Chroniques culture #64

Deux CD cette semaine, avec Faith No More et Eddy Kaiser, ainsi que la BD Dent d’ours et … l’interview qui tue !

LE DVD
L’INTERVIEW QUI TUE
Polémique lors de sa sortie (souvenez-vous le piratage de Sony), The Interview en VO refera-t- il causer avec cette édition Bluray ? Cette comédie potache et graveleuse, baladée par le duo Seth RogenJames Franco, possède son lot de pépites (ah, cette promenade en tank sur du Katy Perry…). Avec 90 minutes de bonus, ce film sur l’interview du dictateur nord- coréen Kimjung- Un se voit ici paré de sa version noncensurée. Ouf, il lui restait donc quelques missiles dans sa besace… A.G.

LE CD
EDDY KAISER – FOLLOW ME DOWN
Il y a des albums, comme celui-ci, qui ne respectent ni les modes ni les époques. Le Nantais Kaiser fait partie de ces artistes qui s’affranchissent de tout ce qui fait la tendance. Il balance en sept morceaux une folk sombre, à rapprocher des derniers albums de Johnny Cash. De sa voix lugubre, il transperce les mélodies de violons et les arpèges de guitares électriques pour aller à l’essentiel : une musique qui raconte la vie, les errements de l’âme, les blessures enfouies. Magnifique. B.R.

LE CD
FAITH NO MORE – SOL INVICTUS
Il aura fallu 18 ans pour avoir la chance de réécouter du nouveau matériel de ceux qu’on qualifiait de maîtres du rock fusion, fin des années 80. Faith No More est enfin de retour. Après une intro classieuse (Mike Patton, toujours crooner), le reste de l’album est un concentré d’inventivité, navigant entre gros riffs, piano, refrains entêtants, voix mélodieuse ou hystérique. Génialement fantasque (ce « Motherfucker » jouissif) et vitaminé : un comeback épique, inclassable et toujours au sommet. A.G.

LA BD
DENT D’OURS
Signé Yann au scénario (imparable comme d’habitude) et Henriet au dessin (un gros coup de coeur !) cette histoire en 3 tomes croise les destins de trois jeunes Allemands des années 20. Une fresque magistrale où complots, coups de théâtre et sentiments se croisent avec une maestria inégalée. Le tout sublimé par un graphisme époustouflant qui propulse ce « Dent D’Ours » en tête des immanquables de l’année mais surtout au rang des classiques du genre.
Hervé Bourit

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Imitation game : la bosse des maths

Sous ses airs de blockbuster pas très original, ce biopic sur le mathématicien Alan Turing offre un propos intelligent.

Imitation Game
Coupe de cheveux années 1940, il regarde fixement le commandant Denniston et prononce un mot. « Enigma ». Le militaire anglais, mécontent de l’insolence d’Alan Turing se retourne pour écouter celui qui résoudra le plus grand mystère de la Seconde Guerre mondiale. Enigma, c’est la machine utilisée par les Allemands pour crypter les messages radio.
Pendant des années, Alan Turing va travailler en secret avec une équipe de cryptologues et déchiffrer son fonctionnement. Imitation Game possède ce petit plus que beaucoup de biopics n’arrivent pas à atteindre. Cette petite flamme qui rend le film plus profond qu’un simple portrait brossé à coup de plans mélancoliques (l’agaçant La Vie en rose sur Piaf ou encore le pathétique Lady sur Aung San Suu Kyi pour ne citer qu’eux).

S’il fallait trouver des cousins lointains, Walk the line sur la vie de Johnny Cash pourrait trôner à ses côtés. À ceci près qu’Alan Turing est bien moins médiatique et vendeur que la vie rock’n’ roll du mythique musicien. Imitation game n’essaye pas de réécrire l’Histoire, de l’édulcorer, mais se concentre sur les personnages, les interactions, leur façon d’être. Alan Turing est souvent considéré comme le père de l’ordinateur. Dans Imitation Game, c’est un mathématicien fermé, égocentrique, au comportement similaire à celui qu’il introduit dans ses machines. Malin, le cinéaste Morten Tyldum fait bien le distingo entre ces facettes de la personnalité d’Alan Turing et son orientation sexuelle. Il suggère l’homosexualité du mathématicien par des flash-backs bien placés, sans jamais vraiment la traiter de front. Le jeu subtil de Benedict Cumberbatch souligne cette faculté du film à passer du pr ivé, au secret , au professionnel sans jamais confondre.

Malgré ce tableau idyllique, Imitation Game souffre quand même d’une formalité cinématographique. Comme si Morten Tyldum s’était seulement concentré sur le jeu des acteurs et le scénario. La photographie reste propre, sans dépasser le stade de l’étalonnage basique : elle n’arrive pas à rendre cette fameuse dualité de l’histoire. Les flash-backs, utiles pour la dramaturgie, sont malgré tout bâclés d’un point de vue technique. L’inventivité n’est pas non plus de mise dans le cadrage : les plans classiques se succèdent sans originalité. Sans parler de la bande originale. Les violons entendus mille fois alourdissent le propos du réalisateur et rendent certaines scènes un peu ridicules. Dommage d’expédier ainsi la forme : Imitation game offre, dans le fond, une vision plutôt complexe d’Alan Turing.
Benoît Renaudin
Biopic anglo-américain, 1 h 54. De Morten Tyldum. Avec Benedict Cumberbatch, Keira Knightley…

NOTE : ***

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TOUJOURS EN SALLE
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SNOW THERAPY *
Le pitch de ce psychodrame était top : une famille idéale en vacances au ski qui vole en éclats, lorsqu’une avalanche manque de les tuer : si la mère pense à ses enfants, le père part en courant pour sauver sa peau. Dans la forme, Snow Therapy est excellent : photographie somptueuse, image chiadée nourrie par du Vivaldi, jeu d’acteurs… Dans le fond, il rate le coche de la comédie grinçante et perd son spectateur en route (2 h, ça peut être long). Loin d’être le chefd’oeuvre encensé à Cannes… A.G.

FOXCATCHER ***
Inspiré d’un vrai fait divers, Foxcatcher dépeint la relation entre John du Pont, milliardaire excentrique et passionné d’armes, et deux frères lutteurs. Mêlant habilement biopic et drame mental, Bennett Miller accouche d’un film asphyxiant et terrifiant. Sous une tonne de prothèses et de maquillage, Steve Carell et Channing Tatum, méconnaissables, sont subjuguants dans ce triangle castrateur. Dans cette atmosphère vampirisante, le cinéaste creuse le thème de la manipulation avec brio. A.G.

L’INTERVIEW QUI TUE ! **
Le film polémique (SonyGate, hackers et compagnie) est enfin visible. Mais The Interview, en VO, est loin d’être l’arme de destruction massive qu’on croyait. Graveleuse et potache, cette comédie, emmenée par l’excellent duo Seth Rogen- James Franco, multiplie les scènes improbables (le coming-out d’Eminem, une balade en tank sur du Katy Perry…). C’est certes drôle et un chouïa politiquement incorrect, mais trop long et loin d’être inoubliable. A.G.

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

Captives : thriller enneigé mais qui patine

Un thriller dans les neiges canadiennes, sur fond de kidnapping d’enfant et de voyeurisme. Captivant, mais très inégal.

CINE_PAP
Il y a quelques mois, Captives récoltait plus de huées que d’applaudissements au Festival de Cannes. Un camouflet pour le réalisateur canadien Atom Egoyan, auteur du superbe De Beaux lendemains. Il faut dire que sa resucée de l’affaire Natascha Kampusch avait de quoi inquiéter, d’autant plus qu’il présentait un grand nombre de similitudes avec l’excellent Prisoners.
Car Captives, c’est cela : un énième thriller mâtiné de polar, glacial et glaçant. Où les lents rouages du suspense vous broient. Ici, les thèmes se bousculent : rapt d’enfant, perte, culpabilité, pédophilie, voyeurisme, internet… Tina et Matthew, deux parents effondrés après la disparition de leur fille qui n’était pourtant restée que quelques minutes seule dans la voiture. Mais huit ans après, l’enquête connaît un bouleversement. La jeune Cassandra est toujours bel et bien en vie, retenue par un homme.

D’un postulat de départ simpliste, Egoyan accouche d’un film complexe. Le réalisateur malmène son spectateur en compliquant la construction de son récit. La chronologie est brisée : flashbacks et ellipses s’enchaînent. Une structure osée, mais vite décevante. La narration et ses intrigues finissent par s’estomper. Et à force de tout dévoiler trop vite, Egoyan bride le rythme.
Loin de n’être qu’un simple film sur la pédophilie et l’enlèvement, Captives a en revanche l’intelligence d’emmener plus loin. À coup de voyeurisme 2.0 et d’espionnage de parents, il est une métaphore : tout le monde est prisonnier de ses émotions. Un aspect qui aurait tout de même pu être plus réussi, si la psychologie des protagonistes avait été mieux exploitée. Le personnage de Kevin Durand (extravagant, mais surjoué en immonde pervers) méritait d’être davantage dessiné. Idem pour ce flic façon cow-boy hargneux, triste et pâle copie de Jake Gyllenhaal dans Prisoners. Par chance, Ryan Reynolds s’en sort mieux. Lui qui, loin de ses rôles de Musclor habituels, campe ici un père dévasté, rongé par la culpabilité.

Reste que Captives, visuellement très élégant, arrive à installer une atmosphère lugubre tout du long. Il suffit de voir ce long panoramique dans la neige, dès les premières secondes. Quelques touches de piano, simples et lancinantes, planent sur le film. Pendant presque deux heures, Captives serre à la gorge grâce aux décors. Sensation claustrophobe paradoxale, malgré les immenses espaces. Ces paysages de l’Ontario, blancs et tristes comme le ciel, sont dévastés. Comme les personnages. Dommage qu’Egoyan ait bâclé sa fin : malgré l’excellente et palpitante dernière demi-heure, le final arrive trop brutalement, trop simplement. Un dénouement tellement précipité qu’il laisse un goût d’inachevé.

Aurélien Germain

Thriller (Canada). Durée : 1 h 52. D’Atom Egoyan. Avec Ryan Reynolds, Rosario Dawson, Scott Speedman, Kevin Durand, Mireille Enos

NOTE : **

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TOUJOURS EN SALLE
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COMMENT TUER SON BOSS 2***
On prend les mêmes et on recommence ! Les boulets apprentis criminels du premier volet remettent le couvert, en mode comédie US à l’humour gras et potache. Le trio Sudeikis-Day-Bateman est toujours aussi jouissif ; tout comme Jamie Foxx en truand hilarant, Jennifer Aniston en dentiste nympho et le plaisir de voir l’immense Christoph Waltz en patron immonde. Débile mais jubilatoire, ce deuxième épisode a beau rejouer la carte du plan foireux façon pieds nickelés, ça fonctionne encore… A. G.

LE HOBBIT 3 ***
Après le réveil du dragon Smaug, Nains, Elfes, Humains, Wargs et Orques convoitent les richesses de la Montagne solitaire. Ultime épisode du Hobbit, La Bataille des cinq armées est de nouveau une vraie claque visuelle. Fantastique aussi bien dans l’image que dans le son, cet épilogue dantesque est nourri d’une 3D sublime (Peter Jackson reste maître dans l’exercice) et tourné en 48 images/ seconde. Un final ahurissant qui n’offre que peu de répit, malgré ses instants mélo surfaits et surjoués. A. G.

L’INTERVIEW QUI TUE ! **
Pas de sortie ciné, mais disponible en VOD… Le film polémique (SonyGate, hackers et compagnie) est enfin visible. Mais The Interview, en VO, est loin d’être l’arme de destruction massive qu’on croyait. Graveleux et potache, cette comédie emmenée par l’excellent duo Seth Rogen-James Franco multiplie les scènes improbables (le coming- out d’Eminem, une balade en tank sur du Katie Perry…). C’est certes drôle et un chouïa politiquement incorrect, mais trop long et loin d’être inoubliable. A. G.

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime