Covid, climat, bio, changements : le monde du vin en pleine mutation

Économie, société, climat… Le monde viticole s’adapte aux évolutions du monde actuel, sans négliger la qualité et l’amour du travail bien fait.

Au printemps 2020, les Français étaient confinés. Tous ? Non, d’irréductibles viticulteurs tourangeaux, ne pouvant délaisser leurs ceps trop longtemps, étaient au pied des vignes. En plein air et à distance les uns des autres, ils ne risquaient alors rien pour leur santé mais voulaient préserver celle de leurs vignobles.

Ont-ils bien fait ? La vigne n’a en tous cas pas attendu le déconfinement pour vivre sa vie : 2020 a été à Vouvray le débourrement le plus précoce de l’histoire de l’appellation. Et tout le cycle de vie de la vigne a suivi, avec des vendanges achevées en septembre dans certains domaines, quand elles trainent certaines années jusqu’à la mi-octobre.

Covid : repenser la commercialisation

Mais si les grappes de raisin ont fait fi du Covid pour faire leur petit bonhomme de chemin, les vignerons ne sont pas tous sortis indemnes de cette année 2020 pas comme les autres. « Le Val de Loire est en général bien représenté sur les cartes des restaurants, et certains vins s’exportent bien. La pandémie, avec ses confinements et fermetures, a donc eu un gros impact pour certains viticulteurs qui ont vu chuter leurs ventes. »

Pour Lionel Gosseaume, président d’InterLoire, l’interprofession des vins du Val de Loire (de Sancerre à Nantes), le Covid aura donc des effets à long terme sur la santé économique de certaines exploitations viticoles. Toutes ne sont pas dans la même situation, comme le souligne Romain Baillon, conseiller viticulture au GABBTO (Groupement des agriculteurs biologiques et biodynamiques de Touraine) : « Pour nos vignerons qui avaient déjà une clientèle constituée de particuliers, ils s’en sont bien sortis, parfois même mieux que les années précédentes. Alors que pour ceux qui vendaient à l’export ou en hôtellerie-restauration, la situation a été compliquée, il a fallu trouver de nouveaux marchés. »

Quel que soit le profil, l’adaptation est apparue comme le maître-mot du monde viticole. Du côté de Chinon, la tradition a dû s’effacer durant quelques mois, comme le souligne Fabrice Gasnier, président du syndicat des vins de l’AOC : « Chez nous, on a l’habitude de venir au domaine, chez le vigneron, pour acheter ses bouteilles. Les portes sont ouvertes en permanence. Avec le confinement, certains se sont adaptés, ont développé la livraison à domicile par exemple. »

Au domaine du Margalleau, en AOC Vouvray, la famille Pieaux travaille par exemple à la création d’un site web. Valentin Pieaux nous dit pourquoi : « Les neuf mois de fermeture des restaurants ont été compliqués pour nous. Il faut diversifier nos moyens de commercialisation, et réfléchir à comment contrer ce genre de situation, car c’est le monde vers lequel on va. » Un monde qui n’en finit pas de changer… et de se réchauffer.

Climat : anticiper les aléas

Ça chauffe ! Ou ça gèle ? Bref : ça bouge ? 2020 a été une année précoce dans tous les vignobles de Touraine, mais 2021 a été marquée par le gel pour plusieurs appellations. Chinon est passé entre les gouttes. Mais chez d’autres, le verdict a été sans appel : plus de la moitié de la récolte tuée dans l’œuf (ou plutôt dans le bourgeon). Et on ne vous parle même pas des risques de mildiou qui ont fait transpirer nos vignerons tout l’été…

Au-delà de la seule récolte 2021, c’est toute une dynamique qui se trouve freinée, comme le rappelle Hervé Denis, le président de la cave des producteurs de Montlouis-sur-Loire (Maison Laudacius) : « Nous avons eu des gels à répétition en 2016, 2017, 2019 et 2021. Les récoltes sont donc irrégulières, il devient compliqué de planifier des investissements. Et avec l’incertitude sur la production, les projets commerciaux que nous avions sont au ralenti. Nous avons trois de retard par rapport à nos ambitions de développement ! ».

La coopérative montlouisienne a même dû contracter un prêt, tout en assurant le paiement mensuel de ses quinze adhérents, pour qui le dicton « l’union fait la force » n’a jamais été autant d’actualité. L’interprofession InterLoire et les syndicats de producteurs veulent anticiper l’accélération de ces changements climatiques, « des questions centrales et stratégiques » selon L. Gosseaume.

Coté commercialisation, une gestion des stocks adaptée pour ne pas reculer sur les nouveaux marchés où les vins de Loire sont concurrencés par d’autres vignobles français ou étrangers. Et côté prévention, une cartographie précise des terroirs pour identifier ceux à risque et le test de nouveaux cépages durant dix ans, plus adaptés à ces conditions climatiques coté prévention, pourraient aider à se préparer à ces changements inéluctables. Sur le terrain, certains cherchent d’autres parades.

Sophie Clair et Romuald Colin, au Chai de Thélème, réfléchissent aussi à la plantation de cépages adaptés à ce nouveau climat. Mais ils misent aussi sur l’ouverture d’un gite axé sur l’œnotourisme pour compléter leur activité.

Et le bio alors ?

Autre évolution à laquelle le monde du vin s’engage : le bio, le respect de l’environnement, et au passage, de notre santé. Là encore, regard sur le futur : d’ici à 2030, 100 % des exploitations viticoles en label environnemental ? C’est l’objectif que se fixe InterLoire. À l’heure actuelle, 50 % des exploitations (pour 30 % des surfaces viticoles) sont inscrites en label Bio, HVE3, Terravitis ou Agriconfiance entre Sancerre et Nantes, en passant par la Touraine. Au GABBTO, on compte aujourd’hui 80 vignerons adhérents, sur les quelques 180 à 200 que compte l’Indre-et-Loire.

Et les chiffres grimpent d’année en année. Les motivations sont multiples : convictions profondes de nouveaux venus, ou motivations économiques face à l’engouement de la clientèle grand public pour les produits labellisés bio. À la cave Laudacius (Montlouis), on évoque ainsi la « pression sociétale » et « l’évolution des demandes pour un respect accru des terroirs et de la nature ».

Mais comme le souligne Romain Baillon, « même si parfois la motivation première est l’intérêt pour la commercialisation, les vignerons qui se forment pour se convertir en bio découvrent tout l’intérêt de ces pratiques et deviennent eux aussi des convaincus ! ». Une chose est sûre : à tmv, on est convaincus que nos vins de Touraine sont partis pour durer, grâce aux efforts déployés par ces professionnels qui ne lâchent pas la grappe tant qu’elle n’est pas mûre à point.

Les jeunes prennent le relais

À Saint-Martin-le-Beau (AOC Montlouis), Céline Avenet a rejoint son père pour créer le GAEC Les Mons Gas. Elle avait pourtant débuté son parcours dans une autre voie : la statistique, dans l’industrie pharmaceutique. Mais après deux ans de vie parisienne, retour au bercail : « J’avais déjà hésité à rejoindre la viticulture, mais j’avais peur que ce soit trop difficile. Finalement ça l’est, un peu tous les jours, mais ça me passionne ! J’adore passer ma vie dehors à chouchouter mes vignes, voir pousser le raisin. Et être en coopérative est enrichissant, il y a de l’entraide, de l’échange. Mon père ne s’attendait pas et il était à la fois heureux qu’une nouvelle génération prenne le relais, mais aussi inquiet pour moi ».

Aujourd’hui, Didier est rassuré car sa fille assure ! À Chançay (AOC Vouvray), Valentin Pieaux a rejoint son père et son oncle au domaine du Margalleau. Pour lui, c’était évident : « Je suis tombé dedans quand j’étais petit, comme Obélix ! Je suis né juste avant les vendanges 1995, date de la création du domaine. J’ai tout de même suivi un BTS à Montpellier, qui m’a permis d’acquérir de l’expérience en Alsace et au Chili avant de revenir ici en 2017 ».

Avec lui, il a ramené un lot de belles idées, dont la fabrication de rosé sec en bouteille dont la première cuvée (2018) s’appelle « L’intronisé ». Et notre nouvel arrivant n’a pas fini d’innover : les trois Pieaux travaillent en effet sur la création d’une nouvelle gamme élevée en fut de chêne, pour monter en gamme et séduire une nouvelle clientèle.

Texte : Maud Martinez / Photos : Adobe Stock (ouverture) & archives NR et tmv (corps de l’article)
*L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.


Voyage sensoriel dans les vignes

Les 3 et 4 septembre se tiendra la 13e édition de Vignes, vins et randos en Val de Loire. En avant-première, à Rivarennes, Tmv a rencontré l’un des vignerons participant à l’opération.

"La conversion à l'agriculture biologique m'a permis de redécouvrir mes vignes"
« La conversion à l’agriculture biologique m’a permis de redécouvrir mes vignes »

Une route étroite serpente entre deux parcelles de vigne. Le temps est au beau fixe, et pourtant il n’y a personne à la ronde. « C’est le calme avant la tempête, nous éclaire Nicolas Paget, vigneron à Rivarennes sur un domaine de 15 hectares en appellations Azay-le-Rideau, Touraine et Chinon. Passés les travaux d’entretien de la vigne qui se déroulent de mai à juillet, nous observons la véraison, ce moment où le grain change de couleur, aux alentours du 15 août. »
Selon les cépages, le grain vert tourne au rouge ou au jaune. La tempête, elle, est annoncée pour début octobre : cette année, les vendanges seront tardives. En septembre, le vigneron préparera son arrivée : « C’est le moment où nous sortons le matériel, nous nettoyons les fûts et la cave. » L’objectif : être fin prêt pour accueillir la récolte.

Au moment de la véraison, les grains changent de couleur.
Au moment de la véraison, les grains changent de couleur.

À l’intérieur d’un vaste hangar se dressent de hautes cuves en inox dotées d’un système sophistiqué de régulation des températures de fermentation. Dans cet ancien bâtiment d’élevage réhabilité en chai moderne sera réceptionnée la récolte, cueillie à la main par une quinzaine de vendangeurs. Le domaine, dans les mains de la famille depuis cinq générations, est passé progressivement de la polyculture- élevage à la viticulture. Nicolas Paget, lui, exerce le métier de vigneron depuis 15 ans. Il y quelques années, le quadragénaire a choisi d’orienter le domaine en agriculture biologique : « C’est ma contribution personnelle afin d’assurer la pérennité du domaine familial », affirme-t- il. Ce mode de production met en oeuvre des pratiques culturales et d’élevage dans le respect des équilibres naturels. Par exemple, il exclut l’usage des OGM et des produits chimiques de synthèse, comme les herbicides. Pourtant, en viticulture, se passer des herbicides n’est pas une mince affaire : « On passe beaucoup de temps à travailler les sols. Ça a été compliqué, mais aujourd’hui mon vignoble vit, sans être étouffé par d’autres plantes. Il est magnifique », avance le vigneron, non sans une pointe de fierté.
Un cheminement qui donne, aussi, un nouveau sens à sa vie : « Je me suis voué corps et âme à cette reconversion, qui a remis un grain de folie dans mon activité. Au début, c’était dur : je me posais plein de questions, je ne savais pas trop où j’allais. Mais j’en suis ressorti grandi. C’est une véritable renaissance. »

Passion bio

Nicolas Paget l’affirme : il a redécouvert ses terres et sa vigne. Aujourd’hui, il prend le temps de l’observer, de comprendre comment elle fonctionne. Autre élément de satisfaction, la diversité des espèces qui vivent sur l’exploitation : « En bio, on nuit moins à la nature. Un naturaliste réalise des relevés sur mes parcelles. Il y a découvert des libellules très rares. » Le revers de la médaille ? Ses rendements ont un peu baissé et ses coûts de production sont devenus plus importants. En cause, la main d’oeuvre nécessaire à l’entretien des vignes : « Sur un domaine comme le mien, en agriculture conventionnelle, un seul salarié pourrait suffire. Alors qu’en bio, j’en emploie quatre : deux à temps complet et deux à mi-temps. » Tout l’enjeu, alors, consiste à réussir à maîtriser ce nouveau système, af in de proposer des vins à un prix qui reste abordable.

Dans la cave historique du domaine, le vin se bonifie en fût de chêne.
Dans la cave historique du domaine, le vin se bonifie en fût de chêne.

En contrebas du chai moderne, le vigneron nous amène dans la Creuse rue, une voie pittoresque qui s’engouffre dans le tuffeau. Elle descend jusqu’au village d’Armentières situé au niveau de l’Indre. De part et d’autre de la rue, pas moins de 80 caves dépendent des habitations du village. Nous pénétrons dans l’une d’elles par une double porte en chêne qui s’ouvre sur une grange construite contre la paroi de tuffeau. C’est la cave historique du domaine. Au fond, deux galeries sont creusées dans la roche. Des dizaines de fûts de chêne s’y alignent. Loin de toute agitation, cet endroit frais respire la tranquillité : « Ici, on laisse au vin le temps de se bonifier en fût, avant la mise en bouteille », précise Nicolas Paget. Le vin décante longtemps, ce qui permet au vigneron de supprimer l’étape de filtration. L’intérêt ? « Ça évite de déstructurer le vin. En filtrant, on casse l’âme du vin », estime le spécialiste.
Résultat, une belle gamme de vins – rosés, blancs et rouges – sur trois appellations. Mélodie, opus, maestro, jajavanaise… Chaque cuvée porte un nom qui évoque la musique. Et pour cause, Nicolas Paget a longtemps hésité entre deux vocations : le vin ou la musique. Il en reste une invitation à boire son vin en chantant.

Reportage et photos : Nathalie Picard

DRÔLE DE RANDO DANS LES VIGNES

Vignes, vins, randos, c’est déjà de belles balades dans les vignes du Val de Loire. Mais l’événement offre aussi son lot d’animations originales. Comme la découverte des vignes de Nicolas Paget en gyropode tout-terrain, une curieuse machine dotée d’un manche et constituée de deux larges roues reliées par une plate-forme. Cette activité, une journaliste de Tmv l’a testée pour vous. Au péril de sa vie… ou presque ! Jugez plutôt… Coiffée d’un casque et cramponnée au manche, je monte sur la plateforme et tente de trouver l’équilibre en suivant les conseils avisés de Sébastien Trova, organisateur de la randonnée et gérant de la société Gyroway. « Attention, prévient-il. Une chute est vite arrivée si l’on pêche par excès de confiance. » Avancer, freiner, tourner… Sur le parking, je m’exerce à maîtriser l’engin.

Puis, c’est le moment de passer aux choses sérieuses : une balade d’1 h 30 à travers vignes, champs et forêts des coteaux de l’Indre. Au début, tout va bien : on démarre par une route bitumée. En même temps, la balade en pleine nature est le grand intérêt de cette machine tout terrain. Nous voilà donc lancés sur un chemin caillouteux dans la forêt de Chinon.
Lorsqu’une roue de mon gyropode tombe dans un trou, je corrige trop brusquement la direction et me retrouve complètement déséquilibrée. Un pied à droite, un pied à gauche… Je réussis finalement à descendre de l’engin sans chuter. Après cette petite frayeur, nous repartons. Plus loin, nous apercevons un chevreuil à l’orée du bois. Je finis la promenade sans encombre. Et vous livre un conseil avisé : ne forcez pas trop sur la bouteille pendant la randonnée !

Vignes, vins, randos – 3 et 4 septembre 2016 14 randonnées dégustations le long de la vallée de la Loire, de Nantes à Blois, dont 5 en Touraine (Vouvray, Touraine-Mesland, Chinon, Touraine Azay-le-Rideau) Nouveauté 2016 : initiation au yoga du rire sur chaque parcours.
>Inscription en ligne sur vvr-valdeloire.fr

Bibovino : le pinard peinard

Le cubi est mort, vive le cubi ! À Tours, la franchise BiboVino remet les vins au cubi à la mode. Depuis l’hiver, ce bar à vins veut casser les préjugés dans une Région qui n’est pas forcément fan du vin en bib.

LE CONCEPT

Bibovino, c’est le nouveau concept de cave à vin et cave à manger installé depuis décembre rue des Halles. Il ambitionne de détendre un peu l’atmosphère en vendant son vin en bib, c’est-à-dire en bag-in-box. Vous savez, ces boîtes en carton qui renferment une poche plastique sous vide, remplie de vin, avec un petit robinet. Avantages de ce conditionnement : conservation du vin entre 4 et 6 semaines, prix réduit de 25 à 30 % par rapport au prix de la bouteille.

EPICURE LIKES THIS !

Claire, à la tête de la boutique, le dit sans détour : « Mon mari et moi sommes des épicuriens. On aime bien boire un coup, manger de bonnes choses » (Nous aussi, ça tombe bien). Avant de préciser : « Avec Bibovino, je veux répondre aux envies de ceux qui veulent se faire plaisir avec de très bons produits mais dans un bon rapport qualité-prix. Grâce au bib, moins cher à fabriquer qu’une bouteille en verre, on peut rendre un bon vin accessible ».

LE TEST

Là, vous vous dites, « bof, ça sent la piquette » ? Détrompez-vous, tmv a testé : les vins sont de très bonne qualité ! Du Crozes Hermitage au beaujolais, du morgon au bourgueil, la sélection est méticuleuse, soignée et issue de vignerons indépendants. C’est la grande force du concept, créé en 2013 à Paris et qui compte maintenant une vingtaine de boutique en France et à l’étranger : tous les vins sont offerts à la dégustation. Tous les verres et toutes les carafes, quel que soit le vin, sont au même prix. Un chardonnay ou un saint-émilion ? Le choix se fait en fonction des goûts et non des sous… !

DU VIN, MAIS PAS QUE

Pour aller avec la quarantaine de nectars proposés, Bibovino propose de bonnes petites planches qui vont bien avec. On vous conseille l’italienne, inspirée par Hugo, le mari de Claire, italien et amoureux des produits de son pays. Les fans de burrata y trouveront aussi leur compte, ainsi que les amoureux de jambons et fromages italiens.

C’EST OÙ ?

93 rue des Halles tél. 09 53 91 60 34 Ouvert midi et soir, formule midi à 12 € (soupe, plat, dessert et un petit verre de vin) Le jeudi soir, happy bibo : 3 € le verre et 7 € la planchette. Les 1er mardis de chaque mois, c’est Bibo Nana : que des filles, autour d’une raclette, d’une galette…

>>>POUR EN SAVOIR PLUS
facebook.com/bibovinotours

Par Jeanne Beutter

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Wine&Box : entre vin idéal et solidarité

Deux Tourangeaux de 25 ans ont créé Wine&Box, un site d’e-commerce qui trouve le vin qui vous correspond grâce à un algorithme… et aide les producteurs dans le besoin !

WINE&BOX, C’EST QUOI ?

Pierre Seigne

Un site de vente de vin en ligne, sous forme d’abonnements et au détail. Son avantage ? Un algorithme pour « faciliter l’achat. C’est le vin qui vient à vous », présente Pierre Seigne, entrepreneur depuis ses 21 ans et l’un des créateurs de Wine&Box, aux côtés de Gaëlle Le Bouffau. En gros, dis-moi qui tu es, je te dirai quel vin tu bois. Cet algorithme a été développé avec Henri Chapon, 3e meilleur sommelier d’Europe. C’est lui qui sélectionnera les vins qui figureront dans la cave du site et dans les box d’abonnement (un coffret surprise avec 3 bouteilles par mois).
Le site wineandbox.com devrait être opérationnel fin mai, début juin.

SOLIDAIRE DES PRODUCTEURS

« Nous sommes en désaccord avec la grande distribution qui compresse les producteurs. Alors, si on peut aider… » Pierre Seigne et Gaëlle Le Bouffau ont donc eu l’idée d’une « box solidaire » pour Wine&Box. Les bénéfices de ce quatrième abonnement seront reversés aux producteurs qui ont connu une mauvais année ou une grosse galère : « Ce projet, c’est une grande famille. S’il y a des bons produits, c’est parce qu’il y a de bons producteurs. Mais des fois, ils peuvent avoir des problèmes : incendie, climat, mauvais rendements… », justifie Pierre Seigne. « On développe une base de données sur le terrain et on identifie les producteurs qui en ont besoin. »

Gaëlle Le Bouffau.
Gaëlle Le Bouffau.

POUR QUI ?

« C’est vrai qu’on vise surtout les 18-35 ans, éduqués aux réseaux sociaux », admet le créateur. Mais selon lui, Wine&Box s’adresse globalement aux consommateurs qui souhaitent de la facilité et du fun (chaque action sur le site donnera droit à des points, des badges, pour passer des niveaux, un peu comme le système TripAdvisor)… et d’être guidé par un grand sommelier.

100 % RÉGIONAL

« C’est un projet vraiment régional », tient à préciser Pierre Seigne qui rappelle que, tant au niveau du développement, du graphisme que de la logistique, tout s’est fait dans le coin. Pierre Seigne et Gaëlle Le Bouffau se sont rencontrés en 1re année à l’IAE de Tours. « Même Henri Chapon est en Touraine, maintenant », se réjouit Pierre Seigne.

FINANCEMENT PARTICIPATIF

« Le boss de Kiss kiss bank bank [site de financement participatif, NDLR] m’a dit : Mets ton projet sur ma plateforme ! C’est la banque de demain. » Parce que la première fois que Pierre Seigne a parlé de Wine&Box à son banquier, « ça a mis 4 mois… » « On a donc opté pour le crowdfunding, afin de lancer le projet. C’est une arme de communication, maintenant. Ça crée une communauté et de la visibilité. »
Wine&Box a donc lancé sa campagne de financement participatif (*) pour « avancer sereinement » et « se donner le maximum de chances de réussir ». La petite équipe recherche 15 000 € et a déjà récolté plus de 4 500 € en deux semaines. « On y croit à fond, car on a eu que des échos positifs. On veut vraiment changer le monde du vin ! »

(*) CapturePour soutenir le projet : kisskissbankbank.com/wine-box-com

>> Le Facebook de Wine&Box est à retrouver ICI

Vignes : jeunes pousses de Touraine

Reportage au lycée viticole d’Amboise, où le profil et les envies des futurs travailleurs se transforment en même temps que les métiers de la vigne.

 

vignes

Le seau à leurs pieds, le sécateur dans la main. Les mouvements se répètent. Presque mécaniques. Raphaël, Emmanuel, Nicolas et leurs camarades vendangent depuis une dizaine de jours les pieds de vigne du domaine de la Gabillière, qui appartient au Lycée viticole d’Amboise. « Raphaël, tu ramènes des caisses ? », lance Jordan. En classe de première Conduite et gestion d’une exploitation agricole, option vigne et vin, ils s’appliquent dans leurs tâches. Sans machines à vendanger, la priorité est donnée au travail manuel. Même si la « vigne comme nos grands-parents, c’est fini », résume Rodolphe Hardy, maître de chai sur le domaine.

Afféré sur un exercice de thermovinification avec d’autres élèves, il mesure la température d’une cuve. « Avant, il y avait seulement le travail de la vigne et celui du vin. Désormais, il y a tout l’aspect commercialisation qui rentre en jeu », explique-t-il. Vendre son vin aux quatre coins de la France ou du monde, savoir le mettre en valeur. « Le métier s’est professionnalisé », analyse Guillaume Lapaque, directeur de la Fédération des associations viticoles d’Indre-et-Loire et de la Sarthe (Fav 37). Avec les mutations de l’industrie du vin, les jeunes générations changent aussi. « Avant la question de la transmission ne se posait pas. Le fils reprenait l’exploitation du père », continue le directeur de la Fav 37. Aujourd’hui, seuls 30% des viticulteurs d’au moins 50 ans de la région Centre pensent que leur successeur sera un membre de leur famille, selon l’Agreste, le service des études du ministère de l’Agriculture. Et 60 % ne savent pas qui prendra la relève ou estiment que leur domaine est voué à disparaître.

« Investir peut être un peu cher pour les jeunes »

Les investisseurs n’appartenant pas au milieu doivent s’assurer de posséder une certaine capacité financière ou d’être rentable. Ce qui peut décourager les plus jeunes. «Quand on veut acheter un domaine, ce n’est pas une petite somme, on parle en millions », résume Raphaël, 17 ans, les bottes pleines de boue. Tout dépend de l’appellation : en Indre-et- Loire, le coût moyen d’un ha dans une AOP est de 22 600 euros quand il est seulement de 3 700 euros hors AOP. Quel que soit la surface, « il y a désormais tellement de techniques et de machines qu’il faut aussi bien anticiper cette partie de l’investissement », avertit Rodolphe Hardy. « Cela peut peut-être un peu cher pour un certain nombre de jeunes », poursuit Guillaume Lapaque. Les grosses structures s’alignent ainsi avec plus de facilité. La preuve par le chiffre : seules les exploitations de 30 ha ou plus ont vu leur nombre augmenter ces dix dernières années, en région Centre.

Un horizon plus grand

La professionnalisation aidant, l’éventail des métiers s’est élargi. Et travailler au cœur de la vigne devient moins attirant. Au cœur des lignes, la crête de Roman dépasse des rangées. Il est le seul à couper les grappes sans sécateur, et utilise ses mains. Avec facilité. Il assure pourtant que « les métiers dans la vigne sont compliqués. C’est assez physique, il faut avoir du courage ». Une pénurie de main-d’œuvre pointe à l’horizon. « En stage, on s’est déjà retrouvé à trois pour tailler la vigne. Alors qu’aujourd’hui, on est 12 ! », s’exclame Guillaume, qui est habitué du domaine de Vouvray. Il montre un de ses doigts, blessé par les vendanges. « En même temps, il faut comprendre, quand on est à moins quinze degrés et qu’il faut tailler… » lâche-t-il.

« On doit être complet »

Guillaume et Roman s’orientent vers le vin plutôt que la vigne. Maître de chai pour le premier, œnologue pour le second. Le seau plein dans la main gauche, Emmanuel, souhaite, lui, reprendre l’exploitation familiale. Ils s’accordent tous sur un point : travailler dans le secteur viticole requiert aujourd’hui un niveau plus élevé. « Un BTS permet souvent d’approfondir les connaissances après le bac pro », appuie Gaëlle, occupée à trier les grappes dans les bacs. « On doit être complet », poursuit Raphaël, insistant sur les compétences commerciales nécessaires dans les métiers du vin. Dans la ligne d’à côté, Nicolas parade. Toujours la banane et la tchatche facile. « Je veux devenir négociant », glisse-t-il, le smartphone visible dans une poche de sa combinaison. Originaire de Montreuil (Seine-Saint-Denis), son profil est symbolique d’un secteur qui s’ouvre à d’autres mondes. « On a environ 30 % de fils ou filles de vignerons. On devait être à 90 % il y a quinze ans », estime Rodolphe Hardy.

Le renouvellement et l’attractivité pour le vin n’empêchent pas les élèves d’être attachés à des valeurs. Conscients que les mutations ne doivent pas galvauder une certaine conception de leur domaine. « Il faut garder un équilibre entre les grosses structures et les petits vignerons », souligne Guillaume, quand Raphaël met en garde contre une « monopolisation du système de vente des vins ». À eux de jouer. D’autant plus qu’ils sont certains d’être à l’ouvrage d’ici quelques années. Jean-Pierre Genet, directeur de l’établissement, confirme avec le sourire : « Six mois après la fin d’études, plus de 90% de nos élèves ont un emploi ».