Disco Soupe : rien ne se perd, tout se récupère

Parce que « le gâchis, salsifis », les économes étaient de sortie vendredi sur la place des Halles. Organisée chaque mois par une dizaine de Tourangeaux, la Disco Soupe vise à sensibiliser au gaspillage alimentaire. Au menu : des fruits et légumes invendus, une équipe d’éplucheurs et de la musique, pour une distribution de soupe gratuite. Tmv est allé y faire un p’tit tour. Et y a pris goût !

Arrêter de consommer à outrance. » C’est le leitmotiv de Noémie, bénévole de l’association Disco Soupe. Alors vendredi dernier, à l’occasion de la Journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire, elle et ses discopains ont récupéré 45 kilos de fruits et légumes prêts à être jetés. Certains viennent directement de producteurs locaux, d’autres ont été glanés à la fin d’un marché et quelques-uns ont été sauvés in extremis des bennes d’une grande surface. Alors oui, tous avaient la tête des mauvais jours. Une tâche par-ci par-là, une légère protubérance ou un petit coup de mou. Bon ok, certains avaient l’air d’avoir sérieusement abusé sur l’arrosage. Les traits tirés. Le corps malfichu. La tignasse froissée. M’enfin bon, y avait pas de quoi les jeter au rebut.
La lutte contre les « gueules cassées » ou les légumes « moches » commence à faire son chemin. Tant au niveau des enseignes que dans l’esprit des consommateurs. Mais les chiffres font toujours autant tourner la tête, années après années. C’est donc pour sensibiliser le grand public au gaspillage alimentaire que la première Schnippel Disko est organisée à Berlin en 2012, puis à Paris dans les mois qui suivent, sous le nom de Disco Soupe. Aujourd’hui, de plus en plus de villes des quatre coins du globe sauvent régulièrement leurs gueules cassées.

Car n’importe qui peut organiser son propre événement. À condition de respecter les discommandements de l’association, bien sûr. À Tours, la première Disco Soupe a eu lieu il y a un peu plus d’un an. Avec l’ambition de dépasser la lutte contre le gaspi, pour en faire un moment aussi bien festif que convivial. « La sensibilisation oui, mais pas que. On est aussi ici pour créer du lien social. On fait venir des musiciens pour que les gens s’arrêtent, prennent de quoi éplucher, boivent une soupe et discutent un peu », explique Maxime, également bénévole.

Radis to cook ? C’est parti mon kiwi. Il est 17 h 30 et chaque discosoupeur est armé de son plus bel économe. Le son est lancé, la fête peut commencer. Au menu ce soir : soupe de saison (comprenez un mélange de tout ce qu’on a sous la main) et compote pommes-bananes-coings. Pas d’inquiétudes à avoir sur l’avenir des pelures, elles finiront au compost ! Alors ça épluche, ça coupe, ça mixe.
Comme l’ambiance est top, je décide moi aussi de donner un coup de louche. À l’heure où je vous parle, l’épluchage de carottes n’a plus de secret pour moi (j’avais encore un doute). Je me retrouve avec un cuisinier « évidemment sensible à la question du gaspillage alimentaire » et une étudiante « venue par curiosité, pour voir ce que c’est ». Je papote en faisant la popote et la corvée habituelle devient un vrai plaisir. Également à mes côtés, Liam, 9 ans, manie l’économe comme personne. Futur cuisinier, « végétalien » s’il vous plait, il en est déjà à sa deuxième Disco Soupe. Ce soir-là, il a notamment découvert ce qu’était un coing : « c’est comme une poire, mais ça a le goût de pomme ! » lui a répondu sa maman (au cas où vous auriez eu un doute).

Dix carottes et un potiron plus tard, les premières odeurs chatouillent les narines. Les passants commencent à se prendre au jeu : certains mettent la main à la pâte, d’autres se contentent de goûter la première tournée de compote (on les a repéré ceux-là, oui, oui), mais tous approuvent l’initiative. Côté disco, on éteint la sono pour faire place à un tromboniste, un guitariste et un percussionniste venus proposer leurs services. Ce soir-là, puisqu’aucun groupe n’a répondu à l’appel lancé sur Facebook pour mettre un peu de pomme humeur, trois musiciens improvisent un petit boeuf. Comme ça, normal, sans même avoir répété avant. Et ça passe crème.

C’est donc sur quelques-uns des plus grands tubes des années 80 que la soirée se poursuit. Un verre de soupe à la main, l’heure est à l’échange de bons procédés. Les bénévoles n’hésitent pas à faire part de leurs petites astuces aux commis d’un jour. Saviez-vous que les tâches sur les poires ne sont pas synonymes de pourriture mais de… forte teneur en sucre ? « On demande aux gens comment ils consomment et on fait en sorte qu’ils repartent chez eux en se disant qu’ils peuvent agir à leur échelle. Ce sont des petits gestes à adopter. Il suffit par exemple de frotter les carottes, de les essuyer et de les laisser sécher une dizaine d’heures avant de les mettre au frigo, pour éviter qu’elles pourrissent en quelques jours », conseille Noémie, perruque bleue-disco sur la tête.

Afin de prolonger son combat contre le gaspillage alimentaire, l’association a pour projet d’installer un frigo collectif dans une rue de Tours. Basé sur l’esprit de partage et de solidarité, il fonctionnera en libre-service : chacun pourra y déposer et récupérer les fruits d’une récolte trop généreuse ou le surplus avant un départ en vacances.
Partager, plutôt que jeter : l’idée est bête comme chou, mais il fallait oser ! En attendant que l’initiative se mette en place, les disco-soupeurs profitent de l’occasion pour distribuer gratuitement aux passants les confitures de coings préparés avec les fruits de la dernière cuisine collective, ainsi que les légumes non utilisés. Tous s’étonnent de ne pas avoir à sortir leur porte-monnaie. Alors ils en profitent pour faire leur marché. Je suis moi-même repartie avec mon sac de provisions pour la soirée. Et promis, j’ai rien gâché !

>Reportage et photos de Camille Petit

La prochaine Disco Soupe aura lieu le 28 novembre devant le bar The Pale, place Foire le Roi. Si vous êtes choux-patates pour donner un coup de main, rendez-vous sur leur page Facebook « Disco Soupe Tours ».