Hostiles : un western d’époque

Hourra, le western revient au cinéma ! Et connaît un second souffle avec Hostiles, la dernière réalisation de Scott Cooper. Au programme, Christian Bale et Rosemund Pike dans un film d’une noirceur absolue (avec un peu d’espoir dedans quand même, car hé ho, c’est Hollywood).

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Le premier quart d’heure d’Hostiles est d’une rare intensité. Il donne le ton de ce que sera ce western signé Scott Cooper : ici, la mort planera à chaque instant. Car en quelques minutes, lors de sa séquence d’ouverture d’une froideur terrible, le cinéaste filme une famille décimée par des Comanches. Violence sèche et horreur.
Seule Rosalee, la mère, survivra. Rescapée mais traumatisée, elle croisera en 1892 la route de Joseph Blocker, capitaine de cavalerie contraint d’escorter Yellow Hawk, chef de guerre Cheyenne mourant.

Durant plus de 2 heures, Hostiles se mue alors en western humaniste. Une sorte de road movie au milieu de paysages sublimes, montrant la complexité des relations humaines hommes blancs/autochtones. Hostiles est intense et tourmenté. Tout comme l’histoire qu’il raconte. Tout comme les personnages de son récit.
Notamment le trio Joseph, Rosalee, Yellow Hawk, respectivement joués par Christian Bale, Rosamund Pike et Wes Studi. Le premier, d’une parfaite justesse, est brillant. La seconde, forte mais fragile, est formidable. Le troisième est tout en retenu et en émotion.

Évidemment, Hostiles n’est pas sans défauts : il souffre de grosses longueurs et on regrettera son final bien trop gentillet qui jure avec la dureté du film.
Mais il donne un coup de fouet bienvenu à un genre souvent trop manichéen. Hostiles est aussi prenant que sombre.

Et, grâce à son sous-texte, se pose comme un film dans l’ère du temps, traduisant les préoccupations de l’Amérique d’aujourd’hui. Car, ainsi que le déclarait le réalisateur, il révèle in fine le schéma « reproduit de nos jours avec les Afro-Américains ou la communauté LGBT ». Un western d’époque, finalement.

> Western, de Scott Cooper (USA). Durée : 2 h 13. Avec Christian Bale, Rosamund Pike, Wes Studi…
> NOTE : 3,5/5 

Voir la bande-annonce :

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=K_X5bODZNf0[/youtube]

Strictly Criminal : Johnny Depp et les mafieux

Vous en aviez marre de le voir cabotiner dans les Pirates des Caraïbes ? Revoilà un grand Johnny Depp, en forme, et métamorphosé dans un rôle de mafieux sans pitié. Vraiment criminel !

Strictly Criminal

Sur le papier, ce Strictly Criminal de Scott Cooper relevait de la gageure : un biopic lorgnant clairement sur le film de mafia et s’attaquant au personnage de James « Whitey » Bulger, gangster irlandais du South Boston des années 70, convaincu par un agent du FBI de collaborer pour éliminer la mafia italienne. En soit, une histoire vraie, des caïds et un thème déjà abordé par les maîtres Scorcese et Coppola. Dur.

Pourtant, le long-métrage de Cooper parvient à captiver, accumuler une pression qui ne cesse de gonfler durant deux heures. Il s’appuie sur un casting costaud, mené de main de maître par un Johnny Depp méconnaissable : totalement transformé, maquillé, arborant une dent pourrie, le crâne dégarni et les yeux bleus. Cantonné à des rôles plus que moyens, Depp revient par la grande porte. Offrant une performance forte, exercant un pouvoir d’attraction inconfortable (il est une véritable ordure), le Jack Sparrow cabotin de Pirates des Caraïbes s’offre ici une résurrection artistique.

Doté d’une mise en scène modeste et loin d’être tapageuse, Strictly Criminal n’use pas de psychologie. Se contente de suivre le destin de ce criminel qui détruit tout ce qui l’entoure. Sobre (trop classique ?), il filme les mafieux sans détour : laids, froids, sans pitié et uniquement régis par leur prospérité et leur survie.
Alors certes, on est loin des Infiltrés (James Bulger a largement inspiré le personnage de Scorcese). Il n’empêche : Strictly Criminal est un film de mafieux violent et réussi. Croquant l’alliance aberrante entre un roi de la pègre et le FBI avec brio, sans tomber dans le grotesque ou la pâle copie. Un film qui, à l’instar de son titre original (Black Mass), est une masse noire qui avance et vous happe.

Aurélien Germain

Policier (USA). Durée : 2 h 02. De Scott Cooper. Avec Johnny Depp, Joel Edgerton, Benedict Cumberbatch…

NOTE : 4/5

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=e_iTeNxCUcA[/youtube]

Les Brasiers de la colère : radical

Un drame teinté de thriller sombre et violent. Son casting de luxe fait oublier un script peu ambitieux.

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Woody Harrelson et Christian Bale (Photo DR)

Sinistre, froid et sombre, le dernier film de Scott Cooper l’est assurément. D’une projection des Brasiers de la colère (Out of furnace en version originale, de nouveau mal traduit), on sort avec un nœud dans la gorge.
Le scénario est simple, pessimiste et construit une atmosphère où la misère et la colère ont tout rongé : le film est un zoom sur deux frères, où l’un, vulnérable, sort tout juste de prison (Russell), tandis que l’autre (Rodney) – ancien soldat en Irak revenu au pays – tente de s’en sortir avec des combats de boxe ultra-violents. Quand ce dernier se retrouve endetté jusqu’au cou, il va suivre un caïd local et disparaître. Russell va tout faire pour le retrouver, par amour pour son frère. Prêt à tout.

Certes, Les Brasiers de la colère ne pourra pas se vanter de posséder le script le plus original de tous les temps. On aligne quelques banalités, on tire de grosses ficelles…
Peu ambitieux, prévisible et jouant sur l’aspect déjà-vu vengeance/liens fraternels, le film a la bonne idée de dessiner en filigrane les traumatismes de la guerre (la scène où Casey Affleck raconte ce qu’il a vu sur le terrain est explosive) et met en lumière la crise qui a frappé la zone de la « Rust Belt », cette « ceinture de la rouille » nord-américaine, où les tristes usines s’alignent au milieu des friches industrielles.
Pour cela, Cooper a d’ailleurs choisi de tourner à Braddock, ville grise et morose de Pennsylvanie, qui renforce la photographie froide et couleur rouille.

Cela dit, même si le film réserve peu de surprises, la direction d’acteurs sauve tout. Un casting en or avec un Woody Harrelson tout bonnement grandiose en sociopathe toxico de l’Amérique profonde ; Casey Affleck étonnant en bombe à retardement ou encore Christian Bale magnétique et poignant.
Très ou trop masculin (il n’y a qu’une seule femme dans le film), parfois taxé de misogyne par certaines critiques, ce casting réussit cependant à accentuer cette plongée au cœur d’une Amérique rurale, paumée.

Au milieu des scènes choc, le spectateur sera peut-être perdu par la mise en scène difficile et lente, où le choix d’utiliser ellipses et flashbacks, et de juxtaposer certaines séquences peut déstabiliser. Mais là encore, la force des acteurs rattrape le tout. Dans toute l’inégalité de ce drame austère jusqu’au boutiste, la séquence finale – forte, quoiqu’un peu grossière – fait office de décharge émotionnelle brillante. Un film qui, malgré les clichés inhérents au genre, reste tout de même radical.
NOTE : **

Aurélien Germain
Drame/Thriller, de Scott Cooper. Américain. Durée : 1 h 56. Avec Christian Bale, Casey Affleck, Woody Harrelson, Willem Dafoe…
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LES FILMS DÉJÀ EN SALLE
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LA VIE RÊVÉE DE WALTER MITTY ***
Mitty, un homme banal au possible, ne s’échappe du quotidien qu’avec des rêves extravagants. Face à son futur licenciement, il est contraint de s’embarquer dans un périple complètement fou. Ben Stiller, surprenant, signe un film à contrepied de ses habituelles comédies. Poignant, émouvant, drôle et mélancolique, Walter Mitty est une ode au voyage et à la rêverie. Un gros coup de pied aux fesses du Hollywood paresseux des dernières années. Tout simplement beau ! A. G.
JAMAIS LE PREMIER SOIR **
Julie, la trentaine (jouée par Alexandra Lamy), enchaîne les déceptions sentimentales. Elle se réfugie dans les livres de développement personnel sous le regard moqueur de ses deux copines, Rose (Julie Ferrier) et Louise (Mélanie Doutey). Mélissa Drigeard aborde ici des thèmes vus et revus : la rupture, la trentaine, les copines… sans sortir des sentiers battus mais en faisant souvent rire. Mention spéciale à Mélanie Doutey, jolie, drôle et charismatique. C. P.
LES SORCIÈRES DE ZUGARRAMURDI **
Deux braqueurs accompagnés du jeune fils de l’un d’eux doivent s’enfuir de Madrid pour échapper à la justice. Sauf que, pour passer la frontière française, ils traversent Zagarramurdi, un village réputé hanté par des sorcières… Alex de la Iglesia se fait plaisir, après le très drôle Crime Farpait et le propret Crime à Oxford, il signe une comédie dans la pure tradition des séries B, à base de gore, de féminisme castrateur et d’effets spéciaux pourris. Jouissif. B. R.
 
NOTATION :
 **** CULTEissime 
*** TOPissime
** PASMALissime 
* BOFissime
X NULissime