Ces métiers que l’on pense « genrés » : tout est (pourtant) possible !

Pas plus qu’il n’y a des jeux pour les filles et d’autres pour les garçons, il n’existe pas de métiers interdits aux unes ou aux autres. Ce qui compte, c’est la passion et, même si parfois le chemin est rude, tout est possible !

Des femmes cheffes cuisiniers étoilées, d’autres qui commentent les matchs de foot ou de rugby masculins à la télé, ou encore des hauts gradées dans les métiers de la sécurité… Cela aurait été impensable il y a encore quelques années. Signe que les mentalités ont évolué. Mais attention, ne nous emballons pas, ces exemples médiatiques demeurent des exceptions dans certains domaines. Les évolutions sont lentes…

Car dans les faits, « on observe une ségrégation genrée très forte, avec des métiers surreprésentés chez les femmes et chez les hommes à la fois au niveau numéraire et symbolique », analyse la sociologue Marie Buscatto. « Si la mixité progresse dans certaines professions qualifiées, la polarisation des métiers entre les hommes et les femmes s’accentue du côté des emplois moins qualifiés. »

Socialisation marquée dès l’enfance

Dans son livre « Sociologie du genre », elle relève que quasiment la moitié des emplois occupés par les femmes sont concentrés dans une dizaine des 86 familles professionnelles : aides à domicile et aides ménagères, assistantes maternelles, agentes d’entretien, aides-soignantes, infirmières et sages-femmes, secrétaires, vendeuses, employées administratives de la fonction publique, enseignantes, employées de la comptabilité, employées administratives d’entreprise, employées de maison.

Dans ces métiers, plus de 77 % des employés en moyenne sont des femmes. En cause, une socialisation marquée qui s’applique dès l’enfance, dans les goûts, les pratiques sportives et culturelles, et dans le choix de l’orientation. Dans leur vie professionnelle, « les jeunes filles sont confrontées à la dévalorisation de leur métier quand elles vont vers des métiers masculins alors que les hommes sont confrontés à une dévalorisation de leur personne quand ils exercent un métier féminin », décrypte la sociologue.

Yann Maurel-Loré, esthéticien

Sont-ils des vrais garçons ? C’est la question qu’est habitué à entendre Yann Maurel-Loré, esthéticien et créateur de la marque bio Estime et Sens. Marié, père de trois enfants, on lui demande souvent s’il n’est pas homosexuel. Âgé aujourd’hui de 52 ans, il était le premier homme diplômé d’un BTS d’esthétique en France.

« Il y a 30 ans, l’esthétique pour un homme, c’était seulement être maquilleur ou vendeur de parfum. Aujourd’hui, les esthéticiens sont plus nombreux avec la clientèle homme qui augmente. J’en connais aussi trois qui exercent en cabine pour faire de l’épilation pour femmes. » Une petite révolution dans le milieu.

Pour y parvenir, « à partir du moment où la famille vous suit, je ne vois aucun obstacle. Il faut être motivé, passionné et également respectueux, car certains hommes arrivent dans le métier en terrain conquis, comme si c’était gagné. Non, il faut faire ses preuves. »

Grégoire, « sage-femme »

Montrer ses compétences avec humilité, c’est également ce qu’apprend à faire Grégoire, nouveau « sage-femme » à l’hôpital. Diplômé l’année dernière, il fait partie des 2 % d’hommes dans ce métier. « Ma famille exerçait dans le soin donc je ne me suis pas rendu compte que c’était un métier féminin. C’est quand je me suis retrouvé le seul mec à l’école que j’ai compris ! Je n’ai eu aucun problème au niveau de l’apprentissage à l’école même si j’étais vite repéré. Au CHU, les patientes et leurs maris ont peu l’habitude d’avoir un homme sage-femme mais la plupart des réticences se résolvent par le dialogue. Je n’ai eu qu’un seul refus de patiente pour le moment. »

Pourquoi donc si peu d’hommes dans ce métier alors que la profession de gynécologue est largement exercée par des hommes ? « Je pense qu’un homme gynécologue est socialement plus accepté qu’un sage-femme, explique Grégoire. Si les conditions salariales étaient plus intéressantes dans mon métier je pense que ce serait plus attractif pour les hommes. »

En effet, la question de la rémunération et du prestige social semble essentielle pour les jeunes hommes. Les chiffres prouvent que les métiers féminins attirent peu les hommes. Mais une fois qu’ils choisissent cette voie, aucune difficulté ne semble s’opposer à eux.

Elsa Berthelot, tailleuse de pierre

À l’inverse, du côté des métiers masculins, la tendance est à une ouverture plus large aux femmes. Tels les métiers du bâtiment où Elsa Berthelot, tailleuse de pierre, a fait sa place à seulement 26 ans en tant que chef d’équipe dans une entreprise artisanale. « Je suis femme et plus jeune que mes collègues mais cela se passe bien. Il y a des besoins dans ces métiers qui recrutent alors si on est motivée, il n’y a pas de raison que cela ne marche pas. »

Dans les métiers de la sécurité, les femmes sont également de plus en plus embauchées. Des métiers qui jouissent d’une bonne image, socialement utiles, et valorisés dans les séries télé, ça crée forcément des vocations. Pour autant, les femmes doivent toujours se battre pour percer dans ces postes.

Émilie Juquois est sapeur-pompier professionnelle, elle était la première femme pompier professionnelle de terrain dans son département au début des années 2000 (lire aussi ICI). Un poste nommé « homme du rang »… Elles sont aujourd’hui 20 sur 400 pompiers à exercer tous postes confondus. 20 en 20 ans, cela évolue, mais très lentement…

D’après l’expérience d’Émilie, « il faut avoir de la volonté et être à fond. Physiquement, car il faut parfois tirer des cordes, des tractions, porter des matériels lourds, monter dix étages en urgence. Mais c’est possible, on s’entraîne pour et le matériel évolue aussi. Quant au regard des collègues masculins, ils s’enthousiasment vite sur nos efforts et trouvent qu’on assure pour un rien, mais, globalement, que ça évolue positivement. Pour y arriver, il faut se démarquer, être bonne en sport, passionnée. » À 42 ans et 20 ans de carrière chez les sapeurs-pompiers, Emilie ne regrette pas un instant sa vocation.

Textes : Aurélie Dunouau et Maud Martinez – Photos : Freepik

Chantal Charron, sage-femme tout-terrain

#VisMaVille Chantal Charron est sage-femme libérale à Tours. Un métier passion qu’elle aime pratiquer à domicile, au plus près des histoires personnelles.

Le mot « passionnant » revient comme un leitmotiv lorsqu’elle décrit son activité de sage-femme libérale. Cela fait plus de 30 ans que Chantal Charron exerce dont 14 à Tours et la flamme ne s’est pas éteinte.

Ce n’est pas un hasard d’ailleurs si petite elle voulait devenir archéologue pour finalement se tourner vers « les origines de l’homme avec un petit h ». C’est au lycée, à Tours, qu’elle découvre sur une pancarte « ce métier mystérieux » et rencontre une sage-femme qui lui transmet sa passion.

Pour Chantal Charron, son métier est très « riche, il combine l’aspect médical, physiologique et éducatif. Une sage-femme, explique-t-elle, c’est la gardienne de la physiologie tout au long de la vie. Elle suit celle de la jeune fille, pour sa première contraception, celle de la femme lors de ses grossesses, et même celle de la grand-mère pour la rééducation de son périnée ».

Consultations gynécologiques, suivi médical de grossesse, échographies, rééducation périnéale, IVG médicamenteuse, acupuncture (et même shiatsu pour Chantal Charron !),… l’activité s’est diversifiée et intensifiée ces dernières années avec une montée en compétences. Une sagefemme poursuit désormais des études de médecine, de niveau bac + 5.

En libéral, la sage-femme reçoit à son cabinet pour des consultations d’une demi- heure minimum, mais se rend aussi à domicile pour le suivi de sa patiente, dès 48 heures après l’accouchement afin de surveiller le bien-être du bébé et de sa maman. C’est la partie que préfère Chantal Charron. « Voir comment les gens vivent, rentrer dans leur intimité, c’est touchant et cela permet de mieux appréhender des situations complexes. »

Des familles démunies, sans aucun matériel à domicile, ni compresses ni sérum, pour soigner le bébé et la maman, elle en voit à Tours. Des familles aux situations difficiles mais aussi des gens « extrêmement accueillants, notamment des familles africaines qui m’invitent à manger chez elles ». Chantal Charron, qui a le goût des voyages, affectionne ces échanges humains.

« Des histoires de vies, j’en ai connues », sourit-elle dans son bureau tapissé des faire-part des bébés qu’elle a accompagnés dans la naissance. Elle ne compte plus leur nombre depuis longtemps, mais se souvient de moments intenses, comme lorsqu’elle travaillait en Nouvelle-Calédonie où les femmes accouchaient sur la table du dispensaire au milieu des poules. Elle caresse désormais le rêve de travailler dans une maison de naissances. Pour boucler sa découverte totale du métier après la crèche, l’hôpital, la clinique, le dispensaire et le libéral.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Ces personnes qui œuvrent pour la ville de Tours

Pompier, éboueur, sage femme ou encore jardinier, autant de métiers dont la ville ne pourrait se passer. Chacun à leur manière, ces personnes facilitent le quotidien des Tourangeaux. Coup de projecteur sur ceux que l’on pourrait considérer comme nos héros du quotidien. #EPJTMV

Comme beaucoup de personnes, Yannick Thillier réalise un travaille quotidien pour améliorer le quotidien des Tourangeaux. (Crédit : Alizée Touami)
Comme beaucoup de personnes, Yannick Thillier réalise un travaille quotidien pour améliorer la vie des Tourangeaux. (Crédit : Alizée Touami)

Santé, sécurité, propreté… À Tours, nombreuses sont les personnes qui œuvrent pour améliorer votre quotidien.

Cliquez sur le portrait de ceux qui font bouger la ville de Tours et découvrez leur passion, leur histoire et leur métier.

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(Crédit : Alizée Touami, Noé Poitevin et Valériane Gouban)

Valériane Gouban et Valentin Jamin 

Reportage chez les sages-femmes, un métier à couches

Non, les sages-femmes ne s’occupent pas seulement d’accouchements. Petite consultation de toutes leurs compétences à l’hôpital Bretonneau.

(Photo CHU Tours)
(Photo CHU Tours)

Des dizaines de photos de femmes sont collés aux murs du centre Olympe de Gouges. Ce grand bâtiment porte fièrement le nom d’une des premières féministes de l’histoire française, un symbole pour ce lieu dédié à la santé des femmes. Badinter, Simone de Beauvoir… les noms célèbres résonnent presque dans ces couloirs de la maternité de l’hôpital Bretonneau.
Au deuxième étage, dans son bureau, Christine Gibault ne porte pas de blouse. C’est la cadre supérieur, celle qui fait tourner toutes les unités gérées par les sages-femmes. Enchantée de pouvoir faire découvrir ce métier peu connu du grand public, elle raconte avec passion son évolution ses dernières années : « Le nombre d’années d’études et les compétences ont augmenté en 30 ans. J’ai fait partie des dernières promotions qui sortaient au bout de trois ans d’école. Depuis le début des années 2000, et son rapprochement avec le système LMD (Licence Master Doctorat), les sages-femmes étudient pendant cinq ans. Il nous reste encore à créer un doctorat en maïeutique (le nom donné à la science de leur métier, NDLR). » On frappe à la porte de son bureau. Liliane Arcangeli se présente, elle est aussi cadre sage-femme, et guide improvisée pour la matinée. La professionnelle marche d’un pas rapide, descend vite les escaliers. Après plusieurs virages dans les couloirs, deux étages descendus, elle rentre dans une petite salle.
Lunettes en forme de cœurs
Derrière son bureau, Françoise Guillot-Borget arbore un grand sourire et des lunettes en forme de cœurs. « Vous êtes ici aux consultations externes. Les femmes viennent faire un entretien d’étape. Le premier a normalement lieu au quatrième mois de grossesse. La plupart se passent bien. Mais parfois, la détresse est palpable. Depuis plusieurs années, la part de psychologie est de plus en plus importante dans ces entretiens. Les mamans sont en symbiose avec leur enfant. Si elles ne vont pas bien, le bébé aussi. Un jour, j’ai une patiente qui m’appelle pour m’apprendre que son mari avait eu un accident de voiture, qu’il était rentré dans le coma. Son bébé ne bougeait plus. Elle était bouleversée. J’ai essayé tant bien que mal de la rassurer. Il s’est réveillé. L’enfant s’est remis à bouger. »
Avec sa voix douce, elle représente parfois la seule bouée de secours des futures mamans. Elle est très attentive. « Nous voyons des femmes qui viennent parfois d’autres pays, peu importe la barrière de la langue, j’arrive toujours à trouver un moyen de savoir comme elles se sentent. » François Guillot-Borget parle des pères aussi, qu’elle voit pendant les préparations organisées avant l’accouchement. Leur rôle d’accompagnement est de plus en plus mis en avant.
(Photo CHU Tours)
(Photo CHU Tours)

Spécialités
Même constat pour Tomas Duris : « C’est de plus en plus rare que les femmes soient seules pendant l’accouchement, les maris sont là pour les soutenir dans la majorité des cas. » Changement de décors, cette sage-femme parle de son métier en préparant un café dans le bureau attenant aux salles de naissances. C’est ici que les femmes accouchent. Avec elle, Séverine Listrat, également sage-femme, elle est arrivée dans l’hôpital tourangeau depuis quelques mois. Les deux femmes viennent tout juste d’aider à la naissance d’une « 8e part ». Traduction : un huitième enfant. « C’est assez rare », lance Séverine Listrat. Tomas Duris ajoute : « Depuis quelques temps, les familles s’arrêtent au deuxième enfant. Est-ce que c’est la crise ? Peut-être. En tout cas, des familles nombreuses, il n’y en a vraiment plus beaucoup. »
Si elles s’occupent entièrement des accouchements, les deux sages-femmes mènent également une spécialité en parallèle. Tomas Duris est responsable du prélèvement du sang placentaire, qui sert ensuite à la transfusion pour les personnes atteintes, notamment, de leucémie. Séverine Listrat, elle, pratique l’échographie depuis 10 ans. En plus de son poste à l’hôpital, la sage-femme se rend une fois par semaine dans son cabinet de Poitiers pour réaliser l’échographie de ses patientes.
Les sages-femmes ne s’occupent pas seulement des naissances, de l’accouchement. Dans leurs métiers, leurs compétences sont nombreuses, multiples. Si on peut parfois les confondre avec une profession paramédicale, elles ont bien une place à part entière dans le monde de la santé. Elles peuvent prescrire des médicaments et sont responsables légalement encas de litige. Elles ne dépendent pas directement d’un médecin, font leurs propres diagnostic. Ce sont des praticiennes de la physiologie. En revanche, dès qu’elles détectent une pathologie, un problème, elles passent le relais au médecin concerné.
Oui, des hommes
Et, parfois, les sages-femmes sont des hommes. Yves Créhange fait partie des 2 % masculins de la profession. Il s’est lancé dans le métier en 1982, sa première année d’étude de sage-femme, et celle aussi de l’ouverture aux hommes. Yves Créhange passe la moitié de son temps dans le service de médecine et biologie de la reproduction. Il s’occupe de réaliser les échographies suite à une fécondation in vitro. « Je mesure la croissance des follicules (des cellules dans les ovaires, NDLR) qui se développent sur une période de dix jours. »
Les sages-femmes s’occupent également de Procréation médicalement assistée (PMA), en relation avec des médecins et des chercheurs (qui peuvent également faire partie de la profession). « Le manque de reconnaissance de notre profession ne m’a jamais fait souffrir, explique Yves Créhange. Mais j’ai parfois l’impression d’être plus féministe que certaines de mes collègues. Pour moi, c’est une condition indispensable pour faire ce métier. J’avais été choqué, en 2001, de l’attitude machiste de Bernard Kouchner (alors ministre de la santé, NDLR) envers les sages-femmes, quand elles s’étaient mobilisées. Je crois que ce manque de considération est surtout dû au fait que ce sont majoritairement des femmes dans la profession. »
Ambiance naissances
Retour au deuxième étage, Sophie Pomès sort sans bruit d’une chambre. Elle travaille dans l’unité des suites de couches physiologiques : « Nous aidons les femmes à prendre la mesure de leur bébé, nous leur donnons des conseils pour allaiter, pour le bain. Sans trop leur donner d’ordres, notre travail, c’est de les accompagner pendant ces quatre jours après l’accouchement. » Un bébé pleure dans une autre chambre. « C’est parfois une période compliquée. Au-delà du fameux baby blues, elle peut révéler des souffrances psychologiques profondes, chez les femmes ou leur compagnon. Nous sommes aussi là pour les détecter. » Sophie Pomès travaille par tranche de 12 heures. « La nuit, nous sommes constamment en activité. Un accouchement, c’est à n’importe quelle heure. Nous sommes parfaitement autonomes. »

Quelques heures dans la vie d'une sage-femme libérale

Les sages-femmes travaillent aussi en libéral. Reportage avec Marie-Ange Benoit qui exerce ce métier entre Tours et Chinon.

Marie-Ange Benoit, dans son cabinet. (Photo tmv)
Marie-Ange Benoit, dans son cabinet. (Photo tmv)

Il y a des vocations, comme ça, qui ne vous quittent jamais. Petite, Marie-Ange Benoit adorait rentrer dans une maternité, son ambiance. Travailler au contact des enfants, cette idée de carrière ne l’a jamais quittée. Puéricultrice ? Au collège, elle décide : elle sera sage-femme.
Installée dans son cabinet, dans le quartier des Deux-Lions, Marie-Ange Benoit reçoit plusieurs patientes par jour. « Depuis quelques années, nous avons le droit de faire le suivi gynécologique des femmes, de leur adolescence à leur ménopause. Le grand public n’est pas encore très informé, les femmes ne savent pas vraiment qu’elles peuvent venir nous voir pour une visite courante, sans passer par un gynécologue ou un médecin traitant. Nous sommes là pour dépister les pathologies, en prévention. Dès qu’un problème se présente, je les dirige vers le médecin compétent. En Angleterre, le système est différent, une sage-femme suit une patiente pour qu’elle ne voit qu’un seul référent. » Marie-Ange Benoit s’inspire beaucoup de cette pratique anglo-saxonne.
De A à Z
Elle est une des rares sages-femmes libérales à proposer un suivi global lors d’une grossesse. Les patientes qui le choisissent ne voient qu’elle, de la déclaration de grossesse jusqu’à l’accouchement. Marie-Ange Benoit a passé un accord avec l’hôpital de Chinon pour avoir accès à la salle de naissance. Elle a même participé à la création d’une salle nature, où l’équipement médical est restreint au minimum pour que l’accouchement se passe le plus physiologiquement possible.
Consultations
La sonnette de son cabinet sonne, Emilie (tous les prénoms ont été changés) rentre. C’est la première patiente de l’après-midi. Les rayons du soleil printanier illuminent la pièce. La jeune femme a le ventre un peu rebondi. Elle parle de ses premiers mois de grossesse avec un petit sourire. Marie-Ange Benoit pose des questions calmement. L’alimentation ? Le stress ? Le travail ? Tout a l’air de bien se passer. La sage-femme note les réponses avec beaucoup de soin. Pas forcément liées au médicale, ses interrogations sont également sur le bien-être de la femme, de son couple, du père. « Il ne faut jamais oublier le papa, il fait aussi partie du processus. Si lui a des problèmes vis-à-vis de la grossesse, de l’accouchement ou dans le couple, on peut avoir des complications. » Marie-Ange Benoit ne laisse rien au hasard. Un passage sur la table d’occultation pour vérifier que le développement se déroule bien, Emilie se rhabille. La visite aura duré une heure.
A l’extérieur
Après plusieurs patientes vues dans son cabinet, Marie-Ange Benoit remet son manteau, prend ses clés de voiture : sa journée de travail continue, mais à l’extérieur. « J’ai beaucoup de patientes qui ne peuvent pas se déplacer, pour éviter de prendre des risques. » Elle quitte le quartier des Deux-Lions pour aller à Joué-lès-Tours. La sage-femme sonne à l’entrée d’un immeuble, monte un étage. C’est Jeanne qui ouvre. Cette jeune maman ne doit pas trop se déplacer. Sa première grossesse a été compliquée, alors par précaution, elle a fait appel à Marie-Ange Benoit pour des visites à domicile. L’examen se déroule bien, aucun problème détecté. Des dessins animés tournent en boucle dans le salon, le jeune fils de Jeanne est assis dans son siège surélevé et s’amuse avec un paquet de gâteaux. Il rigole. Sa maman se détend.
Donner la vie, accepter la mort
Les actes de la sage-femme sont remboursés. Pas la peine de passer par un médecin traitant. « Je demande juste un supplément pour l’accompagnement global. Je dois sacrifier une partie de ma vie privée, pour être à moins de 30 km de Chinon quand je sais qu’une de mes patientes est dans sa dernière période de grossesse. » Le métier de sage-femme n’est pas toujours rose. « Dès mes premiers stages, j’ai vu des couples perdre leur enfant. Même si le bébé est mort-né, il faut quand même pratiquer l’accouchement. Ça fait partie du métier. Il faut affronter ce genre de situation, faire face à sa manière. Je me rappelle d’un couple dont l’enfant avait très tôt été diagnostiqué d’une trisomie non viable. Il a fallu faire sortir cet enfant déjà mort. L’équipe autour de moi s’est blindée, leurs visages se sont fermés. Moi, j’ai pleuré avec les parents. J’avais chauffé des petits vêtements pour habiller le nouveau-né décédé. Je ne voulais pas que la maman serre dans ses bras un corps froid. Je souhaitais qu’elle sente un peu de vie. Je dois rentrer en empathie avec mes patientes. Je suis une professionnelle, mais ça ne m’empêche pas d’être humaine. »