Interview : Manuel Benguigui pour son roman Un Bon rabbin

Le 19 juin, Manuel Benguigui était à la Boîte à Livres pour recevoir, en présence du jury, le Prix du roman tmv pour « Un bon rabbin », paru au Mercure de France. Rencontre à livre ouvert et à bâtons rompus.

Comment êtes-vous venu à l’écriture ?
J’ai commencé à vouloir écrire vers l’âge de 18 ans et j’ai commencé à écrire vraiment passé mes 20 ans. Et pendant une dizaine d’années, je me suis beaucoup regardé écrire. Je n’étais pas assez exigeant envers moi-même et tout ce que je faisais était comme gravé dans le marbre. À partir de l’âge de 30 ans, j’ai eu beaucoup plus d’exigences et d’assiduité au travail. J’ai appris à modifier et à jeter, ce que je ne faisais pas avant. Et, à partir de ce moment-là, mon travail a commencé à se métamorphoser en récits plus complets, plus aboutis.

Et pourquoi le roman, plus qu’une autre forme d’écriture ?
J’ai toujours eu le goût du narratif, de l’histoire. Ce que j’aime, c’est arriver par le roman, à plier le monde. Le principe du roman, c’est que l’auteur se transforme en un démiurge absolu. On fait ce que l’on veut avec le monde. Et cela ouvre des portes à tout ce qu’il y a dans mon esprit.

Ce roman a pour cadre la religion juive. Aurait-il pu, tout aussi bien, se jouer dans une communauté catholique ?
Oui, j’aurais pu décrire les mêmes choses avec un curé. Cela fonctionne aussi. C’est d’ailleurs, quand on le lit bien, un roman qui est presque plus chrétien que juif. On peut considérer que Chlomo se sacrifie pour sauver Jacob.
Or, la notion de sacrifice, elle est beaucoup plus chrétienne que juive. Il est d’ailleurs arrivé que je sente, plus ou moins clairement, que le contexte de ce roman, mon nom, mon origine, que tout cela faisait une boucle qui me cantonnait à un quelque chose de fermé, un roman communautaire. Alors que vraiment, le roman communautaire, ça ne m’intéresse pas du tout. La question de l’identité, oui. Mais pas l’identité telle qu’on la définit souvent aujourd’hui : une religion, une origine… Pour moi, la vraie question identitaire, c’est : « Qui suis-je vraiment en tant qu’être humain ? »

Avant de partir dans l’écriture, saviez-vous où le chemin allait vous conduire ?
Ça m’ennuierait que le chemin soit déjà tout tracé et de ne plus avoir qu’à l’illustrer. Le plus souvent, quand je commence une histoire, j’ai le point final. La dernière scène de ce roman, je l’ai eue très tôt. En revanche, le reste du chemin s’élabore au fil de l’écriture. Je sais où je vais, mais je ne sais pas comment je vais y aller. Parfois, je butte sur un événement par lequel j’ai décidé de passer. Alors soit je change d’événement, soit je me débrouille pour que ça colle dans le récit.

Ce roman, finalement, parle du Bien et du Mal. Pourquoi avoir choisi de vous frotter à ce thème éternel de la littérature ?
Je ne travaille jamais en me disant que je vais parler de tel ou tel thème. Ca ne marche pas, en général. Ca donnerait un essai et je n’ai pas envie d’écrire un essai.
J’écris une histoire et, au bout d’un moment, je me rends compte que certains thèmes ressortent d’eux-mêmes. La question de la morale m’intéresse, bien sûr, mais à aucun moment je n’avais envisagé d’écrire une intrigue pour illustrer un thème. Mais pour autant, pour qu’un roman fonctionne, il faut que le lecteur y trouve un peu plus que la simple histoire qui est racontée.

Un bon rabbin, jusque dans son titre, est un roman ironique et drôle. pourquoi ce choix d’un récit à ce point teinté d’humour ?
J’ai du mal à écrire quelque chose qui soit totalement dénué d’humour. Par exemple, j’ai beaucoup de mal avec les gens qui ne comprennent pas le second degré. Ce n’est pas complet s’il n’y a pas d’humour, c’est dommage. Dire que l’on ne peut pas exprimer des choses fortes et vraies avec de l’humour, cela m’atterre littéralement.
On peut faire usage de l’humour comme on fait usage d’un autre élément de rhétorique, d’une figure de style. C’est dans la palette et j’ai vraiment du mal à ne pas l’utiliser. Longtemps, je me suis questionné : peut-on vraiment être pris au sérieux s’il y a des moments drôles dans un texte ? Car souvent, on a tendance à considérer qu’un grand livre ne peut pas être drôle. Mais peu à peu, je m’affranchis de cette idée que l’humour n’est pas compatible avec le littéraire et ce n’est pas toujours facile à faire accepter.

Festival Mauvais Genre : le palmarès 2015

Après six jours et beauuuucoup de films (longs ou courts-métrages), les jurys ont délibéré. Voilà le palmarès et les vainqueurs de cette année.

Après un lundi énormissime (bon, on avoue, on a vu quelques traits tirés !), et plusieurs compte-rendus de films complètement dingues (à retrouver ICI), l’heure du jugement dernier a sonné (ouah, ça fait peur).
Ambiance survoltée (et vas-y que ça crie « à poiiiil »), salle blindée, sourires aux lèvres… Les différents jurys ont donc délibéré et voici le palmarès 2015 pour cette cuvée Mauvais Genre qui s’est avérée exceptionnelle :

Jury jeune Prix du Jury Jeune – long métrage : THE HITMAN’S SOLITUDE BEFORE THE SHOT
Prix du Jury Jeune – court métrage Fiction : ATRIUM
Prix du Jury Jeune – court métrage Animation : INVISIBLE VILLAGE

Prix du Public – long métrage : THE HITMAN’S SOLITUDE BEFORE THE SHOT
Prix du Public – court métrage Fiction : THE STOMACH
Prix du Public – court métrage Animation : LES PÉCHERESSES
Prix du Public – Mad In France : LE HALL DES PENDUS

Prix du Jury de la Critique – long métrage : DER BUNKER
Mention spéciale : DARKNESS ON THE EDGE OF TOWN

Prix du Jury – long métrage : DER BUNKERJury pro
Mention Spéciale : THE RETURNED
Prix du Jury – court métrage Fiction : THE STOMACH
Prix du Jury – court métrage Animation : LES PÉCHERESSES

Pour info, c’est le dernier jour, lundi 6 avril, que Der Bunker a été projeté. Et soyons clair, net et précis : ce long-métrage de l’Allemand Nikias Chryssos a tout écrasé sur son passage. L’histoire d’un étudiant-chercheur qui souhaite s’isoler au calme dans un bunker, afin de finir son travail de recherche. Sauf que c’est ici que vit une famille plutôt particulière…
Comédie lorgnant parfois vers le fantastique et le bizarroïde, Der Bunker est d’une justesse incroyable. Rien à jeter dans le premier long-métrage de Chryssos, qui dirige ses acteurs à merveille (quatre personnages, quatre vraies « gueules » de cinéma), en emballant le tout dans une musique tout simplement exceptionnelle. Admirable dans sa palette de couleurs et sa photographie, c’est tour à tour drôle, sans être moqueur, beau, flippant, intriguant, absurde, théâtral, mystérieux. Un sans-fautes. WUNDERBAR !

[nrm_embed]<iframe src= »https://player.vimeo.com/video/117170804″ width= »500″ height= »281″ frameborder= »0″ webkitallowfullscreen mozallowfullscreen allowfullscreen></iframe> <p><a href= »https://vimeo.com/117170804″>DER BUNKER – Clip</a> from <a href= »https://vimeo.com/kataskop »>Nikias Chryssos</a> on <a href= »https://vimeo.com »>Vimeo</a>.</p>[/nrm_embed]

Encore merci à Gary Constant et toute l’équipe de Mauvais Genre, du CGR, ou encore du Petit Faucheux, à tous les bénévoles qui ont abattu un travail phénoménal. Ainsi qu’aux réalisateurs qui sont restés à Tours durant le festival ou ont fait le plaisir de se déplacer.

A l’année prochaine ! (si, si, c’est un ordre)

Prix du roman tmv : bravo Léonor !

Elle a reçu le premier prix du roman tmv. Récit d’un joli moment de partage, en direct de la Boîte à Livres.

(Photo Hugues Le Guellec)
(Photo Hugues Le Guellec)

Elle arrivait de Rouen, Léonor, où elle avait donné un concert la veille au soir. Car, en plus d’écrire des romans qui gagnent des prix, elle est musicienne. Elle portait sous le bras son joli violon de concert, dans une belle house bleu marine. Elle repartait à midi car, s’excusait-elle « elle devait répéter l’après-midi même à Paris ». Mais ça tombait bien : en prenant le train de 6 h 24, elle avait pu arriver juste à temps. Juste à temps pour recevoir son Prix du roman tmv, le premier du nom.
Nous lui avons expliqué, à Léonor, que ce sont les lecteurs de tmv et les clients de La Boîte à Livres qui nous avaient livré leurs coups de cœur littéraires de l’année. Que nous avions choisi cinq romans parmi ceux dont ils nous avaient parlé et qu’au terme d’une délibération acharnée, c’est sur son livre à elle que notre choix final s’était arrêté. Que nous avions été séduits par son style fluide, sa façon de nous embarquer dans le voyage intérieur de son personnage, tout ça.
Elle en a été toute chose, Léonor. Alors, elle nous a dit comment elle écrivait, son père sculpteur, ses années passées près de Carrare, en Italie, son goût pour les phrases et le travail bien faits. Elle nous a dit que l’on pouvait mener de front deux carrières artistiques, une de romancière et une de musicienne, mais que cela demandait du travail. Et un peu d’organisation. Elle nous a dit qu’elle aimait beaucoup venir discuter avec ses lecteurs, dans les librairies, dans les lycées, partout. En mots simples, elle nous a expliqué sa drôle de vie. « Je croyais que mon existence de romancière serait plus tranquille que celle de musicienne, en fait il n’en est rien. Dans un cas comme dans l’autre, on passe ses journées dans des trains pour aller d’une ville à une autre. »
Heureusement, elle peut travailler n’importe où, en voyage comme dans une chambre d’hôtel. Elle nous a dit aussi comment, comme une historienne, elle aimait s’emparer d’un univers, d’une histoire, pour la retranscrire ensuite à ses lecteurs. Nous avons bu un café, puis un autre café, puis nous nous sommes séparés. Mais pas pour longtemps : avec son prix du roman, Léonor a reçu une invitation pour une escapade à Tours (nuit à l’Univers, dîner au Barju, un coucou à tmv et à La Boîte à Livres). Nous, nous sommes repartis avec un mot sur notre exemplaire de Pietra Viva : « À toute l’équipe de tmv, en souvenir de la remise du prix et de ce beau moment d’échange. Amitiés. Léonor. »
√ EN BREF
LE ROMAN
Pietra Viva part d’un épisode réel et peu connu de la vie de Michel-Ange. En 1505, le sculpteur s’éloigne de Rome pendant six mois et part à Carrare, dans les carrières de marbre où il aura une « révélation ». Le reste de l’intrigue, bien sûr, est imaginaire. Dans le roman de Léonor de Récondo, l’artiste bouleversé par la mort d’un jeune moine et hanté par le souvenir d’une mère disparue, entame un voyage intérieur au bout duquel il doit se réconcilier avec luimême et avec son art. On y croise des personnages étranges et poétiques (un enfant plein de caractère, un homme qui se prend pour un cheval…). La Boîte à Livres vient de refaire son stock de Pietra Viva : courez l’acheter !
SES AUTRES LIVRES
Rêves oubliés Paru en 2012 et plusieurs fois réédité, c’est un roman sur l’exil. Peu avant la Seconde Guerre mondiale, Aïta, Ama et leurs trois enfants sont contraints de fuir l’Espagne franquiste. Réfugiés en France, ils ont tout à reconstruire… Et aussi, son premier roman, La grâce du cyprès blanc (Le temps qu’il fait, 2010).

Prix du roman tmv : les jeux sont faits !

Le jury du premier Prix du roman tmv s’est réuni le mardi 6 mai pour désigner son lauréat. C’est le magnifique roman Pietra viva, de Léonor de Récondo qui rafle la mise. Mention spéciale du jury pour Faillir être flingué, de Céline Minard.

PRIX DU ROMAN TMV
CULT_ROMAN_PIETRA VIVAPietra Viva, de Léonor de Recondo (Sabine Wespieser Éditeur)
L’histoire : Michelangelo (Michel- Ange) vient d’apprendre la mort d’un jeune prêtre qu’il ne connaissait qu’à peine mais qui était pour lui la grâce et la beauté incarnées. Il décide de s’éloigner de Rome et se rend à Carrare, où il doit sélectionner les marbres qui serviront pour le futur tombeau du Pape Jules II. Là, il devra apprendre à se retrouver en tant qu’homme et en tant qu’artiste.
Le mot du jury : Oui, c’est vrai, le résumé peut faire un peu peur. Mais la surprise de lecture n’en est que plus agréable. Dès la première phrase (magnifique) du livre, vous êtes ailleurs. Comme téléporté à Rome, aux côtés de Michel-Ange. Vous voyez la poussière dans le rai de lumière, vous sentez les veines du marbre, vous percevez le chant des prieurs. Léonor de Recondo, musicienne baroque par ailleurs, sait le prix d’une note ou d’un mot. Elle ne les gaspille pas. Des chapitres brefs, percutants, des personnages plus humains que nature, un style précis comme le burin du sculpteur : le roman de Recondo est de ceux qui ne s’éteignent pas une fois le livre refermé et qui laissent une touche d’humanité au cœur de ceux qui l’ont lu.

MENTION SPÉCIALE
CULT_ROMAN_FAILLIR ETRE FLINGUEFaillir être flingué, de Céline Minard (Éd Rivages)
L’histoire : Dans un Far- West encore vierge et sauvage, les chemins de plusieurs personnages convergent vers une ville en construction.
Le mot du jury : Un livre choral dans lequel aucun des personnages n’est sacrifié. Une vraie maîtrise de l’écriture et de la construction, qui nous permet de plonger avec délice dans ces histoires entremêlées qui, au final, ébauchent celle de tout un continent naissant. Impossible de lâcher ce roman, une fois qu’on l’a commencé. Et on en ressort la gorge sèche et les bottes pleines de poussière.

Cent vingt et un jours, de Michèle Audin (L’arbalète Gallimard)CULT_ROMAN_121 JOURS
L’histoire : Le livre retrace les destins croisés de plusieurs personnes, gravitant dans le monde des mathématiques, tout au long du XXe siècle.
Le mot du jury : Voilà un bel exercice de style. Dans le roman se succèdent des chapitres rédigés « à la façon de… » : un conte, des extraits de journaux, un journal intime… Michèle Oudin, mathématicienne et adepte de l’écriture sous contrainte, nous entraîne dans une vaste équation littéraire à multiples inconnues. C’est brillant et rondement mené. Mais difficile de discerner un vrai propos au-delà de l’exercice de virtuosité.

Dernier Désir, de Olivier Bordaçarre (Fayard) CULT_ROMAN_DERNIEr DESIR
L’histoire : Un couple fatigué de sa vie parisienne s’est installé sur les bords du canal de Berry et vit de sa production. Jusqu’au jour où arrive un nouveau voisin qui ne leur veut pas que du bien.
Le mot du jury : C’est une nouvelle adaptation du mythe de Dracula. Le vampire étant, cette fois-ci, en plus du reste, un symbole de la société de consommation qui nous réduirait à de simples objets vidés de toute substance. Une partie du jury a trouvé ce propos un peu téléphoné et regretté son traitement trop frontal, par des personnages qui peinent à exister au-delà des symboles qu’ils incarnent. Mais tous s’accordent à reconnaître que le roman comporte quelques beaux morceaux d’écriture.

CULT_ROMAN_3000 FACONS√ 3 000 façons de dire je t’aime, de Marie-Aude Murail (École des Loisirs)
L’histoire : Trois jeunes gens qui s’étaient connus en classe de 5e, se retrouvent ensemble sur les bancs du Conservatoire d’art dramatique de leur ville. Guidés par leur professeur de théâtre, ils vont découvrir toute la beauté de l’art dramatique et entrer, du même coup, dans l’âge adulte.
Le mot du jury : Didactique et scolaire pour les uns, joliment initiatique pour les autres, ce roman jeunesse a divisé le jury.

LE JURY
>Président du jury : Joël Hafkin, gérant de La Boîte à Livres. Thierry Guyon, du Crédit Mutuel. François Vacarro, du Cabinet Vaccaro. Laurent Coste, professeur de français au Lycée Balzac. Philippe Saillant et Patricia Cottereau, de NR Communication et Matthieu Pays, chef d’édition de tmv.