Deux jours de Terres du son #2

Notre chroniqueur Doc Pilot était aussi sur Terres du son, il nous raconte ce qu’il a vu, aimé, détesté…

 
nasser 1 pour tmvDix ans déjà, tant mieux, au moins il nous reste une raison de nous laisser glisser dans l’été sans pour autant renoncer aux décibels, une raison de ne pas nous fixer à une table de la guinguette et d’y passer du temps à jouer les touristes sur ses terres ; Terres du Son déplace le centre de gravité tourangeau vers des finis-terres en porte ouverte vers le Sud. C’est cool la campagne quand le son bouge la terre à t’en faire fuir toutes les espèces rampantes et grignotantes. Sans le son ce serait d’un triste ; sans la foule ce serait sinistre et l’on fuirait vers la ville pour échapper à la morne amplitude d’un ennui rural et suicidaire. Une des raisons d’exister des festivals est aussi de donner du sens à la nature, de la matière à la pousse insolente et brouillonne de la matière végétale non disciplinée, de porter l’éco-responsabilité en étendard même si l’on sait bien que finalement : on s’en branle tant on est faible face à la nature. Imaginez : le festival terminé on laisserait les scènes en place, les sonos, les chapiteaux, les bénévoles… très rapidement la végétation recouvrirait tout et les humains abandonnés dans cette jungle deviendrait fous… à cause du silence…
1er jour
J’arrive en Ayo, la belle chanteuse aux petites chansons rustiques et animales, une femme si gentille, à désirer l’avoir pour amie, mais au final un show juste sympathique… Ayo oh Ayo oh Ayo ; non je ne sais ce que répondit l’écho… Des fois (souvent ?) ce n’est pas sur les grandes scènes que ce vit le meilleur ; ce soir sous chapiteau avec les marseillais de Nasser c’est la grande claque au cœur et à la gueule pour une sorte de dance-floor post-apocalyptique parfaite synthèse de multiples influences ( Kraftwerk, Cerrone, Captain Beefheart, PIL, Residents, New Order) pour aboutir à un style auquel adhèrent toutes les générations. Le show est à la hauteur de la musique, haut en couleur, énergique, cohérent, vivifiant : le groupe qu’il ne fallait surtout pas rater !!!… Après Woodkid c’est beau mais c’est tout, c’est parfait mais après ; ça se regarde comme un feu d’artifices, redevenus spectateurs d’une jolie prestation… L’ Ez3kiel Extended balance la bande-son d’un film en la nuit du bout du monde ; est ce de le jouer en extérieur ? On dirait l’orchestre un peu « stone » avec une impression de les voir descendre d’un nuage de fumée odorante…  Je retourne vers Tours, le transformer de Lou Reed à fond dans l’habitacle… Levé aux horaires dans la musique des Temptations ; y’a des nuits où l’on dort peu tant nous travaille l’envie d’être au lendemain…
2e jour
Le ciel gris et bas reste menaçant… fait chier… En Touraine Soundpainting Orchestra  Tribute to the Beatles pour user de la période psyché des fab four pour pousser loin la relecture en construction : la scène est pleine à craquer… Emotion et joie de voir enfin le Staff Benda Bilili, ceux du film avec leurs faiblesses physiques et leur force musicale : la danse est de mise sous l’humidité omniprésente… Barcella j’aime pas, j’y peux rien, j’aime pas; c’est pas ma came, au contraire de David Krakauer et son jazz rock mâtiné de culture juive, beau, technique, dansant et démonstratif, quatre adjectifs que l’on peut aussi coller à la nouvelle formation de Ben L’Oncle Soul, Monophonics, le tourangeau adossé à cette force de frappe semble indéboulonable et son spectacle chargé de bonnes vibes, à l’instar de celles dégagées par M, la star qui aime son public et lui confie sa passion pour mieux l’entraîner vers l’adhésion totale…  Au Village gourmand Padawin en quartet pousse la barre de plus en plus haut… une autre journée s’annonce ; je suis impatient de voir Detroit, pas vous ?

Terres du son 2014… c'est parti ! #1

Vendredi 11 juillet, on était au lancement du festival tourangeau le plus populaire. On vous raconte ce premier jour ?

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De grosses gouttes de pluie s’explosent sur le capot des voitures qui foncent sur la route de Monts. Malgré quelques embouteillages pour ce jour de départ de vacances, la route vers le domaine de Candé n’est pas bondée en cette fin d’après-midi. Il y a de la place sur le parking. Les basses provenant des scènes, juste de l’autre côté de la barrière, tambourinent à leur tour sur le pare-brise. William Mc Anuff a déjà commencé, sans se préoccuper de la météo. Les nuages semblent bien réagir aux vibrations jamaïcaines.
Même site que l’année dernière, sur les dessus du domaine, la crainte d’un déluge comme en 2012 se retrouve sur les accoutrements des festivaliers : ponchos, bottes, kway… Ayo, elle, verse dans le mysticisme. Une voix pleine de miel, elle lance des regards aux cieux, comme si la chanteuse avait enfin trouvé la vérité. Décevante, sa voix se perd dans les limbes quand elle donne dans la soul sirupeuse. Elle est beaucoup plus intéressante dans ses tentatives hip-hop. Heureusement que son batteur est un bûcheron talentueux tout en funk et en groove. Alors quand la chanteuse allemande prend sa place pour entamer un mélodie édulcorée, la coupe est pleine : on se dirige vers le stand de burger pour pouvoir tenir la soirée. Et se préparer à Nasser. Le groupe de rock de la soirée. Celui qui va vraiment lancer cette édition. Le trio n’y va pas par quatre chemins : grosse basse au synthé analo, guitare criarde et un chanteur/batteur de folie, prêt à mouiller la chemise. Les corps se mettent à danser sur les rythmes binaires, Nasser fait le grand écart entre électro-clubbing et rock garage. A une centaine de mètre, le duo des Cats on trees débutent leur prestation sucrée-amer. C’est beau sur scène, plein de triangles et de lumières. Mais c’est à peu près tout. Petit instant de malaise, une partie du public n’est pas dupe : on a l’impression d’assister à une pâle copie de The Do. Nous, on retourne à Nasser pour profiter une dernière fois de leur énergie.
[nrm_embed]<iframe src= »//player.vimeo.com/video/100576868″ width= »500″ height= »281″ frameborder= »0″ webkitallowfullscreen mozallowfullscreen allowfullscreen></iframe> <p><a href= »http://vimeo.com/100576868″>Festival TERRES DU SON / Jour #1</a> from <a href= »http://vimeo.com/clementprotto »>Clement Protto &quot;ECL-R&quot;</a> on <a href= »https://vimeo.com »>Vimeo</a>.</p>[/nrm_embed]
22 h 45 : celui que tout le monde attend se fait désirer. La nuit est bien tombée, des spots agressifs aveuglent les festivaliers, un beat de rap fait monter la sauce. Woodkid monte sur scène. La violence des tambours et des cuivres alternent avec sa voix de basse mélancolique. L’égérie de la nouvelle french touch jubile de revenir en France, après avoir beaucoup travaillé aux Etats-Unis. La démesure outre-atlantique se ressent beaucoup dans ses jeux de scène, dans l’énorme écran qui balance des images sacrées, de squats… Spectacle total où vous en avez pour votre argent. Une prestation magnifique. L’heure tourne, ses mélodies font avancer le temps, un autre dilemme se présente : Ezequiel ou St Lô ? On passe vite voir les Tourangeaux qui restent un peu trop coincés dans leur univers de poupées mécaniques, même si leur talent est toujours au rendez-vous. A minuit, on a envie de fureur, de danse, de prendre du bon temps et de garder l’esprit éveillé. St Lô tente de faire réagir les festivaliers un peu engourdis. Rap, électro, soul, funk, les influences s’entrecroisent, se brouillent entre elles, se répondent. Un bon groupe qui représente l’éclectisme de la programmation de ce Terres du son 2014.
Dernière surprise de la soirée, Breton, on les avait déjà vus au Temps Machine il y a deux ans. A l’époque ces jeunes anglais surprenaient par leur rock nouvelle génération, entre rage contre la société malade et lignes de basses groovy. En quelques années, et un deuxième album, Breton persiste à montrer sa furieuse envie de faire danser les foules. Le son de la grosse caisse de la batterie ressemble plus à un beat de boîte à rythme que d’un repère pop. Les musiciens s’échangent la basse, la guitare, les synthés, ils se déhanchent sur scène jusqu’à l’extrême. Roman Rapak, le chanteur, manque un bout de marche et se retrouve les deux pieds en l’air. Pas grave, le loulou remonte sur ses guibolles. C’est bon de voir un prestation où tout peut déraper, où les musiciens ne prévoient pas, ne calculent pas, donnent tout ce qu’ils ont, même si une partie de la foule s’en ai déjà allée.
 
Le reste de la programmation ? Les groupes de samedi et dimanche par ici.
 

Patrice : au swag et caetera !

Le musicien Patrice, à mi-chemin entre le reggae et le swaggae, est en concert à l’Escale. L’occasion pour tmv de s’entretenir avec le chanteur.

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Votre dernier album s’intitule « The Rising of the son ». Est-ce que cela veut dire que vous êtes mature désormais ?

Je pense que je ne serai jamais mature ! (Rires) C’est plutôt une renaissance, une nouvelle prise de conscience, une nouvelle inspiration. Un besoin de me retrouver et de tracer toujours mon propre chemin. Il y a aussi une référence à Babatunde, mon deuxième prénom (qui signifie « le retour du vieux » en haoussa, langue de l’Afrique de l’Ouest, NDLR). Il m’a été donné par mon père le jour de ma naissance, qui est aussi le jour où mon grand-père est mort. Il y a donc aussi cette idée d’un cercle de vie dans cet album.

Vous avez défini le style de ce nouvel album comme du « swaggae ». C’est quoi ?
C’est une musique qui a son propre style. Elle ne cherche pas à copier d’autres musiques. Il y des influences de l’Europe, de l’Afrique, des îles pour le reggae. Le swaggae représente les gens comme moi. Je ne suis pas comme les autres, de par ma culture et mes origines métissées. La mixité est désormais une culture avec une nouvelle génération. Le swaggae en est sa musique dont le style se veut moderne.

Autre particularité liée à cet album : vous avez réalisé des concerts gratuits au lever du soleil, par exemple à Montmartre à Paris. Comment expliquez- vous cette démarche ?
Je voulais simplement réaliser quelque chose d’original, qui n’avait jamais été fait. Je me suis dit qu’on faisait toujours des concerts le soir. Pourquoi pas le matin ? Tout le monde n’y croyait pas au départ. Mais ça a marché. Et finalement, c’est différent d’un concert habituel. Il y a une plus grande proximité avec le public et les fans. J’essayerai toujours de trouver des nouveaux concepts comme celui-là.

On a parlé de mixité. Comment vous êtes-vous connecté à vos deux identités ?
Déjà, pour revenir là-dessus, l’histoire de la rencontre entre mes parents est plutôt cool. Ils se sont rencontrés dans un avion, entre l’Afrique et l’Europe. Je suis quelqu’un de métissé, et cela se ressent dans ma musique. Si vous écoutez mon accent, vous ne saurez pas de quelle partie du monde je viens ! (rires)
Propos recueillis par Guillaume Vénétitay
EN BREF
LE CONCERT
Du bon son pour commencer le mois ! Patrice sera en concert le mardi 4 février à l’Escale de Saint- Cyr-sur-Loire.

BIO EXPRESS
Son nom complet, c’est Patrice Bart-Williams. Il est né le 9 juillet 1979 à Cologne (Allemagne), d’un père originaire de Sierra Leone et d’une mère allemande. Son père est décédé alors qu’il n’avait que 11 ans. Il a eu deux enfants avec la chanteuse Ayo.
SES ALBUMS
« The Rising of the son » est son sixième album studio, sorti au dernier trimestre 2013. Son premier album, « Ancient Spirit », diffusé en 2000, a lancé sa carrière. Ses premiers opus sont beaucoup plus teintés reggae. Il navigue ensuite entre différentes influences : soul, blues, hip-hop. Ce qui le rend inclassable. D’où un style auto-qualifié de « swaggae » (lire ci-contre). À tmv, on a une petite préférence pour l’album « How do you call it ? ».
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=HpLcnUQ9TRs[/youtube]