Madeline chante pour les enfants autistes

#VisMaVille Madeline Ardouin est musicienne (son groupe est Jane is beautiful) et chanteuse. Elle s’est spécialisée dans l’expression auprès des enfants en situation de handicap. Reportage à l’hôpital Bretonneau où ses notes enchantent les enfants.

Quelques notes de ukulélé résonnent dans la toute petite salle d’activités nichée au sein du centre pédopsychiatrique de l’hôpital. Madeline Ardouin accueille en chanson et par leur prénom les trois enfants présents pour la séance.

Wellan, ravi, bat des mains, Nazim est un peu sonné par son rhume mais n’en perd pas une miette tandis que Sharif s’agite dans un coin de la salle. Ils sont tous trois atteints de troubles autistiques. Ils ont 7 ans. Depuis la rentrée, ils participent, tous les quinze jours, à une séance musicale de trente minutes avec Madeline Ardouin.

Artiste de scène avec Jane is Beautiful, elle chante et joue du ukulélé, de la guitare, du violon et du balafon auprès des tout-petits. Madeline endosse le rôle de chef d’orchestre, les enfants de musiciens. « Ce que je recherche, c’est qu’ils puissent s’exprimer et prendre du plaisir. Il n’y a pas d’objectif thérapeutique. J‘ai le luxe de pouvoir prendre le temps avec eux. Parfois, c’est abstrait et difficile, d’autres fois c’est fort et poétique. »

Improviser et s’adapter aux enfants

Le débrief après la séance avec l’équipe soignante le confirme. « On recherche la spontanéité, pas le cadre », explique Clotilde, infirmière. « C’était génial aujourd’hui, Wellan n’a jamais autant parlé. Et ta chanson sur la bulle d’eau et le poisson les a scotchés ! » Madeline improvise beaucoup, s’adaptant aux réactions des enfants. « Il faut accepter que ce ne soit pas un long fleuve tranquille. Comme ce sont des enfants fragiles, la moindre chose prend son importance. Je suis là pour les entendre et recevoir leurs propositions. Ils me touchent et je m’éclate. »

Pour en arriver là, Madeline s’est formée il y a quatre ans auprès du Centre de Formation des Musiciens Intervenants de Fondettes par un diplôme Musique et tout-petits et enfants en situation de handicap. Elle travaille à présent en crèches, auprès du centre médico pédopsychiatrique de Langeais et mène ses ateliers d’expression musicale à Bretonneau depuis un an. Avec Rémi Claire, cadre du service, elle s’est associée pour trouver des financements, aujourd’hui assurés par une fondation de lutte contre l’autisme (l’AESPHOR).

Mais cela reste « un combat » de chercher des subventions, chronophage pour une artiste. Cependant, Madeline et ses doux yeux noisettes gardent la flamme. La joie et l’évolution des enfants lui donnent l’énergie nécessaire. Elle aimerait d’ailleurs les amener voir un concert au Petit Faucheux.

Aurélie Dunouau

Le Microspop de Mister Doc #9

Chaque semaine, Doc Pilot partage ses découvertes culturelles du week-end. Épisode 9 : Deux bons Bouillon de 20h… J’M

La chanteuse des Little frenchies
La chanteuse des Little frenchies

Ça sent l’sapin mais j’ai pas les boules ; y’a pourtant de l’émotion dans l’air. Je charge la barque avec du blues des années cinquante trouvé chez OCD, ma bande-son pour visiter l’expo de Vivian Maier au Château de Tours, passage à la postérité grâce aux photos des « gens ». Nouvelle expo à La Chapelle Sainte Anne : 3 jours dans l’urgence, celle de la guerre urbaine avec Franck Charlet, de la guerre des nerfs avec Coco Texedre, de la guerre des mutants avec T.Léo, de la guerre des chairs avec Pierre Guitton, de la guerre du feu avec Sylvie Attucci, de la fin de guerre avec Yveline Bouquart et celle de la paix avec François Pagé. Paix et Amour au Grand Hall bondé pour le concert de M le généreux, M le sensible, M le divin guitariste qui se suffit de deux musiciens pour assurer le show. Dans ce no man’s land de passion que d’aucun appellent la Crise, ce style de concert amène de la joie et de l’envie, de la réaction… M est unique en son époque, à la manière de Polnareff dans les seventies… Dernière représentation du Dom Juan de Molière par Bouillon au CDRT, mise en scène originale et un peu provoc’ (merveilleux Sganarelle interprété par Jean-Luc Guitton) ; « coup de théâtre » au salut final avec l’intervention du tribun Gilles Bouillon ovationné pour son travail à la direction du CDRT… A La Belle Rouge, le collectif Chapau Prog réunit des artistes féminines de diverses pratiques ; brillante est la chanteuse de Little Frenchies, militante Zazu… Bistrot 64, sortie de la compilation de chansons de Noël, Oh Oh Oh, bonne photographie de la scène locale : Padawin, BadBilly, Fucking Butterfly, Last Chance Garage, Janskie Beat…Idéale pour offrir à Mémé… Me reviennent ces vers de ma plume : Je pose mes bottes près des poubelles, j’me dis qu’il’s trouvera bien une loute, pour y déposer de la croûte, non j’écris plus au Père Noël, au Béton christmas… (titre de Doc and The Dudes, en concert avec les Parpaings, le vendredi 6 décembre en Arcades Institute).

Dans la chambre de Julie Bonnie

600 concerts dans toute l’Europe avec Forguette Mi Note, trois albums en solo, la Tourangelle débarque en littérature avec un roman sensible et fulgurant.

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«Béatrice, ce n’est pas moi ! ». D’entrée, Julie Bonnie met les points sur les i. Et en i, elle s’y connaît, Julie. Bien sûr, comme elle, son héroïne vient de Tours, comme elle, elle est auxiliaire en puériculture, comme elle, elle a sillonné les routes d’Europe, les salles de concerts et les aires d’autoroute avec une troupe d’artistes hétéroclites et un peu perchés, mais là s’arrête la comparaison. « On ne parle bien que de ce que l’on connaît », concède- t-elle. « Mais, très vite, Béatrice s’est éloignée de moi comme le roman s’est éloigné de ma réalité au fil de l’écriture. »
Dans Chambre 2, objet romanesque assez fulgurant, il est question de carapace. Celle que l’on tente de se construire pour rendre la vie plus supportable. Béatrice, donc, est auxiliaire en puériculture. Elle met sa blouse tous les matins et ouvre des portes de maternité derrière lesquelles se trouvent des femmes souvent en lambeaux, parfois en béton et, plus rarement, rayonnantes.
Sans filtre
Rien ne les a vraiment préparées à ce qu’elles viennent de traverser en donnant la vie. Tout comme rien n’avait préparé Béatrice à ouvrir ces portes dans cette maternité. « En fait, Beatrice est une femme qui ne parvient pas à trouver sa place dans la société. Elle est un peu irréelle, un peu fantomatique. Elle n’agit jamais, elle ne fait que traverser les situations. Et puis, elle reçoit tout du monde à la manière d’un nouveau-né. Sans filtre. »
Julie Bonnie écrit des chansons. Depuis qu’elle sait écrire. Depuis son adolescence tourangelle. Depuis Forguette Mi Note, ce groupe emblématique du rock alternatif des années 90 qui donna plus de 600 concerts à travers toute l’Europe. Alors, les chapitres de son livre ressemblent un peu à ça. Ils sont brefs et percutants. Avec, chacun, une lumière, une couleur bien à lui. Quand on en a lu un, on veut passer au suivant et, sans respirer, on les avale tous d’un coup. Il y a de la fièvre et du feu dans ces pages, fort justement couronnées par le 12e prix du roman Fnac. Et, si Béatrice n’est pas Julie, ce Chambre 2 ressemble bien à son auteure. Il en a le regard clair et la personnalité, forte.


SON ACTU
SIGNATURE
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Si vous souhaitez rencontrer Julie Bonnie, arrêtez de sillonner les rues de Tours. Quand elle y vient, elle s’enferme et ne fait que de la musique. Allez plutôt à la Boîte à Livres le 14 novembre. Elle y sera, entre deux piles de son très beau roman. On y sera aussi, du coup…
MUSIQUE
Actuellement, Julie Bonnie travaille sur la musique d’un spectacle pour tous (comme on dit) qui s’appellera Ouli et qui sera créé par la compagnie d’Anne-Laure Rouxel, Le Cincle Plongeur, en mai prochain, à l’Espace Malraux.
JEUNESSE
En parallèle de son premier roman, Julie publie un romanjunior Super chanteuse et petit pirate, aux éditions du Rouergue. L’histoire d’un frère et d’une soeur qui ont du mal à s’endormir et qui font appel à des lutins pour retrouver le sommeil. Illustré par Charles Dutertre. À partir de 9 ans.
C’EST PERSO
UN ALBUM
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Le dernier Bertrand Belin, Parcs. « J’adore vraiment ce qu’il fait. Son dernier album ne m’a pas déçue et je l’écoute en boucle ! »
UN LIVRE
Les Évaporés, de Thomas Reverdy. C’est un livre qui m’a beaucoup touchée. Je vous le recommande ! UN FILM Habemus Papam, de Nanni Moretti. Je l’ai vu récemment. C’est vraiment un chef-d’oeuvre d’irrévérence.

Intermittents : ils ont la parole

Trois artistes et un administrateur de théâtre partagent leur expérience et leur sentiment sur l’intermittence aujourd’hui.

« Se rendre compte de la charge de travail » 
Patrick Harivel, 60 ans, comédien
INTERMITTENT_BV_HARIVEL« Quand on parle de 507 heures d’activité sur 10 mois et demi pour pouvoir toucher des allocations chômage, cela paraît peu. Nos cachets isolés sont comptabilisés comme 12 h de travail par l’Assedic et sont censés couvrir large : de la préparation à la représentation. Pourtant, en réalité, quand on compte l’apprentissage ou la révision d’un texte, la condition physique à entretenir, le trajet aller-retour, on dépasse largement ce volume horaire ! Tout le monde ne se rend pas compte de la charge de travail que l’on a. Et je constate que la situation est de plus en plus précaire. On m’a déjà proposé des projets artistiques où les répétitions n’étaient pas payées. J’ai refusé par principe. Et puis, on est toujours à la recherche de contrats ! C’est un gros travail que de les trouver. En passant des castings, des auditions. Et encore, auparavant, ces déplacements étaient payés… Forcément, cela met de la pression, mais on le sait dès le départ. On doit utiliser ces périodes de creux pour se nourrir artistiquement et être prêt dès que le travail se présente. »
« On n’a pas les moyens de prendre un permanent »
David Limandat, 34 ans, administrateur du théâtre Barroco, à Saint-Pierre-des-Corps
INTERMITTENT_BV_LIMANDAT« On bosse avec une trentaine d’intermittents du spectacle. Sur le plan artistique, leurs parcours varient. Avec les expériences glanées ailleurs, ils sont plus ouverts et apportent de nouvelles idées. Ces périodes courtes collent avec le fonctionnement d’un théâtre. Il y a aussi un avantage fiscal à avoir des intermittents puisque l’on bénéficie d’un abattement de 30 % sur les charges. Mais plus largement, sur le plan financier, on ne peut pas prendre de permanent. Notre structure tourne autour d’une centaine de représentations par an. Faire passer des artistes ou des techniciens en CDI, c’est une proposition qui s’adresse plus au monde de la télévision ou à des grosses compagnies. Et cela est logique à partir du moment où il y a une forte récurrence de contrats. Sauf qu’entre des théâtres nationaux et nous, c’est le jour et la nuit ! D’autant plus que la baisse des budgets dans la culture pèse, de manière directe ou indirecte sur les intermittents. Par exemple, on aimerait les payer plus mais il y a un cercle vicieux. Si on le fait, cela veut dire que l’on augmente le prix des spectacles. Moins de monde va venir les voir. Et s’il y a moins de monde, forcément il y a moins de cachets pour payer les artistes… »
« Je vois l’intermittence comme une chance »
Elsa Beyer, 37 ans, chanteuse
INTERMITTENT_BV_BEYER« Je suis sortie plusieurs fois de l’intermittence car je n’ai pas toujours pu renouveler mon dossier. C’est assez fluctuant. Je suis à nouveau dedans depuis environ trois ans. Je donne parfois des cours de chant. C’est un autre travail qui est vraiment différent, mais j’aime bien faire les deux, cela dépend aussi de l’optique dans laquelle je suis. En tout cas, je considère l’intermittence comme un état précieux. Il me permet de vivre de ce que j’aime : la musique. Bien sûr, il y a une précarité, on manque de stabilité, mais je le vois comme une chance. Ce serait une catastrophe si ce régime disparaissait. Maintenant, tout s’est resserré, on a plus l’impression de devoir courir puisque l’on est passé de 12 mois à 10 mois et demi. Quand on arrive à la fin de la période de référence, on a une appréhension. On se demande si Pôle Emploi a bien reçu tous nos documents. Je trouve que leurs agents répondent plutôt bien à nos questions. Sur ce point, c’est mieux qu’avant. Mais je déplore que tout soit désormais basé à Nanterre. Avant, on avait un référent à Tours, à un échelon local et c’était plus simple. »
« C’est un métier ? Tu ne fais rien à côté ? »
Laurent Priou, 54 ans, comédien
INTERMITTENT_BV_PRIOU« Il y a des choses fausses qui circulent et qui me font bondir. On dit que notre régime a contribué à aggraver le déficit de l’Unedic et qu’il coûte beaucoup d’argent. Mais c’est faux ! Il peut paraître injuste car d’autres corps de métiers, comme les plasticiens, pourraient revendiquer un tel système. Mais, il faut absolument le défendre car il nous permet de faire notre métier correctement. À un moment, il y a eu des dérives, c’est vrai. Parce que certains cherchaient l’intermittence avant d’avoir un métier. À une époque, on avait parlé d’une carte professionnelle d’intermittent, mais c’était très dangereux. Quels critères auraient défini son attribution ? Il faut surtout changer l’esprit des gens. Le grand public ne me parle pas souvent du système de l’intermittence. Mais j’ai l’impression quand même qu’il y a une grande méconnaissance. Je n’entends pas de fortes critiques, mais on me dit parfois : “ Ah bon, comédien, c’est un métier ? Tu ne fais rien à côté ? ” C’est aussi un paradoxe de l’intermittence : on est reconnu en tant que professionnel lorsque l’on est demandeur d’emploi. »
Recueillis par Guillaume Vénétitay

Portrait en trois chansons d'Emel Mathlouthi

Par sa voix, sa musique et ses textes, cette chanteuse engagée incarne la musique tunisienne libérée. Voici son portrait, en trois chansons.

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Kelmti Horra, « Ma parole est libre » est le titre de son premier album, sorti il y a un an. Il retrace, à lui seul, le trajet d’Emel Mathlaouthi mais aussi la prise de conscience de tout un peuple : peur, longueur du chemin à parcourir, cri d’alarme, liberté… Sur fond de trip hop, rock et musique traditionnelle, interview-portrait en trois chansons d’une artiste dont l’intensité nous emmène loin… Très loin.
Mal kit
« Littéralement, ça veut dire “ je n’ai pas trouvé ”, “ je n’ai pas trouvé d’ami qui réponde à mes questions, je n’ai pas trouvé de mots pour parler…” . Ce morceau décrit un état de perdition quand on n’arrive plus à s’accrocher à quelque chose… J’ai écrit cette chanson suite aux événements de 2008 à Gaza. Je ne pouvais pas trouver les mots de l’espoir, je n’y arrivais pas, alors j’ai décrit ce sentiment, ce moment où on se sent incapable de passer au-dessus. En tant qu’artiste, on pense pouvoir et devoir donner de l’espoir aux autres mais, parfois, c’est impossible. Avec cette mélodie, je m’accorde le droit de fermer les yeux pour ne plus voir, de partir loin, de m’échapper face à ces atrocités. »
 
Houdou’on
« Cette chanson, je l’ai écrite en 2007. Je déplorais ce calme, ce silence des peuples soumis. Ce laisser-faire qui les mène à la mort. J’ai décrit ce calme. Ce calme froid. Ce calme beau. Ce calme souffrant. Figé. Ce calme qui devient une entité grise, se transforme, se détourne, grossit et se change en une créature maléfique qui mange les hommes, les moutons… Je ne me prends pas pour une poétesse mais ce texte-là est né d’une façon étonnante. J’avais cette ironie noire en moi, ce cynisme… Et d’un coup, c’est comme si j’étais possédée, les mots ont jailli. »
 
Ya Tounes Ya Meskina
« Pauvre Tunisie ». Encore un morceau écrit en 2008, ce fut une année très inspirante pour moi… Je l’ai rejoué l’été dernier, à Tunis, dans l’avenue Bourguiba, à la première fête de la musique tunisienne. 3 000 personnes étaient là, devant moi, à entonner mes chansons de 2008 qui tournaient sur le net quelques années avant la révolution. Toutes les catégories sociales se sont retrouvées là . Ce n’était pas évident de s’exposer comme ça là-bas, c’était même risqué. On pouvait s’attendre à tout. Mais finalement, c’était la consécration. »