Ciné été : Planète des singes ou American Nightmare ?

L’un est un film à petit budget, l’autre a coûté la bagatelle de 170 millions de dollars (!), mais les deux cartonnent au cinéma. Alors, on va voir quoi ?

American Nightmare 2 : Anarchy
« Low budget, high concept ». Comprenez, « petit budget, concept fort ». C’est le credo de Jason Blum, producteur qui a donné un coup de pied dans la fourmilière hollywoodienne il y a quelque temps, en balançant à la face de tous des films de genre coûtant peu, mais rapportant un max. Au hasard ? La franchise Paranormal Activity (15 000 dollars investis pour  200 millions amassés !), ou encore Insidious 2 et Sinister. Et après le monde qui s’est précipité en salles pour le premier volet d’American Nightmare (pourtant un vrai pétard mouillé, voir notre critique ICI), mister Blum au fin nez a demandé au réalisateur James de Monaco d’en remettre une couche lors d’un deuxième opus.
american-nightmare-2-affiche-53a94808f1d2bConcept simple, mais efficace : durant toute une nuit, tout crime est légal pour la population américaine ; c’est La Purge. On copie colle donc la formule du premier épisode, mais en extérieur cette fois-ci, dans les rues de Los Angeles, où tout le monde est donc décidé à faire sa loi. En touchant la corde sensible – les armes – American Nightmare 2 réussit déjà un peu plus là où son petit frère avait échoué : effleurer une véritable satire grinçante sur un sujet hautement explosif et 100 % made in USA.  Malheureusement, le propos est rapidement amoindri, notamment par une désincarnation totale des protagonistes : tous sont absolument d’une platitude consternante, sans relief, voire carrément inexistants. Seul Frank Grillo, en flic revanchard plein de ressentiment, parvient à sortir la tête de cette bouillie de personnages pathétiques.
Bêtement schématique et manichéen (bouh, les méchants riches blancs raffinés, vilains, très vilains !), American Nightmare 2 tombe aussi dans le travers du précédent opus, avec sa photographie laide au possible, à la limite de l’illisible. Au final, faussement anarchique, contrairement à son titre, le nouveau bébé de James de Monaco reste une timide fable politico-révolutionnaire sans surprise, ni courage (n’est pas John Carpenter qui veut). Et ce n’est pas la fin, bête et surjouée, qui nous fera dire le contraire. Dommage.
American Nightmare : Anarchy, de James de Monaco. Durée : 1H 43. Avec Frank Grillo, Carmen Ejogo, Zach Gilford…

La Planète des singes : l’affrontement
Dix ans ont passé. La paix entre les hommes et les singes est plus que fragile. Tellement fragile que les deux camps sont sur le point de se livrer une guerre sans merci… la-planete-des-singes-l-affrontement-dawn-of-the-planet-of-the-apes-30-07-2014-5-g
Soyons clair : le blockbuster de l’été, c’est lui. La Planète des singes : l’affrontement, signé Matt Reeves. Succès monstrueux aux États-Unis, il a aussi rameuté plus de 412 000 personnes en France, lors de son premier mercredi d’exploitation. Un petit miracle en soi, en période estivale.
Cette suite de La Planète des singes est tout d’abord une magie visuelle. Esthétiquement bluffant, ce bijou est une réussite grâce à un seul homme : Andy Serkis, l’interprète de César. Vous ne le « verrez » jamais à l’écran, mais cet acteur (si, si, Golum et King Kong, c’était… lui!) est l’un des pionniers de la motion capture. Un procédé qui permet de retranscrire gestuelles et émotions d’un être vivant par ordinateur. Le visage d’Andy Serkis vous est donc inconnu. Ici, il est un singe. LE singe, le chef. Mais porte tous les enjeux du film. Performance technologique admirable, La Planète des singes l’est assurément. L’invisible Serkis porte le film à bout de bras (enfin, de pattes). C’est simple, les 20 premières minutes du long-métrages sont tout bonnement hallucinantes : saisissant de réalisme, cet instant peut même se targuer d’être une copie conforme de documentaire animalier. Le spectateur est happé. Subjugué. Mieux, il reste bouche bée.
C’est ensuite que tout s’enchaîne et que Matt Reeves livre sa vision des choses : ici, singes et hommes sont au même niveau. La trahison et le crime sont possibles partout. Chez n’importe qui. Avec un sous-texte sociopolitique remarquable, le film est une véritable réflexion sur la nature humaine. Philosophique, captivant, épique (cette bataille, bon sang!), généreux, mais un tantinet trop long, La Planète des singes s’impose comme LE film de l’été, en repoussant les limites techniques et scénaristiques. Et au risque de se répéter, ce chimpanzé, ce César, mérite largement l’Oscar. Bluffant.
La Planète des singes : l’affrontement, de Matt Reeves. Durée : 2 h 11. Avec Andy Serkis, Jason Clarke, Gary Oldman, Keri Russell…

The Baby : mais quel sale gosse…

Accouchement d’un énième ersatz de Paranormal Activity version femme enceinte. Opportuniste, peu inspiré et pas effrayant.

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Paranormal Activity n’aura eu qu’un mérite : titiller le spectateur lambda, en apportant un regain d’intérêt pour le genre de l’épouvante. Pour le reste, il a surtout prouvé aux réalisateurs flemmards que l’on pouvait amasser du pèze en filmant du vide. Imaginez un peu, son réalisateur Oren Peli avait réussi à récolter 200 millions de billets verts pour un budget de… 15 000 dollars !
Gloire au found footage, assemblage de vraies-fausses images retrouvées et de caméra à l’épaule. Faible coût de production assuré et succès auprès des ados…
The Baby, tout comme 9 999 de ses clones, espère lui aussi surfer sur cette vague des [Rec], Blair Witch et consorts. Avec l’histoire de deux jeunes mariés, apprenant l’arrivée d’un heureux événement suite à une soirée arrosée pendant leur lune de miel. Sauf qu’au lieu du petit bébé tout mignon, c’est plutôt l’Antéchrist qui a pris place dans le bidon de Samantha. La future maman va alors adopter un comportement de plus en plus inquiétant. Papa, lui, n’en perd pas une miette et filme la grossesse, les repas de famille, le passage chez le gynécologue…
Found footage oblige, The Baby enfile une tripotée d’images sans grand intérêt et mal filmées. Avec son titre francisé ridicule (The Devil’s Due, en version originale…), cette resucée de Paranormal Activity a beau piocher dans le passé (merci Rosemary’s Baby), il n’en est pas moins grotesque et pas effrayant pour un sou. Les rares bonnes idées sont systématiquement et rapidement avortées (pardon pour le jeu de mot…).
Les autres ne sont qu’un recyclage expédié vite fait mal fait : objets qui volent, télékinésie, visions infrarouges, faux rebondissements « effrayants »… The Baby enquille les clichés du found footage, ingurgite les poncifs du cinéma d’horreur jusqu’à l’indigestion. Ce ne sont pas les personnages insipides, transparents, aux traits de caractère à peine esquissés, qui vont sauver du naufrage. Et les dialogues, d’une platitude consternante, peinent à cacher la misère scénaristique.
Un gâchis, The Baby ? Pour sûr… Déjà parce que le buzz orchestré avant sa sortie était génial, avec cette caméra cachée d’un bébé satanique dans une poussette. Ensuite, parce que le niveau de The Baby n’est relevé que durant la dernière demi-heure, clin d’œil à Poltergeist et Chronicle à l’appui. Enfin, parce que son final sombre dans le ridicule le plus absurde. Une déception quand on connaît le travail des réalisateurs, Bettinelli- Olpin et Gillett, responsables d’un segment franchement réussi dans le film à sketches flippant V/H/S. Là, rien de tout ça. Pas un sursaut, ni un semblant de frousse.
Aurélien Germain
CINE_FICHENOTE : X
Épouvante-horreur, de Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett (États-Unis). Durée : 1 h 29. Avec Allison Miller, Zach Gilford, Sam Anderson…

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TOUJOURS EN SALLE
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JOE ***
Une œuvre cruelle, mais belle, voilà ce qu’est Joe : l’histoire d’un ex-taulard qui prend sous son aile un ado et qui va, pour la première fois, se sentir important. Le dernier David Gordon Green est un drame poisseux sur les rencontres rédemptrices. Filmé avec une crudité documentaire, Joe sent l’Amérique white trash, sale, pleine de désespoir. Nicolas Cage signe son grand retour après un enchaînement de navets sans nom, tandis que le jeune Tye Sheridan, véritable révélation, excelle. A. G.
BABYSITTING ***
Faute de baby-sitter pour le week-end, un patron confie son sale gosse à Franck, son employé « sérieux », selon lui. Sauf que sa bande d’amis débarque en surprise pour fêter ses 30 ans. Et tout part légèrement en sucette… Babysitting, signé par la Bande à fifi, Bref et le Palmashow (des troupes nées sur Canal et le Net), est un gros déluge de vannes. Sans répit, cette comédie hilarante est une copie française de Projet X et Very Bad Trip. Déjanté, drôle, une bouffée d’air frais ! A. G.
NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime

 
 

Décevant The Purge (American Nightmare)

Synopsis corrosif, sujet politiquement incorrect : The Purge avait tout pour être une bombe dans le monde du cinéma. Au final, c’est un pétard mouillé et une grosse déception.

Imaginez un peu la bête : Etats-Unis, année 2022. La criminalité n’existe presque plus, les prisons ne sont plus surpeuplées. Pourquoi ? Parce que le pays et son gouvernement ont mis en place « The Purge », un système  qui autorise – une fois par an et pendant quelques heures – et rend légales toutes activités criminelles. Inutile de compter sur la police ou les hôpitaux, tout est fermé durant cette nuit du « chacun fait sa loi avec ses gros flingues ».
Les fans de films de genre bavaient déjà à la lecture de ce synopsis original et intéressant. Encore plus devant la bande-annonce aguicheuse (pour la voir, c’est ici). Sauf que la surprise est de taille devant ce long-métrage de James de Monaco (producteur de l’arnaque Paranormal Activity et du très bon Sinister) : The Purge (American Nightmare en français pour éviter les jeux de mots vaseux) est en fait une véritable déception.
Déjà, parce que le scénario s’écrase au bout de quelques minutes. S’il eut été passionnant de réaliser une satire grinçante sur l’utilisation des armes ou la violence en Amérique (par exemple), James de Monaco a préféré se la jouer Bisounours, en centrant son intrigue sur la famille Sandlin, millionnaire grâce à ses systèmes de sécurité ultraperfectionnés. Celle-ci va ouvrir la porte à un inconnu, lors de cette fameuse soirée de tuerie entre voisins. On ne vous en dira pas plus…parce qu’il ne se passe pas grand-chose de plus de toute façon.
Le concept de The Purge tombe donc aussi complètement à l’eau, et est en plus desservi par une photographie atroce (trop sombre, trop noir, trop moche, trop tout) et une façon de filmer pas très excitante. L’espace temps/lieu, quant à lui, n’est pas respecté et laisse le spectateur dubitatif devant cet ersatz de home invasion peu crédible et pas franchement convaincant.
Malgré ce sujet amoral et perturbant, The Purge n’interroge pas vraiment sur la société américaine, l’ultra violence et l’égoïsme latent. Et ce ne sont pas les performances vraiment limite d’un Ethan Hawke peu concerné et franchement mauvaise de Max Burkholder qui vont changer la donne.
Fade, mou et sans surprise, The Purge aurait pu être un des films de l’été en accentuant sa charge politique et son scénario corrosif. James de Monaco, et c’est décevant, a finalement préféré la carte de la facilité (visiblement, cela marche vu les bonnes retombées de billets verts outre-Atlantique). Sans être médiocre, le film est juste une immense déception.
Pour un film de cette trempe, bien plus méchant et piquant, replongez-vous plutôt dans le génialissime Funny Games. Ce film avait au moins un cerveau et quelque chose dans la pellicule.
Aurélien Germain
The-Purge-Movie