Aux côtés de Mathieu Tupin, infirmier libéral, tous les jours au service des patients

#VisMaVille Mathieu Tupin est infirmier libéral à Tours. Un métier qui lui permet d’être un acteur social essentiel au système de santé mais qui n’est pas simple tous les jours.

Mathieu Tupin ne croit pas à la vocation mais, aujourd’hui, cet ancien étudiant en biologie exerce son métier d’infirmier libéral comme une évidence, mixant ses deux intérêts, le relationnel et la technique. Après une première expérience en centre de personnes handicapées puis en tant qu’infirmier en clinique psychiatrique, il choisit, il y a 21 ans, de se lancer en indépendant au sein du cabinet de soins Jean Royer, juste à côté de la place de la Liberté.

« Au départ, j’étais intéressé par la santé mentale. Puis les évolutions ont fait que j’ai recherché plus de liberté, d’autonomie. Il n’y pas la contrainte de temps ici, quand vous êtes chez un patient, vous n’avez pas d’autres urgences, le téléphone qui sonne. »

L’infirmier de 46 ans est désormais son propre patron, au côté de ses trois collègues infirmières, ne comptant pas ses heures. « On fonctionne à deux équipes qui se relaient 7 jours sur 7, chacun travaillant un week-end sur deux, principalement sur Tours centre. On commence notre journée à 6 h 30 et on ne sait pas quand on finit dans l’après-midi ou le soir. Certains rendez-vous durent 5 minutes comme la distribution d’un traitement auprès d’une personne âgée, d’autres plutôt 45 minutes chez un patient en chimiothérapie. C’est très varié. »

Le cabinet visite une quarantaine de patients par tournée journalière. Certains seront des patients éphémères, d’autres chroniques recevront la visite de Mathieu et de ses collègues chaque jour durant des années.

« Ce sont des patients pour lesquels on peut commencer par faire un prélèvement sanguin et que l’on va finalement accompagner jusqu’à la fin de leur vie. Cela crée forcément des liens. Au quotidien, le métier, au-delà de la technique intéressante comme lorsqu’il s’agit de poser une perfusion, c’est aussi de redémarrer le modem internet ou d’aider à boire un café. »

Mathieu Tupin souligne cette place unique tenue par l’infirmier : « Nous sommes le seul métier de santé à travailler 365 jours sur 365. Les cabinets d’infirmiers sont au chevet des patients toute l’année. »

Si le rôle premier de l’infirmier est « d’appliquer les prescriptions décidées par le médecin », celui-ci peut se révéler parfois frustrant. Mathieu Tupin déplore un manque de marge de manœuvre. « J’aimerais pouvoir faire des sutures, cela permettrait de désengorger une partie des urgences de l’hôpital .»

Autre frustration : le temps passé à l’administratif qui représente environ 20 % de son travail. « Le soir chez nous, nous devons recenser tous les actes de soins et les transmettre à la sécurité sociale via un logiciel. Il existe une nomenclature pour rémunérer chaque acte, c’est assez complexe puisqu’après il faut gérer les retours de la Sécu, les ordonnances manquantes… »

Le professionnel souligne aussi la partie commerciale du métier. La rémunération dépend du nombre et de la nature des actes de soins prodigués par l’infirmier, auxquels s’ajoutent 2,50 € par déplacement. Un temps de déplacement qui peut coûter bien plus cher en réalité, surtout pour les infirmiers de campagne. Mathieu, lui, songe à passer au vélo électrique pour parcourir la ville de Tours.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Dans le quotidien de Julien Thibault, gardien des cimetières de Tours Nord

#VisMaVille Julien Thibault est gardien des cimetières de Tours Nord. Sa mission : faire appliquer le règlement mais aussi être à l’écoute des visiteurs.

Dans sa loge à l’entrée du cimetière La Salle, Julien Thibault, gardien des cimetières de Tours Nord, y passe très peu de son temps de travail. « Je suis toujours à droite à gauche, il y a toujours du passage entre les visiteurs, les jardiniers, les pompes funèbres. »

Il lui faut, en effet, être aux aguets car le cimetière compte 13 hectares et mesure près d’un kilomètre de long, ce qui en fait le plus imposant de Tours en termes de tombes.

Ce cimetière dont il a la garde principale est celui de La Salle, bordant la rue Saint-Barthélémy et l’IUT de Tours. Au total, ils sont six gardiens à se relayer dans les quatre cimetières de la Ville, trois au nord, un au sud.

Arrivé en 2017 au poste, « un peu par hasard suite à un déménagement » après une expérience de couvreur zingueur à Vendôme avec son père, Julien Thibault semble comme un poisson dans l’eau. Il avait la bougeotte, dorénavant il semble posé. Plaisantant souvent avec ses collègues – il était déjà fan d’humour noir, c’est devenu son quotidien de rire avec dérision. Ici, c’est une nécessité d’y recourir « pour dédramatiser ».

Les inhumations s’enchaînent chaque jour, avec des moments parfois difficiles. « Au premier enterrement, ça m’a serré à la gorge, aujourd’hui je me mets en retrait, comme spectateur », admet le grand gaillard. Parfois sa loge sert de « bureau des pleurs ».

L’échange humain est ici très important. « J’ai appris à peser mes mots, à ne pas rentrer dans les détails techniques de comment un corps se décompose. Ici on se sent utile, on renseigne ceux qui recherchent un défunt, on écoute les peines, on rassure, c’est gratifiant de rendre service. »

 

La surveillance du site constitue l’autre facette de son métier. « Mon rôle premier est de faire appliquer le règlement auprès des visiteurs mais aussi des sociétés qui interviennent ici. Tout doit être fait dans les règles. Je vérifie que tout se passe bien lors des inhumations et exhumations, que les creusements soient faits au bon endroit sans détruire le monument », détaille le fonctionnaire territorial. Il lui arrive aussi de faire la police, pour assurer la quiétude du lieu lors d’intrusions malvenues, parfois nocturnes.

Ici, les semaines longues de sept jours s’alternent avec des gardes de trois jours, avec une semaine d’astreinte par mois, ce qui permet aux six gardiens de la Ville de se relayer sur les différents cimetières de 8 h à 19 h l’été et de 8 h à 17 h 30 l’hiver.

Julien Thibault avoue parfois ne pas avoir l’impression de se sentir au travail, lui qui habite à côté de sa loge avec sa compagne et sa petite fille de 2 ans. « C’est bizarre parfois de ne pas avoir de coupure de lieu avec la vie personnelle. » Une fois les portes fermées, le gardien respire le calme de son lieu de travail. « J’ai l’impression d’avoir un immense jardin pour moi tout seul à la campagne », plaisante-il tout sourire.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Thierry Bouvet, le pêcheur de Loire penseur

#VisMaVille Thierry Bouvet est pêcheur professionnel sur la Loire. Portrait d’un personnage atypique qui ne passe pas autant de temps sur le fleuve que l’on pourrait imaginer.

Au lever du soleil, Thierry Bouvet embarque pour ramasser ses sept filets posés la veille au soir entre Rochecorbon et Tours. Des filets déployés entre 7 et 50 mètres de long et 3 mètres de profondeur, à proximité des îles de Loire.

Ce jour-là, le butin est maigre : une poignée d’aspes, mulets et silures seulement. Sur cette partie de Loire, l’activité devient en effet de plus en plus difficile avec l’ensablement. « Je suis installé sur la portion la plus urbaine du fleuve d’Indre-et-Loire. Là où il y a de l’activité humaine, c’est là où le pêcheur doit être à la base, ne serait-ce que pour poser son bateau », explique Thierry Bouvet, à l’approche du pont Mirabeau de Tours, guidant sa « plate » de sept mètres, son bateau en acier de type hollandais.

Cet ancien géographe, titulaire d’un DEA sur la pêche maritime au Maghreb, sait de quoi il parle. Amarré au port de La Rabouilleuse à Rochecorbon, il partage avec l’association une vision écologiste de l’écosystème de Loire, une volonté de préserver ses ressources, lui qui observe la raréfaction des poissons et des paysages ligériens au fil des ans.

Thierry Bouvet est venu à la pêche sur le tard, en 2014, après une carrière dans le social et l’humanitaire, débutée chez Emmaüs. Un intellectuel qui n’aime rien tant que partager ses connaissances et discuter du fleuve quand l’occasion se présente. Apercevant un canoë, il fait aussitôt demi-tour pour échanger quelques mots.

Certes, la pêche n’est pas toujours des plus productives, mais ce contemplatif revendique de pêcher mieux. Entre 2,5 et 4,5 tonnes selon les années. Son idée en se lançant dans cette reconversion était de maîtriser la filière en circuit court et de pouvoir utiliser tout le poisson, et non pas de ne garder que les beaux filets achetés dans les poissonneries.

C’est ainsi qu’est né le garum de Loire, ce condiment salé inspiré de la Rome antique et du nuoc man, qu’il a inventé après quatre ans de recherches, se rappelant des récits de son père, jeune marin en Indochine. Depuis 2020, date de sa commercialisation, c’est d’ailleurs devenu à 90 % la source de ses revenus.

Il passe un quart de son temps à le préparer dans son laboratoire, installé à Montlouis-sur-Loire, selon un processus de fermentation dans du sel. La moitié de son temps est consacrée à la logistique, administration et vente du garum. La pêche, effectuée au lever et au coucher du soleil, ne représente en réalité qu’un quart de son activité. « Le modèle du pêcheur qui est uniquement sur son bateau ne tient pas la route aujourd’hui », confirme t-il.

Pour s’en sortir, les pêcheurs transforment leurs produits, avec chacun leur spécialité : le garum donc mais aussi les rillettes de poissons, vendues dans des épiceries fines. « Je ne vends mon poisson frais à des restaurants que pour 10 % de mon chiffre d’affaires. » Son avenir, Thierry Bouvet le voit à promouvoir son précieux condiment, constitué de viscères de poissons et utilisé dans les restaurants étoilés. Le lancement d’une coopérative est imminent (1).

Aurélie Dunouau


> (1) Convergences bio : Thierry Bouvet lancera officiellement la coopérative d’exploitation du garum en agriculture paysanne le 17 septembre, à l’occasion de Convergences Bio. Cet événement se tient sur les quais de la Loire à Tours dès 10 h

 

Portrait de Hayman Alkhameesi, 23 ans, réfugié irakien

Hayman Alkhameesi devait émigrer en Australie. Il est arrivé à Tours en 2019. Voici le récit de son périple, tel qu’il l’a raconté lors d’une conférence de presse organisée au lycée Grandmont la semaine dernière.

Ce qui lui manque le plus ? « Mon ami Rani. Et aussi les beignets d’aubergine et les falafels », sourit Hayman Alkhameesi, 23 ans, qui a quitté l’Irak il y a 8 ans, venu raconter son parcours devant des lycéens de première à Grandmont le 15 mai.

Son père, bijoutier, avait déjà cette idée d’exil en tête : il avait été visé par trois tentatives de meurtre par le passé. Mais le déclic est venu de la situation de sa fille, Alana, la sœur ainée d’Hayman. « Elle subissait de plus en plus d’agressions sexuelles dans la rue », dit-il.

Peu avant son départ, Hayman vivait un quotidien de lycéen assez classique en filière scientifique : 4 heures de cours le matin, l’après-midi consacré aux devoirs, aux amis et à aider son père à la bijouterie familiale. « Je n’étais pas vraiment content de partir d’Irak », raconte le jeune homme. Le voyage commence en 2015. Direction : la Turquie, l’un des pays d’accueil des réfugiés irakiens, et la petite ville de Corum.

48 h dans un no man’s land

Puis les longues attentes pour les demandes de visa, « d’abord pour l’Australie et les Etats-Unis, où nous avions de la famille », se rappelle Hayman, qui reprend le lycée, mais a du mal à apprendre la langue turque. Finalement, c’est un ami du père immigré en France qui fournit une attestation d’hébergement. La famille Alkhameesi prend un vol pour Paris.

Mais une fois à l’aéroport, le jeune Hayman se rend compte qu’il a perdu son visa. Impossible de franchir la douane pour la France. Sa famille part sans lui. « J’étais perdu. Je suis resté 48 heures à l’aéroport d’Istanbul ; j’ai dormi dans les salles d’attente de la zone internationale avant de devoir retourner en Irak », raconte-t-il.

Quatre mois après, il obtient un nouveau visa français. Une fois le document en poche et un billet d’avion passant par le Qatar, il arrive en France. « A l’aéroport ma famille m’attendait. Tout le monde pleurait », se souvient Hayman. Le jeune Irakien intègre une classe de FLE (Français langue étrangère) au lycée Notre Dame La Riche, « où j’ai rencontré des Iraniens, un Allemand, et une prof formidable, Mme Pajot, qui m’a beaucoup aidé », raconte-t-il.

Aujourd’hui, la famille Alkhameesi tente de s’intégrer. La mère prend des cours de français. Le père a laissé derrière lui ses espoirs de redevenir bijoutier. Un temps livreur pour Uber Eats, Hayman s’est lancé dans des études de gestion au lycée Balzac, à Tours. « J’aimerais créer ma propre entreprise, ne dépendre de personne », lance-t-il.

L’Irak lui manque, notamment son meilleur ami, Rani, mais aussi les falafels, les beignets d’aubergine et les baklavas que l’on mange dans la rue. Mais la vie à Tours lui plait. « Tout est calme, les gens sourient, je ne veux pas repartir, je veux juste vivre », conclut-il.

Léonard Martin-Antoine Bassaler


La Fabrique de l’info

L’Éducation aux médias et à l’information (EMI) intègre désormais les programmes scolaires. Au lycée Grandmont, une classe de première, en spécialité Sciences politiques, a invité une réfugiée ukrainienne à témoigner lors d’une conférence de presse début mai. L’un des articles est publié dans nos colonnes.

Dans le quotidien de Jean-Paul Baunez, président de la Banque alimentaire de Touraine

#VisMaVille Jean-Paul Baunez est le président de la Banque alimentaire de Touraine. Chaque jour, ce retraité donne de son énergie pour lutter contre la précarité et le gaspillage alimentaire.

11 h 30. L’activité bat son plein dans l’entrepôt de 2 200 m2 de la Banque alimentaire de Touraine, installée rue des Grands Mortiers, à Saint-Pierre des-Corps. Les quatre camions de collecte déchargent chacun leur tour les denrées collectées auprès des grandes surfaces de la Métropole.

Une trentaine de bénévoles est à pied d’œuvre, chacun à sa tâche : déchargement, tri, pesée, remplissage des données tracées par informatique, préparation des cartons pour les associations qui viendront les récupérer l’après-midi, administratif…

Au total, ce sont 123 bénévoles et trois salariés qui assurent la mission de collecte et de redistribution de l’aide alimentaire, du lundi au vendredi. Certains sont là de longue date comme Nicole, 82 ans.

Jean-Paul Baunez, le président depuis un an, est au poste depuis 6 h 45. Tous les jours depuis cinq ans, cet ancien expert-comptable tient sa place, imprégné et passionné. « J’ai toujours été attiré par le domaine du social. Je souhaitais donner du temps et de l’énergie à ma retraite. C’est à la Braderie de Tours que j’ai rencontré les membres de la Banque alimentaire sur un stand, et ça a tout de suite tilté. L’idée de se battre contre la précarité et le gaspillage alimentaire m’a parlé. »

La première mission de la Banque alimentaire est en effet de collecter les invendus des grandes surfaces, des plateformes agroalimentaires et des producteurs mais aussi les surplus de la cuisine centrale et de l’hôpital, qui représentent, avec les dons particuliers, 1 600 tonnes en 2022 soit trois millions de repas distribués.

Ensuite, les conserves, les légumes comme les produits frais gardés dans la chambre froide sont dispatchés entre les 62 associations tourangelles et le CCAS selon leur nombre de bénéficiaires. Ils étaient 15 760 à recourir à cette aide l’an dernier dans le département. Des chiffres qui ne cessent d’augmenter.

« Ces derniers mois, nous avons de 9 à 10 % de bénéficiaires de plus tandis que la collecte a baissé de 3 %, détaille Jean-Paul Baunez. Nous sommes obligés de rééquilibrer par des dons et d’aller chercher des solutions. » Le président est, en effet, chargé de coordonner, de superviser les équipes, de gérer les finances mais aussi d’impulser des projets, comme une plateforme informatique pour que les petits producteurs en milieu rural référencent leurs surplus, ou encore le futur atelier de transformation des aliments (« les Restorés de Touraine »).

Cet aspect de lutte contre le gaspillage lui tient à cœur tout comme la sensibilisation à l’équilibre nutritionnel via la cuisinette ambulante qui se balade dans les associations et collèges. « Il ne suffit pas de donner de l’aide alimentaire, il faut aussi l’accompagner. » Ce qu’il aime aussi dans son bénévolat, c’est l’ambiance « chaleureuse ». Il n’y a qu’à le voir plaisanter avec les autres bénévoles, qui n’hésitent pas à faire des kilomètres pour rejoindre l’entrepôt malgré le coût du carburant, pour comprendre qu’il s’agit bien d’une « pette famille ».

Aurélie Dunouau

Dans le quotidien de Catherine Serin, la kiosquière des Halles de Tours

#EPJTMV Catherine Serin tient le kiosque du quartier des Halles. Depuis 2014, ses journées sont rythmées par les allers et venues quotidiens d’une fidèle clientèle, pour le plus grand bonheur de la commerçante.

Elle aime à dire qu’elle est « le dernier des Mohicans ». Catherine Serin, 60 ans, tient le dernier kiosque à journaux de Tours. Le déclin de la presse papier a fait d’elle une espèce en voie de disparition. « Je le comprends, concède la kiosquière, les prix de la presse écrite ont drôlement augmenté. Les gens n’achètent plus le journal tous les jours comme c’était le cas à une époque. »

Ouvert en mars 2014, face aux Halles, le kiosque est pourtant devenu, au fil des années, un lieu emblématique de la ville. Ici, les habitués viennent dès 6 h 30 chercher leur journal, et se succèdent au comptoir pour bavarder. « Cela fait cinquante ans que j’habite aux Halles et je viens acheter le journal chez Catherine tous les jours ! », s’enthousiasme Jacqueline, 85 ans.

Jean-Louis, lui, vient également saluer la kiosquière chaque matin avant d’acheter L’Équipe : « Elle est connue comme le loup blanc ! », s’exclame l’homme de 76 ans. Dans le quartier, sa bonne humeur est légendaire : « Il faut avoir un grand sens du relationnel », insiste Catherine Serin.

La plupart de ses clients sont des retraités mais il y a aussi tous les actifs des alentours, notamment les commerçants des Halles et les gérants de cafés. « Je ne les considère pas comme des clients. Je les appelle par leurs prénoms et ils m’appellent pratiquement tous Catherine », précise-t-elle. Certains d’entre eux en profitent même pour se confier : « Je pourrais mettre un divan dans le kiosque, je connais les histoires de tout le monde, » plaisante-t-elle.

Pour ne pas manquer les premiers arrivants, Catherine Serin se rend dès l’aube au kiosque. La presse a déjà été livrée au préalable à l’intérieur d’un sas. Elle prend le temps d’installer les présentoirs avec les cartes postales avant de déballer tous les journaux et magazines pour les mettre en place. C’est aussi le moment pour elle de retourner les invendus de la veille.

Parmi l’amas de revues qu’elle reçoit, un quotidien sort du lot. « Je suis le numéro un des ventes de la Nouvelle République de l’Indre-et-Loire ! », se vante-t- elle. C’est d’ailleurs en feuilletant les pages d’un numéro de la NR que Catherine Serin est tombée par chance sur une annonce qui proposait de tenir le kiosque aux Halles de Tours. Elle a alors décidé de passer l’entretien et a décroché le poste.

Catherine Serin travaille six jours sur sept, de 6 h à 17 h. « C’est très physique. Les bacs de journaux pèsent des tonnes. » Un rythme assez dense surtout en cette période hivernale. Doudoune chauffante, bottines fourrées, bonnet et écharpe, la voilà prête à affronter le froid. « Dans quelques années, je ne me vois pas faire ce que je fais aujourd’hui. » Avant de tenir le kiosque, Catherine Serin tenait une épicerie fine aux Halles de Jouélès- Tours. Elle a toujours été travailleuse indépendante et s’imagine mal faire autre chose. « Le kiosque, c’est mon bébé, conclutelle avec affection, j’en suis fière. »

Textes : Aya El Amri et Fanny Uski-Billieux, journalistes en formation à l’Ecole publique de journalisme de Tours. Photos : Mathilde Lafargue

Stéphanie Huret, le nouveau visage des antiquaires

#VisMaVille Stéphanie Huret est antiquaire à la Galerie Zola. Elle vient de prendre la relève d’une partie de la galerie Gabillet, bien connue à Tours. Un pari et une reconversion pour cette passionnée d’art.

Une femme dans un monde d’antiquaires, déjà ce n’est pas banal. Mais une prothésiste dentaire qui se reconvertit à la cinquantaine dans ce milieu de niche, encore moins. Richard Gabillet, l’antiquaire-expert référence de la ville avec qui elle travaille en partenariat, souligne son « courage de se lancer dans ce métier en voie de disparition ».

La galerie divisée en deux, Stéphanie Huret a repris le bail commercial de la partie ancienne en juin 2020. La nouvelle antiquaire détonne dans ce milieu par sa fraîcheur mais rivalise par sa passion, comme un poisson dans l’eau au milieu des meubles et tableaux antiques, XVIII et XIXe siècles ainsi que des tapisseries Offard qui ornent les murs de sa galerie.

« J’ai toujours aimé l’art, j’ai visité beaucoup de musées à travers le monde et fait des rencontres incroyables qui m’ont permis de changer de métier. » Aujourd’hui, elle s’investit à fond, apprenant sur le tas. « Quand je cherche un objet, je fonctionne sur le coup de cœur, j’ai d’ailleurs parfois du mal à m’en séparer quand les clients l’achètent. »

Le temps fort de son métier, l’achat d’objets, que ce soit des peintures, des meubles, de sculptures, des horloges… l’occupe aussi en dehors de sa présence à la boutique. « Les dimanches, j’en profite pour aller chercher un objet chez un client collectionneur, livrer ou chiner dans les foires professionnelles. Il n’y a pas d’horaires dans ce métier.»

Les objets proviennent également des successions, des achats entre professionnels physiques ou virtuels via le site internet Proantic qui référence plus de 2 000 œuvres. L’achat et la vente par internet sont d’ailleurs en train de faire évoluer le métier. Stéphanie Huret, inscrite sur Proantic, a par ailleurs monté le site internet de la galerie Zola, l’alimente en textes et photos, lui permettant ainsi une nouvelle visibilité.

Après l’achat, l’étape importante consiste à « rechercher l’historique de l’objet pour apporter une garantie à la clientèle ». Recherche de l’auteur de l’œuvre s’il n’est pas connu, de son histoire, de celle de la vie et des caractéristiques de l’objet, pour aboutir à une fiche complète.

L’accueil attentionné des clients, des expos d’artistes locaux font également partie de la recette maison. Ici, ce n’est pas un hasard si « Expo » est affiché à l’entrée, il s’agit de rendre l’art accessible. « Beaucoup d’étudiants viennent visiter comme dans un musée, et puis vous pouvez, en plus, toucher les objets. »

Enfin, Stéphanie Huret ajoute une corde à son arc d’antiquaire : la petite restauration. Son œil expert de prothésiste dentaire et sa pratique des matières lui permettent de déceler les moindres imperfections mais aussi de resculpter, restaurer, des détails abîmés. Pour les restaurations plus conséquentes, elle fait appel aux artisans d’art. Elle se dit aujourd’hui « dans son élément, entourée de beaux objets ».

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Dans le quotidien d’Emilie Juquois, sapeur-pompier professionnelle

#VisMaVille Il y a 20 ans, Émilie Juquois devenait la première femme sapeur-pompier professionnelle à la caserne de Joué-lès-Tours. Aujourd’hui, elle vit son métier avec toujours autant de passion.

Tout a commencé à Montlouis, chez elle, comme pompier volontaire, où elle exerce toujours d’ailleurs avec son mari, durant son temps libre. La vocation de pompier se partage souvent en famille. « Si je suis arrivée là, c’est grâce aux valeurs que m’ont transmises mes parents », n’oublie pas Émilie Juquois, 42 ans, sapeur-pompier professionnelle à Joué-lès-Tours depuis 2003.

Avec son mari, lui aussi pompier professionnel à Amboise, ils alternent des gardes de 12 à 24 heures plusieurs fois par semaine, leur laissant aussi le loisir de s’occuper à tour de rôle de leur fille Jade. Un pompier professionnel réalise cent gardes par an à hauteur de 1 607 heures.

Après des études de commerce et des petits boulots à La Poste, Émilie Juquois a démarré emploi jeune au SDIS 37 puis a passé son concours de sapeur-pompier 2e classe.

Aujourd’hui sergent-chef et très sportive, elle conduit le camion, grimpe les cordes et les planches, ce qui a, au début, impressionné dans un monde d’hommes. « Je n’ai pas un grand gabarit mais il faut des bras. Cela m’a permis de faire ma place ici », rigole celle qui a démarré en étant la seule femme dans l’équipe. Elles sont aujourd’hui quatre dont la cheffe de centre. « Notre présence a déridé un peu aussi les gars, c’est important d’avoir de l’empathie et d’être à l’écoute dans ce métier. »

Car l’activité de pompier est principalement tournée vers les secours à la personne et il faut souvent faire preuve, outre de physique, de psychologie.

« C’est 80 % de nos interventions. Il faut aimer aider les gens car c’est parfois compliqué. Le reste concerne les incendies et opérations diverses. Le problème c’est que de plus en plus de gens nous appellent alors que ce n’est pas justifié, ce qui retarde les secours pour des interventions plus urgentes, déplore la sergent-chef. Dès que quelqu’un ne répond pas au téléphone ou met un message inquiétant sur les réseaux sociaux, on nous appelle pour forcer des portes ! C’est devenu notre quotidien. »

Des interventions qui parsèment une journée type de pompier. Celle-ci démarre à 7 h 30 par le rassemblement, tous en rang, avec l’attribution des fonctions du jour par le sous-officier, puis la vérification du matériel. Enchaînement avec une heure de sport ici à la caserne, à côté au lac des Bretonnières ou sur la piste de Jean Bouin. À nouveau rassemblement, et c’est parti pour deux heures d’exercices de manœuvres.

L’après-midi, le scénario se répète avec également des travaux dans les services, selon les spécialités de chacun. « Je m’occupe du service de prévention et de gérer les manœuvres », explique Emilie Juquois qui possède le permis poids lourd. Tout ceci est, bien évidemment, chamboulé par les multiples sorties des pompiers appelés à intervenir. Avant le retour à la caserne et la poursuite de la garde dans la nuit.

Textes et photos : Aurélie Dunouau

Eric Vasseur, l’agent de collecte tout terrain

#VisMaVille Éric Vasseur est agent de collecte à la métropole de Tours. Un métier loin de la routine, pas tous les jours facile mais qu’il mène, avec son trio, dans la bonne humeur.

8h 30 du matin. Peu à peu, les équipes d’agents de collecte arrivent au dépôt de Tours Nord, situé rue Huygens. C’est l’heure de la pause-café avant de repartir sur la seconde tournée de la journée. Depuis 5 h 45, Eric Vasseur et ses deux coéquipiers sont sur le terrain, après avoir préparé leur camion à 5 h 30.

L’un conduit, les deux autres sont debout accrochés à l’arrière du camion. Ils enchaînent les ramassages de déchets, s’activent, courent, plaisantent parfois entre deux bacs ou échangent quelques mots avec un habitant venu à leur rencontre.

 

Chaque jour, du lundi au vendredi, 10 bennes de 26 tonnes partent du dépôt de Tours Nord, avec chacune sa zone définie. Celle d’Eric Vasseur, Franck Porteboeuf et Richard Marcelline, tous trois agents de collecte de la métropole, anciennement appelés chauffeurs-ripeurs, arpente la zone commerciale du côté de l’hypermarché Auchan, de la zone industrielle et des lotissements de la Milletière.

Sous la pluie, le vent ou le soleil, peu importe les conditions météorologiques, 9 à 10 tonnes sont collectées en moyenne sur ce parcours, avant que les déchets soient amenés au centre d’enfouissement de Sonzay.

 

La journée d’un chauffeur-ripeur se termine vers 12 h 45 en règle générale. Eric Vasseur est, quant à lui, salarié de la métropole depuis juin 2009. Auparavant il exerçait comme chauffeur routier. « Ici les journées ne se ressemblent pas, selon la météo, les gens qu’on rencontre, les obstacles sur la route, ce n’est pas la routine ! Nous avons une tournée type avec des imprévus, des travaux souvent. On s’adapte. »

Une tournée bien rodée par le trio depuis plus d’un an. « On est toujours la même équipe et c’est agréable de travailler avec eux, dans la bonne humeur. » Le teint toujours halé par son travail d’extérieur, il apprécie également de ne pas être enfermé de la journée. « Je me voyais mal travailler dans une usine. »

Eric Vasseur voit son métier comme une manière de « se rendre utile pour les usagers. Nous avons une image de service public à donner ». Même si, parfois, les habitants râlent un peu envers les agents de collecte quand ils ralentissent la circulation. Sur le terrain, on se rend compte de la difficulté de leur mission : grosses voitures mal garées leur laissant peu de passage dans des lieux étroits, vélos et trottinettes circulant sur les trottoirs, il faut être un chauffeur hors pair pour exercer ce métier.

Également, la condition physique est une donnée importante. « C’est sûr qu’il faut avoir une bonne hygiène de vie, conseille Eric Vasseur, qui se lève à 4 h 30 et pratique souvent le VTT à travers le nord de l’agglomération pour se détendre. On n’est pas à l’abri de l’accident, de la blessure. Même si les véhicules sont aujourd’hui automatisés, vous appuyez sur un bouton et le bac se lève tout seul, il faut être en permanence vigilant ».

En moyenne, un agent de collecte parcourt 18 km à pied par jour et collecte 400 bacs à lui tout seul, précise Damien Fraillon, le responsable du dépôt de Tours Nord.

 

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Musée des Beaux-Arts : dans le quotidien de Jessica Degain, conservatrice du patrimoine

#VisMaVille Jessica Degain est conservatrice du patrimoine au musée des Beaux-Arts de Tours. Sous les feux des projecteurs avec le commissariat de l’exposition François Boucher, elle mène un travail de fond sur les œuvres.

2022 est une grande année pour Jessica Degain. La jeune conservatrice du patrimoine, arrivée au musée des Beaux-Arts en mai 2020 après un premier poste au service de la Conservation des œuvres d’art religieuses et civiles (COARC) de la Ville de Paris, a la charge des deux expositions du musée. Celle d’Antoine Coypel qui a eu lieu début 2022 et depuis début novembre, François Boucher, deux peintres du XVIIIe siècle.

Au départ spécialiste en art indien, Jessica Degain s’est tournée vers l’art du siècle des Lumières, et complète avec le XVIIe et XIXe au Musée des Beaux-Arts. « J’aime beaucoup le siècle des Lumières très riche au niveau artistique, sensuel et élégant. On perçoit très bien ce côté dans l’œuvre de François Boucher, sa proximité avec la nature et son art délicat. »

Cela fait deux ans qu’elle bâtit cette exposition événement, aux côtés de Guillaume Kazerouni, conservateur à Rennes, avec qui elle avait déjà expérimenté une collaboration pour une exposition au Petit Palais. « Le commissariat d’exposition, c’est d’abord proposer une listes d’œuvres en partant des collections du musée et en enrichissant par des prêts extérieurs. On part d’une liste idéale mais on s’adapte car il est difficile d’obtenir tous les prêts souhaités. L’idée est surtout d’avoir une approche originale pour faire avancer la connaissance scientifique. »

Ensuite, vient le temps de l’élaboration du catalogue d’exposition, puis la mise en place de la scénographie. « C’est une étape stimulante qui permet de se projeter dans les espaces, de choisir les couleurs, l’identité visuelle de l’exposition. » Une étape qui se fait en lien avec le personnel du musée et des prestataires extérieurs. « Nous ne sommes pas isolés dans un bureau, c’est un travail d’équipe collectif », souligne Jessica Degain.

La recherche de mécénat fait aussi partie des missions de la commissaire, avec l’aide du service dédié à la Ville de Tours. « Ensuite, il faut faire vivre l’exposition pendant trois mois, la médiation est ici importante, par des cours d’histoire de l’art notamment. »

En dehors du montage des expos, la conservatrice du patrimoine travaille, telle une fourmi, à enrichir les collections du musée. Là aussi un budget est défini. « Depuis deux ans et demi, nous avons acquis un nombre d’œuvres importantes que l’on peut voir aujourd’hui accrochées, comme un De Boulogne et des tableaux de Girardet qui a illustré des paysages de Touraine. »

Enfin, Jessica Degain est également occupée par la restauration, en ayant un rôle de maîtrise d’ouvrage, qui permet de faire découvrir de nouvelles œuvres au public en les faisant tourner dans le musée. Ce dernier possède au total 18 000 œuvres dont 10 à 15 % seulement sont visibles, les réserves étant stockées sur le site de la Camusière à Saint-Avertin.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Agnès Caillieux, aide à domicile à Tours : « On s’attache forcément aux gens »

#VisMaVille Agnès Caillieux est aide à domicile à Tours. Un métier varié, qui au-delà des courses et du ménage, représente parfois le seul lien social maintenu avec des personnes âgées.

Leurs mains sont serrées et les sourires s’échangent. Les deux Scorpions de signe plaisantent sur leur anniversaire à venir sur un ton enjoué. Mme Deveau fêtera ses 90 ans, Agnès Caillieux ses 59 ans. La seconde est l’aide à domicile de la première depuis qu’elle exerce à l’association d’Aide à Domicile en Milieu Rural (ADMR 37).

Derrière ces quatre années et demi, deux heures passées ensemble les lundis et jeudis, se dessine une complicité évidente. « On s’attache forcément aux gens, je pense à eux même en dehors de mes visites », révèle Agnès Caillieux qui s’est reconvertie après 30 ans à travailler comme gestionnaire de stock à la pharmacie mutualiste.

Elle s’occupe à présent d’une dizaine de personnes, souvent âgées, dans les quartiers de Beaujardin, Bouzignac et de la rue Vaillant, à Tours. De 30 minutes à 2 h 30, le temps consacré aux personnes est flexible selon les besoins. « Cela va de la toilette du matin, à la préparation des repas en passant par le ménage, les courses, bref toutes les tâches qu’on a besoin de faire chez soi », détaille l’aide à domicile.

Au-delà de ces missions bien connues, s’ajoutent des petites choses du quotidien comme changer une ampoule, voir pourquoi la télé ne marche pas, un peu de couture. Agnès peut également accompagner les personnes chez le médecin, au marché, en promenade ou apporter son aide lors de la déclaration d’impôts. Mais c’est surtout le temps passé à créer du lien, à « papoter » comme elle le dit, qui est important.

Agnès a d’ailleurs pris ses habitudes, sur son temps personnel, le mardi midi chez un papy de 94 ans. « Je lui cuisine du poisson, ce qu’il préfère, et partage le repas avec lui. » Car certains sont seuls, d’autres entourés, certains malades, d’autres mieux portants, les situations se révèlent très différentes. Pour Agnès Caillieux, l’essentiel est l’attention portée aux autres. « Ces petites choses qui font plaisir. »

Le tout, avec discernement. « On rentre dans l’intimité des gens, il faut s’adapter à leur environnement. À nous de voir ce qui est faisable et quels sont leurs besoins. » Le métier d’aide à domicile, longtemps cantonné dans les esprits à la femme de ménage fait, depuis la crise du Covid, enfin figure de métier utile. « Tant mieux même s’il n’est toujours pas bien valorisé », assure Agnès Caillieux.

Si elle est passionnée par son métier, elle ne nie pas les difficultés. « Tout n’est pas rose, on voit des choses difficiles, on est souvent confrontés à la mort. Et puis, c’est un métier souvent pénible, le mal de dos, même si aujourd’hui, nous avons du matériel adapté. C’est plus compliqué pour celles qui travaillent en milieu rural et qui ont de la route à faire. »

Elle, de son côté, continue à « s’éclater comme une folle ». Bientôt à la retraite, elle n’envisage pas de couper net pour autant et va poursuivre par des extras à l’ADMR. « Je prendrai toujours de vos nouvelles », dit-elle, rassurante, en se tournant vers Mme Deveau.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Justine Canales : la Maison des femmes, « c’est un vrai enjeu de santé publique »

#VisMaVille Justine Canales est médecin légiste à l’Institut Médico-légal du CHRU de Tours. À la tête de la Maison des femmes, elle soigne la prise en charge des femmes victimes de violences.

C’est une entrée tout en discrétion, à l’entrée de l’hôpital Bretonneau. À l’image de Justine Canales, à peine 33 ans, et déjà responsable depuis plus d’un an de la Maison des femmes. « C’est un vrai enjeu de santé publique », justifie celle qui porte cette « mission », ferraille avec ses collègues pour trouver les financements permettant d’alimenter cette nouvelle structure.

Elle le confie, si elle a accepté ce portrait, c’est pour mettre en avant son service, pas sa personne.

La Maison des femmes, créée en juin 2021, réunit une équipe pluridisciplinaire pour une prise en charge complète des violences faites aux femmes. Peu à peu, l’équipe se structure : le docteur Canales a débuté seule, puis une sage-femme, une infirmière, une éducatrice pour jeunes enfants, l’ont rejointe. Bientôt deux postes de secrétariat et de psychologue compléteront l’équipe.

« Nous avons un petit budget, heureusement nous nous appuyons sur l’Institut médico-légal du CHU dont nous dépendons et des professionnels partenaires : hospitaliers, permanence juridique de France victime et du CIDFF, ateliers de socio esthétique et de karaté. Ici les femmes trouvent un lieu dédié qui n’existait pas auparavant. C’était le chaînon manquant, nous pouvons même organiser le dépôt de plainte grâce à nos relations avec la police », explique Justine Canales.

À 80 % sur ce poste, la docteure reçoit dans son bureau les victimes pour les premiers rendez-vous. « Je pratique un examen général médico-légal, constate les blessures physiques et psychologiques pour établir un certificat qui pourra servir ensuite à la victime pour faire valoir ses droits, puis on leur propose un parcours de soin adapté à chacune », détaille-t- elle. Tous les types de violences sont ici traités : physiques, psychologiques, sexuelles, mutilations, violences au travail…

La médecine légale a très vite été une discipline évidente pour Justine Canales. À la faculté de médecine de Tours, puis à son internat à La Réunion et au service de médecine légale de Montpellier, elle choisit ce métier utile et concret, qui apporte des réponses juridiques et un aspect thérapeutique pour la victime.

Elle rejoint l’équipe de Pauline-Saint Martin à l’Institut-médico-légal du CHRU de Tours en 2018. « On a l’image cinématographique du métier, mais la médecine légale c’est pratiquer des constatations de blessures sur la demande de la justice à 90 % sur des vivants. Les autopsies sur les morts ne représentent que 10 % de notre activité. C’est une discipline exigeante avec des responsabilités par rapports à nos écrits, et également très riche car à la frontière de la médecine, de la justice, de la toxicologie parfois. »

La jeune femme brune pétillante est également médecin légiste d’astreinte sur toute la région. Motivée et animée, elle ne lâche rien.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Dans le quotidien de Maël Fusillier, régisseur son et créateur sonore au Théâtre O

#VisMaVille Maël Fusillier est régisseur son et créateur sonore au Théâtre Olympia de Tours. Un métier qui s’exerce en coulisses mais qui se révèle plus créatif et relationnel qu’on ne l’imagine.

Au deuxième étage de l’imposant bâtiment en verre du Théâtre Olympia, Maël Fusillier prépare son matériel dans la petite remise dédiée : micros, câbles et divers matériels sonores attendent la reprise des représentations.

En ce mois de septembre (période à laquelle est réalisée notre rencontre avec Maël – NDLR), il faut s’assurer que tout fonctionne bien. Prévoir est le maître mot du métier, même s’il faudra faire face aussi aux défaillances inattendues telle une panne de micro !

Premier grand rendez-vous pour le régisseur son : la présentation de saison où il sera en première ligne avec l’accueil d’un groupe de musique dans le hall.

Dans son quotidien, Maël Fusillier, à peine 23 ans, s’occupe principalement de la partie sonore pour le Jeune Théâtre en Région Centre (JTRC), les jeunes comédiens en contrat au théâtre, de l’accueil des techniciens qui accompagnent leurs compagnies venant jouer sur place, et de la création sonore et vidéo sur certaines pièces, comme l’an dernier sur « Grammaire des mammifères », de Jacques Vincey, avec qui il va d’ailleurs partir en tournée.

La création sonore, inventer une partition, une ambiance musicale, ajouter des effets de voix, c’est sa spécificité à laquelle il ajoute de la création vidéo. Tous les régisseurs-son n’ont en effet pas ces compétences. Ce côté créatif qui s’ajoute à la technicité du métier (savoir faire fonctionner une table de mixage, des micros,…), le rapproche des artistes qu’il aime tant.

Car Maël, musicien depuis son plus jeune âge, a su très tôt qu’il serait compliqué d’en faire son métier. « Au collège, je me suis décidé à travailler dans le milieu, mais à côté, car j’avais aussi une appétence pour la technique et le bricolage. » Il débute par la régie son dans une salle de musiques actuelles, à La Rochelle, avant d’atterrir, il y a deux ans, à Tours. Le théâtre est une totale et heureuse découverte pour lui. « J’ai mon mot à dire, on apporte à la création, on échange avec l’équipe, il y a beaucoup de réflexion. Dans la musique, j’avais plus l’impression d’être plus passif, à l’affût le jour du concert. »

Cet échange avec les artistes, Maël le définit comme réciproque. « On dit que la technique est au service des comédiens. Mais le son et la vidéo donnent aussi un contexte aux comédiens qui vont les restituer dans leur jeu. »

Le régisseur voit aussi son rôle comme celui d’un accompagnateur, facilitateur, de par sa place en retrait de la mise en scène. « Au moment des créations – une période intense – je leur apporte un café pour décompresser, je m’assure qu’ils vont bien, cela peut débloquer certaines choses. »

Un travail d’équipe qu’il souhaiterait poursuivre au-delà de son contrat qui s’achève en juin prochain. Intermittent du spectacle, le jeune homme s’imagine travailler pour différentes structures et, pourquoi pas, mêler le théâtre et la musique.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

 

Dans le quotidien de Baptiste Dupré, charpentier et éco-constructeur

#VisMaVille Baptiste Dupré est charpentier et éco-constructeur. Avec son entreprise Canopée Ecoconstruction, il construit des maisons en bois, avec une réflexion constante sur les matériaux utilisés.

Devant l’atelier de 327 m₂ de la Morinerie, à Saint-Pierre-des-Corps, un camion se remplit des décors en bois destinés au festival Terres du Son. Les locaux s’alignent dans cet espace dédié aux entreprises et celui de Canopée Ecoconstruction se partage avec un menuisier et un autre éco-constructeur.

« J’aime que ce soit animé. Nous ne sommes que 20 % de notre temps à l’atelier alors c’est pratique de partager ou prêter le local », explique Baptiste Dupré, le cofondateur de Canopée Ecoconstruction avec Christophe Ayguepsarsse. La société s’est formée il y a sept ans, après une reconversion en charpente des deux associés, aux Compagnons du devoir en un an pour Baptiste Dupré.

Cet ancien projectionniste du cinéma associatif de Richelieu, dont il est originaire, avait envie de changer de voie, après avoir tenté l’expérience sur les toits avec son cousin charpentier. « On a une autre vue du monde en haut des toits. J’étais enfermé dans une salle obscure, je suis passé du tout au tout. C’est cet aspect qui m’a plu ainsi que l’enjeu de l’éco-construction. »

Il y trouve très vite du concret, « le côté satisfaisant de voir le travail accompli. Sur le premier chantier, une couverture de bâtiment, j’ai pu me rendre compte du côté esthétique mais aussi utile. La maison est repartie pour 50 ans ! ».

Baptiste Dupré et son associé s’occupent de monter des charpentes, mais aussi des ossatures bois, des aménagements extérieurs que ce soit des bardages, appentis ou terrasses. L’isolation par l’extérieur des maisons représente la seconde facette de leur activité. « Nous utilisons principalement de la laine de bois et de la ouate de cellulose parce que c’est le plus performant et le plus abordable. »

Pour le bois, il s’agit principalement du pin douglas, venu du Jura et de la région Centre, un matériau non traité et bio-sourcé. « On essaie d’être le plus vertueux possible même si la surexploitation actuelle du pin douglas, produit en mono culture, remet aujourd’hui en question son côté écologique. »

Le métier évolue rapidement et les compétences avec. « On travaille de plus en plus avec des matériaux différents pour l’isolation, avec une recherche de performance énergétique. Il faut sans cesse s’adapter aux nouveaux matériaux », souligne Baptiste Dupré. À deux, c’est une toute petite structure.

L’administratif et les devis, compliqués avec la fluctuation du coût des matières premières, prennent un temps important. « Car il faut faire les allers retours entre les fournisseurs et les clients, comprendre d’où ça vient et l’expliquer ensuite au client. » Pédagogue, voilà encore une autre casquette revêtue par Baptiste Dupré.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Canelle Penot, la pro de l’animation périscolaire : « Un métier toujours prenant »

#VisMaVille Canelle Penot est animatrice périscolaire. À Tours, elle jongle entre différentes écoles et l’association Courteline pour un métier prenant mais précaire.

Ce mercredi, autour de la table basse à hauteur d’enfant, Canelle Penot lance une partie de « La Chasse aux monstres » avec une poignée de petits de grande section maternelle, inscrits à l’accueil de loisirs du centre Courteline. Très vite, la quasi-totalité des autres enfants la rejoignent, attirés par ce qu’elle raconte, et sa voix à la fois grave et chaleureuse.

C’est ainsi que l’animatrice périscolaire aime son métier. « Utiliser et réinterpréter des jeux classiques pour leur apprendre des choses, comme leur raconter des histoires, les faire rire, réagir, fabriquer des objets qui a priori ne servent à rien… »

La pédagogie de l’animatrice s’appuie sur l’émerveillement et l’imaginaire des enfants qu’elle apprécie tant pour « leur inculquer des savoirs de base, sans stress, sans devoirs à rendre à la fin. Ainsi, en ce moment, on travaille sur l’espace et les planètes. Pour les mettre dans l’ambiance, je me suis mise, pendant le temps calme, à dessiner un ciel étoilé et ça les a intrigués ».

Canelle Penot voit son métier comme « jamais rébarbatif, toujours prenant », elle qui jongle entre l’accueil du midi dans des écoles de Tours, les fins d’après-midis dans l’aide aux devoirs et l’accompagnement des enfants et parents en difficulté à George Sand et Paul Racault, et l’accueil de loisirs à Courteline le mercredi ainsi que certaines vacances scolaires.

« J’adore cette diversité, avec des niveaux d’enfants différents et c’est aussi enrichissant pour eux d’avoir des animateurs avec leurs propres compétences. »

Mais Canelle Penot ne cache pas les revers de la médaille : l’épuisement parfois et la précarité. Car le rythme est décousu. Un animateur peut faire des journées de 7 h 30 à 18 h 30, parsemées de pauses, avec au final un contrat de 24 heures par semaine, comme celui de Canelle. Les contrats des 49 animateurs périscolaires actuels de Courteline oscillent entre 4 et 28 heures.

La tendance est à la professionnalisation du métier alors que certains le voient encore comme un job d’étudiants qui, en réalité, viennent plutôt en renfort lors des vacances scolaires. Le profil de Canelle Penot, 39 ans, arrivée à l’animation il y a 7 ans en reconversion, n’est en fait pas banal. Diplômée en librairie et histoire de l’art, elle a exercé différents métiers avant de pousser la porte de Courteline en 2015. Elle qui voulait être bibliothécaire s’est découverte dans ce métier.

« Au début je ne savais pas trop où j’allais mais je me suis rendue compte très vite que j’aimais ce travail et l’évolution que cela permet, de l’animation à la direction. » Aujourd’hui, la jeune femme ambitionne de passer son BPJEPS (Brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport), de faire ainsi plus d’heures, pour parvenir peut-être à un temps plein, combinant animation pure et direction. Elle cite en exemple le parcours du directeur actuel de Courteline, Romain Ménage, qui a démarré ici-même en étant… animateur.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

 

Dans le quotidien de Jessy Gerin, conservatrice-restauratrice de tableaux

#VisMaVille Jessy Gerin est conservatrice-restauratrice de tableaux et d’objets d’art en bois. Elle vient tout juste de s’installer dans le quartier des arts à Tours, ajoutant à sa palette le métier de copiste.

Un atelier de restauration de tableaux ouvert en pleine rue, ce n’est pas si courant. En général, le conservateur-restaurateur d’œuvres d’art recherche le calme propice à la concentration. Jessy Gerin, qui a connu pendant quatre ans l’effervescence du château de Chenonceau où elle s’occupait des collections et des restaurations en public, se trouvait au contraire trop isolée dans son atelier-domicile de Francueil.

Alors, quand elle a su que le local de la Boîte Noire, rue du Grand Marché à Tours, se libérait, elle a sauté sur l’occasion. Dans cet espace, le public peut se rendre compte de son double métier : restauratrice et copiste de tableaux.

Des toiles inspirées de Rubens, Rembrandt, Vermeer et Picasso s’y côtoient sous sa signature. Jessy Gerin aime tout peindre, « sauf les paysages et le contemporain », selon différentes techniques, découlant des époques, de la cire, à la tempera à l’œuf, en passant par l’huile. Quant à la restauration, « les techniques évoluent beaucoup, explique la jeune femme trentenaire. Elles deviennent très chimiques, comme le solvant appliqué en gel, le travail de plus en plus fréquent avec le PH pour mesurer la réaction de l’œuvre. Il faut régulièrement se former ».

Jessy Gerin voit sa mission de restauratrice comme celui d’une passeuse d’œuvres d’art. « Ce qui m’intéresse, c’est leur sauvetage. Je suis dans la peau du médecin et dans la transmission. On nous amène quelque chose qui est détérioré et notre objectif est de le rendre sain et lisible pendant des années. Que ce soit une œuvre de famille ou une œuvre classée, c’est du patrimoine que l’on transmet selon la même importance. »

Et si ce métier demande une maîtrise totale du geste, l’erreur est toutefois permise. « Dans le code déontologique, tout ce qu’on fait doit être stable dans le temps et réversible. Heureusement il existe des produits qui permettent de reprendre son geste si on était pas dans un bon jour », sourit celle qui maîtrise également la basse dans un groupe de musiciens professionnels.

Jessy Gerin fait ce métier depuis dix ans, après s’être essayée à la coiffure dans les salons de ses parents, en région parisienne. « Ce n’était pas pour moi. Je peignais et dessinais depuis toute petite, c’était ma voie. J’ai repris des études dans une école spécialisée pour cinq ans. » C’est le château de Chenonceau qui lui commande son premier chantier qui la fait venir en Touraine qu’elle n’a pas quittée depuis.

Son activité de conservation-restauration l’occupe en grande partie même si elle compte désormais se consacrer plus à la copie, en ouvrant aussi son atelier à des cours en septembre. « J’ai commencé par enseigner la copie, j’ai envie de m’y replonger. »

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Garance Duplan, étudiante et championne de rugby

#VisMaVille Garance Duplan joue depuis dix ans à l’US Joué Rugby. Avec son tempérament de battante, la jeune femme participe à l’accession de son club au haut niveau.

Elles ne sont pas professionnelles mais les féminines de l’US Joué Rugby évoluent déjà à un très bon niveau. Une saison en Fédérale 1 qui vient de se conclure par une accession en Elite 2, le deuxième échelon national, après leur victoire en championnat de France ce week-end.

C’est toute la fierté de Garance Duplan, elle qui a déjà été championne de France de sa catégorie en rugby à 7. Celle qui joue en 2e ligne, numéro 5, attrape les ballons en touche, les gratte, bataille aussi rude en mêlée et dans les plaquages.

Si elle s’est tournée vers ce sport à 16 ans, intégrant l’US Joué déjà, c’est parce qu’elle avait envie « d’un sport de combat et d’équipe ». Dans le club jocondien, elle a trouvé son équilibre sportif et ses meilleures amies. Garance Duplan se souvient « qu’à l’époque, on s’appelait les Panthères de Touraine. On a démarré à 7, aujourd’hui on constitue une vraie équipe. Ce n’était pas facile, car le rugby féminin n’avait pas la même place qu’aujourd’hui. Depuis quelques années, ça s’est bien développé au club, nous avons chaque année de nouvelles joueuses. »

À l’instar du rugby féminin en France qui commence à attirer l’œil des médias, avec en ligne de mire la coupe du monde cet automne en Nouvelle-Zélande. Mais pour la jeune femme, les préjugés demeurent. « Bien souvent, le rugby ce n’est pas encore pour les filles ! ». Chez les Duplan, originaires de l’Ile Bouchard, ce n’était pas le cas : les deux filles jouaient au rugby tandis que le frère de Garance pratiquait la danse.

Si le rugby occupe une grande place dans sa vie, Garance, 26 ans, est d’abord étudiante en master de commerce, en alternance dans une enseigne sportive. Elle enchaîne donc ses journées de travail avec l’entraînement le soir, deux à trois fois par semaine, ainsi que la salle de sport deux fois par semaine. « Cela demande beaucoup d’efforts. »

Mais elle se sent récompensée par le niveau atteint cette année par l’équipe. « Sur la fin de saison, on commence enfin à se trouver sur le terrain, c’est un travail de longue haleine pour parvenir à comprendre et anticiper les comportements individuels des autres joueuses sur le terrain. »

À la rentrée, Garance Duplan aura terminé ses études. Elle continuera le rugby de haut niveau, pas de doute là-dessus. Quant à son avenir professionnel ? « Il reste à tracer, je suis ouverte aux opportunités », avoue celle qui possède une seconde passion : la décoration et la friperie de seconde main. « Je passe tout mon temps libre et mon salaire d’étudiante dans les ressourceries », sourit-elle. Une fille bien dans sa vie et dans ses crampons tout usés qui devront encore tenir pour la finale tant attendue.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Arsène Kouakou, l’épicier du soleil, de la Côte d’Ivoire à Tours

#VisMaVille Arsène Kouakou, 26 ans, est le gérant de Konu, l’épicerie du soleil. Ce jeune commerçant veut mettre en lumière les produits exotiques, inspirés des saveurs de son enfance, en Côte d’Ivoire.

Rue Constantine, à Tours, une nouvelle devanture attire l’œil des passants, près de la fac des Tanneurs : celle de Konu, l’épicerie du soleil. Son gérant, Arsène Kouakou, a fait le choix de s’installer il y a 9 mois en plein centre-ville pour se démarquer des épiceries du monde de quartiers, plutôt tournées vers les communautés.

« Je souhaitais m’ouvrir à tous, partager, faire découvrir les produits exotiques que l’on ne connaît pas forcément, au plus grand nombre de personnes, dans une boutique lumineuse et aux rayons aérés. »

Et ça marche, puisque les étudiants et les habitants d’à côté s’arrêtent volontiers. Sur les étagères, se côtoient des produits essentiellement venus d’Afrique et des Antilles mais aussi d’Asie et d’Amérique latine : du baobab, du manioc, du taro, du gombo, de la pulpe d’açaï, de l’igname…

Arsène Kouakou a également sélectionné des produits moins connus comme la bouillie de mil du Mali, le netetou « qui vient du Sénégal et que l’on utilise dans la confection du plat traditionnel, le tierboudien ».

De prime abord discret et réservé, Arsène Kouakou devient intarissable lorsqu’il parle de ses produits, de leurs bienfaits à leurs usages en cuisine. Par exemple, « le fonio est la plus vieille céréale d’Afrique, nous révèle-t-il. Cela ressemble au sorgho, avec la consistance du sable ». Ce qu’il aime mijoter par-dessus tout ? L’attiéké alloco qui correspond à un couscous au manioc et du mafé accompagné d’un jus de bissap (à base de fleur d’hibiscus).

« Certains produits sont rares et nous allons les chercher directement auprès des producteurs, grâce à mon frère qui est grossiste en région parisienne et fait les allers-retours ainsi qu’à mes contacts locaux. » Arsène Kouakou compte d’ailleurs travailler encore plus étroitement avec des producteurs du Sénégal, de Côte d’Ivoire et de Madagascar pour renforcer les circuits courts et développer sa propre marque, Konu. On trouvera notamment du chocolat ivoirien, une rareté.

 

La Côte d’Ivoire est le pays d’origine d’Arsène Kouakou, arrivé en France lorsqu’il avait une dizaine d’années pour rejoindre son grand frère, suite au décès de sa mère qui l’élevait seule. Sa maman tenait une boutique de cosmétiques en Côte d’Ivoire et cela ne semble pas un hasard dans le fait d’ouvrir une épicerie pour Arsène Kouakou. « Je la suivais partout, dans sa cuisine, dans son magasin, j’ai le souvenir du beurre de karité frais. »

Ouvrir cette boutique représentait donc plus qu’un pari professionnel pour ce diplômé de commerce : un retour aux sources, à la famille. « Cela me tenait à coeur », avoue-il sobrement.

Texte et photos : Aurélie Dunouau


> L’info en + 

Selon Arsène Kouakou, « Konu » signifie « bienvenue » dans un dialecte du Zimbabwe.

Dans le quotidien de Véronique Mathis, la « gardienne » du CDI

#VisMaVille Véronique Mathis est professeur-documentaliste au collège Anatole-France, à Tours. Une vocation pour celle qui anime de nombreux projets autour de la lecture.

Il est 13 h 55, la sonnerie retentit dans tout le collège Anatole-France mais il ne s’agit pas d’une reprise des cours classique. Elle signe le début du quart d’heure lecture. Dans chaque classe, les 500 élèves se plongent dans leur bouquin pour quinze minutes silencieuses. Tel un sas de décompression.

Cette initiative du collège Anatole-France, tout comme la boîte à livres installée dans la cour, démontre la place accordée à l’apprentissage de la lecture, ce qui fait le bonheur de sa professeur-documentaliste, Véronique Mathis.

Depuis 13 ans, elle est celle qui accueille les collégiens au CDI pendant la pause méridienne, les heures de permanence et lors des ateliers pédagogiques dédiés. « Les élèves aimeraient bien que le CDI soit ouvert de 7 h 30 à 18 h non-stop mais ce n’est pas possible », sourit-elle.

Car l’emploi du temps de notre professeur- documentaliste est aussi rythmé par un gros travail administratif : l’inventaire, la gestion des prêts (« il faut courir derrière les élèves pour les prêts en retard ! »), le rangement des documents, les achats de livres…

Côté pédagogique, elle participe également, avec ses collègues professeurs, aux cours interdisciplinaires, travaille avec les élèves sur leur « parcours avenir », anime le club lecture qui regroupe une quinzaine de petits lecteurs fidèles. « C’est passionnant dans ce collège car nous menons beaucoup de projets. Regardez l’exposition sur les femmes célèbres faite par les élèves ! Ils viennent beaucoup au CDI pour leurs recherches documentaires, ils me demandent des conseils, notamment au niveau informatique. Mon but c’est de les rendre autonomes pour qu’ils sachent faire des recherches dans n’importe quelle médiathèque. »

Véronique Mathis a su qu’elle serait professeur-documentaliste dès qu’elle a franchi la porte du CDI de son lycée à Amboise. Elle enchaîne ensuite par un diplôme de documentation à l’IUT de Tours, une licence en langues étrangères appliquées et le CAPES en 1990, sésame indispensable pour entrer dans la profession.

Elle a choisi d’exercer en collège parce que « ce n’est pas le même rapport avec les élèves qu’au lycée. Il y a encore tout à faire au niveau lecture, on peut encore raccrocher ceux qui en ont besoin ».

Véronique Mathis s’occupe des groupes de soutien à la lecture ainsi que de l’apprentissage par les élèves allophones (des sessions d’une heure par semaine). En fin d’année, ces groupes iront faire la lecture devant des maternelles, « une façon de les valoriser ». Pour les plus à l’aise avec la lecture, Véronique Mathis leur partage ses coups de cœur. « Dès la 5e, je commence à connaître leurs goûts. Au niveau de l’achat des livres, j’évite les BD et mangas qu’ils trouvent facilement ailleurs. Je mets la priorité sur les collections vendues en librairies indépendantes. »

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Bruno Puccilli « bichonne » les animaux du Muséum

#VisMaVille Bruno Puccilli est chef soigneur animalier au Muséum de Tours. Pour lui, le temple tourangeau des reptiles et amphibiens est autant un refuge qu’un espace d’exposition.

Depuis septembre dernier, Bruno Puccilli, 22 ans, est devenu le chef soigneur animalier du Muséum de Tours. « Une création de poste », souligne le responsable du vivarium, Arnaud Leroy, qui témoigne de l’importance dévolue au soin des animaux dans ce lieu d’exposition.

Car le profil de Bruno Puccilli est tout sauf anodin. Ce Lorrain d’origine combine la double formation de soigneur animalier et d’auxiliaire vétérinaire. Après un passage dans un grand zoo de Bruxelles et des stages dans des refuges, le voilà arrivé à Tours, dans ce musée avec des animaux plus petits mais bien vivants.

« Ce premier vrai emploi » lui sied comme un gant. « Ici, je m’occupe, avec mes collègues, de soigner les animaux et d’entretenir les terrariums et les aquariums. Du soin quotidien : les nourrir, m’occuper des reproductions, des naissances et parfois des blessures, leur apporter les premiers gestes d’urgence. » A

u muséum, le jeune soigneur recueille les animaux blessés sur la route, ceux maltraités par leur propriétaire ou bien les animaux exotiques saisis par la police car détenus illégalement. « À plus de 80 % nous avons des animaux saisis. Je vois ce musée, au-delà de l’aspect pédagogique, comme un refuge. On leur offre un nouveau logement. C’est pour moi un engagement. »

Le jeune homme tatoué, amoureux de la nature, dégage une certaine quiétude, qui doit bien lui servir au quotidien pour faire face à des animaux parfois dangereux : un python de trois mètres, des serpents venimeux ou tout simplement des animaux nerveux qu’il faut amadouer. Depuis son premier lézard obtenu à l’âge de 9 ans et les lectures assidues de la revue National Geographic, le champ d’occupation de de Bruno Puccilli s’est bien élargi.

Il veille aujourd’hui sur une soixantaine d’espèces et plus de 400 spécimens dont une centaine de serpents et nombre d’amphibiens, iguanes, geckos, caméléons, et autres tortues. Quand il parle des animaux, le soigneur animalier parle souvent « d’individus ». « Ce n’est pas de l’affection, mais une habitude qui s’est installée, une adaptation entre nous. »

La mission du chef soigneur animalier ne s’arrête pas au soin et à l’élevage. En ce moment, il recompose avec Arnaud Leroy, le responsable du vivarium, les terrariums et l’espace tropical. « On réfléchit aux compositions pour se rapprocher au plus près de la nature et aux espèces qu’on pourrait accueillir. On évite de mélanger les espèces qui ne sont pas des mêmes pays pour éviter les risques de maladies ou d’agressions. »

Pour découvrir le fruit de leur travail, il va falloir encore un peu de patience. Le vivarium est pour l’instant fermé, au moins jusqu’à cet été. Mais pas d’inquiétude, en attendant, Bruno bichonne ses occupants.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

 

Anthony Coué veille sur les jardins de Villandry

#VisMaVille Anthony Coué est chef-jardinier au château de Villandry. Arrivé apprenti, il y mène depuis 10 ans une belle carrière, régnant sur les buis, tilleuls et charmilles des jardins Renaissance.

Les allées du jardin de Villandry sont désertes en ce début mars. Le calme plat en attendant les milliers de touristes qui devraient affluer dès le printemps. Chaque jour, les dix jardiniers du domaine mesurent leur chance de travailler dans ce cadre exceptionnel, hérité de la Renaissance et de la gestion actuelle de la famille Carvallo.

Anthony Coué, le nouveau chef-jardinier, savoure chaque instant passé le nez dehors tout en inspectant les derniers travaux effectués. « Nous venons de tailler les 1 500 tilleuls. Cela a occupé quatre jardiniers pendant deux mois, détaille le chef-jardinier à la tête d’une équipe de dix personnes. Nous profitons également de l’hiver pour remettre du gravier dans les allées, faire un dallage sous les buis, tondre les deux hectares de gazon, faire un peu de binage, couper du bois pour chauffer le château… ».

Anthony Coué dit ne pas s’ennuyer tant son métier est diversifié. De 7 h à 16 h, « le planning est précis mais peut varier selon la météo. » Nettoyer le matériel ou travailler dans la serre peuvent être des solutions de repli en cas de grosse pluie ou de grand froid. Véronique, la responsable de la serre, est en train de préparer les 1 900 pots de semis de fèves. Anthony a élaboré avec elle les plants de culture du potage pour ce printemps.

Arrivé apprenti en 2002, il a gravi tous les échelons du domaine, depuis son stage de découverte effectué ici-même, devenant chef-jardiner l’été dernier, en remplacement de Laurent Portuguez. Passé l’effet de surprise, il dit que cela représente pour lui « un beau challenge ».

Ce rôle le ravit, même s’il passe un peu moins de temps dehors car il gère désormais l’équipe, les plannings, les commandes. « C’est beaucoup d’anticipation et de gestion », concède-t-il. Ce qu’il aime surtout, « c’est la taille. Tailler les buis, les fruitiers – pommiers et poiriers, les rosiers… c’est l’essence, mon domaine. Former et maîtriser les végétaux, c’est sympa et ça demande de la précision. »

Autre aspect particulièrement apprécié par le chef-jardinier : son cadre de travail. « Travailler ici, ce n’est pas comme en entreprise classique. On prend le temps de faire les choses pour avoir un bon résultat. On cherche la finition et la propreté. »

Des jardins à la française, rigoureux, appréciés par les touristes, connaisseurs ou non. « Ils nous interpellent souvent, et c’est plaisant, valorisant d’échanger avec eux. » Certains les qualifient d’ « artistes », ce qui n’a pas l’air de déplaire à notre chef-jardinier du château de Villandry.

Textes et photos : Aurélie Dunouau

Chantal Charron, sage-femme tout-terrain

#VisMaVille Chantal Charron est sage-femme libérale à Tours. Un métier passion qu’elle aime pratiquer à domicile, au plus près des histoires personnelles.

Le mot « passionnant » revient comme un leitmotiv lorsqu’elle décrit son activité de sage-femme libérale. Cela fait plus de 30 ans que Chantal Charron exerce dont 14 à Tours et la flamme ne s’est pas éteinte.

Ce n’est pas un hasard d’ailleurs si petite elle voulait devenir archéologue pour finalement se tourner vers « les origines de l’homme avec un petit h ». C’est au lycée, à Tours, qu’elle découvre sur une pancarte « ce métier mystérieux » et rencontre une sage-femme qui lui transmet sa passion.

Pour Chantal Charron, son métier est très « riche, il combine l’aspect médical, physiologique et éducatif. Une sage-femme, explique-t-elle, c’est la gardienne de la physiologie tout au long de la vie. Elle suit celle de la jeune fille, pour sa première contraception, celle de la femme lors de ses grossesses, et même celle de la grand-mère pour la rééducation de son périnée ».

Consultations gynécologiques, suivi médical de grossesse, échographies, rééducation périnéale, IVG médicamenteuse, acupuncture (et même shiatsu pour Chantal Charron !),… l’activité s’est diversifiée et intensifiée ces dernières années avec une montée en compétences. Une sagefemme poursuit désormais des études de médecine, de niveau bac + 5.

En libéral, la sage-femme reçoit à son cabinet pour des consultations d’une demi- heure minimum, mais se rend aussi à domicile pour le suivi de sa patiente, dès 48 heures après l’accouchement afin de surveiller le bien-être du bébé et de sa maman. C’est la partie que préfère Chantal Charron. « Voir comment les gens vivent, rentrer dans leur intimité, c’est touchant et cela permet de mieux appréhender des situations complexes. »

Des familles démunies, sans aucun matériel à domicile, ni compresses ni sérum, pour soigner le bébé et la maman, elle en voit à Tours. Des familles aux situations difficiles mais aussi des gens « extrêmement accueillants, notamment des familles africaines qui m’invitent à manger chez elles ». Chantal Charron, qui a le goût des voyages, affectionne ces échanges humains.

« Des histoires de vies, j’en ai connues », sourit-elle dans son bureau tapissé des faire-part des bébés qu’elle a accompagnés dans la naissance. Elle ne compte plus leur nombre depuis longtemps, mais se souvient de moments intenses, comme lorsqu’elle travaillait en Nouvelle-Calédonie où les femmes accouchaient sur la table du dispensaire au milieu des poules. Elle caresse désormais le rêve de travailler dans une maison de naissances. Pour boucler sa découverte totale du métier après la crèche, l’hôpital, la clinique, le dispensaire et le libéral.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Dans le quotidien de David Herbron, propriétaire de l’hôtel du Cygne

#VisMaVille David Herbron est le propriétaire gérant de l’hôtel du Cygne, à Tours. Cet hôtelier de métier s’y épanouit en alliant ses deux passions : la décoration et le contact client.

Des cheminées en marbre, un bel escalier d’époque en bois, des lampes et des vases de collection, des tableaux, des miroirs chinés, un vieux tourne-disque… l’hôtel du Cygne, niché dans le quartier Colbert à Tours, s’apparente à un vrai cabinet de curiosités, mêlant le moderne et l’ancien, le chic et le bohème.

Ses deux gérants, David Herbron et Cyril Alzy ont voulu un « lieu atypique, qui nous ressemble et dans lequel la clientèle se sente bien, décoré et coloré comme elle n’aurait pas osé le faire chez elle. On ose pour elle ! ».

David Herbron a le goût certain de la décoration comme il a celui du contact avec le client. Ce sont d’ailleurs les deux facettes du métier qui l’ont poussé à reprendre l’hôtel du Cygne en 2019.

Après une rénovation totale – un patio a même été créé en lieu et place d’un garage, l’ouverture s’est faite au gré des confinements. « Nous n’avons pas encore fait une année complète mais la clientèle est au rendez-vous, plutôt jeune et française pour le moment. »

Exerçant auparavant à Paris puis à Orléans, ce natif du Mans a jeté son dévolu sur Tours avec son compagnon et associé, comme une évidence pour celui qui aime travailler avec la clientèle étrangère, notamment américaine, friande des châteaux de la Loire. « J’étais prêt à lâcher le métier, et puis j’ai fait un bilan de compétences et tout me réorientait vers l’hôtellerie. Pour moi, c’est le plus beau métier en termes de contact car les gens se posent à l’hôtel et un échange se crée. »

Les 18 chambres réparties sur trois étages occupent bien les journées de David et Cyril, ainsi que des deux femmes de chambre. « Une toute petite équipe parce que je fais plus de l’hôtellerie pour le contact avec les clients que pour gérer du personnel », explique David Herbron.

De la mise en place des petits-déjeuners, à 7 heures du matin, à la fermeture de l’hôtel à 21 heures, « ce sont beaucoup d’heures. Les rôles sont répartis avec mon ami. Je m’occupe plutôt des réservations, de l’accueil des clients et de la partie réputation de l’hôtel. La visibilité d’un hôtel est une donnée déterminante de nos jours, entre les avis et les influenceurs qui passent nous voir. » Si l’hôtel du Cygne se fait discret dans sa rue du même nom, à deux pas de la gare et des restaurants du quartier Colbert qu’affectionne David Herbron, son établissement trois étoiles, au style chatoyant et à l’ambiance chaleureuse, ne semble laisser personne indifférent.

Photos et textes : Aurélie Dunouau


ALLER + LOIN

Le boom des ouvertures

Quatre nouveaux hôtels ont ouvert leurs portes en 2021 à Tours. Le plus visible avec ses deux tours qui bordent l’entrée de la rue Nationale côté Loire, les hôtels du groupe Hilton, le Hilton Garden Inn et le Hampton, respectivement quatre et trois étoiles. Un autre trois étoiles a vu le jour, rue du Maréchal Foch, à deux pas de la place Plumereau : le Ferdinand Hôtel, qui a pris la place de l’ancien hôtel Foch entièrement rénové et modernisé. Enfin, dernier né fin 2021, face aux halles, après d’importants travaux dans les locaux de l’Entraide Ouvrière, l’hôtel de luxe Les Trésorières vient d’obtenir ses cinq étoiles.

Justine Dubourg, cheffe d’entreprise engagée et présidente de Touraine Women

#VisMaVille Justine Dubourg est consultante en stratégie d’entreprise. Avec son incubateur d’entreprises José.e, elle aide les projets positifs et les femmes à émerger dans l’économie tourangelle.

La jeune cheffe d’entreprise reçoit dans un lieu à son image : moderne et chaleureux. Dans les salles de réunion de l’Étape 84, l’auberge de jeunesse new style de l’avenue Grammont de Tours ou bien au café Concer’thé près de la gare, elle aime donner rendez-vous à ses clients.

Ce jour-là, c’est le premier contact avec Matthieu qui souhaite se lancer dans un projet d’écotourisme. Ensemble, ils débroussaillent le projet, Justine lui prodigue ses conseils, ses pistes, les financements à aller chercher, les acteurs du territoire à rencontrer.

Comment définit-elle son métier ? « Je suis consultante en stratégie d’entreprise. J’accompagne les porteurs de projets de création d’entreprise, les aide sur le côté entreprenariat et communication. Je donne aux clients une méthode, une structure et surtout de la confiance. »

Créée cette année, sa petite entreprise nommée José.e se distingue par sa sélectivité. Tous ses clients qu’elle appelle « entrepreneur.e.s colibris » font leur part dans la société en ayant une résonance positive et écoresponsable sur le territoire. « Si je fais ce métier, c’est avant tout parce que je crois qu’on peut changer le monde par l’entreprise. Si les gens viennent me présenter des projets uniquement pour faire du cash, c’est non. »

Elle accompagne ainsi pas mal de reconversions professionnelles, des projets d’entreprises qui ont du sens telle une création d’épicerie en vrac ou de cosmétiques 100 % locales. Justine Dubourg n’a pas toujours baigné dans le monde de l’entreprise, ses parents étaient dans l’Éducation nationale. Mais elle s’y sent comme un poisson dans l’eau pour peu que l’humain y prime.

Son côté créatif et innovant, elle a commencé à le développer, à la fin de ses études supérieures, avec Régine Charvet-Pello chez RCP Design, une femme qu’elle admire. « Un modèle, j’ai beaucoup appris avec elle. »

Très vite, à 26 ans, elle monte sa première entreprise dans le consulting, formant 600 personnes à savoir parler vite et bien de leur entreprise. Elle prend conscience que des hommes en cravate sont plutôt attendus à ce poste. À 32 ans, Justine Dubourg s’est trouvé une voie, peut-être l’engagement d’une vie : présidente de Touraine Women(*), elle milite pour l’égalité entre les femmes et les hommes au travail. À côté de son activité de consulting, elle est en train de développer toute une expertise sur l’égalité au travail, qu’elle nourrit ardemment de lectures, podcasts, recherches. Déterminée, engagée, la jeune femme ne lâchera pas son combat féministe dans l’entreprise et rêve de « changer le monde ».

Texte et photos : Aurélie Dunouau


(*) Créée en 2020, l’association Touraine women vise à favoriser la visibilité des femmes dans l’économie tourangelle et sensibiliser à l’entrepreneuriat au féminin. Elle part du constat que les femmes ne sont pas suffisamment mises en valeur sur la scène économique tourangelle => www.helloasso.com/ associations/ touraine-women

Aurélie Blanchard, le « couteau suisse » du Musée du compagnonnage

#VisMaVille Aurélie Blanchard est médiatrice pédagogique au Musée du compagnonnage. Polyvalente, elle s’occupe entre autres de dévoiler les trésors du musée aux yeux des enfants.

 

Comme soutenu par l’église Saint-Julien, le Musée du compagnonnage et sa magnifique charpente en forme de coque de navire inversée nous invite chaque fois à un fabuleux voyage à travers les créations des compagnons de France. Depuis 1968, il abrite près de 4 000 de leurs œuvres. Chaque jour, Aurélie Blanchard les observe, les interroge, pour en dévoiler leurs secrets aux enfants.

Depuis près de quinze ans, la médiatrice pédagogique propose aux tout-petits comme aux adolescents des animations et visites sur-mesure. « J’ai été embauchée en tant qu’agent d’accueil mais j’ai très vite évolué. Ici, chacun va vers ce qui l’attire. »

Et pour Aurélie Blanchard, qui a étudié les services aux personnes puis obtenu un BTS gestion d’animation de projets, ce n’est pas un hasard si elle souhaitait d’abord travailler dans des crèches et s’est finalement retrouvée, quelques années plus tard, à proposer au musée les premières visites pour les tout-petits. Ce sont ses chouchous avec les ados de 14 à 16 ans en recherche d’orientation, très curieux.

« Je m’adapte au public. Pour les 7-10 ans, nous proposons des thématiques, sur les voyages, les blasons, pour qu’ils comprennent ce qu’est le compagnonnage, les métiers manuels, les différentes matières premières utilisées…. Pour les 2 ans, ce sera différent, avec des chansons autour des animaux présents au musée, comme le cerf en pièce forgé et le petit escargot. »

Et Aurélie chante avec eux de bon cœur. À partir de 10 ans, un jeu de Cluedo est proposé aux familles, où chaque participant joue un personnage à travers les pièces du musée, les outils se transformant en armes du jeu. « Nous le reproduirons en 2022, C’est une animation qui plaît beaucoup », confirme Aurélie Blanchard.

Pendant les vacances de Noël, il s’agira de chercher l’intrus dans les vitrines, une quinzaine s’y sont glissés. Le renouvellement et la créativité rythment la vie du musée. Aurélie Blanchard cherche sans cesse de nouvelles idées pour concevoir ses expositions, avec ses collègues. Ils sont huit agents comme elle à animer le musée.

Car au Musée du compagnonnage, les petits effectifs obligent à la polyvalence. « Je m’occupe de l’accueil, de la surveillance des salles, des animations pour tous les publics. Ici, on m’appelle le couteau suisse du musée », rigole cette Bourguignonne d’origine qui ne se lasse pas d’admirer sur son œuvre favorite : les hospices de Beaune, réalisés en pâtes à nouilles.

Textes et photos : Aurélie Dunouau

Cindy Vesin, la cordonnière qui redonne une seconde vie au cuir

#VisMaVille À 32 ans, Cindy Vesin est cordonnière à Tours. Son commerce « L’Atelier de la cordonnière » cartonne. Ce qui l’anime : redonner une seconde vie au cuir.

Des chaussures sont posées un peu partout dans l’Atelier de la cordonnière, rue Courteline, à Tours. Depuis son ouverture en mars 2018, les clients affluent pour confier leurs savates à Cindy Vesin et sa petite équipe.

Trois jeunes gens passionnés avec chacun leur spécialité : à Cindy les gros travaux de cordonnerie, à Pierre la maroquinerie et à Muriel la mise en beauté du cuir. De la pose de patins au remplacement des semelles ou plus rarement à la coupe d’une botte en bottine, peu importe l’ampleur de la tâche, Cindy Vesin aime par-dessus tout « voir les gens contents du résultat ».

Cette ancienne commerciale avait besoin de faire quelque chose de ses mains, elle se sentait « bridée dans ses idées ». Voir son père tailleur de pierres lui fait comprendre que sa voie est dans l’artisanat. Un CAP cordonnerie du Campus des métiers de Joué-lès-Tours en poche, la voilà apprentie à Tours en haut de la Tranchée, puis elle travaille à Bordeaux, avant de monter sa propre boutique.

Ce sera un retour aux sources, à Tours dans le quartier de la Victoire, qui n’avait pas de cordonnerie. « Je suis très contente de ce choix, car c’est un quartier qui se redynamise, avec un esprit écologique, axé sur la durabilité des produits. »

Dans le métier de cordonnier, redonner une seconde vie aux chaussures est une évidence. Et ce concept sied à Cindy Vesin. « Je suis une fille de la campagne, on rafistolait tout ce qu’on avait. On achète si vraiment on a besoin, pas autrement. J’ai toujours trouvé bête de jeter des chaussures parce que le talon était usé. Les gens s’imaginent que ça coûte cher mais remplacer un patin, ça coûte 16 euros maximum. »

Dans ce même souci écologique et économique, l’atelier utilise au maximum pour ses cuirs des fi ns de série de marques de maroquinerie ou des cuirs non vendus avec défauts. Cindy Vesin donne aussi des conseils via des tutos sur Facebook et Instagram qu’elle a mis en ligne durant le confinement : apprendre à entretenir et cirer ses chaussures, nettoyer des tennis…

La jeune cordonnière avoue que ce temps passé à la communication, prendre en photos les réparations au fi l des étapes, s’ajoutant à la comptabilité et aux commandes, ne lui laisse que le dimanche comme temps libre. « Heureusement que j’habite à Château-la-Vallière sinon je ne couperais pas. »

Métier passion, il ne faut pas compter ses heures, « cela demande beaucoup de travail à la main ». Pierre acquiesce, lui qui est en train de redonner une seconde jeunesse à un vieux sac en cuir, retrouvé dans un grenier. Une commande passée par un client âgé pour sa femme, qui compte lui faire une surprise. Une attention qui touche les jeunes cordonniers et ajoute encore du sens à leur métier.

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Dans le quotidien de Maxime Desmay, apprenti et futur chef pâtissier

#VisMaVille À 20 ans, Maxime Desmay poursuit des études de pâtissier. Nous l’avons rencontré en apprentissage chez Nicolas Léger à Tours, la main à la pâte.

Concentré, Maxime Desmay s’empare de la poche à douille et se met à verser des crémeux mangue-passion dans le moule. Ils sont deux apprentis et un ouvrier cet après-midi-là dans le petit local de fabrication de la pâtisserie chocolaterie de Nicolas Léger, dans le centre-ville de Tours. La température monte avec la chaleur des fours, bientôt ce sont des sablés qui en sortiront.

Entre deux préparations, Maxime supervise un autre apprenti en CAP et lui donne des conseils. Car le jeune homme commence à avoir un peu de métier et surtout pas mal de formation. Il est en deuxième année de BTM (Brevet Technique des Métiers) pâtissier-confiseur-glacier-traiteur qui prépare notamment à monter sa propre affaire.

Dans le cahier des charges, « le jour de l’examen, il faut savoir gérer un apprenti et confectionner durant 8 heures entremets, salés, viennoiseries, chocolaterie, pièce montée et notre spécialité », détaille Maxime. Une formation polyvalente où il faut savoir tout faire, des classiques aux gâteaux plus complexes. Dans sa promo du Campus des Métiers et de l’artisanat de Joué-Lès-Tours, ils sont 16 élèves inscrits dans sa spécialité de BTM.

C’est le chocolat qui a amené Maxime à vouloir exercer ce métier, et ce dès le plus jeune âge. « Depuis tout petit, je voulais être chocolatier. Mes parents m’ont poussé à faire ce métier en voyant ma passion. Mon père est mécanicien, mais il fait son propre pain, ses brioches, alors j’ai expérimenté avec lui. »

Après la troisième et un stage dans la boulangerie de son village à côté de Loches, Maxime enchaîne les formations : CAP pâtisserie, CAP boulangerie, mention complémentaire chocolaterie, le tout au Campus des Métiers.

À présent en BTM pâtisserie, équivalent à un niveau bac, il revendique son désir d’éclectisme et de maîtrise des différents mets. Nicolas Léger, son maître d’apprentissage, voit en Maxime « un jeune qui sort du lot, qui aime son métier, comprend et qui en veut. » Il est vrai que Maxime est passionné. S’il travaille habituellement le matin dans son entreprise de 6 h à 13 h et dès 4 h 30 les week-ends, « les après-midi et les week-ends, je m’entraîne ».

Il faut de la motivation pour ce métier, quand les jeunes de son âge se retrouvent pour fêter la fin de semaine, Maxime dort… ou se lève. « J’ai quand même mes week-ends après les cours, ça va », tempère le jeune pâtissier. Qui retient l’alliance de la rigueur et de l’esthétisme dans son métier.

« Ce que j’aime, c’est la minutie, le sens de l’esthétique, inventer de nouveaux mélanges de textures et de saveurs, c’est là qu’on se fait plaisir. » Et chez Nicolas Léger, les apprentis peuvent tester, laisser libre cours à leur créativité… sous l’œil encadrant du chef !

Textes et photos : Aurélie Dunouau

Dans le quotidien de Corinne Hamidat, la « vigie » du Sanitas

#VisMaVille Corinne Hamidat est surveillante d’un pâté d’immeubles, dans le quartier du Sanitas, à Tours. Du ménage au relationnel, un métier polyvalent et prenant.

Sous le soleil automnal qui pointe son nez après l’averse, elle retrousse ses manches, enfile ses gants et ramasse aussitôt les débris de meubles qui jonchent le sol au pied d’une barre d’immeubles du Sanitas. Direction « le monstre », le local qui sert de stockage pour les encombrants.

Corinne Hamidat ne compte plus les déchets déversés chaque soir, des « incivilités » qui occupent les surveillants d’immeubles et agents d’entretien de Tours Habitat – le gestionnaire des logements sociaux, une bonne partie de leur matinée.

En tant que surveillante principale d’immeubles, chaque jour de la semaine, depuis sept ans, Corinne Hamidat fait sa ronde du secteur qui s’étale du boulevard Général de Gaulle à l’allée de Moncontour, derrière la gare, bordé par la Rotonde et l’avenue Grammont. À l’embauche, à 7 h 30, après avoir fait le ménage des deux entrées dont elle est chargée, elle s’assure qu’ « il n’y a pas de danger pour les locataires, pas de bris de glace par terre, je vérifie aussi que les ascenseurs ne sont pas en panne, que les portes de hall se ferment bien ».

En chemin, elle interpelle les autres surveillants ainsi que les agents d’entretien et de maintenance qui officient dans le secteur. Corinne a un rôle pivot, chargée de recueillir les informations et de les retransmettre à Tours Habitat. « Il faut aimer le relationnel pour ce métier », pointe la gardienne. En contact avec les autres professionnels mais aussi les locataires, elle assure les états des lieux d’entrée et de sortie.

Le téléphone vissé sur son oreille, elle est régulièrement appelée pour « des changements d’ampoule, des fuites d’eau, une clé perdue ». La surveillante d’immeubles apprécie ces moments d’échange même si « parfois il faut prendre sur soi quand les gens sont agacés, j’attends qu’ils se calment et on parle après ».

Du haut de sa stature imposante, Corinne adoucit les moeurs. Ayant habité auparavant dix ans le quartier, elle connaît bien ses habitants, surtout les personnes âgées, notamment du boulevard de Gaulle, qui ne quitteraient leur logement pour rien au monde. « J’aide les petites mamies à porter leurs affaires quand je les croise à la sortie des courses. »

Pour le reste, il y a du roulement et pas toujours le temps de faire connaissance. Si Corinne Hamidat possède un bureau de gardienne au 12 allée de Luynes, spacieux mais dépouillé, elle n’y passe pas la majeure partie de son temps. « Je ne tiens pas en place, j’aime être sur le terrain et puis il faut que je marche depuis mon infarctus. »

Ses trois grands enfants lui font d’ailleurs la leçon et lui demandent de se ménager, elle qui a du mal à fermer l’oeil lorsqu’elle est d’astreinte les soirs et week-end, de « peur de ne pas entendre le téléphone sonner et ne pas répondre aux locataires. Le bien-être des locataires, c’est mon souci permanent. »

Texte et photos : Aurélie Dunouau

Une vie de passion au service du thé

#VisMaVille Éric Chable, commerçant aux mille vies, officie depuis deux ans à la boutique Au fil du Thé de Tours. Il y partage son goût des thés d’exception.

Ce froid matin de janvier, une cliente s’avance en commandant son thé favori : « Un rêve de Martinique, s’il vous plaît ! ». « Un petit sachet ou un grand ? », questionne le vendeur. La réponse fuse : « Un grand, car ça part trop vite ! » Aussitôt la boîte de thé ouverte, des effluves d’ananas embaument la boutique.

Entrer chez Au fil du Thé, rue du Commerce, vous procure d’emblée une sensation de bien-être. Senteurs des thés, couleurs chatoyantes, belle collection de vaisselle du monde entier, cet endroit douillet vous enivre comme dans un cocon. Pas étonnant que son gérant, Éric Chable, dit « y passer tout son temps. Même les jours fériés, je suis parfois le seul ouvert dans la rue. Je suis bien ici ».

Depuis bientôt deux ans, il s’est immergé avec délectation dans l’univers du thé, bien que ce ne soit pas sa formation. Commerçant, pâtissier, gérant de la brasserie Le Valmy avec son frère juste avant, il a eu, à 60 ans, un « un coup de cœur pour cette boutique ».

Le thé ? Qu’il s’en souvienne, il en a presque toujours bu, depuis que son médecin a décelé une intolérance au lactose, et même cuisiné lorsqu’il confectionnait des gâteaux. Alors, presque comme une évidence, il fait désormais corps avec le thé, amateur des crus d’exception et particulièrement des thés Oolong, « les meilleurs thés au monde pour moi, très subtils ».

Cependant, Éric n’impose pas ses goûts aux clients mais cherche au mieux à les conseiller, trouver le thé qui leur fera plaisir. « Il faut beaucoup de patience et d’écoute pour faire ce métier pour arriver à cerner les goûts. » Sa boutique compte environ 350 références de thés. Les best sellers ? Les thés fruités, parfumés, qui changent selon les saisons. Bientôt le thé de printemps fleurira avec ses douces senteurs de fleurs.

L’été, les arômes de pêche et d’amande dominent. Éric Chable propose une petite sélection industrielle avec Damman mais travaille surtout avec des producteurs et assembleurs artisanaux. Ce qui fait la différence dans la qualité et le choix des thés « difficiles à trouver ailleurs ». Il a une intermédiaire qui va elle-même recueillir des thés nature chez des petits producteurs du Népal et de Thaïlande. Il est en direct avec un Français installé en Thaïlande qui produit un thé de 20 ans d’âge !

Les familles japonaises Atanabe et Morimoto figurent dans les photos de la boutique. Le reste, ce sont des assembleurs travaillant en France qui associent le thé avec des fruits et des fleurs. Éric, qui a beaucoup voyagé par le passé, en Amérique et en Europe, rêve désormais de partir à la rencontre de ses petits producteurs au Vietnam et au Japon. En attendant de pouvoir à nouveau prendre l’avion, il voyage au cœur de sa boutique en savourant ses thés.

Textes et photos : Aurélie Dunouau

Dans le quotidien de Rachid Belaalim, propriétaire de la boulangerie Rabel

#VisMaVille Rachid Belaalim est le propriétaire de la boulangerie Rabel depuis février 2019 à Tours-Nord. Un lieu où se mélangent avec succès les pâtisseries et les clients les plus divers.

Sur l’esplanade François-Mitterrand, face à la médiathèque, l’odeur des croissants chauds nous happe dès la sortie du tramway, arrêt Beffroi. À l’intérieur de la boulangerie Rabel, Rachid Belaalim, son propriétaire, la main à la pâte depuis 6 h 30, en est à son deuxième café.

Il échange quelques mots, dans la partie salon de thé, avec un habitué qui prend son petit déjeuner, réchauffé par son chocolat chaud. Wassim, 22 ans, employé à Tours-Nord, se sent bien ici. « J’habite à côté. J’y viens souvent les matins et j’y mange tous les midis pendant ma pause. Il y a un bon accueil. »

Il faut dire que les habitants du quartier semblent apprécier la réouverture de cette boulangerie de proximité depuis plus d’un an et demi. Pour Rachid Belaalim, après Velpeau et le Sanitas qu’il a dû quitter à cause du projet de destruction de la barre d’immeuble près de Saint-Paul, cette nouvelle vie de boulanger à Tours-Nord correspond à ses attentes de commerçant qui aime voir se croiser et mélanger les populations, dans une bonne entente.

« Il existe une vraie mixité dans ce quartier, j’y retrouve celle qui existait auparavant au Sanitas. Ici on prend sa baguette chaude à toute heure mais on peut aussi se poser. À midi, les étudiants et les ouvriers de chantier déjeunent au coin snacking. À la sortie de l’école, les mamans discutent tandis que leurs enfants goûtent. Et toute la journée se croisent des clients de tous horizons, de tout âge et de toute culture. »

 

Une mixité symbolisée dans sa boulangerie par les viennoiseries et gâteaux traditionnels français qui côtoient les fameuses pâtisseries orientales. Rachid nous assure que « les gens traversent Tours pour elles. Je suis connu pour ça et mon chalet au marché de Noël qui propose des pâtisseries orientales depuis des années. »

Arrivé en France du Maroc en 1996, il a fait ses armes de boulanger à Paris avant de s’installer à Tours au début des années 2000. Il vient de déménager à Tours-Nord pour être au plus près de sa boulangerie avec sa femme qui y officie aussi.

À pied, en vélo ou en camionnette, les allers-retours rythment leur vie. Il rit beaucoup et son équipe semble suivre dans cette bonne humeur. Stefania, à la caisse, distribue le chant de son accent italien à ses clients. Cédric, jeune chef boulanger, n’est pas un inconnu : il a fait la première saison de « la meilleure boulangerie de France », sur M6. Sandrine, chef pâtissière, savoure la diversité de ses créations. Et Rachid, bien sûr, court entre les postes : à la caisse ou derrière, au four et dans son laboratoire.

Aurélie Dunouau

Dans le quotidien de Magali Brulard-Pénaud, une CPE au rythme de ses élèves

#VisMaVille Magali Brulard-Pénaud est Conseillère principale d’éducation (CPE) au collège Lamartine de Tours. On l’a suivie une matinée, toujours le regard avisé et bienveillant sur « ses » élèves.

Elle court, elle court, la CPE… « Je vous préviens, c’est un établissement speed, là vous êtes dans le bain. » Il est 9 heures, les collégiens sont en cours depuis une heure déjà, et Magali Brulard-Pénaud, un thermomètre à la main, prend des nouvelles d’un petit malade pris de vomissements, allongé à l’infirmerie d’à côté, tente de trouver une solution pour un autre dont le jean s’est déchiré, une autre qui a la cheville gonflée, puis enjambe les escaliers vérifier les occupations d’une classe à l’étude…

Le bureau de la vie scolaire, c’est un peu le bureau des solutions permanentes. On y répare les bobos, on y règle les petits et grands soucis. Pour cela, Magali est entourée « d’une équipe fantastique », qui jouxte son bureau, la porte toujours ouverte. D’ailleurs, dans son bureau, à part pour passer des coups de téléphone urgents, elle ne s’y arrête guère ce matin-là.

Toujours affairée, baskets brillantes aux pieds et une pêche qui ne la quitte pas. « Le cœur de mon métier, c’est de placer l’élève dans les meilleures conditions possibles, et cela commence dès l’accueil, en lui faisant respecter les règles de vie scolaire, être à l’heure et avec leurs affaires. »

Un seul retard d’élève constaté aujourd’hui, « c’est beaucoup mieux, ça se cale car il y en avait 15 les premiers jours. Avec le confinement, certains élèves ont perdu leurs repères et il faut être à 7 h 45 en rang devant la classe pour débuter les cours, ce peut-être tôt pour des adolescents ». Même chose, pour leurs affaires, tous ne proviennent pas de milieux familiaux aisés et « il faut leur fournir des cahiers et une trousse. »

Le collège Lamartine est en effet un établissement d’une grande mixité sociale, avec 19 nationalités, à la réputation « difficile, mais l’équipe pédagogique est stable et on a une grosse énergie et envie pour que nos élèves se sentent bien. Je me sens totalement épanouie dans ce collège et c’est un choix. Depuis 7 ans. Je ne retournerais pour rien au monde dans un grand lycée », explique Magali.

Il n’y a qu’à la voir courir lors de la récréation : en 10 minutes, Magali a intercepté pas moins d’une vingtaine d’élèves, baissant les capuches, refaisant faire les lacets, réprimandant les garçons gentiment batailleurs et prenant des nouvelles d’une élève qu’elle a repérée en phobie scolaire depuis la rentrée. Toujours avec tact, fermeté et bienveillance. « J’applique la pédagogie de l’humour, car les élèves comprennent vite la discipline. »

Investie à 100 %, la CPE du collège Lamartine, aimerait « que les élèves aient envie de venir au collège et s’y identifient parce qu’à cet âge, ce n’est pas facile de faire la connexion entre les apprentissages et la vie réelle ». Le souci permanent de l’élève, c’est bien le fondement du métier de CPE.

Textes et photos : Aurélie Dunouau

 

Vis ma vie : en tournée avec Xavier Lecomte, facteur tourangeau

#VisMaVie À vélo, il parcourt chaque jour une douzaine de kilomètres dans le centre-ville de Tours et distribue près de de 2 000 boîtes aux lettres. Rencontre avec Xavier Lecomte, facteur à la bonne humeur.

Il est 7 h lorsque Xavier Lecomte franchit les portes du centre de tri postal de la rue Marceau. Peu à peu, avec l’arrivée des 160 postiers distribuant le courrier sur Tours, Saint-Pierre-des-Corps et La Ville-aux- Dames, la ruche de la Poste Marceau, nichée au-dessus de l’accueil public, s’anime.

Tri général du courrier puis, lors du tri par tournée de distribution, chaque facteur se rend sur « son casier », un travail préparatoire total de 2 h 30, selon Xavier. Les plaisanteries fusent « Du coup, tu vas devoir travailler sérieusement aujourd’hui ! ». En retour, Xavier taquine sa collègue d’à côté : « J’en ai 39 aujourd’hui (recommandés). Et toi Laura ?… Tu es là ? »

Le tri des lettres terminé, les recommandés classés et vérifiés sur son smartphone, Xavier enfile sa veste, son casque, prend sa sacoche sous son bras et descend son chariot de courrier au sous-sol, là où se situe le garage. Il y retrouve son vélo électrique, armé de trois sacoches, 46 kilos maximum au total. Il se ravitaillera d’autres kilos de plis au cours de sa tournée, courrier qu’il a classé préalablement dans deux gros sacs et déposés dans des « points relais » par un autre facteur, lui en voiture.

Xavier enfourche son vélo, souriant : rue Richelieu, des Bons enfants… puis il descend toute l’avenue de Grammont pour démarrer au carrefour de Verdun et remonter l’avenue côté pair jusqu’à Jean-Jaurès, en passant par les rues Sanitas et Hallebardier. Une sacrée tournée qu’il connaît comme sa poche depuis 15 ans. « Il faut de la mémoire certes », confie-t–il modeste, enchaînant les 80 boîtes aux lettres d’une tour sans hésiter une seconde.

Il faut dire qu’il connaît aussi son monde. « Là j’ai un recommandé, j’ai vu la voiture en bas, donc je monte direct lui apporter. » Il s’agit d’une dame âgée, ravie d’échanger quelques mots avec son facteur. « C’est ce que je préfère dans mon métier, la relation de client à facteur. J’arrive à connaître des gens assez bien. J’aime beaucoup ce côté relationnel. »

Le contact avec les gens ? Primordial !

Ce qui l’énerve par-dessus tout ? « Entendre que le facteur ne dit pas bonjour. Impensable pour moi ! ». Une image de proximité dont bénéficient les facteurs qui, assure-t-il, « a évolué dans le bon sens depuis le confinement. Le facteur est un personnage qui fait partie du quotidien des gens. J’ai eu des messages de remerciements sur les boîtes aux lettres. »

Outre le contact avec les gens, Xavier apprécie, dans son métier, le fait d’être dehors, de bouger à l’air libre. « Et du coup de n’avoir personne sur le dos ! » plaisante-t-il. La seule contrainte que je vois c’est quand il fait trop chaud l’été ou bien les conditions météo l’hiver plus difficiles. Et il faut aimer se lever tôt le matin. » De 7 h à 14 h 30, la journée du facteur de l’avenue de Grammont est bien remplie.

Textes et photos : Aurélie Dunouau

Catherine Honnet, l’habilleuse de l’Opéra de Tours

#VisMaVille Habilleuse de l’Opéra de Tours, Catherine Honnet ne se contente pas d’aider les artistes à passer leurs costumes de scène. Retouches, raccommodages et bonnes idées forment son quotidien depuis une trentaine d’années !

« Je voulais continuer dans la couture, après dix ans auprès d’une brocanteuse spécialisée en lingerie ancienne. Je ne sais même plus pourquoi j’ai présenté ma candidature à l’Opéra… Peut-être car j’avais des copains dans le milieu du théâtre ? ». De là à dire qu’elle a vu de la lumière, et qu’elle est entrée… Mais Catherine Honnet n’a jamais ambitionné d’être sous les feux des projecteurs.

Elle s’étonne donc qu’on s’intéresse à son savoir-faire, elle qui occupe depuis déjà vingt-neuf ans un atelier au 5e étage de l’Opéra de Tours.

La grimpe vaut le détour ! Après avoir contourné une ribambelle de chaussettes qui sèchent, on découvre le chaleureux repaire de cette couturière hors-pair. Ici, on ne confectionne pas de costumes : on les adapte, on les répare, on les lave, pour que ces vêtements créés dans d’autres maisons d’opéra aillent aux artistes qui reprendront les rôles pour les représentations tourangelles.

Lorsqu’un opéra se prépare, Catherine est donc sur le pont : elle navigue sur internet et parcourt les maquettes des créateurs, pour découvrir le style choisi, et la morphologie des artistes qui prendront le relais à Tours. Mais rien ne vaut les essayages : « Même si deux chanteurs ont des mensurations identiques, il n’y a jamais deux personnes pareilles ! ».

« En vingt-neuf ans, on a toujours trouvé une solution ! »

Durant les trois semaines de répétitions, l’atelier du 5e étage se transforme donc en fourmilière : les rôles principaux mais aussi les choristes viennent y enfiler leurs costumes sous les yeux de l’habilleuse. Aiguille et mètre en main, elle s’assure, avec deux collègues venues en renfort, que la quarantaine de costumes sera prête pour le Jour J.

Heureusement, les tenues sont toujours bien pensées par les costumières, pour faciliter les retouches. Le système D est aussi de la partie, car il faut parfois improviser. « En vingt-neuf ans, on a toujours trouvé une solution ! », s’enorgueillit Catherine. Avec trois exigences : le respect des créations de départ, le confort des artistes, et la qualité de retouches « solides, mais invisibles ».

Pendant les dernières répétitions et les représentations, l’habilleuse et son équipe sont en coulisses. Lasser les corsets, gagner du temps, éviter les oublis… Le mois de labeur se conclut dans une ambiance complice, tandis que dans l’atelier, le Barbier de Séville laisse place à Don Quichotte, pour une nouvelle aventure éphémère.

Textes et photos : Maud Martinez


EN SAVOIR PLUS : QUEL PARCOURS PRO ?

Quel parcours pro ? Si à l’époque où Catherine s’est lancée dans le métier, il n’existait pas vraiment de formation pour être habilleuse de spectacle, c’est désormais le cas ! Pour exercer cette profession, optez donc pour un CAP ou Bac Pro métiers de la mode, un Diplôme des techniciens des métiers du spectacle – techniques de l’habillage, un DMA costumier-réalisateur ou un diplôme « arts et techniques du théâtre » option costumier.

Plongée dans le quotidien d’une maître-nageuse

#VisMaVille Bérengère Gault est maître-nageuse à la piscine du Mortier de Tours-Nord. Surveiller, apprendre à nager, développer des cours aquatiques… petite plongée dans son quotidien.

25 degrés, du soleil, et des maillots de bain… Non, nous ne sommes pas partis en vacances sous les tropiques mais nous avons simplement rendez-vous à la piscine du Mortier en ce tristounet mois de décembre.

Gris, bleu, vert, jaune, les couleurs extérieures automnales se reflètent dans les trois bassins de la piscine, grâce à l’imposante baie vitrée. Comme « l’impression d’être dehors en étant dedans », observe Bérengère Gault. Ici, les maîtres-nageurs sont un peu hors du temps, en short, T-shirt et claquettes.

10 h 30 à la pendule, les cours battent leur plein. Dans le bassin, Bérengère remue sa joyeuse troupe en aquagym tandis que Jérôme tente de rassurer les récalcitrants en aquaphobie. De son côté, David initie aux premiers gestes de nage à ses élèves du jour. Dans son travail, Bérengère Gault, vive blonde aux grands yeux clairs, « aime transmettre le côté dynamique de l’exercice » et apprécie de tenter de « pousser les limites ».

La surveillance ? « Pas le gros de notre temps »

La dimension sportive du métier représente une motivation importante pour elle qui a toujours nagé. Mais pas que. La base, c’est la surveillance, « mais ce n’est pas le gros de notre temps. Les activités prennent de plus en plus de place. On a au moins deux heures par jour rien qu’avec les scolaires. Et les cours du soir, enfants et adultes pour apprendre à nager ou se perfectionner ».

L’amplitude horaire est vaste, de 8 h à 21 h. Le côté relationnel est important dans ce métier. « On a des habitués, tous les jours à la même heure ; ils nous demandent des nouvelles, nous préviennent quand ils partent en vacances. »

Ce que préfère Bérengère ? « La diversité des publics. L’avantage de travailler avec des enfants le matin et l’après-midi avec des adultes. Cela va de 6 mois aux personnes âgées. Et le plaisir d’apprendre à nager. C’est super sympa de voir un enfant qui part de zéro, réussir à avancer au bout de quelques séances sans matériel. »

Peut-être que ça lui rappelle ses débuts à la piscine du Lude, dans la Sarthe, à quelques kilomètres de Château-La-Vallière, où elle a appris à nager à 6 ans, puis s’est affirmée en club avant d’y prendre son premier poste de maître-nageuse, après des études en sport études au lycée Balzac de Tours puis en STAPS, à Poitiers. Aujourd’hui, Bérengère est éducatrice sportive de la fonction publique territoriale et apprécie sa vie en eaux tourangelles, à l’extérieur et dans le bassin, aux côtés de ses six collègues du Mortier.

Textes et photos : Aurélie Dunouau

Architecte des Bâtiments de France : « Veiller sur la ville et le patrimoine de demain »

#VisMaVille L’Architecte des Bâtiments de France Régis Berge est un gardien des monuments et secteurs patrimoniaux, qui regarde vers l’avenir des villes et villages de Touraine. De chantier en réunion, ses journées ne se ressemblent pas.

Ce matin-là, Régis Berge arpente la rue Nationale avec les services de la municipalité. Mission du jour : valider la couleur des futurs réverbères. La question semble anodine, mais pour l’Architecte des Bâtiments de France arrivé à Tours en juin dernier, il en va de tout l’équilibre visuel de cette artère majeure.

Alors, oui, il est l’homme qui viendra vous taper sur les doigts si vous avez choisi une couleur de volets un peu trop olé-olé au centre de Tours, secteur sauvegardé. Mais avec l’équipe de dix personnes de l’Unité Départementale de l’Architecture et du Patrimoine, sa mission ne se niche pas (seulement) dans ces détails : « Notre rôle est de veiller au respect des règles urbaines, qui permettent d’insérer harmonieusement un projet dans la ville. »

Lors de ses rendez-vous avec les municipalités et les maîtres d’oeuvres, publics ou privés, l’Architecte des Bâtiments de France (ABF, pour les intimes) accompagne donc les projets dès l’étude des plans. « J’aime ce dialogue avec les architectes, au stade de l’avant-projet, pour faire en sorte qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes, et contribuer à la constitution du patrimoine de demain. »

Chantier des Portes de Loire, plans de rénovation des Halles, réunion pour le choix des sites « d’architecture contemporaine remarquable » à labelliser, où l’on retrouve les grands ensembles des Rives du Cher ou la chapelle Saint-Martin du quartier Monconseil… Notre ABF n’est décidément pas homme du passé, comme le voudrait le cliché. Quand il s’occupe des monuments d’hier, c’est donc les pieds ancrés dans le présent.

On le suit ainsi dans les travées de la cathédrale Saint-Gatien et au cloître de la Psalette, monuments historiques qu’il connaît comme sa poche, puisque l’Unité doit en assurer l’entretien et la sécurité. Là, il se passionne tout autant pour les reliques médiévales que pour les vitraux contemporains, témoins de leur époque. De retour sur le parvis, Régis Berge s’interroge : que deviendra l’ancienne clinique Saint-Gatien ? « Les cyclotouristes ne savent pas où faire leur pause, il n’y a pas de commerces… On peut tout repenser, imaginer un café, des boutiques… pour favoriser un vrai espace de vie. »
Car derrière le bâti, c’est l’humain qui émerge, au cœur du métier.

Textes et photos : Maud Martinez

Librairie Libr’Enfants : des livres pour bien grandir

#VisMaVille Rachel est libraire depuis 11 ans chez Libr’Enfant, la librairie jeunesse de Tours. Un métier qu’elle prend très à cœur.

Enthousiaste, elle est aussi très sérieuse. « Un enfant, si tu lui racontes des histoires, il n’y aura pas de problème pour le faire grandir . C’est le rôle du libraire jeunesse que d’aider l’enfant à développer son autonomie, sa liberté et son sens des responsabilités ».

Sous les anciennes poutres de cette belle librairie du quartier Colbert, Rachel rayonne. Dynamique, espiègle et surtout très impliquée, elle sait qu’on n’est jamais trop petit pour lire.
Pas étonnant vu son parcours : autrefois dyslexique, elle a toujours exercé des métiers liés à l’enfance. Un cheminement atypique mais très cohérent. Maîtrise de psychologie de l’enfant et master de littérature jeunesse pour la théorie, Maison de la presse et médiation socio-culturelle pour la pratique.

Du temps libre pour lire

Deux fois par semaine, c’est la livraison. Rachel et ses collègues réceptionnent les colis, parfois avec un coup de main d’amis de la librairie. Les yeux pétillants, elle précise : « C’est un peu Noël à chaque fois que j’ouvre les cartons de nouveautés ! »
Toute la semaine, elle accueille et conseille les clients en priorité mais elle passe aussi beaucoup de temps devant l’ordinateur (commandes, comptabilité, préparation des animations et de la communication). Parfois, elle quitte la librairie pour intervenir dans les écoles ou les bibliothèques. Mais ce n’est pas tout ! Une fois la journée terminée, environ 80 % de son temps libre consiste à… lire.

Un métier-passion où les moments de grâce font oublier les plus pesants. Comme ce jour où un petit garçon, client régulier, est venu transmettre le goût de la lecture en demandant un livre pour sa petite sœur qui venait de naître.

Surtout, en cette période de rentrée littéraire, Rachel insiste : « il en existe aussi une vraie pour les adolescents ». Parmi toute la production, si elle ne devait garder qu’un seul titre, elle choisirait « Félines » de Stéphane Servant. Un roman coup de poing sur la quête de soi, la différence et la place des femmes dans la société. Preuve que, contrairement aux idées reçues, en littérature jeunesse, les auteurs sont bien vivants.
Textes et photos : Claire Breton


Librairie Libr’Enfant

48 rue Colbert. Tél. 02 47 66 95 90

www.librenfant.fr

Pompier : « Aucune intervention n’est à prendre à la légère »

#VisMaVille Jérôme Virton, 33 ans, fait partie des 80 sapeurs-pompiers professionnels de la caserne de Tours-centre. Des sauveteurs polyvalents qui s’entraînent tous les jours pour porter secours rapidement et en toutes circonstances.

À peine sorti de son appartement, il enfourche la rampe qui le mène en moins d’une minute trois étages plus bas.
Il est 7 h 30. Au rez-de-chaussée de la caserne, Jérôme Virton, pompier professionnel, commence sa garde par un rassemblement avec les membres de son équipe. « Une grande famille », sourit-il.

Des hommes, quasi exclusivement, portant l’uniforme réglementaire bleu marine et rouge, réunis pour 12 ou 24 heures, c’est selon.
Premier rituel de la journée ? Vérifier minutieusement le matériel avant de débuter, une demi-heure plus tard, l’entraînement physique obligatoire : 1 h 30 le matin, 45 minutes le soir, a minima. De quoi forger des muscles capables de soulever, entre autres, l’appareil respiratoire lourd de 15 kg, indispensable pour intervenir sur les incendies.

Entre ces séances de sport, il y aura aussi, forcément, des exercices de manœuvre (accident de la route, arrêt cardiaque, etc.) pour répéter inlassablement les gestes qui sauvent.
« Sauf intervention », nuance le pompier de 33 ans, volontaire durant 11 ans et professionnel depuis 2010.

30 à 40 fois par jour

Et elles sont nombreuses. Les 80 pros de la caserne de Tours, à l’organisation paramilitaire, sortent 30 à 40 fois par jour, bipés par un petit boîtier individuel qu’ils ne quittent jamais durant leur garde.
« Nous sommes capables de répondre très rapidement, 24 h sur 24, répète le caporal chef d’équipe. Aucune intervention n’est à prendre à la légère. On a toujours une petite appréhension, mais notre formation nous a permis d’acquérir des automatismes. Et puis, nous travaillons toujours en équipe ; il y a beaucoup de cohésion entre nous. »

Contrairement aux idées reçues, les incendies ne concernent que 7 % de leurs sorties, contre 8 % pour les accidents de la voie publique et 78 % pour les « secours à la personne » (malaises, hémorragies, etc.).
Mais les pompiers sont de plus en plus appelés « pour tout et n’importe quoi », regrette Jérôme Virton. Qui, outre la caractéristique de concevoir des formations pour ses pairs, a aussi une spécialité : le trentenaire fait partie « du groupe de reconnaissance et d’intervention en milieu périlleux ».

Traduction : Jérôme Virton est formé pour intervenir et coordonner des interventions en hauteur (grues, montagnes, etc.) ou en profondeur (fossés, ravins, etc.). Comme par exemple pour sauver cette personne âgée tombée au fond d’un puits sec de 20 mètres de fond. Sa devise, qu’il partage avec tous les pompiers professionnels : « Courage et dévouement ».

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Flore Mabilleau

Livreur Uber Eats : « Les gens nous appellent quand c’est galère de sortir »

#VisMaVille Depuis cet été, Nima* travaille pour la plateforme Uber Eats en tant que livreur de repas à domicile. L’objectif pour cet étudiant sportif ? Augmenter ses revenus en pédalant, même si l’été, les commandes se font plutôt rares.

Assis sur une marche, dans une ruelle du Vieux Tours, Nima* attend sa commande aux côtés d’une dizaine d’autres livreurs.
Baskets aux pieds, vélo prêt à démarrer, le jeune homme âgé d’à peine 20 ans, prend son mal en patience, son téléphone portable incrusté dans la main.

C’est ce smartphone qui lui indiquera le restaurant où il devra, ni une ni deux, aller chercher un repas pour ensuite le livrer.

Cet été, cet étudiant des Tanneurs a débuté son travail pour Uber Eats. Boursier, animateur durant les vacances, ce sportif positif a trouvé grâce à ce job le moyen « de se faire un billet à tout moment ».
Contrairement à nombre de ses collègues, pour qui la livraison à domicile est un travail vital, à l’année, parfois 7 jours sur 7, c’est un plus pour Nima. « J’ai créé mon statut d’auto- entrepreneur, je travaille pour Uber Eats quand j’ai le temps », explique-t-il simplement.

« Pour être livreur, il faut un bon vélo ; moi, on m’en a prêté un, tout comme le sac Uber Eats, pour lequel j’aurais dû laisser une caution de 120 €. Je suis en mode dépannage ! » plaisante-til. En un clic, une fois connecté, le jeune homme est géolocalisé et peut dès lors être sollicité à tout moment.

Ou pas. Car les temps d’attente pour ces travailleurs précaires, dont le nombre augmente, sont parfois très longs. « Les gens nous appellent plutôt quand c’est galère de sortir, analyse Nima. Comme par exemple, en hiver, lorsqu’il fait trop froid ou qu’il pleut… ».
Sans compter que l’algorithme qui dispatche les commandes à ces coursiers reste un vrai mystère. « Si je ne me connecte pas durant deux jours, mes commandes baissent » souffle d’ailleurs l’un d’entre eux.

Ses horaires ? « En attendant la rentrée, je travaille de 11 à 14 heures et le soir de 19 h à minuit, détaille-t-il. Si cela marche bien, je peux continuer jusqu’à 2 heures. Si cela ne marche pas, je peux rentrer vers 22 heures ». Chaque course lui rapporte en moyenne 5 €, soit 2,50 € minimum par commande, à quoi s’ajoutent 1,30 € par kilomètre parcouru (aller) et 1 € à la livraison.
« Une soirée, je n’ai eu que des commandes en haut de la Tranchée, se souvient-il. À la fin, j’ai poussé mon vélo. Je n’en pouvais plus. »

Les mauvais jours, les commandes et le nombre d’euros gagnés se comptent sur les doigts d’une main.

*Le prénom a été modifié

Flore Mabilleau

A l’Escat, les étudiants font leur cinéma

Ambiance studieuse au sein de la nouvelle école de cinéma de Tours. Les tout premiers élèves de l’Escat se préparent à partir en tournage. Action !

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« Silence, ça tourne ! », demande Aude, réalisatrice en herbe, derrière un cameraman et un patient improvisé, allongé sur une table. « Fais un plus gros plan. Il ne faut pas qu’on la voie dans le champ », avance-t-elle à son camarade, un poil autoritaire. Aude le sait, sur un plateau, c’est chacun sa place.

À ses côtés, Jérémy, premier assistant. Il note l’avancée des prises et répond aux demandes de sa « réal ». Un autre trépied pour la caméra ? Il l’a. Libérer une salle ? Il s’exécute. Discret, son histoire personnelle aurait pourtant de quoi inspirer ces Luc Besson de demain. « J’étais pâtissier-boulanger mais j’écris depuis longtemps des scénarios. J’ai inventé ma première pièce en CE2, se souvient le jeune homme de 19 ans qui finance seul sa formation à l’Escat. Travailler dans le cinéma c’était un rêve, mais avant, j’ai travaillé un an en Angleterre et j’ai aussi appris beaucoup auprès de grands chefs-pâtissiers à Paris. Revenu à Tours, c’est là que j’ai vu qu’une école de cinéma allait ouvrir. J’étais le premier à appeler la directrice. »

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Comme Jérémy, 53 autres élèves ont été sélectionnés pour faire partie de la première promotion de l’Escat, à Tours-Nord, dans les anciens ateliers des Compagnons du Devoir. Âgés de 17 à 28 ans, ils viennent essentiellement de Tours. Cet après-midi-là, la moitié d’entre eux prépare le tournage de leur troisième court-métrage de l’année. L’autre moitié de la promotion étant déjà partie enregistrer. Tout l’espace a été investi : les deux classes, l’espace cuisine, le « foyer », le plateau… Divisés en quatre groupes, ils ont deux heures pour tourner les plans d’un court-métrage de cinq minutes.
Armé d’une « Sony PX-70 », comme on dit dans le jargon, d’une perche et d’un micro, un groupe s’est enfermé dans une salle de classe. C’est Cassandre la réalisatrice. Derrière ses grandes lunettes rondes, elle surveille attentivement le déroulement de la scène dans l’écran de la caméra. Le livreur sonne (enfin… fait semblant), un homme ouvre, un pistolet dans le dos, il prend le paquet et referme la porte. « Coupez ! C’est l’histoire d’un soldat traumatisé par la guerre qui ne trouve pas le sommeil, résume Cassandre. Nous allons tourner dans un appartement la semaine prochaine et un magasin de surplus militaire nous prêtera des éléments de décor. » NEWS_ESCAT (5)

De l’autre côté du couloir, dans la cuisine, autre histoire, autre ambiance : un prisonnier qui sort de prison veut tuer son père… et coupe des oignons avec un énorme couteau. Effrayant. Tout comme l’aiguille qui tourne alors que le groupe n’a filmé qu’un tiers des plans prévus. Dans 20 minutes, ils devront passer au montage pour avoir une idée du résultat et réajuster, voire totalement modifier leur plan de bataille.
« On les met constamment en difficulté de tournage, révèle un professeur fondu dans la masse des étudiants. On leur donne beaucoup moins de temps pour qu’ils apprennent à faire des choix, on les sort un peu de leur cocon pour qu’ils soient préparés à la réalité. Ils ont deux ans de sécurité avant le crash test à la sortie », explique franchement leur professeur Geoffroy Virgery, réalisateur de 25 ans à Tours. Avec lui, ils ont aussi analysé des films, découvert les éclairages et le tournage spécifique pour donner une ambiance nocturne. La théorie et la pratique se rejoignent toujours ici.

DEUX ANS AVANT LE CRASH-TEST

Dans toute cette agitation, Bryan vaque à ses occupations et vide les poubelles du Foyer. « Chaque élève effectue une semaine de régie dans l’année, comme sur un plateau », explique Sarah Chauvet, directrice adjointe.
« On veut qu’ils respectent la profession de régisseur et qu’ils aient une attitude professionnelle ». Dans cette école, pas de notes et la possibilité d’effectuer des stages à tout moment, en fonction des demandes des boîtes de productions. Quitte à louper quelques semaines de cours. « Je suis parti en stage deux semaines sur le tournage d’un téléfilm pour France 3 à Tours. J’ai appris à “ percher ” sans bouger d’un pouce, vérifier les batteries, transporter le matériel… », décrit Bryan, qui, à 21 ans, détient déjà un CAP projectionniste.

Occupée à monter une captation de concert dans un canapé, Julie revient de six semaines en stage « régie » avec une équipe d’Arte en Touraine. Un bon moyen de découvrir les codes de ce milieu et d’acquérir de précieux contacts professionnels. S’investir, être rigoureux, ne pas avoir peur des responsabilités demeurent ainsi autant de qualités pour devenir cameraman, monteur, scénariste ou réalisateur. Un rêve qui semble devenir réalité pour les élèves de l’Escat.

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Isabelle Heurtaux et Sarah Chauvet

POUR ALLER PLUS LOIN
UNE CENTAINE D’ÉLÈVES EN SEPTEMBRE 2018

Créée par Isabelle Heurtaux et co-dirigé par Sarah Chauvet, l’Escat, première école de cinéma de Tours dont tmv vous avait révélé l’exclusivité en février 2017, s’apprête à recruter une nouvelle promotion. Bilan d’une année pleine de promesses.

Comment se sont passés les premiers mois de l’école ?
Tout se déroule parfaitement ! Je vois des élèves qui s’épanouissent, l’ambiance est familiale… Je cultive ce groupe comme si c’était une vraie équipe de cinéma, je les connais tous et ils savent qu’ils sont un peu les « chouchous ». L’an prochain, ce ne sera peut-être pas aussi facile d’organiser des projections et des soirées à 100. 

Les productions de films vous appellent souvent pour des stagiaires ?
Oui, il y avait un réel besoin. On est en contact avec le réalisateur Philippe de Chauveron (Qu’est-ce-qu’on a fait au bon Dieu) qui doit passer dans la région pour son prochain film.

Qui a donné les premières masterclass ?
La 1re assistante Julie Navarro (Insoupçonnable), le réalisateur Éric Barbier (La Promesse de l’Aube) et le producteur Éric Altmayer (Chocolat). En première année, les élèves touchent à tout et l’année suivante, ils se spécialisent. Quelles sont les propositions de l’Escat ? Comme prévu, il y aura une classe Réalisateur, une autre en Image et une autre de Production dont on n’était pas certain l’an dernier, pour l’aspect administratif, recherche de financement, législation, etc.

Des projets pour la suite ?
Pour le moment, j’étais surtout dans l’organisation interne, mais à l’avenir j’aimerais ouvrir l’école vers l’extérieur. Avoir un rapport avec des festivals de cinéma, pour pouvoir emmener les élèves sur ces événements. En attendant, leurs premiers courts-métrages ont participé au Mobile Film Festival et au festival Désirs…Désir, un groupe a réalisé la bande-annonce du Festival International de Cinéma Asiatique de Tours, d’autres ont fait des captations et on a un projet de web-série en mars.

> Samedi 17 mars, de 11 h à 17 h, journée portes ouvertes de l’Escat, 34 rue de Suède, à Tours. Renseignements au 02 46 65 53 37 ou par mail à escatfrance@gmail.com

Tours métropole : ce que ça va changer

Mi-février, les députés disaient oui à Tours métropole, après un chemin parsemé d’embûches. Un combat politique, puisque Tours veut entrer dans la cour des grands mais qui (attention spoiler) ne changera pas la vie quotidienne des Tourangeaux. Explications.

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DES COMPÉTENCES ÉLARGIES

Il est évident que le passage au statut de métropole donnera de nouvelles compétences à Tour(s)plus. en matière de voirie, d’espaces publics, de gestion de l’eau et des abattoirs ou encore en politique d’urbanisme. L’agglo, avec ce nouveau statut, pourra aussi prendre des participations au capital de sociétés innovantes et rejoindre la gouvernance des gares.
Jusqu’à maintenant, le Département gérait les fonds de solidarité logement, la prévention spécialisée et les aides aux jeunes en difficulté. Désormais, c’est la métropole qui s’en chargera.

CÔTÉ GROS SOUS-SOUS

Ajout de compétences oblige, les effectifs de l’agglo vont doubler. Mais, dans les colonnes de la NR, Philippe Briand assurait que les impôts n’augmenteraient pas. Idem pour les dépenses publiques : il ne devrait pas y en avoir en plus, puisque cette hausse des effectifs se fait via un transfert de personnel des communes vers la métropole. Par ailleurs, chaque année, la métropole est censée recevoir 5 millions d’euros de l’État. Hop, c’est cadeau.

UN RÔLE RENFORCÉ

Politiquement, la métropolisation, c’est champion (hop, on a déjà trouvé votre slogan). Puisque sur le papier, Tours métropole doit peser plus lourd dans la balance. « Le territoire deviendra un interlocuteur privilégie pour l’État », rappelait récemment le président de l’agglo Philippe Briand, dans Tour(s)plus Le Mag. Les discussions avec l’État étant simplifiées, ce sont aussi les financements plus lourds qui seront facilités.
Pour faire simple, la métropolisation représente en fait une organisation plus moderne. Mais concrètement, pour les habitants, le quotidien ne changera en rien.

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QU’EN DISENT LES OPPOSANTS ?

D’aucuns ont critiqué l’absence de concertation des citoyens pour ce passage en métropole. C’est le risque avec le sujet métropole : le débat est effectivement monopolisé par les élus au détriment du débat citoyen. Si beaucoup admettent que la métropole pèse plus lourd, les opposants estiment aussi que l’absorption des compétences des communes à une échelle plus vaste entraîne une perte de pouvoir local. D’où l’inquiétude de certains maires de petites communes qui imaginent le pire : être soumis à la toute-puissance d’une seule entité qui deviendrait un peu l’ogre qui dévore tout.

D’autres, à l’instar du journal satirique grenoblois Le Postillon (Grenoble est passée métropole en 2015), regrettent le fait même de « métropoliser » : « Aujourd’hui, on gère les territoires comme des entreprises : il faut donc croître ou mourir. »

AMOUR POLITIQUE

Élus de tous bords, ont – en très très large majorité – soutenu le dossier de métropole. Suffisamment rare pour être noté. Philippe Briand (Les Républicains) et le député Jean-Patrick Gille (PS) sont les deux artisans ayant le plus œuvré à sa concrétisation. À coup d’annonces sur les réseaux sociaux et déclarations dans la presse, les deux élus n’ont cessé de communiquer sur un projet qu’ils estiment historique et obligatoire.
Bref, ils ont marché main dans la main tout du long. Comme quoi, la métropole aura au moins permis de dépasser les clivages politiques. C’est déjà ça.

[nrm_embed]<blockquote class= »twitter-tweet » data-lang= »fr »><p lang= »fr » dir= »ltr »><a href= »https://twitter.com/hashtag/DirectAN?src=hash »>#DirectAN</a> l’article 41 ouvrant le statut de métropole pour <a href= »https://twitter.com/hashtag/Tours?src=hash »>#Tours</a> adopté en 2eme lecture

Regard neuf sur le handicap visuel

#EPJTMV Le 3 décembre prochain sera célébrée la Journée internationale des personnes handicapées. L’occasion pour tmv de mettre en relief le quotidien de la dizaine d’étudiants tourangeaux atteints de déficience visuelle.

ÉTUDIER

Image5« C’est perturbant de parler avec quelqu’un que tu ne vois pas. » Une dizaine d’années après avoir subi un décollement de la rétine, accentuant sa déficience visuelle de naissance, Théo Lenoble a encore du mal à « encaisser le choc. » « Le plus dur reste de ne pas pouvoir discerner les visages. Je ne me fie qu’au son », explique-t- il. Ce qui ne l’empêche pas pour autant de suivre des études supérieures.

À 26 ans, Théo prépare un Master 1 de promotion et de gestion de la santé. Le jeune homme assiste aux cours, en amphi, avec ses camarades. En complément, une personne de la Mission Handicap de l’Université François-Rabelais l’aide à compléter ses prises de notes. Des logiciels intégrés à son ordinateur lui permettent ensuite d’agrandir le texte à l’écran et d’en effectuer une synthèse orale. « Ça m’a facilité la vie, se réjouit-il. Je suis aussi moins fatigué. » En moyenne, un déficient visuel a besoin de trois à quatre fois plus de temps de travail par rapport à un valide. Mais leurs requêtes ne sont pas toujours prises en compte par les professeurs. Théo pointe des problèmes de réception et de lenteur. « Il faut souvent insister pour obtenir les documents sous format informatique. Je pense que nous ne sommes pas assez nombreux pour changer la donne. »
Un constat que partage Damien Remaux, de la Mission Handicap. « Il faut continuer à sensibiliser toute la communauté universitaire. »

RECHERCHER Image3

L’an passé, l’Union nationale des aveugles et déficients visuels a doté la médiathèque de Tours en matériels onéreux, adaptés pour répondre aux attentes des malvoyants. « Tout est intuitif, ergonomique et facile d’utilisation », précise Emmanuelle Jarry, responsable du site François-Mitterrand, place du Beffroi à Tours- Nord.

Dans un espace calme et ouvert sur les rayons de livres et de disques, on trouve un ordinateur avec un clavier aux gros caractères et un logiciel qui lit le texte affiché. Il y aussi un téléagrandisseur, qui permet de zoomer sur tous types de documents, ou encore des loupes numériques et une machine à lire. « Ça ressemble à un scanner. On peut même importer les sons avec une clé USB », détaille Lyse Dumaine, de la médiathèque. « Un étudiant vient souvent avec ses cours pour les écouter », rapporte Frédéric Bachelier. La dotation complète avoisine les 10 000 euros, mais les équipements ne sont pas encore connus de tous. La bibliothèque sonore de Tours propose également, sur demande, une retranscription d’ouvrages et de manuels scolaires. « Tout cela gratuitement, grâce à nos donneurs de voix bénévoles », souligne Catherine Pellerin, présidente.

SE DIVERTIR

Des jeux de société adaptés existent, comme le Scrabble en braille. « Cela requiert de développer le toucher, mais les pièces d’échecs et de dominos par exemple sont facilement reconnaissables », estime Danièle Rénier, bénévole à l’association Valentin Haüy 37. Un Rubik’s Cube en relief est même disposé dans la vitrine des locaux. Aussi, le cinéma CGR des 2 Lions propose l’audiodescription, sur demande préalable. La médiathèque François-Mitterrand dispose d’un fonds de DVD audiodécrits. Les livres parlés et ceux en gros caractères sont de plus en nombreux dans les bibliothèques tourangelles. Ils peuvent être lus par un appareil nommé Victor, disponible en prêt.
« Il permet de reprendre la lecture où l’auditeur s’est arrêté », indique Danièle. La bibliothèque sonore de Tours donne, elle, un accès à plus de 3 500 romans et revues, ainsi qu’à un résumé hebdomadaire du journal La Nouvelle République. Quant à Théo Lenoble, il n’a pas le temps d’écouter des livres mais il aime, comme tout le monde, la musique.

En revanche, il n’est pas fan des sorties nocturnes. « Il y a beaucoup de bruit en soirée donc je dois me concentrer davantage et faire attention à ne pas bousculer les autres. Je ne me sens pas très à l’aise, accorde-t-il. Je profite plus à la maison, ou chez des amis. »

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Image9SE DÉPLACER

On a pour habitude d’associer les malvoyants et les aveugles à leurs chiens guide. « Même si j’ai fait en sorte d’habiter au pied de la fac, je l’emmène partout », reconnaît Théo Lenoble. Leur présence doit être acceptée dans la majorité des lieux ouverts au public. Dans les transports en commun, Danièle Rénier note que « l’accessibilité s’est améliorée depuis quelques années ».

Des bandes de vigilance au sol et des feux sonores, activables via une télécommande, ont été mis en place, spécifiquement dans le centre-ville. Le nom des arrêts de bus et de tramway peuvent être énoncés. « Mais ça reste au bon vouloir des chauffeurs », regrette Théo. Sinon, il existe également des applications GPS, sur smartphone, qui obéissent aux ordres donnés et indiquent la position, « quand il y a de la batterie… » Les récents aménagements posent aussi quelques problèmes de repères. « Même si les élus sont de plus en plus réceptifs, il est parfois dommage de privilégier l’esthétique. Par exemple, il n’y a pas de différence de couleur entre les voies du tram et celles piétonnes de la rue Nationale », assure Danièle.
« Quand je suis allé à la gare après les travaux, je n’avais plus mes repères. Les trottoirs avaient disparu », déplore Théo.

FAIRE DU SPORT

Tennis de table, danse, tandem, voile, torball, tir, musculation, pétanque, équitation… Le club sportif de l’association Valentin Haüy 37 ne manque pas d’activités adaptées aux malvoyants et non-voyants. Parmi elles, le torball est particulièrement apprécié. Voisin du goalball, discipline paralympique, ce sport collectif consiste à s’échanger, trois contre trois, avec les yeux bandés, un ballon muni de grelots. Le but est de l’envoyer dans les filets adverses, en le faisant rouler sous des ficelles tendues. « Un peu comme du volley-ball, avec des joueurs à la fois attaquants et défenseurs », compare le président, Philippe Frelon.

Un sport fédérateur puisque des étudiants, des travailleurs et des retraités, hommes comme femmes, se retrouvent pour un moment d’échange et de partage, chaque mardi soir. « Ça permet de se changer les idées », confie Guylaine, jeune pratiquante depuis mars 2016. Petit plus : la licence du club, qui ouvre à toutes les disciplines, est offerte aux moins de 20 ans.

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> Une exposition photo de Sylvain Renard, Un autre regard sur le handicap visuel, est à découvrir, jusqu’au samedi 3 décembre, à la médiathèque François-Mitterrand.

TEXTE : SIMON BOLLE ET MARCELLIN ROBINE
PHOTOS : MARTIN ESPOSITO ET MARCELLIN ROBINE

[#EPJTMV / Cet article fait partie du numéro 235 de tmv, entièrement réalisé par les étudiant(e)s de 2e année en journalisme de Tours]

Huissier : profession mal aimée

L’huissier est un rouage méconnu de la justice. À l’heure où le projet de réforme des professions réglementées secoue le métier, nous avons suivi un professionnel dans son travail quotidien

Huissier, profession mal aimée
Le quotidien d’un huissier de justice.

Une vague déferle sur la place du palais de justice de Paris. Plus de 4 000 manifestants scandent « casse sociale », « justice privée ». Drapés de leur robe noire, les huissiers sont dans la rue. Cette scène a eu lieu le 15 septembre dernier. Depuis cette mobilisation, une concertation a été ouverte par l’État entre le ministère de l’Économie, celui de la Justice et les huissiers. Mais cette mobilisation sans précédent a mis en lumière une profession réglementée peu connue du grand public. « Ma première manifestation », confie Maître H, huissier de justice. Accompagné de ses quatre salariés, il a protesté contre le projet de réforme des professions réglementées. « Dommage. Ça n’a fait que quelques secondes au journal télévisé. »

Dans son étude, Maître H a accepté de nous recevoir pour parler de son quotidien. « Bienvenue chez les nantis », lance-t-il ironiquement. À cet accueil souriant, succède une courte visite de l’étude. Papier peint pastel, craquelure au plafond. À l’exception du sol, toutes les surfaces planes sont jonchées de dossiers. Les placards débordent. « Il n’y a pas deux journées identiques. » On tente de décrypter le jargon de la profession. Le téléphone l’interrompt. Au tribunal, l’huissier est présent lors des audiences. « On se charge d’y présenter les témoins ou d’appeler les experts, détaille Maître H. On présente également les scellés. » En qualité d’huissier audiencier, il se rappelle avoir manipulé quelques drôles d’objets : « Du fusil mitrailleur au bermuda ensanglanté ».

Adultère, expulsion et procédures
L’huissier est aussi homme de terrain. Il lui arrive même de procéder à des constats d’adultère ordonné par un magistrat. « Ça demande une grande préparation. Il faut localiser “ la cible ” vers 22 h. Y retourner un autre jour pour vérifier. » Et, à 6 h du matin (les horaires légaux sont les mêmes que pour intervention des forces de l’ordre), intervenir dans l’intimité du conjoint infidèle et de son amant. « Il faut parfois avoir recours à un serrurier, aux gendarmes ou à la police. Cela m’est arrivé il y a quelques années, se souvient Maître H. On toque, on sonne et personne ne répond. Pourtant, un rideau bouge. Le serrurier ouvre, les gendarmes entrent dans l’habitation. Rien. On fouille, on visite les combles. Je me retrouve à quatre pattes dans la laine de verre… » Le lit est défait, l’amant n’est pas loin. Un bruit étouffé s’échappe de la penderie. Toc toc badaboum. « “ Je garde la maison ”, s’exclame l’homme avec aplomb, en s’extirpant d’une armoire à vêtements. On aurait cru Belmondo. »
Bon, cette part du travail reste « anecdotique », modère Maître H. En revanche, le recouvrement représente une part majeure de son activité. « Des créditeurs prennent contact avec moi pour trouver une issue favorable à un contentieux. Là, je les conseille sur la démarche à suivre. Je leur rappelle ce qu’ils ont le droit de faire ou pas. » Une vraie mission de conseil avec des réponses circonstanciées. Parfois, c’est la justice qui somme un débiteur de rembourser une dette. Dans ce cas, plusieurs options sont envisageables : la saisie des comptes, du mobilier ou encore l’enlèvement de véhicule. « On prend toujours contact avec les débiteurs. On les prévient de multiples fois », avant de mettre en route la machine. « On privilégie la saisie bancaire, explique- t-il. La plus efficace. » L’huissier se rend chez le banquier et procède à l’immobilisation des comptes. « À l’exception de 509,30 €, le solde bancaire insaisissable » qui équivaut au RSA. « La saisie des meubles est rare. Et attention à ne pas la confondre avec l’enlèvement. » La saisie consiste à inventorier les biens d’un débiteur. « On ne repart pas tout de suite avec la télé comme dans les séries télévisées. » Cela n’arrive qu’en dernier recours, « parce qu’il n’est pas simple de trouver une valeur de 10 000 €, par exemple, dans du mobilier, de la hi-fi ou de l’électroménager. »

Huissier profession mal aimée
Le quotidien d’un huissier de justice.

Ce qui nuit le plus à l’image de l’huissier reste l’expulsion. « Ce n’est pas si courant », tempère Maître H. Là, l’huissier se situe au milieu d’intérêts antagonistes. « On est là pour apaiser le conflit. Pour une procédure complète, il faut près de quatorze mois. On n’expulse pas les gens comme ça. » Maître H. se voit d’ailleurs plus comme un médiateur. « Je suis là pour freiner les velléités du créancier ou du débiteur. »

Surprises, surprises
Lors d’enlèvement ou d’expulsion, l’huissier s’adjoint à nouveau le concours d’un serrurier et de la force publique. « Avec la peur que l’intéressé commette un acte désespéré… Qu’il se pende ou qu’il nous accueille avec un fusil. » On ne sait jamais ce qu’il y a derrière la porte. Et la surprise peut être à la limite du supportable. « Comme ce jeune blondinet, propre sur lui, qui avait conservé quelque 900 kg d’excréments dans sa chambre. », explique- t-il dans un haut-le-coeur.
De plus en plus, l’huissier procède à des constats. Le voilà donc obligé de se déplacer à la réception de matériel sur un chantier pour vérifier qu’il fonctionne, établir que des marchandises ne sont pas des produits de la contrefaçon. « Je ne dis pas toujours ce que les gens veulent entendre », convient Maître H. Il fait fi des a priori : « Je n’ai pas honte de ce que je fais. Parce que j’essaie de le faire bien. »

Antonin Galleau