Portrait de Hayman Alkhameesi, 23 ans, réfugié irakien

Hayman Alkhameesi devait émigrer en Australie. Il est arrivé à Tours en 2019. Voici le récit de son périple, tel qu’il l’a raconté lors d’une conférence de presse organisée au lycée Grandmont la semaine dernière.

Ce qui lui manque le plus ? « Mon ami Rani. Et aussi les beignets d’aubergine et les falafels », sourit Hayman Alkhameesi, 23 ans, qui a quitté l’Irak il y a 8 ans, venu raconter son parcours devant des lycéens de première à Grandmont le 15 mai.

Son père, bijoutier, avait déjà cette idée d’exil en tête : il avait été visé par trois tentatives de meurtre par le passé. Mais le déclic est venu de la situation de sa fille, Alana, la sœur ainée d’Hayman. « Elle subissait de plus en plus d’agressions sexuelles dans la rue », dit-il.

Peu avant son départ, Hayman vivait un quotidien de lycéen assez classique en filière scientifique : 4 heures de cours le matin, l’après-midi consacré aux devoirs, aux amis et à aider son père à la bijouterie familiale. « Je n’étais pas vraiment content de partir d’Irak », raconte le jeune homme. Le voyage commence en 2015. Direction : la Turquie, l’un des pays d’accueil des réfugiés irakiens, et la petite ville de Corum.

48 h dans un no man’s land

Puis les longues attentes pour les demandes de visa, « d’abord pour l’Australie et les Etats-Unis, où nous avions de la famille », se rappelle Hayman, qui reprend le lycée, mais a du mal à apprendre la langue turque. Finalement, c’est un ami du père immigré en France qui fournit une attestation d’hébergement. La famille Alkhameesi prend un vol pour Paris.

Mais une fois à l’aéroport, le jeune Hayman se rend compte qu’il a perdu son visa. Impossible de franchir la douane pour la France. Sa famille part sans lui. « J’étais perdu. Je suis resté 48 heures à l’aéroport d’Istanbul ; j’ai dormi dans les salles d’attente de la zone internationale avant de devoir retourner en Irak », raconte-t-il.

Quatre mois après, il obtient un nouveau visa français. Une fois le document en poche et un billet d’avion passant par le Qatar, il arrive en France. « A l’aéroport ma famille m’attendait. Tout le monde pleurait », se souvient Hayman. Le jeune Irakien intègre une classe de FLE (Français langue étrangère) au lycée Notre Dame La Riche, « où j’ai rencontré des Iraniens, un Allemand, et une prof formidable, Mme Pajot, qui m’a beaucoup aidé », raconte-t-il.

Aujourd’hui, la famille Alkhameesi tente de s’intégrer. La mère prend des cours de français. Le père a laissé derrière lui ses espoirs de redevenir bijoutier. Un temps livreur pour Uber Eats, Hayman s’est lancé dans des études de gestion au lycée Balzac, à Tours. « J’aimerais créer ma propre entreprise, ne dépendre de personne », lance-t-il.

L’Irak lui manque, notamment son meilleur ami, Rani, mais aussi les falafels, les beignets d’aubergine et les baklavas que l’on mange dans la rue. Mais la vie à Tours lui plait. « Tout est calme, les gens sourient, je ne veux pas repartir, je veux juste vivre », conclut-il.

Léonard Martin-Antoine Bassaler


La Fabrique de l’info

L’Éducation aux médias et à l’information (EMI) intègre désormais les programmes scolaires. Au lycée Grandmont, une classe de première, en spécialité Sciences politiques, a invité une réfugiée ukrainienne à témoigner lors d’une conférence de presse début mai. L’un des articles est publié dans nos colonnes.

A Quartier Libre, échanges autour de l’accompagnement des migrants

#EPJTMV Le festival éco-citoyen Quartier Libre offre plus que des concerts. Lors d’une conférence, les festivaliers ont pu échanger avec Coallia et Utopia56, deux associations qui accompagnent des personnes migrantes.

En plus des concerts, trois conférences étaient proposées par le festival Quartier Libre, samedi 4 octobre. Les festivaliers avaient l’occasion de rencontrer des associations étudiantes, de débattre sur la démocratie représentative ou d’échanger sur l’accompagnement des migrants à Tours.

« Le thème des migrants est un sujet très abordé dans l’actualité, mais souvent déformé », explique Christèle, intervenante de la conférence et salariée de Coallia, une association d’accueil et d’accompagnement des personnes migrantes.

« À quoi le mot migrant vous renvoie ? » C’est la question qui a été posée en ouverture de la conférence. « C’est une personne qui recherche la vie qu’il n’a plus la chance d’avoir chez lui », répond l’un des participants. Cette vie, les migrants n’ont pas la chance de la trouver dès leur arrivée dans l’hexagone. Les deux associations présentes œuvrent au quotidien à leur insertion dans la société française.

Les festivaliers échangent avec Marine, bénévole chez Utopia56. « Nourrir, loger, soigner : c’est notre rôle », leur explique t-elle. Avec leur association, Marine et Angelo accompagnent les jeunes qui se voient refuser le statut de mineur. Avant ce verdict sur l’âge, le département se doit d’assurer la sécurité des jeunes. L’Ofpra (Office Français de La Protection des Réfugiés et Apatrides) « a pour fonction de rencontrer les demandeurs d’asile et de définir si oui ou non ils relèvent d’une protection de la France afin d’être reconnu réfugié ».

Marine, Angelo, Christelle et Camille ont animé la conférence sur l’accompagnement des migrants.

Cependant, les participants ont découvert que le département d’Indre-et-Loire a été condamné par le Conseil d’État en janvier 2019, suite à un recours en justice d’Utopia56. Il devra verser des dommages et intérêts pour ne pas avoir assuré la mise à l’abri de mineurs non-accompagnés.

En effet, il appartient aux départements d’assurer la protection de ces jeunes, le temps de reconnaître ou non leurs statuts de mineurs. Lorsque le Conseil départemental manque à sa mission, les associations tourangelles prennent le relais. Marine en vient à penser que « nos actions leur font peur ».

Entraide entre les associations tourangelles

Marine est d’accord avec Camille de Coallia : « Le réseau et la communication entre les associations sont très bien développés à Tours », affirme t-elle. Camille fait partie du service premier accueil des demandeurs d’asiles de Coallia. Elle s’occupe de récolter les récits de vie des migrants pour appuyer leurs dossiers. Elle ne dispose cependant que de deux heures pour échanger avec les demandeurs.

Christèle expose à son tour son travail dans le service du centre d’accueil des demandeurs d’asiles. Elle les prépare pour leurs rendez-vous à l’Ofpra, cruciaux dans l’obtention de la reconnaissance du statut de réfugié. Contrairement à Camille, Christèle peut donc « prendre le temps d’instaurer la confiance dans sa relation avec les migrants ».

Les bénévoles d’Utopia56 estiment « qu'[on] se prend tout dans la gueule », en parlant de la défaillance de l’État à, parfois, assurer sa mission de protection. Quant à Camille et Christèle, elle parviennent à mettre de la distance par rapport aux récits de vie des migrants. « Ça m’arrive de repenser à mes premiers entretiens avec des migrants, mais avec le temps on arrive à s’en détacher », confie Camille en réponse à une question du public. Avant de se quitter, les deux associations nous font part de récits de Guinéens, emprisonnés et torturés sur leurs parcours migratoires.

Une fois de plus, le festival Quartier Libre a prouvé qu’il n’était pas qu’un lieu festif musical, mais aussi un espace de débats et d’échanges.

Lucas Bouguet et Chadi Yahya.