Premier Contact : do you speak alien ?

Denis Villeneuve vient d’accoucher d’un grand film de science-fiction. Intelligent (trop, diront certains) et fascinant.

premier contact

Celles et ceux qui connaissent le réalisateur Denis Villeneuve savent d’emblée qu’ici, de film d’invasion extraterrestre hollywoodien il ne sera point question. Oubliez les explosions à tout va et les vilains Aliens dézinguant les braves familles américaines à tour de bras (ou de tentacule, au choix). Villeneuve a fait le choix de la science-fiction intelligente.

Premier Contact (adapté du roman Story of your life) risque de désarçonner. Il y a un peu d’âme kubrickienne. Une résonance au Contact de Zemeckis, aussi. Ici, la planète est envahie de gigantesques vaisseaux extraterrestres. Le gouvernement fait alors appel à une linguiste pour découvrir leurs intentions.
Le rapport au langage est l’élément central du film : Denis Villeneuve joue finement sur ce thème, sous le prisme des envahisseurs. Le réalisateur est, d’ailleurs, un sacré équilibriste : il arrive tourner à la fois un blockbuster extraterrestre et un film d’auteur. Mieux, on voit là toute la polyvalence de son cinéma : science-fiction, mélodrame, fantastique, film d’invasion, le cinéaste mélange tout avec brio. Tout en parvenant parfaitement à représenter les extraterrestres, sortes de pieuvres géantes, nappées dans la brume, mystérieuses, convoquant l’univers lovecraftien.

Malgré toutes ses qualités, Premier Contact n’évite pas les faux pas. Amy Adams, brillante, voit son jeu sobre trancher trop nettement avec ceux de Jeremy Renner, transparent, et Forrest Whitaker, inutile. Aussi, la répétition de scènes (flashbacks, souvenirs, « conversations » avec les Aliens…) finit par gripper quelque peu la machine et parasiter la puissance du film. Dommage, d’autant que les indices distillés tout au long obligent le spectateur à rester attentif du début à la fin.
Ambitieux et cérébral, certes. Mais fascinant.

>Science-fiction (USA). Durée : 1 h 56. De Denis Villeneuve. Avec Amy Adams, Jeremy Renner…
>NOTE : 3,5/5 

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=rcOKL69bKpQ[/youtube]

Big Eyes : retour en force pour Tim Burton

Tim Burton sort de sa zone de confort et délivre un biopic divertissant quoiqu’un peu lisse. Un retour intéressant.

Big Eyes
Depuis quelques films, Tim Burton était devenu l’ombre de lui-même. Sombrant dans la caricature. S’autoparodiant, en pataugeant dans l’univers gothique et (quand même) génial qu’il avait créé. Alignant les peu mémorables Frankenweenie et Alice au pays des merveilles. Où étaient passés les Batman, Beetlejuice et autres Mars Attacks ! et Ed Wood ?

Ed Wood, justement. Voilà que ses scénaristes se sont de nouveau acoquinés avec l’ami Burton, pour accoucher de ce Big Eyes. Un retour en force. Un biopic nourri de la musique de Danny Elfman et de Lana del Rey, bourré de bonnes idées.
Soit l’histoire vraie de la peintre Margaret Keane, pionnière dans l’art populaire, dans le San Francisco des années 50. Charmée par un certain Walter, elle l’épouse. Mais celui-ci s’attribue rapidement la paternité des tableaux de sa femme et devient célèbre. Déçue dans un premier temps, elle va alors accepter la supercherie, vu que les dollars s’amassent. Mais l’envie de se rebeller couve…

Big Eyes est un des meilleurs tableaux de Tim Burton. Décors sublimes, aux couleurs saturées faisant exploser les bleus et les verts, véritable voyage de la fin des années 50 à celui des années 60 : la caméra de Burton est élégante. Le scénario est d’une fluidité imparable. Simple, mais efficace. Dessinant parfaitement la plongée du couple dans une spirale infernale. Elle est timide, naïve, mais déterminée. Lui est amoureux, manipulateur, vampirisant, parfois même terrifiant.
Un contraste aidé par le casting. Exit le chouchou Johnny Depp, (trop) présent dans les dernières réalisations du cinéaste. Place au duo Amy Adams – Christoph Waltz. La première campe une Margaret Keane timide, aux yeux de biche, broyée, en totale perdition. Révélé par Tarantino, Waltz, lui, confirme son talent. Il brille, crève l’écran. A une gueule, un débit, une présence. Tour à tour amoureux transit et fou furieux, il agit comme un aimant. Malgré un côté trop lisse (on aimerait en voir un peu plus) et ce petit grain de folie qui manque, Big Eyes prend le spectateur dans sa trajectoire dramatique. Allant même jusqu’à un dernier acte au tribunal, naviguant dans un tragicomique jubilatoire.

Les tableaux de Margaret ne sont que des portraits de personnages aux grands yeux, d’une profondeur incroyable. Lorsque son mari lui demande pourquoi, elle répond simplement « Les yeux sont la fenêtre de l’âme ». Écho à l’obsession de Tim Burton pour les immenses yeux tout ronds, présents dans tous ses films. Walter, lui, force sa femme à peindre encore et encore, toujours plus. Des dizaines, des centaines de toiles. Toujours en s’attribuant tous les mérites qui ne lui reviennent pas. De là à y voir là un parallèle entre réalisateurs et grands studios hollywoodiens. On dit ça…
Aurélien Germain

Note : ***
Biopic, drame (États-Unis, Canada), de Tim Burton. Durée : 1 h 47. Avec Amy Adams, Christoph Waltz, Danny Huston ; Krysten Ritter…

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=xcP8lOKH2OU[/youtube]

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

American Bluff : ambitieux

Plongée loufoque dans un scandale des seventies. Un film brillant, drôle, mais très alambiqué…

Bradley Cooper et un Christian Bale méconnaissable (Photo DR)
Bradley Cooper et un Christian Bale méconnaissable (Photo DR)

Une scène d’ouverture déjà culte : un grassouillet kitsch à souhait réajuste sa moumoute horrible devant un miroir. Absurde au possible et les secondes qui passent. Mais c’est inévitable : on pouffe de rire. Bienvenue dans American Bluff (American Hustle en version originale, cherchez l’erreur…), la dernière réalisation de David O. Russell, estampillée, en début de film, d’un « Some of this actually happened »… Comprenez un mélange entre fiction et réalité.

Réalité, car American Bluff raconte un scandale qui avait secoué le pays de l’Oncle Sam (l’affaire Abscam, si vous voulez briller en société) dans les années 70. L’histoire d’un escroc et sa femme, prospères arnaqueurs s’enrichissant sur le dos de pigeons, mais contraints un beau jour par le FBI de coincer un maire véreux et corrompu.
Fiction, car Russell livre un mélange jubilatoire de comédie-thriller-drame, à la croisée de Scorsese et des Frères Cohen, pour un résultat carrément foldingue.

On comprend dès lors pourquoi le film a tout écrasé sur son passage outre-Atlantique et a rafflé les Golden Globes : nappé d’une bande-originale géniale (jazzy au début, rock sur la fin), American Bluff est une critique acerbe des institutions US. FBI, politique, mafieux minables, services de police… Tout y passe, mais David O. Russell parvient à distiller son message dans une tornade visuelle et filmique : esthétique léchée des seventies (décors, coiffures, photographie, tout est bluffant !), caméra parfois virevoltante, dialogues débités à vitesse folle…

Dans ce joyeux bazar — parfois très ou trop tordu — naît une alchimie qu’on n’avait pas vue depuis longtemps. La triplette Christian Bale (méconnaissable avec sa bedaine et sa barbe), Amy Adams (délicieuse en femme fatale) et Bradley Cooper (en agent du FBI permanenté, toujours aussi impeccable) nous tire de la torpeur quand le film s’enfonce dans des bavardages interminables.
Idem pour Jennifer Lawrence, miss Hunger Games, qui confirme une nouvelle fois son statut d’actrice extraordinaire irradiant l’écran…

Mais American Bluff désarçonne : thriller pachydermique mâtiné de comédie (certaines scènes sont tordantes), points de vue multiples et digressions rendent la lecture très difficile.
Plus embêtant, il laisse parfois place à la lassitude. Discussions tunnel (n’est pas Tarantino qui veut) et passages à vide inutiles (l’apparition furtive d’un Robert de Niro s’autoparodiant est incompréhensible) minent un film déjà compliqué à appréhender. Avec, pour résultat, un premier et dernier acte intelligents et réussis, mais faisant du surplace pendant 45 longues minutes. Dommage, car pour le reste, c’est glamour, drôle, efficace et ambitieux. Trop ?
Aurélien Germain
NOTE : ***

Thriller/Comédie, de David O. Russell. Américain. Durée : 2 h 18. Avec : Christian Bale, Bradley Cooper, Jennifer Lawrence, Amy Adams, Jeremy Renner…
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TOUJOURS EN SALLE
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THE RYAN INITIATIVE *
Jack Ryan, ancien Marine, a tout du héros : intelligent, courageux et patriotique. C’est donc tout naturellement que la CIA lui propose de devenir agent secret, sous couvert d’un boulot pépère d’analyste financier à Wall Street. Tout se complique le jour où des méchants russes veulent faire chuter l’économie mondiale. Un film d’action sans originalité, ni dans le jeu des acteurs, ni dans le scénario, pas travaillé pour deux sous. C.P.
THE SPECTACULAR NOW
On se disait qu’avec deux acteurs récompensés au Sundance 2013, cette comédie romantique pouvait apporter un petit souffle nouveau sur le genre. Niet. Absence totale de surprises, de rebondissements, d’originalité. Tant que ça en devient drôle. Tous les clichés de la romance adolescente niaiseuse à l’américaine sont réunis dans un seul et même film. On pourrait même croire que c’est fait exprès. Mais non. Subtilité est définitivement un mot rare pour ce genre vu et revu. J.L.P.
LES BRASIERS DE LA COLÈRE **
Drame sombre et sinistre, à l’image de la ville qu’il filme, le dernier film de Scott Cooper trace le quotidien de deux frères (un sorti de prison, l’autre revenu d’Irak) dans une Amérique rurale terne et minée par le chômage. Le pitch est classique, la mise en scène simpliste, mais Les Brasiers de la colère méritent d’être vus de par son incroyable direction d’acteurs : Christian Bale est magnétique, Woody Harrelson est grandiose… Pas révolutionnaire, mais une chronique sociale terrible. A.G.
NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime