Un début prometteur : surprenant, mais décousu

Le deuxième long-métrage d’Emma Lucchini (fille de qui-vous-savez) est une délicate comédie dramatique, saupoudrée de mélancolie. Un casting brillant, mais un scénario foutraque au possible…

Un début prometteur

Le cinéma français réserve parfois de bonnes surprises… Entre les sempiternelles comédies bas du front et les films d’auteur ronflants, les distributeurs osent parfois jouer la carte du changement. Un Début prometteur, signé Emma Lucchini, serait-il une légère bouffée d’air frais ?

Cette adaptation du roman de Nicolas Rey conte l’histoire de Martin, auteur alcoolo en instance du divorce, qui retourne vivre chez son père. L’écrivain retrouve alors son petit frère Gabriel, tombé éperdument amoureux de Mathilde, une femme plus âgée. Derrière ce pitch simpliste se cache en fait une étonnante comédie dramatique. Réussie, déjà, grâce à ses dialogues, à la fois poétiques et cyniques. Réussie, aussi, grâce à un excellent casting.
En premier lieu Manu Payet, second couteau des comédies hexagonales, qui navigue ici à contre-courant. En incarnant le désabusé Martin, il s’essaye à un registre plus grave. Méconnaissable, avec une grosse bedaine, il se cache sous des cheveux hirsutes et une épaisse barbe. Une épave enquillant les clopes. Se noyant dans l’alcool. Manu Payet est sans conteste l’attraction principale d’Un Début prometteur. Autour de lui gravitent Fabrice Lucchini, sobre et délicat ; Veerle Baetens, solaire et divine ; Zacharie Chasseriaud, un peu trop expansif.

Dommage, cependant, qu’Un Début prometteur parte dans tous les sens. La mise en scène est faiblarde, le scénario foutraque au possible. Décousu (les sous-textes s’emmêlent), sans point d’attache (quel personnage suit-on, au final ?), le script manque de profondeur. Reste aussi un troisième acte précipité et trop moyen. Le film de Lucchini fait alors écho à son titre : un début prometteur, torpillé par une fin pleine de fadeur.

 

> Comédie dramatique d’Emma Lucchini. Durée : 1 h 30. Avec Manu Payet, Fabrice Lucchini, Veerle Baetens, Zacharie Chasseriaud

 

NOTE : 3/5

Straight Outta Compton : gloire à NWA

L’ascension fulgurante de NWA, pionnier du rap violent. Une vraie surprise. Pas seulement réservé aux fans, mais bien trop manichéen.

Straight Outta Compton

NWA. Trois lettres qui ont changé la face du rap. Du hip-hop violent et cradingue. Né dans les bas-fonds de Compton, banlieue sud de Los Angeles où les gangs font la loi. Fusillades et drogues sont partout. Une communauté afro-américaine paumée, des flics surexcités. Dès les premières secondes, la caméra de NWA Straight Outta Compton plonge dans cette atmosphère.

1985. Eric vend de la came, Andre joue le DJ pour nourrir son gamin. Ils ont la vingtaine, mais peu d’avenir. Quelques années plus tard, ils seront richissimes avec NWA… Un groupe qui comptait en ses rangs ceux que l’on connaît aujourd’hui sous les noms d’Ice Cube, Dr Dre et Eazy-E. Oubliez les pseudos rappeurs à la Booba et La Fouine, clichés ambulants qui se battent à coup d’Instagram. Ici, le réalisateur F. Gary Gray nous emmène dans le gangsta-rap, violent et ingérable. Avec une mise en scène énergique et étonnante, le cinéaste retrace avec brio l’histoire du légendaire premier album de NWA.

Loin de n’être qu’un biopic uniquement destiné aux fans de hip-hop, Straight Outta Compton est aussi un brûlot social. Film à charge contre la police, il témoigne de la brutalité de la LAPD, les forces de l’ordre de Los Angeles. Certaines séquences se répètent : des policiers qui débarquent, menottent un jeune Black, lui collent la tête contre le capot et utilisent le « N word » – le mot interdit outre- Atlantique. « Nigger ». « Négro ». Le mot claque. Transperce. En filigrane apparaît une colère. Une soif de révolte. Suivra la naissance d’un morceau, un classique de NWA : Fuck tha police. Une chanson qui préfigura les émeutes raciales de 1992. Triste écho avec les actualités de Ferguson d’il y a peu…

Straight Outta Compton est d’une dynamique parfaite. Un récit efficace et bien mené. Des acteurs d’une justesse incroyable. Si certains personnages sont trop faiblement dessinés (MC Ren, par exemple), d’autres crèvent l’écran : Jerry, le manager, et son rôle constamment ambigu dans les histoires d’argent. Ou encore le producteur Suge Knight, un véritable bad guy, un pittbull enragé.
Si Straight Outta Compton reste un biopic qui ratisse large, il apparaît tout de même édulcoré. Orienté (exit les controverses et moments qui fâchent) et peu subtil (des gentils et des méchants, point.), il lorgne parfois vers l’autopromo et la flatterie d’ego (le film a été co-produit et contrôlé par les anciens membres Dr Dre et Ice Cube…). On aurait parfois préféré du plus politiquement incorrect. À l’image de NWA.

Aurélien Germain

Biopic (États-Unis), de F. Gary Gray. Durée : 2 h 17. Avec : O’Shea Jackson JR, Corey Hawkins, Jason Mitchell…
NOTE : ***

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=Z_zcyfSq9yw[/youtube]

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime