Artiste, un parcours de combattante

La prise de conscience des inégalités hommes-femmes semble amorcée. Pourtant, dans les milieux artistiques, le chemin reste semé d’embûches pour les femmes.

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« J’aurais voulu être un artiste », chantait Claude Dubois dans Starmania, en 1979. Quarante ans plus tard, ce rêve, beaucoup d’hommes et de femmes souhaitent encore l’atteindre.

Selon différentes études, ce chanteur aurait même eu plus de chance à notre époque puisque le nombre d’artistes déclarés aurait triplé, voire quadruplé, depuis la sortie de la célèbre comédie musicale. Mais cela reste une sphère très compétitive, qui implique bien souvent un mode de vie précaire, instable et une carrière qui peut s’arrêter du jour au lendemain.
« Et les femmes, qui sont peu nombreuses à entrer, quittent encore plus ce milieu au bout de dix ans parce qu’elles n’arrivent pas à trouver leur place dans un univers qui leur est encore plus hostile que pour les hommes », précise ainsi Marie Buscatto, professeure des universités en sociologie à l’Université Paris 1.

Si vivre de sa passion est une ambition pour certains, cela relève de l’utopie pour certaines. Depuis ses premières études sur l’univers du jazz en 2007, qu’elle vient de rééditer (1), la sociologue a constaté que « rien ou presque n’a changé. Dans le jazz, moins de 10 % des musiciens sont des femmes, dont 4 % de femmes instrumentistes.

Et sur l’ensemble des chanteurs de jazz, 65 à 70 % des femmes sont chanteuses. Aujourd’hui, on est sur le même type de réalité qu’il y a dix ans, en jazz comme dans toutes les pratiques musicales : des concerts masculins ou très majoritairement masculins et des femmes, quand elles sont présentes, parfois batteur, parfois contrebassiste ou trompettiste, très souvent chanteuses », analyse-t-elle à l’autre bout du fil.

DES STÉRÉOTYPES QUI ONT LA VIE DURE

Pour Sylvain Dépée, directeur du pôle chanson de la région Centre-Val de Loire, les Bains-Douches à Lignières (Cher), les chanteuses sont plus présentes dans la chanson française et percent plus difficilement dans le monde de la pop, du rock ou encore du rap. Derrière l’image « moderne » de ces courants musicaux se cachent alors les plus anciens mécanismes machistes.
Chaque art et chaque esthétique ayant ses propres particularités (modes de formations, recrutements, création du réseau social…), la place des femmes diffère dans chaque milieu.

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Bon, bien sûr, il y a toujours l’exception qui confirme la règle et la palme revient… à la musique classique ! Eh oui, elle est « la seule musique qui s’est vue féminisée au niveau professionnel de manière plus importante depuis 30 à 40 ans et notamment la musique d’orchestre, par les instruments à cordes », décrit Marie Buscatto. Toutefois, ces artistes peinent à percer dans les positions hiérarchiques les plus élevées.
On comptait en 2016, dans le monde, seulement 21 femmes cheffes d’orchestre à renommée internationale pour 586 hommes. En France, on les recense sur les doigts d’une seule main.

DES CONCOURS À L’AVEUGLE

Et si l’émission The Voice, avec ses sélections à l’aveugle, détenait une partie de la solution ? En effet, ce qui a notamment permis à la musique classique de tendre vers l’équilibre, au niveau du pupitre, « ce sont les cursus en conservatoire, dans lesquels il y a une majorité de femmes depuis de longues années, notamment en piano, alto, violon, flûte… et des concours avec des auditions à l’aveugle, qui permettent de recruter des candidats sans connaître leur sexe », précise la sociologue.

Marie Buscatto, sociologue.
Marie Buscatto, sociologue.

Selon l’étude statistique des économistes Goldin et Rouse, qui a été faite aux États-Unis en 2000, quand six des plus grands orchestres du pays ont décidé de mettre en place des auditions à l’aveugle, il y a eu plus de 30 % de femmes recrutées dans ces orchestres après ce changement.
En France, ces auditions « paravents » ne sont pas systématiques et leur impact n’a donc pas pu être étudié. Une formation et des auditions plus « objectives » qui ont bénéficié par exemple aux Violons d’Aliénor, un groupe de cordes jouant un répertoire du XVIIe au XIXe siècle, composé de quatre étudiantes en section musiques anciennes (qui compte 6 hommes et 6 femmes) au pôle Aliénor à Poitiers, centre d’études supérieures de musiques et danses.

« On n’a pas ressenti de frein parce qu’on était des femmes. Aujourd’hui on n’y pense pas, on fonce, on va au contact des lieux de diffusion », constatent-elles.

Mais le son de cloche n’est pas le même selon les instruments et selon les stéréotypes de genre auxquels ils renvoient. Au sein du même pôle, dont une partie de l’enseignement se situe à Tours, seulement 2 femmes étudient les cuivres (trompette et cor) sur une classe de 10 et aucun des 5 élèves de percussions n’est une femme. Julie Varlet, trompettiste de 23 ans, a ainsi commencé son instrument à Dax (Landes), pays des bandas, à l’âge de 7 ans.
« J’ai toujours été la seule fille ou presque, mais ça ne me dérangeait pas, par contre, j’ai eu plus des problèmes avec des professeurs “ de la vieille école ” qui me faisaient des réflexions sexistes. Par exemple, ils disaient que je jouais “ trop féminin ”, pas assez fort », se souvient-elle.

À Tours, son professeur aborde plutôt la question du genre par l’anatomie et lui a conseillé de faire du sport et des exercices de respiration pour améliorer sa capacité pulmonaire. Ainsi, pour que les femmes passent de muses à peintres reconnues, comme le souhaite l’association Aware (Archives of women artists, research and exhibitions) qui tend à replacer les artistes femmes du XXe siècle dans l’histoire de l’art, et pour qu’elles puissent à leur tour vivre de leurs créations, il faut changer les mécanismes sociaux. En développant la formation et la parité parmi les recruteurs, en changeant les stéréotypes négatifs (manque d’autorité ou de force, d’efficacité, objet de désir…) et en donnant plus de place aux femmes artistes dans les écoles et les médias.

Ces dernières n’ont d’ailleurs pas attendu pour se regrouper en collectif, car l’union fait la force. Et même si les choses semblent avancer, il est temps que celles-ci changent vraiment, pour que toutes et tous aient les mêmes chances d’exprimer leur créativité.

(1) Marie Buscatto, « Sociologies du genre », Paris, Armand Colin, 2019 [2014] ; Marie Buscatto, « Femmes du jazz. Musicalités, féminités, marginalisations », Paris, CNRS Editions, 2018 [2007].

>> Retrouvez notre dossier intégral sur la place de la femme dans le monde de l’art dans notre numéro 324 <<

Enfants : fini, les visites-cauchemar !

Certaines visites peuvent être un parcours du combattant quand on a de jeunes enfants. Laëtitia Humblot l’a compris et propose aux familles du sur-mesure.

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« Ce n’est pas parce qu’on a des enfants, qu’on doit s’interdire les visites culturelles. » Laëtitia, jeune maman tourangelle, en est convaincue. Âgée d’une trentaine d’années, cette guide accompagnatrice, diplômée en Histoire de l’art, a eu cette idée après une expérience dans un office de tourisme de la région.
« Je me suis aperçue qu’il n’existait pas vraiment d’offre adaptée pour les familles. Je me suis dit que l’on pouvait trouver le moyen d’inciter les parents à sortir avec leurs bambins. » En 2015, la passionnée d’Histoire créé son association, Les sorties de Laëtitia. « En fait, je suis très flexible sur tout. Par exemple, je reste très souple pour les horaires des visites, je suis bien consciente que certains petits ont besoin de faire la sieste. Je pense également, et c’est prouvé, qu’un enfant ne peut rester concentré plus de 30 minutes lors d’une visite. Je choisis généralement des petits groupes, pas plus de 15 personnes. L’idéal d’ailleurs est que ces dernières se connaissent déjà ! »

Par ailleurs, la guide expérimente des thématiques. « On peut imaginer une visite sur le thème des princes et des princesses au château d’Ussé ou bien une nouvelle façon de voir le Clos-Lucé à Amboise grâce à son parc. Après, je m’adapte aux demandes. » Et pour captiver sa cible, la guide privilégie la découverte du patrimoine par le jeu et surtout les images. « Il faut bien vous dire qu’un château sans meubles ne parle pas aux enfants, je cherche des lieux qui peuvent d’emblée les intéresser. Il faut sans cesse se renouveler pour captiver le jeune public. »

>> Plus d’infos sur les-sorties-de-laetitia.com

Anne-Cécile Cadio

J’ai couru mon premier marathon

À 50 ans, Xavier a choisi de courir son premier marathon sous les couleurs de tmv. Il boucle le parcours en 3 h 50 et avec le sourire. La clé de la réussite, selon lui : la préparation ! Moments choisis…

AVANT LE DÉPART
J’ai été très rigoureux dans ma préparation. J’ai dû adapter ma vie pour caser les quatre entraînements hebdomadaires. Et j’ai fait attention à ne plus trop faire la fête… LE DÉPART Je pars plutôt confiant. J’ai suivi ma préparation à la virgule près. Mais bon, comme c’est mon premier marathon, il y a quand même une vraie part d’inconnu. Et puis, j’entends des choses autour de moi, dans le sas de départ : le mur des 30, tout ça. Ça fait un peu peur… Et puis arrive la musique, le départ, quelque chose monte en moi : c’est parti ! LE

10E KILOMÈTRE
Dans les 10 premiers kilomètres, j’essaie de me caler. Je suis les meneurs d’allure, mais j’ai l’impression qu’ils vont un peu plus vite que l’allure prévue. Alors, je cherche les 5’20’’ au kilo qui doivent m’emmener à mon objectif de 3 h 45. Ça me prend quelques kilomètres, mais je me cale.

marathonLE 28E KILOMÈTRE
28 kilomètres, c’était mon max à l’entraînement. Quand je passe la borne du 28, je plonge dans l’inconnu, je commence à appréhender un peu. J’appréhende un peu le mur des 30 mais, finalement, il passe sans trop de douleur. Je commence à voir pas mal de gens qui s’arrêtent, pris de crampes, qui coincent vraiment. Je me dis, peut-être que c’est bientôt mon tour !

LE 35E KILOMÈTRE
Là, ca devient vraiment plus difficile. Surtout au niveau des jambes. Le cardio, ça va mais les jambes se raidissent. La douleur est là. Heureusement, le public m’aide. C’est ce qui est grisant dans un marathon : ce public qui te transporte et qui te permet de surmonter les moments compliqués.

LE 38E KILOMÈTRE
« À mon avis, c’est gagné », c’est ce que je me dis intérieurement. Je cours un peu mécaniquement, j’oublie la douleur. C’est vraiment au niveau de la tête que ça se passe. C’est la tête qui m’emmène. Et puis, je n’étais pas seul dans ce marathon et la présence de mes compagnons de course m’aide beaucoup.

LE 41E KILOMÈTRE
Le public à l’arrivée est incroyable ! Je me retrouve comme à l’arrivée du Tour de France. C’est serré, il n’y a plus que mon passage à travers la foule, tout le monde crie mon nom. C’est vraiment enivrant. Ça me transporte.

ET APRES ? MARATHON 05

Je suis heureux, très heureux d’avoir réalisé cette performance. On est beaucoup de marathoniens, mais en faire partie, c’est un aboutissement. Les heures d’entraînement, tous les sacrifices, je ne les ai pas faits pour rien. L’entraînement me paraît, a posteriori, plus dur que la course elle-même, mais tellement essentiel.