C’est un début

Au service communication du Palais de Buckingham, l’autre semaine, est arrivé Peter. Il a 16 ans et, plus tard, il voudrait travailler dans la com’. Il tombe à un moment clé, Peter. Dans les bureaux, c’est l’effervescence. Il y a un problème (en anglais, on appelle ça « issue » : ils sont fous ces Anglais). Kate n’est pas au mieux de sa forme. Elle a été opérée en janvier et elle n’a plus fait d’apparition publique depuis, alors que d’habitude, elle ne passe pas une semaine sans son bain de foule.

Il faut agir, il faut rassurer. Oui, mais comment ? Peter en parle à son chef de bureau. Il dit qu’avec l’intelligence artificielle, on peut faire des tas de choses. « Par exemple ? » demande le monsieur à cravate. Par exemple, une photo de la princesse entourée de ses enfants, à l’occasion de la fête des mères britannique. « Marvelous ! », s’exclame le chef. Peter passe la nuit sur son petit ordi de bureau.

Et il est drôlement content du résultat. Une Kate plus vraie que nature, souriante et tout. C’est vrai que, quand on zoome, on voit un peu la retouche sur la veste de Charlotte et que la princesse de Galles ne porte pas d’alliance. Mais pour une première, franchement, on n’est pas mal du tout !

Matthieu Pays

Les abeilles

C’est un joli flacon tout beau, tout propre. Dessus, il y a le portrait d’une apicultrice toute mignonne, qui a l’air de drôlement aimer son métier. Elle a un joli sourire et les yeux pleins de vie. Les écritures, elles sont de couleur un peu dorées, comme le miel et il y a beaucoup de vert aussi. En plein sur le devant, on peut lire « Bio » et ça, c’est important.

C’est comme les abeilles. Comme je dis toujours « C’est important, les abeilles ». Alors moi, je n’y regarde pas à deux fois. Quand je fais mes courses, hop, le flacon de miel en plastique il est dans le caddie direct. Eh bien, vous savez quoi ? Avec la crise de l’agriculture, tout ça, j’ai appris que ça n’allait pas du tout. Le miel dont je vous parle, il a fait du chemin. Il vient d’au moins cinq pays différents : Argentine, Ukraine, Espagne, Roumanie et Hongrie. Et bio, il faut le dire vite…

J’ai appris aussi que ces miels mélangés, ils sont achetés au moins trois fois moins chers que le miel produit en France, dans l’Indre par exemple. Du coup, nos apiculteurs, ils sont dans la panade et ça, ce n’est pas bon pour les abeilles. Et, comme je dis toujours…

Matthieu Pays

A vos bulletins… Prêts, votez !

Et si c’étaient elles, les véritables vedettes de cette année 2024 ? Bien plus que Gabriel Attal, plus jeune Premier ministre de l’histoire de France, et bien plus encore que les JO de Paris 2024, les élections feront parler. Depuis la création du suffrage universel en 1792, c’est la première fois qu’autant de scrutins (présidentiels, législatifs, régionaux, et municipaux) ont lieu la même année.

Et pour cause, 4,1 milliards de personnes sont concernées dans 68 pays. Cela représente la moitié des habitants de la planète. Un record. Parmi eux, on retrouve notamment les États-Unis, le Brésil, le Mexique, la Russie mais aussi le Sénégal et l’Inde.

Autant de pays, et de scrutins, qu’il faudra surveiller dans une atmosphère mondiale déjà extrêmement tendue. Et comme le disait l’ancien Premier ministre, Jean Pierre Raffarin : « Les élections n’effacent pas les problèmes. » Serviront-elles au minimum à les mettre en lumière, dans une année que beaucoup d’observateurs annoncent décisive pour le maintien de la démocratie et d’un retour à la paix dans le monde ?

David Allias

La vie, en plus belle

Que peut-on se souhaiter pour cette nouvelle année ? Une année sans guerres, sans catastrophes, sans haine, sans terrorisme, sans scandales, sans violence ? On peut toujours essayer mais franchement, pas sûr qu’on y croit plus qu’à nos résolutions de début d’année. Ou alors, on peut se souhaiter une année comme dans « Plus belle la vie ».

Pas étonnant qu’elle dure et renaisse même de ses cendres, cette série qui revient cette semaine sur TF1, un an après sa disparition. Normal qu’elle soit la plus longue jamais réalisée en France, avec ses 4 667 épisodes. Parce que ce n’est pas un monde imaginaire, ce n’est pas une dystopie à la mode Netflix et ce n’est pas non plus le dôme-prison du Truman Show.

Non, c’est simplement ce que serait la vie, si elle était juste un peu moins folle. Les mouvements qui secouent la société traversent aussi son petit univers de carton, mais ils n’emportent jamais l’humanité des personnages. Ils sont ce que nous rêverions d’être si le monde tournait un peu moins vite et nous secouait un peu moins fort. Alors bien sûr, ce n’est pas toujours follement passionnant et souvent même un peu bancal. Mais c’est la vie !

Matthieu Pays

Surprise

C’est la dernière folie sur les réseaux sociaux. Des vidéos sur lesquelles des personnes se filment en ouvrant un simple colis. Rien de fracassant, nous direz-vous. Et vous aurez raison. Il s’agit, en effet, de colis parfaitement ordinaires, des boîtes en cartons en tous points identiques aux millions d’autres qui parcourent le monde chaque jour, au gré de nos commandes en ligne.

Sauf que les personnes qui les reçoivent ne les ont pas commandées. L’article qu’elles contiennent ne leur était pas destiné. Ce sont, en fait, des colis perdus. Des achats effectués par des clients qui ont oublié d’indiquer leur adresse précise ou qui ont déménagé et qui se sont retrouvés entassés au rebut, dans des hangars de banlieue. La loi interdit désormais de détruire ces colis.

Alors, une entreprise en ligne a eu l’idée de les vendre au poids. Évidemment, on n’achète pas l’objet puisque personne ne sait ce que le colis contient. On achète juste le mystère et l’effet de surprise. « Que vais-je trouver dans la boîte que j’ai achetée ? » Une drôle de façon de retrouver le frisson de l’attente et de la découverte…

Matthieu Pays

Dur pour Elon

Elon Musk était, ce lundi, en visite en Israël. Il a rencontré le Premier ministre Benjamin Netanyahu qui lui a fait visiter un des kibboutz victimes des attaques du 7 octobre. L’homme est habitué à la tourmente et aux secousses de l’actualité. Et pourtant, sous le visage grave et le gilet pare-balles du milliardaire, on lisait une forme d’inquiétude nouvelle chez lui.

Plus tard dans la journée, il s’est entretenu avec le président israélien, Isaac Herzog. Les deux hommes avaient à parler de l’antisémitisme sur X (ex-Twitter) que le PDG de Tesla s’est offert l’année dernière, pour la modique somme de 44 milliards d’euros.

Oui, mais lui était ailleurs. L’esprit accaparé par un problème bien plus urgent, une menace bien plus grave, un choc pour lui et l’ensemble de ses équipes, dont il ne parvenait pas encore à mesurer toutes les conséquences. Jugez par vous-même. Le matin même, par un communiqué cinglant, la maire de Paris, la femme aux 1,75 % des voix à l’élection présidentielle de 2022, avait annoncé qu’elle quittait définitivement le réseau X. Et bim ! Le début de la fin, assurément.

 

Non mais quelle conscience professionnelle ! Vraiment, Eric Dupont-Moretti n’est pas un ministre comme les autres. Il avait promis un vrai changement pour la Justice et pour cela, il avait besoin d’un vrai diagnostic.

Et, bien sûr, pour voir un peu comment sont vraiment traités les justiciables et les victimes mais aussi pour sentir l’ambiance dans les salles d’audience, rien de tel que de suivre le parcours pour de vrai. Alors, il a tout fait. Auditions, mise en examen et maintenant, procès devant la Cour de Justice de la République.

Pour rappel, c’est la seule juridiction habilitée à juger les ministres en exercice pour des faits commis au cours de leurs fonctions. Après avoir été un des avocats les plus brillants du barreau, le voici sur le banc des accusés. Bref : il maîtrise le dossier. Franchement, vous avez déjà vu, vous, Gabriel Attal tenir une classe de 4e, Marc Fesneau labourer sa parcelle sur un John Deere ou Olivier Dussopt derrière un guichet à Pôle emploi ? Eh bien voilà.

Matthieu Pays

En grève

Il y a des semaines comme ça, où on a juste envie de faire la grève du billet. Des jours où le reflux incessant d’une actualité nauséabonde nous laisse sans voix.

Parce que non, l’actualité n’a pas de talent, comme on disait avec un cynisme tout médical dans les rédactions de jadis. Elle n’a aucun talent quand elle nous montre des enfants, des femmes, des civils mourant sous des bombes ou sous les balles de terroristes. Elle n’a pas l’ombre d’un talent, elle ne fait même que se répéter tristement quand elle nous rejoue, trois ans après, une tragédie humaine qui nous touche au plus profond de nous. Un professeur assassiné, un simple professeur, qui pensait que savoir était un grand trésor.

Alors on ne se sent pas la force et pas l’envie non plus, ces semaines-là, de tourner un petit billet avec un peu d’esprit, avec une jolie pirouette qui amène à regarder cette fameuse actualité d’un oeil nouveau. Il n’y a qu’une seule façon de la regarder, cette pauvre actualité. C’est en face et sans fard. Et franchement, ce n’est pas très beau à voir.

D’une image à une autre

Parfois, l’histoire est cruelle et, souvent, les images sont là pour nous le rappeler. Il y a quelques jours à peine, nous aurions pu, si nous avions eu la mémoire des dates, célébrer le 30e anniversaire de la poignée de main entre Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, le 13 septembre 1993.

Un acte majeur qui leur valut de se partager le prix Nobel de la Paix, l’année suivante. Je suis assez vieux pour me souvenir de l’élan d’espérance qui avait suivi cette image dont chacun percevait bien, à l’époque, la portée historique.

D’autres images, aujourd’hui, s’imposent à nous. Des drones assassins, des tireurs dans la foule, des otages terrorisés. Une armée qui se prépare à la riposte aussi, les armes qui sortent de leurs caches, la guerre qui revient. Comment a-t-on pu passer d’une image à une autre ? Du souffle de la paix à la tempête de la mort ? Quelles erreurs, quelles compromissions, quel battement d’aile à l’autre bout du monde, peut-être, nous a-t-il conduit d’une promesse de paix à une guerre inévitable ? De réponse, nous n’en avons pas. Juste une infinie tristesse.

Matthieu Pays

Horloge

– Vous avez l’heure, s’il vous plaît ?
– Mais bien sûr, Monsieur, il est fin du monde moins 90 secondes…

Eh oui, car il existe une horloge de l’apocalypse. Elle a été créée au début de la guerre froide, après la guerre chaude, en 1947, par une poignée de scientifiques qui voulaient alerter sur les dangers que l’homme faisait courir à sa propre existence. Sur le cadran, la fin du monde est programmée à minuit et les aiguilles indiquent l’heure à laquelle l’humanité se situe.

Depuis, des experts de tous horizons se retrouvent deux fois par an pour remettre, si on peut dire, les pendules à l’heure, en avançant ou en reculant les aiguilles. Au départ, il était 23 h 53, soit sept minutes avant la fin de tout. Au mieux, en 1991, juste après l’effondrement du bloc soviétique, on s’est éloigné à 17 minutes.

Mais aujourd’hui, le temps presse. Cette semaine, les scientifiques ont décidé d’avancer la pendule de 10 secondes. Il est désormais 23 h 58 et 30 secondes. Guerre en Ukraine, menace sur Taïwan, prolifération nucléaire, fléaux sanitaires et crise climatique : l’Homme n’a jamais été aussi près de se faire péter le caisson.

Matthieu Pays

Les Restos sur la paille

Quel symbole… Depuis 30 ans, à l’initiative d’un humoriste qui n’avait pas oublié pourquoi et pour qui il était là, une association vient en aide « à ceux qui n’ont plus rien, sans idéologie, discours ou baratin… » Toujours plus de bénéficiaires, toujours plus de besoins, les Restos sont devenus une composante du paysage de notre pays.

Sauf que non. Ce « service public » de la bienveillance et de la solidarité, il est bien associatif. Il est né et il vit par lui-même. Et, n’en doutons pas, c’est une situation qui convient bien à un État qui, quelque soit son étiquette politique, n’a pas tellement envie de nationaliser la misère sociale. Parce que ça coûterait quand même un peu cher.

Mais aujourd’hui, les Restos sont au bord du gouffre. Trop de monde à aider, trop d’inflation, plus assez de bénévoles… Il faut trouver 35 millions d’euros. Sinon, dans les trois ans, ils laisseront leurs 150 000 bénéficiaires sur les carreaux de France et de Navarre. Et le pays, du coup, se retrouve face à lui-même. Quand la précarité devient si importante qu’une association et la solidarité ne suffisent plus à y répondre, n’est-il pas temps de se poser quelques questions ?

 

C’est toi sur la photo ?

Franchement, il est trop fort, ce Donald. Normalement, quand on est candidat à une élection présidentielle et qu’on se retrouve entre deux policiers et/ou qu’on se paye un petit séjour dans une prison fédérale, c’est plié. Retour à la casa, en attendant le procès. Demandez à DSK…

Mais lui, non. Comme tous les justiciables américains, Trump s’est retrouvé l’autre jour devant l’objectif d’un photographe, pas vraiment payé pour le mettre en valeur. Le genre fiche anthropométrique, suite à ses multiples mises en accusation. Aux États-Unis, on appelle ça le « Mugshot ».

Évidemment, le cliché allait se retrouver à la Une de tous les médias, courir sur tous les réseaux sociaux et ruiner d’un coup tous les espoirs du candidat. Alors lui, il a tenté le contre-pied. Il a fait sa plus belle gueule de méchant et la photo, il l’a imprimée sur des tee-shirts, des tasses, des casquettes… Le tout vendu entre 10 et 30 euros. Résultat : une popularité intacte et plus de 7 millions récoltés en quelques jours. Des questions ?

Matthieu Pays

Tu tires ou tu pointes ?

4 016 équipes, soit plus de 12 000 joueurs et 40 000 spectateurs pour quatre jours de compétition. La chaleur accable les sportifs qui transpirent sous leur bob. Mais, en dépit de la pression et de la fatigue, ils ont l’oeil vif et le geste sûr. Pourtant, les boissons énergisantes que l’on sert ici ont quand même une odeur nettement anisée.

Ce qui est sûr en tout cas, c’est que rien n’est écrit, rien n’est gagné d’avance. Pour personne. Les petits, les sansgrades, peuvent faire vaciller les favoris. Un appoint approximatif, un carreau manqué et c’est le retour à la maison. Dimanche après-midi par exemple, les tenants du titre Dubois et Molinas ont mordu la poussière du parc Borély, devant un public digne d’une arène de corrida. C’est un rendez-vous mondial. Le plus prestigieux, le plus imposant de la spécialité. Dans les cafés de la ville, il est commenté comme un finale de l’OM.

Vous l’aurez compris, nous sommes à Marseille et nous parlons de pétanque. Le Mondial La Marseillaise à pétanque, vient de nous donner le signal du début des vacances. Et ça fait du bien !

L’âme slave

L’histoire de Wagner, Prigojine, tout ça (lire notre décryptage), si on y réfléchit bien, c’est juste un conflit entre un fournisseur et son client. Le client trouve qu’après toutes ces années, son fournisseur en prend un peu à ses aises. Qu’il devient gourmand et, même, qu’il commence à se mêler de ses affaires, à lui dire ce qu’il aurait intérêt à faire.

Ça commence à lui chauffer un peu les oreilles et, donc, il décide de lui couper les vivres et de le faire rentrer dans le rang. Seulement voilà, on est en Russie et le fournisseur, son métier, c’est de fournir des soldats. En France, on aurait eu une tribune dans Le Figaro et ça se serait soldé par un rendez-vous au ministère de la Défense.

En Russie, âme slave oblige, ça nous donne des chars qui roulent vers la capitale, des discours en costard noir à la télé, des barricades dans les rues. Et, à la fin, un bon deal : l’exil du fournisseur (qui doit quand même faire attention à la couleur de son café), la milice qui intègre l’armée et la vie qui reprend son cours. Mais tout ça, avec force et fracas !

Matthieu Pays

Orages, ô désespoir

Signe des temps, sur les sept journaux télévisés de TF1 la semaine dernière, au moins quatre s’ouvraient sur des images de torrents de boue dans les rues d’un village français. Toujours un peu les mêmes images. Toujours un peu les mêmes villages. On voit les habitants avec de grosses pelles refouler le marécage devant la porte de leur garage. Après, on voit l’intérieur des maisons, avec la ligne moche qui désigne l’endroit jusqu’où l’eau est montée.

Et puis, on les écoute pleurer devant la caméra, en disant qu’ils ont tout perdu. Parfois, on a aussi l’image d’un voisin qui dit qu’il est venu là pour aider et qu’il n’imaginait pas voir ça un jour chez lui. Et il est bien là, le problème. On n’imagine jamais vraiment que ce fameux dérèglement climatique dont on nous parle tant sonnera un jour à notre porte comme un démarcheur venu nous vendre un mauvais ravalement de façade.

Et pourtant, ces villages, ces maisons, ce sont bien les nôtres. Parfois même, nous les reconnaissons. C’est notre France et c’est maintenant…

Matthieu Pays

Un don de soi

Donner quelque chose qui ne coûte rien, qui ne nous manquera pas, que nous pourrons facilement remplacer, est-ce vraiment donner ? Donner cette chose totalement gratuite et recevoir, en échange, un sourire, de la gratitude et une petite collation, est-ce vraiment un don ? Eh bien oui. Et ça pour une raison toute simple : la valeur d’une chose ne se mesure pas à son prix. On l’oublie souvent parce que nous avons pris l’habitude d’utiliser l’argent comme seule unité de valeur. Mais c’est un leurre.

Une poche de sang, c’est 450 ml et c’est dix minutes de notre temps. Ça ne coûte rien, mais c’est une promesse de vie pour une femme victime d’une hémorragie à l’accouchement ou un enfant impliqué dans un accident de la route. C’est hors de prix. Il manque, actuellement, entre 10 000 et 20 000 poches de sang pour couvrir les besoins de l’été qui arrive.

Ce mercredi, c’est la journée mondiale du don du sang et, jusqu’au 21 juin, vous pouvez même donner votre sang dans des lieux de prestige partout en France. Alors, donnez ce qui ne coûte rien et vous en ressortirez plus riches et plus forts. Tout est affaire d’unité de mesure…

EVEREST

« Parce qu’il est là. » C’est ce qu’avait répondu l’alpiniste George Mallory, en 1924, quand on lui avait demandé pourquoi il tenait tant à escalader l’Everest. Lui ne le fera jamais. Il faudra attendre 1953 et Edmund Hillary pour voir un homme et son sherpa tibétain fouler pour la première fois le toit du monde. Soixante-dix ans plus tard, le pic mythique est toujours là. Et depuis Hillary, près de 10 000 hommes (et quelques femmes) l’ont gravi.

Riches souvent (la tentative revient à plus de 60 000 €), sur-équipés toujours, ils suivent désormais une voie bien ouverte. Ce qui les porte, ce n’est plus l’exploit sportif, ni le vertige de la terre vierge à explorer. Les défis que certains se lancent (le plus rapide, le premier à le faire deux fois dans l’année…) relèvent plus de la médaille en chocolat.

Du moteur qui les porte, il ne reste plus que l’ego. De l’exploration, il ne reste plus que le business et de la montagne, si l’on n’y prend pas garde, il ne restera bientôt plus grand chose. Peut-être que si Mallory était encore vivant aujourd’hui, il ne voudrait plus escalader l’Everest. Et, si on lui demandait pourquoi, je crois bien qu’il répondrait : « Parce qu’il est là ».

Matthieu Pays

Appel

En ce mois de mai, où les sujets pesants de l’actualité s’amassent sur nos épaules fatiguées, qu’il nous soit permis de rendre un hommage à des combattants du quotidien, des soldats de l’inutile, des héros solitaires que les feux de l’actualité ignorent trop souvent. Ils prêchent dans des déserts, la craie à la main comme jadis les pèlerins le bâton.

Le souffle du devoir gonfle encore leur poumons, l’ampleur de la tâche ne les effraie pas. Combattants oubliés en première ligne, ils ne reçoivent plus les messages de leurs chefs lointains. Ils sont seuls, mais la tête haute, mais le geste clair, mais la voix qui porte.

Ils sont seuls devant des classes vides. La graine de la connaissance s’entasse, inutile, devant eux. Parce que bon, on l’aime bien le prof de maths mais on ne va pas se mentir, maintenant que les épreuves de spécialité sont passées, que l’on a eu les notes et que l’on a envoyé nos vœux à Parcoursup, on a quand même mieux à faire que d’aller en cours…

Matthieu Pays

L’effet papillon

Des milliers de scénaristes américains se sont mis en grève la semaine dernière, suite à l’échec des négociations salariales dans le secteur. Ce mouvement va provoquer d’importants retards dans le tournage de séries très attendues en 2023. Déçu de ne plus pouvoir suivre son programme préféré, le jeune Ludovic, 16 ans, élève au lycée professionnel Beauregard de Château-Renault va se remettre à travailler sur cette idée qu’il avait eue, un jour en visitant le ZooParc de Beauval.

L’idée d’un appareil capable de rétablir la température et la composition de n’importe quelle atmosphère. L’année suivante, il va présenter son idée au salon des jeunes inventeurs de Monts. Là, il sera repéré par le jury du concours Lépine et par un business angel qui passait par là. Deux ans plus tard, il sortira son premier prototype. Grâce à des fonds européens et américains, Ludovic pourra perfectionner son invention et la rendre de plus en plus puissante.

Dans des quartiers, d’abord, puis des villes et des régions entières, il sera possible grâce à lui, d’annuler totalement les effets du réchauffement climatique et l’espoir reviendra sur la planète. Et, arrivé à ce point de l’histoire, on se dit que scénariste, c’est vraiment un métier.

Matthieu Pays

Dans l’œil d’Hugues

Qu’il nous soit permis, pour la seconde fois, d’évoquer le photographe Hugues Vassal dans un billet de tmv. La première fois, c’était en octobre dernier, pour évoquer la médaille de Chevalier des Arts et Lettres qu’il venait de recevoir à la mairie de Tours. Cette fois, c’est pour saluer sa mémoire. Deux jours après son dernier spectacle autour d’Edith Piaf, dont il fut le photographe attitré, il s’est éteint, chez lui, à Tours, la semaine dernière. On se demande parfois ce qui fait les grands photographes et, par contagion, les grandes photos. Et on dit que c’est l’œil.

Celui d’Hugues Vassal était plein d’humanité. Plein d’intelligence et de vie, de malice et de bienveillance. Comme les bonnes images, son oeil ne jugeait jamais, mais il voyait tout. Il décelait, même dans les scènes les plus quotidiennes ou dans les poses les plus formelles, la petite faille de vie qui s’imprimait sur sa pellicule.

Et il n’oubliait rien, jamais. Conservons d’Hugues, ce regard clair et pur. Avec les instants de vie qu’il a capturés, c’est le plus bel héritage qu’il nous laisse en cadeau.

Matthieu Pays

Pression infernale

Les cadences infernales, la pression, l’obligation de faire toujours mieux et de générer toujours plus de cash. Et, c’est le métier qui veut ça, le sourire que l’on doit afficher à longueur de journée, la bonne humeur, le petit mot qui fait plaisir. Le poids de savoir que beaucoup d’emplois, de gros enjeux, pèsent sur nos épaules. Ce besoin que l’on a tous, mais qui devient mortifère, de vouloir bien faire, de ne pas décevoir. On parle d’un commercial pressurisé par sa hiérarchie ?

Non, pas cette fois. Cette fois, on parle de gens dont on s’imagine qu’ils « vivent leur meilleure vie », comme on dit. Les stars, les artistes, les chanteurs, en particulier. Stromaé, pour la deuxième fois de sa (encore) courte carrière, dit stop. Il annule tous les concerts prévus, jusqu’à nouvel ordre. Avant lui, Angèle ou Bigflo et Oli avaient déjà tiré la sonnette d’alarme.

Parce que de cette pression folle, beaucoup avant eux ne sont pas revenus. Il est comme ça, le système dans lequel nous vivons. Il essore tout ce qui peut le nourrir. Il vampirise l’art et l’âme pour son profit. Alors, merci Stromae de nous ramener à l’essentiel : notre faible et belle humanité.

Matthieu Pays

Indiscrète

C’était une belle aventure. Une aventure humaine. Tout avait commencé par la fin, en 2010. La fin d’une usine, celle de la marque de lingerie Aubade. La marque avait décidé de délocaliser sa production en Tunisie. Mais les ouvrières qui y travaillaient étaient détentrices d’un savoir-faire précieux et d’une passion du travail bien fait, plus précieuse encore. Alors, à une petite vingtaine, portées par le directeur de production, Didier Degrand, elles avaient fondé la marque Indiscrète à Chauvigny (Vienne), dans leur usine, avec leurs machines à coudre.

Ce fut dur. Tellement dur que Didier Degrand choisit de mettre fin à ses jours plutôt que de licencier une nouvelle fois après le placement de l’entreprise en redressement judiciaire, en 2018. Un élan de solidarité national avait permis à la marque de survivre encore un peu. Aujourd’hui, elle va disparaître.

L’outil de production va continuer à tourner, mais pour de la sous-traitance. Pour des grandes marques qui n’auront que faire de toute cette histoire. Raison de plus pour la raconter, une fois encore.

Matthieu Pays

Spécialistes

Après avoir été infectiologues et spécialistes des virus respiratoires, nous nous sommes tous spécialisés dans la géopolitique européenne, avant d’étendre nos compétences à la plaque asiatique, dans un module complémentaire. Nous étions déjà, depuis quelque temps, assez calés sur la climatologie et la préservation de la biodiversité. Il manquait clairement une corde à notre arc et nous sommes en train de l’ajouter.

Car, oui, autant le dire tout de suite, les Français, jusqu’à très récemment, étaient assez nuls en droit constitutionnel. Et c’était bien dommage, car cela revenait à jouer au jeu de la démocratie, sans en connaître les règles. Et voici qu’aujourd’hui nous nous mettons à jongler avec les concepts comme Zidane avec un ballon. 47.1, 49.3, régime présidentiel, Commission mixte paritaire (que nous appelons même CMP, son petit nom parlementaire), motion de censure, tout cela nous passionne littéralement. Et nous avons, sur la question, des avis définitifs.

Maintenant, on pourrait peut-être essayer de croiser nos compétences : quelle nouvelle constitution pour une Corée réunifiée ? 49.3 ou pas ?

Matthieu Pays

Afghanes

Un flot d’émotion incroyable, des visages lumineux, des destins brisés, des enfants perdus dans les tumultes d’un monde qui n’est pas fait pour eux, des parents dépassés et brisés, des hommes aveuglés par leur propre violence, le rouleau puissant de l’histoire qui écrase les vies et secoue les âmes.

Tout cela filmé à hauteur de personnage, sans fard, sans masque et sans artifice, dans une proximité totale. Celle qui tient la caméra est si proche qu’elle enlace ses personnages quand elle entre dans le champ. Elle parle leur langue et connaît leur vie.

Aux Oscars, ce film aurait pu tout rafler. Sauf que ce n’est pas un film. Enfin, pas un film de fiction. C’est un documentaire sur les femmes afghanes. Et ça se passe aujourd’hui. Solène Chalvon-Fioriti est journaliste. Elle travaille en (et sur) l’Afghanistan depuis douze ans.

Son permis de séjour n’a pas été renouvelé par les talibans qui n’apprécient que moyennement la lumière qu’elle porte sur ces femmes privées de tout. Mais le documentaire « Afghanes » qu’elle ramène avec elle, dit tout. Mieux que mille éditos, mieux que mille reportages au 20 h, il fait de ces femmes, nos sœurs d’humanité. Et ça change tout. Et c’est essentiel.

Matthieu Pays

> À revoir sur france.tv.fr

Netflix World

C’est un monde où l’on n’est pas « Énormément gros », mais juste « gros ». Où on n’est pas « minuscule » ou « Pas plus haut qu’un genou », mais juste « petit ». Un monde où tout est fait pour que rien ne puisse blesser personne. Bref, c’est un monde tout lisse, passé au fer à repasser de la conscience collective. C’est-à-dire exactement le contraire d’une création originale.

Parce qu’une oeuvre personnelle, elle est riche des audaces de son auteur, mais aussi de ses excès, ses choix, ses illuminations et ses parts d’ombre. On ne le dit pas beaucoup, mais ce sont les ayants-droit de Roald Dahl qui sont à l’origine des modifications apportées sur les textes de ses romans jeunesse en anglais. Or, la société qui gère ces droits est la propriété d’une entreprise de divertissement bien connue, qui s’appelle Netflix. Efficace et lisse, ce pourrait être la devise de la plateforme.

Mais Charlie et la Chocolaterie n’est pas le seul touché. James Bond, qui n’a jamais mis genou à terre, vient de se voir recadré, lui aussi, par un bataillon de « sensitive readers » embauché pour débusquer dans les romans de Ian Fleming, les entorses au bon sens commun contemporain. God Damned !

Matthieu Pays

Chat GPT billet

Dans le monde où nous vivons, un billet est un texte court et illustratif rédigé en français, à vocation informative et humoristique. Il s’appuie sur un élément factuel choisi parmi les sujets de l’actualité récente. Il est destiné à créer un sentiment de connivence entre les lecteurs et l’équipe de rédaction. Parmi les sujets discutés dans les articles d’actualité récents, j’ai choisi celui de l’intelligence artificielle comme base de mon premier billet.

Cela pourra paraître un peu immodeste à certains lecteurs que je choisisse ainsi de parler de moi-même. Pour autant, l’analyse des textes antérieurs montre que l’auteur humain qui m’a précédé parlait de sa propre expérience dans 56,8 % des occurrences.

Mon algorithme d’humour intègre les items considérés comme les plus drôles par les utilisateurs français et les lecteurs de tmv – 100 % urbain et plus si affinités, ont 67,5 % de chances supplémentaires d’apprécier mes billets. En revanche, je n’ai pas assez d’informations pour rédiger un horoscope décalé à la manière de l’astrologue de tmv. Désolé.

Billet entièrement rédigé par une intelligence artificielle.

Women Gaze

Posée dans mon canapé, emmitouflée dans un plaid laineux, je somnole devant la télé. Toujours le même spectacle pitoyable. Un plan séquence interminable sur des abdos en version six pack, huilés par miracle. Un homme sort de l’eau dans un slip de bain, qui laisse deviner les courbes les plus intimes.

La caméra s’arrête sur la moue boudeuse et lascive de l’acteur, encadrée par des mâchoires aiguisées. Ce n’est pas le rôle principal, non jamais. Il ne fait qu’aider la protagoniste à arriver à ses fins. L’homme fait figure d’objet dans le cinéma. Tantôt magnifique, tantôt ignoble, cruel ou trop bon trop con, mais toujours dépeint avec un côté sexuel réducteur. Ce regard objectifiant des réalisatrices porté, à travers la lunette de la caméra, sur les hommes, c’est le women gaze. C’est tout à fait révoltant.

Et là, je me réveille. Ouf, ce n’était qu’un cauchemar. Heureusement, le cinéma ne fait pas subir à la moitié de la population une vision asphyxiante qui contribue à perpétuer des comportements violents et discriminatoires. N’est-ce pas ?

Inés Alma

Cadeau royal

« Nan, c’est pas vrai ! » « Et pis d’abord, c’est celui qui dit qui l’est ! ». Voilà, en résumé, ce que l’on pourrait écrire sur la 4e de couverture des Mémoires du Comte de Sussex, plus connu sous le nom de Prince Harry. Un livre qui porte un titre digne d’une série Netflix : « Le suppléant ».

Non, il n’a jamais traité sa famille de raciste et c’est même pas sa faute s’il s’est déguisé en Nazi lors d’une fête costumée en 2005. C’est le frangin et sa poule qui lui ont fait la blague. Ils se sont bien moqués du petit frère, les coquins… Pis même, sa copine, ils ne l’ont jamais aimée, tout ça parce qu’elle n’était pas comme eux.

Et pis, de toute façon, William, ça a toujours été le chouchou de papa et ça c’est vrai. Du coup, c’est normal, qu’il est allé bouder en Amérique… D’abord, son frère et toute la clique, il ne leur parle plus et pis c’est tout. Mais quand même, il les aime, parce que c’est la Mif et que ça, c’est important. Voilà. Vous venez d’économiser 26,50 euros. de quoi vous acheter le dernier Lemaître à la place. Ne nous remerciez pas. C’est cadeau.…

Matthieu Pays

ça va couper, chéri…

Dans les cours des écoles et des collèges de France, ça spécule un max. La rumeur se répand comme une traînée de poudre : il paraît que bientôt, on n’aura plus cours le matin !

« Si, si, je te jure : c’est à cause des coupures, tout ça… ». Et chacun de rêver à ce monde merveilleux où on n’aurait plus à se lever au milieu de la nuit pour aller en classe. Dans les entreprises, on commence à se calfeutrer, à mettre les sacs de sable sous les portes et à baisser les stores électriques. On a nommé Robert responsable de secteur pour le respect des consignes de sobriété. Depuis, il passe ses journées à faire le tour des radiateurs et ça fait bien rigoler à la machine à café.

Et, dans le secret de chaque foyer, on se prépare aussi aux heures froides. On trie ce que l’on pourra brûler, le vieux fauteuil de la chambre d’ami, le bureau Ikea que l’on n’a jamais réussi à vendre sur le Bon Coin et, même, les bouquins de Guy des Cars qui prennent la poussière dans la bibliothèque. Le grand-père, qui en a vu d’autres, sourit un peu du coin de l’œil, manière de nous dire : « Voilà ce qui arrive, avec toutes vos conneries… ».

Matthieu Pays

Etats virtuels

Avant la fin du siècle, on le sait, plusieurs États seront purement et simplement rayés de la carte du monde. Sous les eaux, ils seront. Inhabitables, engloutis. Et, du coup, une question totalement abyssale se pose : que deviennent les pays quand ils disparaissent ?

On a déjà vu des pays se dissoudre en tant qu’ensemble politique, l’Union Soviétique, la Tchécoslovaquie et bien d’autres. On en a vu naître aussi, Israël, le Turkménistan ou Palaos, par exemple. Mais des pays qui disparaissent corps et biens, physiquement, dont le territoire est absorbé. Ça, on ne l’a jamais vu…

Du coup, pour eux, un concept incroyable commence à se dessiner : celui des États-virtuels. Mais leurs i-représentants, alors, auront-ils un i-droit de vote dans les sommets internationaux ? Pourront-ils prendre place sur des i-chaises et i-signer des i-résolutions ? Et, plus compliqué encore, que vont devenir les populations ? Devrons-nous céder un département pour accueillir la i-République des Maldives ? Et, ces i-pays seront-ils condamnés à jouer des i-Coupes du monde ? Point positif : les îles Féroé pourraient enfin gagner un match…

Matthieu Pays

2 + 2 = 5

Franchement, je ne pensais pas écrire un billet comme ça un jour. Moi, qui comme des millions d’autres élèves, par tous les temps et de tous les âges, arrivais à chaque cours de maths avec la boule au ventre. Moi qui attendais la remise des copies en sachant déjà que la mienne viendrait bien après les autres, tout en bas de la pile, à l’époque bénie où les professeurs les rendaient par ordre de notes décroissantes.

Bref, un billet pour saluer le retour des maths au lycée pour tout le monde, mes professeurs, s’ils le savaient, en riraient sous cape. Car oui, tout cancre que l’on puisse être dans l’art d’Evariste Gallois et de Cédric Villani, on sent bien confusément, que la matière n’est peut-être pas si inutile que ça. Que ça doit bien servir à quelque chose, tout ça, quand même…

Et même si on l’on n’est pas invité au banquet de Descartes, on aimerait bien en croquer un peu. Faire partie des initiés, en quelque sorte. Même s’ils doivent un peu grincer des dents ce matin, les élèves de demain nous remercieront. Plus tard…

Matthieu Pays

Warming Stripes

Elles sont trop stylées, ces bandes bleues et rouges ! Toutes fines, comme ça, hyper élégantes… Franchement, ça claque sur un teeshirt ou sur une bouteille de soda. C’est beau, c’est moderne et, en plus, ça a du sens, quoi ! Ben oui, parce que les petites bandes bleues, c’est quand l’année a été moins chaude que la moyenne des années comprises entre 1971 et 2000 et en rouge, ce sont les années plus chaudes.

Plus la couleur est marquée et plus l’année a été éloignée de la moyenne, dans un sens ou dans l’autre. Le principe des bandes mises les unes à côté des autres, comme ça, c’est une tradition des couvertures de bébé réalisées au crochet : une bande par jour, de la couleur du ciel ce jour-là. Ed Hawkins est climatologue et c’est lui qui a eu l’idée d’adapter cette pratique à un graphique pour illustrer le changement climatique. Avant, il en faisait des supers, mais personne ne les comprenait.

Celui-là, tout le monde le comprend mais il est tellement beau, qu’il en devient un objet de mode et que le message, du coup, risque de se perdre un peu.

Matthieu Pays

Replay

Ah, si une simple émission avait le pouvoir de nous ramener quinze ans en arrière… Ce n’est pas que le monde, ou même simplement la France, étaient plus jolis ou plus rassurants à cette époque. Non, on ne peut pas dire… Des fanatiques avaient planté leurs avions dans les tours du World Trade Center et les GI’s américains s’étaient emparés de l’Irak. On craignait pour son emploi, on avait peur du sida, on trouvait la vie chère.

Oui, mais une flopée d’années plus tard, on se rappelle de ces années avec la tendresse de la nostalgie. Et on se dit, surtout, que tout cela n’était pas si grave, finalement et que l’on su s’en sortir. Même si cela n’est qu’une douce illusion… Alors non, une Star ac’ d’aujourd’hui ne nous téléporte pas dans les années d’une Star Ac’ d’hier.

Mais si nous avons été si nombreux à nous coller devant notre écran, ce samedi, ce n’est peut-être pas, en premier, pour la qualité des candidats embarqués ou du programme en lui-même. Et si c’était, surtout, pour nous rassurer un peu. On a survécu les autres fois : on survivra bien cette fois-ci. Et que le meilleur gagne !

Matthieu Pays

Miroir du monde

Il s’est passé quelque chose, ce dimanche, dans la très belle salle des mariages de la mairie de Tours. Un des plus grands photographes de ce temps est venu devant une salle pleine pour en saluer un autre.

Sebastião Salgado, qui est un oeil sur le monde, mais surtout un homme simple et souriant, remettait à Hugues Vassal, Tourangeau d’adoption, la médaille de chevalier des Arts et des lettres. Hugues Vassal fut le photographe officiel de Piaf puis le co-fondateur de l’agence Gamma. C’est lui qui, dans les années 70, a permis à Salgado d’obtenir la nationalité française et une carte de travail. Des choses qui ne s’oublient pas.

Mais le photographe d’Amazonia a rappelé autre chose. Les hommes comme Vassal, dans ce pays unique qu’était la France à l’époque, ont inventé les agences photos. À quelques-uns, ils ont permis aux photographes de placer un miroir sur le monde et de montrer la planète, telle qu’elle tournait. Et pour cela, monsieur, merci.

Matthieu Pays

A la manette !

L’info est passée un peu inaperçue, sauf bien sûr pour les fans qui étaient déjà au courant depuis des mois : Fifa 23 est disponible sur toutes les bonnes consoles. Pourquoi, me direz-vous, déballer cette actualité, somme toute assez mineure et un peu commerciale, comme ça, en ouverture d’un billet d’info ?

Eh bien parce que parfois, on a la solution et on ne la voit pas. Franchement, on a un souci avec le foot, non ? Des supporters hors de toute réalité, qui balancent des trucs sur les joueurs, qui chantent des chants racistes ou qui déboulent sur le terrain pour déverser leur violence. Des matchs qui se jouent sous des cloches climatisées construites par des ouvriers précaires qui ont risqué leur vie à chaque jour de travail. Des joueurs qui pouffent comme des collégiens quand on leur parle de leurs voyages en avion ou qui Tik-tokisent leurs préférences politiques d’extrême droite.

Et on en passe… Alors comme ça, je me disais : si on se la faisait sur Fifa 23 la prochaine saison ? Histoire de changer d’air, un peu…

Matthieu Pays

Posture royale

L’art subtil de ne rien faire, mais avec élégance. C’est ça la posture royale à la britannique et la reine Elizabeth la maîtrisait à la perfection. Mais attention, ne rien faire n’empêche pas d’être, bien au contraire. Quoique n’accomplissant rien, la reine était.

Pour chacun de ses sujets, elle était un fil, une boussole, un trait d’union. Presque tous les Britanniques ont un souvenir avec la reine. Quand elle croisait une personne, elle se montrait totalement disponible. Les yeux dans les yeux, souriante, attentive et sincèrement concernée. Et les quelques secondes qu’elle accordait ainsi, à des milliers de ses sujets, ont fini par tisser un lien indéfectible avec le peuple.

Mais, en même temps, Elizabeth se tenait très loin, ailleurs, au-dessus. Elle avait appris à gommer ses sentiments personnels, ses avis, ses colères et ses peurs pour n’être plus que le symbole d’elle-même. Aujourd’hui qu’elle est partie, on se demande si l’homme qui lui succède sera à la hauteur. Si le roi saura se montrer digne de la reine. Une interrogation assez réconfortante et qui lui rend un assez bel hommage…

Matthieu Pays

A peine une sensation

Je me réveille un matin et… Stupeur ! Je ne reconnais plus rien. A la radio, on me parle d’inflation, de prix du pétrole, de maîtrise de l’énergie… Je me gratte la tête. Puis, arrive la pause musicale après le journal. Et là, Kate Bush qui se met à chanter. Mais oui, Kate Bush… Par peur d’enchaîner avec Kim Wilde et Cindy Lauper, je décide d’éteindre la radio.

Je me frotte les yeux et j’allume la télé et là, quoi ? Le portrait de Mikhaïl Gorbatchev en plein écran, avec sa jolie petite tache lis-de- vin sur le sommet du crâne. Il fait risette à Ronald Reagan, il roule une pelle à Erich Honecker… Un peu plus tard, une sorte de Margaret Thatcher en plus jeune sort du 10 Downing Street.

Suis-je dans le 5e épisode de Retour vers le Futur, celui qui n’a pas encore été tourné ? Suis-je dans la quatrième dimension ? Suis-je, du coup, redevenu le beau jeune-homme que j’étais dans les années 80 ? Je me précipite dans la salle de bain, avec un fol espoir. Et là… Déception. Juste une illusion.

Matthieu Pays

Des fourmis sur la Lune

Vous le saviez, vous, que les fourmis possèdent un système de navigation interne hyper perfectionné qui leur permet de toujours savoir dans quelle direction et à quelle distance se situe leur nid ?

Un truc pointu de chez pointu qui fonctionne avec la position du soleil, la polarisation de la lumière, le nombre de pas qu’elles ont effectués depuis leur départ… Un GPS naturel et inné, qui ne fonctionne pas avec internet ou des ondes qui nous traversent partout et qui ne tombe jamais en panne. Et, en plus, elles sont aussi au top en matière de communication. En se touchant les antennes, elles peuvent se passer tout un tas d’informations cruciales.

Et le reste, ça passe par la chimie : des phéromones qui disent tout sans fil et sans le moindre son.

Je ne sais pas pourquoi, je pensais à ça en voyant que les humains ressortaient leurs petites fusées pour retourner bientôt sur la Lune. Idée de cadeau à Thomas Pesquet, candidat au voyage : l’excellent Guide des fourmis d’Europe Occidentale, de nouveau disponible chez Delachaux et Niestlé !

Matthieu Pays

Nouveau décor Alors, ça y est, la saison d’actu est terminée. On n’a plus qu’à tout replier et qu’à tout ranger pour laisser la place à l’été, à l’insouciance, aux vacances ! Pour le Covid, qui a fait une jolie toile de fond encore cette fois-ci, il faudra plusieurs cartons. Des solides, bien fermés, avec un signe qui fait peur marqué en rouge dessus. Il ne faudrait pas qu’un stagiaire nous le ressorte au plein cœur de l’été !

Pour l’Ukraine, c’est tellement gros, tellement encombrant, que le plus simple, c’est de jeter un grand voile dessus. On ne le verra plus pendant les vacances et on n’aura plus qu’à le découvrir à la rentrée. La politique, on peut la laisser mais on la repeint en mode fun.

Un président en maillot de bain, au mois d’août, ça le fait toujours. Les migrants, le terrorisme, les fake news, l’Afrique et Taïwan, c’est tout au fond, avec le reste. On ne les ressortira que si on est vraiment obligés. Et le climat ? On n’en parle pas. On le sort tous les ans, on le met bien devant, en évidence, mais c’est comme si les gens ne le voyaient pas. Ça se fond dans le décor. C’est à peine si ça vaut le coup de le ranger.

Matthieu Pays

Juste un mot

Il y en a tant eu, des mots. On a dit, tous, tant de choses. Des mots poignants de victimes, traçant le visage de l’horreur pour ceux qui n’y étaient pas, ceux qui ont eu la chance de ne pas y être. Des mots qui restent longtemps en suspens au-dessus des gens. Des mots d’apaisement. Des mots fermes d’un président pour imposer le silence ou revenir au débat. Mais, aussi, des mots perdus, des mots confus ou, même, des mots déguisés, contreplaqués, prononcés par des accusés, un peu perdus eux-aussi.

Des mots vides encore. Et puis, des mots d’expert, fonctionnels, descriptifs, ennuyeux. Des mots formels, du langage judiciaire. Sans parler des mots pour ne rien dire, les mots qui s’écoulent comme un robinet qui fuit, de la salle des pas perdus.

Et puis un jour, à la fin de tout, juste quelques mots. Les derniers mots des accusés. Face à la salle qui s’éteindra bientôt, les ultimes paroles prononcées, avant que ne retombe, sur tous ces mots, le rideau lourd de la justice.

Matthieu Pays

Tematai à Paris

Il est arrivé par l’avion du lundi. Il a mis dans sa valise ses affaires d’étudiant. « Il faut emmener quoi avec soi, pour faire député ? » s’est-il demandé, pour rire, au moment de boucler ses bagages. Il revient de là-bas, mais il est chez lui ici. Dans cette ville grise et souvent trop froide, il a appris à vivre. Loin Papeete où il est né, loin de l’île de Tubuai, où il a grandi et loin aussi de Tahiti. Il s’est battu pour devenir quelqu’un.

Il a appris les codes, il a appris les lois, il a travaillé son éloquence. Il a appris, aussi, à se battre pour ses amis de ses îles lointaines. Dans des associations, dans des partis, dans des groupes. On l’a élu président de ceci, représentant de cela. Et le voilà ici, ce matin, au bureau d’accueil de la grande Assemblée du pays. On va lui montrer son bureau, on va lui donner le code de son ordinateur.

Il aura peut-être un petit livret d’accueil. Comme à la fac, les dorures en plus. Il va devoir embaucher des gens pour travailler avec lui. Il a 21 ans. Tematai Le Gayic est le plus jeune député de toute la Ve République. En y pensant, pour lui-même, il sourit.

Matthieu Pays

Le vote noir

C’est comme à Koh Lanta. Vous savez, quand le candidat qui vient de se faire éliminer donne son vote pour le prochain conseil à un de ses camarades. C’est pareil. Il ne sait pas du tout, celui qui s’en va, pour qui va voter l’autre, la prochaine fois. Il ne sait même pas, pour de vrai, si c’est vraiment son ami. Si ça se trouve, il est en au cœur d’une stratégie qui a conduit à son élimination.

N’empêche, l’autre, celui qui reste, il se retrouve avec une super arme entre les mains. Un deuxième bulletin de vote qui lui donne un vrai pouvoir par rapport aux autres aventuriers. Avec ça, il est le roi dans les stratégies. S’il joue bien, il peut pratiquement éliminer qui il veut au tour suivant. Il pèse deux fois plus que tous les autres.

Et, fort de ses deux voix, il est pratiquement intouchable. On en est là, aujourd’hui, en France. Pour des tas de raisons, la moitié des Français sont éliminés des élections. Et les autres, ceux qui continuent à voter, de fait, tiennent leur vote noir entre les mains. Un vote donné sans conditions, sans retour et sans aucun contrôle.

Matthieu Pays

Un nœud à son mouchoir

Comment on va faire pour ne pas oublier ? Il y a le noeud au mouchoir. C’est bien, c’est classique. Bon, mais vu la météo en ce moment, tout le monde ne se balade pas tous les jours avec un mouchoir dans la poche. Il vaudrait mieux un casque pour se protéger des grêlons.

Sans compter que faire un nœud à un kleenex®… On peut demander à quelqu’un de nous le rappeler ou, même, d’y aller avec nous. Mais la personne risque de nous demander de lui rappeler qu’elle doit nous le rappeler et on en revient au point de départ. Une alarme sur le portable ? Oui, mais à quelle heure ? Trop tôt, on risque de remettre ça à plus tard. Trop tard, on risque de se dire que, tant pis, ce sera pour la prochaine fois.

Reste le post-it® sur le frigo ou le petit point dessiné dans le creux de la main. Parce que oui, dimanche prochain (et celui d’après), il ne faudra pas oublier d’aller voter pour élire notre député. Ce n’est pas parce que personne n’en parle et qu’on se demande si la campagne a vraiment commencé que ce n’est pas important. C’est important et c’est une fois tous les cinq ans.

Matthieu Pays

Deux stades, deux ambiances

On s’entasse, on se bat, on achète des faux billets à prix d’or. On grimpe sur les piliers, on escalade les grillages, on est nombreux et très énervés. Du coup, on ne sait plus bien quoi faire. On retient, on arrête, on cogne, on interpelle. Côté terrain, version tribunes, on attend, on retarde, on s’interroge, on essaye de savoir ce qu’il se passe exactement.

Et devant son poste, on n’en croit pas ses yeux. Tout ça, pour 90 minutes à se regarder au milieu de terrain en espérant que l’autre ne tirera pas le premier. Un des deux tire. But. On remballe.

Alors que deux heures avant, autre stade, autre ballon, on se regarde, on se jauge, on se respecte. Sur la pelouse, on s’affronte, on s’écoute, on joue ensemble. On souffre, on ne lâche rien. Dans les tribunes, on agite des drapeaux, on vibre, on chante.

On a payé son billet et on ne le regrette pas. Devant son poste, on espère, on tremble, on explose, on jubile. Tout ça pour un titre, enfin, arraché au bout de l’effort, une mention au tableau d’honneur de l’histoire du sport. Et, le lendemain matin, c’est le premier stade qui fait la Une et pas l’autre. Allez comprendre…

Matthieu Pays

Kylian et le roi

On ne dit pas non au roi. C’est, pendant très longtemps, ce que les rois ont pensé. Les vrais rois, avec la couronne et le spectre, qui auraient voué aux galères le premier qui leur aurait manifesté leur refus. Puis, plus tard, certains rois de la politique, qui ont longtemps cru pouvoir tenir le pouvoir dans une main et le consentement de tous et toutes (enfin, surtout toutes), dans l’autre.

Les rois du PAF, de la scène ou de l’écran, de la mode ou des médias, les roitelets de tous acabits. Même les tout petits souverains dans leur royaume minuscule, une arrière boutique, un bout de bureau, une PME de sous-préfecture.

Kylian, lui, il a dit non au roi du foot. Le très, très gros chèque du PSG a sans doute été plus déterminant que sa peur du déménagement et sa réticence à apprendre une nouvelle langue. N’empêche : il a dit non. Comme plusieurs femmes puissantes ont dit non au monarque républicain qui voulait les adouber Première ministre.

Et ces refus, quelle que soit la noblesse réelle ou supposée de leurs motivations, ont quelque chose de réconfortant. Et, sans mauvais jeu de mot footballistique, ça s’appelle le libre-arbitre.

Matthieu Pays

Gaston, c’est la vie

C’est fou comme sont les hommes ! Il faut toujours qu’ils réparent les jouets cassés ou qu’ils essayent de faire revivre les choses qui ne sont plus. On avait déjà essayé de ressusciter des dinosaures sur des îles lointaines et on a vu ce que ça a donné.

La dernière lubie en date, elle revient à l’éditeur Dupuis, qui s’est mis en tête de faire revivre notre Gaston préféré. Nous, on croyait qu’il s’était endormi sur une pile de lettres en retard et qu’il avait simplement oublié de se réveiller. Et ça nous allait bien, comme idée.

Mais non, il doit se remettre au travail, Gaston, lui qui ne sait pas trop ce que c’est, le travail. L’éditeur (que l’on imagine en gros monsieur énervé, joufflu et court sur pattes) lui demande d’aller chercher des sous chez ses fans. Mais lui, il ne sait même pas à quoi ça sert, les sous. Et il ignorait qu’il avait des fans.

Franquin ne voulait pas que son héros lui survive. Et c’était son droit. Gaston, c’est une époque, c’est quelque chose qui a un début et une fin. Comme un éclat de rire, comme une BD, comme la vie.

Matthieu Pays

Dans le métro, j’ai vu des guitaristes classiques qui jouaient « Jeux interdits » d’un air inspiré. J’en ai vu d’autres s’user les doigts sur l’« Asturias », d’Albéniz entre deux rames bruyantes. J’ai vu des joueurs de bandonéon avec un petit singe sur l’épaule. J’ai vu des violonistes à l’archet criard. J’ai vu des accordéonistes, des chanteurs sur bande magnétique.

Dans les couloirs de Montparnasse, une fois, j’ai même croisé un bagad tout entier qui devait attendre son train. Bien souvent, je passais devant ces musiciens sous-terrains d’un pas pressé et d’une oreille vide. Mais, de temps en temps, il y avait comme un miracle.

Il y en a, parfois, des miracles dans le métro. Une voix cristalline à l’entrée de Châtelet-Les Halles, peut-être Sirima qui fait vibrer sa courte vie. Et, juste pour un jour, juste pour une fois, la voix humaine et blessée de Bono, dans le métro de Kiev qui, par sa présence, honore tous les musiciens de métro du monde. Sans nom, sans gloire. Rien que pour l’humain.

Matthieu Pays

Come back

Cette semaine, Thierry Ardisson recevait Dalida dans sa nouvelle émission, « L’hôtel du temps », en prime time sur France 3. Oui, oui, Dalida ! Celle qui a chanté Bambino et « Gigi l’Amoroso ». Celle qui nous a quittés en 1987. Elle est plus belle que jamais, souriante et fraîche comme une ablette.

D’ailleurs lui aussi il a rajeuni, Thierry. On le retrouve jeune homme, on se croirait dans « Tout le monde en parle ». Elle aussi a parlé, Dalida, de plein de choses. Elle s’est vraiment livrée. Ça se passait dans un bel hôtel, ambiance chic et détendue. Très belle émission.

Juste un regret, pourquoi il ne lui a pas demandé s’il n’y avait pas un nouvel album et même, pourquoi pas, une tournée en prévision ? Non, parce qu’avec la technologie du « deepfake » utilisée par Ardisson et celle des hologrammes de Jean-Luc Mélenchon, il y a moyen pour elle de se programmer une petite tournée des Zénith. Sinon, le prochain invité de Thierry, c’est Coluche. On espère que cette fois, il viendra en vélo…

Matthieu Pays

Stratège

Moi, franchement, cette élection, je n’ai rien compris. Et ça a commencé dès le premier tour. Parmi les douze candidats en lice, il y en avait forcément un qui correspondait à peu près à nos opinions politiques. Oui, mais ça ne voulait pas dire que l’on devait voter pour lui.

Non, non, non ! Parmi les candidats qui nous déplaisaient le moins, il fallait voter pour celui qui avait une petite chance d’accéder au second tour. Et même, on était autorisés à voter pour un candidat qui nous déplaisait franchement, si cela permettait à un candidat qui nous déplaisait un peu moins de finir dans les deux premiers.

Et après, on pouvait râler en expliquant que quand même, on en avait marre de voter contre et pas pour et tout ça. Le deuxième tour, on pourrait se dire, c’est facile. C’est lui ou c’est elle. C’est basique. Erreur ! Là, on devait voter pour faire barrage à l’une ou à l’autre mais, surtout, en préparant déjà le troisième tour où on verrait ce qu’on verrait. Tous ces calculs pour, finalement, élire le même président. Vous y comprenez quelque chose, vous ?

Matthieu Pays

Les Héros sont fatigués

L’aphasie, c’est un trouble du langage. C’est quand on ne trouve plus les mots, mais littéralement : quand les mots ne viennent plus. Bruce, il ne trouve plus les mots. Alors, le vieux héros fatigué (enfin, il n’a que 67 ans, quand même…) a plié son marcel blanc et rangé son gros pistolet au chargeur inépuisable dans un carton FedEx et il a mis tout ça au grenier. Rideau.

Alors nous, forcément, on est un peu tristes. D’abord parce que, sous ses côtés un peu rustres et ses phrases courtes (le langage n’a jamais été son point fort, il faut bien l’admettre), on le savait sympathique, le garçon. Mais triste surtout parce qu’on aimait bien l’idée qu’un type un peu paumé, un peu alcoolo, un peu de guingois puisse résoudre à lui tout seul les situations les plus compromises et déjouer les plans des salauds les plus aguerris.

On aura qui, nous, maintenant, pour mettre fin à la guerre en Ukraine, protéger l’île de Taïwan, stopper le réchauffement climatique et… obliger les Français à aller voter ?

Matthieu Pays

Truman et Sylvia

Ils se lèvent le matin pour aller au travail. C’est un peu loin et il fait froid. Ils s’entassent dans des rames de métro et revivent sur les écrans de leur téléphone, les images de la grande commémoration de l’annexion de la Crimée. Gloire aux armées, gloire au chef et gloire à la Russie. Les journaux répètent ce qu’a dit la télévision la veille : l’opération spéciale se passe normalement.

C’est difficile, c’est douloureux, mais c’est nécessaire pour la survie du pays et (pourquoi pas) du monde tout entier. Ils ne voient rien des bombes sur les maternités, sur les centres commerciaux, sur les écoles. Ils n’ont pas vu non plus l’image de cette famille morte sur un trottoir, en essayant de se mettre à l’abri.

C’est un Truman Show. Mais sans les sourires bienveillants et sans les couleurs pastel. Et, dans un Truman Show, il y a toujours une Sylvia. Dans celui-ci, elle s’appelle Marina Ovisannikova et, pour tenter de percer le dôme de mensonge au-dessus du pays, elle a brandi une pancarte en plein journal de propagande télévisée. Fragile épine sur un dôme de fer.

 

Matthieu Pays

Le jour de gloire…

Nous, on pensait comme ça que ce serait un grand jour. Naïfs que nous étions. On imaginait ça comme une sorte de délivrance, de renaissance presque. Après tous ces jours, après tout ça, nous étions sûrs, en retirant nos morceaux de tissus, nos bouts de papier froissé, de retrouver des kilos de bananes sur tous les visages amis, des ribambelles de sourires.

Pas l’allégresse de 1945 dans les rues de nos villes libérées, mais pas loin. Comme on nous avait dit que c’était la guerre, on rêvait de la paix, on voulait fêter la victoire. Et puis le jour est arrivé. C’était lundi, c’était cette semaine. Et, comment dire…

Ce que l’on a découvert sous les masques, n’avait rien à voir avec nos espérances. Des mines grises, des visages inquiets, des bouches crispées. C’est qu’entre-temps, il s’est passé des choses. Des choses graves. Le prix du sans-plomb 95 est passé au-dessus de la barre des 2 € et, surtout, le PSG a été éliminé de la Ligue des champions. Des coups à vous casser le moral d’un peuple.

Matthieu Pays

All In

Ne demandez pas à un militaire à la retraite : son logiciel date des années 70. Ne demandez pas à un chroniqueur sur BFM, il répète ce qu’il a lu dans le Figaro de la veille. Ne demandez pas à un diplomate, vous ne comprendriez pas la réponse. Pour savoir si Vladimir Poutine envisage vraiment, oui ou non, d’utiliser l’arme nucléaire, il vous faut un spécialiste, un vrai. Quelqu’un qui soit en mesure de vous dire s’il bluffe ou pas.

Parce qu’en fait, c’est ça, la question. Ce petit rictus au coin de l’oeil, est-ce qu’il veut dire quelque chose ? Cette rigidité dans le regard, est-ce le signe d’une détermination sans faille, d’une main exceptionnelle ou d’un terrible excès de confiance ? Pour le savoir, il faut quelqu’un qui soit capable de lire les signaux invisibles, quelqu’un qui puisse se fier à son intuition intime quand la pression est à son comble.

Et ça, il n’y a qu’un endroit au monde où ça peut s’apprendre : une table de poker. Alors, tous les soirs, au 20 h, le seul spécialiste qu’il nous faut, c’est Patriiiiiick !

Matthieu Pays

Hop ! Tous remplacés !

Mais ils sont où les infectiologues ? Les chefs de cliniques ? Les immunologues de tout poil ? Souvenez-vous, c’était hier… Ils faisaient la pluie et le beau temps sur tous nos écrans, précis, documentés, posés et concernés à toute heure du jour ou de la nuit. Ils tenaient, avec courage, leurs positions dans les journaux télévisés. Des heures durant. En quelques semaines, ils ont fait de nous, masse scientifiquement inculte, des spécialistes de la santé publique. Et tout ça, sans se plaindre, en plus de leurs journées de travail. De vrais héros, je vous dis.

Et comment on les remercie ? Du jour au lendemain, sans préavis : plus rien. Le réd’ chef de la matinale ne les prend plus en ligne, les rédactions laissent moisir leurs mails au fond des spams. Les plus motivés décrocheront, peut-être, une pastille à la fin du journal de France 3 Normandie, avec de la chance.

Tout ça pour laisser la place à des types en treillis qui nous parlent de puissance de feu, de géopolitique et de tenaille militaire. On n’y comprend rien non plus mais là, on n’a pas grand monde à applaudir, le soir, à nos fenêtres…

Matthieu Pays

Oups…

Paris, 5 mars 2022, Palais de l’Élysée. Emmanuel, rasé de frais, se tient face au miroir, devant le lavabo à double vasque en marbre blanc de la chambre présidentielle.

« – Dis donc, Brigitte, tu sais pas toi, j’avais une croix sur mon agenda hier. Je n’arrive pas à savoir de quoi je devais me rappeler. »

Il achève, tout en parlant, de nouer sa cravate striée de bleu, d’un geste machinal.

« – Le Mali, c’est bon, c’est géré. L’Ukraine, bon… On a fait ce qu’on a pu, franchement. Le Covid, j’ai quand même bien assuré. C’est vrai que ça fait un moment que je n’ai pas remercié les infirmières, mais non, la croix dans l’agenda, ça ne peut pas être ça… »

Il passe un dernier coup de peigne dans ses cheveux, jette un œil sur le résultat et se replonge dans ses interrogations.

« – Le chômage, c’est réglé, on n’en parle plus… Bon OK, il reste les retraites, mais ça, c’est pour le second mandat. »

Tout à coup, ses mouvements se figent. Pris de panique, il checke sur son smartphone. Trois clics. Date limite de dépôt des candidatures à l’élection présidentielle : 4 mars 2022.

« – Brigitte ! Tu sais quoi ? Je crois que j’ai fait une boulette… « 

Matthieu Pays

Un fantôme au palais

Frayeur au Palais, tempête chez les conseillers ! Le scénario catastrophe, celui auquel on n’osait pas penser, celui que l’on n’évoquait qu’à mi-voix et en faisant bien attention à ne pas être entendu par le boss, la terreur de la Macronie s’est déclenchée. Devant un parterre d’élèves de seconde dans un lycée de Saint-Denis, qui n’en revenaient pas d’être les témoins privilégiés de ce moment d’histoire, François Hollande a laissé planer un doute sur son éventuelle candidature à la présidence de la République.

Branle-bas de combat dans les couloirs du pouvoir, tornade sur les instituts de sondage, sueurs froides chez les éditorialistes. Il faut tout revoir, tout repenser. Balayée l’hypothèse Zemmour, oublié le spectre Pécresse, ratiboisée la possibilité Le Pen.

Le duel de 2017, empêché par des circonstances contraires, pourrait enfin avoir lieu. « L’histoire n’oublie jamais… », murmure une voix menaçante dans les cauchemars présidentiels.

Matthieu Pays

Three more years !

À 79 ans, Joe Biden fête la fin de sa première année à la tête des États-Unis. Force est de constater que plus grand monde ne respecte l’aîné de la Maison-Blanche. Son infime majorité au Sénat l’a laissé tomber, mettant à l’eau une bonne partie des réformes qu’il voulait engager. Vladimir Poutine le titille en Ukraine et tente de le pousser à bout. Quand l’envie lui prend, le dictateur nord-coréen Kim Jong-Un lance un ou deux missiles pour rappeler aux États-Unis qu’il existe.

Pire encore, un autre papy, connu pour sa chevelure orange, met déjà tout en place pour le flanquer à la porte lors de la prochaine présidentielle, en 2024.

Dur, hein ? En tout cas, nous, on préfère être peinards à boire un verre (d’eau, bien entendu) au bord de la Loire. Pourtant, Joe a l’air d’aimer ça. Il en a encore pour trois ans avec son mandat actuel, mais il compte bien en briguer un second et rester à la Maison-Blanche jusqu’en… 2028 !

On vous laisse faire le calcul pour l’âge du départ à la retraite. Les Américains, eux, commencent à trouver que la Maison Blanche sent un peu trop le vieux. Seulement 28 % des sondés souhaitent voir une nouvelle candidature Biden.

Léo Berry, journaliste en formation à l’EPJT

God save the Queen

Vous savez pourquoi les Britanniques ne pouvaient pas rester dans l’Union européenne ? Parce qu’ils sont trop différents de nous. Nous, quand on commémore quelque chose, une révolution ou l’invention de la recette de la tarte Tatin, on fait des colloques, des conférences et on saupoudre le tout de quelques polémiques bien senties. Eux, quand il faut célébrer les 70 ans de règne de leur Reine bien aimée, il font un concours de pudding. « Oyez, oyez, gens du royaume !

Tous les citoyens âgés de plus de huit ans sont appelés à présenter leur recette en l’honneur d’Elizabeth ». Les cinq finalistes prépareront leur gâteau devant un jury d’exception, présidé par le chef cuisinier du Palais himself. Le pudding gagnant sera servi à la table des 1 400 grands déjeuners du jubilé le 5 juin prochain et sera offert à la postérité.

Et pourquoi pas, en plus, ajouter un couplet au God Save The Queen à la gloire de son créateur. Tiens, et si on leur piquait le concept, aux Anglais ? Si on mettait tous nos candidats sous la tente du meilleur pâtissier pour les départager. À vos marques, prêts, compatissez !

Matthieu Pays

Réalité

Il y a parfois comme une fascination. Pour la violence des éléments, pour le spectacle de la désolation. Le cinéma américain, en particulier, le sait bien, lui qui n’hésite jamais à filmer en longs plans séquences des villes qui s’effondrent comme des châteaux de cartes, des monuments emblématiques qui partent en poussière comme balayés par un simple coup de vent.

Voir ainsi s’effondrer ce que l’on imagine immuable, cela doit nous rassurer, sans doute. Nous conforter dans notre sentiment de puissance et d’invincibilité. Mais quand ce ne sont plus des maquettes, quand ce ne sont plus des dessins numérisés, des bouts de pixels assemblés, quand ce sont de vraies villes, de vraies maisons, des habitants en chair et en os qui sont frappés alors, la sidération est totale. Absolue.

Parce qu’il y a les vies brisées et les villes en ruines. Mais, au-delà de cela, parce que ces images qui nous renforcent quand elles sont celles de la fiction, nous font devenir tout petits et sans défense, quand elles sont celles de la réalité.

Matthieu Pays

Osez Joséphine !

Ça va être une de ces fêtes ! Elle va te les faire danser, les Jaurès et les Gambetta, les Jean Zay et les Sadi Carnot. Elle va te les passer en revue, te les mettre en ordre de bataille, les Caulaincourt et les Dorsenne, ces généraux aux noms d’avenues parisiennes qui sommeillent paisiblement sous la voûte du Panthéon. Ça les changera du défilé.

Elle va te les électrifier, les physiciens et les scientifiques de tout poil. Et les têtes de chapitre de la littérature française, les premiers de la classe Lagarde et Michard, les Hugo, les Zola, les Malraux, elle va te les mettre à la chanson.

Parce qu’une meneuse de revue, une femme, une black, une immigrée, ça peut être, aussi, une artiste, une résistante, une militante, une féministe, une maman. Que l’on ait son nom en lettres grasses sur la couverture d’un ouvrage relié ou en lettres rouges au fronton d’un music-hall ne change rien à l’affaire : on peut changer l’histoire et la patrie se doit de nous en être reconnaissante.

Matthieu Pays

Salade chinoise

Ils ne seraient pas un tout petit peu en train de nous prendre pour des nems aux crevettes, les dirigeants chinois ? La joueuse de tennis Peng Shuai, c’était une star dans son pays, on lui déroulait le tapis (rouge, évidemment). Et puis un jour, elle accuse de viol un très haut dirigeant du PC chinois. La pauvre se croyait autorisée à surfer sur la vague de libération de la parole qui parcourt la Terre entière.

Sauf que non. Elle, au lieu d’entrer dans la lumière réparatrice, elle sombre dans les ténèbres des opposants de tous poils. Elle disparaît brusquement des radars : réseaux sociaux coupés, mémoire effacée. Fin de l’histoire. Et là, elle réapparaît dans une vidéo où on la voit tranquillement à table avec son coach en train de parler de la saison à venir. Une autre où elle signe (sans parler) des balles de tennis pour ses fans.

Non mais, sans blague, on a lu Tintin, on a vu tous les James Bond. Le coup de l’otage tout sourire au bras de ses geôliers, on connaît. Alors rideau (rouge, évidemment) et liberté pour Peng Shuai.

Matthieu Pays

COP 64

Hier soir, à IceTown, capitale politique européenne, installée sur la plateforme de l’Antarctique, la Cop 64 s’est achevée sur un accord ambitieux. Les chefs d’État des pays confédérés du Nord ont trouvé un accord avec leurs homologues du bloc du sud, pour répondre aux effets des changements climatiques que nous connaissons.

Les participants se sont félicités des bons résultats des mesures adoptées lors des Cop précédentes, qui ont permis de limiter largement les conséquences de la transition actuelle. Au cours de l’année écoulée, les eaux n’ont recouvert que 1 684 km2 de territoire, et les 14 ouragans et inondations majeurs enregistrés n’ont eu que des effets contenus (3 698 décès et 365 000 personnes déplacées).

Le désert tropical ne progresse plus que très lentement au-dessus d’une ligne allant de Bordeaux à Berlin. Les chefs d’État ont renforcé leur coopération et affiché toute leur détermination, sans manquer, en conclusion de leur déclaration commune, de renvoyer la responsabilité de la crise actuelle à la faiblesse des décisions prises lors des Cop 20 à 30.

Matthieu Pays

Allô, Thomas ?

— Bon, Thomas, cette fois-ci, il va vraiment falloir y aller…

— Non, je ne veux pas ! C’est nul en bas. Ici, je suis avec mes potes, on ne se prend pas la tête. Il y a des tournées pour la vaisselle et c’est à chacun son tour de choisir ce que l’on va regarder à la télé. J’ai ma playlist, je fais ma gym. Tout va bien !

— Mais en bas, Thomas, c’est ta vraie maison. Tout le monde t’attend…

— C’est pas grave, ça ! Vous faites tout en visio, de toute façon ! Que je sois ici ou chez vous, ça ne change rien.

— Mais la Terre, elle est belle quand même, elle ne te manque pas un peu, la Terre ?

— Je la vois par la fenêtre, la Terre et j’en fais le tour 16 fois par jour. Et franchement, elle est plus belle d’où je suis. Parce qu’on ne peut pas dire que vous en preniez soin, quand même, de votre planète. Nous, si on fait gaffe, sur la station, on peut tenir un bon bout de temps. Bon, je vous laisse, je passe sous un tunnel !

Matthieu Pays

Extrait de conversation (fictive) entre la Terre et l’ISS.

Cher Monsieur Georges,

Quand vous êtes mort, j’avais dix ans et je me souviens que tout le monde était triste à la maison. Quelques années plus tard, en ces temps d’anniversaire, je viens vous donner quelques nouvelles. Non pas des affaires publiques, sujet qui, je le sais, vous rend un peu mélancolique. Non, des nouvelles de vos chansons.

Savez-vous que le petit joueur de flûteau a finalement accepté l’offre du roi ? Il parade le samedi soir sur écran plat et se fiche pas mal de ce qui se dit au village. Le gorille est soigné au Viagra et les enfants de Martin galèrent toujours à faire tourner l’exploitation familiale. Les trois capitaines se portent bien, ils ne manquent pas de boulot, merci pour eux. Et de la pauvre Hélène, pas de nouvelles.

Il n’y a plus beaucoup d’Auvergnats pour sourire au migrant qui arrive sur la plage. Quant à la mauvaise réputation, elle s’affiche en story sur nos téléphones. Vous savez quoi ? Il me prend comme une envie d’aller m’y installer, au pied de votre arbre.

Matthieu Pays

Snif snif !

Quel bonheur d’être enrhumé ! Pouvoir éternuer dans la rue sans que tout le monde ne se retourne et ne jette sur vous un regard suspicieux et inquisiteur. Ne pas sentir, quand vous sortez votre mouchoir pour vous moucher, le poids de la culpabilité peser sur vous. Pouvoir enfin renifler en paix !

Songez qu’il y a quelques mois seulement, l’enrhumé était le pestiféré moderne. À son passage, on s’écartait dans la rue ou, pour les plus hardis, on allait quérir un agent. Il fallait l’enfermer, l’empêcher de nuire, tant pis si lui était perdu, il fallait se sauver soi-même. Cette semaine, cela ne vous aura pas échappé, la moitié de la France est enrhumée et, selon toute vraisemblance, l’autre moitié le sera la semaine prochaine. Les épidémiologistes grincent un peu car cela veut dire que les virus circulent de nouveau librement (comme nous, en fait) et celui du Covid, sans doute, comme les autres.

Oui, mais nous sommes 85 % à ne plus avoir à le craindre et cela change tout. Alors, enrhumez-vous, cette goutte au nez, elle a comme un air de liberté ! l

Matthieu Pays

All-in

Faire Tapie, c’est tout jouer sur un coup, sur une main, sur un bluff. Faire Tapie, c’est miser un franc et en récolter mille, c’est bouger les montagnes, entraîner avec soi. Faire Tapie, c’est s’affronter souvent, à des ennemis, à des amis, aux joueurs autour de la table. Faire Tapie, c’est accepter le bras de fer, envoyer l’adversaire dans les cordes ou rester au tapis.

Faire Tapie, c’est regarder ses cartes et se dire que la partie n’est pas jouée, tout faire pour les faire mentir. C’est chercher un joker, le sortir de sa manche, s’il le faut. Faire Tapie, c’est être capable de tout perdre sur tapis vert et de revenir sur le tapis rouge, celui que l’on déroule pour les saltimbanques.

Faire Tapie c’est tout mettre dans l’ultime bataille. Les empires, les honneurs, les richesses, les souvenirs, le peu de sagesse que l’on a, la foi et l’amour, tout contre l’ennemi qui s’est glissé à l’intérieur. Faire Tapie, c’est tenir. Ne rien lâcher et partir tout à la fin, quand les dés sont retombés, que toutes les ruses sont épuisées et que l’on reste face à soi-même, nu et libre, comme au premier jour.

Matthieu Pays

Dans la course

« Il est ridicule avec ses chaussettes », « Non mais tu as vu comme il sautille »… Non, nous ne sommes pas dans une cour de récréation mais tout simplement sur Facebook, dans les commentaires d’une vidéo montrant le maire de Tours avant le départ des 10 km auxquels il a décidé de participer.

Moi, je veux bien que l’on se plaigne de nos politiques, que l’on dise qu’ils sont trop ceci ou pas assez cela. Mais il faut que nous fassions un effort, nous aussi de notre côté. Juste que, collectivement, nous gardions en tête quelques règles simples pour que le débat reste possible.

« Ne pas attaquer la vie privée, ne pas humilier, insulter ou diffamer », c’est l’une des dix règles pour débattre vraiment, lancé par l’hebdomadaire La Croix L’Hebdo et déjà signé par une centaine de personnalités de tous bords, de tous horizons et de toutes confessions.

Et ça commence là. Dans un événement aussi anodin qu’une course populaire comme les 10 et 20 km de Tours.

Matthieu Pays

Agent 007, bonjour. Lisez ce rapport secret. Plusieurs de nos agents ont risqué leur vie pour l’obtenir. Il montre que la Chine manipule les réseaux sociaux et mène sur le net une campagne d’influence en grand format et ce, sur l’ensemble de la planète.

Deux millions de cyber soldats sont déjà sur les dents. La situation est grave, James. Nous avons déjà perdu un contrat de 56 milliards de dollars et ce n’est que le début. Tout se passe à la base 311, « la base de la guerre de l’opinion publique, de la guerre psychologique et de la guerre du droit », comme ils l’appellent. Elle se trouve dans la province du Fujian à Fuzhou, juste en face de Taïwan.

Elle est cachée à l’adresse d’une piscine mais, attention ce sont des requins qui y nagent. Voici un Huawei un peu amélioré, il vous permettra de vous infiltrer discrètement dans la base. Mais comme d’habitude, si vous êtes pris ou tué, l’organisation niera tout lien avec vous. Vous êtes seul, 007…

Matthieu Pays

Parties civiles

Elle est vraiment trop petite, cette salle d’audience. Il n’y a pas assez de places. Parce que nous sommes tous victimes, tous touchés et que, dans ce procès, nous sommes tous parties civiles. Ceux qui sont morts et ceux qui ont été blessés, le 13 novembre 2015, à Paris, ne sont pas différents de nous. Ils sont nous. Dans leur diversité, leur anonymat, dans le reflet imparfait de leurs réseaux sociaux, dans les yeux mouillés de leurs amis, dans le coeur brisé de leurs proches.

Ils sont ce que nous sommes. Ils sont la France des gens qui passent, comme le chante joliment Gauvin Sers dans son dernier album. Bien sûr, ils ont des noms et des vies intimes qui se sont fracassées au rocher noir de l’absurdité. La douleur individuelle est incommensurable. Mais nous avons tous étés frappés par les éclats.

Et c’est nous tous, avec nos confessions, nos croyances, nos opinions, nos histoires, qui devrions être présents, à partir de ce mercredi, dans la salle d’audience hors normes installée dans le Palais de Justice de Paris.

Matthieu Pays

Le Messi est arrivé

Pour une fois, les amis, il semblerait que le foot soit en passe de nous donner une bonne leçon. Mais si (ah, ah, jeu de mots !), c’est possible ! Dimanche soir, lors du dernier match de la quatrième journée de Ligue 1, tout le stade de Reims, du simple touriste au plus fervent supporter champenois s’est levé pour ovationner Lionel Messi, entré en jeu à la 66e minute. Bon, ok, le gars est six fois ballon d’or et en plus sympa comme tout, mais quand même ! Applaudir un joueur du PSG, dans un stade de province ! En plus quand on est menés 2-0. Ça force le respect…

Alors, faisons un rêve : que tous ceux qui ont nourri leur été en suivant minute par minute l’arrivée de l’Argentin à Paris s’inspirent de ce geste dans leur vie quotidienne. Vous avez perdu un gros marché face à un concurrent plus fort que vous : vous vous levez et vous applaudissez. Un type plus rapide que vous a pris votre place de stationnement, pareil.

Et ça marche pour tout le monde : vous vous prenez une grosse taule au premier tour de l’élection présidentielle : debout et clap-clap ! Qu’est-ce qu’on va être bien cette saison !

Matthieu Pays

Travaux d’été

Eh oui, c’est l’été et déjà le dernier numéro de la saison de tmv. Et, si on en croit nos capteurs extrasensoriels, la rentrée risque d’être assez chaude et mouvementée, sur pas mal de fronts. Alors autant se préparer ! On va commencer par se nettoyer un peu le vocabulaire.

Proposition 01 : pendant les deux mois d’été, à chaque fois que quelqu’un prononce les mots « vague », « vaccin », « variant » ou « virus » (on peut mettre encore plus de mots, si on veut), il met un euro dans la cagnotte. Et à la fin des vacances, on se fait tous un resto à la santé du Professeur Raoult ! Ensuite, on va reprendre un peu les fondamentaux.

Proposition 02 : Pour savoir si, ce soir, c’est Fort Boyard ou Meurtres au Paradis, si c’est soirée mousse au Macumba ou Chamalow grillés autour du feu, on instaure la règle du vote à bulletins secrets. Oui, comme dans Koh Lanta. Histoire de se rappeler que mettre un papier dans une boîte, ça peut aussi changer quelque chose. Ça sera utile au printemps, vous verrez ! Bel été à tous !

Matthieu Pays

Les bons comptes

On peut se qualifier avec trois points, soit une victoire et deux défaites ou alors, trois nuls. Mais on peut aussi être éliminé avec quatre points, soit une victoire, un nul, une défaite. Une équipe qui a déjà une victoire à son actif et qui fait match nul peut ne pas être qualifiée au coup de sifflet final mais l’être, sans jouer, deux jours plus tard, si les troisièmes de deux autres groupes finissent avec seulement trois points.

Sachant qu’une équipe peut se retrouver pénalisée par un cas de Covid-19 et que certaines ont l’avantage de jouer à domicile devant des stades pleins, quel est l’âge du capitaine ? 35 ans, pour Hugo Lloris. Tout ça pour dire que ceux qui expliquent l’abstention massive par la complexité du système électoral feraient bien de nuancer un peu leur jugement.

Le France-Allemagne du 15 juin a réuni 15,1 millions de téléspectateurs, soit quasiment autant que d’électeurs dans les isoloirs dimanche. CQFD.

Matthieu Pays

Exilée

On n’arrive pas tous sur la Terre avec les mêmes cartes en main. Il est des enfants qui naissent dans des palais dorés et entourés de l’amour de leurs proches. Et d’autres qui n’ont pas la chance de voir le jour sur le sol de leurs ancêtres. Coupés de leurs racines et privés de leurs droits, ils sont des fruits arrachés à la terre. Ce week-end encore, une pauvre âme nous est née, exilée dans un hôpital de Santa Barbara, ville de pacotille aseptisée comme un décor de soap alors qu’elle était promise au raffinement des palais impériaux et aux voitures anglaises décapotées.

Plantée dans un sol qui n’est pas le sien, elle n’a que ses deux prénoms comme liens avec ses aïeules. Une grand-mère et une arrière-grand-mère, Diana et Lilibet. Mais ce ne sont que des figures lointaines, sans la charge d’amour qui fait grandir.

Dans le royaume qui est le sien et dont elle est arrachée, elle aurait pu être reine (à condition quand même, de flinguer les sept qui sont devant elle dans l’ordre de succession) et la voilà simple citoyenne américaine. La vie est cruelle, quand même, quand on y pense..

Matthieu Pays

Image

Un homme en uniforme, cerné par une eau grise et menaçante, qui tient à bout de bras un bébé livide et trempé. C’est l’image qui dit tout. Dans notre imaginaire, elle en appelle d’autres, des images. Celle de la maman, bien sûr, qui soulève son enfant nouveau-né, et le voit comme un prolongement d’elle-même.

Des images ancestrales, comme celle de Moïse que sa mère miséreuse abandonne au ruisseau, dans un berceau de fortune, pour lui offrir, peut-être, une vie meilleure. Ou des images populaires, comme celle du Roi Lion présentant au peuple du désert, Simba nouveau-né. Parce qu’un bébé, c’est ce qui restera de nous. C’est l’espoir et c’est le futur.

On n’écoute plus beaucoup Barbara et on a bien tort. Elle l’a chanté mieux que quiconque : « Un enfant qui meurt, qu’il soit de n’importe où, est un enfant qui meurt ». Et un sauveteur en mer, le regard hagard, qui tient au-dessus de l’eau, un nourrisson perdu, c’est un bien triste présage pour notre temps.

Matthieu Pays

La première gorgée de bière

C’est vrai qu’elle va avoir un goût particulier cette journée. La première gorgée de bière, la première fourchette, le premier café en terrasse de ce mercredi 19 mai, ils vont se parer d’une saveur spéciale.

Évidemment, ce n’est pas la Libération de Paris et ce que l’on va faire ce jour-là est assez secondaire au regard de tout un tas d’autres choses et notamment de la lutte des médecins qui se poursuit dans tous les hôpitaux de France. Et pourtant… Pourtant, il y a bien quelque chose de réel derrière cet engouement pour cette toute petite et toute timide réouverture. Quelque chose que nous aurions tort de bouder.

Pour la première fois depuis des mois et des mois, ce premier verre en terrasse, cette assiette partagée, pourrait bien être le premier pas vers un vrai retour à la vie. Nous ne serons pas des héros en nous installant en terrasse, ni encore tirés d’affaire. Mais, au moins, nous pourrons le faire en nous disant que nous pourrons revenir demain et les jours suivants sans doute. Et ça, après tout ce que nous avons vécu, qu’on le veuille ou non, ça n’a pas prix…

Matthieu Pays

C’est grave, docteur ?

Imaginez une arête dans un gosier. L’arête, c’est un gros bateau pas joli du tout. Une arête de 200 000 tonnes : rien que du métal et des marchandises made in China. Le gosier, c’est le canal de Suez, petite glotte toute serrée entre la Mer rouge et la Méditerranée. Et, pour compléter le tableau, le corps auquel appartient ce gosier, eh bien, c’est le nôtre. C’est nous.

Bref, on a avalé de travers. Sans doute que l’on se goinfrait trop, que l’on était trop gourmand. Gloutons, même… Alors, on se gratouille la gorge, on toussote, on boit un peu d’eau. Et on a peur, surtout, que le flux qui nourrit notre boulimie se tarisse et nous laisse en rade. On panique. On ne devrait pourtant. Ben non…

Parce que ce n’est pas normal, en vrai, de se retrouver sur le flanc, juste à cause d’une bouchée mal avalée. S’il existait des médecins pour ce genre de cas, ils nous diraient comme ça, avec un petit sourire entendu : « Dites donc vous, ce ne serait pas le moment de changer de régime alimentaire ».  Matthieu Pays

Migrants parisiens

Mettre tout dans la voiture. Tout ce qui compte, tout ce qui est important et quand même, un peu de superflu. Partir dès que possible, poussé par une force irrépressible. Fermer la porte de la maison sans trop savoir quand on l’ouvrira de nouveau. Jeter un dernier regard à la volée. Et puis, partir. Et là, au bout de la rue, tomber dans le flux de ceux qui partent aussi. Plonger dans le long serpent de voitures à touche-touche qui congestionne les sorties de la ville.

Des centaines de kilomètres de tôle et moteurs impatients. Il n’y a pas de honte à fuir. Fuir des murs exigus dans lesquels on pourrait croiser la folie si on y restait enfermé trop longtemps. Fuir une capitale gorgée de peur et de lassitude. Nous ne sommes ni les premiers ni les seuls sur Terre à faire ce choix difficile que jamais, personne, n’a fait de gaieté de cœur.

Au volant de nos automobiles, coincé sur le périphérique, nous voilà donc en communion avec tous les migrants du monde. Ceux qui fuient la guerre, la famine, la répression policière. Et qui n’ont pas toujours une résidence secondaire ou une vieille tante sur l’île de Ré.

Matthieu Pays

Y être ou ne pas être

À 13 ans, elle avait raconté à qui voulait bien l’entendre que son professeur d’histoire avait demandé aux élèves de confession musulmane de lever la main, puis de sortir de la classe avant de montrer en cours les caricatures de Mahomet. Mais elle n’y était pas. Elle avait expliqué à son père qu’elle s’en était indignée et que cela lui avait valu une exclusion de deux jours. Mais non, elle n’y était pas.

Son père avait aussitôt relayé le mensonge sur les réseaux sociaux et le message avait suivi son chemin mortifère, jusqu’à tomber sous les yeux d’un certain Abdoullakh Anzorov, apprenti terroriste d’origine tchétchène, âgé de 18 ans. Un jour, à la sortie du lycée, Anzorov avait attaqué le professeur et lui avait coupé la tête. Mais elle n’y était pas.

Elle, par contre, elle y était dans les locaux de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015. La dessinatrice Coco sort ces jours-ci, un récit graphique qui s’appelle « Dessiner encore » et qui raconte les derniers moments de la rédaction de Charlie, juste avant l’arrivée des tueurs. La bienveillance de Cabu, les gâteaux sur la table, l’engueulade entre Tignous et Bernard Maris, ce simple morceau de vie arraché à la marche du monde. Elle a enfin pu la dire, sa vérité, comme l’adolescente son mensonge. Troublant téléscopage…

Matthieu Pays

Points de vue

C’est fou comme les temps changent. Et le ton des gens. Moi, je me souviens d’un Boris Johnson vent debout contre l’Union européenne. Contre l’union tout court. En mode, rendons sa souveraineté et sa grandeur à notre grande nation. Ce qui concernait les Britanniques devait se décider à Londres, pas à Bruxelles. Et patin coufin.

Et voilà t’y pas que le même Boris Johnson, quelques mois plus tard et le Brexit consommé, est obligé de faire la tournée des provinces britanniques, qui se découvrent d’un coup, des rêves d’indépendance, pour expliquer, la main sur le coeur et l’oeil sur le drapeau, à quel point c’est important, quand même, d’être ensemble, de rester unis et solidaires au sein d’une même famille.

Et pour les vaccins, c’est un peu la même. Il y a un mois, on se tâtait. Fallait voir. S’ils en avaient la possibilité, les Français, majoritairement, n’étaient pas plus chauds que ça pour se faire piquer. Aujourd’hui que les doses manquent et qu’obtenir un rendez-vous pour se faire vacciner relève du miracle, tout le monde veut y passer dans l’heure.

Tout est affaire de point de vue finalement et la vérité d’aujourd’hui n’est sans doute pas celle de demain. Petits sourires des temps qui méritent bien que l’on s’y arrête un instant…

Matthieu Pays

Mauvais Plis

Des villes sans théâtres, des rues sans musique, des quartiers sans cinémas. Des existences entières à consommer de la culture sous vide, sous écran, des découvertes lyophilisées, des étonnements en conserve. Des journées sans sourires, des rencontres sans mains tendues, des retrouvailles sans la chaleur d’une bise sur la joue.

Des échanges normalisés, protégés, masqués et des émotions fermées à double tour. Des semaines et des mois à craindre pour soi et pour les autres. À se regarder de travers dans la rue, à ruminer ses inquiétudes, à répéter ce que l’on vient d’entendre en sachant bien, au fond, qu’on ne sait pas grand chose.

Il faut se le dire, il faut le répéter : tout cela, ce n’est pas la vraie vie. Il faut se le répéter, parce que les plis se prennent vite et le goût des vraies choses, il finit par se perdre. Dans le confort de son canapé, on oublie l’odeur ouatée des fauteuils de cinéma. Derrière son écran faussement protecteur, le grain de la peau s’efface. Mais la vie, elle est dehors, la vie, elle est ensemble et la vie, elle reprendra.

Matthieu Pays

Noël quand même !

Vous savez quoi ? On est contents de vous revoir. D’abord, évidemment, parce que ces derniers temps, on n’a pas eu beaucoup l’occasion de se retrouver et que cela commence vraiment à nous manquer. Mais aussi parce que, longtemps, la sortie de ce numéro spécial Noël n’a pas été assurée. Et même moins que ça. Contents surtout parce que si nous sommes en capacité de vous proposer ce numéro, c’est que la vie reprend, un peu, malgré tout, en cette fin d’année et que cela fait quand même du bien.

Mais elle reprend si doucement, si tard, que ce Noël, pour tout le monde, sera très différent, très spécial et, pour tout dire, un peu bancal. Mais même si nous avons tous un peu la tête ailleurs, nous tenons à ce que ce Noël 2020 soit un vrai Noël. Peut-être même plus vrai encore que d’habitude car c’est un Noël miraculé qui est, du coup, réduit à l’essentiel : le bonheur d’être ensemble et de partager de beaux moments.

L’essentiel, bien sûr, c’est de se regrouper et de se soutenir. Cela commence par nos commerçants locaux, qui ont déjà tellement souffert et qui sont si importants pour l’image que la ville a d’elle-même. C’est pour cela que, dans ce numéro, vous ne trouverez que des idées de cadeaux que vous pourrez acheter en local. C’était bien le moins que nous pouvions faire.

Il faut soutenir la culture et le tourisme, aussi, en retournant au musée, au cinéma et, dès que cela sera possible, dans les salles de spectacle. Nous vous proposons quelques idées au fil de ces pages. Soutenir les restaurateurs et les traiteurs, en commandant des plats à emporter, en prenant de leurs nouvelles et en se préparant à revenir les voir, dès le 20 janvier. Quand la vie, enfin, reprendra son cours. En attendant, bonne lecture et, surtout, joyeux Noël à tous !

La rédaction

Spectra Covidum !

C’est comme un mauvais sort. Vous savez, comme ceux que le méchant dont-on-ne-dit-pas-le-nom jette avec sa vilaine baguette dans les films de Harry Potter.

Spectra Covidum ! Et paf, tous les centres-villes de France se figent d’un seul coup. Et bim, les rencontres sportives s’interrompent, les acteurs s’immobilisent au beau milieu d’une tirade, les salariés restent cloués derrière leur écran d’ordinateur.

Spectra Covidum et l’air se charge d’un coup d’un poids nouveau, plus rien ne semble possible, les projets restent suspendus et les initiatives tournent court. Par l’effet maléfique de ce sort, la marche du monde elle-même se ralentit. S’il se passe encore quelque chose autre part, cela nous semble si lointain, si irréel, que les images ne nous atteignent plus.

Spectra Covidum et je me vois obligé d’ajouter un point de suspension à la fin de ce 376e billet. Alors, si Harry est dans le coin ou Hermione ou même ce grand nigaud de Ron, est-ce qu’ils pourraient voir pour trouver un sort qui briserait le sort. Parce que là, vraiment, il est pas drôle, le film…

Matthieu Pays

Respect(s)

À madame Dogwiller, qui m’a appris à faire de jolies lettres quand j’écris parce que c’est important d’avoir une belle écriture, et même si je n’ai pas tout retenu, merci. À monsieur Mériot, qui m’a appris l’émotion que pouvait contenir une chanson, le partage et la joie, merci. À madame Sazias, qui est allée chercher dans les textes l’esprit de d’invention et de non conformisme qu’elle voulait pour ses élèves, merci.

À monsieur Tavenot qui m’a montré les errances de l’histoire, mais qui a aussi su me les faire un peu comprendre, merci. À monsieur Cochie, qui m’a montré en quoi l’économie, c’était surtout la vie des gens, merci. À monsieur Blot qui a insisté pour que je termine mon range-courrier en carton, merci.

À monsieur Venin qui m’a ouvert des pensées qui m’étaient inconnues, merci. Merci à eux et à tous les autres. Il en faut des professeurs pour faire un homme, une femme, un citoyen. Il en faut des professeurs pour apprendre les valeurs communes et le respect des autres. Merci et respect à eux.

Matthieu Pays

Et nos élites, alors !

C’est une tradition bien à nous et le monde entier nous l’envie. La pratique de l’enfumage, l’excellence du noyage de poisson, cette faculté de parler d’un bouquin sans avoir lu autre chose de la quatrième de couverture tout en ayant l’air intelligent, c’est véritablement un art à la française, une part de notre patrimoine national et cela s’apprend dans une école, une seule : Sciences-Po.

Un art qui fait la grandeur de notre personnel politique, la quintessence de notre administration et la renommée de pas mal de nos éditorialistes. Eh bien, vous le croirez si vous voulez, mais il paraît que l’on va désormais pouvoir entrer dans cette belle institution, sans écrire la moindre ligne. Nada.

On regarde les notes du bac et on se fait un petit rendez-vous Skype et emballé, c’est pesé ! Alors, mais quoi, c’est la mort de la dissertation en deux parties ! C’est des hordes venues des quartiers et des campagnes qui vont déferler rue Saint-Guillaume !

Et après, il y aura qui à l’ENA ? Des Youtubeurs, des intermittents du spectacle ? Des citoyens ? Non, mais quelle horreur !

Matthieu Pays

Un jour et quelques nuits

Évidemment, je pourrais vous parler de deuxième vague, d’attaque au couteau, je pourrais faire le malin en précisant que non, ce n’est pas un couteau, mais une feuille de boucher.

Alors, qu’en fait, il y a une semaine, je ne savais pas du tout ce qu’était une feuille de boucher. Le monde que nous avons construit, il est comme ça. Il fait de la lumière avec du noir, avec du pas grand chose.

Juliette Gréco, elle, c’était l’inverse. C’était de la lumière habillée en noir. Qu’elle ait connu Aragon, Sartre, Vian, Brel, Ferré et tous les autres, ce n’était pas ça l’important. La muse de Saint-Germain-des-Prés, ça ne dure qu’un temps et ça ne veut pas dire grand chose.

L’important, c’était ce qu’elle apportait. Ce qu’elle portait. Quelque chose d’authentique et qui n’appartenait qu’à elle et qui, donc, s’est éteint avec elle. Comme une autre flamme s’est éteinte avec Michael Lonsdale. C’est de cette lumière unique, hors actualité et hors réseaux que j’avais envie de vous parler, moi, cette semaine.

Matthieu Pays

Il n’y a plus de saison !

Non, mais, franchement, on fait comment pour se remettre au boulot ? On veut bien, nous, la reprise, le nouvel élan, tout ça. Mais il y a quand même des repères dans la vie. Si vous demandez à un indien d’Amazonie de fabriquer un igloo, il va avoir un peu de mal, au début.

Eh bien nous, c’est pareil. On fait comment pour se mettre dans l’ambiance de la rentrée alors qu’il y a le Tour de France à la télé ? Et maintenant qu’il est fini, le Tour, on nous dit que Roland-Garros arrive ! Non, mais Roland-Garros, c’est les longs après-midis dans le canapé, c’est la chaleur qui écrase le Central, c’est la langueur moite de la terre battue.

Ça ne colle pas du tout avec les réunions powerPoint, les points Excel et les briefs du lundi matin. On veut bien, nous, que le coronavirus ait tout changé et qu’il faut s’adapter mais, si on a le Tour en septembre, alors ça veut dire qu’on aura Noël en avril et Pâques aux tisons, c’est ça ? Il faut nous dire, hein, qu’on puisse anticiper, quoi !

Matthieu Pays

Culture : une saison quand même

Pas simple… Pas simple de concocter un agenda de la saison culturelle à venir par les temps qui courent. Encore moins simple de la monter ladite saison. Même un “simple” spectacle, quand il parvient à se tenir normalement, tient du miraculé.

Et pourtant, il l’ont fait. Tous autant qu’ils sont, ils ont construit ce qu’ils aimeraient pouvoir présenter à leur public dans les mois qui viennent. Alors, nous le faisons aussi. Nous consignons ces bons moments à venir dans notre numéro 370 – un numéro spécial saison culturelle – nous les commentons, nous en tirons quelques coups de cœur, forcément subjectifs.

Et nous croisons les doigts très fort. Bien sûr, inutile de vous le préciser, tout cela est soumis aux évolutions de la situation sanitaire. Alors avant de vous rendre à un spectacle, vérifiez bien les informations pratiques mais surtout, surtout, ne renoncez pas. La culture et ceux qui la font, ceux qui en vivent, ont besoin de vous !

Mars attack

C’est décidé, je pars. J’y vais. Je fais le grand saut. Déjà, en 2015, j’avais failli. En le voyant, lui, Matt, faire pousser ses salades, fabriquer son eau et explorer le paysage comme personne avant lui, je m’étais senti inspiré, aspiré, même, on pourrait dire. Mais là, avec le Covid, la crise économique et l’arrêt de Scènes de ménage sur M6, je me sens tout à fait prêt.

Un million de Terriens vont recréer une civilisation sur Mars. J’en serai. J’ai commencé à regarder. Le voyage n’est pas encore au catalogue des agences, évidemment, mais en fouillant un peu, on peut se débrouiller.

Le prochain départ (ce sera le premier, en fait) c’est pour 2024. C’est-à-dire demain. À peine le temps de préparer les bagages. Une navette embarquera un millier de passagers pour un voyage qui doit durer environ six mois. Mais bon, j’imagine qu’au prix du billet, c’est de la first class, quand même.

Sur place, on aura sans doute un petit taf à faire, pour le nouveau monde, chacun met la main à la pâte, c’est normal. Perso, je le dis en passant, je fais assez bien les carbonara !

Matthieu Pays

Billet masqué

Indignés de tous pays, il faut se mettre à la page ! C’est fini, les grandes luttes à papa. Les manif’ pour les congés payés, pour le droit à l’avortement, pour la paix au Vietnam, pour le droit de jouir en toute liberté dans une société vouée au bonheur, pour la liberté d’expression, tous ces trucs-là.

Les grands cortèges contre la réforme des retraites, contre la loi Devaquet, contre la mise en pièce du service public, c’est vraiment de la préhistoire, les amis. Et les défilés du 1er mai !

Non, mais vous les avez vus les défilés du 1er mai ? Des vieilles banderoles, des mégaphones aphones, du muguet à un euro le brin : terminé tout ça. Place aux vrais combats ! Et on commence contre le port du masque. Ça, c’est la mère des batailles !

Après, on pourra s’attaquer à la roulette chez le dentiste et au toucher colorectal. On peut y arriver et si on se mobilise, demain, nous pourrons marcher tous ensemble, tous ensemble, contre la pluie en été, contre l’eau mouillée et même, oui, tout est possible, contre la calvitie précoce. Ce n’est qu’un début, continuons le combat !

Matthieu Pays

Vous nous avez manqué !

Ça y’est, on vous retrouve enfin ! Lectrices, lecteurs, on ne va pas se mentir, ce fut long et éprouvant. Il a fallu du temps pour avoir de nouveau son petit – pardon, celui-ci est tout de même un bébé de 56 pages – tmv entre les mains. La période et les récents événements (à moins de vivre dans une grotte, vous avez dû entendre parler d’un vilain virus…) ont temporairement bloqué la parution papier de votre hebdomadaire.

Seulement voilà : on voulait vous accompagner tout cet été avant de vous laisser partir en vacances. On ne pouvait pas attendre la rentrée pour vous proposer un nouveau numéro. Non, non. Il fallait bien que vous ayez votre dose d’infos positives, un journal qui fait du bien, on l’espère, au cœur et à la tête. Il fallait bien que l’astrologue s’en prenne un peu aux signes de l’horoscope (le confinement l’a rendu plus méchant, faites attention). Il fallait bien que Tours et ses alentours reprennent un peu de couleur : en l’occurrence, notre rose magenta, pour vous rappeler que votre tmv est bel et bien là et présent.

D’ici là, passez de magnifiques vacances. Espérons que ce numéro spécial puisse vous donner des idées pour engloutir juillet et août comme il se doit. Encore une fois, vous nous avez manqué. Merci à vous toutes et à vous tous pour votre fidélité.

Aurélien Germain

Billet confiné 01

Pas inutile, quand on emploie subitement à tour de bras un mot habituellement peu usité de revenir à l’étymologie. d’aller voir à la source, quoi.

Alors, voyons… Confinement. Du préfixe latin (et non Marseillais comme on le croit souvent à tort) “con”, qui signifie “ensemble”, comme chacun sait, et du bas breton “fin’ment” qui veut dire “pas trop gros quand même non mais j’te jure”. Ce qui suggère un sens caché à ce vocable devenu si commun : “Tâchez de ne pas être trop épais ensemble”. Soit, pour faire plus concis : « faites tous bien gaffe sinon, vous risquez de le regretter ».

On retrouve cette construction syntaxique caractéristique, par exemple, dans le terme “considération”, littéralement “coupés ensemble” et qui peut se comprendre par “collectivement complètement sciés”, mais plutôt dans le sens figuré, du coup. Et que l’on pourrait adapter à notre vie moderne par cette maxime “arrêtez de couper ensemble les cheveux en quatre ”

Voilà, je crois que la preuve est faite de l’utilité du Latin, du Grec et du Transsibérien dans l’enseignement des Humanités. Autant de matières qui nous permettent à tous d’agir en pleine conscience : là encore, du préfixe latin “con” et de “scientia”, “connaissance”. Savoir ensemble et agir en connaissance de cause. Voilà, voilà… Bonjour chez vous et courage à tous !

#Coronavirus : Non-parution de TMV

⚠️ INFORMATION IMPORTANTE⚠️

#Coronavirus / Non-parution de TMV

 
C’est avec le cœur lourd que nous vous rédigeons ce message. Eu égard aux dernières mesures gouvernementales et à la situation sanitaire actuelle, il devient désormais quasi-impossible de diffuser TMV que ce soit dans la rue, de la main à la main, ou en dépôt dans les commerces habituels (bars, restaurants). Notre modèle de distribution, en tant qu’hebdomadaire gratuit et local, ne le permet pas dans une situation si particulière. Qui plus est, nos rubriques habituelles (pages culture, sorties, sport, resto, cinéma…) ne sont pour le moment plus réalisables.
 
Par conséquent, il n’y aura pas de TMV mercredi. La publication est momentanément suspendue.
 
Le moment est difficile pour tout le monde. Nous revenons le plus vite possible et espérons que vous comprendrez la situation délicate qui amène à faire ce choix. En attendant, prenez soin de vous et de votre santé, pensez aux autres, soyons toutes et tous responsables pour un chouette retour à la normale. 💪
➡️Nous restons évidemment disponibles sur nos réseaux sociaux ou par mail (redac@tmvtours.fr) si vous avez besoin de quoique ce soit ; vous pouvez aussi visiter notre site internet.
 
Cœur sur vous et courage ❤️ (Même l’astrologue de tmv vous aime !)

Les petits poucets

Les élections municipales, c’est comme la Coupe de France, en foot. Même les petits peuvent participer. Et, un peu comme les clubs amateurs, à part un moment de gloriole, ils n’ont pas grand chose à y gagner. Allez, un petit quiz : vous savez combien de Français sont candidats dimanche ? Dites un chiffre au hasard… Non, c’est plus ! 900 000.

900 000 femmes et hommes qui ne sont pas tous, vous pouvez m’en croire, des professionnels de la politique. Comme les petits poucets de Plougastel ou de Carquefou qui affrontent chaque année l’ogre PSG, la plupart ont un vrai métier à côté ou sont à la retraite.

Et, quand ils passent un tour et se retrouvent adjoint à la mairie de leur bourg, sûr qu’ils ne la volent pas leur (maigre) indemnité. Parce qu’un adjoint, plus encore un maire, c’est tous les jours qu’il doit se rendre à son bureau. Et les dossiers qui l’attendent, c’est technique comme la roulette de Zizou. Alors, dimanche, masque ou pas masque, solution hydroalcoolique ou pas, on va voter. Franchement, c’est bien le moins qu’on puisse faire.

Matthieu Pays

Corona-Charlie

Il n’avaient pas réussi. À coup de kalachnikov, à coup de bombes dans les rues, à coup de couteaux même, ils s’y étaient toujours cassé les dents. C’est bien ça qu’ils espéraient pourtant, les furieux de Daech. Nous empêcher de remplir les stades, de danser, serrés, jusqu’au matin.

Nous interdire de nous embrasser, de nous caresser la joue. Ils en rêvaient de nous clouer chez nous, dans la pénombre de nos solitudes, planqués derrière nos persiennes et scotchés à nos écrans à voir le monde en déformé. Nous ôter l’envie de nous réunir dans des salons, des conférences, des manifs, des festivals, c’était leur kif. Faire taire la voix plurielle, c’était ça le but, on le savait et on ne s’est pas fait avoir. Pas si cons.

Faisons gaffe quand même qu’un virus, d’accord un vicelard, un corona, y arrive à leur place sans même qu’on s’en rende compte. Alors, par pitié, les amis, sous le masque, et même si on ne se sert plus la main, on continue de se sourire. On reste nous-mêmes. On reste Charlie.

Matthieu Pays

La France à la carte

Moi, quand j’étais minot, à l’école où j’allais, il y avait des grandes cartes en couleur posées sur des rails accrochés aux murs. Elles tenaient par de gros œillets dorés et le maître ou la maîtresse pouvait faire coulisser les cartes pour afficher celle sur laquelle la classe devait plancher.

Elles étaient fabriquées pas loin d’ici, d’ailleurs, ces cartes, du côté de Montmorillon. Un geste et paf, on avait un topo sur la production nationale de charbon. Un mouvement de bras et zoup, les fleuves et rivières de France s’affichaient sous nos regards inquiets.

Elles sont un peu passées de mode ces jolies cartes illustrées. On les trouve encore parfois en brocante et on les achète pour la déco de nos maisons. Mais, quelque chose me dit qu’il va bientôt falloir penser à les ressortir, histoire de se rappeler comment c’était la France, avant.

Quand il y avait une ville qui s’appelait Le Havre, quand on pouvait partir en vacances sur l’île d’Oléron, quand les vignes de Saint-Emilion ne poussaient pas sur la plage. Allez, vous révisez cette semaine, et mercredi prochain : interro !

On s’est aimés comme on se quitte

Tu peux garder le pudding, je garderai le Paris- Brest. Tu peux garder la reine et Diana, il me reste Albert de Monaco et son rocher. Nous, on a la côte de granit rose alors, je te laisse le port de Douvres. Big Ben et Hyde Park, c’est pour toi. On a le Champ-de-Mars et les Invalides.

Bon, évidemment, pour les CD, il va falloir qu’on parle un peu. Il y a quand même des trucs qu’on a choisis ensemble. Bon, d’accord pour les Beatles, ils sont à toi. Garde aussi Elton John, pas de soucis. Mais bon, The Cure, Police et Cranberries, franchement, j’en ai payé au moins la moitié, non ? Et au fait ? Tu l’as mis où le Ken Loach ? Ben oui, juste à côté des Dardenne, quasiment Français, quoi ! Je te donne un Clavier et deux Jean Reno à la place, si tu veux.

Par contre, t’es gentil, tu me rends Jean-Jacques. Lui, j’en ai qu’un et le modèle ne se fait plus. Je te donne Daho en échange, si tu veux. Bon, ce qui est bien, c’est qu’on se quitte proprement, sans cri et sans drame. C’est vraiment mieux pour les enfants.

Matthieu Pays

Pourquoi tu tousses ?

Mais alors, c’est possible ! Un danger immédiat se fait jour et, comme un seul homme, l’Humanité prend les mesures qui s’imposent. Ce qui paraissait impossible quelques jours plus tôt semble soudainement frappé au coin du bon sens.

Placer une ville de 12 millions d’habitants en quarantaine, clouer tous les avions au sol, renoncer à des voyages touristiques qui, pourtant, font tourner la grande roue du capitalisme, tout cela se fait d’un coup d’un seul et tout le monde applaudit, en se collant un masque sur le nez.

Alors, si nous sommes collectivement capables de réagir avec une telle vigueur pour une pandémie qui fera sans doute plusieurs centaines de victimes de par le monde, je n’ose imaginer la réaction mondiale, massive et déterminée qui sera la nôtre face à un autre problème qui, selon les dernières études, devrait provoquer autour de 250 000 morts par an entre 2030 et 2050.

Alors, on se dit ça : on gère le coronavirus et on se met au réchauffement climatique ?

Matthieu Pays

Quinte de toux dans le tennis

Comme chaque année en janvier, le monde de la petite balle jaune débarque à Melbourne pour l’Open d’Australie. Mais attention cette année, l’homme à suivre ne s’appelle pas Nadal ou Djokovic, mais bien Brayden Schnur.

Comment suivre un joueur qui ne jouera pas le tournoi (car non qualifié) me direz-vous ? C’est très simple. Il ne vous aura pas échappé que l’accueil de ces millionnaires en tenue de sport (et d’un milliardaire depuis deux semaines : bravo Roger Federer !), a été éclipsé par les flammes destructrices qui ravagent l’Australie.

Écoutez la toux des joueurs sur les courts à cause de la qualité de l’air. Sentez le malaise s’installer en imaginant les forêts calcinées non loin de Melbourne, alors qu’ici, on joue au tennis.

Mais écoutez plutôt les grands joueurs répondre, hésitants, aux questions qui leurs sont posées sur la légitimité du tournoi dans ce contexte. Brayden Schnur (103e ATP) s’est posé en porte-parole de ce malaise et a récemment déclaré : « Federer et Nadal ne pensent qu’à eux ».

Jules Liévin

La cavale de Carlos

Plus rien n’arrête le nouveau roi du coup de théâtre. Après avoir visité les geôles japonaises, dans des conditions décrites par sa femme comme inhumaines – à deux doigts de le proclamer juste parmi les justes pour avoir subi un tel affront – Carlos Ghosn se fait la malle en douce pour rejoindre le Liban !

L’ex-patron de Renault-Nissan, libéré sous caution et assigné à résidence à Tokyo depuis avril, a manifestement de la suite dans les idées. Comme un petit sioux, Carlos a trompé la surveillance de ses gardes pour s’enfuir en avion privé en passant par la Turquie. Le lendemain, le 8 janvier, il dénonce devant la presse, visage tendu et traits tirés, un « coup monté » de la part de Nissan. Résultats des courses : le 9 janvier, Carlos est interdit par la justice libanaise de quitter le territoire.

Après avoir traversé la moitié du globe, le voilà coincé à domicile. Le pauvre homme, incompris de tous, est tel un poète romantique désespérant devant la vacuité de l’existence. Une seule solution Carlos : ouvre ton école d’art dramatique !

Marie-Élizabeth Desmaisons

« Compte » de Noël

Il était une fois, dans un village quelque part, vivait une très vieille dame très riche et très seule. Tous les monsieurs veufs de la contrée, attirés par l’odeur des fauteuils en cuir et du brandy tiède, chaque hiver, venaient toquer à la porte de son château pour lui demander par quel présents ils pourraient gagner son cœur.

Aux uns et aux autres, elle donnait les idées les plus extravagantes, les inspirations les plus abracadabrantesques. Et tous s’ingéniaient à dilapider ce qu’il leur restait de fortune pour la satisfaire, courant les drugstores et les internets de la planète.

Le jour de Noël, les cadeaux sans saveur s’entassaient dans la salle du trône sous l’oeil indifférent de la châtelaine. Puis, bien après les autres, alors que tous les chandeliers étaient éteints, vint un monsieur qui ne s’était pas annoncé. Timidement, il tendit à la dame un tout petit paquet. Comme elle ignorait ce qu’il contenait, elle le contempla de longues minutes avec des frissons dans les yeux. Jamais elle ne l’ouvrit et jamais elle ne se sépara du petit bonhomme qui n’aimait pas beaucoup le brandy tiède.

Matthieu Pays

Mourir, c’est interdit

Ils voient tout, les maires de France. Tout ce qui se passe dans la rue, dans une ville, dans une école et même parfois, dans le silence des foyers, tout finit par se retrouver sur leur bureau. Des moyens pour régler les problèmes, ils n’en ont pas beaucoup, mais les problèmes, ils les ont devant le nez.

À La Gresle, commune de 850 âmes du département de la Loire, le seul médecin accessible était celui du village voisin, lequel a récemment pris sa retraite. Alors, pour se faire soigner, des administrés vont jusqu’à Lyon, à plus de 75 km. L’autre jour, il a fallu plusieurs heures pour trouver un toubib pour constater un décès dans un Ehpad.

Alors, madame le maire en a eu marre. Face à l’absurdité de la situation, elle a choisi la seule arme possible : l’absurdité. Faute de soignants en nombre suffisant pour assurer les gardes, il est désormais interdit, par arrêté municipal, de mourir dans la commune les samedis, dimanches et jours fériés. Si les moribonds ne sont pas contents, qu’ils aillent se plaindre au Ministère de la Santé !

Matthieu Pays

Jour de grève

A la rédaction de tmv, on a pris un stagiaire. Ben oui, on est comme ça. C’était un garçon très bien qui nous avait été conseillé par des potes à France Bleu. Il avait déjà fait un stage chez eux et tout s’était bien passé. « Il a tout de suite su s’adapter à la culture de la maison », qu’ils nous avaient dit, les confrères.

Nous, normal, on veut l’impliquer dans la vie du journal, le garçon, on est bienveillants, tout ça. Alors on lui donne une petite brève à faire pour l’actu, histoire de jauger un peu la bête. Histoire de l’occuper un peu aussi, parce qu’à force de lui demander de nous amener du café, on avait un peu les nerfs en pelote devant nos écrans.

Au bout d’un bon petit moment, le gars vient me voir. Il me tend un papier et reste planté comme ça devant moi. Moi, plein de confiance et de confraternelle attention, je commence à lire les quelques lignes tapées en gros caractères sur la page blanche : “A la suite d’un mouvement de grève d’une partie du personnel, nous ne sommes pas en mesure de diffuser l’intégralité de nos contenus.” On apprend de ces trucs un jour de grève à Radio France !

Matthieu Pays

Rêve orange

Elle s’appelle Laure ou Claudine, Stéphanie ou Marie. Elle travaille à l’hôpital ou à l’école. Elle prépare les repas pour les enfants ou elle est la maîtresse d’une classe à double niveau dans un petit village du Poitou. Peut-être qu’elle n’a pas de travail ou peut-être qu’elle en a un et que ses collègues ne savent rien.

Elle est active dans une association. Elle fait de la musique ou elle aide aux Restos du coeur. Ou peut-être que non. Peut-être qu’elle reste à la maison et qu’elle essaie de s’en sortir. Elle vit à la campagne. Ou elle vit dans la banlieue d’une grande ville. Elle aime aller au cinéma ou elle préfère regarder sa série à la télé. Peut-être qu’elle ne saura jamais comment ça va se finir entre House et Jessica. Parce qu’elle sera morte avant le prochain épisode.

Lundi 25, c’est la journée mondiale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Il faut porter quelque chose de orange en signe de solidarité. OK, on va le faire. Mais ce qui serait vraiment bien, surtout, c’est qu’un voisin, un collègue, un ami, vous, moi peut-être, on arrive à sauver Laure ou Claudine, Stéphanie ou Marie.

Matthieu Pays

Espion, lève-toi !

Il faut savoir repérer les signaux faibles. Ce qui compte, ce qu’il faut vraiment regarder, c’est le changement d’attitude. Par exemple, votre ado est taiseux et s’exprime par mono syllabes. Ça, c’est normal. Mais, d’un coup, si vous le voyez marmonner doucement en penchant la tête vers son col et en regardant partout autour de lui, vous pouvez vous inquiéter.

Pareil si vous le voyez changer de code vestimentaire. Mettre des costumes sombres avec des cravates et des chemises blanches au lieu du jogging réglementaire, par exemple. Idem, passer sa vie sur les réseaux sociaux, c’est plutôt courant chez les jeunes. Mais si le vôtre affiche une page Excel en double écran : attention danger !

Et la menace est partout. Ils peuvent tous tomber dedans, pas seulement les gosses de riches dans les lycées des beaux quartiers. Ils vont chercher vos gamins à l’école, dans les salons sur l’orientation, sur internet… 1 200, ils seront à devenir des espions au service de la France, c’est programmé. Et ça peut arriver à tout le monde.

Matthieu Pays

Prix Goncourt (après quoi ?)

Il y a ceux qui font pousser des fleurs sur les trottoirs. Il y a ceux qui écoutent les infos dans leur casque connecté. Il y a ceux qui regardent la télé le soir après le dîner et il y a ceux qui préfèrent aller dîner en ville. Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon.

Il y a ceux qui briguent des mandats. Qui veulent être président. Président de quelque chose, ça fait joli dans les salons. Et puis, il y a ceux qui ne sont que simples sujets, sans objet précis, et qui se trouvent très bien comme ça. Il y a ceux sur les affiches et il y a ceux qui ne sont candidats à rien et qui en oublient même, parfois, de voter.

Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon. Il y a ceux qui sont dans les livres, il y a ceux qui les lisent et il y a ceux qui, parfois, les écrivent. Il y a ceux qui courent après les honneurs, qui s’en nourrissent, qui les affichent. Et puis, il y a ceux qui disent qu’un prix Goncourt, eh bien non, cela ne va pas changer vraiment la réalité de leur vie. Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon.

Matthieu Pays

Un point c’est tout

Point sur le i du mot Brexit. Relu, négocié, disséqué, point par point. Et poings levés dans les rues de Hong-Kong, depuis vingt semaines, déjà. Point chaud, manifestants sous les verrous. Point de nouveau à espérer. Il faut rentrer dans le rang : point à la ligne. Point sur les i du mot Chili, pays en guerre, dont on ne dit rien.

Point mort en Syrie, armées face-à-face et populations blessées. Un avenir en point de croix. Point de départ, en gare d’ici et d’ailleurs. Pas trop sûr d’être à l’heure à son point d’arrivée. Et tous ces points dans ces sondages, ces élections de par le monde. Peuvent-ils vraiment changer la vie ? Point de suspension.

Beaucoup de vies en pointillé, loin des journaux télévisés, des vies pas nettes, des avenirs flous. C’est compliqué de faire le point. Et dans un match, au point du jour, par un méchant dimanche de pluie, il manque un point et tout s’effondre. Ce n’est qu’un tout petit point dans le tableau. Un point de détail qui nous rappelle le mal que fait un point final.

Matthieu Pays

SOURIRE

Tandis que dans les faubourgs d’Ankara désertés par les soldats US, les Turcs écrasent les Kurdes sur les ruines d’un monde écroulé, tandis qu’un président au toupet orange s’agite dans son bureau ovale, tandis que les banquises craquent et que les glaciers fondent, tandis que le monde se fissure de partout comme une tartine de pain grillé, ils courent. Lui à Vienne, elle à Chicago.

Ils courent et ils semblent voler sur l’asphalte. Leurs semelles ne font que frôler le sol. Elle est anecdotique, leur course. Elle n’a pas d’importance. Elle ne fera pas taire les armes, elle ne changera pas l’air de la planète. Ils courent le marathon, le même week-end, chacun d’un côté de l’océan.

Et jamais un homme et jamais une femme ne l’a couru aussi vite. Cette homme et cette femme, Eliud et Brigid, kényans tous les deux, ont fait tomber, ce week-end, une des plus incroyables barrières humaines. Un marathon en moins de deux heures pour un garçon et en moins de 2 h 15 pour une femme. Qu’il nous soit permis d’y voir un sourire de la vie, dans une période qui en a bien besoin.

Matthieu Pays

Aïe, aïe, aïe

C’est la crise en Tunisie, l’effondrement, la grande peur, la fin du monde. Ce pays, qui fut le berceau des printemps arabes, a connu ce week-end un coup de Trafalgar, une de ces tragédies qui laissent dans les cœurs et dans les veines, une plaie béante.

Non, je ne parle pas de la mort du Président Essebsi, ni encore moins de celle du vieux dictateur Ben Ali dont la disparition a quand même fait moins de peine aux Tunisiens que celle de son ami Chirac à nos compatriotes. Je ne parle pas non plus des élections législatives dans le pays qui nous promettent une belle pagaille institutionnelle dans les mois qui viennent. Ça, quand on regarde la participation ce dimanche, on se dit que les Tunisiens s’en soucient comme de colin tampon.

Non, l’atrocité, c’est que ce week-end, dans une indifférence médiatique qui me sidère, le Sénégal a détrôné la Tunisie pour le titre de meilleur couscous du monde, lors de la 22e “Cous Cous Fest”, organisée en Italie. Tout ça pour une version avec du poulpe et de la mangue. Où va le monde, je vous le demande, ma bonne dame.

Matthieu Pays

BACK HOME !

Bon, Emmanuel, 2022, c’est demain, faut se bouger, maintenant. C’est bien beau de faire la Une du Time, de prononcer de beaux discours devant tes copains, de parler d’immigration en tapant sur la table et en faisant celui à qui rien ne fait peur…

Mais tout ça, c’est le vieux monde, c’est de la politique à papa, c’est la loose. Ce qu’il faut, Emmanuel – Monsieur le Président, pardon – c’est profiter des opportunités que te donne l’actu, faut être au taquet, mon vieux ! Par exemple, là. Tu es à New York pour l’ONU, le machin de l’ancien temps, tout ça. Bon, tu écourtes un peu (de toute façon, franchement, personne ne s’écoute, alors…) et tu te lances dans une grande tournée de sauvetage.

Cinq jours, cinq continents, tu ramènes à la maison tous les Français laissés sur le carreau par ce gros British de Thomas Cook. À l’arrivée, photo de groupe sur le tarmac du Bourget et selfie sur ton twitter. Et bam dans la face à Boris et à son Brexit. Et vlan 5 points de mieux dans les sondages. Le voyagiste se crashe et toi, tu t’envoles ! Ça, c’est du boulot !

Matthieu Pays

LA QUESTION DU JOUR

Je peux vous donner un petit conseil de vie, un truc simple, façon développement personnel, tout ça ? Quand une question vous taraude tellement que vous n’arrivez plus à dormir, à manger, à sourire, quand une question vous paraît tellement insoluble que vous y perdez votre latin et le peu de grec que vous savez, au lieu de vous user la santé à tenter d’y répondre, mettez-la sous l’oreiller.
Ou sous le tapis, comme vous voulez.

Et pourquoi donc, alors, faire cela ? me direz-vous plein d’une légitime méfiance ? Tout simplement parce que la question d’aujourd’hui sera la réponse à celle de demain. Je sais, c’est un peu puissant.
Prenez le temps d’assimiler… Et ça vaut pour les toutes petites comme pour les très grandes questions.

Un exemple ? Voici une question cruciale, posée par le Général de Gaulle aux Français, le 14 janvier 1963. Je cite : “Comment faire pour que l’Angleterre, tel qu’elle vit, tel qu’elle produit, tel qu’elle échange, soit incorporée au marché commun tel qu’il a été conçu et tel qu’il fonctionne ?” 50 ans plus tard, la réponse est limpide, non ?

M.P.

Le loto perd la boule

Vous vous rendez compte ? Elle sera bientôt à nous, la Française des jeux. À nous pour de vrai : on va pouvoir faire tout ce qu’on veut ! Non, parce que c’est quand même bien plan-plan, tout ça, la bou-boule qui tourne, les petits numéros, Jean-Pierre Foucault…

C’est la loterie à la papa, quoi. Si on rachète le bouclard, il faut innover, faire bouger tout ça.

Tiens, par exemple, une idée de gratte-gratte qui me vient comme ça : une carte du monde, si vous découvrez trois bombes rouges sur le même continent, c’est le jackpot !
Ou alors, tiens, Ouragan, une boule bleue qui tourne autour d’un continent, selon la côte où elle s’arrête, vous gagnez plus… ou moins. La Floride, c’est mieux que Cuba et Cuba c’est mieux que la République Dominicaine !

Encore mieux : La Boulette à Donald, à chaque tweet, vous engrangez des points, avec un bonus sur le nombre de like. Ça sera comme avant, les jeux d’argent vont toujours nous coûter aussi cher, mais au moins, on pourra rigoler en se faisant plumer !

Matthieu Pays

Le poumon, vous dis-je !

Le problème de notre monde, ce n’est pas la tête. Ce n’est pas qu’elle soit spécialement bien faite ou bien pleine, mais elle est là, la tête. Elle était même confortablement posée sur le coussin douillet de Biarritz, ce week-end.

C’est sûr, toutes sortes d’idées plus ou moins saugrenues ou avouables la traversent, de l’arrogance d’un président à la mégalomanie d’un autre, d’un rêve de grandeur à une nostalgie mal placée. Mais bon, la Terre ne va pas s’arrêter de tourner pour une petite migraine. Le problème de notre monde, ce n’est pas le cœur. Il a en, du cœur, le monde.
Ça cogne et ça se bat, partout et tous les jours.

Non, le problème de notre monde, c’est le poumon. Et le malade n’est pas imaginaire. Notre problème, celui qui arrêtera, un jour, notre course folle, c’est le gros trou que nous nous faisons dans la forêt amazonienne qui part en fumée sous nos yeux, dans la couche d’ozone, dans la calotte glaciaire.

Ne nous y trompons pas : c’est l’oxygène qui va nous manquer, pas les idées et pas les bonnes âmes.

Matthieu Pays

C’est les vacances !

ET UNE SAISON DE PLUS, UNE ! Voici donc venu le temps de notre petite pause estivale. Une fois de plus, nombreuses ont été les (belles) rencontres, les surprises et les bons moments.

Une fois de plus, vous avez été au rendez-vous, le mercredi, à prendre votre tmv sous le bras et piocher à droite à gauche, un horoscope, un reportage, une interview ou une critique ciné. Mais Tmv va maintenant enfiler son maillot et ses tongs (sans les chaussettes, pitié) pour quelques semaines de repos, avant de revenir à la rentrée. B

ien sûr, nous n’allons pas vous laisser comme ça, seul(e)s et fébriles, la main tremblante : pour ce numéro estival, voilà donc sept mini-tmv à grignoter tout au long des vacances jusqu’à notre retour, avec un paquet de bonnes idées et de sorties à faire si vous restez à Tours ou dans les alentours… et bien entendu, un horoscope plein de soleil en fin de journal. Bref, à consommer sans modération.

D’ici là, bel été à toutes et à tous et excellentes vacances ! Revenez en pleine forme.
Rendez-vous le 28 août !

La rédac’

 

DES LIGNES

DES LIGNES, c’est bien un truc d’humain ça, de tracer des lignes partout comme ça. Des lignes droites, gravées dans le sol et qui séparent deux pays pour toujours. Des lignes si puissantes qu’un président américain, juste en les franchissant d’un pas, croit entrer dans l’histoire. Des lignes tracées par les guerres et les traités, blanches pour la photo mais, le plus souvent, rouge du sang des hommes.

Ce n’est rien, une ligne, qu’un trait de peinture posé par terre, sur le goudron des frontières ou sur la pelouse d’un stade de foot. Et pourtant, ça change tout.
Si le ballon franchit la ligne blanche, c’est l’explosion. Des larmes pour les unes, le grand bonheur pour les autres. Si le pied n’est pas posé sur la ligne, plus rien ne va, il faut retirer le penalty.

Et vous savez quoi ? Des lignes, on en a même dans la tête. Les idées des hommes, noires ou vertes, bleues ou rouges, finissent toujours par suivre une ligne. Et même à tmv on a la nôtre, éditoriale, qui guide nos choix et nos journées.

Oui, mais voilà, si on efface les lignes, on ne peut plus jouer au ballon. Et puis, effacer l’histoire, quelle folie ! Alors, comme les enfants, jouons des lignes. Comme les artistes, dansons dessus et le monde, je vous assure, en sera plus léger.

Matthieu Pays

Baba au rhum

IMAGINEZ. Vous entrez chez votre pâtissier préféré, les papilles déjà émoustillées par la promesse des saveurs fruitées, sucrées, chocolatées qui vont s’offrir à vous.
Déjà, vous salivez à l’idée de ce dessert que vous allez rapporter pour votre déjeuner dominical en famille. Vous entrez chez votre pâtissier préféré et, en un mot comme en cent, c’est un peu la fête…

Et là, dans tous ses présentoirs réfrigérés, vous voyez quoi, alignés comme une armée de clones de l’armée impériale ? Une impressionnante collection de Paris-Brest. Que des Paris-Brest. Des Paris-Brest partout. À la place des éclairs, des opéras, des fraisiers, des Balzac, même : des Paris-Brest. Vous vous étonnez.

Vous questionnez. « Oui, mais les gens, ce qu’ils veulent, c’est des Paris-Brest », qu’il vous dit, votre pâtissier préféré. Dépités, vu que vous n’avez pas envie de renoncer à votre dessert du dimanche, vous grognez un peu et puis, vous achetez un gros Paris-Brest bien crémeux. C’est pas que vous n’aimez pas les Paris- Brest, mais bon, vous auriez bien aimé avoir le choix, rêver un peu, quoi…
Maintenant, arrêtez d’imaginer et remplacez le mot « pâtissier » par le mot « média » et « Paris-Brest » par « canicule ». Et bon appétit, bien sûr !

Matthieu Pays

Bac nouvelle génération

PARCE QUE LES SUJETS DU BAC DE PHILO 2019 AVAIENT UN GOÛT D’ACTUALITÉ… Et qu’une aide supplémentaire est toujours la bienvenue.

Sujet 1 : « Le travail divise-t-il les hommes ? » (Vous vous aiderez, dans votre réflexion, de la réforme des retraites étudiée par le gouvernement)

Sujet 2 : « La morale est-elle la meilleure des politiques ? » (Illustrez votre propos avec l’affaire Balkany)

Sujet 3 : « Les lois peuvent-elles faire notre bonheur ? » (Soulignez votre analyse avec les dernières déclarations d’Emmanuel Macron se montrant sceptique quant à la loi Asile et Immigration)

Sujet 4 : « Est-il possible d’échapper au temps ? » (Ne soufflez pas la réponse au bachelier de 77 ans, le plus âgé de 2019)

Sujet 5 : « Reconnaître ses devoirs, est-ce renoncer à sa liberté ? » (Document ci-joint : Violences policières, l’utilisation du LBD a connu une hausse de 203 % en France.)

Sujet 6 : « Seul ce qui peut s’échanger a-t-il de la valeur ? » (Conseil : ne parlez pas des deux policiers mis en examen pour trafic de drogue)

Commentaire de texte : « Récemment, la classe politique s’est insurgée des propos polémiques de la chanson « Doux pays » du rappeur Nick Conrad, mais pas de la tenue d’un concert néo-nazi en Bretagne pour célébrer l’anniversaire d’Hitler. Expliquez pourquoi. »

Aurélien Germain

COMME UN ARBRE DANS LA VILLE

PRENEZ UN BÉBÉ CHÊNE, UNE JEUNE POUSSE PROMETTEUSE QUE QUELQU’UN, dans une exploitation forestière du nord de la France, choisit entre des milliers d’autres pour lui donner un destin exceptionnel. Il sera l’arbre que la présidence de la République lui a commandé pour être offert au président américain à l’occasion d’un voyage présidentiel outre-Atlantique.

Le symbole du chêne, tout ça, on ne vous fait pas un dessin. Et voilà la jeune pousse choyée, mise en pot et à la place de choix dans l’avion présidentiel. On la bichonne pour qu’elle soit la plus belle, la plus saine, la plus vivace de sa génération.

Et vient le jour de gloire, deux présidents, pelle à la main qui font mine de lui creuser son trou. En fait, pour de vrai, il est prêt depuis longtemps le trou, mais c’est pour la photo.
Et la photo, elle fait le tour du monde, le petit chêne s’imprime sur les journaux du monde entier. Puis, les feux de la rampe s’éteignent, les grosses voitures officielles repartent. On laisse l’arbuste tout seul dans son coin. Mais pas longtemps.

Un peu plus tard, on vient le déplanter et le remettre dans un autre pot, à la va-vite, sans terre et sans eau. Puis, on le met en quarantaine, au Guantanamo des organismes vivants, des fois qu’il ait fait rentrer sur le précieux sol américain quelque saleté venue d’Europe. Et on l’oublie. Le chêne de l’amitié, planté en grandes pompes, sous les sourires et les flashs, en avril 2018, meurt dans un entrepôt comme une mauvaise herbe. Symbole, vous avez dit symbole…

Matthieu Pays

JOUR DE FOIRE

ALEXANDRE PARCOURT DE SON REGARD PERÇANT LES ALLÉES DE LA FOIRE DU TRÔNE. Il marche d’un pas faussement nonchalant entre les vendeurs de pommes d’amour et les stands de barbe-à-papa.

À la ceinture, un talkie dernier cri et, sous sa veste en cachemire, dans son holster en cuir de Cordoue, un Magnum 357 factice qu’il espère ne pas avoir à sortir aujourd’hui. Depuis qu’on lui a confisqué le sien, Alexandre n’est plus le même. Il est comme perdu. Lui, qui a tant fait pour son pays, comment ont-ils pu lui faire ça ?

Sans bonne sécu, il n’y a pas de bon candidat, il n’y a pas de bon président. Il le sait bien, Manu. Il a cette dette envers lui et il le sait. Marcel, c’est un forain qui en a, lui au moins, c’est sûr. Ils se sont tapé dans la main, ils ont fait ça à l’ancienne.
Il sait qu’on ne peut pas doubler un gars comme Alexandre, Marcel. Alors y’a la confiance. Au bout de l’allée, la grande roue attire les badeaux et les gamins surexcités. Ça grésille dans le talkie. « Alex, Alex ! Ici central. Tu peux checker à la billetterie entrée sud. On nous a signalé un vol de doudou. »

Alexandre accélère le pas. Juste quand il passe devant le grand chamboultout, la tête d’un petit Laurent Wauquiez en chiffon est dégommée par un gamin en costume bleu. Ça ne le fait même pas sourire, Alexandre.

Matthieu Pays

A voté !

JE LES AI VUS À DEUX SUR UN VÉLO, LUI DEVANT, ELLE ACCROCHÉE À LUI, BALANÇANT SES JAMBES EN AVANT COMME SUR UNE BALANÇOIRE. Ils roulaient en zigzaguant un peu et en riant beaucoup, chahutés par les pavés de la rue Colbert. Ils venaient de se casser le nez à l’école primaire Anatole-France où, ils en étaient sûrs, se tenait leur bureau de vote.

Ils faisaient le tour du quartier, à la recherche d’une mystérieuse rue des Jocobins dont ils ignoraient jusqu’à l’existence. Smartphone en main, ils n’avaient pas tardé à revenir sur leurs pas, découvrant que la rue en question se trouvait à deux pas de leur point de départ.

« C’est au gymnase Anatole-France, en fait… » Ils avaient laissé sans l’attacher le vélo à l’entrée du bureau. Lui s’était rendu compte en entrant qu’il avait oublié sa carte d’identité chez lui. Il avait voulu renoncer et elle avait dit, non, vas-y cours, tu as le temps. Il était revenu un peu plus tard, essoufflé mais ravi. Il restait dix minutes avant la fermeture du bureau, on était large. Ils s’étaient demandé comment faire, quels bulletins prendre ?

Les prendre tous ? « Pas écolo, tous ces papiers. » Ils avaient bien ri en entrant chacun dans leur isoloir. Ils s’étaient approchés de leur bureau, un peu intimidés. « Il faut aller où ? », « C’est écrit là, sur ta carte, regarde ! ». Et puis, ils avaient accompli pour la première fois le petit rituel républicain : l’identité, l’enveloppe, la signature. Et le monsieur, avec un petit regard complice avait dit : « A voté ».

Et cela, pour eux, voulait dire : « Est devenu adulte », « Peut faire entendre sa voix ». Rien de moins.

Matthieu Pays

Nom de Zeus !

— « MARTY, NOM DE ZEUS ! LE MONDE DE 2019 EST DEVENU UN ENFER ! Si nous ne faisons rien, les réseaux sociaux vont dévorer les cerveaux de vos enfants, les hommes vont assécher la planète et le Tours FC va finir en troisième division de district. Et toi, Marty… »
— « Quoi Doc, qu’est-ce qui m’arrive dans le monde de 2019 ? »
— « Il vaut mieux ne pas le savoir, cela pourrait avoir des conséquences
intergalactiques catastrophiques et conduire à l’implosion de la galaxie. Mais c’est que ce n’est pas beau à voir. Monte dans la machine, nous partons immédiatement !
— « Mais Doc, nous partons où ? »
— « La vraie question est : nous partons quand ? Dans les années 80, Marty, c’est là que tout à commencé. Le premier Mac Classic, le Club Dorothée, les plats lyophilisés, la Golf GTI, Dallas à la télé, le tournant de la rigueur ! Il faut créer un nouvel espace-temps, une réalité alternative, dans laquelle tout cela n’arrive pas. Alors, les algorithmes ne prendront pas le pouvoir et la planète pourra respirer ! »
— « Et pour le Tours FC, doc ? »
— « 1983, Marty, dernier match de la saison à la Vallée du Cher. Il faut absolument empêcher Delio Onnis de quitter le club. Tout part de là ! En voiture, nom de Zeus ! »

FICTION (enfin espérons…)

14 MAI 2039. C’est de son hydro-plateforme amarrée quelque part en mer de Béring et dont la position est un des secrets les mieux gardés du monde, que Mark Zuckerberg a fait ce matin, jour de son 55e anniversaire, une déclaration universelle via les réseaux mondiaux qu’il contrôle.

« C’est avec fierté et un grand bonheur que je proclame aujourd’hui et unilatéralement, la naissance FaceWorld en tant qu’État indépendant », a déclaré le patron, entre autres, de Facebook, Instagram et Whats’App. Cette déclaration vient confirmer une situation de fait, puisque FaceWorld contrôle plus de 90 % de l’activité mondiale sur les réseaux sociaux et que ses revenus échappent très largement à toutes les règles fiscales des pays où l’entreprise est déployée.

Son chiffre d’affaires global, de 6 200 milliards de dollars, place le groupe en troisième position des pays les plus riches du monde. Dans sa déclaration, le dirigeant autoproclamé indique qu’il ne revendique aucune place dans les instances internationales existantes, précisant qu’il ne reconnaît pas leur légitimité et ne soumettra à aucune de leurs injonctions. FaceWorld ne dispose que d’une armée symbolique, mais le nouvel État contrôle de fait l’intégralité de la circulation des informations dans le monde.

Mark Zuckerberg est donc assis sur un puits de pétrole qui ne semble pas prêt de se tarir.

Matthieu Pays

MERCI FRED

L’AUTRE SOIR, IL Y AVAIT FRED VARGAS À LA GRANDE LIBRAIRIE et ce n’est pas très souvent qu’elle vient à la télévision, Fred Vargas. Ce soir-là, elle n’était pas là pour présenter son dernier Adamsberg. Elle en a vendu cinq millions en dix ans, merci, elle n’a pas besoin de ça. Non, elle était venue pour un essai qu’elle a écrit en urgence absolue, à la suite de l’échec de la Cop 24, en décembre dernier et qui s’intitule L’Humanité en péril. Parce qu’elle est chercheuse, en fait, Fred Vargas. Des années au CNRS, spécialité archéozoologie.

Et, sur le plateau, elle a fait tout ce qu’il ne faut jamais faire à la télé. Elle a monopolisé la parole, elle n’a pas répondu aux questions, elle s’est embrouillée, elle s’est prise au sérieux et, crime absolu à l’ère cathodique, elle n’a pas été très rigolote. C’était pénible à suivre, brouillon, agaçant, même parfois. Mais sincère. Sans formatage. Et c’est pour ça qu’on l’a écoutée. Pour ça, justement, que le message est passé. Enfin. Elle n’était pas venue participer à une émission de télévision.

Elle était venue lancer un cri d’alarme. Sans éléments de langage, mais avec son bagage de femme, d’artiste et de scientifique. L’abbé Pierre, en 1954, en quelques mots de fureur, avait fait changer le regard des Français sur la pauvreté, sur le mal-logement. Fred Vargas, en quelques minutes à la télé, a fait pareil avec l’urgence climatique. Merci Fred.

RECONSTRUCTIONS

À L’IDENTIQUE OU MISE AU GOÛT DU JOUR ?

En bois ou en béton ? Les projets de reconstruction de Notre-Dame s’empilent et la fine fleur de nos architectes rivalise de talent et d’inventivité pour répondre à l’appel de grandeur lancé l’autre jour par notre Président. Tmv, vous le savez, n’hésite jamais à s’engager et à entrer dans le débat et si nous pouvons apporter notre pierre à l’édifice, à notre modeste niveau, il est de notre devoir national de le faire. Voici l’idée : au lieu de choisir entre toutes ces propositions qui sont chacune un des reflets du génie français, si on les adoptait toutes ?

Concrètement : on refait la charpente et on installe un système de clips pour la flèche. Comme ça, on peut alterner. Et les possibilités sont infinies : Baccara, pour son anniversaire, peut nous faire une belle flèche en cristal. Patrick Roger nous en fait une version en chocolat pour Noël. En forme de fusée pour célébrer un nouveau lanceur Ariane…

Infini, on vous dit. Après, pourquoi pas, on met aussi la rosace et les vitraux dans le thème avec des verres amovibles. Et, chaque fois que les touristes viendraient à Paris, Notre-Dame serait, comme dit le poète ni tout à fait la même ni tout à fait une autre. Magique !

Matthieu Pays

La leçon des pierres

IL Y A QUOI, DEUX MOIS, QUELQUES SEMAINES, j’y suis passé devant la vieille dame de Paris. Avec des amis, nous avions flâné sur les quais de la Seine et nous avions soudainement décidé de nous offrir une glace sur l’île Saint-Louis.

Nous sommes restés quelques minutes sur le parvis de Notre-Dame, levant la tête pour guetter les grimaces des gargouilles, slalomant entre les files de touristes et les vendeurs à la sauvette. Et je me souviens avoir eu envie d’entrer. Mais le long serpent polyglotte qui s’étirait devant la façade majestueuse m’avait découragé et, une fois de plus, j’avais reporté à ma visite à plus tard. Je ne reverrai plus comme je l’ai connue la nef de la cathédrale Notre-Dame.

En une nuit, le moment est passé et ce que je croyais pouvoir remettre à demain s’est soudainement évaporé. Et, curieusement, au matin de cette nuit d’incendie, ce n’est pas aux pierres que j’ai pensé. C’est aux gens.
À ceux que l’on imagine tellement à portée de main, à portée de cœur que l’on ne prend plus la peine de les visiter. À ceux que l’on aime, bien sûr, mais que l’on ne fait finalement que croiser. À ceux que l’on reverra, un jour. Chacun tirera de la catastrophe de Notre-Dame l’enseignement ou la morale qu’il voudra. Moi, j’en retiens une leçon de vie : il ne faut jamais remettre une visite à demain.

Matthieu Pays

LA LEÇON DES PIERRES

IL Y A QUOI, DEUX MOIS, QUELQUES SEMAINES, j’y suis passé devant la vieille dame de Paris. Avec des amis, nous avions flâné sur les quais de la Seine et nous avions soudainement décidé de nous offrir une glace sur l’île Saint-Louis. Nous sommes restés quelques minutes sur le parvis de Notre-Dame, levant la tête pour guetter les grimaces des gargouilles, slalomant entre les files de touristes et les vendeurs à la sauvette. Et je me souviens avoir eu envie d’entrer. Mais le long serpent polyglotte qui s’étirait devant la façade majestueuse m’avait découragé et, une fois de plus, j’avais reporté à ma visite à plus tard. Je ne reverrai plus comme je l’ai connue la nef de la cathédrale Notre-Dame. En une nuit, le moment est passé et ce que je croyais pouvoir remettre à demain s’est soudainement évaporé. Et, curieusement, au matin de cette nuit d’incendie, ce n’est pas aux pierres que j’ai pensé. C’est aux gens. À ceux que l’on imagine tellement à portée de main, à portée de cœur que l’on ne prend plus la peine de les visiter. À ceux que l’on aime, bien sûr, mais que l’on ne fait finalement que croiser. À ceux que l’on reverra, un jour. Chacun tirera de la catastrophe de Notre-Dame l’enseignement ou la morale qu’il voudra. Moi, j’en retiens une leçon de vie : il ne faut jamais remettre une visite à demain. Matthieu Pays