Dans la rue, aux côtés de Tiphaine Le Berre, éducatrice de prévention spécialisée

#VisMaVille Si on allait un peu vite, on dirait que Tiphaine Le Berre est « éduc’ de rue ». Le terme exact, auquel elle tient tout autant, est « éducatrice de prévention spécialisée », car parcourir les allées du quartier des Fontaines n’est qu’une partie de son quotidien.

Une maman qui ne sait plus trop comment gérer son ado. Un lycéen un peu perdu dans sa scolarité. Une autre en profond mal-être… Tiphaine Le Berre est amenée à traiter des problématiques variées, au coin d’une rue, ou dans le Cube, le local situé entre le 3 et le 5 de la rue Verdi aux Fontaines.

« Dans chaque quartier où nos services sont présents, il y a un local ou un appartement, pour pouvoir accueillir les jeunes ou leurs familles dans un cadre serein », explique l’éducatrice en prévention spécialisée, salariée du Département.

Sur le canapé du Cube, Tiphto nous fait son regard de velours. Ce dinosaure en peluche choisi par de grands ados doit son nom aux prénoms des deux éducateurs, Tiphaine et Thomas. Le babyfoot à côté pourrait être trompeur : « Nous ne sommes pas un centre social bis, où on vient s’inscrire à des activités. Notre objectif est d’aller chercher les jeunes qui se tiennent justement en retrait de ces structures, de ces autres acteurs du territoire. »

Et c’est en étant immergés sur le terrain que les éducateurs spécialisés y parviennent (ou pas, selon les cas). Donc oui, bien sûr, une partie du métier consiste à arpenter les rues du quartier, à s’arrêter devant les halls d’immeubles pour parler avec ceux qui y tiennent les murs.

Aux Fontaines, Tiphaine et Thomas ont ainsi un parcours-type, qui passe par les lieux les plus fréquentés. Mais ce n’est pas tout ! Tiphaine est aussi souvent au Cube, où des permanences sont assurées. Et à force de ténacité, et de liens tissés au long cours avec les habitants, ceux-ci ont trouvé l’astuce : permanence ou pas permanence, si les volets sont ouverts, c’est qu’il y a du monde et qu’on pourra y trouver quelqu’un avec qui dialoguer. Dans l’anonymat, sans contrainte de temps, en toute liberté.

D’ailleurs, ça ne trompe pas : ici, on ne tient pas de dossier sur les gens qu’on rencontre, que ce soit une rencontre unique ou un suivi sur quelques mois. Un élément essentiel pour instaurer un climat de confiance. C’est aussi pour cela que le tutoiement est souvent de rigueur. « On n’est pas en position de supériorité : on écoute d’abord le besoin de la personne, avant d’être à ses côtés dans les démarches qui nous semblent pertinentes pour l’aider. »

Esprit d’analyse, connaissances en sociologie et en psychologie… Educ’ de rue c’est un métier, qui ne consiste pas qu’à se balader dans les rues. Il y a aussi les chantiers éducatifs et projets collectifs avec des partenaires variés (Terres du Son, les Restos du Cœur et bien d’autres), ou le Street Van du Département que les éducateurs amènent dans des collèges des quartiers prioritaires de la politique de la ville, pour rencontrer et sensibiliser les élèves à des questions variées, en concertation avec les équipes enseignantes. Parce que pour aller à la rencontre des ados égarés, il faut être présent sur tous les terrains !

Texte et photos : Emilie Mendonça

« Il vaudrait mieux s’appuyer sur les acteurs de l’économie sociale et solidaire »

Parce que l’économie sociale et solidaire prend tout son sens dans les quartiers prioritaires, nous avons rencontré Julien Keruhel, directeur du centre social Pluriel(le)s au Sanitas à Tours. Pour que la rénovation du quartier ne se fasse pas sans ses habitants, l’association co-pilote le projet Sanitas du Futur, présenté dans l’exposition du Cré-sol « C’est quoi l’économie solidaire ? », un événement du mois de l’ESS.

Julien Keruhel

L’économie sociale et solidaire (ESS), ça vous parle ?
Bien sûr. Aujourd’hui, en France, on valorise beaucoup les start-ups, mais à mon avis, il vaudrait mieux s’appuyer sur les acteurs de l’économie sociale et solidaire, créateurs d’emplois non délocalisables, dans une recherche constante d’innovation sociale. Au centre social, même si nous n’en parlons pas chaque jour, nous vivons les principes de l’ESS au quotidien. La vocation sociale est notre ADN et notre gouvernance est vraiment démocratique : l’indépendance de notre conseil d’administration, composé de personnes d’origines et d’âges variés, la plupart issues du quartier, constitue une réelle force.

Parmi vos projets phares, il y a Sanitas du futur…
L’objectif est de redonner aux habitants du pouvoir d’agir. Leur permettre de transformer leur vie, c’est la vocation d’un centre social. Avec près de 9 000 personnes, le quartier le plus pauvre de Tours rassemble le pire comme le meilleur : la solidarité du village et la violence du ghetto. Les habitants, qui subissent méfiance et stéréotypes, sont fatigués des promesses non tenues…

Lorsqu’on organise une réunion publique, la salle est vide. Pourtant, ils ont des choses à dire. Pour leur redonner du pouvoir, du poids sur les décisions publiques, nous devons changer de méthode. Tout le monde — professionnels, élus et habitants — doit s’y mettre ! Le projet, qui rassemble l’association Pih-Poh (le chef de file), le centre social et d’autres partenaires comme des coopérateurs d’Artefacts et le Cré-sol, s’inscrit dans la rénovation du Sanitas.

Comment rencontrez-vous les personnes isolées ou désabusés, celles qui ne fréquentent jamais le centre social ?
Nous allons les voir dans la rue. Nous avons formé 20 bénévoles et 20 professionnels du quartier à l’outil « porteurs de parole ». A partir de questions affichées sur un panneau, ils animent des débats dans l’espace public. Cela passe aussi par les actions de Pih-Poh, qui propose aux habitants des chantiers participatifs de création artistique (autour du textile notamment) dans des lieux de leur vie quotidienne, et par nos « Anim’actions » : pendant l’été et les vacances, le centre social s’installe dans les parcs et les jardins du Sanitas.

Toutes ces actions nous permettent de rencontrer les habitants et de recueillir leurs paroles. Elles ont nourri le dossier que nous venons de déposer dans le cadre de l’appel à projets urbains innovants Devenir Tours. En espérant que cette fois-ci, leurs demandes seront entendues.

Propos recueillis par N. P.

A Joué, les enfants adorent la zumba

La zumba, ce n’est pas que pour les grands. Les cours pour les enfants se multiplient dans l’agglo comme au Centre social de la Vallée Violette, à Joué-lès-Tours.

zumba

Pour trouver le cours de zumba, il suffit de tendre l’oreille. Musique hyper rythmée et consignes enthousiastes d’Emilie Boissinot, qui donne des cours pour enfants au Centre social de la Vallée Violette à Joué-lès-Tours, chaque mercredi après-midi. « Et 1, 2, 3, 4 tapez », lance-t-elle tout en dansant sur Te quiero, la musique d’une chorégraphie que le petit groupe de 7 à 11 ans – quasiment que des filles – a appris.
Ici, pas de ballerines ou de tutu. La zumba se pratique habillé(e) décontracté(e) et en baskets. Ce mélange bondissant d’aérobic, de danse jazz et latine, a happé des millions d’adultes dans le monde. Mais il plaît aussi beaucoup aux enfants et particulièrement aux filles.

C’est d’ailleurs à la demande des familles fréquentant le Centre social que la structure propose, depuis l’année dernière, ce cours. « J’aime bien, ça bouge, c’est collectif et on rigole bien ! », sourit Amina, 9 ans, entre deux sauts. Échauffement, répétition des chorégraphies, l’apprentissage ne se fait pas sans jeux. Le tout sur les tubes qui font un carton chez les pré-ados, du genre Un monde meilleur, de Keen’V, ou encore les titres de la jeune Louane. Un moyen de faire fonctionner ses muscles, tout en faisant travailler sa mémoire.
Pas question cependant d’épuiser les corps. Le cours, entrecoupé de pauses pour boire de l’eau, dure maximum une heure. Et ça suffit, visiblement, pour leur donner le smile.

Flore Mabilleau