Eric Maravélias : au bout du noir

Dans son deuxième roman, Au nom du père, paru en février dans la Série noire, Éric Maravélias décrit la société telle qu’il la voit. Une fable pessimiste et onirique.

PAUSE_PORTRAIT_MARAVELIASSon premier roman, La Faux soyeuse, inspiré de son parcours personnel, avait provoqué en 2015 un séisme dans le milieu littéraire ; Éric Maravélias se savait attendu pour son deuxième opus.

Publié au bout de cinq ans d’écriture et de péripéties dans le monde de l’édition, Au nom du père est moins âpre mais tout aussi sombre. « Ce sera sans doute mon dernier livre », explique-t-il.

Autodidacte, lecteur compulsif, dévorant Montaigne comme Chase, Eric Maravélias lit par passion, écrit par pulsion et avoue avoir perdu la flamme. Après la musique, la poésie et la sculpture, il trouve aujourd’hui son moyen d’évasion en composant.
« En ce moment, c’est Bach, seulement Bach. Il y a toute la musique, dans Bach ! » Son roman Au nom du père est une fiction dans laquelle il décrit la société telle qu’il la perçoit : « Un monde où l’on a banni le père, Dieu, les repères, dans lequel tous les personnages sont en quête d’amour. Cristalle, la pauvre gosse, qui ne sait même pas ce que c’est, Dante, qui achète l’amour en s’offrant des filles, Akhan qui n’aime plus sa femme… Parce qu’au fond, l’amour, c’est ce qu’on cherche tous, non ? »

« Ce monde irrespirable existe déjà »

L’histoire ? Dans un Paris dantesque, écrasé par la pollution, la corruption et les trafics d’influence, Dante, un vieux mafieux, se bat contre un ami perdu et un fils nié. L’histoire finira mal, on s’en doute. Au nom du père se lit comme un conte noir, dans lequel il n’y a pas de héros mais une galerie de personnalités déglinguées, une volonté de l’auteur qui souhaitait composer des personnages secondaires forts.

« Des critiques parlent de dystopie, mais ce monde irrespirable existe déjà et ceux qui ne le voient pas n’ont jamais mis les pieds hors de leur quartier. Liberté, égalité, fraternité ? Aujourd’hui, ce ne sont que des concepts. Paris est entouré de camps géants, toutes les démarches se dématérialisent, on est tous ligotés par notre carte bleue… Le cash deviendra bientôt la chose la plus précieuse. C’est ce cash, un sac plein de billets, qui noue le destin de mes personnages. » PAUSE_POLAR

Enfant du bitume, Éric Maravélias a aujourd’hui quitté Saint-Pierre-des-Corps pour vivre à la campagne avec sa compagne. Un besoin de retrouver l’essentiel, de se protéger. Il maçonne, jardine. N’écrit plus. « Je n’ai pas envie de jouer, de faire semblant, de faire mon beau quatre fois par jour sur les réseaux sociaux. On demande aux écrivains publiés de se mettre en scène comme des produits. Mais c’est ce qu’on écrit qui devrait intéresser les gens, rien d’autre. Construire un mur, planter des légumes, c’est du concret. Ça me semble plus utile. »

>Au nom du père, Gallimard,
384 p., 21 euros.
> Bande-son pendant l’écriture de cet article : Mischa Maisky plays Bach Cello Suite No.1 in G.

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