Imitation game : la bosse des maths

Sous ses airs de blockbuster pas très original, ce biopic sur le mathématicien Alan Turing offre un propos intelligent.

Imitation Game
Coupe de cheveux années 1940, il regarde fixement le commandant Denniston et prononce un mot. « Enigma ». Le militaire anglais, mécontent de l’insolence d’Alan Turing se retourne pour écouter celui qui résoudra le plus grand mystère de la Seconde Guerre mondiale. Enigma, c’est la machine utilisée par les Allemands pour crypter les messages radio.
Pendant des années, Alan Turing va travailler en secret avec une équipe de cryptologues et déchiffrer son fonctionnement. Imitation Game possède ce petit plus que beaucoup de biopics n’arrivent pas à atteindre. Cette petite flamme qui rend le film plus profond qu’un simple portrait brossé à coup de plans mélancoliques (l’agaçant La Vie en rose sur Piaf ou encore le pathétique Lady sur Aung San Suu Kyi pour ne citer qu’eux).

S’il fallait trouver des cousins lointains, Walk the line sur la vie de Johnny Cash pourrait trôner à ses côtés. À ceci près qu’Alan Turing est bien moins médiatique et vendeur que la vie rock’n’ roll du mythique musicien. Imitation game n’essaye pas de réécrire l’Histoire, de l’édulcorer, mais se concentre sur les personnages, les interactions, leur façon d’être. Alan Turing est souvent considéré comme le père de l’ordinateur. Dans Imitation Game, c’est un mathématicien fermé, égocentrique, au comportement similaire à celui qu’il introduit dans ses machines. Malin, le cinéaste Morten Tyldum fait bien le distingo entre ces facettes de la personnalité d’Alan Turing et son orientation sexuelle. Il suggère l’homosexualité du mathématicien par des flash-backs bien placés, sans jamais vraiment la traiter de front. Le jeu subtil de Benedict Cumberbatch souligne cette faculté du film à passer du pr ivé, au secret , au professionnel sans jamais confondre.

Malgré ce tableau idyllique, Imitation Game souffre quand même d’une formalité cinématographique. Comme si Morten Tyldum s’était seulement concentré sur le jeu des acteurs et le scénario. La photographie reste propre, sans dépasser le stade de l’étalonnage basique : elle n’arrive pas à rendre cette fameuse dualité de l’histoire. Les flash-backs, utiles pour la dramaturgie, sont malgré tout bâclés d’un point de vue technique. L’inventivité n’est pas non plus de mise dans le cadrage : les plans classiques se succèdent sans originalité. Sans parler de la bande originale. Les violons entendus mille fois alourdissent le propos du réalisateur et rendent certaines scènes un peu ridicules. Dommage d’expédier ainsi la forme : Imitation game offre, dans le fond, une vision plutôt complexe d’Alan Turing.
Benoît Renaudin
Biopic anglo-américain, 1 h 54. De Morten Tyldum. Avec Benedict Cumberbatch, Keira Knightley…

NOTE : ***

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TOUJOURS EN SALLE
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SNOW THERAPY *
Le pitch de ce psychodrame était top : une famille idéale en vacances au ski qui vole en éclats, lorsqu’une avalanche manque de les tuer : si la mère pense à ses enfants, le père part en courant pour sauver sa peau. Dans la forme, Snow Therapy est excellent : photographie somptueuse, image chiadée nourrie par du Vivaldi, jeu d’acteurs… Dans le fond, il rate le coche de la comédie grinçante et perd son spectateur en route (2 h, ça peut être long). Loin d’être le chefd’oeuvre encensé à Cannes… A.G.

FOXCATCHER ***
Inspiré d’un vrai fait divers, Foxcatcher dépeint la relation entre John du Pont, milliardaire excentrique et passionné d’armes, et deux frères lutteurs. Mêlant habilement biopic et drame mental, Bennett Miller accouche d’un film asphyxiant et terrifiant. Sous une tonne de prothèses et de maquillage, Steve Carell et Channing Tatum, méconnaissables, sont subjuguants dans ce triangle castrateur. Dans cette atmosphère vampirisante, le cinéaste creuse le thème de la manipulation avec brio. A.G.

L’INTERVIEW QUI TUE ! **
Le film polémique (SonyGate, hackers et compagnie) est enfin visible. Mais The Interview, en VO, est loin d’être l’arme de destruction massive qu’on croyait. Graveleuse et potache, cette comédie, emmenée par l’excellent duo Seth Rogen- James Franco, multiplie les scènes improbables (le coming-out d’Eminem, une balade en tank sur du Katy Perry…). C’est certes drôle et un chouïa politiquement incorrect, mais trop long et loin d’être inoubliable. A.G.

NOTATION :
**** CULTEissime
*** TOPissime
** PASMALissime
* BOFissime
X NULissime

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