est de l’alcoolisme chronique anxiogène. C’est-à-dire que je bois pour oublier », précise Ivan. Oublier, notamment, qu’il n’est pas « un surhomme », comme on lui demande constamment. Passionné de culture, hyper bavard, sympathique, faible et fort à la fois, cet officier (« eh oui, les hauts gradés aussi finissent au Courbat ! », lance Ivan) sait qu’il reste un espoir. « Rien n’est perdu, l’important est de se relever quand on est tombé ! »

Une maxime que veut suivre aussi Steve. Tête rasée, de faux airs à Vin Diesel, il s’applique à dessiner un masque des Anonymous. Bienvenue à l’atelier créa, géré par Elsa : « C’est comme une ruche, n’est-ce pas ? », s’amuse-t-elle. Steve tient à finir son œuvre. Puis il souhaite s’installer dans la bibliothèque pour parler. Il vapote, cherche ses mots, semble gêné. Puis sa timidité s’efface. Le gaillard raconte qu’il en est à son deuxième passage au Courbat. « La première fois, c’était pour un burn-out. Avec tout ce qu’il y a autour : alcool et dépression. C’est le boulot qui m’y a poussé. Mon travail était ma maîtresse, puis ma copine, puis ma famille. Je pensais H24 au boulot… »

« Bien sûr, j’aime toujours mon métier », indique Steve. [Photo tmv]
« Bien sûr, j’aime toujours mon métier », indique Steve. [Photo tmv]

Il regarde dans le vide. « Je n’ai pas peur d’en parler. Ça peut arriver à tout le monde. Moi, je ne suis pas un robot. J’étais tellement bas que j’allais faire une connerie.  Je me suis mis à boire. Juste une fois par semaine, mais seul chez moi sans m’arrêter jusqu’à être minable. Alors qu’en société, je gérais… » Sa hiérarchie l’a soutenu à 300 %, assure Steve, qui a travaillé à la BAC dans une des villes les plus difficiles de France pendant 10 ans. Mais à la sortie du Courbat, il a fait un AVC. Puis une opération à coeur ouvert. « J’avais grossi, je n’arrivais plus à marcher. Je suis revenu ici, car je voulais me sentir vivant et reprendre une vie saine. »

Car impossible d’y réchapper : au Courbat, le sport est une obligation. Les activités aussi. Peinture, dessin, équitation, atelier mécanique, basket, volley, art thérapie… « Nous avons une vocation pédagogique. Notre établissement doit s’ouvrir et faire partie du parcours de vie d’une personne », justifie Frédérique Yonnet, directrice de l’établissement. La big boss des lieux semble presque désolée que tant de flics détruits viennent pousser sa porte : « Ils viennent de toute la France et d’Outre-Mer. Il y a de plus en plus de jeunes, de plus en plus de précaires et de plus en plus de femmes ! » Selon elle, « les policiers sont passionnés par leur travail. Or, le burn-out, c’est une maladie professionnelle, c’est une histoire d’amour à mort avec son travail ».
Message de santé publique le Courbat ? Assurément. « Tous les métiers sont impactés », rappelle Frédérique Yonnet. Avant de parler de la « grande part de responsabilité des politiques » : « Il y a un manque de reconnaissance du métier, l’impression de travailler pour rien. Depuis 2007 et la politique du chiffre, l’image du flic qui est là seulement pour la répression a transformé la façon de percevoir la police. »
Ivan semble d’accord avec ça. Lui en a eu marre de « l’accumulation de victimes qui reviennent et n’assimilent pas les solutions qu’on leur propose ». Il donne en exemple les violences conjugales ou « le délinquant qu’on a vingt fois mais qui s’en tire toujours ». Il déplore le manque de solutions de réinsertion en France. Pour lui, « le tout-répressif ne sert à rien » : « Il faut parler, discuter, sans être moraliste, par exemple pour les conduites en état d’ivresse. C’est juste qu’on en a marre de ramasser les cadavres. »

Le repas de midi est passé. Salade de carottes en entrée, paella avec poulet et poisson au plat principal (« c’est jour de fête, car vous êtes là ! », rigolent Steve et Ivan) et fromage en dessert. La cantine se vide. C’est bientôt l’heure d’un énième appel. « On réapprend les règles pour la vie en société », résume Billy. Parce que le Courbat est une sorte de petit monde. Un village. Il est loin le temps où l’on n’osait pas parler du Courbat. « Je vais en stage de voile. » Voilà l’expression derrière laquelle les policiers malades se planquaient. « On a moins l’image de l’hôpital pour flics dépressifs et alcoolos », se réjouit désormais Billy. « Le Courbat est là pour tendre la main aux oubliés. »

Reportage et photos par Aurélien Germain

Ivan s’est trouvé l’âme d’un poète au Courbat. Ici avec son écrit « Acceptation ». [Photo tmv]
Ivan s’est trouvé l’âme d’un poète au Courbat. Ici avec son
écrit « Acceptation ». [Photo tmv]