A voté !

JE LES AI VUS À DEUX SUR UN VÉLO, LUI DEVANT, ELLE ACCROCHÉE À LUI, BALANÇANT SES JAMBES EN AVANT COMME SUR UNE BALANÇOIRE. Ils roulaient en zigzaguant un peu et en riant beaucoup, chahutés par les pavés de la rue Colbert. Ils venaient de se casser le nez à l’école primaire Anatole-France où, ils en étaient sûrs, se tenait leur bureau de vote.

Ils faisaient le tour du quartier, à la recherche d’une mystérieuse rue des Jocobins dont ils ignoraient jusqu’à l’existence. Smartphone en main, ils n’avaient pas tardé à revenir sur leurs pas, découvrant que la rue en question se trouvait à deux pas de leur point de départ.

« C’est au gymnase Anatole-France, en fait… » Ils avaient laissé sans l’attacher le vélo à l’entrée du bureau. Lui s’était rendu compte en entrant qu’il avait oublié sa carte d’identité chez lui. Il avait voulu renoncer et elle avait dit, non, vas-y cours, tu as le temps. Il était revenu un peu plus tard, essoufflé mais ravi. Il restait dix minutes avant la fermeture du bureau, on était large. Ils s’étaient demandé comment faire, quels bulletins prendre ?

Les prendre tous ? « Pas écolo, tous ces papiers. » Ils avaient bien ri en entrant chacun dans leur isoloir. Ils s’étaient approchés de leur bureau, un peu intimidés. « Il faut aller où ? », « C’est écrit là, sur ta carte, regarde ! ». Et puis, ils avaient accompli pour la première fois le petit rituel républicain : l’identité, l’enveloppe, la signature. Et le monsieur, avec un petit regard complice avait dit : « A voté ».

Et cela, pour eux, voulait dire : « Est devenu adulte », « Peut faire entendre sa voix ». Rien de moins.

Matthieu Pays

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