Mauvais Plis

Des villes sans théâtres, des rues sans musique, des quartiers sans cinémas. Des existences entières à consommer de la culture sous vide, sous écran, des découvertes lyophilisées, des étonnements en conserve. Des journées sans sourires, des rencontres sans mains tendues, des retrouvailles sans la chaleur d’une bise sur la joue.

Des échanges normalisés, protégés, masqués et des émotions fermées à double tour. Des semaines et des mois à craindre pour soi et pour les autres. À se regarder de travers dans la rue, à ruminer ses inquiétudes, à répéter ce que l’on vient d’entendre en sachant bien, au fond, qu’on ne sait pas grand chose.

Il faut se le dire, il faut le répéter : tout cela, ce n’est pas la vraie vie. Il faut se le répéter, parce que les plis se prennent vite et le goût des vraies choses, il finit par se perdre. Dans le confort de son canapé, on oublie l’odeur ouatée des fauteuils de cinéma. Derrière son écran faussement protecteur, le grain de la peau s’efface. Mais la vie, elle est dehors, la vie, elle est ensemble et la vie, elle reprendra.

Matthieu Pays