Amir et Mina se prennent les pieds dans le tapis

Un film d’animation un peu maigrelet, quelques clichés et une histoire pauvrette de tapis volant : on ne s’est pas vraiment envolés avec Amir et Mina qui sort ce mercredi au ciné.

Amir est un jeune garçon intrépide. Un beau jour, ce doux rêveur s’envole sur un tapis volant aux côtés de sa chèvre de compagnie Raya. Débarquant dans la ville d’un sultan, il est guidé par une fille qui va devenir son amie. Ensemble, ces aventuriers vont affronter voleurs, gardes et crocodiles…

Rien qu’avec son synopsis, « Amir et Mina : les aventures du tapis volant » semblait déjà mal parti. L’argument sur lequel repose ce film d’animation danois paraît bien maigre.
S’il est pourtant pertinent par écrit (il s’agit là d’une adaptation du livre Hodja fra Pjort, d’Ole Lund Kirkegaard), il est en revanche plus délicat de le mettre en images sur une telle durée (1 h 20 au compteur)… surtout avec si peu de moyens.

Car Amir et Mina reste bien peu inspiré malgré ses bonnes intentions, ses jolis décors et son envie de bien faire. Ici, il est tout autant difficile de rentrer dans l’histoire que de s’attacher aux personnages. Trop faiblard pour s’y concentrer, le récit tourne rapidement en rond et ne parvient pas à intéresser plus d’une demi-heure.

Tuant dans l’oeuf toutes ses bonnes idées (la chèvre est drôle au départ, mais devient vite agaçante), lesté de clichés (les personnages chinois et africains…), pas même relevé par sa partition musicale interminable et ennuyeuse, Amir et Mina fait pâle figure dans sa catégorie à côté de ses voisins.
D’autant que son esthétique plus sage que les Pixar et consorts, couplée à un cruel manque de rythme et une animation pas vraiment folichonne, finissent de faire d’elle une production pauvrette.
Vite vu, vite oublié.

Film d’animation, de Karsten Kiillerich (Danemark). Durée : 1 h 20.
> NOTE : 1,5/5

Le Parc des merveilles : grand-huit poétique

Le Parc des merveilles n’a pas la classe d’un Pixar certes. Mais il reste un film d’animation correct et follement poétique. On retombe en enfance ?

PAUSE_CINE

June, une fillette gentiment allumée et hyper-créative, nourrit une passion dévorante avec sa mère pour Wonderland, un parc d’attractions dont elles ont imaginé à deux les contours. Et où les animaux agiraient comme des humains.
Un jour, la maman, gravement malade, part à l’hôpital. June, atomisée par l’annonce, abandonne rêves et maquettes… jusqu’à ce qu’elle découvre, dans une forêt, que Wonderland existe bel et bien…

C’est un film d’animation doucement poétique que présentent ici Paramount Pictures et Nickelodeon. S’il est relativement étonnant de voir à quel point il a été laminé par une partie de la critique outre-Atlantique, Le Parc des Merveilles (Wonder Park en V.O) est pourtant un divertissement ludique, fun, qui n’hésite pas à aborder certaines thématiques adultes (la maladie notamment).

Évidemment, on est loin du maître Pixar, mais cette production est pétrie de bonnes intentions et d’honnêteté. Certes, le film n’évite pas quelques maladresses (rythme parfois chaotique, allégories peu subtiles, histoire banale et convenue, ventre mou au milieu…), mais il demeure suffisamment touchant comme fable d’apprentissage.

Nourri d’un joli onirisme, abordant les tourments intérieurs d’une enfant dépassée par les événements, doté d’une belle esthétique, Le Parc des Merveilles reste toutefois très orienté vers les enfants : personnages aux yeux immenses, explosions de couleurs, magie de certaines séquences et décors sont faits pour eux mais, par chance, sans avoir à se coltiner un prêchi- prêcha infantilisant.
Quant aux adultes qui regarderont ce Parc des merveilles, rien ne leur interdit de retomber un peu en enfance… et croire un peu en la magie de l’imaginaire.

> Film d’animation (USA/Esp). Durée : 1 h 26. Avec les voix françaises de Marc Lavoine, Odah, Frédéric Longbois…
> NOTE : 3/5 

Creed 2 : on remonte sur le ring

Et bim, crochet du droit ! Creed est de retour sur le ring. La suite des aventures du protégé de Rocky Balboa, c’est à partir d’aujourd’hui sur vos écrans.

PAUSE_CINE

Il y a pile deux ans, notre critique ciné du premier Creed (aussi agréable que divertissant) nous amenait à nous demander s’il y avait là matière à une nouvelle saga. Janvier 2018, voilà donc que remonte sur le ring Creed, deuxième du nom : alors, la victoire est-elle gagnée pour cette suite ?

Ici, on suit toujours Adonis Creed mais qui doit cette fois jongler entre son entraînement – un grand combat s’annonce face à Drago – et sa vie personnelle et familiale. Rocky Balboa va, une nouvelle fois, rester à ses côtés pour l’aider et le faire avancer…

Évidemment, au visionnage de ce Creed 2, impossible de ne pas avoir en tête le premier opus. Véritable succès, tant critique qu’au box office, le film parvenait à donner un second souffle à la franchise Rocky, en élargissant l’univers du boxeur.
Mais force est de constater que la force de frappe de Creed 2 est moindre. Si la série reste toujours fascinante à regarder, le degré d’originalité n’est pas franchement présent et cette suite n’est pas aussi belle et nuancée que Creed 1. Quant à la narration, un poil plus faiblarde, elle a beaucoup moins d’ampleur.

Seulement voilà, le long-métrage de Steven Caple Jr fonctionne tout de même. Parce que c’est un divertissement généreux. Parce que plus qu’un film de boxe, c’est une tragédie sur l’héritage et un drame sur l’acceptation. Parce qu’il fait le choix judicieux de mettre en parallèle deux parcours, deux familles. Parce que Michael B.Jordan, entre son charisme et sa silhouette impressionnante, bouffe l’écran.
Parce que, même si moins présent, Sylvester Stallone réussit encore à filer des frissons et transmet toujours autant d’émotions.
Bon, allez… Vivement Creed 3 ?

> Drame de Steven Caple Jr (USA). Durée : 2 h 10. Avec Michael B. Jordan, Sylvester Stallone, Tessa Thompson, Florian Munteanu…
> NOTE : 3/5 

Sherlock Gnomes : nains pour tous, tous pour nains

Enfants, parents, réjouissez-vous et préparez-vous aux jeux de mots : le petit Sherlock Gnomes et ses nains débarque sur grand écran. Si cette histoire vire souvent au nain-porte quoi, elle en divertira tout de même certains. (Signé : un journaliste nain-compris)

PAUSE_CINE

Après avoir revisité Shakespeare avec le premier volet Gnomeo et Juliette, c’est au tour de Sherlock Holmes de passer à la tambouille « gnomes ». Pour cette deuxième adaptation de la franchise, c’est donc toujours aux côtés d’une bande de nains de jardin que le spectateur évolue.
Ici, tous disparaissent un à un, ce qui emmène Sherlock Gnomes, célèbre détective et fervent défenseur des nains de jardin donc, à mener l’enquête (ce synopsis n’a pas été écrit sous l’effet de la drogue, promis…).

Avec un tel récit, Sherlock Gnomes se veut clairement orienté vers le public enfantin. Pour autant, le film d’animation parvient à ne pas tomber dans le puéril ou la naïveté et propose quelques bons moments. On rit rarement, mais on sourit parfois face à cette douce absurdité qui se dégage de l’ensemble (le nain en string à la Borat est plutôt fendard…).
Car Sherlock Gnomes pousse le curseur de son délire au maximum et prend visiblement plaisir à le faire.

Toutefois, pareil univers a ses limites : les multiples personnages, peu attachants, ont tendance à faire piétiner le récit, les jeux de mots avec le terme « gnome » sont exploités jusqu’à plus soif… Au final, pas bien inspiré, Sherlock Gnomes s’essouffle tout de même rapidement.

En revanche, côté animation, l’oeuvre se défend plutôt bien dans sa modeste catégorie. Il faut dire qu’aux manettes, on retrouve John Stevenson, le papa du premier Kung-fu Panda, pour un rendu qui n’a certes rien de trop sophistiqué comparé aux productions actuelles, mais assez de charme pour accrocher la rétine pendant les toutes petites 86 minutes que dure Sherlock Gnomes. Un résultat correct, mais rien de nain-croyable (celle-là, elle est cadeau). Aurélien Germain

> Film d’animation, de John Stevenson (USA). Durée : 1 h 26. Avec les voix françaises de Michael Gregorio, Flora Coquerel…
> NOTE : 2/5

Après la guerre : film politique et humain

Remarqué au festival de Cannes, le premier film d’Annarita Zambrano, Après la Guerre, débarque en salles cette semaine.

¨PAUSE_CINE

Nous sommes en 2002. À Bologne, en Italie. Le refus de la loi travail explose dans les universités (comment ça, ça vous rappelle quelque chose ?). L’assassinat d’un juge, à la sortie d’une conférence, fait ressurgir les fantômes du passé, ceux des « années de plomb ». La blessure politique s’ouvre de nouveau et on accuse rapidement Marco Lamberti, réfugié en France et ancien leader d’extrême-gauche, protégé par la « doctrine Mitterrand ». Il va alors prendre la fuite avec Viola, sa fille de 16 ans, tandis que le gouvernement italien demande son extradition…

C’est un petit brûlot politique que signe ici Annarita Zambrano avec Après la guerre (Dopo La Guerra, en VO). Pour son premier long-métrage, la réalisatrice esquisse les pressions diplomatiques entre deux pays européens, mais Après la guerre se voit davantage comme un zoom sur l’Humain, comme un grand portrait.
Ou plutôt des portraits, puisqu’on s’attarde tour à tour sur Marco, sa mère, ou encore sa sœur et bien sûr la jeune ado Viola, sur qui le film finit par se concentrer.

Malgré un ensemble un peu trop classique et convenu dans sa mise en scène, ainsi qu’une dimension politique qu’on aurait souhaité plus explosive, Après la guerre se distingue toutefois par sa puissante sobriété et sa narration reposant sur les personnages. Il permet alors à Zambrano d’explorer avec justesse et retenue deux mondes antagonistes, de confronter deux générations face aux erreurs du passé.

Plus qu’un film politique et politisé, Après la guerre est surtout un drame psychologique naturaliste. Habile de la part d’Annarita Zambrano, une cinéaste fort prometteuse…

> Drame, d’Annarita Zambrano (Italie/France). Durée : 1 h 32. Avec : Giuseppe Battiston, Barbora Bobulova, Charlotte Cétaire…
> NOTE : 3,5/5 

Bande-annonce :

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=hCAgCmEmdjY[/youtube]

Moi, Tonya patine vers l’Oscar

Moi, Tonya sort en salles cette semaine. Mené par un casting exceptionnel, le film est bien parti pour rafler quelques statuettes…

PAUSE_CINE

1994. À quelques jours des JO, la patineuse Nancy Kerrigan est attaquée et blessée au genou avec une barre de fer. Très vite, les soupçons se portent sur l’entourage de Tonya Harding, patineuse également et concurrente, star montante qui va alors exploser en pleine ascension.

Ce fait-divers qui a passionné l’Amérique est aujourd’hui repris par Craig Gillepsie dans Moi, Tonya.
Un spectacle brillant et passionnant, retraçant la vie de la sportive déchue, de ses premiers pas sur la glace à sa chute. Là où Gillepsie vise juste, c’est en s’écartant du sentier risqué du biopic académique. Car sous ses airs de film à Oscars « d’après l’histoire vraie de… », il est surtout une comédie mordante : ici, les personnages trash font vivre une oeuvre à l’humour aussi noir que cruel.

Une mixture surprenante gérée avec brio et aidée par un montage aiguisé (les scènes sont coupées par de « fausses » interviews face caméra) et une galerie d’acteurs remarquables. On notera évidemment la performance de Margot Robbie, transformée et habitée par le rôle (le meilleur de sa carrière ?).
Mais force est de constater qu’Allison Janney est tout aussi hallucinante en incarnant la mère de Tonya, femme brutale et imbuvable, tant dans son comportement que dans ses méthodes. Le spectateur assiste alors, impuissant, au quotidien d’une femme forte martyrisée tour à tour par sa maman et son mari (Sebastian Stan, excellent). Ces violences familiales et conjugales, filmées d’une façon terriblement crue, suscitent l’empathie pour une Tonya Harding clouée au pilori par les médias, mais représentée ici comme une battante.

Moi, Tonya réussit à être tragique et drôle à la fois. Un drame qui devient une comédie. Moi, Tonya patine vers l’Oscar…

Aurélien Germain

> Comédie satirique de Craig Gillepsie (USA). Durée : 1 h 51. Avec Margot Robbie, Allison Janney…
> NOTE : 4/5 

Bande-annonce de Moi, Tonya :
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=Qx-Pr3iS4IQ[/youtube]

Le Chanteur de Gaza : espoir et belle histoire

La belle success-story d’un chanteur palestinien avec, en filigrane, la chronique de l’occupation d’un territoire. Le Chanteur de Gaza, de Hany Abu-Assad, est une jolie découverte.

Chanteur de Gaza

Été 2013. Les habitants de la Bande de Gaza retiennent leur souffle. Tout le monde est dans la rue. Pas de colère, pas de manifestation, non. Simplement le regard tourné vers Mohamed Assaf, jeune Palestinien qui a réussi l’impensable : quitter le territoire pour aller chanter en Égypte, dans l’émission télé-crochet Arab Idol. La finale, il la gagnera.

Le Chanteur de Gaza retrace la vie et le parcours du jeune Mohamed Assaf dans un biopic aussi touchant qu’intéressant. Touchant, parce qu’il suit un personnage attachant et un destin singulier, porté par l’amour de la musique. Intéressant, car loin de n’être qu’un conte de fée larmoyant, Le Chanteur de Gaza a aussi un impact et une visée politiques.
Le réalisateur Hany Abu-Assad a d’ailleurs eu l’autorisation par les autorités israéliennes pour tourner 2 jours dans la bande de Gaza. Du jamais-vu depuis 20 ans.

Découpé en deux parties distinctes, le film d’Abu-Assad débute par l’enfance miséreuse de Mohamed Assaf dans une ville meurtrie. Chanter, encore chanter. Une obsession. Un rêve qui devient réalité dans le deuxième acte : la caméra suit Mohamed devenu adulte, allant jusqu’à s’extirper de Gaza, amadouer les gardes-frontières et prendre tous les risques possibles.
Tout en justesse, le cinéaste parvient alors à éviter l’écueil du discours politique ronflant. Ici, les images se suffisent à elles-mêmes. Les acteurs, excellents, font le reste.

Et, même si la mise en scène manque cruellement de corps, Le Chanteur de Gaza vise juste en restant un peu naïf et poignant. Excluant tout pathos et clichés, préférant un récit optimiste et positif, il parvient à rappeler subtilement l’existence d’un conflit encore d’actualité. Mais un souffle de paix et d’espoir caresse Le Chanteur de Gaza de bout en bout. Et en ces temps, on ne va pas le refuser.

> Biopic (Palestine), de Hany Abu-Assad. Avec Tawfeek Barhom, Kais Attalah, Ahmed Al Rohk…

> NOTE : 3,5/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=pUVftMhmCt4[/youtube]

On l’appelle Jeeg Robot : superhéros italien

Un film de superhéros italien ? Oui, c’est possible. Et en plus, c’est une bouffée d’air frais. Voilà la critique du film On l’appelle Jeeg Robot.

PAUSE_ECRANS_CINE

On appelle ça une bonne surprise. Ou de l’audace. On l’appelle Jeeg Robot est un film de superhéros tout droit venu… d’Italie ! De quoi casser la routine Marvel et DC Comics et changer des blockbusters made in USA bien gras et répétitifs qui squattent le box office.

Énorme carton en Italie (le film a raflé 7 Donatello, l’équivalent de nos César), au budget minime (même pas 2 millions d’euros), le premier long-métrage de Mainetti rend hommage au manga Kotetsu Jeeg. On y suit Enzo, petit caïd qui se retrouve doté de superpouvoirs, après avoir plongé dans des eaux contaminées. Continuant ses activités criminelles (et poursuivi par des malfrats), il rencontre la jeune Alessia, fille fragile persuadée qu’il est l’incarnation de Jeeg Robot, héros de manga venu sauver la Terre.

Le film de Mainetti est un petit intrus dans le grand monde des superhéros. En allant plus loin que sa promesse de départ, On l’appelle Jeeg Robot est un mélange bâtard, comme si Spiderman avait copulé avec un film de mafioso à la sauce western urbain.
Généreux, Jeeg Robot en a dans le slip et dans la caboche : parfois ringard, souvent plaisant, mixant action et humour, il brouille les pistes et injecte un peu de sang neuf chez les superhéros.

Et puis il y a ces personnages : Enzo, misanthrope et acariâtre, face à Alessia, aussi agaçante que touchante en petite princesse naïve et désarmante. Une love-story cucul naît entre les deux, mais on a tôt fait de l’oublier avec les apparitions de Zingaro, le « méchant », bad guy hystérico-loufoque (on pense parfois au « Joker »), ultraviolent et narcissique.

De ce melting- pot étonnant naît un film courageux. Malgré ses imperfections et ses maladresses, Jeeg Robot possède un charme et fait du bien. Comme quoi… un budget faramineux n’est pas nécessaire pour accoucher d’un bon film.

Aurélien Germain

> Action/Fantastique, de Gabriele Mainetti (Italie). Durée : 1 h 58. Avec Claudio Santamaria, Ilenia Pastorelli, Luca Marinelli…
> NOTE : 3,5/5 

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=4nPFl_qaJiY[/youtube]

Après la tempête : mélancolie japonaise

Ce drame japonais signe le retour du grand réalisateur Kore-eda.

après la tempête

Ryota aurait pu être un grand écrivain. Un début de carrière prometteur, mais le destin et les désillusions sont venues briser le tout. Suite à son divorce, le romancier s’est retrouvé à jouer les détectives privés de pacotille, tout en gaspillant le peu d’argent qu’il possède, au point de ne plus pouvoir payer la pension alimentaire de son fils. Un jour, un typhon va pousser toute la famille à passer la nuit ensemble. L’occasion, peut-être, de regagner la confiance des siens…

Présenté l’an dernier à Cannes dans la section Un Certain Regard. Après la tempête ne débarque qu’aujourd’hui sur nos écrans. Signant le retour de Hirokazu Kore-eda, ce drame épuré s’intéresse à une famille disloquée suite à un divorce. Le cinéaste japonais installe sa caméra au plus près d’eux, s’intègre dans leur quotidien a priori anodin.

Après la tempête peut désarçonner : avec zéro dynamisme, le film préfère se focaliser sur des conversations. Par conséquent très bavard, il fait la part belle aux dialogues. Pourtant, il se dégage du propos de Kore-eda une douce mélancolie. En filmant la normalité avec autant de facilité, le réalisateur prouve de nouveau son sens de l’écriture et sa maîtrise à dessiner, avec pudeur, un portrait familial. Si le récit manque tout de même d’émotion, il est porté à bout de bras par d’excellents interprètes.
Notamment Hiroshi Abe (dans le rôle de Ryota), magnétique à l’écran et touchant en père loser et esseulé.

C’est lors de la scène quasi-finale du typhon, où justement toute la petite famille se retrouve coincée ensemble, que le film de Kore-eda prend totalement forme. Le spectateur est alors poussé à la réflexion. Après la tempête décolle véritablement. Avant de s’envoler complètement.

> Drame, de Hirokazu Kore-eda (Japon). Durée : 1 h 58. Avec Hiroshi Abe, Yoko Maki, Yoshizawa Taiyo…
> NOTE : 3/5 

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=LZDK387ZnUA[/youtube]

La Jeune fille et son aigle : voyage en terres mongoles

Le documentaire La Jeune fille et son aigle, signé Otto Bell, sort ce mercredi dans nos salles.

PAUSE_CINE

Dresseur d’aigles, c’est une tradition ancestrale en Mongolie. C’est, par ailleurs, un héritage masculin. Pourtant, c’est aussi le rêve de la jeune Aisholpan. Du haut de ses 13 ans, elle nourrit cette passion et va essayer de devenir, elle aussi, chasseur d’aigle.

Voilà ce que raconte La Jeune fille et son aigle (The Eagle huntress en VO), joli « documentaire » signé Otto Bell. Sa caméra suit, durant près d’une heure trente, Aisholpan et son père qui l’accompagne dans sa volonté de briser des traditions encore fortes. Le spectateur découvre un art, une culture et surtout un peuple.
Au-delà de ça, La Jeune fille et son aigle se savoure comme une plongée dans les terres mongoles. Les images, sublimes, présentent un panorama spectaculaire d’un pays méconnu. Les plans dévoilent des paysages parfaitement mis en lumière. Enrobant ses séquences avec une musique soignée et d’une parfaite justesse, Otto Bell offre un ensemble visuellement abouti et réussi.

Plus qu’un documentaire et q’un portrait de femme, il s’agit aussi d’un film d’apprentissage, durant lequel on suit la progression d’Aisholpan, touchante au possible. Naturel et simplement beau, le récit nous transporte dans une histoire qui, au final, montre aussi l’amour d’un père pour sa fille et son désir de la pousser à accomplir son destin.

On regrettera toutefois le côté hybride du « documentaire » (d’où l’utilisation de guillemets). Tellement construit et composite, le docu perd parfois en authenticité quand il semble un peu trop manipulé. Certains critiques n’ont d’ailleurs pas hésité à le qualifier de « trop beau pour être vrai ». Ce qui n’empêche pas La Jeune fille et son aigle de nous faire voyager. Et rêver.

> Documentaire / aventure (Mongolie/GB). Durée : 1 h 27. De Otto Bell. Avec Aisholpan Nurgaiv…
> Note : 3/5 

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=DISVSe36bxg[/youtube]

A United Kingdom : l’amour sous l’Apartheid

A United Kingdom sort ce mercredi 29 au cinéma. L’histoire vraie – mais oubliée – d’une histoire d’amour impossible sous l’Apartheid.

PAUSE_CINE

L’amour plus fort que la haine… A United Kingdom, le film d’Amma Asante, se base sur l’histoire vraie de Seretse Khama, un homme politique botswanais qui avait créé un scandale, en 1947, en épousant Ruth Williams. Un mariage entre un homme noir et une femme blanche qui défiait les diktats de l’Apartheid.

C’est ainsi que débute A United Kingdom : une love-story impossible mais qui va contrer les différences, les lois aussi bien anglaises que sud-africaines et les a priori des familles.
Ce premier acte se focalise donc sur une relation impossible mais, rapidement, tend à ne dépeindre qu’une romance un peu lisse et malheureusement sans trop de saveur. Plombant par là la profondeur qu’aurait pu offrir le thème, Amma Asante fait l’impasse sur la psychologie. Le duo de comédiens incarnant le couple est, lui aussi, quelque peu bancal : si David Oyelowo, toujours excellent, reste l’acteur talentueux qu’on avait vu dans Selma, Rosamund Pike a beau être crédible, on pourra toutefois regretter que son personnage soit si peu étoffé.

Une fois la deuxième partie lancée, A United Kingdom bifurque vers l’épisode politique. Certaines séquences sont marquantes (Oyelowo est impeccable et vibrant en leader démocratique), dévoilant un pan de l’Histoire toujours aussi choquant (l’ambiance sous l’Apartheid est parfaitement retranscrite).

Il n’empêche : entre les transitions maladroites, la platitude de la mise en scène et certains aspects politiques pas assez appuyés, la frustration est de mise. Amma Asante, même si elle offre un joli film, ne fait finalement que rester en surface, sans vraiment creuser. Le sujet l’aurait pourtant mérité.

Aurélien Germain

> Biopic, d’Amma Asante (France/GB). Durée : 1 h 51. Avec Rosamund Pike, David Oyelowo, Tom Felton, Jack Davenport…
> NOTE : 2,5/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=YcZpQdBRf4A[/youtube]

Miss Sloane : lobby, ton univers impitoyable

Plongée dans le monde des lobbys, Miss Sloane met en scène une Jessica Chastain exceptionnelle.

PAUSE_ECRANS_CINE

Le monde des lobbys et de la politique américaine… Un monde cynique au possible. Miss Sloane n’était clairement pas un pari facile. Intéresser le public à cet univers plutôt inconnu avait tout du projet casse-gueule. Mais Joe Madden, sur un scénario imaginé par Jonathan Perera, réussit un tour de force : celui de proposer un thriller politique intelligent et intelligible.

Miss Sloane raconte l’histoire d’Elizabeth Sloane, lobbyiste à Washington, tentant à tout prix d’influencer les élus à voter pour (ou contre) telle ou telle loi, tel ou tel projet, en fonction de ses clients. Son obsession, c’est la victoire. De toute façon, sa vie entière tourne autour de son travail. L’amour ? Il se résume à des parties de jambes en l’air avec un escort-boy. La fatigue ? Connaît pas, les pilules magiques sont là pour ça.

Un jour, Elizabeth Sloane va se mettre à dos la toute-puissante NRA, cette fameuse association qui promeut les armes à feu. Sujet brûlant, sujet d’actualité, ce Miss Sloane. In fine, Joe Madden offre un regard glaçant sur tout ce (pas) beau monde. Tout est immoral, peu importe les dégâts collatéraux.

Très bavard et verbeux, Miss Sloane a toutefois tendance à s’enliser. Le film évite cependant de perdre totalement son spectateur en restant ludique et surtout, en étant porté à bout de bras par Jessica Chastain. La comédienne, impériale en lobbyiste impitoyable et prête à tout, offre une performance remarquable. Chevelure impeccable, rouge à lèvres flashy, regard terrifiant de froideur : l’actrice y apparaît carnassière, dominatrice kamikaze et sans pitié.
Et c’est bel et bien l’atout majeur de Miss Sloane. Une femme redoutable faisant trembler un monde politique quasiment exclusivement masculin, quoi de plus jubilatoire ?

> Thriller politique, de Joe Madden (USA). Durée : 2 h 12. Avec Jessica Chastain, Gugu Mbatha-Raw, Mark Strong, Sam Waterston…
> NOTE : 3,5/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=8MG-8ldv2tY[/youtube]

Les Oubliés – Land of mine : la page oubliée de l’Histoire

Chapitre sombre de l’Histoire, Les Oubliés est une véritable déflagration. Le film de Martin Zandvliet est l’un des immanquables de ce début d’année.

(Photo Koch Films GmbH)
(Photo Koch Films GmbH)

C’est l’un des crimes de guerre les plus sordides qu’il y ait eu. C’est, paradoxalement, un fait historique complètement occulté. Oublié. C’était à la fin de la Seconde Guerre mondiale, au Danemark. Le gouvernement, contournant la Convention de Genève, oblige de jeunes Allemands prisonniers — à peine sortis de l’adolescence — à déminer leurs plages et leurs côtes. Ils ont entre 15 et 18 ans. Sur ces 2 000 « gamins », plus de mille perdront la vie ou seront mutilés.

Les Oubliés (Under Sandet / Land of mine en VO) retrace ce terrible épisode. C’est une histoire de haine, comme dans toutes les guerres. Mais aussi de pardon, de rédemption. Et de survie.
Aussi impitoyable que réaliste, Les Oubliés fait l’effet d’une bombe. Véritable déflagration émotionnelle, le film de Martin Zandvliet raconte avec brio et sans misérabilisme aucun ce chapitre sombre de l’Histoire. Servi par des acteurs débutants tout bonnement excellents, embelli par une musique d’une parfaite justesse, Les Oubliés est aussi d’une rudesse terrible. En témoigne cette violente séquence d’ouverture, brutale et sans concession (on pense rapidement à Full Metal Jacket).

Parallèlement au récit de ces jeunes Allemands démineurs, il y a aussi le portrait de cet officier danois, chargé de les commander, mais brûlant de colère. Avide de vengeance envers les Nazis, inhumain dans ses méthodes, il finit par s’ouvrir et se rendre compte que ces ennemis ne sont en fait « que des gosses qui chialent pour revoir leur mère ». Magistralement interprété par Roland Møller, le personnage, subtil, est d’une complexité renversante.

Soigné, intelligent tant dans son timing que son découpage, tragique dans son thème, Les Oubliés a beau être cruel et marquant, il est surtout immanquable.

Aurélien Germain

> Drame historique (Dan./All.), de Martin Zandvliet. Durée : 1 h 36. Avec Roland Møller,Joel Basman, Mikkel Boe Folsgaard, Louis Hofman…
> NOTE : 4/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=UJ2ypxh2MKI[/youtube]

American Honey : road movie hypnotique

Sifflé par une frange du public à Cannes, ovationné par d’autres, American Honey déstabilise à coup sûr. Divisera encore plus. Voilà la critique de la semaine.

PAUSE__CINE

Il y a quelque chose d’étrange mais d’hypnotique dans American Honey. Aussi intriguant qu’agaçant (le film va diviser), le (très) long-métrage d’Andrea Arnold est un road movie aussi fascinant que répétitif.
Ici, on suit Star (Sasha Lane, une révélation), jeune maman de substitution de 18 ans. Famille dysfonctionnelle, pas de travail, pas d’avenir. Elle rencontre un jour Jake (Shia LaBeouf, très bon) et sa bande de marginaux. Leur quotidien ? Traverser le Midwest américain, essayant de vendre quelques abonnements de magazines en démarchant les particuliers et en retirer cinq ou six dollars. Puis rouler encore. Parler. Fumer. Boire. Coucher. Ainsi de suite.

Il y a ce paradoxe dans American Honey : celui d’un film au format 4/3, délaissant paysages et décors – un comble pour un road movie ! – mais s’attardant plutôt sur les visages, les mains, les bouches. Au plus près des personnages, la caméra d’Andrea Arnold est primitive et sent le vrai.

Narrativement inconfortable, imparfait et minimaliste, American Honey réussit tout de même à agripper son spectateur. Il n’y a pas d’enjeux, non. Il s’agit juste d’un instantané de vie d’une génération paumée (la séquence-clé « quel est ton rêve ? ») qui erre avant des jours meilleurs. Une douce mélancolie s’échappe alors de ce film interminable, de cette virée miséreuse en mini-bus boostée aux playlists hip-hop, de ces jeunes dont on ne saurait dire s’ils vivent ou survivent.

Une routine parfois brisée par d’intenses scènes de sexe. De toute beauté, jamais racoleuses, elles sont des échappées dans ce tourbillon d’émotions qui nous aspire, dans ce road-movie crasseux sur lequel se brode une « love story » chaotique. Éphémère, tout comme l’amour. Sur une route qui mène nulle part. Comme la vie ?

Aurélien Germain

> D’Andrea Arnold (USA/GB). Durée : 2 h 43. Avec Sasha Lane, Shia LaBeouf, Riley Keough…
> NOTE : 3,5/5 

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=1zVkvuP9FYc[/youtube]

Moonlight : pépite sensible du ciné indépendant

A fleur de peau, sensible et intime, Moonlight est une vraie révélation et un film magnifique. De quoi justifier largement son statut de favori aux Oscars 2017.

PAUSE_CINE

Trois parties, trois instants dans la vie d’un homme. Et à chaque fois, devoir avancer et se battre. Se battre contre les autres, contre le carcan familial, scolaire, sociétal, contre tout. Pour se chercher sexuellement et socialement. Moonlight, film-sensation lors de sa présentation outre-Atlantique, est une pépite du cinéma indépendant US arrivée sans prévenir. Et à l’heure où les blockbusters sans âme et les franchises exploitées jusqu’à l’indigestion font la loi, il est une bouffée d’air frais.

La caméra de Barry Jenkins suit l’histoire et la vie de Chiron, un jeune Afro-Américain. Brossant son portrait, de l’enfance jusqu’à l’âge adulte. Filmant un Miami brûlant, gangréné par la drogue, reproduisant à merveille la chaude lumière de la Floride. Et surtout, abordant frontalement l’homosexualité d’un jeune Noir dans un milieu dit « viril », dans un monde cruel.

Sans jamais tomber dans une mièvrerie vomitive ou le mélodrame putassier, Moonlight fait preuve d’une sensiblerie étonnante. Remarquable aussi bien dans son choix thématique que dans sa progression narrative (des ellipses qui pourront néanmoins en rebuter certains), le film de Jenkins se débarrasse des clichés avec finesse et reste sincère de bout en bout.

Au final, ce Moonlight, adaptation d’une pièce de théâtre, porté par un casting admirable (Alex R.Hibbert, mutique et touchant), agit comme une force tranquille. De tout cela, le cinéaste Barry Jenkins arrive à éviter l’écueil du film tirelarmes. Tout en douceur, il vient de signer ici un drame intime d’une justesse saisissante.

Aurélien Germain

> Drame, de Barry Jenkins (USA). Durée : 1 h 51. Avec Trevante Rhodes, Alex R.Hibbert, Naomie Harris, Ashton Sanders…
> NOTE : 4/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=tWEtcfsObrA[/youtube]

The Boyfriend : une comédie qui fait le job

Comédie potache, graveleuse et vulgos, The Boyfriend se la joue Mon Beau-Père et moi… en bien plus trash !

PAUSE_CINE

Attention, débranchez votre cerveau dans 3, 2, 1… Il est évident que The Boyfriend (sous-titré Pourquoi Lui ?) n’apportera rien au genre éculé de la comédie papa-contre-petit-ami-de-fifille. Il est évident, aussi, qu’il s’attirera son lot de critiques assassines. Car The Boyfriend manie l’humour vulgos/scato/sexo/gros mots. L’utilise beaucoup. Beaucoup, beaucoup. Il faut dire que côté producteur, il y a Ben Stiller, derrière une idée du trublion Jonah Hill. Bref, bienvenue devant The Boyfriend, resucée 2.0 de Mon Beau-père et moi version trash.

Le pitch tient sur les doigts d’une seule main d’un manchot : The Boyfriend est la rencontre entre un père de famille et son futur gendre. Soit Laird, milliardaire grâce à Internet, tatoué, dément et porté sur le mot « fuck », autant que sur les allusions coquines.
Au casting, il y a déjà Bryan Cranston (le père dans Malcolm), en papa bien sous tous rapports. Un poil coincé, les traits rigides, engoncé dans ses habits bien repassés. En face, James Franco, déjanté et survolté.

Les premières minutes donnent le ton : ce sera grivois au possible. Et du grand n’importe quoi. Les vannes fusent. Le réalisateur John Hamburg (auteur de Polly & moi et scénariste du pathétique Zoolander 2) balance un humour aussi gros que gras. James Franco, délicieux en gendre imbuvable et foldingue, fait le show à lui tout seul. Dans le registre graveleux, le comédien y va à fond, quitte à trop en faire (y aurait-il d’ailleurs une part d’impro ?) et donner le tournis.

Car The Boyfriend ne s’arrête jamais et torpille à tout va jusqu’à, quelques fois, finir par perdre de sa force comique. Un gros quart d’heure aurait peut-être mérité de disparaître (ah, la morale bébête), histoire de recentrer The Boyfriend sur ce qu’il est : un film avec zéro subtilité, mais bizarrement réjouissant. Un plaisir coupable ?

> Comédie, de John Hamburg (USA). Durée : 1 h 47. Avec Bryan Cranston, Zoey Deutch, James Franco…
> Note : 3/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=zXX1e_C7mfM[/youtube]

La Communauté : le retour de Vinterberg

Thomas Vinterberg, réalisateur de Festen, est de retour avec La Communauté.

la communauté

« Le meilleur film de Vinterberg depuis Festen », clame fièrement l’affiche de La Communauté. Festen, en 1998, imposait le cinéaste danois en golden boy. Après diverses réalisations (La Chasse) et une parenthèse anglo-saxonne (Loin de la foule déchaînée), Thomas Vinterberg est retourné dans son pays natal pour s’inspirer de sa propre expérience lorsqu’il était jeune : vivre dans une communauté.

Ainsi, le film de Vinterberg débute comme une comédie légère. Nous sommes au Danemark, dans les années 1970 (la nudité n’est pas un souci et on clope à tout va…). Erik, prof d’architecture, et son épouse Anna, journaliste, s’installent avec leur fille dans une grande maison, où ils vivront avec amis et connaissances, en communauté.
Le ton est léger (la scène du recrutement, la danse autour d’un escabeau en guise de sapin de Noël…), la photographie surannée. Vinterberg s’amuse à nous transporter dans l’ambiance insouciante des 70s. On éprouve vite de l’empathie pour cette joyeuse bande. Le réalisateur dessine sa galerie de personnages : l’ami fidèle, la fille à la sexualité épanouie, l’immigré dépressif…

Puis l’heure passe. Des fissures apparaissent. Vinterberg commençait à tourner en rond. Il bifurque d’un coup vers le drame social. Car le mari – et chef de la maison – a une maîtresse. Emma. Une étudiante, clone parfait de sa femme, en plus jeune. Les questions naissent : quel est le poids d’une communauté sur un individu ? Que faire lorsqu’un grain de sable grippe la machine d’une vie en groupe ?
Dans cette implosion, Vinterberg brosse alors le portrait touchant d’une épouse trompée, d’une femme brisée (Trine Dyrholm, remarquable). Si l’on regrettera toutefois que La Communauté souffre d’enjeux relativement maigres et d’un manque d’imprévus, l’excellence du casting et la puissance des dialogues permettent d’en faire un film fort et brut.

Aurélien Germain

> Comédie dramatique, de Thomas Vinterberg (Danemark). Durée : 1 h 51. Avec Trine Dyrholm, Ulrich Thomsen…
> NOTE : 3/5 

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=UjaPogjw5rA[/youtube]

The Birth of a Nation : sans concession

Il est « l’esclave noir qui osa la révolte ». Lui, c’est Nat Turner. Son histoire est racontée dans le biopic violent The Birth of a Nation.

The BIrth of a Nation

Au festival Sundance, où il a été présenté, The Birth of a Nation a reçu une standing ovation. Une claque, un coup de poing, comme l’ont dit les critiques. Pourtant, à sa sortie aux États-Unis, le public a boudé l’histoire du réalisateur Nate Parker. Une histoire épineuse qui rappelle un peu trop le passé sombre du pays ?

Car The Birth of a Nation, c’est le récit authentique de Nat Turner, prédicateur et esclave lettré qui, en 1831, lança l’un des premiers mouvements de révolte noire en Amérique. Un sujet que le très polémique réalisateur-acteur-scénariste-producteur (ouf) Nate Parker a décidé de décliner en un film-radical. Brutal.
Pas question de lisser l’horreur de la situation : Nate Parker laisse la violence parler, exploser. Une violence sèche, qu’elle soit psychologique ou physique, assénée au public sans pitié. Ici, on montre tout, on étire les séquences.

Sauf que Nate Parker a tendance à surligner ses intentions jusqu’à l’indigestion. Nourri d’un manichéisme ébauché à la truelle (des gentils vraiment trop gentils ; des méchants vraiment trop méchants), saupoudré d’une imagerie christique pas franchement finaude, le schéma de construction (opposition constante des deux extrêmes) finit par lasser. The Birth of a Nation patauge. Et, inévitablement, traîne en longueur.

Dommage car le pamphlet de Parker, qui a l’immense mérite de mettre le doigt où ça fait mal, réussit à mettre en lumière un héros méconnu de l’insurrection. The Birth of a Nation est une sévère charge contre l’Amérique esclavagiste. Un film rude, dont le titre a d’ailleurs été emprunté à La Naissance d’une nation… le blockbuster hollywoodien raciste de 1915, qui faisait l’apologie du Ku Klux Klan. L’ultime pied de nez.

> Biopic/Drame (USA). Durée : 1 h 54. De et avec Nate Parker, et Jackie Earle Haley, Armie Hammer…

> NOTE : 3/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=sRhv-TyQo8c[/youtube]

Ballerina : entrez dans la danse

Jolie surprise, que ce Ballerina ! Film d’animation sur le monde de la danse, il arrive à point nommé pour les périodes de fêtes.

Ballerina

Les tutus vous donnent des boutons et vous pensez que les histoires de petits rats de l’Opéra sont réservées aux fillettes de 6 ans ? C’est votre droit mais ce serait de mauvaises raisons de bouder Ballerina et ses deux petits héros.
Bien décidés à réaliser leurs rêves, Félicie et Victor s’enfuient de leur orphelinat en Bretagne. Ils arrivent à Paris mais la grande ville ne les attend pas. Grâce à une série de rencontres et beaucoup d’opiniâtreté, Félicie atteindra son objectif : devenir danseuse à l’Opéra de Paris. Victor, lui, se mesurera au grand architecte Eiffel.

Malgré une fin heureuse et une chute un peu précipitée, le scénario de Ballerina ne cache rien de la dureté du monde de la danse. L’histoire est bourrée de petits clins d’oeil, un humour qu’on retrouve dans le dessin des personnages, à la fois gracieux et décalés, la bande-son est entraînante. La très jolie lumière et les couleurs chaudes des images cachent quelques prouesses techniques, comme la reproduction fidèle de l’Opéra de Paris grâce aux plans d’époque.
Pour les chorégraphies, c’est la danseuse étoile Aurélie Dupont qui a joué les modèles et prêté ses mouvements, reproduits grâce au keyframe.

Pour une fois qu’on a un film d’animation francophone qui déboule sur les écrans au moment des fêtes, on ne va pas cracher dessus ! Surtout quand il est réussi. Avec un budget de seulement 30 millions de dollars, soit presque dix fois moins que celui d’une production Pixar ou Disney, les créateurs de Ballerina remportent leur pari. D’autant qu’ils signent ici leur premier film d’animation. Ils semblent marcher dans les pas de Don Bluth et Gary Goldman.

>Film d’animation (France-Canada), 1 h 29. Dès 3 ans. D’Eric Summer et Eric Warin. Avec les voix de Camille Cottin, Malik Bentalha, Kaycie Chase.
>NOTE : 3/5 

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=M5-LjE4LSLA[/youtube]

Mademoiselle : sensuelle manipulation

Avec Mademoiselle, Park Chan-Wook prouve de nouveau à quel point quel metteur en scène fantastique il est. Doux érotisme et histoire d’escrocs au programme !

PAUSE_CINÉ_MADEMOISELLE

Comment définir la nouvelle offrande de Park Chan-Wook ? Un thriller psychologico-lesbien ? Un drame érotique mâtiné de romance ? Un simple jeu de dupes alambiqué ? Un peu tout ça à la fois, en fait. Avec ce Mademoiselle (Agassi en VO), le cinéaste coréen s’est inspiré de Fingersmith, roman saphique de Sarah Waters paru en 2002. Reprenant les grandes lignes, le réalisateur place toutefois son histoire au cœur des années 30, dans une Corée du sud sous occupation japonaise. Mademoiselle s’intéresse à une jeune fortunée (Hideko) voyant un jour arriver une jeune servante (Sookee), en fait de mèche avec un escroc sadique n’en voulant qu’à son argent.

Mais de ce postulat, Park Chan-Wook va dérouler une histoire de manipulateurs manipulés, un habile jeu de rôles plein de surprises et de rebondissements. Où les cartes sont continuellement redistribuées.
S’en sortant plutôt bien dans l’ensemble (les trois parties du film sont cependant inégales), Park Chan-Wook prouve surtout quel réalisateur virtuose il est. Photographie léchée, composition réfléchie, splendeur visuelle : jusque dans ses moindres détails, Mademoiselle est de toute beauté. Il est d’ailleurs intéressant d’observer que dans cet écrin, le beau cache souvent le laid (un sublime cerisier en fleur, mais auquel on se pend…).

Chic, le film l’est jusqu’au bout. Même quand, nourri d’un érotisme soft, il dépeint la relation passionnelle (et charnelle !) de la maîtresse et de sa servante. Le sexe et l’amour, ici, se mélangent au fétichisme, à la mort, à la violence. Une habitude chez le cinéaste.

Un film chausse-trappes, pensé sous forme de fausses pistes, peut-être mal proportionné mais qui rappelle de nouveau que Park Chan-Wook, en plus d’être formidablement romanesque, est un grand metteur en scène.

Aurélien Germain

> Thriller/drame de Park Chan-wook (Corée du Sud). Durée : 2 h 25. Avec Kim Min-Hee, Kim Tae-Ri, Jung Woo-Ha…
> NOTE : 3,5/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=G3TYloYDbUA[/youtube]

Robinson Crusoé : un naufragé en 3D

Robinson Crusoé arrive au ciné et en 3D. Une petite production belge qui souffre de quelques défauts mais brille par sa technicité visuelle hallucinante.

Image6

L’histoire de Robinson Crusoé, racontée du point de vue des animaux, notamment d’un perroquet… Il fallait le faire et le studio d’animation belge nWavePictures l’a fait. Un principe narratif différent pour un film étonnant : en signant ce Robinson Crusoé new generation, Vincent Kesteloot et Ben Stassen ont décidé d’une approche inédite et bien particulière (oubliez le compagnon Vendredi ; ici, il s’agit de Mardi et c’est un ara !).

Mais outre cette liberté par rapport au roman culte de Defoe, ce qui saute aux yeux en premier, dans cette petite production belge, c’est cette 3D brillante et d’une technicité hallucinante. Robinson Crusoé 3D est tout simplement éblouissant et époustouflant sur le plan esthétique. Toutes les textures, du ciel au réalisme de l’eau en passant par les pelages des animaux, montre une véritable maîtrise du procédé. Magnifiée par de sublimes couleurs et par un relief qui ferait rougir certains blockbusters hollywoodiens, la 3D bourrée d’ingéniosité est la véritable plus-value de Robinson Crusoé.

Une réussite qui rattrape les défauts dont pâtit le film. Car ce divertissement – certes rafraîchissant – souffre tout de même d’un récit bien trop linéaire et se voit plombé par des rebondissements pas vraiment excitants, au goût de déjà-vu. Un peu trop enfantin (les petits adoreront, mais il manque un niveau de lecture pour les adultes), Robinson Crusoé 3D pêche par son scénario léger et ses séquences un poil répétitives.
Dommage, car entre sa superbe palette graphique et ses personnages attachants (cette chèvre vieillotte, à moitié bigleuse et affamée est géniale), Robinson Crusoé 3D aurait pu réellement se démarquer et être une vraie merveille.

Aurélien Germain

> Film d’animation (Belgique) de Vincent Kesteloot et Ben Stassen. Durée : 1 h 30.
> NOTE : 2,5/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=eCeQkxLhhL0[/youtube]

A Perfect day : drôle et absurde

A Perfect Day (Un jour comme un autre en VF) raconte l’absurdité de la guerre avec humour. Un film choral (d)étonnant.

a perfect day

Contre-plongée. Le spectateur observe du fond d’un puits. Tout est noir, puis s’éclaircit : un corps est remonté à la surface… Avant que la corde lâche et que Mambrú, un humanitaire, lâche un juron. A perfect day – Un jour comme un autre en VF – vient de commencer. Le début d’un film singulier, pas si facile d’accès, mais pertinent.

En fait, dans A Perfect day, c’est une simple corde fichue qui lance l’aventure. Celle de membres d’une ONG chargés d’assainir le puits dans lequel gît un cadavre, afin que que les habitants puissent avoir de l’eau. Mais pas si simple, quand le pays est miné par une guerre civile. On vous l’accorde : sur le papier, le sujet n’est pas prometteur.
Mais de ce pitch si peu sexy, voilà que l’Espagnol De Aranoa arrive à tirer un bon drame teinté de comédie. Ou une comédie dramatique, on ne sait plus trop. Car très vite, le cinéaste pose les bases de ce film si intrigant. À coup de situations incongrues et de dialogues savoureux (et souvent très drôles), il parvient savamment à raconter l’absurdité de la guerre avec humour, en plus d’interroger sur le rapport humanitaires/population locale. Et puis, parfois, A Perfect day vrille, se fait plus grave. Un numéro d’équilibriste qui, malgré ses longueurs, fait mouche.

Emballé dans une bande-son excitante à souhait (on pioche même dans du punk et du Marilyn Manson !), A Perfect day, véritable film choral, aligne les obstacles que des humanitaires dépassés devront surmonter. Ils ne sont que des Hommes. Des héros normaux. Dessinés avec précision par un casting délicieux : entre Benicio del Toro, nonchalant et son attitude de mec cool, Tim Robbins impérial dans le rôle de « B » qui ne sait pas ce qu’il veut, ou encore Mélanie Thierry, toute en justesse comme nouvelle recrue naïve. Au final, un road-trip intelligent dans un film de guerre déstabilisant. Une bobine loin d’être confortable, mais (sur)prenante.

Aurélien Germain

Drame, Comédie (Espagne), de Fernando León de Aranoa. Durée : 1 h 46. Avec Benicio del Toro, Olga Kurylenko, Tim Robbins…
NOTE : 3/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=Mwi_0_0f208[/youtube]

Will Smith est seul contre tous

Entre un titre francisé qui n’a rien à voir avec le titre original, un film longuet et un Will Smith plus que passable, Seul contre tous (Concussion) est loin du film coup de boule espéré.

-« Tu crois qu’on se plante avec ce film ? » -« Tais-toi et marche. »

C’est l’histoire de David contre Goliath. L’histoire vraie du Dr Benett Omalu contre la toute-puissante NFL, la Ligue nationale de football américain. Un neuropathologiste nigérian engagé dans un combat disproportionné, puisqu’il fut le premier à découvrir l’encéphalopathie traumatique chronique (ETC), maladie traumatique liée à la pratique dudit sport. Une affection cérébrale qui a mis des années avant d’être dénoncée dans le milieu intouchable du foot US. Un sujet intrigant, un propos intéressant ? Oui, mais un film décevant…

Au départ, ce « sport drama » était pourtant prometteur. Filmer la croisade d’un médecin contre des dirigeants décidés à étouffer l’existence de l’ETC aurait pu être piquant. Très piquant. Il suffit de voir ces images d’archive, coupures de presse et séquences, dessinant les conséquences de ces commotions cérébrales décriées : des joueurs pros agressifs, dépressifs, suicidaires…
Mais très vite, un constat s’impose : Seul contre tous n’est en fait qu’un biopic paresseux et fort consensuel. (Trop) sage et (très) classique, le film interminable de Peter Landesman n’ose jamais vraiment. Se contentant simplement, et avec lourdeur, de montrer un homme seul et croyant face aux pouvoirs et aux puissants, cherchant à se faire accepter de Dieu (et de l’Amérique ?).

On aurait pu alors se contenter de la présence de Will Smith en tête d’affiche. Mais malgré son implication (son accent nigérian en VO), l’acteur, empêtré dans un jeu soporifique, ne convainc pas. Reste tout de même une mise en scène frigorifique qui accentue la froideur de cet envers du décor. L’acte final hissera enfin le film dans les derniers instants. Ne laissant qu’un goût amer pour un produit si prometteur, mais à la vision finalement bien faiblarde et proprette.

Aurélien Germain

>Drame, de Peter Landesman (États-Unis). Durée : 2 h 01. Avec Will Smith, Alec Baldwin, Gugu Mbatha-Raw…
>NOTE : 2/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=qFvaXF0xKcc[/youtube]

Zoolander 2 : la déception

Les mannequins crétins sont de retour : pour cette suite de Zoolander, Ben Stiller (pourtant l’un de nos chouchous) déroule le tapis rouge de la déception. Excepté les caméos qui font sourire, il ne reste pas grand-chose de cette pelloche bien maladroite. Réchauffé et indigeste.

Les bouches en cul-de-poule à l'attaque.
Les bouches en cul-de-poule à l’attaque.

L’histoire avait pourtant bien commencé : Zoolander, premier du nom, avait été érigé au rang de comédie culte, suite à un score honorable au box-office et son carton côté DVD. Bébête mais drôle, la comédie qui égratignait joliment les fashionistas a fait le pari d’un retour gagnant 15 ans après. Dopé par une campagne promo-marketing béton (happening dans une vitrine d’un magasin en Italie, apparition délirante à la Fashion week, etc.), Zoolander 2 aurait dû casser la baraque.

Sauf que non. Non, non et non. Assassiné par la critique aux États-Unis, force est de constater que ce Zoolander 2 patauge effectivement dans le marécage des suites inutiles et poussives.
Dans ce deuxième épisode, Derek et Hansel sont devenus has-been. Exit, les podiums. Tous deux vivent reclus, jusqu’à ce qu’un mystérieux psychopathe dézingue les célébrités à tout va. Valentina, de la Fashion police d’Interpol, va alors appeler nos héros aux bouches en cul-de-poule pour sauver le monde de la mode et le fils de Derek qui a été enlevé.

Sur un scénario fouillis, l’acteur-réalisateur Ben Stiller va alors enchaîner moments gênants, blagues qui tombent à plat et séquences paresseuses. Là où le premier opus réussissait avec son humour très second degré, ce deuxième épisode n’arrive jamais pousser les curseurs au bon endroit. Ressemblant davantage à un amas indigeste de mini-sketches, Zoolander 2 est surtout un exercice de parodie alignant les clins d’oeil et une tonne de « caméos » : ces apparitions de stars sont d’ailleurs le seul plaisir coupable du film. Sting, Benedict Cumberbatch, Mika, Katy Perry, Anna Wintour… Des invités-surprise, pour des rôles stupides (donc drôles), qui ont le mérite de faire rire.
Et finalement, passée la première scène jouissive (Justin Bieber se fait dégommer par une rafale de balles, avant de mourir en faisant un selfie Instagram !), il ne reste pas grand-chose à retenir de ce come-back raté et décevant.

Aurélien Germain

Comédie, de Ben Stiller (États-Unis). Durée : 1 h 42. Avec Ben Stiller, Owen Wilson, Penelope Cruz, Will Ferrell…
NOTE : 2/5

The Revenant : Leo se les gèle

Leonardo DiCaprio aura-t-il enfin son Oscar ? Pour tmv, c’est un OUI massif, vu ce Revenant exceptionnel, technique et de toute beauté. La baffe (polaire) !

"C'est par où la Fashion Week ?"
« C’est par où la Fashion Week ? »

Il suffit de cinq minutes à peine pour comprendre que The Revenant est et sera un film épique, enivrant, exigeant. Cinq minutes à peine pour comprendre qu’Iñárittu, le réalisateur, vient de signer avec The Revenant un film virtuose. Lors d’une introduction magistrale, le cinéaste filme lors d’un plan-séquence hallucinant une attaque d’Indiens sur un camp de trappeurs. Overdose de violence dans un paysage enneigé. La fresque est lancée…

The Revenant est le récit d’Hugh Glass, grièvement blessé par un ours et laissé pour mort par un traître de son équipée sauvage. Porté par un désir de vengeance, il va parcourir des centaines de kilomètres, bravant les obstacles dans un environnement hostile. Que ce soit dit : cette histoire, devenue d’ailleurs un classique que l’on se raconte autour du feu en Amérique, est un survival dément, mâtiné de « revenge-movie » sale et épuisant. La Nature et l’Homme, tous deux, sont dangereux.

Sublimé par une photographie extraordinaire, techniquement ahurissant, The Revenant est une expérience sensorielle, une aventure ébouriffante. Terrifiante, même. Emmenée par un Leonardo DiCaprio exceptionnel. L’acteur disait sûrement vrai, quand il a avoué avoir tourné « le film le plus diˆfficile de toute sa carrière » (tournage par -40°C notamment). Habité par son rôle, voire possédé, DiCaprio bave, saigne, tremble, hurle. Magnétique lors d’une scène ultra-réaliste et étouffante (et déjà culte !), où il est attaqué par un grizzly.
Captivant et passionnant, tout comme l’oeuvre qu’il porte à bout de bras, même si The Revenant accuse quelques longueurs. Mais il serre à la gorge jusqu’à son final apocalyptique. De quoi (enfin) faire gagner la précieuse statuette à DiCaprio lors des Oscars ?

Aurélien Germain

Western/Aventure (États-Unis), d’Alejandro Iñárittu. Durée : 2 h 36. Avec Leonardo DiCaprio, Tom Hardy…
NOTE : 4,5/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=y-hPP5fW7tg[/youtube]

Deadpool : torgnoles, WTF et super-héros

Anti-héros au possible, humour salace, bastonnades bien gores : l’attendu Deadpool est enfin au ciné. Alors, verdict ?

Deadpool
Deadpool, posey mais pas dans son canapey.

Deadpool  Enfin, le voilà ! Ultra-attendu, « rated-R » aux States (interdit aux moins de 17 ans, car jugé trop violent), le fameux Deadpool débarque enfin sur les écrans. Et qu’on se le dise tout de suite, les yeux dans les yeux (oui, oui, c’est à vous que je parle) : Deadpool fait un bien fou. Encore plus dans l’univers trop aseptisé des dernières prod’ Marvel qui, soyons sincères, étaient bien fades et lisses.

Deadpool, donc, c’est l’anti-héros atypique de l’univers Marvel. À la base, un mercenaire nommé Wade Wilson qui, bien heureux dans son quotidien de parties de jambes en l’air avec sa chérie ex-péripatéticienne, apprend un jour qu’il un cancer. Il tente donc une expérimentation proposée par un monsieur qui ne met pas franchement en confiance… et devient Deadpool, superhéros bad-ass à l’humour noir et salace. Décidé à se venger, il va alors se mettre traquer l’homme qui l’a défiguré à vie…

Et c’est parti pour 1 h 48 de gros délire. Parce que Deadpool, c’est ça : un gros majeur tendu, un WTF permanent. Entre apartés à son spectateur (un poil trop rares cependant) et bastonnades sanguinolentes, le super-héros (joué par un Ryan Reynolds coolos et à l’aise) enquille gore, fun et irrévérence à un rythme survitaminé.
Dans une avalanche de vannes foireuses (le film est à voir en VO sous-titrée, impérativement !), de clins d’oeil délirants et de grand n’importe quoi (un super-héros avec un sac Hello Kitty rempli de kalach’), la bobine du réalisateur Tim Miller fait plaisir, car elle ne se prend pas au sérieux. Il suffit de voir ces moqueries en cascade ; l’acteur, lui-même, prenant malin plaisir à vanner son flop Green Lantern par exemple. À condition d’accepter de jouer le jeu de la surenchère, le spectateur – et surtout fan de comics – saura apprécier le mélange humour gras / action-torgnole-gore.

Politiquement incorrect mais aussi ultra-calculé (on reste dans une pelloche co-produite par la Fox), cette ode aux répliques cinglantes, à la bastonnade de super-héros et à la saturation du « fuck » (essayez de compter le nombre de fois qu’il est prononcé !) est un « putain » de bon divertissement. Et qui fait du bien au slip de Marvel.

> Action, comédie (Etats-Unis), de Tim Miller. Durée : 1 h 48. Avec  Ryan Reynolds, Morena Baccarin, Ed Skrein…
> NOTE : 4/5  

PS : n’oubliez pas de rester jusqu’à la fin du générique…

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=Tgdw-sHvYpY[/youtube]

Spotlight : Eglise, scandale et leçon de journalisme

Spotlight, le film du mois ? Assurément ! Le film retrace l’enquête menée par des journalistes américains qui ont révélé le scandale des prêtres pédophiles dans le diocèse et de l’étouffement de l’affaire par certains politiques et hommes de pouvoir. Glaçant.

Spotlight

C’était en 2002. The Boston Globe éclaboussait le monde de ses révélations : le journal sortait une enquête qui faisait froid dans le dos, dénonçant le scandale des prêtres pédophiles du diocèse de Boston… en prouvant aussi que police, politiques et hommes de pouvoir avaient tenté d’étouffer l’affaire.
C’est ce que raconte Spotlight (du nom du groupe de journalistes qui ont écrit sur le sujet), une histoire vraie, glaçante, mettant sous le feu des projecteurs des hommes dévoués corps et âmes à dénoncer l’impensable. Une virée dans l’envers du décor du journalisme d’investigation.

Loin d’être ennuyeux, Tom Mc Carthy (scénariste de Là-haut !) accouche là d’un film sobre et intelligent. Ici, le spectateur devient le bloc-notes des journalistes. Assiste, au fur et à mesure, aux terrifiantes révélations. Il est seul au milieu des cliquetis des claviers, des téléphones qui chauffent et des montées de stress. Dans Spotlight, la narration est conventionnelle, mais l’interprétation est magistrale : de Mark Ruffalo (remarquable !) à Michael Keaton, en passant par Stanley Tucci… Seule Rachel Mc Adams semble, pour une fois, un peu trop transparente.
Tout en retenue (la parole des victimes se fait sans pathos), Spotlight bénéficie d’un montage précis et d’une mise en scène discrète. Poussant le spectateur vers une question : qu’est-ce qui est pire ? Les abus sexuels en toute impunité des prêtres ? Ou l’Église qui ferme les yeux et protège ses membres en les faisant par exemple déménager ?

Au final, le film de Mc Carthy est un portrait glaçant de Boston, un thriller aux allures de documentaire, une plongée et surtout une ode au vrai journalisme, au 4e pouvoir. À l’époque, la rédaction du Boston Globe avait obtenu un Prix Pullitzer pour son enquête. Spotlight aura-t-il droit à son Oscar, le 28 février ?

>Drame (USA) de Tom Mc Carthy. Durée : 2 h 08. Avec Mark Ruffalo, Liev Schreiber…
NOTE : 4/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=uzLs_2hgv0k[/youtube]

The Danish Girl : futur oscarisé ?

Avec la sublime métamorphose d’Eddie Redmayne, le film de Tom Hooper est bien placé pour rafler les Oscars. Alors, on va voir The Danish Girl ?

The Danish girl

Il y a une scène, dans The Danish girl, qui marque. Gerda, peintre mondaine mais sans modèle, demande à son mari Einar de poser pour elle en robe. Sourires, puis rires. Et puis soudain, le regard d’Einar se fige, brille, s’illumine. Tout s’arrête autour de lui. Il caresse l’étofƒe, intrigué, terrifié, subjugué. Quelques scènes plus tard, il deviendra femme.
The Danish Girl est l’histoire vraie de deux artistes danois. L’histoire d’amour entre Gerda Wegener et Einar Wegener qui deviendra Lili, première personne à avoir subi une chirurgie de réattribution sexuelle dans les années 30. Signé Tom Hooper (Le Discours d’un roi, Les Misérables…), ce biopic aborde frontalement les thèmes de la transexualité et de la crise d’identité avec élégance.
Sans tomber dans le voyeurisme bébête, le cinéaste déroule cependant un récit un peu longuet, au traitement trop académique et illustratif.

Traversé par de sublimes plans aux allures de tableaux et magnifié par sa photographie, The Danish girl est tout en délicatesse. Mais n’osant jamais sortir du chemin balisé, il pêche par un script maladroit (l’arrivée de la transidentité d’Einar est bâclée) et qui mériterait un peu d’audace (le traitement médical aƒffreux réservé à l’époque aux transgenres est vite expédié).
Côté interprétation, le joli duo oƒffert par Alicia Vikander et Eddie Redmayne paie : la première, humaine et subtile dans le rôle d’épouse délaissée. Le second, déjà oscarisé pour Une Merveilleuse histoire du temps, est précis dans son jeu, mais a tendance à trop minauder. Il n’empêche, cette oeuvre a le mérite d’aborder un sujet brûlant qui pourra – et devrait !- amener à plus de tolérance. Le Qatar, lui, a décidé d’interdire le film, le jugeant « trop dépravé »

Drame/biopic, de Tom Hooper (USA, GB). Durée : 2 h. Avec Alicia Vikander, Eddie Redmayne, Ben Whishaw…

NOTE : 2,5/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=qyn7C99vob0[/youtube]

« Creed, l’héritage de Rocky Balboa » : retour sur le ring

Avec Creed, le jeune réalisateur Ryan Coogler redonne du souffle à la franchise Rocky. Et tant qu’à faire, Sly est de retour en (grande) forme. On ne va pas se fâcher avec Balboa, hein…

Creed
« T’énerve pas, gamin. Toi aussi t’auras ta marionnette dans les Guignols »

Intérieur d’un centre de détention. Des voix s’élèvent. Les coups partent. Une bagarre. Les coups sont durs, secs. Les prisonniers sont jeunes, très jeunes. L’un d’eux est Adonis Creed, fils du légendaire boxeur Apollo Creed, ancien adversaire de Rocky Balboa… qui va alors devenir, des années plus tard, l’entraîneur dudit Adonis. Sur le papier, difficile de donner une once de crédibilité à un projet pareil.

Un spin-off de Rocky, centré sur le rejeton d’Apollo Creed ? Mouais. Hollywood cale côté sujets originaux depuis quelques temps, ça, on le savait. Pourtant, Creed est un film loin d’être idiot. Déjà en évitant l’écueil de tomber dans la grosse nostalgie ronflante. Mais aussi en modernisant légèrement le mythe, le réalisateur Ryan Coogler apporte un héritage à Rocky. Sincère dans ses intentions, le cinéaste réussit le dosage entre combats hargneux (et lisibles !), entraînements intenses et instants mélo.
Malgré quelques longueurs et l’erreur de laisser la musique au second plan, il parvient à happer le spectateur dans le combat intérieur du jeune Adonis (ses démons, la figure manquante du père, la colère…).

Et bien que le musculeux Michael B. Jordan, parfait dans son rôle de poulain de Rocky, brille, c’est surtout vers Sylvester Stallone que tous les yeux se tournent. Loin de bêtement cachetonner comme dans ses derniers films (Expendables, si tu m’entends…), Sly y apparaît tout en justesse, voire délicat et détendu. Touchant, car plein de simplicité.
Sans réelle surprise, Creed a beau être prévisible, il reste agréablement étonnant et honnête… Ce qui pourrait donner naissance à une nouvelle saga ?

Aurélien Germain
Drame (États-Unis) de Ryan Coogler. Durée : 2 h 12. Avec Sylvester Stallone, Michael B. Jordan, Tessa Thompson…
NOTE : 3/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=SdFuAA5l7Ms[/youtube]

Mistress America : comédie survitaminée

Noah Baumbach et sa Muse, Greta Gerwig, sont de retour pour une comédie aux accents alleniens.

Mistress America

Comme pour son précédent Frances Ha, Noah Baumbach a cherché à centrer son film sur un personnage féminin au tempérament fort. Comme pour Frances Ha, toujours, le réalisateur a voulu mette au premier plan sa compagne, sa muse, son actrice fétiche : Greta Gerwig. Elle y joue Brooke, une trentenaire new-yorkaise pure et dure – concentré de folie, d’extravagance et de je-m’en-foutisme – qui va accueillir sa future demi-soeur Tracy, petite étudiante plutôt paumée et qui débarque dans la ville.

Brillante comédie aux thèmes multiples (l’identité, la solitude, les rêves et envies), ce Mistress America survolté fait parfois penser à Woody Allen. Pour sa façon de faire de New York un véritable protagoniste. Pour sa manière de filmer des personnages urbains et balancer les répliques savoureuses en cascade.
Ça va d’ailleurs très vite. Parfois trop, peut-être. Dans un déluge d’énergie, Mistress America ne s’arrête jamais. Impulsif et foufou, à l’instar de Greta Gerwig, véritable attraction du film. Face à elle, exquise et détestable, il y a la gentillette Lola Kirke. La jeune comédienne, relativement peu connue du public, est une révélation.

Autour des deux femmes gravite une galerie de personnages délicieux (l’ex-meilleure amie et son mari barré, l’intello mou et son amoureuse jalouse névrosée…) qui prendront toute leur saveur dans une séquence surréaliste, un feu d’artifice burlesque et hilarant. Au final, Noah Baumbach accouche d’une fable sur la fin des rêves de jeunesse, aux accents de Nouvelle Vague. C’est drôle et théâtral. Et surtout, c’est un joyeux bazar.

Comédie (USA) de Noah Baumbach.Durée : 1 h 24. Avec : Greta Gerwig, Lola Kirke, Matthew Shear, Heather Lind…
NOTE : 3/5

 [youtube]https://www.youtube.com/watch?v=cjPWrbavKCU[/youtube]

Oups, j’ai raté l’arche : en attendant le déluge

Il n’y a pas que Pixar dans la vie. La preuve avec cette petite production européenne sans grande prétention, mais plutôt sympathique.

Oups j'ai raté l'arche

Pas si simple, pour les petits, de se frayer un chemin parmi les grands. C’est un peu le cas de cette production européenne, coincée entre les sorties hivernales de blockbusters (Star Wars, c’est de toi qu’on parle) et l’esprit Pixar qui flotte forcément dès lors qu’il s’agit d’un film d’animation.

Pourtant, Oups, j’ai raté l’arche tente tant bien que mal de se faire sa place. Et réussit à proposer une alternative sympathique aux gros produits du moment. Dans cette bobine signée Toby Genkel, la fin du monde est proche et le grand Déluge arrive. Les animaux sont donc invités à embarquer dans une arche… sauf Dave et son fils Finny, des créatures étranges nommées Nestrians, qui vont alors tenter de s’incruster. Aidés par deux farouches Grymps, Hazel et sa fille Leah, ils embarquent discrètement. Mais Finny et Leah vont tomber de l’arche et devoir survivre dans un monde hostile.

Gros bonbon visuel (les animaux sont tout aussi colorés et flashy que les décors), cette fable mignonnette et sans prétention parvient à insuffler sans souci ses messages (l’union fait la force et il faut accepter les différences).
Classique certes, mais efficace pour le public auquel il s’adresse particulièrement : les jeunes enfants. Contrairement à eux, les parents pourront toutefois regretter le rythme monocorde et le peu d’audace dans l’humour ou même l’émotion. Idem pour le « méchant » du film, peu adéquat et mal traité pour ce genre de cinéma. Oups, j’ai raté l’arche a beau égréner les obstacles attendus, quelques jolis moments surprenants sont au programme. Il réussit à embarquer dans un scénario à double quête et une agréable aventure.

Aurélien Germain

Film d’animation (Allemagne, Irlande, Belgique, Luxembourg). Durée : 1 h 26. De Toby Genkel.
NOTE : 3/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=E4riGeB099w[/youtube]

Kill your friends : descente aux enfers

#EPJTMV. Kill Your Friends met en scène un sacré Nicholas Hoult… Détestable au point qu’on finit par l’aimer. Bah tiens !

PAUSE_ECRANS_CINE

C’est l’histoire d’un mec détestable, à vomir. Ambitieux à en mourir. Steven Stelfox, incarné par un Nicholas Hoult déchainé, c’est un peu « le diable s’habille en directeur artistique ». Dans sa maison de disques, Unigram, il tente à tout prix de gravir les échelons. À 27 ans, il est cocaïnomane, alcoolique et surtout extrêmement cynique. Son ambition dévorante l’amène à tuer ceux qui s’opposent à lui.

Kill your friends est un titre erroné, Steven Stelfox n’a pas d’ami. C’est un requin dans le banc de squales qui tire les ficelles de l’industrie du disque, à son apogée en cette année 1997. Oscillant entre Le Loup de Wall Street et 99 francs, le film souffre toutefois de quelques défauts. Les passages redondants de concerts sous acides, un tantinet longuets, et la naïveté de certains personnages « aveuglés par leurs rêves » ne servent pas franchement le film. Mais les nombreuses scènes en regard caméra sont plutôt bien réalisées, avec la dose d’humour noir caractéristique de la devise de Steven Stelfox : « écraser ses ennemis et entendre les lamentations de leurs épouses ». Conan le Barbare a mis un costume impeccable et sniffé un rail, il est directeur artistique.

Par un procédé plutôt grossier, mais dérangeant, le spectateur en vient pourtant presque à compatir lorsque le détestable directeur artistique descend droit dans les abysses sur le son de Radiohead. L’immoralité finit finalement par emporter la mise dans un happy end pour Steven Stelfox, moins pour le genre humain. Et dire que ce film est tiré d’une histoire vraie…

Théo Sorroche
> Thriller (Grande-Bretagne) d’Owen Harris. Durée : 1 h 47. Avec Nicholas Hoult, Craig Roberts, James Corden…
NOTE : 3/5

Strictly Criminal : Johnny Depp et les mafieux

Vous en aviez marre de le voir cabotiner dans les Pirates des Caraïbes ? Revoilà un grand Johnny Depp, en forme, et métamorphosé dans un rôle de mafieux sans pitié. Vraiment criminel !

Strictly Criminal

Sur le papier, ce Strictly Criminal de Scott Cooper relevait de la gageure : un biopic lorgnant clairement sur le film de mafia et s’attaquant au personnage de James « Whitey » Bulger, gangster irlandais du South Boston des années 70, convaincu par un agent du FBI de collaborer pour éliminer la mafia italienne. En soit, une histoire vraie, des caïds et un thème déjà abordé par les maîtres Scorcese et Coppola. Dur.

Pourtant, le long-métrage de Cooper parvient à captiver, accumuler une pression qui ne cesse de gonfler durant deux heures. Il s’appuie sur un casting costaud, mené de main de maître par un Johnny Depp méconnaissable : totalement transformé, maquillé, arborant une dent pourrie, le crâne dégarni et les yeux bleus. Cantonné à des rôles plus que moyens, Depp revient par la grande porte. Offrant une performance forte, exercant un pouvoir d’attraction inconfortable (il est une véritable ordure), le Jack Sparrow cabotin de Pirates des Caraïbes s’offre ici une résurrection artistique.

Doté d’une mise en scène modeste et loin d’être tapageuse, Strictly Criminal n’use pas de psychologie. Se contente de suivre le destin de ce criminel qui détruit tout ce qui l’entoure. Sobre (trop classique ?), il filme les mafieux sans détour : laids, froids, sans pitié et uniquement régis par leur prospérité et leur survie.
Alors certes, on est loin des Infiltrés (James Bulger a largement inspiré le personnage de Scorcese). Il n’empêche : Strictly Criminal est un film de mafieux violent et réussi. Croquant l’alliance aberrante entre un roi de la pègre et le FBI avec brio, sans tomber dans le grotesque ou la pâle copie. Un film qui, à l’instar de son titre original (Black Mass), est une masse noire qui avance et vous happe.

Aurélien Germain

Policier (USA). Durée : 2 h 02. De Scott Cooper. Avec Johnny Depp, Joel Edgerton, Benedict Cumberbatch…

NOTE : 4/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=e_iTeNxCUcA[/youtube]

Crazy Amy : la rom-com qui fait du bien

Judd Apatow revient avec ce Crazy Amy, une comédie romantique qui fait sourire et parfois rire, mais bien trop puritaine dans sa morale.

crazy amy

Pour la énième fois, ne vous fiez pas au titre de la version française : Crazy Amy n’est pas si « crazy » que ça. Le titre original, Trainwreck (« épave ambulante »), retranscrit bien mieux la personnalité d’Amy, personnage principal du dernier film de Judd Apatow. L’un des rois de la comédie US (40 ans, toujours puceau ou encore En cloque, mode d’emploi) revient ici plus inspiré, avec une comédie romantique à la new-yorkaise qu’il réussit habilement à diluer dans une sorte de drame intimiste, abordant divers thèmes comme le sexe, l’amour, l’estime de soi, la mort.
Crazy Amy suit donc la journaliste Amy, une extravertie multipliant les coups d’un soir, tout en refoulant les relations amoureuses qu’elle considère ennuyeuses. Tout va changer lorsqu’elle rencontre le sujet de son prochain article, Aaron, un brillant et charmant médecin…

Le début de Crazy Amy est exquis : avec son sens de la punchline, Judd Apatow balance des dialogues savoureux en cascade. Le réalisateur s’éclate à transformer l’actrice Amy Schumer en nympho assumée, alcoolo et superficielle. Les saynètes humoristiques filent comme des torpilles (cette scène hilarante de sexe avec un bodybuildé atrophié du bulbe). Et puis Crazy Amy dérive, brouille les pistes, marie humour et drame dans un subtil dosage. Tour à tour drôle et sensible, aussi bien capable de filmer une discussion-fantasme sur Johnny Depp aux toilettes qu’une conversation profonde sur la sclérose en plaques du papa d’Amy.

On regrettera toutefois un divertissement certes efficace, mais ultra-classique et bien trop puritain dans sa morale. Sans compter qu’une nouvelle fois, Apatow retombe dans son travers habituel : faire un film bien trop long pour son sujet.

>>Comédie (USA) de Judd Apatow. Durée : 2 h 02. Avec Amy Shumer, Bill Hader, Brie Larson…
NOTE : 3/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=cOTCnaAjg_M[/youtube]

Au Royaume des singes : le nouveau Disney Nature

Et de dix docu’ animaliers pour Disney Nature ! La firme revient avec le très intéressant Au Royaume des singes.

PAUSE_ECRANS_CINE

La série des documentaires animaliers estampillés Disney Nature s’enrichit avec ce Monkey Kingdom, Au Royaume des singes en français. Une nouvelle fois, ce sont les excellents Mark Linfield et Alastair Fothergill à la manoeuvre : les réalisateurs du précédent Chimpanzés nous emmènent cette fois-ci dans les profondeurs de la jungle d’Asie du Sud, pour découvrir une tribu de macaques à toques.

Une fois de plus, ce docu animalier (le dixième pour la firme aux grandes oreilles) vise juste : à l’instar des passionnants Grizzly ou encore Félins, Au Royaume des singes parvient brillamment à être à la fois informatif, drôle et émouvant. Dans des paysages à couper le souffle, joliment shootés, le film montre à quel point il existe une véritable société simiesque, se focalisant sur la hiérarchie sociale et montrant avec finesse la lutte des classes opérant chez eux. Un microcosme complexe et fascinant.
Et même en prenant le parti de s’intéresser surtout à la guenon Maya, sorte d’héroïne de ce documentaire, les réalisateurs réussissent tout de même à multiplier histoires et points de vue : élevage des petits singes, recherche de nourriture, bagarres de territoire, ou encore menaces, qu’elles soient animales ou… humaines.

Si la narration très juvénile et naïve, ainsi que la sur-scénarisation du documentaire, pourront en rebuter certains (le film vise clairement le jeune public), ce joli effort, au travail titanesque (un tournage de 3 ans !), vaut le détour. Une bouffée d’air frais dans le cinéma du moment, un joli moment d’émotion. Un voyage épousant par ailleurs la cause animale, sans être ronflant ou moralisateur.

Aurélien Germain

Documentaire, de Mark Linfield et Alastair Fothergill (USA). Durée : 1 h 21.
NOTE : 3/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=1sn80MxRmec[/youtube]

Madame Bovary : pâle adaptation

Sophia Barthes est la 2309232984ème personne à s’attaquer au chef-d’oeuvre de Flaubert. Magnifique visuellement, mais si vide émotionnellement…

Madame Bovary

Adapter le chef-d’oeuvre de Flaubert pour la énième fois a-t-il vraiment du sens ? Tant de réalisateurs ont essayé d’accoucher d’un Madame Bovary version ciné (Renoir, Lamprecht, Chabrol, Minnelli, Schlieper…). Mais pour une fois, c’est une réalisatrice qui s’y colle. On aurait donc pu s’attendre à un nouveau regard sur le livre sulfureux de l’écrivain. De surcroît avec Sophie Barthes aux manettes, espoir du ciné indépendant.

Alors certes, ce Madame Bovary est d’une rare élégance (costumes, accessoires et décors sont de toute beauté). Reconstituant l’authenticité de l’époque avec brio, réussissant aussi à retranscrire cette vie si ordinaire d’Emma, mariée à Charles, qui sombre dans un ennui profond, alors qu’elle aspire à vivre aventures et passions. Une vie monotone qui la mènera dans les bras d’un autre et au suicide.

Mais le long-métrage de Barthes boîte, traîne la patte. Malgré un casting relativement crédible (Mia Wasikowska, Ezra Miller, Paul Giamatti…), le film – sincère, à n’en pas douter – peine à trouver un peu d’âme. Les émotions sont parfois présentes, mais embrouillées : trame narrative ratée par ses ellipses (le récit est bien trop simplifié), jeu d’acteurs froid et atone…
Difficile, alors, de croire à cette Emma infidèle, déçue, noyée dans ses dépenses luxueuses. Impossible, aussi, de croire à ce Charles, mari cocu, joué par Henry Lloyd-Hughes insipide et transparent. Madame Bovary est une aventure esthétique, c’est certain. Il ne faudra en revanche pas compter sur le côté tragique du classique de Flaubert, tout simplement occulté. Une adaptation tout juste passable.

Aurélien Germain

Drame, de Sophia Barthes (Grande-Bretagne/USA). Durée : 1 h 58. Avec Mia Wasikowska, Henry Lloyd-Hughes, Ezra Miller…

NOTE : 2,5/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=La-clCmfWGo[/youtube]

The Walk : film vertigineux !

The Walk : rêver plus haut, est de nouveau un joli coup de la part de tonton Zemeckis. Une plongée vertigineuse, un film de funambule, bien plus qu’un simple biopic. Le vertige !

The Walk

Robert Zemeckis possède ce petit quelque chose. Capable des films les plus cultes (Forrest Gump, Qui veut la peau de Roger Rabbit, Retour vers le futur…), comme des plus surprenants : Flight notamment, ou encore l’incroyable Seul au monde. Un film où seul ce réalisateur pouvait tenir le spectateur en haleine avec du « rien ».

The Walk est du même acabit. Un véritable exercice. Où le réalisateur américain réussit l’exploit de captiver pendant deux heures, alors que le climax (l’apogée du film) ne se trouve que dans la demi-heure finale. Car The Walk, c’est ça : du funambulisme à l’état pur. Un film sur la corde raide, qui raconte l’histoire vraie de Philippe Petit. Célèbre pour avoir marché sur un câble entre les deux tours du World Trade Center, en 1974. Et que cela soit clair : ladite traversée ne se trouve qu’à la toute fin. Tout le reste n’est qu’une histoire, savamment construite pour se préparer physiquement avant de se cramponner à son siège.
Zemeckis y filme Joseph Gordon-Levitt – excellent – comme un Mime Marceau ou un Buster Keaton. Nous sommes dans un conte, bien plus qu’un biopic. Une fantaisie, aux accents de carte postale. Zemeckis passe alors de narrateur de génie à technique hors-pair. Sublimée par une 3D magistrale, la traversée des deux tours de New York est une plongée vertigineuse. Le vide est abyssal. Le public retient son souffle. Vit ce moment de tension. se dessine alors une phrase dans nos têtes : croyez en vos rêves.

Il y a de tout dans The Walk : du biopic, du conte, du film de casse, de la romance… Zemeckis envoie valser les conventions. Écrase les blockbusters du moment avec ce film d’artisan. Casse-gueule, mais passionnant. Un instant de beauté. Un hommage aussi bien au funambule Philippe Petit qu’aux tours jumelles.

Aurélien Germain

Biopic, de Robert Zemeckis (Etats-Unis). Durée : 2 h 03. Avec Joseph Gordon-Levitt, Charlotte Le Bon… 

NOTE : 4/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=5H5K0aslGoE[/youtube]

Seul sur Mars : ballet stellaire

Le dernier Ridley Scott est l’adaptation du roman The Martian : un astronaute-botaniste se retrouve bloqué sur la planète rouge. Une réussite !

Seul sur Mars

Mark Watney est le premier homme à marcher sur Mars. Sauf qu’il sera peut-être aussi le premier à y passer… Laissé pour mort par ses coéquipiers sur la planète rouge lors d’une mission, cet astronaute et botaniste se retrouve vivant, certes, mais seul. Le souci ? La maison est à 225 millions de kilomètres. Oups…

Seul sur Mars est l’adaptation de The Martian, le roman d’Andy Weir. Il fallait bien tout le savoir-faire d’un Ridley Scott pour poser le best-seller sur pellicule. Et malgré ses 77 ans, le réalisateur d’Alien filme Seul sur Mars comme s’il en avait 50 de moins. Un vrai plaisir de gosse. Rythmé, sublime et extrêmement bien documenté, ce ballet stellaire enchante et passionne. Dans la veine des récents Interstellar et Gravity, ce survival de l’espace s’attache en premier lieu à l’humain. Matt Damon, qui n’a jamais été aussi bon, incarne ce Mark Watney tour à tour émouvant, sobre, plein d’humour.

Dommage, cependant, que le personnage principal, croqué de suite comme un génie, atténue un peu les enjeux d’un film optimiste (trop ?). Il n’empêche : Seul sur Mars parvient adroitement à absorber le spectateur, dans des allers-retours constants entre ce Robinson Crusoé de Mars et des scientifiques de la Nasa sous pression sur Terre.
Pour enrober le tout, Ridley Scott a fait appel à Dariusz Wolski pour la photographie. En résulte un bijou visuel de toute beauté, magnifié par des décors à couper le souffle. Un véritable voyage. La tête dans les étoiles.

Aurélien GERMAIN

> Science-fiction (États-Unis) de Ridley Scott. Durée : 2 h 10. Avec Matt Damon, Jeff Bridges, Jessica Chastain…
NOTE : 4/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=sI-krAvAPLU[/youtube]

Belles familles : retour en demi-teinte

Le mythique Rappeneau est de retour avec ce Belles Familles. Tourné en partie à Blois, notamment, la dernière offrande du réalisateur français s’embourbe rapidement.

Belles Familles

Jean-Paul Rappeneau s’était fait rare ces derniers temps. Le cinéaste, surtout connu pour Cyrano de Bergerac ou encore Le Hussard sur le toit, revient sur le devant de la scène après une dizaine d’années d’absence. Dans son sac, Belles Familles. L’histoire de Jérôme Varenne (joué par Matthieu Amalric), de passage en France avant un rendez-vous d’affaires, qui se retrouve happé par son histoire familiale : la maison où il a grandi est en effet au cœur d’un conflit local ; une échappée provinciale qui va changer sa vie…

« C’est un film sur la province, une plongée dans le bain de la mondialisation », a rappelé le réalisateur, lors de l’avant-première à Tours (le film a été tourné en partie à Blois). Mais autant le dire de suite : l’argument est vite noyé dans un fatras de séquences plus ou moins réussies et ennuyeuses. Pourtant, Rappeneau suit à merveille ces non-dits sur l’enfance, sur la deuxième famille d’un père. Il y injecte ce charme suranné agréable. Il filme amoureusement la bâtisse. Comme une personne. Sa caméra épouse les murs, les formes, les meubles poussiéreux.
Mais le tout est bêtement torpillé par cet imbroglio juridico-administratif sur lequel s’attarde Rappeneau, anesthésiant totalement le spectateur. En dents de scie, souvent lénifiant, le long-métrage se perd dans une écriture un peu facile, où le peu de surprises aura vite raison du spectateur.

Belles Familles, filmé comme une pièce de théâtre de boulevard, est aussi inégal dans la caractérisation de ses personnages : parfois outranciers (Karin Viard, Guillaume de Tonquédec…), parfois à peine esquissés (André Dussolier). Par chance, la sublime Marine Vacth, magnétique, réussit à électriser ces deux heures qui paraissent bien longues.

>>Comédie dramatique (France), de Jean-Paul Rappeneau. Durée : 1 h 53. Avec Matthieu Amalric, Marine Vacth, Karin Viard, Gilles Lellouche…
NOTE : 2,5 / 5

Un début prometteur : surprenant, mais décousu

Le deuxième long-métrage d’Emma Lucchini (fille de qui-vous-savez) est une délicate comédie dramatique, saupoudrée de mélancolie. Un casting brillant, mais un scénario foutraque au possible…

Un début prometteur

Le cinéma français réserve parfois de bonnes surprises… Entre les sempiternelles comédies bas du front et les films d’auteur ronflants, les distributeurs osent parfois jouer la carte du changement. Un Début prometteur, signé Emma Lucchini, serait-il une légère bouffée d’air frais ?

Cette adaptation du roman de Nicolas Rey conte l’histoire de Martin, auteur alcoolo en instance du divorce, qui retourne vivre chez son père. L’écrivain retrouve alors son petit frère Gabriel, tombé éperdument amoureux de Mathilde, une femme plus âgée. Derrière ce pitch simpliste se cache en fait une étonnante comédie dramatique. Réussie, déjà, grâce à ses dialogues, à la fois poétiques et cyniques. Réussie, aussi, grâce à un excellent casting.
En premier lieu Manu Payet, second couteau des comédies hexagonales, qui navigue ici à contre-courant. En incarnant le désabusé Martin, il s’essaye à un registre plus grave. Méconnaissable, avec une grosse bedaine, il se cache sous des cheveux hirsutes et une épaisse barbe. Une épave enquillant les clopes. Se noyant dans l’alcool. Manu Payet est sans conteste l’attraction principale d’Un Début prometteur. Autour de lui gravitent Fabrice Lucchini, sobre et délicat ; Veerle Baetens, solaire et divine ; Zacharie Chasseriaud, un peu trop expansif.

Dommage, cependant, qu’Un Début prometteur parte dans tous les sens. La mise en scène est faiblarde, le scénario foutraque au possible. Décousu (les sous-textes s’emmêlent), sans point d’attache (quel personnage suit-on, au final ?), le script manque de profondeur. Reste aussi un troisième acte précipité et trop moyen. Le film de Lucchini fait alors écho à son titre : un début prometteur, torpillé par une fin pleine de fadeur.

 

> Comédie dramatique d’Emma Lucchini. Durée : 1 h 30. Avec Manu Payet, Fabrice Lucchini, Veerle Baetens, Zacharie Chasseriaud

 

NOTE : 3/5

Agents très spéciaux : James Bond version pop

Une comédie d’espionnage décalée, au coeur des sixties. Loin d’être inoubliable, mais suffisamment divertissante.

Agents très spéciaux

Ce n’est pas nouveau : depuis plusieurs années, le monde du cinéma – Hollywood en tête – semble se complaire à patauger dans la grande mare de la crise d’inventivité. Remakes, reboots, spin-off… Rien n’y fait, les idées originales n’existent plus. À court d’idées, les réalisateurs et les studios ? On répondrait aussi par l’affirmative avec cet Agents très spéciaux, Code U.N.C.L.E. Énième remake, encore et toujours. Ce coup-ci, une relecture de la série télé de 1964. Un feuilleton culte diffusé sur NBC à l’époque, signé Norman Felton et Sam Rolfe.

Quoi de mieux, alors, que d’engager le cinéaste britannique Guy Ritchie derrière la caméra ? Le réalisateur de Sherlock Holmes et RockNRolla – et accessoirement ex de Madonna, si cela vous intéresse… – est loin d’être un manchot côté mise en scène. Preuve en est ici encore, dans un film survolté et dynamique, où deux agents, un Russe et un Américain, sont obligés de faire équipe pour mettre deux, trois torgnoles à une organisation criminelle plutôt friande d’armes nucléaires…
Sans aucune méga star à l’affiche malgré son gros budget, Agents très spéciaux remplit brillamment son objectif : être un film d’espionnage décomplexé, fun mais qui n’oublie pas les bonnes scènes d’action. Bourré de second degré (cette scène de la montre, aux accents de western) et de répliques savoureuses, il enquille les clichés tout en les parodiant.

En se la jouant James Bond version pastille pop, Guy Ritchie fait parfois penser à la comédie d’espionnage Kingsman (2015) et insuffle un grain de folie dans un genre balisé. Dommage, toutefois, que le casting ne sache profiter pleinement de l’occasion : Henry Cavill, l’ex-Superman bodybuildé de Man Of Steel (2013), et Armie Hammer, précédemment vu dans le flop Lone Ranger, peinent à créer un tandem crédible. Loin d’être cabotin, ce duo n’est simplement pas complémentaire.
Dans cette dose de ciné à l’ancienne, délicieusement vintage, Agents très spéciaux est aussi d’une élégance british typique. Raffiné tant dans ses costumes, que ses coiffures et ses décors. Tout y est esthétique et assumé. Et par ailleurs nourri d’une fantastique BO, rappelant dans son esprit et son utilisation le cinéma de Tarantino : des morceaux de musique frais, entraînants, dépoussiérant le genre et faisant péter les conventions. Les cinéastes britanniques semblent définitivement être les meilleurs pour marier espionnage et comédie…

NOTE : **
Espionnage/comédie (États-Unis / Grande-Bretagne), de Guy Ritchie. Durée : 1 h 57. Avec : Henry Caville, Armie Hammer, Alicia Vikander, Elizabeth Debicki…

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=ST9IdB70zNw[/youtube]

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

Miss Hokusai : balade au pays du Soleil-Levant

Un film aux qualités plastiques indéniables, véritable hommage graphique, mais susceptible de laisser une partie du public sur le carreau…

Miss Hokusai

Keiichi Hara est un grand. Très grand. Réalisateur de séries télé familiales et populaires dans les années 80 (Doraemon, notamment), puis cinéaste indépendant, le Japonais s’est de nouveau distingué en recevant récemment le Prix du jury au Festival international du film d’animation d’Annecy pour son Miss Hokusai, sorti en mai au Japon. Avec ce film d’animation remarqué et remarquable, Hara livre une formidable adaptation de Sarusuberi, manga historique devenu culte, signé Hinako Sugiura. Une authentique balade dans l’art pictural nippon.

Miss Hokusai débute au pays du Soleil-Levant, en 1814. Il s’agit de la vie d’O-Ei, l’une des filles du peintre reconnu Katsushika Hokusai, qu’elle a aidé et épaulé dans ses œuvres. Toute sa vie. Dans son ombre. À la croisée entre biopic, film d’époque et portrait de femme teintés de rêveries fantastiques, Miss Hokusai brasse large. Mais s’appréhende plutôt comme un beau voyage. Géographique d’une part, emmenant le spectateur dans une véritable balade à travers la ville d’Edo – l’actuelle Tokyo – des années 1800. Psychologique d’autre part, avec cette envie de liberté d’O-Ei, jeune femme indépendante, qui se cherche, s’explore, écrasée par son travail sans obtenir la reconnaissance qu’elle mérite.

Doux mélange entre humour et poésie, agrémenté de dialogues à la fois simples et emprunts de lyrisme, Miss Hokusai est une fable fragile, belle et délicate. La jeune O-Ei nous intrigue. Nous touche. Célibataire, entourée d’hommes et d’un père sarcastique (malheureusement un peu insipide dans son traitement), parfois perdue, mais forte et obstinée…

Le dessin de Keiichi Hara, techniquement irréprochable, retranscrit parfaitement les émotions. Mieux, tout au long du film, il dépeint à merveille les quatre saisons. Des instants sublimes. Il suffit de voir les couleurs utilisées pour ce ciel rouge et brûlant, ou encore ces teintes de gris représentant un hiver cotonneux, aux nuages boursouflés de neige. Le reste est à l’avenant : travail impressionnant sur les ombres et l’eau, paysages, ville et arrière-plans remarquables de précision et de toute beauté… Baignant dans un certain onirisme, le film a beau être une charge émotionnelle, il court tout de même le risque de paraître comme une oeuvre inclassable… et uniquement destinée aux fans de mangas et de culture japonaise.
Divertissant, ambitieux, mais éminemment pointu. Peut-être trop.
Aurélien Germain

NOTE : **
Film d’animation (Japon). Durée : 1 h 26. De Keiichi Hara. Avec les voix de Yutaka Matsushige et Anne Watanabe…

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

Capture

Troublant Mezzanotte

Pour son premier film, le réalisateur Sebastiano Riso peint une ode à l’émancipation.

CINE_PAP

Androgyne, glam rock, marginale. Davide a quatorze ans, l’âge auquel les adolescents se cherchent. Il n’échappe pas à la règle. Lorsqu’on lui demande s’il est homosexuel, le jeune répond : « Un garçon m’a plu, une fois. » Mezzanotte, minuit en italien, narre le récit initiatique de ce jeune fugueur. Il laisse derrière lui les heures sombres de son enfance passée aux côtés d’un père homophobe mais aussi de tendres moments avec sa mère aimante. Rita est malade, elle perd la vue. Comme si elle ne supportait plus de voir la réalité, celle de son mari persécutant leur fils.

Davide arpente seul les rues de Catane, en Sicile. Et y découvre une nouvelle facette de la vie, plus sombre. Tapins, dealers, clochards, travestis… L’Italien se perd jusqu’au jardin malfamé de la ville. Finalement, il s’y retrouve. Là, au sein d’une bande de prostitués gays. Avec Mezzanotte, son premier long-métrage, Sebastiano Riso traite des sujets sensibles : prostitution, homosexualité, question du genre. Présenté à la Semaine de la critique au festival de Cannes l’année dernière, ce film n’avait pas besoin de sa mention « inspiré d’une histoire vraie » pour être authentique. Mezzanotte est une peinture sociale.
Troublante, l’histoire de cette société où les marginaux font tâche. Le décalage, Sebastiano Riso l’assume aussi dans sa réalisation avec une double temporalité maintenue tout au long du film. Utilisés par touches, les flashbacks forment une rupture dans la chronologie, comme pour mieux exprimer la fracture entre Davide et son père. Davide Capone porte son premier rôle avec brio, le regard perçant et la voix angélique lorsqu’il susurre Motherless Child. La musique aide le personnage à l’oubli sans jamais détourner le spectateur de cette réalité et de la colère qu’elle inspire. Filmé essentiellement la nuit, Mezzanotte met la lumière sur ce ghetto de l’ombre où s’enferment des individus rejetés. Où l’adolescent progressivement attiré par les hommes, a ses premiers rapports sexuels.
Une fois d’abord, avec un prostitué. Puis, avec un proxénète pédophile. Le réalisateur suggère l’acte, sans pour autant le montrer. Comme pour ne pas voler toute la candeur du jeune Davide. Aussi parce qu’il est ce réflexe de la société, de détourner le regard lorsqu’une situation dérange. Un message que Sebastiano Riso délivre pendant quatre-vingt quatorze minutes. Et dans sa dernière scène, pleine de cette rage que le film ne peut plus contenir : une ode à l’émancipation… Un cri du cœur.

Film dramatique (Italie), de Sebastiano Riso. Durée : 1 h 34. Avec Davide Capone, Vincenzo Amato, Micaela Ramazzotti, Pippo Delbono…
NOTE : ***

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=wy1jknBL8fQ[/youtube]

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

Vice-Versa : le retour de Pixar

Le dernier film d’animation des studios Pixar s’immisce dans l’esprit d’une petite fille. Original ? Une habitude chez Pixar.

Vice Versa

Côté pile : Riley grandit dans une famille en or. En plein coeur du Minnesota, elle fait ses premiers pas, ses premières bêtises. Elle aime bien le patin à glace et le hockey. Et puis un jour, le drame : elle déménage à San Francisco. Côté face : une salle de contrôle avec cinq personnages haut en couleur. Ce sont les émotions de Riley. Il y a Joie, Tristesse, Dégoût, Colère et Peur. Mécanisme bien huilé d’une psyché enfantine en mouvement, l’esprit de Riley fonctionne comme une horloge suisse, chacun son rôle et ses tâches.

Et puis la machine se grippe lors du fameux déménagement. Joie et Tristesse se font éjecter du centre de contrôle et se retrouvent perdues dans les confins de la tête de Riley. Une quête pour retrouver le centre des pensées s’engage. Aux manettes de ce nouveau film d’animation, Pete Docter qui avait notamment réalisé Là-Haut et Monstres & Cie. Vice-Versa s’inscrit vraiment dans la lignée des précédentes productions de Pixar. Un scénario original, qui fait rêver les grands et les petits.

Qui ne s’est jamais demandé ce qui se passait dans la tête de quelqu’un ? Pete Docter en propose une vision, une interprétation plutôt bien construite. Mais il ne s’en contente pas. Pour comprendre comme l’esprit de Riley fonctionne, il plonge Joie et Tristesse dans ses tréfonds et offre un voyage au delà de la salle des émotions : inconscient, pays imaginaire, salle de l’abstrait, studio de production des rêves, stockage des pensées, déchetterie mémorielle… Vice-Versa met des images sur des concepts neurologiques ou sur l’étude du cerveau. C’est là sa force. Alors que la petite fille grandit, se confronte à la vie en bonne adolescente, son esprit est chamboulé. Joie, qui était la chef pendant l’enfance de Riley, apprend à lâcher son rôle de leader au profit d’autres émotions.
Bien documenté, Vice-Versa plaira aux parents qui se demandent comment un enfant fonctionne. Pour les enfants, c’est un film drôle, cartoonesque et finalement assez pédagogue. Pas vraiment de sans faute pour le dernier né des studios californiens. Sauf que… Ce petit grain de folie qui donnait l’originalité des précédentes productions lasse un peu. La recette, bien appliquée (double discours parent-enfant, scénario original, clins d’oeil, extravagance), devient une règle et donc, perd de sa force. Il y a une impression de déjà-vu, de redite. Comme si la « patte » Pixar commençait à trouver sa limite. D’autres films d’animation (voir On a pensé à) sont venus chasser sur les terres du studio américain. La fin d’une époque ?
B.R.

À partir de 3 ans. Comédie de Pete Docter. Durée : 1 h 34. Avec les voix françaises de Charlotte Bon, Pierre Niney, Mélanie Laurent…
NOTE : **

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=SYLrpcNTVwE[/youtube]

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

Maggie : gentil Schwarzy et les zombies

Un mélo avec Schwarzy et des zombies, sans aucune touche de gore, ni d’horreur… Et le plus étonnant, c’est que ça marche !

Maggie
Des carcasses de voiture jonchent une route déserte sur laquelle circule seulement un vieux pick-up, au milieu des terres désolées de la Nouvelle- Orléans. En fond sonore, la radio crachotte des infos à propos d’une épidémie. Une population infectée, un virus. Encore un énième film de zombies, sanglant et stéréotypé ? Loin de là…
Car dès les premières secondes, apparaît le visage d’Arnold Schwarzenegger. L’oeil perdu, un début de barbe grise, les traits tirés. Il incarne Wade, père esseulé qui a perdu sa femme… et ne va pas tarder à perdre sa fille aussi. C’est elle qu’il va chercher, au volant de sa voiture. Seul, encore. Sa Maggie, petite fille devenue ado, est infectée.

Cette première séquence est lugubre. Aussi froide que la mort que scrute la caméra d’Henry Hobson. Derrière ce nom inconnu au bataillon se cache pourtant l’un des artisans responsables du générique de The Walking Dead. L’ombre de la mythique série zombiesque plane d’ailleurs tout du long. Les épisodes où il n’y a aucune attaque de mort-vivant ? Qui axent tout sur l’émotion des protagonistes ? Maggie est de ceux-là. Une heure trente à l’intrigue sérieuse. Lent (trop ?) et parfois poussif (trop aussi). Une loupe posée sur les rapports parents-enfants. Dans Maggie, on aimerait parfois que le rythme s’emballe, il est vrai. Pourtant, on reste fascinés par ce minimalisme. La mort est tapie dans l’ombre. Aucune effusion de sang, pas de gore, ni de horde de zombies (le mot n’est d’ailleurs pas prononcé une seule fois).

Complètement désaturé, le film d’Hobson déroule une ambiance et une atmosphère cliniques tout du long. Derrière cette photographie sèche apparaît l’inéluctable : Maggie va mourir. Jouée par l’admirable Abigail Breslin (la petite fille dans Signes, c’était elle !), elle se transforme progressivement. Haleine fétide, yeux peu à peu translucides, intérieur qui pourrit lentement…
Face à ça, un père d’une infinie tristesse. Un Schwarzenegger impressionnant de justesse, utilisé à contre-emploi, loin de l’action-movie bête et méchant. Schwarzy trouve là l’un des meilleurs rôles de sa carrière. Après s’être perdu dans une tripotée de séries B décérébrées (Expen-dables 3, Evasion…), il renaît dans un film indépendant. Vulnérable, tout en simplicité et en émotion, il incarne à merveille ce père coincé dans une suffocante descente aux Enfers, voulant à tout prix protéger sa fille dans une situation sans échappatoire. Face à tant de pudeur, les fans acharnés d’Arnold Schwarzenegger crieront peut-être au scandale. Mais force est de constater que monsieur Terminator, épatant, devrait en surprendre plus d’un. À l’instar de ce film inattendu.

Aurélien Germain

Drame d’Henry Hobson (USA). Durée : 1 h 35. Avec : Arnold Schwarzenegger, Abigail Breslin, Joely Richardson…
NOTE : **

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=AQ5Vz8qE8R8[/youtube]

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

Un voisin trop parfait : les canons d’à côté

Thriller à petit budget avec une Jennifer Lopez à la hauteur du rôle… Pas le film du siècle, mais surprenant.

Un voisin presque parfait

Les premières minutes du film sont à la limite de l’insoutenable. Succession rapide de scènes qui montrent la détresse de Claire, récemment divorcée, qui essaye de conjurer ce que son mari lui a fait subir. Gnangnan à souhait. Crise d’un couple usé, le schéma reste classique. Son fils Kevin, au milieu, essaye tant bien que mal d’être heureux mais se fait martyriser à l’école.
Images classiques du drame familial, Un Voisin trop parfait débute sur une ambiance mièvre digne des productions hollywoodiennes de bas-étage. Et puis un grain de sable vient faire crisser cet engrenage bien huilé. Noah débarque dans la maison d’à-côté. Vingt ans, les abdos qui transpercent le t-shirt, sourire Colgate®, il vient de déménager chez son grand-oncle qui attend une greffe d’organe. Parfait sous tout les rapports, il lit Homère et sait changer un carburateur. Il drague ouvertement Claire. Belle femme brisée par les aventures sexuelles de son mari, Claire craque un soir et couche avec Noah.

Le film continue à déraper, scène après scène. Claire se fait prendre dans un engrenage mis en place par Noah. Le film s’enfonce à mesure que la noirceur du beau gosse transparaît. Jusqu’à cette scène finale impossible à révéler mais qui clôt Un Voisin trop parfait de manière surprenante. Derrière la caméra, il y a Rob Cohen. Son nom est plutôt synonyme de gros films bourrins à base de cascades (xXx), de grosses voitures (Fast and furious) ou de momies vengeresses (La Momie : la tombe de l’empereur dragon). Des thrillers, il n’en a jamais vraiment réalisés. Et pour le faire, il commence avec un mini-budget par rapport aux standards américains (quatre millions d’euros).
Un Voisin trop parfait fait partie de ces films que personne n’attend et qui se révèle finalement plaisant à regarder. Le scénario est assez bien ficelé, les images sont en accord avec le genre. Pas de folie (à part cette scène finale) mais des acteurs qui font ce qu’ils peuvent pour tenir la baraque. Ryan Guzman, un habitué de la franchise Sexy dance, est utilisé à contre-emploi. Il arrive à donner de la profondeur à son rôle de psychopathe et apporte une étrangeté dans ses répliques trop parfaites, sans jamais en faire trop.
Quant à Jennifer Lopez, elle tente de dépasser sa belle plastique de maman quadragénaire sexy et propose une tentative de femme (pas toujours réussie malheureusement) forte et moderne. Au-delà des clichés, des scènes de déjà-vu et de certaines faiblesses scénaristiques, Un Voisin trop parfait reste un film décent. De ceux que vous oublierez probablement mais qui ne vous fera pas non plus regretter d’avoir payé une place.

>>Thriller américain de Rob Cohen. Durée : 1 h 31.
Avec Jennifer Lopez, Ryan Guzman, Ian Nelson, John Corbett, Kristin Chenoweth…
NOTE : **

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=unfkWVcQLnw[/youtube]

Les films toujours en salle :

MAD MAX : FURY ROAD ****
George Miller qui revisite son film culte après tant d’années ? On avait peur. Mais ouf, l’une des bobines les plus attendues de 2015 est bel et bien un trip jouissif et halluciné, un bulldozer de 120 minutes monstrueuses. Dans une débauche d’explosions, de cascades et d’inventivité, ce Fury Road démentiel est d’une beauté à couper le souffle. Jubilatoire, brutal et virtuose, cette pépite est aussi une ode aux femmes (Charlize Theron est impériale). Miller vient de pulvériser Hollywood. A.G.

GIRLS ONLY *
Megan, trentenaire, a horreur des responsabilités. À tel point qu’elle s’enfuit lors d’une demande en mariage. Elle se retrouve chez une ado de 16 ans et son père… Emmené par un excellent duo (Keira Knightley et Chloë Grace Moretz), Girls only est loin de n’être qu’un film sentimentalo-gnangnan pour « filles seulement ». Plutôt axée sur le changement de vie, cette comédie gentillette mais pauvre souffre d’une écriture faiblarde et de personnages sous-exploités (Sam Rockwell). Agréable, mais trop sage. A.G. (Notre critique intégrale à lire ICI)

PYRAMIDE *
En Égypte, des archéologues et une équipe TV se perdent dans une pyramide. Ils déclenchent une malédiction et se retrouvent poursuivis par « quelque chose ». Vendu grâce au nom de Levasseur, excellent réalisateur au demeurant, Pyramide n’a pourtant ni classe, ni intérêt. Calqué sur Catacombes pour son côté claustro, il se démarque en convoquant la mythologie égyptienne. Mais trébuche tout seul avec des dialogues consternants, de bonnes idées tuées dans l’oeuf et un ensemble tout simplement laid. A.G.

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

Girls only, un peu léger

Sous ses faux airs de comédie sentimentale, un gentil film positif sur le changement de vie. Trop léger pour marquer.

CINE_PAP

Présenté au festival Sundance début 2014 et sorti aux États-Unis en octobre dernier, c’est seulement maintenant que Girls only débarque sur nos écrans. Étonnant, d’autant qu’il est vendu en France comme une énième comédie romantique à l’eau de rose pour filles. Il suffit de voir les avant-premières « réservées » à la gent féminine, l’affiche gnangnan et ce titre ridicule, Girls only (« Filles seulement »). Alors qu’outre-Atlantique, le film s’appelle Laggies, qu’on pourrait traduire par flâneuses…

Pourtant, derrière cet emballage marketing ronflant, Girls only s’adresse à un public bien plus large. Loin d’être la rom-com de base, il s’agit surtout d’une petite comédie sur l’âge et le désir de changer sa vie. Megan (Keira Knightley) est une trentenaire, éternelle adulescente qui préfère prendre la vie comme elle vient. Les responsabilités ? Pas pour elle ! Tout le contraire de son groupe d’amies. Même âge, mais préoccupations différentes : bien installées dans leur vie, avenir tout tracé entre mari, gosses et quotidien ronflant. Quand le fiancé de Megan la demande en mariage, elle prend la fuite, apeurée, et se réfugie chez une ado de 16 ans (Chloë Grace Moretz) qui vit chez son père (Sam Rockwell). Elle va alors s’occuper des problèmes de la jeune fille plutôt que des siens… Dans Girls only, Lynn Sheldon, réalisatrice du remarqué Humpday, se focalise sur une semaine de la vie de Megan, cette période de flottement en forme de dilemme : accepter une vie plan-plan qui ne lui convient pas, ou écouter son cœur et tout plaquer ?

Pour y parvenir, la cinéaste utilise à merveille le brillant duo Keira Knightley et Chloë Grace Moretz. La première, vue dans Pirates des Caraïbes, est toujours aussi belle, minaude et assure son rôle de femme paumée. La seconde, étoile montante depuis Kick- Ass, crève toujours autant l’écran. D’une sincérité désarmante, elle donne de l’épaisseur à ce personnage coincé entre ses hormones et sa vie de famille compliquée. Dommage que le père, joué par l’excellent Sam Rockwell (le psychopathe dans La Ligne verte, c’est lui !), soit aussi peu exploité. Passionnant au début, il finit par être transparent.
En cause, l’écriture faiblarde du film, ainsi qu’un scénario bien trop maigre et qui ne tient pas toutes ses promesses. Lynn Sheldon multiplie les bonnes idées, mais reste constamment à la surface des choses. Dans ce cadre balisé, elle finit par promener sa comédie en laisse, à un rythme bien trop sage et ennuyeux. Girls only reste évidemment agréable et divertissant. Mais malgré son joli sujet, sa petite morale (il n’y a pas d’âge pour changer de vie) et ses quelques qualités, il peine à convaincre.

Comédie (USA). Durée : 1 h 41. De Lynn Sheldon, avec Chloë Grace Moretz, Keira Knightley, Sam Rockwell, Mark Webber…

NOTE : *
Aurélien Germain
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=Lpip8Hkax8c[/youtube]

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

 

Ouija : l’arnaque pseudo-horrifique

Une arnaque pseudo horrifique d’un ennui profond et d’une bêtise abyssale. Pas flippant pour un sou, un vrai gâchis.

Ouija

« Je ne sais pas si je veux jouer à ça. » Deux petites filles fixent une table ouija , cette planche fréquemment utilisée aux États- Unis pour les séances de spiritisme. « Tu verras, c’est amusant. Mais il ne faut pas jouer toute seule. » Ce que l’une d’elles, Debbie, fera des années plus tard… avant de se pendre.

D’une scène d’ouverture pleine de promesses, Ouija va pourtant rapidement s’embourber dans une production d’ « épouvante » sans épaisseur ni substance. Abordant les thèmes du spiritisme (les anciens amis de Debbie, intrigués de sa mort, vont aussi utiliser une planche ouija pour lui tailler un brin de causette dans l’au-delà) et de la vengeance post-mortem, Ouija joue sur tous les poncifs les plus éculés qui soient.
Téléphoné et convenu, il multiplie les jumpscare foireux – ce procédé utilisé pour faire sursauter le spectateur : lumière qui s’éteint, bruit dans les murs et porte qui claque, main furtive… Cliché jusqu’à la moelle, Ouija n’est qu’une énième série B peu intéressante et pas effrayante.

Il faut dire que derrière la caméra se cache Stiles White, le scénariste de Possédée ou encore de la purge Prédictions, avec Nicolas Cage, et sa détestable propagande scientologique. Pourtant, Ouija, par ailleurs doté d’une photographie léchée, avait du potentiel. Quelques rares séquences, assez bien ficelées, sortent parfois du lot. Maigre compensation… Filmé avec les pieds, Ouija souffre aussi de dialogues bas du front, d’une narration inexistante et d’acteurs de seconde zone (Olivia Cooke est très jolie mais a le charisme d’une huître). Le tout, maltraité par un montage catastrophique.
Le réalisateur n’est cependant pas le seul à blâmer dans ce naufrage. Ouija était-il déjà mort-né ? Une mise en route tardive (le projet date de 2008 !), des investisseurs et des producteurs frileux, un scénario bancal réécrit, des scènes reshootées après le tournage et la moitié du film remaniée à la demande du studio…

À côté de ça, Ouija est produit par la société de Michael Bay, main dans la main avec Jason Blum. Autrement dit, une compagnie friande de bobines d’horreur/épouvante bas de gamme et spécialiste des remakes lamentables (elle a notamment ruiné le pourtant culte Massacre à la tronçonneuse et a enfanté la saga American Nightmare). Outre-Atlantique, Ouija, dézingué par la critique, a remporté 100 millions de dollars, alors qu’il n’en a coûté que cinq. En résumé, à la sauce Paranormal Activity : budget mini pour rentabilité maxi, enrobé d’un je-m’en-foutisme latent. Bref, pas besoin d’avoir une planche ouija pour comprendre comment a pu naître cette horreur…

Aurélien Germain

Épouvante/horreur, de Stiles White (USA). Durée : 1 h 30. Avec Olivia Cooke, Ana Coto, Douglas Smith…
NOTE : X

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=9MKHpjrocNo[/youtube]

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

Good Kill : Game of drones

Un film délibérément lent sur l’avènement des drones dans la guerre que mènent les États-Unis au Moyen-Orient. Glaçant.

Good Kill
Good kill. Le terme sort de la bouche du major Tommy Egan comme un soupir. Assis dans un siège en cuir, dans un préfabriqué de l’armée, devant lui, se trouve un écran qui retransmet l’explosion d’un missile hellfire. La fumée opaque cache les corps carbonisés, ceux de terroristes probables, de rebelles afghans, d’anonymes au Yémen. « Good kill » annonce que l’impact a bien eu lieu, comme une incantation de mort prononcée à des milliers de kilomètres.
Tommy Egan pilote un drone depuis une base militaire de Las Vegas. Le soir, les opérations finies, il prend le volant de sa Mustang, un morceau de rock surgit des enceintes, le soldat avale une gorgée de vodka pour exorciser ses actes de guerre par procuration. Et puis il retrouve sa femme et ses enfants, allume le barbecue. S’enferme dans un silence macabre. Good Kill est une répétition de cet enchaînement de scènes, sans grande variation. Sorte de routine abominable où la mort, bien présente sur les écrans, n’est pas ressentie comme réelle par le militaire qui l’exécute.

Le film d’Andrew Niccol est une charge au ralenti d’un nouveau type de guerre que les États-Unis ont initiée depuis quelques années. Celle de ces drones sans visage, d’opérateurs qui jouent à un jeu vidéo réel où les écrans sont les seules preuves qu’ils ne vivent pas une fiction. Le cinéaste était déjà connu pour ses attaques contre les états totalitaires (Bienvenue à Gattaca, Time Out), le capitalisme effréné et sans âme (Lord of war), il offre cette fois un pamphlet contre la guerre à distance. « J’ai l’impression d’être un lâche » , confie à un moment Tommy Egan, ancien pilote de chasse. A
ndrew Niccol met en avant de nouveaux traumatismes du soldat, met le doigt sur l’absence d’éthique militaire pour mieux montrer l’absurdité des conflits menés par les États-Unis dans leur quête d’un monde plus sûr. Good kill ne s’emballe jamais. Il avance avec précision, scène après scène, vers un futur où le combat militaire ne se fait plus en face. Dématérialiser la mort pour mieux enfouir la morale, les écrans de contrôle deviennent des miroirs déformants, des filtres qui amoindrissent le dégoût des bavures militaires. Comme une machine infernale qui s’est emballée et ne peut pas revenir en arrière.

Devant cette infernale mécanique, Tommy Egan (Ethan Hawke) se transforme en fantôme. Il exécute. Son corps ne lui appartient plus. Spectateur du bouton qu’il presse, des corps qu’il calcine, de sa femme qui s’éloigne, de sa vie qui lui échappe. Transparent, sans substance, il n’a rien à voir avec les héros traditionnels du film de guerre. Frêle, voûté, visage tordu, livide. Aussi mort que ceux qu’il tue de l’autre côté de son écran.

Benoît Renaudin

NOTE : **
Un film d’Andrew Niccol.Drame. Durée : 1 h 35. Avec Ethan Hawke, Bruce Greenwood, Zoë Kravitz, January Jones…

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=jvjBaA_RLQI[/youtube]

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

Une Belle fin : poignant et délicat

Pasolini livre un film humaniste, beau et triste et réussit à explorer le thème de la solitude avec brio.

Une belle fin
John May vit dans la banlieue de Londres. Seul. Son métier le passionne : quand une personne décède sans famille connue, c’est à lui de retrouver des proches. Mais dès les premières images, John May assiste seul aux funérailles. Il rédige les éloges des disparus. Seul, encore et toujours. Un jour, il est licencié sans ménagement (qui s’intéresse à ces gens abandonnés par leurs familles ? lui fait-on comprendre). Il doit alors traiter un dernier dossier, celui d’un homme mort sans que personne ne s’en inquiète : un certain Billy, son voisin d’en face…

Oubliez le titre francisé, Une Belle fin. Pensez plutôt au titre original Still Life et ses différentes significations : « Vie immobile » ou « encore la vie ». Parce qu’il est en fait question de cela dans la dernière réalisation de l’Italien Uberto Pasolini. En braquant sa caméra sur le personnage John May, le cinéaste montre dans un premier temps un anti-héros, à la vie triste et terne, où rien ne bouge. Où rien ne change.
Dans un second temps, Pasolini s’attarde sur ce solitaire qui se transcende, le jour où il entreprend sa dernière mission. Pour peindre sa transition, le réalisateur se sert habilement d’une photographie extraordinaire. Si les débuts sont sous le signe d’une esthétique clinique, dans des tons gris et bleus, le changement intervient quand John May rencontre enfin des gens. Les couleurs plus vives apparaissent et éclairent le cadre.

Avec réussite, Uberto Pasolini détricote un sujet délicat, abordant l’isolement et les morts anonymes dans notre société, sans verser dans le psychodrame de bas-étage. Dans cette entreprise, outre la pudeur de Pasolini, c’est aussi et surtout grâce au formidable et étonnant Eddie Marsan qu’Une Belle fin frappe fort. Véritable « gueule » de cinéma, l’acteur montre ici toute la justesse de son jeu. Il y a une tristesse dans ses traits ; une solitude décelable dans son regard singulier.
À travers des images fixes et de nombreux plans horizontaux et symétriques, on se laisse alors transporter dans la vie ordonnée de John May, ainsi que sa mission : en recomposant la mosaïque de la vie Billy, son voisin disparu, il reconstitue le puzzle de l’existence d’un homme abandonné par ses proches. Ira même jusqu’à retrouver la fille du défunt. Les minutes ont passé, la fin du film approche. Lancé sur une réflexion à propos de la solitude, le spectateur s’est enrichi.
Au final, est-ce une ode à la vie ? La question à peine posée, il est sonné par un final bouleversant, paradoxalement beau. Difficile de ne pas avoir le coeur serré dans cette ultime séquence.

NOTE : ***
Drame, d’Uberto Pasolini (Grande- Bretagne, Italie). Durée : 1 h 27. Avec : Eddie Marsan, Joanne Froggatt, Karen Drury…

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=jHRsBKjYBgc[/youtube]

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

The Humbling : Al Pacino is back !

Drame à petit budget porté par deux monstres du cinéma hollywoodien, Al Pacino et le réalisateur Barry Levinson, le film touche juste.

The Humbling
Simon Axler rêve du pire, d’être enfermé en dehors du théâtre en pleine représentation. Cauchemar de plateau, il ne peut plus rentrer, bloqué, personne ne le reconnaît. La chute commence. Dépression, réhabilitation, il s’enferme dans sa grande maison vide dans l’attente d’un suicide immaculé, peureux. Le vieil acteur sur le déclin creuse sa propre peine, à coup d’hallucinations, de pertes de mémoire transcendantes. Jusqu’au soir où Pegeen sonne à sa porte. Fille d’amis proches, la jeune adulte lui annonce en vrac son amour pour les femmes et son attirance pour lui. Commence alors une relation qui va le détruire et le sauver, l’emporter dans un maelström d’émotions qu’il ne connaissait plus.

Simon Axler rêve d’une fin de carrière qui explose en plein ciel, faite de drame et d’admirations. The Humbling verse dans le tourbillon de souvenirs, de scènes imaginaires, de monologues psychotiques. Comme si sa propre carrière était en jeu, Al Pacino n’avait pas offert une prestation de cette qualité depuis des années. Projet à petit budget (le film a été tourné en 20 jours en équipe réduite), The Humbling résonne comme une autobiographie du légendaire acteur.
Plongé dans les comédies et films de flics sans fond ni âme ces dernières années, Al Pacino donne à voir ses propres démons, ses blessures à vif et ses doutes qui le rongent. Cette déchéance mise à nue résonne fortement avec les atermoiements pathétiques de Michael Keaton dans Birdman, sorti il y a peu. Peur de la mort, délitement des actes, du jeu, les vieux acteurs déchus prennent à bras le corps leur souffrance et leurs angoisses pour renaître, l’espace d’un film. À la caméra, c’est Barry Levinson, réalisateur du fameux Rain Man et baroudeur des studios hollywoodiens. Il filme avec l’urgence des jeunes cinéastes la montagne russe qui tourne et virevolte devant lui.

Barry Levinson a l’audace des débuts. Plans fixes majestueux, cadrage excentré, hors champs schizophréniques, le réalisateur se réinvente au fur et à mesure des scènes. Preuve de son audace, cette scène de thérapie collective où la caméra cadre serré l’acteur alors qu’il se livre sur sa descente aux enfers. Et puis, sans raison, elle glisse le long de son corps pour se fixer sur son pied qui tapote, légèrement, signe que Simon Axler est pris entre son jeu d’acteur et la réalité de la situation. Magnifique, claustrophobique, The Humbling désarçonne par son manque volontaire de cadre temporel. Il y a dans ces aléas continuels, ces scènes avançant sur le fil, entre fantasme et réalité. Où le théâtre et le cinéma disparaissent pour laisser place au vide créé par cet acteur borderline, seul maître à bord, capitaine d’une histoire où les fantômes de Shakespeare viennent hanter des images hallucinées.

Drame de Barry Levinson (USA). Durée : 1 h 52. Avec Al Pacino, Greta Gerwig, Nina Arianda…


NOTE : ***

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

Dear White People : de toutes les couleurs

Une satire sur la discrimination positive, le racisme, la recherche d’identité… Un film américain intelligent et bourré de références.

Deat White People
Un studio de radio, la présentatrice s’approche du micro et commence : « Dear white people… (Très chers blancs). »
Samantha White est étudiante dans une université huppée. Son père est blanc, sa mère est noire. Combattante, militante, elle tente de lutter contre le racisme et le principe des quotas aux USA (2 % des étudiants doivent être Noirs). Et puis un jour, elle gagne l’élection pour devenir la présidente de la fraternité Armstrong/Parker/Hall qui regroupe la majorité des blacks. Sa radicalité pour la cause va l’amener à se poser des questions sur son identité métisse.

L’intelligence de Dear white people réside dans l’évolution de sa galerie de personnages. Le jeune réalisateur Justin Simien joue avec les clichés. Devant le stéréotype du jeune blanc fils à papa riche et imbécile ou celui de l’ambitieux étudiant black mimiquant Barack Obama, l’agacement laisse parfois place au trouble : Justin Simien bouge les lignes, légèrement. Il offre à voir ces glissements d’identité, ces craquelures dans les convictions : pourquoi la couleur de peau est-elle aujourd’hui un facteur de différence ? La culture noire aux États-Unis est-elle fabriquée par les médias ? A-t-elle disparu ?
Il filme avec brio ce campus propret où le racisme n’existe pas en apparence mais surgit au détour d’une phrase, d’une expression, d’une fête déguisée. Dans ce monde où l’argent est roi, le pouvoir appartient finalement à ceux qui le détiennent déjà.

Prix spécial du Jury du Festival de Sundance en 2014, Dear white people a cette verve qui va avoir du mal à passer l’Atlantique. Bourré de références, d’expressions familières et de clins d’oeil aux luttes et à l’actualité sur la ségrégation aux USA, le film risque de laisser dubitatifs les moins américanophiles. Fraternité, campus, communautés… l’univers universitaire chic US est également au centre de Dear white people. Des codes qui sont typiquement américains et que nous n’avons pas en France, des modes de fonctionnement qui ne nous parlent pas, vu que le développement social des deux pays est logiquement différent.
Mais au-delà de ces aspérités culturelles, Dear white people pose des questions universelles sur la construction d’une identité, sur le multiculturalisme compliqué de nos sociétés occidentales, sur les stéréotypes et la peur de l’autre. Traumatisme, esclavage, colonialisme, impérialisme, inégalités, le film aborde sans faux semblants les traumatismes du passé. Et se demande comment réparer ce qui pourrait sembler irréparable en apportant quelques touches d’espoir aux chemins à prendre.
B.R.

Comédie sociale de Justin Simien. Durée : 1 h 48. Avec Tyler James William, Tessa Thompson, Kyle Gallner, Dennis Haysbert…

NOTE : **

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=p8KAWGjP7Gg[/youtube]

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

Big Eyes : retour en force pour Tim Burton

Tim Burton sort de sa zone de confort et délivre un biopic divertissant quoiqu’un peu lisse. Un retour intéressant.

Big Eyes
Depuis quelques films, Tim Burton était devenu l’ombre de lui-même. Sombrant dans la caricature. S’autoparodiant, en pataugeant dans l’univers gothique et (quand même) génial qu’il avait créé. Alignant les peu mémorables Frankenweenie et Alice au pays des merveilles. Où étaient passés les Batman, Beetlejuice et autres Mars Attacks ! et Ed Wood ?

Ed Wood, justement. Voilà que ses scénaristes se sont de nouveau acoquinés avec l’ami Burton, pour accoucher de ce Big Eyes. Un retour en force. Un biopic nourri de la musique de Danny Elfman et de Lana del Rey, bourré de bonnes idées.
Soit l’histoire vraie de la peintre Margaret Keane, pionnière dans l’art populaire, dans le San Francisco des années 50. Charmée par un certain Walter, elle l’épouse. Mais celui-ci s’attribue rapidement la paternité des tableaux de sa femme et devient célèbre. Déçue dans un premier temps, elle va alors accepter la supercherie, vu que les dollars s’amassent. Mais l’envie de se rebeller couve…

Big Eyes est un des meilleurs tableaux de Tim Burton. Décors sublimes, aux couleurs saturées faisant exploser les bleus et les verts, véritable voyage de la fin des années 50 à celui des années 60 : la caméra de Burton est élégante. Le scénario est d’une fluidité imparable. Simple, mais efficace. Dessinant parfaitement la plongée du couple dans une spirale infernale. Elle est timide, naïve, mais déterminée. Lui est amoureux, manipulateur, vampirisant, parfois même terrifiant.
Un contraste aidé par le casting. Exit le chouchou Johnny Depp, (trop) présent dans les dernières réalisations du cinéaste. Place au duo Amy Adams – Christoph Waltz. La première campe une Margaret Keane timide, aux yeux de biche, broyée, en totale perdition. Révélé par Tarantino, Waltz, lui, confirme son talent. Il brille, crève l’écran. A une gueule, un débit, une présence. Tour à tour amoureux transit et fou furieux, il agit comme un aimant. Malgré un côté trop lisse (on aimerait en voir un peu plus) et ce petit grain de folie qui manque, Big Eyes prend le spectateur dans sa trajectoire dramatique. Allant même jusqu’à un dernier acte au tribunal, naviguant dans un tragicomique jubilatoire.

Les tableaux de Margaret ne sont que des portraits de personnages aux grands yeux, d’une profondeur incroyable. Lorsque son mari lui demande pourquoi, elle répond simplement « Les yeux sont la fenêtre de l’âme ». Écho à l’obsession de Tim Burton pour les immenses yeux tout ronds, présents dans tous ses films. Walter, lui, force sa femme à peindre encore et encore, toujours plus. Des dizaines, des centaines de toiles. Toujours en s’attribuant tous les mérites qui ne lui reviennent pas. De là à y voir là un parallèle entre réalisateurs et grands studios hollywoodiens. On dit ça…
Aurélien Germain

Note : ***
Biopic, drame (États-Unis, Canada), de Tim Burton. Durée : 1 h 47. Avec Amy Adams, Christoph Waltz, Danny Huston ; Krysten Ritter…

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=xcP8lOKH2OU[/youtube]

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

American Sniper tire à blanc

Une vision froidement nationaliste de la guerre d’Irak à travers les yeux d’un sniper moralement simplet.

American Sniper
Patriotique. L’adjectif colle à la peau de Chris Kyle. Plus le sniper progresse, gagne en reconnaissance dans la guerre, plus cette veine se creuse en lui. Comme un sillon malsain. Difficile de ne pas voir dans cet homme une machine à tuer progressant au fur et à mesure d’un conflit. Début de l’histoire : Chris Kyle est un cow boy du sud des États-Unis, du genre à mettre un sticker « Don’t mess with Texas » (Cherche pas la m**** avec le Texas) sur son frigo. Fort accent terreux, il vit son épiphanie devant les images télévisées de l’attaque de l’ambassade américaine à Nairobi, une bière à la main.

1998, il s’engage dans l’armée. 11 septembre, Georges W. Bush, Irak : l’histoire l’embarque, le prend, le retourne, exacerbe sa gâchette de moraliste. Clint Eastwood adore les contes. Dans celui-ci, il adapte l’autobiographie de Chris Kyle, tué aux USA en 2013 par un vétéran d’Irak.
Dans ses habits de réalisateur, le cowboy de la caméra a toujours préféré les morales tissées de bienveillance à la complexité d’un monde devenu trop ambigu pour lui. Il se complaît dans les batailles mythiques de la Seconde Guerre mondiale (Lettres d’Iwo Jima et Mémoires de nos pères), la fable urbaine (le très bon Mystic River), le western classique (Pale Rider). Bradley Cooper, qui campe le fameux Chris Kyle et produit le film, lance sa grosse carcasse façonnée par l’Actor’s Studio sur la même voie qu’Eastwood.

Sauf que traiter la guerre d’Irak de cette manière provoque une vision insupportable à tous ceux qui exècrent le patriotisme envahissant et propagandiste. Traiter ce conflit, qui a refaçonné les relations internationales du XXIe siècle, sous l’angle d’une simple bataille de rue entre valeureux combattants américains et terroristes barbares, est, en 2015, un manque total de réflexion et de lucidité sur l’état du monde. En se concentrant sur Chris Kyle et son syndrome de chien de berger, Clint Eastwood passe à côté d’un sujet qui le dépasse. C’est que le conflit en Irak n’a rien à voir avec la Seconde Guerre mondiale, mais plus avec celle d’Algérie ou du Vietnam. Si, à certains moments, ces soldats deviennent des robots exécutant les ordres d’une géo-politique colonialiste, comme déshumanisés, American Sniper replace toujours au centre de l’image Chris Kyle.
Symbole d’une Amérique maîtresse du monde, éduquée à coup de National Anthem et de drapeaux étoilés. La caméra, souvent à l’épaule, de Clint Eastwood se rapproche sans cesse de l’action, ne prend que rarement du recul. Les cadrages serrés empêchent de voir d’autres visages que celui d’un sniper lobotomisé, anesthésié par l’enjeu : tuer un maximum de méchants rebelles. Tristement glaçant.

Drame de Clint Eastwood. USA, durée : 2 h 14. Avec Bradley Cooper, Sienna Miller…

NOTE : X

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=Ind7YuWgXLk[/youtube]

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

Imitation game : la bosse des maths

Sous ses airs de blockbuster pas très original, ce biopic sur le mathématicien Alan Turing offre un propos intelligent.

Imitation Game
Coupe de cheveux années 1940, il regarde fixement le commandant Denniston et prononce un mot. « Enigma ». Le militaire anglais, mécontent de l’insolence d’Alan Turing se retourne pour écouter celui qui résoudra le plus grand mystère de la Seconde Guerre mondiale. Enigma, c’est la machine utilisée par les Allemands pour crypter les messages radio.
Pendant des années, Alan Turing va travailler en secret avec une équipe de cryptologues et déchiffrer son fonctionnement. Imitation Game possède ce petit plus que beaucoup de biopics n’arrivent pas à atteindre. Cette petite flamme qui rend le film plus profond qu’un simple portrait brossé à coup de plans mélancoliques (l’agaçant La Vie en rose sur Piaf ou encore le pathétique Lady sur Aung San Suu Kyi pour ne citer qu’eux).

S’il fallait trouver des cousins lointains, Walk the line sur la vie de Johnny Cash pourrait trôner à ses côtés. À ceci près qu’Alan Turing est bien moins médiatique et vendeur que la vie rock’n’ roll du mythique musicien. Imitation game n’essaye pas de réécrire l’Histoire, de l’édulcorer, mais se concentre sur les personnages, les interactions, leur façon d’être. Alan Turing est souvent considéré comme le père de l’ordinateur. Dans Imitation Game, c’est un mathématicien fermé, égocentrique, au comportement similaire à celui qu’il introduit dans ses machines. Malin, le cinéaste Morten Tyldum fait bien le distingo entre ces facettes de la personnalité d’Alan Turing et son orientation sexuelle. Il suggère l’homosexualité du mathématicien par des flash-backs bien placés, sans jamais vraiment la traiter de front. Le jeu subtil de Benedict Cumberbatch souligne cette faculté du film à passer du pr ivé, au secret , au professionnel sans jamais confondre.

Malgré ce tableau idyllique, Imitation Game souffre quand même d’une formalité cinématographique. Comme si Morten Tyldum s’était seulement concentré sur le jeu des acteurs et le scénario. La photographie reste propre, sans dépasser le stade de l’étalonnage basique : elle n’arrive pas à rendre cette fameuse dualité de l’histoire. Les flash-backs, utiles pour la dramaturgie, sont malgré tout bâclés d’un point de vue technique. L’inventivité n’est pas non plus de mise dans le cadrage : les plans classiques se succèdent sans originalité. Sans parler de la bande originale. Les violons entendus mille fois alourdissent le propos du réalisateur et rendent certaines scènes un peu ridicules. Dommage d’expédier ainsi la forme : Imitation game offre, dans le fond, une vision plutôt complexe d’Alan Turing.
Benoît Renaudin
Biopic anglo-américain, 1 h 54. De Morten Tyldum. Avec Benedict Cumberbatch, Keira Knightley…

NOTE : ***

*************************************
TOUJOURS EN SALLE
*************************************

SNOW THERAPY *
Le pitch de ce psychodrame était top : une famille idéale en vacances au ski qui vole en éclats, lorsqu’une avalanche manque de les tuer : si la mère pense à ses enfants, le père part en courant pour sauver sa peau. Dans la forme, Snow Therapy est excellent : photographie somptueuse, image chiadée nourrie par du Vivaldi, jeu d’acteurs… Dans le fond, il rate le coche de la comédie grinçante et perd son spectateur en route (2 h, ça peut être long). Loin d’être le chefd’oeuvre encensé à Cannes… A.G.

FOXCATCHER ***
Inspiré d’un vrai fait divers, Foxcatcher dépeint la relation entre John du Pont, milliardaire excentrique et passionné d’armes, et deux frères lutteurs. Mêlant habilement biopic et drame mental, Bennett Miller accouche d’un film asphyxiant et terrifiant. Sous une tonne de prothèses et de maquillage, Steve Carell et Channing Tatum, méconnaissables, sont subjuguants dans ce triangle castrateur. Dans cette atmosphère vampirisante, le cinéaste creuse le thème de la manipulation avec brio. A.G.

L’INTERVIEW QUI TUE ! **
Le film polémique (SonyGate, hackers et compagnie) est enfin visible. Mais The Interview, en VO, est loin d’être l’arme de destruction massive qu’on croyait. Graveleuse et potache, cette comédie, emmenée par l’excellent duo Seth Rogen- James Franco, multiplie les scènes improbables (le coming-out d’Eminem, une balade en tank sur du Katy Perry…). C’est certes drôle et un chouïa politiquement incorrect, mais trop long et loin d’être inoubliable. A.G.

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

Foxcatcher : c’est la lutte finale

Entre biopic et drame mental, Foxcatcher raconte un fait divers mêlé de success-story américaine. Asphyxiant et subjuguant.

CINE_PAP
« Le coach est un père. Le coach est un mentor. » Cette phrase, on l’entend en plein milieu de Foxcatcher. Une phrase qui a un drôle d’écho dans cet étrange et terrible longmétrage. Car non, Foxcatcher n’est pas un film sur le sport, la lutte ou la conception d’une équipe. Il s’agit ici d’un cinéma portraitiste, troublant, mais fascinant. Montrant habilement une descente aux enfers, écrasant et broyant doucement mais sûrement ses protagonistes.

Inspiré de faits réels, Foxcatcher dépeint la relation entre John Du Pont, milliardaire excentrique et passionné d’armes à feu, et deux frères lutteurs, Mark et Dave Schultz. Une histoire qui sombre rapidement dans le tragique, le malsain, la parano.
Dans ce biopic (5 nominations aux Oscars), Bennett Miller filme comme dans ses précédentes réalisations, Truman Capote et Le Stratège : une authentique peinture, où tout est superbement agencé, nourri de longs plans et de ruptures brutales. Le cinéaste creuse les thèmes de l’obsession, de la manipulation et du jeu de masques, dans un triangle malsain entre deux castrateurs et un castré : à leurs façons, John Du Pont et Dave vampirisent un Mark tiraillé de toutes parts.

Dans cette atmosphère toxique, le casting brille. Tous gravitent autour d’un Steve Carrell méconnaissable : l’habitué aux comédies US un peu bêbêtes (40 ans toujours puceau, pour n’en citer qu’un…) est ici utilisé à contre-emploi. Vieilli, caché derrière des prothèses et un maquillage hallucinant, son personnage de milliardaire mégalo est tellement mystérieux et massif qu’il en est terriblement effrayant. Channing Tatum, tout autant transformé, est une brute fragile au regard d’enfant. Gros nez cassé, mâchoire en avant, solitaire autodestructeur, il insuffle aux scènes de combats de lutte une magie particulières. Idem pour Mark Ruffalo, sidérant en mâle (trop ?) protecteur, qui répète les même gestes, encore et encore (cette main posée sur la nuque).
De notre place, on assiste, impuissants, à ces personnalités qui se fracassent. La mise en scène distanciée nous y aide. On observe cette séquence cocaïnée, cette autre à la tension sexuelle palpable (mais jamais explicite), cette gêne qu’installe constamment cet étrange John Du Pont. Lui agit comme un père de substitution, envahissant et pervers. Les silences pesants, nombreux dans Foxcatcher, contribuent à cette atmosphère dérangeante, asphyxiante .
En oubliant quelques lourdeurs et clins d’oeil trop appuyés, Foxcatcher se pose là où on l’attendait : perturbant, étonnant, brillant et tragique.

Aurélien Germain
Biopic, drame (USA), 2 h 14. De Bennett Miller, avec Steve Carrell, Channing Tatum, Mark Ruffalo, Sienna Miller…
NOTE : ***

*************************************
TOUJOURS EN SALLE
*************************************
COPS, FLICS DE DÉSORDRE        X
Deux potes, losers sur les bords, se déguisent en policier pour une soirée. Ils prennent rapidement goût à leur fausse identité (et le pouvoir qui va avec), mais se retrouvent mêlés à un réseau de truands et une tonne d’embrouilles. Cops, véritable purge au goût de comédie US des années 80, enquille les gags éculés et clichés. Grotesque et pathétique, ce buddy- movie de Luke Greenfield souffre paradoxalement du (pourtant bon) duo d’acteurs Johnson-Wayans. Affligeant. A.G.

WHIPLASH *
Primé à Sundance, ce film sur un jeune batteur de jazz à New- York, poussé a l’extrême par son professeur, laisse dubitatif. D’abord par son environnement musical : depuis quand le jazz de Buddie Rich ou Charlie Parket et les concerts au Lincoln Center font rêver la jeunesse ? Entre portrait brutal et à côté de la plaque d’un musicien en devenir et méthodes pédagogiques d’un autre temps, Whiplash n’offre aucun propos tangible et oublie de parler du plus important : la musique. B.R.

LOIN DES HOMMES ***
Prémisses de la guerre d’Algérie : un instituteur d’origine espagnol doit emmener devant la justice française un jeune Algérien. Loin des hommes, adapté de l’Hôte de Camus, n’a de valeur que pour le duo qu’il met en avant. D’un côté, Viggo Mortensen tout en tension bourrue qui se débat dans un pays natal qui ne veut plus de lui. En face, Reda Kateb, paysan introverti qui cherche la rédemption pour sa famille. Deux hommes perdus dans les montagnes algériennes, en quête de paix intérieure. B.R.

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

Bébé tigre : chronique sociale intelligente

Chronique sociale plutôt bien ficelée sur l’arrivée et le quotidien d’un jeune Indien en France.

Bébé Tigre

Premières bousculades. Many et Sony sont séparés de force par un homme. Le jeune Indien se fait jeter dans un ascenseur parisien anonyme. Début d’une autre vie. Visage émacié, 17 ans, Many a le regard dans le vide. Sans transition. Le jeune Indien parle maintenant Français. Il est accueilli par une famille, va au lycée. Derrière cette façade au bonheur précaire, il travaille le soir, pour envoyer de l’argent à sa famille.

Le jeune cinéaste Cyprien Vial filme avec simplicité cette vie adolescente compliquée. Pour son premier long métrage, il s’attaque à un sujet complexe. Comment traiter l’immigration illégale d’un jeune adolescent qui n’a pour seul but de travailler pour sortir sa famille de la misère ? Comment, sans rentrer dans le pathétique, retracer son parcours ? Many, comme de nombreux jeunes est vite pris en charge par les services sociaux.
Rapidement, son statut de mineur l’empêche de faire des petits boulots légalement. Many entre alors dans un dilemme qu’il n’a pas choisi : mentir à tout le monde et travailler au noir ou continuer à travailler au lycée mais ne pas faire honneur à la demande de sa famille.

Chronique adolescente intelligente, Bébé Tigre arrive à mettre en perspective cette tension dans le jeune adolescent. Au fur et à mesure des choix auxquels il est confronté, Many grandit, s’affirme, s’étoffe. Presque physiquement. La force de Cyprien Vial, c’est de laisser l’histoire se dérouler, sans en rajouter. Aucun effet de style, la caméra à l’épaule, il suit sans commenter le chemin pris par Many, le sourire de sa copine Élisabeth quand ils font l’amour la première fois, les tapes sur l’épaule de son pote Daniel. Cyprien Vial, comme son personnage principal, choisit la voie la moins évidente, celle de la complexité. À part quelques morceaux de musique, le film est réduit à son plus simple appareil. Aucune date, ni explication viennent polluer la destinée de Many.
Premier film également pour Harmandeep Palminder, le jeune acteur qui incarne Many excelle dans cette retenue si caractéristique de l’adolescent un peu timide mais au fond décidé. Face à lui, Vikram Sharma donne la mesure. Il campe Kamal, un personnage ambigu, entre chef d’entreprise paternaliste et passeur d’enfants sans âme. S’il fallait vraiment chipoter, le seul petit bémol vient de cette lenteur parfois inutile dans certaines scènes. Si l’aspect social est traité avec soin, le rythme des séquences ralentit sans justification. Mais cette faiblesse n’entache en rien la qualité de ce premier film de Cyprien Vial. Prometteur.

Bébé Tigre, film français de Cyprien Vial. Durée : 1 h 27. Avec Harmandeep Palminder, Vikram Sharma.
NOTE : **

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=yPkWdjDn9Vw[/youtube]
NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

Captives : thriller enneigé mais qui patine

Un thriller dans les neiges canadiennes, sur fond de kidnapping d’enfant et de voyeurisme. Captivant, mais très inégal.

CINE_PAP
Il y a quelques mois, Captives récoltait plus de huées que d’applaudissements au Festival de Cannes. Un camouflet pour le réalisateur canadien Atom Egoyan, auteur du superbe De Beaux lendemains. Il faut dire que sa resucée de l’affaire Natascha Kampusch avait de quoi inquiéter, d’autant plus qu’il présentait un grand nombre de similitudes avec l’excellent Prisoners.
Car Captives, c’est cela : un énième thriller mâtiné de polar, glacial et glaçant. Où les lents rouages du suspense vous broient. Ici, les thèmes se bousculent : rapt d’enfant, perte, culpabilité, pédophilie, voyeurisme, internet… Tina et Matthew, deux parents effondrés après la disparition de leur fille qui n’était pourtant restée que quelques minutes seule dans la voiture. Mais huit ans après, l’enquête connaît un bouleversement. La jeune Cassandra est toujours bel et bien en vie, retenue par un homme.

D’un postulat de départ simpliste, Egoyan accouche d’un film complexe. Le réalisateur malmène son spectateur en compliquant la construction de son récit. La chronologie est brisée : flashbacks et ellipses s’enchaînent. Une structure osée, mais vite décevante. La narration et ses intrigues finissent par s’estomper. Et à force de tout dévoiler trop vite, Egoyan bride le rythme.
Loin de n’être qu’un simple film sur la pédophilie et l’enlèvement, Captives a en revanche l’intelligence d’emmener plus loin. À coup de voyeurisme 2.0 et d’espionnage de parents, il est une métaphore : tout le monde est prisonnier de ses émotions. Un aspect qui aurait tout de même pu être plus réussi, si la psychologie des protagonistes avait été mieux exploitée. Le personnage de Kevin Durand (extravagant, mais surjoué en immonde pervers) méritait d’être davantage dessiné. Idem pour ce flic façon cow-boy hargneux, triste et pâle copie de Jake Gyllenhaal dans Prisoners. Par chance, Ryan Reynolds s’en sort mieux. Lui qui, loin de ses rôles de Musclor habituels, campe ici un père dévasté, rongé par la culpabilité.

Reste que Captives, visuellement très élégant, arrive à installer une atmosphère lugubre tout du long. Il suffit de voir ce long panoramique dans la neige, dès les premières secondes. Quelques touches de piano, simples et lancinantes, planent sur le film. Pendant presque deux heures, Captives serre à la gorge grâce aux décors. Sensation claustrophobe paradoxale, malgré les immenses espaces. Ces paysages de l’Ontario, blancs et tristes comme le ciel, sont dévastés. Comme les personnages. Dommage qu’Egoyan ait bâclé sa fin : malgré l’excellente et palpitante dernière demi-heure, le final arrive trop brutalement, trop simplement. Un dénouement tellement précipité qu’il laisse un goût d’inachevé.

Aurélien Germain

Thriller (Canada). Durée : 1 h 52. D’Atom Egoyan. Avec Ryan Reynolds, Rosario Dawson, Scott Speedman, Kevin Durand, Mireille Enos

NOTE : **

*************************************
TOUJOURS EN SALLE
*************************************

COMMENT TUER SON BOSS 2***
On prend les mêmes et on recommence ! Les boulets apprentis criminels du premier volet remettent le couvert, en mode comédie US à l’humour gras et potache. Le trio Sudeikis-Day-Bateman est toujours aussi jouissif ; tout comme Jamie Foxx en truand hilarant, Jennifer Aniston en dentiste nympho et le plaisir de voir l’immense Christoph Waltz en patron immonde. Débile mais jubilatoire, ce deuxième épisode a beau rejouer la carte du plan foireux façon pieds nickelés, ça fonctionne encore… A. G.

LE HOBBIT 3 ***
Après le réveil du dragon Smaug, Nains, Elfes, Humains, Wargs et Orques convoitent les richesses de la Montagne solitaire. Ultime épisode du Hobbit, La Bataille des cinq armées est de nouveau une vraie claque visuelle. Fantastique aussi bien dans l’image que dans le son, cet épilogue dantesque est nourri d’une 3D sublime (Peter Jackson reste maître dans l’exercice) et tourné en 48 images/ seconde. Un final ahurissant qui n’offre que peu de répit, malgré ses instants mélo surfaits et surjoués. A. G.

L’INTERVIEW QUI TUE ! **
Pas de sortie ciné, mais disponible en VOD… Le film polémique (SonyGate, hackers et compagnie) est enfin visible. Mais The Interview, en VO, est loin d’être l’arme de destruction massive qu’on croyait. Graveleux et potache, cette comédie emmenée par l’excellent duo Seth Rogen-James Franco multiplie les scènes improbables (le coming- out d’Eminem, une balade en tank sur du Katie Perry…). C’est certes drôle et un chouïa politiquement incorrect, mais trop long et loin d’être inoubliable. A. G.

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

La famille Bélier : pas si rentre-dedans…

Une pluie de bons sentiments. On n’est pas loin du naufrage lacrymal. Une comédie sauvée par ses acteurs.

CINE_PAP
La seule « entendante » de la famille Bélier se prénomme Paula. Elle a seize ans et endosse bien trop de responsabilités pour son âge. Ses agriculteurs de parents ne l’entendent pas de cette oreille ni de l’autre. Ils sont sourds. Comme son frère Quentin. On ne choisit pas sa famille… Certes, Paula ne manque pas d’amour. Mais la liberté lui fait défaut. Où est passé le temps de l’insouciance ?

Et voilà un énième film sur une adolescence volée. Paula porte sur ses frêles épaules les échanges avec la coopérative laitière voisine et avec les fournisseurs de fourrage pour les vaches. Elle est indispensable à la vente des fromages familiaux sur le marché. Elle interprète aussi les propos du médecin lorsque ses parents consultent, quand bien même il est question de mycoses mal placées. Pas simple. Son horizon semble aussi bouché que celui qu’elle contemple depuis la fenêtre de la ferme familiale : des terres mayennaises embrumées ou humides. Au lycée, Paula est une jeune fille comme les autres. Certains de ses camarades et de ses professeurs ignorent tout du handicap de ses proches. Et la voilà affublée du costume de l’héroïne modeste. À la rentrée, Paula remarque Gabriel, le Parisien qui se pavane devant les filles. Ce dernier rejoint la chorale du lycée, avec l’espoir d’intégrer la Maîtrise de Radio France à la fin de l’année. Paula décide, elle aussi, de chanter. Privée d’un auditoire toute sa vie, elle découvre qu’elle a un don, qu’elle a une voix. « Une pépite », lui révèle son professeur de chant, le bourru Thomasson, en la faisant entonner des chansons de Michel Sardou — « l’intemporel ».

Vivre une jolie histoire d’amour sur du Sardou (!). Chanter quand on est entouré de sourds. Éric Lartigau (Mais qui as tué Pamela Rose, Prêtemoi ta main) filme un conte surréaliste. Le scénario de Victoria Bedos fonctionne un peu. Avant de basculer dans le tire-larmes. Là où l’étalage de bons sentiments dégouline. Quelques saynètes humoristiques offrent un bol d’air. Le père de Paula, Rodolphe (François Damiens), se porte candidat aux municipales. Faisant fi de son handicap, il fourbit ses armes politiques en dévorant des livres de François Hollande (décalage, toujours). Dommage, tout cela rallonge un film dont l’issue est convenue. L’amour, la bienveillance, les erreurs, le pardon, la fête de fin d’année de la chorale… Il y a un côté téléfilm dans ce long métrage. D’où une petite – mais réelle — déception.
Antonin Galleau
NOTE : *

Comédie d’Éric Lartigau. Durée 1 h 45. Avec Louane Emera, François Damiens, Karine Viard, Éric Elmosnino…

*************************************
TOUJOURS EN SALLE
*************************************

NIGHT CALL ***
Branché sur les fréquences radios de la police de Los Angeles, Lou parcourt la ville pour filmer accidents, meurtres et incendies. Avide d’images choc qu’il revend à prix d’or aux télés, il est prêt à tout pour avoir son scoop… Malsain, Night Call l’est assurément. Allégorie cynique sur les charognards de « l’info » et la course à l’audimat, le premier long métrage Dan Gilroy est d’une noirceur absolue. Tétanisant, mais prodigieux, Jake Gyllenhaal y est magistral dans son rôle d’anti- héros.
A. G.

ASTÉRIX 3D **
Clichy, prodige de chez Pixar, et Astier, tête pensante de Kaamelott : difficile de faire mieux pour réaliser cet Astérix, version 3D. Basé sur le 17e album de la BD, ce Domaine des dieux nous emmène en pleine forêt armoricaine, où César a décidé d’implanter une résidence romaine, tout près de ses ennemis gaulois. Merveille sur le plan graphique, véritable perle au niveau des dialogues et du casting vocal, Astérix 3D patine parfois, tourne en rond et souffre d’un passage à vide en plein milieu.
A. G.

LE HOBBIT 3 ***
Après le réveil du dragon Smaug, Nains, Elfes, Humains, Wargs et Orques convoitent les richesses de la Montagne solitaire. Ultime épisode du Hobbit, La Bataille des cinq armées est de nouveau une vraie claque visuelle. Fantastique aussi bien dans l’image que dans le son, cet épilogue dantesque est nourri d’une 3D sublime (Peter Jackson reste maître dans l’exercice) et tourné en 48 images/ seconde. Un final ahurissant qui n’offre que peu de répit, malgré ses instants mélo surfaits.
A. G.

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

Le Hobbit 3 : épique et fantastique

Avec Le Hobbit 3 : la bataille des cinq armées, Peter Jackson met en scène la Terre du Milieu pour la dernière fois. Épique et fantastique.

CINE_PAP
Retour au sommet de la Montagne Solitaire. Les 14 membre s de la Compagnie, menée par Thorin Ecu-de-Chêne, observent, impuissants, le dragon Smaug, tout feu tout flamme, attaquer les habitants de Lac-ville. Mais ce n’est que le commencement de la bataille finale. Les armées déboulent au pied de la Montagne, convoitée par tous. Les Nains, les Humains puis les Elfes, ainsi que les Orques et les Wrags, s’affrontent à coup de hache, d’épée et de tête. Le retour imminent de Sauron plane sur la Terre du Milieu.

Après avoir adapté des livres d’environ 1 200 pages en trois heures au cinéma, Peter Jackson réitère l’expérience sur une centaine de pages seulement. Après un travail colossal de concision pour le Seigneur des Anneaux, c’est, cette fois, l’exercice inverse qu’il a dû réaliser. Il faut avoir une bonne dose d’imagination et le cinéaste a prouvé qu’il n’en manquait pas. Mais ce troisième volet ne restera pas dans les annales pour son scénario.
Pour combler ce vide, le paquet a d’abord été mis sur la photographie. Chaque image est magique : on est happé par l’univers de la Terre du Milieu. Les paysages néo-zélandais, plaines verdoyantes, sommets rocheux et quelques plages de sable fin s’accumulent devant la caméra 3D de Peter Jackson. Ceci à un tel point qu’un effet carte postale se fait sentir. Un peu trop peut-être. Avec un tournage à 48 images par seconde (deux fois plus que dans le cinéma traditionnel), la saturation des couleurs et la netteté des paysages rendent les scènes encore plus réalistes.

Dans ce troisième Hobbit, Peter Jackson se lâche aussi dans des séquences folles, très psychédéliques, auxquelles le réalisateur ne nous avait pas habitués dans ses derniers films. On retiendra notamment la montée de certaines individualités. Thorin qui se bat contre la maladie du dragon, ou Tauriel et sa découverte des sentiments s’affirment. Après une aventure de groupe, les quêtes s’individual isent peu à peu. La transition avec la trilogie du Seigneur des Anneaux se fait au fil de l’histoire, entre les différentes anecdotes de Bilbo et la construction du personnage de Legolas. La boucle est bouclée. Que les fans se rassurent : les scènes de combats sont toujours là, et encore plus cet opus !
Épique est sans conteste l’adjectif à même de décrire au mieux le film. Pour les grandes scènes de batailles (plus d’une heure est consacrée aux combats). Épique pour les séquences héroïques qui s’enchaînent, épique parce qu’on reste en haleine jusqu’à la fin du film. Au moment du générique, un sentiment de nostalgie s’impose quand Bilbo rentre dans la Comté. La Terre du Milieu apparaît pour la toute dernière fois. C’est la fin d’une ère.


NOTE : ***

*************************************
TOUJOURS EN SALLE
*************************************
TIENS-TOI DROITE *
Critique du machisme omniprésent dans la société, changement des mœurs, indépendance de la femme… Il y a plein de bonnes intentions dans ce second long métrage de Katia Lewkowicz, qui fait le grand écart après avoir notamment joué dans Les Infidèles et la série Hard. Mais le spectateur se perd dans les trop nombreuses histoires. Saluons tout de même le jeu des actrices principales (Marina Foïs, Noémie Lvovsky et Laura Smet), fortes d’une grande sensibilité.
L.B.

HUNGER GAMES **
Des sensations vraiment mitigées à la fin de la séance. Cette première partie critique la société de façon intéressante. Mais les scènes les plus palpitantes commencent quand le film se termine. On a l’impression de passer son temps à attendre un peu d’action et on termine sur sa faim. Le film est divertissant mais un peu creux, avec le sentiment que tout se passe dans la suite. Et les lecteurs de la première heure seront déçus des changements par rapport au livre.
L.B.

LES HÉRITIERS ***
Des élèves de seconde d’un lycée de Créteil participent, à l’initiative de leur prof d’Histoire, au Concours national de la Résistance. Le film casse bien de nombreux préjugés mais tombe parfois dans le cliché. L’effet Entre les murs (on peut d’ailleurs remarquer une ressemblance entre les deux affiches) se fait sentir jusque dans la réalisation : l’accent a été mis sur l’adaptation de l’histoire vraie. L’émotion n’en est que plus forte, peut-être un peu trop.
L.B.

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

Grizzly : grrr, le docu trop mignon !

Le dernier documentaire estampillé Disney. Décors époustouflants, intéressant et joli comme tout.

Grizzly film
Décidément, la firme aux grandes oreilles transforme tout ce qu’elle touche en or. Preuve en est avec Disney- Nature, label de production créé en 2008 qui monte, avec ses documentaires animaliers à l’esprit Disney : tout y est parfait et mignon, sublimé par de jolies images. Pour réaliser ce Grizzly, la maison a de nouveau pensé à Alastair Fothergill, le Britannique étant désormais la référence en matière de docu animalier (les succès Chimpanzés, Un Jour sur terre et Félins, c’est lui).

Grizzly, c’est l’histoire de Sky, maman ourse, et de ses petits Scout et Amber : une année de la vie de ces grizzlys en Alaska et leurs interactions avec la faune voisine. La voix-off l’annonce dès les premières minutes : « Voici la périlleuse histoire de leur première année » ; la moitié des oursons ne survivant pas au-delà de cet âge.
Discrètes, comme si elles étaient positionnées en dehors, les caméras captent à merveille le parcours de cette famille. Celles-ci ont d’ailleurs été placées près du sol, afin de filmer les animaux au plus proche de leur taille réelle. Le spectateur, lui, est comme couché dans l’herbe. Il observe. Assiste, émerveillé, à des scènes de vie dans de somptueux paysages. Tout a été filmé dans le froid de l’Alaska. Des montagnes immaculées du départ, aux transparentes rivières de la fin. Le tout, magnifié par un travail sonore remarquable et précis, entre grognements des ours, vaguelettes, pierres renversées et bruits de terre…

Les plans sont tout aussi bluffant (l’avalanche, la remontée des saumons…), mais parfois brisés par des nappes musicales pseudo- épiques, grandiloquentes et pompeuses (on reste dans du Disney !). Ce côté typique made in Disney, on le retrouve aussi dans la narration. La voix-off exagérée construit de faux suspense (les méchants loups contre les gentils oursons), rapidement déboulonnés par les adultes. Mais les enfants, eux, n’en auront cure. D’autant que sous son côté 100 %-trop-chou et sa couche édulcorée, le documentaire distille de nombreuses informations. Il instruit beaucoup et arrive à transposer ces grizzlys à l’échelle humaine. Notamment avec cette séquence stupéfiante des oursons au bord du lac, pataugeant comme de simples touristes béats à la plage.
Et dans tout cela se dégage un sentiment de quiétude, de bienêtre. Presque paradoxal quand on sait à quel point le grizzly peut être féroce. Mais à en voir ces gueules adorables d’ourson tout au long, façon grosses peluches, on comprend aussi pourquoi il reste le symbole de l’animal rassurant pour les enfants.

NOTE : **
Documentaire (USA). Durée : 1 h 18. D’Alastair Fothergill et Keith Scholey.
[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=_NsBS9AdZQs[/youtube]

NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime

Bande de filles : bouleversant !

Un magnifique long-métrage sur la quête d’identité d’une jeune adolescente. Et c’est une réussite.

CINE_PAP_FILLES
Attention, ce film en cache un autre, plus intéressant. Ne vous méprenez pas, la jeune réalisatrice Céline Sciamma ne propose pas une énième vision de la jeunesse des cités françaises. Bande de filles est une oeuvre initiatique, une plongée dans les troubles de l’adolescence. Au centre, la jeune Marieme, pré-ado terrorisée par son grand frère et secrètement amoureuse de son meilleur pote. Une fillette qui joue au football américain pour se défouler. La première scène annonce le ton du film : ralenti épique sur une bande de filles qui se castagnent pour le ballon ovale. Une ouverture en forme de combat pas vraiment métaphorique, une référence à l’excellente série Friday night lights.

Bande de filles est brut de décoffrage. En arrière-plan sonore, les longues lignes de synthé soulignent la tension qui habite la jeune Marieme. Sorte de Candide moderne et timide, la lycéenne rentre dans les tourments de son époque : choisir entre les institutions républicaines rigides face à sa génération ou s’amuser, danser la vie sur du Rihanna, fumer et déguster sa jeunesse avec un joint et un flash de whisky. Pour oublier ? Pour sentir qu’elle est bien vivante ?
Visages souriants, innocents qui chantent Diamonds, le tube de la chanteuse américaine : la bande de filles, avec qui Marieme traîne, danse et s’esclaffe dans une chambre d’hôtel. Leur insouciance s’étiole à mesure que les consciences s’échauffent. Une scène bouleversante de candeur et de violence sociale. Marieme a toujours les mêmes responsabilités qu’avant, s’occuper de sa petite soeur, supporter l’absence du père et la férocité du frère. Mais Marieme change. Subrepticement. Besoin de sortir de cette spirale qui l’entraîne au fond, elle se rapproche du dealer du coin. Seule issue qu’elle trouve, isolée. Bande de filles, conte apocalyptique contemporain où le mal se traite par le mal. Vision d’une sociologie de l’intime, la caméra de Céline Sciamma alterne entre plans serrés et panoramiques. La réalisatrice donne également la part belle aux plans-séquences dans des décors urbains en décomposition, des cités dortoirs en ruine.

Si Marieme sert de protagoniste, Céline Sciamma filme surtout les liens qu’elle tisse, sa relation à l’autre, sa construction par rapport à ses modèles. Sans porter de jugement sur son milieu social, avec ses codes et ses cultures, la cinéaste préfère proposer une vision quasi documentaire de la vie d’une adolescente. Le monde des cités n’est qu’un décor comme un autre. Après ses deux premiers films, Tom boy et la Naissance des pieuvres, l’enjeu de Sciamma reste le même : filmer la complexité de la vie, la sophistication des esprits humains, la construction d’un parcours. Une sorte de Sofia Coppola à la française.

Benoît Renaudin
NOTE : ***
*************************************
TOUJOURS EN SALLE
*************************************
WHITE BIRD **
Kate a 17 ans quand sa mère disparaît sans laisser de trace. Peu émue, elle finit par faire d’étranges rêves qui l’amènent à se questionner… Signé Gregg Araki (Kaboom), ce drame noir, lorgnant vers le thriller, reste un peu trop téléphoné et bourré de clichés (le meilleur ami gay, le petit ami rebelle…). White Bird réussit tout de même à aborder frontalement la sexualité, l’adolescence, l’émancipation. Au final, il se dégage de ce vrai/faux mélo un charme envoûtant, avec un casting en or (Shailene Woodley, Eva Green). A.G.

LOU ! JOURNAL INFIME ***
Adapté de la BD à succès, Lou ! journal infime dessine le quotidien d’une petite ado rêveuse, créative, et de sa mère, éternelle gamine coincée entre sa mélancolie et ses jeux-vidéo. Ce gros bonbon sucré vaut pour son esthétisme proche d’un Gondry et son travail sur les décors. Si Lola Lasseron est la révélation du film, la galerie des seconds personnages est malheureusement trop bancale et pas assez exploitée. Il reste tout de même cette douce poésie qui fait de Lou ! un moment agréable. A.G.

TORTUES NINJA *
Malgré une intro magnifique (mais qui ne dure malheureusement que cinq minutes), ce blockbuster à la sauce franchise a tout du film sans âme. Tiré d’un comics des années 1980, plus proche de bandes dessinées comme Sin city ou Batman que des Bisounours, Tortues Ninja version 2014 n’arrive pas à renouer avec ses origines. La tentative est louable mais échoue rapidement : scénario mal écrit, effets spéciaux qui remplissent le vide, blagues potaches, références qui tombent à plat… B.R.

NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime

Tortues Ninja retourne sa carapace

Le bon gros blockbuster de la semaine qui essaye de revenir à ses origines. Une tentative louable mais vite avortée.

CINE_PAP_NINJA

Première séquence et premiers espoirs. Ceux de retrouver un film qui se plongerait dans le côté obscur de la franchise. Un long-métrage qui remettrait enfin les Tortues Ninja sur la piste des séries « plus profondes qu’elles en ont l’air » (Batman, Superman, X-men, Sin City…). Alors on apprécie ces dessins esquissés à la va-vite. Images d’égouts en noir et blanc et d’un New York vicié où apparaissent les silhouettes grossières de ces combattants tortues, symboles de notre envie d’anthropomorphisme.

Cet incipit cinématographique, qui vaut largement le reste du film, a cela de mémorable qu’il aurait pu propulser les Tortues Ninja dans ses origines. Il injecte de la noirceur dans un pitch qui se répète depuis 30 ans : quatre tortues transformées sous l’effet d’une drogue deviennent des ninjas redoutables grâce aux enseignements de leur maître rat, Splinter. Noms de légende façon Renaissance, elles se font appeler Donatello, Michelangelo, Leonardo et Raphael. Les Tortues Ninja n’ont pas toujours été cette machine à cash formidable. Leurs auteurs, Kevin Eastman et Peter Laid, ont d’abord imaginé cette histoire loufoque comme un pastiche des comics de l’époque. Daredevil, Batman, Ronin… Sorti en 1984, en pleine refondation des comics par des légendes comme Frank Miller, le premier tome des Tortues Ninja devait être le seul à paraître. Sombre, violent, absurde, tordu, il offrait un vent de fraîcheur dans les comics de l’époque, tournés vers leur passage au monde des adultes. Mais le sort en a voulu autrement. Le succès arrivant, les Tortues Ninja ont rapidement été propulsées dans le monde des séries grand public et consensuelles.

Ce film est une tentative incomplète. Tortues Ninja ne se réinvente pas, peine à trouver son public. S’adresser aux fans de la première heure ? Intéresser un publ i c adulte ? Rendre joyeux les moins de 10 ans ? Ce qu’il y a de tragique dans ce film, c’est cette volonté trop vite étouffée, ce manque de courage. Car après les cinq premières minutes, le film plonge dans les affres des blockbusters sans valeur ajoutée. Le scénario n’a aucune profondeur, le méchant samouraï Shredder n’incarne rien, l’intrigue se noie dans les effets spéciaux. Si le réalisateur, Jonathan Liebsman, parvient à se raccrocher aux prémices du mythe (cet amour des tortues pour le hip-hop, la vénération des pizzas), les grosses ficelles annihilent toute tentative audacieuse. Alors on rit à certaines blagues absurdes, à la session beatbox dans l’ascenseur, on se laisse avoir par les explosions et les effets spéciaux (Michael Bay est producteur, coïncidence ?). Mais la déception de cet échec laisse un goût amer. Comme une mauvaise pizza laissée dans le frigo trop longtemps.

NOTE : *

*************************************
TOUJOURS EN SALLE
*************************************
THE TRIBE ****
Étonnant, ce film de Slaboshpytskiy : tourné en langage des signes, sans sous-titres, ni musique… Pourtant, The Tribe est l’une des plus grosses claques de la décennie. On y suit un jeune timide, débarqué dans un pensionnat, où prostitution et racket tournent à plein régime. Lui-même va basculer dans la violence. The Tribe est une expérience inouïe, difficile. Les plans-séquences s’étirent et asphyxient le spectateur devant cette sexualité et cette violence froide. Après un dernier acte terrifiant, on en sort bouche bée… A.G.

LOU ! JOURNAL INFIME ***
Adapté de la BD à succès, Lou ! dessine le quotidien d’une petite ado rêveuse et créative et de sa mère, éternelle gamine coincée entre sa mélancolie et ses jeux vidéos. Ce gros bonbon sucré vaut pour son esthétisme proche d’un Gondry et son travail sur les décors. Si Lola Lasseron est la révélation du film, la galerie des seconds personnages est trop bancale et pas assez exploitée. Il reste tout de même cette douce poésie qui fait de Lou ! un moment franchement agréable. A.G.

TU VEUX OU TU VEUX PAS ? **
Lambert est un ancien sex addict. Devenu conseiller conjugal, il tombe sur Judith, une assistante nymphomane. Pour séduire Lambert, Judith sort le grand jeu : les moues, les clins d’oeil suggestifs, les pulls déboutonnés. Lambert, les nerfs en compote, pourra-t-il résister aux avances d’une bombasse déchaînée ? Le duo Patrick Bruel et Sophie Marceau pétille dans cette comédie de Tonie Marshall qui ne tombe jamais dans la vulgarité. Un joli mélange entre comédie de boulevard et comédie romantique US. E.S

NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime

Lou ! journal infime : bonbon surprise

Un gros bonbon sucré, visuellement audacieux, attachant et pas du tout réservé aux enfants.

Lou ! journal infime
Lou ! journal infime, de Julien Neel.

Adapter une bande dessinée à l’écran, beaucoup ont essayé et se sont emmêlés les pinceaux. Dans le cas de Lou ! journal infime, il paraissait difficile de retranscrire l’uni-vers acidulé et ses personnages si caractéristiques sur grand écran. Pourtant, Julien Neel, son auteur, a transformé cet exercice périlleux en réussite. Le dessinateur a tout simplement décidé d’adapter lui-même sa BD.
Et autant dire que les éventuels a priori de départ (film pour enfantsados, synopsis déjà vu, estampillé « girly ») disparaissent sitôt le premier quart d’heure écoulé. Sans connaître la BD, le spectateur se retrouve face au quotidien presque banal de Lou : une jeune ado créative, la tête dans les nuages, obsédée par Tristan, le beau gosse à la tignasse-choucroute façon BB Brunes. Elle vit seule avec sa mère, Emma, éternelle maman-enfant branchée sur sa console.

Et derrière des thèmes simples (l’adolescence, ses petits tracas, les amourettes, le chômage, la monoparentalité), le réalisateur déploie alors un univers hallucinant, excentrique, loufoque à la Boris Vian. L’Écume des jours de Gondry n’est d’ailleurs pas loin. Le travail sur les costumes, entre rétro et futurisme, et les accessoires, d’une ingéniosité stupéfiante, est phénoménal. Les décors sont fouillés, bourrés de détails. Julien Neel expérimente. Il ose. Il trempe son audace dans une photographie vintage et flashy. Tout y est coloré, éblouissant, techniquement irréprochable.
Parfois, il s’affranchit des limites en partant dans un délire improbable façon animation japonaise, mix entre le club Dorothée et la science-fiction !

Dans cet univers extravagant, Lola Lasseron, alias Lou, balade ses yeux bleus et son air timide et maladroit. Terriblement attachante, authentique, la jeune actrice est une révélation et prouve qu’elle maîtrise un large panel d’émotions. Mention spéciale aussi à Ludivine Sagnier, méconnaissable en maman fofolle, et l’inattendu Kyan Khojandi (connu pour sa série Bref) en musicien hippie empoté et gaffeur. Dommage que certains autres rôles ne soient pas assez exploités. La galerie des personnages secondaires est exquise, mais inégale : de l’excellence à la faiblesse de certains débutants, rendant alors le rythme inconstant.
Alors certes, Lou ! journal infime peut décontenancer avec ses quelques clins d’oeil à la BD. Mais le charme du film finit par gommer cet aspect mineur. Mieux, la justesse et la joliesse des textes soulignent le travail de Julien Neel. Et de ce premier long-métrage, il s’échappe finalement une douce poésie. Étonnant et attachant.
Aurélien Germain

NOTE : ***

Durée : 1 h 44. Comédie de Julien Neel (France). Avec Ludivine Sagnier, Lola Lasseron, Kyan Khojandi, Nathalie Baye…

NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=HmfQQe13F9Y[/youtube]

Tu veux ou tu veux pas ? Duo de choc

Les sex symboles peuvent-ils se moquer d’eux-mêmes ? Réunis à l’écran, Bruel et Marceau répondent à leur manière.

CINE_PAP_TUVEUX
En le voyant à l’écran, on a du mal à reconnaître l’ancien chanteur à succès : Patrick Bruel a vieilli, il s’est épaissi, montre un début de double menton et quelques poils gris. On s’en fiche, il revient en grande forme et son rôle dans Tu veux ou tu veux pas ? nous rappelle qu’il est au moins aussi bon devant une caméra que sur scène.
Pourtant, la réalisatrice Tonie Marshall partait assez mal avec cette histoire d’ancien sexaddict devenu conseiller conjugal (Lambert, joué par Patrick Bruel) qui tombe sur Judith, une assistante nymphomane (incarnée par Sophie Marceau). Pour séduire Lambert, Judith sort le grand jeu : les moues, les clins d’oeil suggestifs, les pulls déboutonnés. Lambert, les nerfs en compote, se raccroche à ses réunions avec les sex addict anonymes. Comment résister aux avances d’une bombasse déchaînée ?

Il y en a eu tellement, ces dernières années, de comédies françaises un peu poussives, fabriquées à la va-vite avec des acteurs en vogue collés en haut de l’affiche pour appâter le spectateur qu’on craignait une nouvelle débâcle. C’est mal connaître le talent des deux sex-symboles : la petite fiancée des Français et le beau gosse qui faisait hurler les midinettes semblent faits l’un pour l’autre. Étonnant, d’ailleurs, qu’aucun réalisateur ne les ait réunis avant. Le scénario joue sur une histoire de sexe, mais les acteurs, eux, sont clairement dans l’auto-dérision. Sophie Marceau joue à merveille les femmes fatales un peu allumées. Elle accumule les clichés de la femme ultra-sexy, en jouant, pour une fois, de son physique.
Côté mâle, Bruel est l’homme de la situation. Il surjouait un peu dans Le Prénom. Cette fois, il colle tellement bien au personnage d’ex- Dom Juan repenti qu’on y croit réellement. Sophie Marceau a souligné l ’aide apportée par la costumière du film et on la comprend dès les premières scènes. Judith est moulée dans des twin-sets et des jupes crayons, mais pas de cuir ou de résille. Ses tenues aux couleurs acidulées égaient le film et donnent à son personnage un air femme-enfant. La bande annonce et sa chanson un peu rétro confirment cette légèreté.

Malgré un sujet prêtant à l’humour gras, Tonie Marshall évite la vulgarité. Elle réussit un joli mix de comédie de boulevard et comédie romantique à l’américaine, grandement aidée par ses acteurs. On est un peu déçus quand la lumière se rallume. On serait bien restés encore quelques instants en compagnie de ce couple pétillant. La plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu’elle a, dit l’adage, mais dans le cas de Sophie Marceau, c’est déjà beaucoup.

Élisabeth Segard
NOTE : **
Durée : 1 h 28. Comédie de Tonie Marshall (France). Avec Sophie Marceau, Patrick Bruel, André Wilms, Sylvie Vartan…
NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime

Get on up : docteur James et mister Brown

Un biopic sur la vie de James Brown, sur l’homme (pas si funky !) derrière la légende. Électrisant !

James Brown Get on Up
Un James Brown en costume rouge, qui sort de l’ombre, serein. Puis changement de plan brutal : « Monsieur Dynamite » explose. Complètement camé, mégalo, furieux, tirant des coups de feu dans le plafond. Le film s’ouvre ainsi, sur un épisode tardif de la vie de James Brown. Un chanteur certes talentueux, mais autoritaire, parfois violent, parano. Ne parlant de lui qu’à la troisième personne.

En cela, ce biopic, loin de n’être réservé qu’aux fans, a décidé de jouer sur deux partitions : oui, le caractère de Mr Brown frôlait l’insupportable ; mais il était aussi un génie (Mick Jagger des Rol-ling Stones, ultime fan du chanteur, a coproduit le film…). Parti de rien, les pieds dans la terre, pour arriver au firmament, la tête dans les étoiles. Un gosse paumé, déchiré entre sa mère battue et son père violent. Tellement perdu qu’il finira quelque temps derrière les barreaux… La prison, symbole paradoxal de sa libération, puisqu’il y découvrira le gospel.

Get On Up est une réussite. Déjà parce qu’il s’écarte des sentiers balisés du biopic simpliste, loin de suivre le bête schéma chronologique. Ici, le montage est syncopé, compliqué, mais appliqué. L’espace-temps est malmené, secoué par des flashbacks, des allers-retours entre l’enfance et l’âge adulte de la Sex machine. Des cassures de rythmes qui renforcent ce contraste entre sa vie misérable en forêt et son apogée sur les planches, sur fond de « I feel good ».
Get On Up ose aussi une forme rare au cinéma, en laissant James Brown s’adresser parfois directement au spectateur. Original, mais déroutant. Surprenant, aussi, ce parti pris d’occulter le rapport de James Brown aux femmes, au sexe et à la drogue. Trop survolé. À peine quelques clins d’oeil. Tout juste peut-on le voir rouler rapidement un joint ou avoir quelques secondes de grâce entre les jambes d’une fille peu farouche. Exit ses arrestations pour possession de drogue ou autres violences conjugales…

Le reste ne souffre d’aucun reproche. Le réalisateur Tate Taylor dépeint le parrain de la soul comme il était : despote exécrable, hautain et prétentieux. Un double personnage, complexe, admirablement joué par Chadwick Boseman, largement « oscarisable » pour ce rôle ! L’acteur y est hallucinant de mimétisme. Colossal dans ses gestes et bluffant dans sa voix (mais reste à voir ce que donnera la version française…). Une véritable performance magnifiant des séquences de concerts, techniquement sans faille, nourries de tubes funk et soul. Un bonheur tant auditif que visuel, point d’orgue du film, contrastant avec l’arrogance d’un monstre de la musique, le Docteur James et Mister Brown.
Aurélien Germain
NOTE : ***
Durée : 2 h 18. Biopic, de Tate Taylor (USA). Avec Chadwick Boseman, Dan Aykroyd, Viola Davis…

*************************************
TOUJOURS EN SALLE
*************************************
PRIDE ***
Véritable bombe comique à l’anglaise, ce film de Matthew Warchus plonge dans les luttes sociales des années 1980, en pleine période Thatcher. Quand un groupe de Londoniens, défenseurs des droits homos, se mettent à soutenir des mineurs du Pays de Galles, ça donne un film engagé mais qui ne perd pas ce ton pincesans- rire so british. Entre un scénario bien ficelé et des bonnes grosses blagues, cette petite pépite n’est pas sans rappeler Good Morning England ou l’excellent Full Monty. B. R. (retrouvez notre critique complète ICI)

HIPPOCRATE **
Visage de caoutchouc, silhouette longiligne, Vincent Lacoste est un parfait Benjamin, interne dans un hôpital parisien. Entre blagues de potaches et risques juridiques, il s’interroge sur sa vocation au contact d’Abdel, médecin algérien confirmé faisant fonction d’interne en France. Thomas Lilti (médecin lui-même) a confié à Reda Kateb ce rôle. Déjà remarquable dans Un Prophète, il l’interprète tout en violence rentrée et en générosité. Mi-doc et mi-comédie, cette plongée à l’hosto est juste et prenante. A. A.

SEX TAPE **
Jay et Annie s’aiment comme aux premiers jours, époque bénie où ils passaient leur temps à copuler gaiement. Sauf qu’avec le temps, le désir s’est érodé. Le couple décide, pour raviver la flamme, de se filmer pendant leurs ébats. Mais la vidéo va atterrir dans les mains de tout leur entourage. Comédie grivoise (trop ?), vulgaire, Sex Tape est une débauche de blagounettes, sous un vernis trash. On sourit, tout en mettant le holà sur ce film olé olé. Sympathique, sans être tordant. A. G. (retrouvez notre critique complète ICI)
NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime

Ciné été : Planète des singes ou American Nightmare ?

L’un est un film à petit budget, l’autre a coûté la bagatelle de 170 millions de dollars (!), mais les deux cartonnent au cinéma. Alors, on va voir quoi ?

American Nightmare 2 : Anarchy
« Low budget, high concept ». Comprenez, « petit budget, concept fort ». C’est le credo de Jason Blum, producteur qui a donné un coup de pied dans la fourmilière hollywoodienne il y a quelque temps, en balançant à la face de tous des films de genre coûtant peu, mais rapportant un max. Au hasard ? La franchise Paranormal Activity (15 000 dollars investis pour  200 millions amassés !), ou encore Insidious 2 et Sinister. Et après le monde qui s’est précipité en salles pour le premier volet d’American Nightmare (pourtant un vrai pétard mouillé, voir notre critique ICI), mister Blum au fin nez a demandé au réalisateur James de Monaco d’en remettre une couche lors d’un deuxième opus.
american-nightmare-2-affiche-53a94808f1d2bConcept simple, mais efficace : durant toute une nuit, tout crime est légal pour la population américaine ; c’est La Purge. On copie colle donc la formule du premier épisode, mais en extérieur cette fois-ci, dans les rues de Los Angeles, où tout le monde est donc décidé à faire sa loi. En touchant la corde sensible – les armes – American Nightmare 2 réussit déjà un peu plus là où son petit frère avait échoué : effleurer une véritable satire grinçante sur un sujet hautement explosif et 100 % made in USA.  Malheureusement, le propos est rapidement amoindri, notamment par une désincarnation totale des protagonistes : tous sont absolument d’une platitude consternante, sans relief, voire carrément inexistants. Seul Frank Grillo, en flic revanchard plein de ressentiment, parvient à sortir la tête de cette bouillie de personnages pathétiques.
Bêtement schématique et manichéen (bouh, les méchants riches blancs raffinés, vilains, très vilains !), American Nightmare 2 tombe aussi dans le travers du précédent opus, avec sa photographie laide au possible, à la limite de l’illisible. Au final, faussement anarchique, contrairement à son titre, le nouveau bébé de James de Monaco reste une timide fable politico-révolutionnaire sans surprise, ni courage (n’est pas John Carpenter qui veut). Et ce n’est pas la fin, bête et surjouée, qui nous fera dire le contraire. Dommage.
American Nightmare : Anarchy, de James de Monaco. Durée : 1H 43. Avec Frank Grillo, Carmen Ejogo, Zach Gilford…

La Planète des singes : l’affrontement
Dix ans ont passé. La paix entre les hommes et les singes est plus que fragile. Tellement fragile que les deux camps sont sur le point de se livrer une guerre sans merci… la-planete-des-singes-l-affrontement-dawn-of-the-planet-of-the-apes-30-07-2014-5-g
Soyons clair : le blockbuster de l’été, c’est lui. La Planète des singes : l’affrontement, signé Matt Reeves. Succès monstrueux aux États-Unis, il a aussi rameuté plus de 412 000 personnes en France, lors de son premier mercredi d’exploitation. Un petit miracle en soi, en période estivale.
Cette suite de La Planète des singes est tout d’abord une magie visuelle. Esthétiquement bluffant, ce bijou est une réussite grâce à un seul homme : Andy Serkis, l’interprète de César. Vous ne le « verrez » jamais à l’écran, mais cet acteur (si, si, Golum et King Kong, c’était… lui!) est l’un des pionniers de la motion capture. Un procédé qui permet de retranscrire gestuelles et émotions d’un être vivant par ordinateur. Le visage d’Andy Serkis vous est donc inconnu. Ici, il est un singe. LE singe, le chef. Mais porte tous les enjeux du film. Performance technologique admirable, La Planète des singes l’est assurément. L’invisible Serkis porte le film à bout de bras (enfin, de pattes). C’est simple, les 20 premières minutes du long-métrages sont tout bonnement hallucinantes : saisissant de réalisme, cet instant peut même se targuer d’être une copie conforme de documentaire animalier. Le spectateur est happé. Subjugué. Mieux, il reste bouche bée.
C’est ensuite que tout s’enchaîne et que Matt Reeves livre sa vision des choses : ici, singes et hommes sont au même niveau. La trahison et le crime sont possibles partout. Chez n’importe qui. Avec un sous-texte sociopolitique remarquable, le film est une véritable réflexion sur la nature humaine. Philosophique, captivant, épique (cette bataille, bon sang!), généreux, mais un tantinet trop long, La Planète des singes s’impose comme LE film de l’été, en repoussant les limites techniques et scénaristiques. Et au risque de se répéter, ce chimpanzé, ce César, mérite largement l’Oscar. Bluffant.
La Planète des singes : l’affrontement, de Matt Reeves. Durée : 2 h 11. Avec Andy Serkis, Jason Clarke, Gary Oldman, Keri Russell…

Transcendance : une belle surprise

Film d’anticipation philosophico-technologique sur la création d’une intelligence artificielle. Tout un programme. Mais un bon programme.

Image1
Dieu : cette recherche d’une conscience omnipotente, omnisciente. Transcendance n’y va pas par quatre chemins et aborde LE sujet qui occupe l’humanité depuis… toujours. Oui, mais si d’un seul coup Dieu existait sous les traits d’un scientifique bienveillant introduit dans un super ordinateur ?
Un rayon de soleil, un tournesol, une goutte d’eau tombe lentement, Will et Evelyn dans leur jardin. Image d’Épinal. Le couple discute, l’heure tourne. Les deux scientifiques doivent présenter ce projet qui pourrait révolutionner le monde, la création d’une intelligence artificielle qui sauvera l’humanité. Mais l’attentat fomenté par un groupe terroriste, opposé à cette croyance dans les nouvelles technologies, va bouleverser la donne. Will, aux portes de la mort, va se sacrifier pour devenir cet esprit virtuel tout puissant, l’entité rêvée par les hommes depuis la nuit des temps.
Pour son premier film, Willy Pfister s’amuse, joue avec les codes de l’anticipation, fait des clins d’œil permanents aux Hal, ThX 138 et autres Gattaca. Ancien chef photo de Christopher Nolan, il ne renie pas l’art de la narration et de l’intrigue, cher au créateur de Memento. Même si son film souffre de quelques faiblesses de rythme, surtout quand il s’agit d’action un peu musclée, Willy Pfister possède au moins le courage d’aller au bout de son idée (si on en dit plus sur la fin, ça va se finir en spoiler). Les images sont, bien entendu, superbes, travaillées à l’extrême, dans la lignée de celles qu’il a déjà signées sur Batman The Dark Knight, Insomnia ou encore Inception. Transcendance n’apporte aucune réponse mais pose de nombreuses questions sur le choix d’un futur pour notre société actuelle. Willy Pfister choisit de ne pas projeter son film trop loin dans le temps ni dans les avancées technologiques (oubliez les images à la Minority Report). Il filme juste ce qu’il faut pour que l’histoire paraisse plausible dans les années à venir.
Niveau casting, Transcendance tape fort. Johnny Depp propose un jeu tout en nuances, même quand il n’apparaît que de manière virtuelle. Loin des clichés de l’héroïne hollywoodienne transparente, Rebecca Hall lui donne la réplique avec une fragilité bouleversante. Justement, Willy Pfister ne verse aucunement dans le manichéisme habituel des blockbusters (encore la patte invisible de Nolan ?). Le scénario de Transcendance a cette faculté de bouger les lignes, interroger le spectateur sur les véritables pensées des personnages qui, eux-mêmes, se contredisent, mentent, évoluent. Imprévisibles, comme des marionnettes douées de conscience. En sort un sentiment de vide parfois, Transcendance s’affranchit à certaines reprises des scénarios classiques. L’apogée de l’action n’arrive jamais complètement.

The two faces of january : classique et prenant

Un film noir à l’ancienne, nourri par de somptueuses images. Un premier film d’Hossein Amini classique, mais prenant.

Image1

On appelle cela un casting trois étoiles. Une triplette Kirsten Dunst, Oscar Isaac et Viggo Mortensen, tous embarqués dans une histoire classique, façon thriller psychologique. Le tout, emballé par le scénariste de Drive et adapté d’un roman de Patricia Highsmith. Tout pour plaire sur le papier…

Sur l’écran, on est vite happé là où la première réalisation de Hossein Amini veut nous perdre : les méandres de l’esprit humain. Le mensonge. La part d’ombre de chacun, surtout. Dès le premier plan, le spectateur est écrasé par la chaleur méditerranéenne. Deux touristes américains, élégants, déambulent, rient, sourient. Chester McFarland et son épouse Colette sont à Athènes, mais quelque chose coince dans leur apparente joie de vivre. On le devine, sans savoir pourquoi. Un malaise renforcé lorsqu’ils rencontrent Rydal, jeune guide touristique grec, un peu fourbe, un peu menteur, arnaqueur sur les bords… Mais très vite, de coupable aux yeux du spectateur, il va passer victime, quand il sympathise avec les tourtereaux. Un couple beaucoup moins lisse qu’il n’y paraît. Une chute vertigineuse commence. Les événements s’enchaînent. L’engrenage est là, malsain. Un piège.

The two faces of January joue alors sur un contraste formidable : Hossein Amini filme, avec grâce, de sublimes paysages helléniques, brûlés par le soleil, magnifiés par une photographie chaude, colorée. Un jaune vif, collant à l’ambiance sixties du film, tranchant avec la noirceur des personnages.
Mieux, la dualité entre les deux personnages, totalement opposés, explose au visage. Viggo Mortensen est bluffant, terrifiant. Sous son chapeau qu’il ne quitte presque jamais, ses yeux durs transpercent son « adversaire », joué par un Oscar Isaac tout en finesse. Au milieu de ces deux egos, flotte la douce Kirsten Dunst (au personnage malheureusement trop sous-exploité), se noyant dans cette spirale de tromperie, de jalousie et de haine. Un triangle amoureux tragique vient de naître.
Certains rebondissements surprennent, élevés par une maîtrise de la lutte psychologique. On pense parfois à Hitchcock, parfois à René Clément avec son Plein soleil. Ces moments de tension joliment insufflés rattrapent certains lieux communs (un peu dommage…) et un classicisme inévitable dans ce genre de long-métrage. Amini tombe aussi parfois dans la facilité de l’image façon carte postale (tout de même plaisant pour les yeux !), mais sait se montrer doué à la caméra. Notamment, avec cette séance stressante dans l’aéroport qui multiplie les changements d’axe.
Dans cette atmosphère ambiguë, le plaisir du suspens est là. Simple, mais efficace. Plutôt classe pour un premier essai.

Thriller de Hossein Amini (États-Unis, Grande-Bretagne, France).
Durée : 1 h 37. Avec Kirsten Dunst, Viggo Mortensen, Oscar Isaac, Daisy Bevan…

Un amour sans fin : la foire aux clichés

Une romance sur un amour impossible. Prévisible, d’une vacuité confondante et scénario faiblard : avis aux amateurs…

CINE_PAP1
Était-ce vraiment utile de faire un remake du film Un amour infini de Zeffirelli (avec Brooke Shields, 1981), lui-même adapté du roman Endless love de Spencer en 1979 ? Shana Feste, réalisatrice de films pas franchement glorieux (Country strong, au hasard), ne s’est pas posée la question. Accoucher d’une sorte de Roméo & Juliette moderne et filmer l’idylle impossible de deux adulescents ? Quelle bonne idée ! Oui, sauf que…

Un amour sans fin, c’est donc la chronique du coup de foudre entre David et Jade. Lui, modeste, gueule d’ange un peu rebelle, préfère avoir les mains dans le cambouis et aider son père garagiste dans le besoin. Elle, sans amis et toute timide, est issue d’une famille aisée et se destine à de brillantes études en médecine.
Sous ce postulat éculé se dessine alors une folle histoire d’amour passionnel, rapidement empêchée par le papa de la belle Jade, qui ne voit pas les choses du même oeil. Ne prenant David que pour un bon à rien au passé trouble, il fait alors tout pour les séparer et leur interdire de se voir.

Commence alors une surenchère de clichés alignés sans vergogne : premier regard échangé en ramassant quelque chose en même temps, première fois devant la cheminée, pseudo scène du balcon, retrouvailles à l’aéroport, fête au lac, musique mielleuse… Lourdaud et poussif, Un amour sans fin patauge dans un marécage de stéréotypes, pas plus aidé par un scénario peu abouti et pas crédible. Tout est prévisible, sans rebondissement, faisant alors sombrer doucement cette romance un peu gnan-gnan et édulcorée.
Paresseux, le film de Shana Feste use, durant plus d’une heure et demie et jusqu’à la moelle, son leitmotiv abrutissant : battez-vous pour votre dulciné(e), rien n’est impossible, car l’amour à 17 ans est plus fort que tout (pitié…). Le tout, emmené par des personnages-mannequins tout droit sortis d’un magasin Abercrombie & Fitch®.

Pourtant, Un amour sans fin possède quand même son petit lot de qualités : un sous-texte sur un père traumatisé par le décès d’un de ses fils, le joli travail sur l’image, une complicité palpable et une alchimie visuelle entre les deux amoureux… Mais de maigres consolations, d’autant qu’elles ne sont que peu exploitées, voire vite gâchées par des maladresses (David n’est censé n’avoir que 17 ans mais en paraît 30…).
Un portrait d’une passion adolescente tellement dans l’excès et dégoulinante de bons sentiments (trop !) qu’il ne plaira, au final, qu’à une infime part de spectateurs. Ou à de jeunes romantiques obéissant à la devise amour, arc-en-ciel et poneys à paillettes. Un film au goût d’ex qui revient au mauvais moment : amer. Vite vu, vite oublié.

Aurélien Germain
NOTE : *
Drame/Romance, de Shana Feste (États-Unis). Durée : 1 h 44. Avec Alex Pettyfer, Gabriella Wilde, Bruce Greenwood, Joely Richardson, Robert Patrick…
*************************************
TOUJOURS EN SALLE
*************************************
SOUS LES JUPES DES FILLES **
Le printemps est là. Onze Parisiennes se croisent, se fâchent, se séduisent. Elles sont mères de famille, copines, célibataires, joyeuses, insolentes, inattendues… Mais surtout paradoxales. Comédie féminine signée Audrey Dana, Sous les jupes des filles multiplie malheureusement trop les personnages, en enquillant des pastilles certes bien écrites, mais manquant de lien. Un zapping incessant qui détruit un peu la force de ce casting glamour et prometteur. Dommage. An.G.
X MEN : DAYS OF THE FUTURE ***
Bryan Singer remet le couvert avec cette aventure spatio-temporelle des X Men. Dans un monde où humains et mutants se font exterminer par des machines parfaites, la seule solution c’est d’envoyer Wolverine dans le passé pour changer le cours de l’histoire. Bastons, stades qui volent dans les airs, boules de feu… Vous allez être servis dans cet excellent film de super héros. On retrouve même le côté sombre et pas du tout manichéen des premiers X Men. Un bijou ! B.R.
GODZILLA ***
Attention, film qui casse la baraque… dans tous les sens du terme. Méga production signée Gareth Edwards, ce Godzilla version 2014 rend hommage à la version d’origine, en revenant aux sources nucléaires du mythe. Spectacle époustouflant, mise en scène brillante et effets spéciaux bluffants (quelle claque !) font oublier un scénario pas extraordinaire. Efficace à 100 %, notamment lors des combats de monstres, étonnamment filmés sans musique, qui filent la chair de poule. A.G.

NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime

 

 

Sous les jupes des filles : cacophonique

C’est le printemps. Onze Parisiennes se croisent, se fâchent et séduisent. Une comédie féminine.

CINE_PAP
Programmer un film de filles quelques jours avant la Coupe du monde de football, on a vu plus subtil de la part d’un distributeur. Mais on avait envie de découvrir ce long métrage qui partage son titre avec une sublime chanson d’Alain Souchon. Tout comme on voulait voir évoluer cette pléiade de vedettes féminines. On ressort de la salle obscure avec une impression mitigée. Sous les jupes des filles est une oeuvre chorale. Une comédie qui plus est.
Mais Audrey Dana n’est ni Alain Resnais (On connaît la chanson) ni Robert Altman (Short cuts). Sa comédie se rapproche quelque peu des réalisations de Danièle Thompson (Fauteuils d’orchestre, Le Code a changé). Cependant, la mécanique y est moins bien huilée. Trop de personnages et pas suffisamment d’intrigue. Des pastilles joliment écrites et réalisées, mais qui manquent de lien. Si ce n’est des considérations météorologiques (Évelyne Dhéliat likes this) et la rencontre fortuite des protagonistes. La galerie de personnages dessine le portrait d’une femme du XXIe siècle.
En débutant le film face caméra, dans le rôle d’une quadra déprimée, sous la couette, joint à la bouche et tampon à la main, Audrey Dana a décidé d’injecter un peu de trash là où d’autres auraient sacrifié cette approche sur l’autel de la bienséance. On adhère ou pas. Tour à tour, on découvre des femmes complexes, fortes et fragiles, névrosées et insolentes. En un mot : paradoxales.
On rencontre Audrey Dana dont le personnage est confronté à une irrésistible attirance pour les hommes mariés. Rose (Vanessa Paradis), en PDG au taux de testostérone comparable aux mâles, malmène son assistante Adeline (Alice Belaïdi, touchante). Ysis (Géraldine Nakache) en jeune maman de quatre garçons et qui succombe aux charmes de la nounou (Alice Taglioni). Isabelle Adajni qui refuse la vieillesse et qui consulte sa gynécologue de sœur (Sylvie Testud). Laetitia Casta, en jeune avocate à la beauté diaphane, rencontre les problèmes gastriques de Shrek lorsqu’elle s’éprend d’un confrère. Marina Hands en épouse cocue et cruelle vengeresse. Audrey Fleurot campe une femme fatale à la recherche du désir. Et Julie Ferrier qui se libère du joug de désordres psychologiques en cédant à l’appel de son bas-ventre dans les bras d’une star hollywoodienne.
Un casting glamour et prometteur dont la réalisatrice tire un film sincère. On imagine que les actrices se sont régalées sur le tournage. Nous, un peu moins. La faute à ce zapping incessant entre les personnages. Cette cohabitation de jolies historiettes ne débouche pas sur la comédie dopée aux œstrogènes que l’on attendait. Dommage.

Welcome to New York : alors, verdict ?

Sorti sur le net, le dernier Ferrara n’arrive pas à s’extirper d’un sujet ancré dans notre imaginaire, même s’il est réussi sur le plan cinématographique.

SORTIR_CINE_PAP_OUVERTURE
De s f e m m e s partout, belles, dévouées aux demandes les plus violentes. Au milieu, un homme seul assouvit ses pulsions primaires, ses envies de vices, de chair, de cruauté. Autour de ce puissant politicien, une vacuité à faire froid dans le dos. Sans terre ni patrie, il navigue de couloirs d’aéroports, en chambres d’hôtel de luxe, de bureaux sans âme à la cabine aseptisée de première classe. Seul avec lui-même et ce besoin d’aller toujours plus loin dans sa libido biaisée, réduite au moment de jouissance.
Besoin d’humanité quand ces femmes, payées, ne lui offrent qu’un service à la mesure de sa barbarie, il éructe, crache, crie à s’en déchirer les poumons. Comme s’il se sentait enfin en vie. Fantasme atroce, mirage d’un monde sans pitié qui finalement ne s’écroulera jamais pour lui, malgré ses dérapages fréquents et ses crimes.

Impossible de faire de Welcome to New York un simple film d’interprétation de l’affaire DSK. Le réalisateur cherche autre part que dans le sensationnalisme du viol et du procès. Longues scènes lentes aux dialogues creux, le film réussit à plonger dans les méandres de ce vide inhérent à beaucoup d’hommes de pouvoir.
Gérard Depardieu, très bien dirigé pour une fois, ne tente pas l’imitation de l’original et interprète une version primitive du politique perdu, volontairement grotesque. Sans excuser les actes odieux ni brosser dans le cliché larmoyant, Depardieu réussit un des meilleurs rôles de ces cinq dernières années. Il magnifie une des meilleures scènes du film, celle de la prison. Baladé dans les méandres des couloirs sécurisés, par deux sortes de geôliers plus proches du robot que de l’humain, il rentre enfin dans une cellule avec trois loubards prêts à en découdre. Ce sera le seul moment de tout le film où il rencontrera un peu d’humanité, même si elle est incarnée par des regards méfiants et l’hostilité.
Depardieu tourne alors sur lui-même, regarde un des prisonniers dans les yeux, lui demande l’heure pour bien vérifier qu’il ne rêve pas. Ferrara prend beaucoup de plaisir dans ces scènes qu’il adore : celles du non-dit, tout en gestes étouffés, dans l’intimité du mal. Difficile de se défaire de cette affaire qui s’est déroulée outre- Atlantique et qui a bouleversé la vie politique de l’autre côté de l’océan. C’est tout le problème de s’attaquer à un sujet déjà chargé en symboles et représentations et qui a propulsé autant de débats violents sur la place publique.

Si du point de vue cinématographique, Welcome to New York s’en tire à merveille, il ne peut pas convaincre une audience qui a déjà vécu ces scènes 1 000 fois dans leur intimité, dans les articles de presse, suggérés par les images télévisées. Dommage.
Benoît Renaudin

Drame américain d’Abel Ferrara avec Gérard Depardieu, Jacqueline Bisset, Drena de Niro, Amy Ferguson. Durée : 2 h.
NOTE : **
*************************************
TOUJOURS EN SALLE
*************************************
GODZILLA***
Attention, film qui casse la baraque… dans tous les sens du terme. Méga production signée Gareth Edwards, ce Godzilla version 2014 rend hommage à la version d’origine, en revenant aux sources nucléaires du mythe. Spectacle époustouflant, mise en scène brillante et effets spéciaux bluffants (quelle claque !) font oublier un scénario pas extraordinaire. Efficace à 100 %, notamment lors des combats de monstres, étonnamment filmés sans musique, qui filent la chair de poule. A.G.

BLACKOUT TOTAL **
Après une sale journée et une grosse cuite (la suite logique ?), Meghan Miles, présentatrice télé, se réveille chez un inconnu. Plus de voiture, ni de portable, et en robe sexy : pas l’idéal alors que son travail l’appelle pour qu’elle vienne dans la journée récupérer le poste de ses rêves. Comédie façon trip cauchemardesque, Blackout total enquille mésaventures jubilatoires et quiproquos burlesques. Loin d’être révolutionnaire, mais c’est drôle et porté à merveille par une Elizabeth Banks parfaite. A.G.

X MEN : DAYS OF THE FUTURE ***
Bryan Singer remet le couvert avec cette aventure spatio-temporelle des X Men. Dans un monde où humains et mutants se font exterminer par des machines parfaites, la seule solution c’est d’envoyer Wolverine dans le passé pour changer le cours de l’histoire. Bastons, stades qui volent dans les airs, boules de feu… Vous allez être servis dans cet excellent film de super héros. On retrouve même le côté sombre et pas du tout manichéen des premiers X Men. Un bijou ! B.R.

 
NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime

 

Blackout total : balade infernale

Une comédie façon trip cauchemardesque à travers Los Angeles. Divertissant, sans être révolutionnaire.

CINE_PAP1
Peut-être qu’un jour, dans un avenir incertain, les distributeurs arrêteront de retitrer bêtement les films américains. Sait-on jamais, c’est beau de rêver. La dernière réalisation de Steven Brill n’échappe pas à la règle. Contrairement à ce que son titre francisé laisse supposer, Blackout total n’est pas qu’un simple ersatz de Very Bad Trip, dopé au trou noir post-cuite. Intitulé Walk of shame outre-Atlantique (littéralement « balade de la honte », une expression anglo-saxonne désignant les lendemains de soirée quand on n’assume plus vraiment sa tenue), il s’agit plutôt d’une version diurne du After Hours de Scorcese.
Dans Blackout total, Meghan Miles, jouée par la délicieuse Elizabeth Banks, est une présentatrice télé qui vient de passer une sale journée : larguée par son fiancé, promotion qui lui file sous le nez… Remède à cela ? Une grosse chouille arrosée avec les copines. Résultat de cela ? Le réveil dans le lit d’un inconnu, sévère gueule de bois à l’appui, voiture embarquée à la fourrière. Pas idéal, alors qu’elle vient d’apprendre qu’elle est de nouveau en lice pour le poste de ses rêves et doit présenter le JT… dans quelques heures.
Portable perdu dans la foulée, un trip cauchemardesque commence alors, à travers les bas-fonds d’un Los Angeles façon envers du décor.
La belle blonde, mini-robe moulante et cheveux ébouriffés, poursuivie par deux policiers ripoux la prenant pour une prostituée, plonge alors dans une virée burlesque. Une course effrénée, allant du chauffeur de taxi russe libidineux et bipolaire, aux dealers de crack foldingues (un des grands moments du film !).
Sans temps mort, Blackout total enquille les mésaventures et les quiproquos plus qu’improbables, mais envoie quelques scènes savoureuses et tordantes comme des missiles. Blackout total a beau être gentiment capillotracté (tiré par les cheveux, m’enfin !), il reste agréable et divertissant. On sourit parfois devant la bêtise et le côté invraisemblable (ah, un seul portable vous manque et tout est dépeuplé…), mais cette comédie US légère et sans prétention divertit.
Légèrement répétitif – le revers du comique de situation et de l’absurde – Blackout total s’assume pourtant totalement. Et c’est ce qui fait son charme. Un charme il est vrai, aidé par une Elizabeth Banks, malheureusement habituée aux seconds rôles, mais ici surprenante. Sexy et drôle, elle porte le film à bout de bras. Parfaite dans son rôle, elle brille en solo. Blackout total ne révolutionnera sûrement pas le genre de la comédie américaine. Ce n’est pas original pour un sou. C’est même le genre de périple vu et revu. Mais, aidé par une écriture brillante, il fait rire et sourire. Et ça, c’est déjà pas mal.
Aurélien Germain

CINE_FICHEComédie, de Steven Brill (États- Unis). Durée : 1 h 34. Avec Elizabeth Banks, James Marsden, Gillian Jacobs, Sarah Wright Olsen…

Prix du roman tmv : les jeux sont faits !

Le jury du premier Prix du roman tmv s’est réuni le mardi 6 mai pour désigner son lauréat. C’est le magnifique roman Pietra viva, de Léonor de Récondo qui rafle la mise. Mention spéciale du jury pour Faillir être flingué, de Céline Minard.

PRIX DU ROMAN TMV
CULT_ROMAN_PIETRA VIVAPietra Viva, de Léonor de Recondo (Sabine Wespieser Éditeur)
L’histoire : Michelangelo (Michel- Ange) vient d’apprendre la mort d’un jeune prêtre qu’il ne connaissait qu’à peine mais qui était pour lui la grâce et la beauté incarnées. Il décide de s’éloigner de Rome et se rend à Carrare, où il doit sélectionner les marbres qui serviront pour le futur tombeau du Pape Jules II. Là, il devra apprendre à se retrouver en tant qu’homme et en tant qu’artiste.
Le mot du jury : Oui, c’est vrai, le résumé peut faire un peu peur. Mais la surprise de lecture n’en est que plus agréable. Dès la première phrase (magnifique) du livre, vous êtes ailleurs. Comme téléporté à Rome, aux côtés de Michel-Ange. Vous voyez la poussière dans le rai de lumière, vous sentez les veines du marbre, vous percevez le chant des prieurs. Léonor de Recondo, musicienne baroque par ailleurs, sait le prix d’une note ou d’un mot. Elle ne les gaspille pas. Des chapitres brefs, percutants, des personnages plus humains que nature, un style précis comme le burin du sculpteur : le roman de Recondo est de ceux qui ne s’éteignent pas une fois le livre refermé et qui laissent une touche d’humanité au cœur de ceux qui l’ont lu.

MENTION SPÉCIALE
CULT_ROMAN_FAILLIR ETRE FLINGUEFaillir être flingué, de Céline Minard (Éd Rivages)
L’histoire : Dans un Far- West encore vierge et sauvage, les chemins de plusieurs personnages convergent vers une ville en construction.
Le mot du jury : Un livre choral dans lequel aucun des personnages n’est sacrifié. Une vraie maîtrise de l’écriture et de la construction, qui nous permet de plonger avec délice dans ces histoires entremêlées qui, au final, ébauchent celle de tout un continent naissant. Impossible de lâcher ce roman, une fois qu’on l’a commencé. Et on en ressort la gorge sèche et les bottes pleines de poussière.

Cent vingt et un jours, de Michèle Audin (L’arbalète Gallimard)CULT_ROMAN_121 JOURS
L’histoire : Le livre retrace les destins croisés de plusieurs personnes, gravitant dans le monde des mathématiques, tout au long du XXe siècle.
Le mot du jury : Voilà un bel exercice de style. Dans le roman se succèdent des chapitres rédigés « à la façon de… » : un conte, des extraits de journaux, un journal intime… Michèle Oudin, mathématicienne et adepte de l’écriture sous contrainte, nous entraîne dans une vaste équation littéraire à multiples inconnues. C’est brillant et rondement mené. Mais difficile de discerner un vrai propos au-delà de l’exercice de virtuosité.

Dernier Désir, de Olivier Bordaçarre (Fayard) CULT_ROMAN_DERNIEr DESIR
L’histoire : Un couple fatigué de sa vie parisienne s’est installé sur les bords du canal de Berry et vit de sa production. Jusqu’au jour où arrive un nouveau voisin qui ne leur veut pas que du bien.
Le mot du jury : C’est une nouvelle adaptation du mythe de Dracula. Le vampire étant, cette fois-ci, en plus du reste, un symbole de la société de consommation qui nous réduirait à de simples objets vidés de toute substance. Une partie du jury a trouvé ce propos un peu téléphoné et regretté son traitement trop frontal, par des personnages qui peinent à exister au-delà des symboles qu’ils incarnent. Mais tous s’accordent à reconnaître que le roman comporte quelques beaux morceaux d’écriture.

CULT_ROMAN_3000 FACONS√ 3 000 façons de dire je t’aime, de Marie-Aude Murail (École des Loisirs)
L’histoire : Trois jeunes gens qui s’étaient connus en classe de 5e, se retrouvent ensemble sur les bancs du Conservatoire d’art dramatique de leur ville. Guidés par leur professeur de théâtre, ils vont découvrir toute la beauté de l’art dramatique et entrer, du même coup, dans l’âge adulte.
Le mot du jury : Didactique et scolaire pour les uns, joliment initiatique pour les autres, ce roman jeunesse a divisé le jury.

LE JURY
>Président du jury : Joël Hafkin, gérant de La Boîte à Livres. Thierry Guyon, du Crédit Mutuel. François Vacarro, du Cabinet Vaccaro. Laurent Coste, professeur de français au Lycée Balzac. Philippe Saillant et Patricia Cottereau, de NR Communication et Matthieu Pays, chef d’édition de tmv.

Charlie Countryman : bouleversant

Road-trip urbain dans les méandres glauques de Bucarest : poétique, violent, admirable.

CINE_PAP_OUVERTURE
Charlie, c’est l’anti- héros un peu paumé. Le jeune adulte perdu dans un monde qui va trop vite. Il perd sa mère trop tôt. Besoin de s’échapper de la réalité, d’apprendre à vivre, il part en Roumanie. Bucarest, la ville estropiée qui continue à vivre malgré les blessures de la dictature, de la pauvreté. Une ville pour lui. Ouvert à tous les possibles, il fait la rencontre dans l’avion d’un gentil bonhomme, Victor Ibanescu. Il sympathise avec cet étranger à l’accent anglais haché, heureux de ce petit moment d’humanité. Sauf que Victor meurt dans son sommeil pendant le trajet, laissant Charlie avec son histoire, sa fille à consoler. Gabi, celle qui le sauvera, lui donnera l’amour qu’il cherche. C’est en rentrant dans sa vie et dans les recoins de Bucarest que Charlie va commencer son aventure, celle qui le bouleversera, le rendra vivant.

On peut parler de road-trip, puisqu’il y a un mouvement constant, une suite de lieux traversés. Charlie, c’est l’âme innocente, le candide qui découvre la méchanceté, la violence contenue dans une ville, dans un pays. Plus qu’un choc de culture, Charlie fait face à une histoire qui le dépasse. Celle, intime, de Gabi et l’autre, plus large, de l’évolution de la Roumanie, de sa corruption, de sa lutte contre la criminalité.

Avec beaucoup de méticulosité, Frederik Bond décrit la lente plongée dans un monde de violence contenue, de colère étouffée. Entre le rythme du polar haletant, tendu, et la romance, ce réalisateur (dont c’est le premier film) prend le temps de développer son histoire, laissant au spectateur le soin de découvrir sa trame en même temps que Charlie.
À certaines reprises, on pense aux conversations sans fin de Before Sunrise, quand deux inconnus incarnés par Ethan Hawke et Julie Delpy se découvraient le temps d’une nuit dans les rues de Vienne. C’est cette façon de filmer la ville, sans clichés, avec des lumières crues, sans effets. Mais ce début de romance se dilue vite à mesure que la rage fait surface, sous les traits de l’ex-mari de Gabi. Un malfrat sculpté par les cicatrices et les tatouages. C’est l’énorme Mads Mikkelsen qui incarne ce symbole du danger, de la mort. L’acteur offre un monstre au visage impassible, à la sauvagerie contrôlée. Encore un film à la mesure de son talent.

Shia LaBeouf lui donne la réplique, tout en mimique, apeuré, tremblant de courage inexploré. Mais les deux hommes ont aussi face à eux l’excellente Evan Rachel Wood qui offre une violoncelliste accidentée, changeante. En plus d’un film d’une finesse rare, le trio permet d’emmener Charlie Countryman au-delà. Il le propulse dans la catégorie des longs-métrages bouleversants, sensibles.
CINE_FICHETECHNIQUE_AFFICHEBenoît Renaudin

NOTE : ***
Drame de Frederik Bond (États- Unis). Durée : 1 h 48. Avec Shia LaBeouf, Evan Rachel Wood, Mads Mikkelsen, Til Schweiger.

 

NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime

 

The Baby : mais quel sale gosse…

Accouchement d’un énième ersatz de Paranormal Activity version femme enceinte. Opportuniste, peu inspiré et pas effrayant.

CINE_PAP1
Paranormal Activity n’aura eu qu’un mérite : titiller le spectateur lambda, en apportant un regain d’intérêt pour le genre de l’épouvante. Pour le reste, il a surtout prouvé aux réalisateurs flemmards que l’on pouvait amasser du pèze en filmant du vide. Imaginez un peu, son réalisateur Oren Peli avait réussi à récolter 200 millions de billets verts pour un budget de… 15 000 dollars !
Gloire au found footage, assemblage de vraies-fausses images retrouvées et de caméra à l’épaule. Faible coût de production assuré et succès auprès des ados…
The Baby, tout comme 9 999 de ses clones, espère lui aussi surfer sur cette vague des [Rec], Blair Witch et consorts. Avec l’histoire de deux jeunes mariés, apprenant l’arrivée d’un heureux événement suite à une soirée arrosée pendant leur lune de miel. Sauf qu’au lieu du petit bébé tout mignon, c’est plutôt l’Antéchrist qui a pris place dans le bidon de Samantha. La future maman va alors adopter un comportement de plus en plus inquiétant. Papa, lui, n’en perd pas une miette et filme la grossesse, les repas de famille, le passage chez le gynécologue…
Found footage oblige, The Baby enfile une tripotée d’images sans grand intérêt et mal filmées. Avec son titre francisé ridicule (The Devil’s Due, en version originale…), cette resucée de Paranormal Activity a beau piocher dans le passé (merci Rosemary’s Baby), il n’en est pas moins grotesque et pas effrayant pour un sou. Les rares bonnes idées sont systématiquement et rapidement avortées (pardon pour le jeu de mot…).
Les autres ne sont qu’un recyclage expédié vite fait mal fait : objets qui volent, télékinésie, visions infrarouges, faux rebondissements « effrayants »… The Baby enquille les clichés du found footage, ingurgite les poncifs du cinéma d’horreur jusqu’à l’indigestion. Ce ne sont pas les personnages insipides, transparents, aux traits de caractère à peine esquissés, qui vont sauver du naufrage. Et les dialogues, d’une platitude consternante, peinent à cacher la misère scénaristique.
Un gâchis, The Baby ? Pour sûr… Déjà parce que le buzz orchestré avant sa sortie était génial, avec cette caméra cachée d’un bébé satanique dans une poussette. Ensuite, parce que le niveau de The Baby n’est relevé que durant la dernière demi-heure, clin d’œil à Poltergeist et Chronicle à l’appui. Enfin, parce que son final sombre dans le ridicule le plus absurde. Une déception quand on connaît le travail des réalisateurs, Bettinelli- Olpin et Gillett, responsables d’un segment franchement réussi dans le film à sketches flippant V/H/S. Là, rien de tout ça. Pas un sursaut, ni un semblant de frousse.
Aurélien Germain
CINE_FICHENOTE : X
Épouvante-horreur, de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett (États-Unis). Durée : 1 h 29. Avec Allison Miller, Zach Gilford, Sam Anderson…

*************************************
TOUJOURS EN SALLE
*************************************
JOE ***
Une œuvre cruelle, mais belle, voilà ce qu’est Joe : l’histoire d’un ex-taulard qui prend sous son aile un ado et qui va, pour la première fois, se sentir important. Le dernier David Gordon Green est un drame poisseux sur les rencontres rédemptrices. Filmé avec une crudité documentaire, Joe sent l’Amérique white trash, sale, pleine de désespoir. Nicolas Cage signe son grand retour après un enchaînement de navets sans nom, tandis que le jeune Tye Sheridan, véritable révélation, excelle. A. G.
BABYSITTING ***
Faute de baby-sitter pour le week-end, un patron confie son sale gosse à Franck, son employé « sérieux », selon lui. Sauf que sa bande d’amis débarque en surprise pour fêter ses 30 ans. Et tout part légèrement en sucette… Babysitting, signé par la Bande à fifi, Bref et le Palmashow (des troupes nées sur Canal et le Net), est un gros déluge de vannes. Sans répit, cette comédie hilarante est une copie française de Projet X et Very Bad Trip. Déjanté, drôle, une bouffée d’air frais ! A. G.
NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime

 
 

96 heures (d'ennui ?)

Face-à-face entre un truand et un policier : le huis clos tombe vite à plat, malheureusement.

CINE_PAP_OUVERTURE
Zoom, regard de Gabriel Carré, patron de la BRB (Brigade de Répression du Banditisme). Figure fatiguée de la police française, il tombe dans le traquenard. Celui élaboré par Victor Kancel pour sortir de prison, un méchant brigand retors et bien décidé à savoir qui l’a balancé. Les rôles s’inversent, le malfrat emprisonne Carré, l’interroge comme s’il portait le costume du policier. Le gardé à vue plonge dans les affres du prisonnier, la torture n’est jamais loin. Commence l’affrontement. L’exercice n’est pas aisé. De nombreuses légendes du cinéma se sont déjà emparées du duel psychologique pour en faire des scènes cultes (rarement des films entiers). On pense à Tarantino et son interrogatoire qui se finit par une oreille coupée dans Reservoir dogs. Ou alors, tendance psychopathe, l’excellente performance d’Anthony Hopkins, admirable de cruauté face à la fraîche Jodie Foster, dans le Silence des Agneaux. On peut aussi aller chercher dans les westerns de Sergio Leone pour trouver des face-àface dignes de ce nom, Il était une fois dans l’Ouest est peut-être le plus emblématique. Juste pour le plaisir, on se rappelle le combat entre Travolta et Cage dans Volte/face.
Tout ça pour dire que Frédéric Schoendoerffer s’attaque à un morceau peut-être trop gros pour lui. Si les 30 premières minutes de son film tiennent la route, l’intrigue se délite vite. Le duel se transforme en comédie tragique, en farce. Les dialogues tout en silence des débuts deviennent alors risibles. À aucun moment du film le rythme ne s’accélère, laissant l’intrigue patauger dans un marécage de répliques creuses. Les effets grossiers (il pleut quand le méchant est en colère, oulala) ne participent pas à l’épuration du scénario, déjà très (trop) sobre. Les deux acteurs principaux arrivent parfois à convaincre, toujours dans cette première moitié de film. Mais Gérard Lanvin et Niels Arestrup tombent petit à petit dans le panneau des stéréotypes et perdent la subtilité de leur jeu à mesure que le film avance, interminable. Le réalisateur ne tient pas la tension du huis clos jusqu’au bout. Ce qui sauve le film du néant, c’est l’utilisation des décors. Frédéric Schoendoerffer filme avec brio cette villa sortie des délires d’un architecte, maison tortueuse où l’intrigue labyrinthique se propage. Un lieu où l’espace n’est jamais vraiment défini et le temps n’a plus de valeur que celui que les personnages lui donnent. Si le scénario et la mise en scène étaient à la hauteur de sa façon de filmer, 96 heures aurait pu faire date. Dommage.
 
 

My Sweet Pepper Land : western à la kurde

Une brillante réinterprétation du western à la mode turque. La pépite de la semaine !

CINE_PAP_OUVERTURE
La scène d’ouverture annonce le ton : un homme doit être pendu dans ce qui ressemble à une cour d’école réquisitionnée. La révolution kurde vient juste d’avoir lieu. Le jugement est expéditif, plusieurs hommes débattent de la peine de mort. La pendaison rate une première fois… Panique. Le décor de far-west version kurde est planté. On revient aux épopées de Sergio Leone où la loi est faite par les plus forts, les plus hargneux.

Dans ce Kurdistan post-révolution, le héros, c’est Baran : mélange de figure mythique du cowboy au passé trouble et de Che Guevara. Une sorte de Clint Eastwood version barbe brune mal rasée, tout aussi étonné que son alter ego U.S devant la sauvagerie de ce monde. Ancien commandant révolutionnaire, Baran se retrouve à la tête du commissariat d’un village retiré des montagnes. Entre Kurdistan, Turquie et Irak, ce petit morceau de terre est tenu d’une main de fer par Aziz Aga, chef d’une famille puissante, trafiquant notoire et tueur au sourire d’ange. Épique, My Sweet Pepper Land reprend à son compte tous les thèmes du western occidental avec une fraîcheur agréable : honneur, chantage, aventure, révolution…

Le film d’Hiner Saleem sonne comme un conte où le folklore local serait propulsé dans le monde mythologique des cowboys et de la conquête de l’Ouest. Les clins d’oeil se multiplient, drôles, cachés, judicieux. Quand Baran débarque dans le village, de nuit, des images de l’Homme sans nom entrant dans une petite ville mexicaine dans Pour une poignée de dollars reviennent, comme un modèle indélébile.
Mais Hiner Saleem sait aussi se jouer de ces codes qui peuvent parfois devenir encombrants. Il n’en fait jamais trop, préfère remanier le genre à la sauce kurde que de l’utiliser en hommage lourdingue. Il évite les longs plans fixes, les travellings grossiers. Car My Sweet Pepper Land est avant tout politique et sonne parfois comme un pamphlet dans cette partie du monde en pleine crise démocratique. C’est aussi un objet cinématographique maîtrisé, enjoué, ambitieux. Et jamais pompeux, ni obséquieux.

My Sweet Pepper Land ne se regarde pas le nombril, laisse les personnages évoluer. Les scènes respirent, s’accélèrent parfois. Le rythme est toujours juste. La photographie de chaque plan est maîtrisée. Une esthétique entre western spaghetti et naturalisme. Si la romance est également présente, la relation entre Baran et Govend l’institutrice du village, ne tombe jamais dans le cliché. C’est même un prétexte pour questionner le rôle des femmes au Kurdistan, leur place dans la société et le peu de poids qu’elles ont dans leur famille. My Sweet Pepper Land est un film mature, intelligent, jouissif. Brillant même.
Benoît Renaudin
NOTE : ***

Western/drame. Un film franco-kurde d’Hiner Saleem. Durée : 1 h 35. Avec Korkmaz Arslan, Golshifteh Farahani, Suat Usta…
 
*************************************
TOUJOURS EN SALLE
*************************************

REAL **
Koichi ne comprend pas le geste d’Atsumi. Pourquoi cette tentative de suicide ? La médecine lui donne la possibilité de parler à la jeune femme dans le coma. Commence alors leur quête de la vérité, truffée de zombies philosophiques et de mystères psychologiques. Kurosawa réalise un superbe film d’anticipation où réalité, souvenirs et virtuel se mélangent. Si la romance est parfois pesante, l’esthétique originale et l’intrigue à la limite du polar en font un film à voir sans hésiter. B. R.

47 RONIN *
Une tribu de samouraïs, assoiffés de vengeance suite à l’assassinat de leur maître, vont s’allier à un esclave demi-sang… 47 Ronin, véritable légende japonaise et futur flop ? Budget faramineux (200 millions de dollars), mais guéguerre entre réalisateur et producteurs, le film avec Keanu Reeves en tête d’affiche s’écrase lamentablement. Si la photographie est magnifique, le rythme est lent, la lecture chaotique et les choix narratifs jamais exploités. A. G.

SITUATION AMOUREUSE **
Ben, la trentaine, est sur le point d’épouser Juliette. Sa petite vie est bouleversée quand Vanessa, la bombe atomique de son collège dont il était éperdument amoureux, revient… Pour sa première réalisation, Manu Payet réussit une comédie romantique sans prétention, avec son lot de bonnes surprises. Interprétation sans faille, vannes vraiment bien senties, et du positif à tous les étages. Loin de révolutionner le genre, mais une bonne dose de fraîcheur. A. G.

 
NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime

 

Nebraska : émouvant road-movie

Émotion à l’état pur dans ce nouveau long-métrage d’Alexander Payne. Nebraska est beau, tout simplement. Un coup de cœur !

film_review_nebraska1
Il est de ces films qui vous chamboulent, vous touchent. Et qui sortent de l’ordinaire hollywoodien, de ce cinéma habituel et quotidien, pas assez fou, pas assez courageux. Nebraska, d’Alexander Payne (The Descendants), en fait partie.
L’histoire n’est pourtant pas révolutionnaire : Woody, septuagénaire alcoolique, reçoit un courrier « Vous avez gagné le gros lot ! ». Persuadé qu’il est désormais millionnaire, il part dans le Nebraska, à pied, pour récupérer ce soi-disant lot. Son fils, agacé par ce comportement, va finalement le suivre.

Sur ce postulat de départ simpliste, Payne accouche d’un road-movie émouvant, naviguant constamment entre la tendresse la plus pure et la cruauté.
Ce qui frappe, aussi, c’est cette merveilleuse photographie : un noir et blanc irréprochable, pur, qui rajoute un côté nostalgique à ce voyage. Loin du glamour à paillettes de la Mecque du cinéma, Nebraska se transforme rapidement en drame comique. Parce que l’on sait qu’il n’y aura aucun lot au bout de ce périple. Parce que l’on sait que ce bon vieux Woody perd un peu la boule, mais en rajoute aussi, incompris et solitaire qu’il est. Parce que l’on rit, on sourit souvent, avec ces petites touches d’humour gentillettes, répétitives, douces.

Mais l’esthétique ne serait rien sans le fond. Nebraska est beau. Tout simplement, car il dépeint à merveille les relations entre un père et son fils qui n’ont, finalement, jamais eu l’occasion de se parler plus que ça, ni d’apprendre à se connaître. Et que, même sans jamais se regarder droit dans les yeux, les liens entre Woody et son enfant sont là, ils existent bel et bien. Leurs anciennes querelles sont en fait rapidement effacées, lorsque « des vautours » s’intéressent subitement à ce brave Woody… et son argent !
C’est le fils qui va défendre le père. L’amour familial éclate alors au grand jour. Et dans cette tornade d’émotions, il y a un acteur qui brille et illumine ce film tout de noir et blanc vêtu : Bruce Dern, touchant et méritant amplement les éloges reçues à Cannes et aux Oscars. Sorte de papy grognon, aux cheveux hirsutes, avec un regard toujours perdu dans le vide. Obnubilé par l’idée de toucher son pactole, en laissant femme et enfants derrière lui. Toute sa vie, même. Quitte à partir à pied. A tout lâcher.
Alors à la fin de ce Nebraska méritant et de qualité, on a envie de regarder son père d’une autre manière. Voir la vieillesse sous un autre angle. Et s’interroger sur la solitude.

Aurélien Germain

[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=YvW_DmfKfSk[/youtube]

47 Ronin : le hara-kiri de Keanu Reeves

Images magnifiques, mais rythme anémique et lecture chaotique : le film de samouraïs se fait hara-kiri.

CINE_PAP1
Le flop semblait prévu dès le départ. Sortie maintes fois repoussée (le film devait sortir initialement en novembre 2012), tournage chaotique, tensions entre les producteurs et le réalisateur (Carl Erik Rinsch, jeune surdoué dont la carrière se résume à… un seul court-métrage) : 47 Ronin, nouvelle super production hollywoodienne, fonce droit dans le mur.
Après l’échec de Lone Ranger, c’est donc un autre blockbuster au budget colossal qui s’écrase : 47 Ronin a beau afficher la note salée de 200 millions de dollars, son crash aux États-Unis et au Japon va coûter plus de 120 millions à Universal Studios…

47 Ronin raconte la légende japonaise des 47 samouraïs, assoiffés de vengeance après l’assassinat de leur maître par un seigneur de guerre, qui s’allient à Kai, un esclave « demi-sang », vrai-faux samouraï mal-aimé.
Tiraillé entre la demande des producteurs d’un film grand public et le désir d’un récit 100 % japonais du réalisateur, 47 Ronin manque déjà cruellement de panache. Deux heures de montagnes russes, où le meilleur (très rare) côtoie le pire (fréquent).
Passé une première scène d’action vraiment belle, à la photographie somptueuse, on commence vite à piquer du nez… Rythme incroyablement lent, dialogues creux et poussifs, rendent la lecture si difficile et laborieuse. Et ce n’est pas la présence de Keanu Reeves – choisi comme seul samouraï d’origine américaine dans un casting 100 % japonais – qui sauvera du désastre. Presque en retrait, il ne correspond pas du tout au rôle. Pis, il semble complètement ailleurs et s’ennuyer ferme. Comme nous.

CINE_FICHEEt tout cela est triste. Vraiment. Car on sent le réalisateur impliqué, avec une volonté de fer. Carl Erik Rinsch accouche d’ailleurs de certaines scènes plaisantes et joliment traitées (ce combat à l’épée, le fantôme d’enfant dans la forêt qui s’enveloppe autour des arbres…). Les costumes, eux, sont de toute beauté, tout comme cette représentation du Japon féodal. On parle aussi vengeance, amour interdit, mythologie ou encore honneur… mais sans jamais aller au bout, sans jamais creuser ces choix narratifs.
Pas de folie, pas de saveur, pour une légende du XVIIIe siècle pourtant intéressante. Tout est confus et toujours torpillé par ce rythme anesthésiant.

En fait, on reste dubitatif. On se pose des questions tout au long du film. Pourquoi avoir mis sur l’affiche le célèbre Zombie Boy (Rick Genest, mannequin tatoué sur 90 % du corps), alors qu’il n’apparaît que quatre secondes dans le film ? Pourquoi avoir choisi des acteurs nippons qui ne savent pas parler anglais ? Pourquoi ne faire sortir le spectateur de sa torpeur que durant la dernière demi-heure ? Pourquoi tant d’argent pour cela ? Pourquoi ?
Aurélien Germain
NOTE : *

Action / Arts martiaux / Fantastique, de Carl Erick Rinsch (États-Unis). Durée : 1 h 59. Avec Keanu Reeves, Hiroyuki Sanada, Kô Shibasaki, Tanadobu Asano…
*************************************
TOUJOURS EN SALLE
*************************************
SITUATION AMOUREUSE… **
Ben, la trentaine, est sur le point d’épouser Juliette. Sa petite vie est bouleversée quand Vanessa, la bombe atomique de son collège dont il était éperdument amoureux, revient… Pour sa première réalisation, Manu Payet réussit une comédie romantique sans prétention, avec son lot de bonnes surprises. Interprétation sans faille, vannes vraiment bien senties, et du positif à tous les étages. Loin de révolutionner le genre, mais une bonne dose de fraîcheur. A. G.
ALL ABOUT ALBERT **
Eva, mère divorcée au quotidien un peu ronflant, rencontre Albert, séparé lui aussi. Elle va rapidement douter de leur relation quand une de ses clientes ne cesse de dénigrer son ex-mari… Comédie romantique, All About Albert met en scène le regretté James Gandolfini, superbe dans un rôle improbable de gros ours amoureux. Jamais mièvre, le film n’apporte rien au genre et ne restera pas dans les mémoires, mais a le mérite d’être beau et maîtrisé. Sincère et sympathique. A. G.
 
NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime

 

La Grande aventure Lego : mitigé

Retour en enfance avec La Grande Aventure Lego. Drôle, léger et bien fait !

The-Lego-Movie
Pour vous qui, petit, vous êtes plongés dans des mondes parallèles imaginaires composés de petites briques de toutes les couleurs, La grande aventure Lego aura un goût de madeleine. Elle nous fait plonger dans le monde d’Emmet, petit bonhomme sans envergure à la vie réglée comme du papier à musique.
Son quotidien : empiler des briques selon un mode d’emploi conçu par Lord Business, président obsédé par l’ordre dans un État où le bonheur est obligatoire. Un soir qu’il reste traîner sur son chantier, il croise la route de Cool-Tag, une jolie rebelle pleine d’idées, venue mettre le désordre dans ce monde trop lisse.
Par un quiproquo, la jeune fille prend Emmet pour le « Spécial », sauveur de l’univers selon une vieille prophétie, censée faire échapper ses concitoyens à un destin de figurines figées dans la colle. À ce jeu-là, le petit Emmet aura bien besoin du courage de Cool-Tag et de tous leurs amis super-héros (Batman, Superman, et consorts).
Après Tempête de boulettes géantes et 21 Jump Street, Chris Miller et Phil Lord, les réalisateurs remettent le couvert dans l’animation pour enfants. Visuellement, c’est plutôt réussi. Le spectateur a vraiment l’impression de se faire tout petit et d’être embarqué au milieu des univers de son enfance. Par un habile mélange de reconstitution numérique et de constructions réelles, les Lego prennent vie. Le monde des cow-boys, celui des nuages dans le ciel (tout rose, paillettes et un peu psychédélique), la mer : chacun des tableaux est soigné et bien décri t .
Côté personnages, il y a de quoi faire. On rigole devant la bêtise de Batman, le petit ami de Cool-Tag, un grand benêt prétentieux qui tire la couverture à lui. On se moque aussi un petit peu du pirate, qui ne cesse de raconter ses vieux faits de gloire. Surtout, on admire Cool-Tag, la vraie héroïne de l’histoire : courageuse, créative et sensible. Pour une fois qu’une fille a ce rôle-là ! À côté de cette belle brochette, Emmet, un peu moqué de tous, a bien du mal à trouver sa place pour prouver que, lui aussi, peut devenir quelqu’un d’important. Les aventures qu’ils vivront ensemble leur montreront que l’union fait la force. Pas besoin non plus d’être élu pour sauver le monde car, est spécial celui qui veut bien l’être. D’accord, on ne rit pas à gorge déployée, les amateurs de double sens, accessible uniquement aux adultes, resteront un peu sur leur faim. Ok, la morale du film est un peu bien pensante. Oui, au final, ça ne casse pas des briques, mais c’est mignon quand même.

Les 3 Frères : retour pas gagnant

La suite du film qui a fait rentrer les Inconnus dans la légende. Malheureusement, les blagues les plus courtes sont les meilleures.

CINE_PAP
Dix-neuf ans qu’ils ne s’étaient pas vus , nouvelle rencontre, amère. La fratrie s’était séparée en mauvais termes, sur des jalousies. Les tensions percent l’écran, les trois frères ont perdu leur sens de l’humour, s’envoient des vannes cinglantes.
Interdits, ils se trouvent devant l’urne de leur mère inconnue, celle qui, dans un précédent film, les avait réunis, leur avait offert la gloire, le bonheur, l’espoir, le malheur.

2014, Didier a presque disparu dans sa cupidité, vendeur de sex toys, marié à une riche vieille fille. Pascal a perdu de sa superbe, entretenu et martyrisé par une cougar. Quant à Bernard, l’acteur n’a jamais vraiment percé. Troublantes similitudes… Les trois frères se lancent de nouveau à la recherche d’argent, de reconnaissance.
Mais la société a changé ses repères, la troupe fraternelle perd très vite pied, tout s’écroule, les trois hommes s’entraînent vers le fond, là où la tempête de l’indifférence rugit, vers la pauvreté et le mépris. La tragédie moderne commence alors, celle d’une perdition avant le naufrage final.

Triste constat, les trois frères ne font plus rire, ou alors de nervosité. Dépassé par les enjeux, le film bascule au bout de quelques minutes dans la redite, la suite mal venue. Les Inconnus étaient rentrés dans la légende, celle des Nuls, des Robins des bois, du Splendid, de Kad et Olivier. Celle des troupes comiques qui s’étaient essayées au cinéma avec brio, avant d’imploser, de se disperser en plusieurs projets, en plusieurs carrières.

Pourquoi revenir ? La nostalgie est une des cordes comiques les plus difficiles à tenir, puisqu’elle surfe sur la tristesse, sur le regret d’un temps révolu et provoque l’envie du spectateur de comparer l’ancien avec le nouveau. À leur apogée, les Inconnus avaient fait de la critique légère de la société, leur spécialité. De leurs reprises moqueuses des chansons de variétés aux faux reportages dans les commissariats, en passant par des pastiches d’émissions populaires, ils maîtrisaient l’art du détournement.
Aujourd’hui, le regard perdu des trois acteurs sur la pellicule ne trompe pas. Et ce n’est pas le scénario, reprise pathétique de la trame du précédent film, qui sauvera ce retour de l’enfer cinématographique. En 1995, les Inconnus partaient avec une base de sketches déjà bien remplie, éprouvée, testée. Être comique ne s’improvise pas, c’est un travail exigeant et, quand pendant presque 20 ans, l’entraînement manque, le résultat est forcément faible, à peine sujet au sourire. Les clins d’œil au passé ne suffisent pas. Les rires se transforment en gêne. Le spleen devient insupportable.
Benoît Renaudin

Comédie, de (et avec) Bernard Campan, Didier Bourdon et Pascal Légitimus. Durée : 1 h 46. Avec aussi Sofia Lesaffre, Daniel Russo, Christian Hecq et Antoine du Merle.
*************************************
TOUJOURS EN SALLE
*************************************
IDA **
Ida, jeune orpheline et nonne juive, décide d’enquêter avec l’aide de sa tante sur la mort de ses parents. Dans un film minimaliste en noir et blanc et en format carré, Pawlikowski filme un voyage initiatique, où sont abordés l’alcool, les plaies de la guerre, la religion… Avec des décadrages déstabilisants, on reste scotché à la beauté impérieuse du regard d’Ida (formidable Agata Trzebuchowska). Si certains passages pédalent dans le vide, le dernier acte est admirable de noirceur et d’espoir. Paradoxal. A.G.
DALLAS BUYERS CLUB ****
Texas, 1986. Ron, cowboy redneck transpirant le sexe et la drogue, apprend sa séropositivité et qu’il lui reste trente jours à vivre. Découvrant des traitements non officiels, il crée un club de malades et s’engage dans une bataille contre les labos et les autorités. Cette histoire vraie, majestueusement filmée, met en scène un Matthew McConaughey bluffant (30 kg en moins !) au sommet de son art et un Jared Leto méconnaissable. Un plaidoyer poignant, terriblement dur et brutal. Sidérant. A.G.
AMERICAN BLUFF ***
Succès total outre- Atlantique et couronné de Golden Globes, American Bluff est une plongée loufoque dans un scandale des seventies, où un escroc et sa femme avaient été contraints par le FBI de coincer un maire corrompu. Esthétique vieillote géniale (coiffures, décors, costumes) sur fond de musique jazz et rock, American Bluff est brillant, drôle et aidé par un casting exceptionnel. Mais ce thriller alambiqué désarçonne par sa mise en scène, ses points de vue multiples et ses discussions tunnel. A.G.
 
NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime

 

American Bluff : ambitieux

Plongée loufoque dans un scandale des seventies. Un film brillant, drôle, mais très alambiqué…

Bradley Cooper et un Christian Bale méconnaissable (Photo DR)
Bradley Cooper et un Christian Bale méconnaissable (Photo DR)

Une scène d’ouverture déjà culte : un grassouillet kitsch à souhait réajuste sa moumoute horrible devant un miroir. Absurde au possible et les secondes qui passent. Mais c’est inévitable : on pouffe de rire. Bienvenue dans American Bluff (American Hustle en version originale, cherchez l’erreur…), la dernière réalisation de David O. Russell, estampillée, en début de film, d’un « Some of this actually happened »… Comprenez un mélange entre fiction et réalité.

Réalité, car American Bluff raconte un scandale qui avait secoué le pays de l’Oncle Sam (l’affaire Abscam, si vous voulez briller en société) dans les années 70. L’histoire d’un escroc et sa femme, prospères arnaqueurs s’enrichissant sur le dos de pigeons, mais contraints un beau jour par le FBI de coincer un maire véreux et corrompu.
Fiction, car Russell livre un mélange jubilatoire de comédie-thriller-drame, à la croisée de Scorsese et des Frères Cohen, pour un résultat carrément foldingue.

On comprend dès lors pourquoi le film a tout écrasé sur son passage outre-Atlantique et a rafflé les Golden Globes : nappé d’une bande-originale géniale (jazzy au début, rock sur la fin), American Bluff est une critique acerbe des institutions US. FBI, politique, mafieux minables, services de police… Tout y passe, mais David O. Russell parvient à distiller son message dans une tornade visuelle et filmique : esthétique léchée des seventies (décors, coiffures, photographie, tout est bluffant !), caméra parfois virevoltante, dialogues débités à vitesse folle…

Dans ce joyeux bazar — parfois très ou trop tordu — naît une alchimie qu’on n’avait pas vue depuis longtemps. La triplette Christian Bale (méconnaissable avec sa bedaine et sa barbe), Amy Adams (délicieuse en femme fatale) et Bradley Cooper (en agent du FBI permanenté, toujours aussi impeccable) nous tire de la torpeur quand le film s’enfonce dans des bavardages interminables.
Idem pour Jennifer Lawrence, miss Hunger Games, qui confirme une nouvelle fois son statut d’actrice extraordinaire irradiant l’écran…

Mais American Bluff désarçonne : thriller pachydermique mâtiné de comédie (certaines scènes sont tordantes), points de vue multiples et digressions rendent la lecture très difficile.
Plus embêtant, il laisse parfois place à la lassitude. Discussions tunnel (n’est pas Tarantino qui veut) et passages à vide inutiles (l’apparition furtive d’un Robert de Niro s’autoparodiant est incompréhensible) minent un film déjà compliqué à appréhender. Avec, pour résultat, un premier et dernier acte intelligents et réussis, mais faisant du surplace pendant 45 longues minutes. Dommage, car pour le reste, c’est glamour, drôle, efficace et ambitieux. Trop ?
Aurélien Germain
NOTE : ***

Thriller/Comédie, de David O. Russell. Américain. Durée : 2 h 18. Avec : Christian Bale, Bradley Cooper, Jennifer Lawrence, Amy Adams, Jeremy Renner…
********************************
TOUJOURS EN SALLE
********************************
THE RYAN INITIATIVE *
Jack Ryan, ancien Marine, a tout du héros : intelligent, courageux et patriotique. C’est donc tout naturellement que la CIA lui propose de devenir agent secret, sous couvert d’un boulot pépère d’analyste financier à Wall Street. Tout se complique le jour où des méchants russes veulent faire chuter l’économie mondiale. Un film d’action sans originalité, ni dans le jeu des acteurs, ni dans le scénario, pas travaillé pour deux sous. C.P.
THE SPECTACULAR NOW
On se disait qu’avec deux acteurs récompensés au Sundance 2013, cette comédie romantique pouvait apporter un petit souffle nouveau sur le genre. Niet. Absence totale de surprises, de rebondissements, d’originalité. Tant que ça en devient drôle. Tous les clichés de la romance adolescente niaiseuse à l’américaine sont réunis dans un seul et même film. On pourrait même croire que c’est fait exprès. Mais non. Subtilité est définitivement un mot rare pour ce genre vu et revu. J.L.P.
LES BRASIERS DE LA COLÈRE **
Drame sombre et sinistre, à l’image de la ville qu’il filme, le dernier film de Scott Cooper trace le quotidien de deux frères (un sorti de prison, l’autre revenu d’Irak) dans une Amérique rurale terne et minée par le chômage. Le pitch est classique, la mise en scène simpliste, mais Les Brasiers de la colère méritent d’être vus de par son incroyable direction d’acteurs : Christian Bale est magnétique, Woody Harrelson est grandiose… Pas révolutionnaire, mais une chronique sociale terrible. A.G.
NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime

The Ryan (sans) Initiative

Un scénario plat, des comédiens faiblards et pleins de grosses ficelles pour emballer le tout : pas terrible.

CINE_PAP

Pas facile de renouveler le genre du film d’espionnage. The Ryan initiative, la quatrième adaptation à l’écran d’un roman de Tom Clancy, ne fait que le confirmer.

Le pitch ? Le 11 septembre 2001, Jack Ryan (Chris Pine), jeune, beau, intelligent et surtout, patriote, abandonne sa brillante thèse d’économie pour servir son pays en devenant Marines. Dix-huit mois plus tard, il est gravement blessé en Afghanistan alors qu’il porte secours à deux de ses hommes.
Forcément, la CIA ne pouvait pas laisser passer une telle perle et lui propose de collaborer avec elle. Sous couvert d’un job d’analyste financier, il enquête, pendant 10 ans, sur les organisations terroristes financières mondiales. Sa compagne (Keira Knightley) médecin, n’en sait évidemment rien.
Alors qu’il mène tranquillement sa double vie, Jack Ryan découvre un jour les plans d’un riche homme d’affaires russe, qui fomente un complot financier, doublé d’un attentat. Son programme : anéantir les États- Unis. Jack Ryan se rend immédiatement à Moscou pour contrecarrer ses plans. Pas de chance, sa compagne le rejoint en douce, persuadée qu’il a une maîtresse. Tous les deux, ils ont deux jours pour sauver les États-Unis, entourés d’une équipe de la CIA, dépêchée sur place.

Aux États-Unis, justement, le film a fait un bide. Ce qui n’a rien d’étonnant vu la faiblesse du scénario, qui ne fait que reprendre les codes du genre, sans les retravailler, ni faire preuve de la moindre originalité. Les personnages sont mis en scène de façon platement manichéenne et on rit presque devant les grosses ficelles utilisées pour faire avaler aux téléspectateurs des rebondissements improbables.

Ce n’est pas le jeu des acteurs qui peut sauver le film. Chris Pine réussit l’exploit de jouer toutes les scènes de la même façon, sans jamais changer d’expression. Un mauvais choix de premier rôle, à coup sûr. À ses côtés, Keira Knightley, très jolie mais transparente, ne remonte pas le niveau. Seul Kenneth Branagh, le réalisateur du film, qui joue aussi le rôle du méchant russe, donne un peu de profondeur à son personnage, grâce à un jeu plus subtil. Au milieu de ce tableau, certaines scènes d’action, notamment une course poursuite dans Moscou puis en plein coeur de New York, réussissent à scotcher les spectateurs à leurs sièges. Enfin ! Dommage qu’elles n’arrivent que dans les vingt dernières minutes du film. On s’est endormi avant.
Camille Pineau
NOTE : *

Thriller de Kenneth Branagh. États- Unis. Durée : 1 h 45. Avec Chris Pine, Keira Knightley, Kevin Costner, Kenneth Branagh.
******************************
TOUJOURS EN SALLE
******************************
12 YEARS A SLAVE ****
Steve McQueen signe une fresque bouleversante, sur l’histoire de Solomon Northup, un noir new-yorkais kidnappé et envoyé dans le sud des États-Unis pour devenir esclave. Si la magnifique photographie du film souligne la cruauté et l’inhumanité du système esclavagiste, la performance des acteurs, Chiwetel Ejiofor et Lupita Nyong’o, coupe le souffle par son réalisme et son humanité. Un film violent et brut sur un sujet qui reste encore à fleur de peau. B.R.
THE SPECTACULAR NOW    X
On se disait qu’avec deux acteurs récompensés au Sundance 2013, cette comédie romantique pouvait apporter un petit souffle nouveau sur le genre. Niet. Absence totale de surprises, de rebondissements, d’originalité. Tant que ça en devient drôle. Tous les clichés de la romance adolescente niaiseuse à l’américaine sont réunis dans un seul et même film. On pourrait même croire que c’est fait exprès. Mais non. Subtilité est définitivement un mot rare pour ce genre vu et revu. J.L.P.
LE VENT SE LÈVE ****
C’est le dernier film de Hayao Miyazaki. Plus sombre que les autres, Le Vent se lève peint avec réalisme le Japon nationaliste pré- Deuxième Guerre mondiale. Il termine une filmographie incroyable, de la beauté écologique de Princesse Mononoké au conte spirituel du Voyage de Chihiro. Impossible de ne pas voir dans cette biographie onirique de l’ingénieur aéronautique Jiro, un lègue du réalisateur japonais. Un hymne à la volupté, à la création et aux rêves. B.R.
NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime

12 years a slave : époustouflant

Le réalisateur anglais Steve McQueen décrypte froidement l’esclavagisme aux USA dans ce grand film qui fera date.

Chiwetel Ejiofor, impressionnant dans son rôle (Photo DR)
Chiwetel Ejiofor, impressionnant dans son rôle (Photo DR)

Après s’être attaqué à la grève de la faim dans les geôles irlandaises, à l’obsession du sexe dans la société contemporaine, Steve McQueen filme l’esclavagisme. Sa matière brute, c’est la haine, l’inhumanité, la corruption, la violence. La terreur aussi, celle de Solomon Northup, un noir américain du nord des États-Unis, libre, penseur, joueur de violon qui, un jour, va se faire kidnapper, enchaîner et traîner de force dans le sud du pays.

Dans les années 1840, l’esclavagisme fait rage. Cet homme libre, dans le Nord, devient esclave dans le Sud. Admiré par ses pairs dans sa petite ville de l’État de New York, il est traité comme une bête à La Nouvelle Orléans, vendu comme un vulgaire chien.
Pendant 12 ans, il va vivre l’horreur du système esclavagiste, au premier rang : battu, humilié, mutilé, formaté. Histoire singulière d’un homme libre qui devient du jour au lendemain enchaîné, sans voir sa femme et ses enfants.

Celle de Solomon Northup est vraie. Son autobiographie a servi de base à Steve McQueen. Comme un peintre qui décrit les abominations avec ses plus belles couleurs, le réalisateur anglais pose un cadre magnifique à cette histoire tragique. Photographie majestueuse, couleurs magnifiées, cadrages larges d’une nature luxuriante, on se croirait presque dans un tableau impressionniste où l’inhumanité serait concrètement incarnée.
Il prend son temps. Ce plan fixe colle à la mémoire, comme un mauvais rêve : Solomon s’appelle Pratt, son nom d’esclave. Parce qu’il ne s’est pas plié à l’autorité de son maître, il se retrouve la corde au coup, attaché à une branche, devant les dortoirs. Un contre-ordre le sauve de la mort, reste la punition de sa rébellion. La corde reste autour de son cou, ses pieds touchent à peine le sol boueux, la caméra continue à tourner, les autres esclaves sortent, font comme si de rien n’était, un des maîtres le surveille, la scène dure, la souffrance de Solomon explose à l’écran.
Pas un bruit ne vient troubler le châtiment ignoble. Le malaise se transforme en dégoût, celui de vivre de l’intérieur le système esclavagiste.

Quand Tarantino filmait un homme en pleine revanche, un justicier, dans Django unchained, Steve McQueen met à nu un héros déchu, solitaire, abandonné. À l’opposé d’un Jamie Foxx arborant sa fierté comme étendard, Chiwetel Ejiofor offre un personnage rongé par la misère qui l’entoure et le touche, la tête basse, sans repère. Comme la Liste de Schindler, l’œuvre de Steve McQueen décrit méticuleusement la machine à broyer les enfants, les femmes et les hommes. Voir l’esclavage dans toute sa cruauté est une expérience éprouvante, nerveusement, moralement. 12 years a slave s’inscrit dans la mémoire.
Benoît Renaudin
NOTE : ****

Drame historique de Steve McQueen. Amérique. Durée : 2 h 13. Avec Chiwetel Ejiofor, Lupita Nyong’o, Michael Fassbender, Benedict Cumberbatch, Paul Dano.
*******************************************
Les films toujours en salle
*******************************************
LES BRASIERS DE LA COLÈRE **
Drame sombre et sinistre, à l’image de la ville qu’il filme, le dernier film de Scott Cooper trace le quotidien de deux frères (un sorti de prison, l’autre revenu d’Irak) dans une Amérique rurale terne et minée par le chômage. Le pitch est classique, la mise en scène simpliste, mais Les Brasiers de la colère mérite d’être vu pour son incroyable direction d’acteurs : Christian Bale est magnétique, Woody Harrelson est grandiose… Pas révolutionnaire, mais une chronique sociale intéressante. A.G.
À COUP SÛR *
Après avoir été comparée à une limace au lit, Emma, une journaliste élevée dans le culte de la performance, décide de devenir le meilleur coup de Paris. Où certains cinéastes auraient pu faire rire avec un tel pitch, Delphine de Vigan rate son coup (et là, c’est sûr !) et accouche d’une comédie faiblarde et balourde. Les dialogues et les effets de style (comique de répétition) sont parfois à la limite de l’affligeant. On sourit deux, trois fois et on oublie. Pas franchement jouissif. A.G.
YVES SAINT LAURENT **
En 1957, le jeune créateur Yves Saint Laurent prend la tête de la maison Dior. À la même période, il rencontre Pierre Bergé, qui deviendra son compagnon, dans la vie, et dans les affaires. Dans son biopic autorisé, Jalil Lespert décrit la relation entre le torturé Yves et l’autoritaire Pierre dans une France en pleine mutation des années 50 à 70. On note la performance des acteurs, surtout celle de Pierre Niney, criant de justesse en Yves Saint Laurent. Un film fort malgré quelques longueurs. C.P.
NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime

Les Sorcières de Zugarramurdi : loufoque !

Dernier film de l’Espagnol Alex de la Iglesia, une comédie d’horreur loufoque dans la pure tradition des séries B.

Les-Sorcieres-de-Zugarramurdi-photo-2
Et si les femmes se vengeaient des hommes ? Une question féministe à laquelle Alex de la Iglesia répond avec un mélange d’humour et de gore dans les Sorcières de Zugarramurdi.
Dans l’Espagne contemporaine, bouleversée par la crise, deux amis décident de braquer un magasin d’or madrilène sur la fameuse place de la Puerta del Sol. Un vol armé pas très bien préparé qui va demander aux deux loulous, accompagnés du jeune fils du leader divorcé, de s’enfuir en taxi. Forcée de partir vers la France, la bande va être happée par un monde qui les dépasse, celui de Zugarramurdi. Un village de sorcières où tout ce que les légendes ont raconté est vrai. Des femmes assoiffées de sang et dotées de super-pouvoirs qui cherchent, pour leur festin de fin d’année, un jeune enfant.
Dès les premières minutes, Alex de la Iglésia annonce la couleur de son film : une comédie où le burlesque façon espagnol n’a pas peur de tacher le film à gros coups de blagues bien grasses. Les plans s’enchaînent, en même temps que les gags et les conversations à l’emporte-pièce sur les femmes, le couple ou les bienfaits du mariage. Ce n’est pas sans rappeler un de ses anciens films, un Crime Farpait.
Le réalisateur a décidé de laisser tomber la super-production hollywoodienne pour revenir à son pays natal et son amour de la série B, teintée du style grossier des telenovelas. Il faut oublier l’intrigue façon Meurtre à Oxford (2008) ou le sérieux de la Balada triste de trompeta, Alex de la Iglesia met au premier plan cet humour grinçant qui n’était alors que sous-jacent, mis en sourdine.
Et les femmes ? Comme Peter Jackson avant lui (dans Brain dead ou Bad taste), il se sert du film comique gore pour parler de thèmes très sérieux. Ces femmes vengeresses, avec leur propre religion et leurs cultes païens font de l’émasculation un quotidien joyeux et bon enfant. Leur domination fait froid dans le dos et renvoie directement au massacre de femmes adultères ou tentatrice du Moyen Âge mais aussi aux persécutions contemporaines, aux frustrations des femmes au foyer et leur soumission depuis des siècles.
Mais Alex de la Iglesia n’oublie pas que l’ingrédient principal de ce genre, c’est l’action. Avec des effets spéciaux volontairement mauvais, il met le paquet sur les fusillades, les courses-poursuites, batailles épiques et autres scènes de sacrifices ou de séduction. Comme Tarantino avec sa Nuit en enfer, de la Iglesia rend un hommage réussi au gore, aux histoires de sorcières, aux films de genre.
Benoît Renaudin
Une comédie d’Alex de la Iglesia. Espagnol. Durée : 1 h 52. Avec Hugo Silva, Mario Casas, Carolina Bang, Carmen Maura.
NOTE : **
**********************************************
LES FILMS TOUJOURS EN SALLE
**********************************************
LE LOUP DE WALL STREET ***
Martin Scorsese a le chic pour réaliser des films cultes, sûr que cette plongée dans la vie d’un jeune trader ambitieux va rester dans les annales. Surtout quand c’est le désormais immense DiCaprio qui campe le grand méchant loup prêt à tout pour réussir et s’en mettre plein les poches. L’histoire se résume en quelques mots : c’est celle d’un homme qui va vivre son rêve américain à sa façon, avec beaucoup de drogues, de prostitués et de dommages collatéraux. Jouissif, corrosif. B. R.
TEL PÈRE TEL FILS ***
L’histoire n’est pas sans rappeler La Vie est un long fleuve tranquille. Mais c’est peu probable que le réalisateur japonais Irokazu Koreeda (primé à Cannes) l’ait pris pour modèle, tant son esthétisme tire vers la perfection, la sobriété. Paternité, liens du sang, importance de l’éducation, critique de la société japonaise : ce film sur l’échange de nouveau-né va vous faire couler toutes les larmes de votre corps, par sa beauté et la tristesse qui s’en dégage. B. R.
LE HOBBIT 2 ***
Les fans attendaient le deuxième volet avec impatience : Le Hobbit, la désolation de Smaug poursuit donc les aventures de Bilbon Sacquet et sa troupe, venus récupérer le trésor auprès du dragon. Plus rythmé et moins ronflant que le premier, ce nouvel opus est une gigantesque baffe visuelle, grâce à la maîtrise technique d’un Peter Jackson virtuose en très grande forme (l’évasion en tonneaux est hallucinante), aux décors époustouflants et à l’esthétique splendide : vivement le troisième ! A. G.

NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime