Arsène Kouakou, l’épicier du soleil, de la Côte d’Ivoire à Tours

#VisMaVille Arsène Kouakou, 26 ans, est le gérant de Konu, l’épicerie du soleil. Ce jeune commerçant veut mettre en lumière les produits exotiques, inspirés des saveurs de son enfance, en Côte d’Ivoire.

Rue Constantine, à Tours, une nouvelle devanture attire l’œil des passants, près de la fac des Tanneurs : celle de Konu, l’épicerie du soleil. Son gérant, Arsène Kouakou, a fait le choix de s’installer il y a 9 mois en plein centre-ville pour se démarquer des épiceries du monde de quartiers, plutôt tournées vers les communautés.

« Je souhaitais m’ouvrir à tous, partager, faire découvrir les produits exotiques que l’on ne connaît pas forcément, au plus grand nombre de personnes, dans une boutique lumineuse et aux rayons aérés. »

Et ça marche, puisque les étudiants et les habitants d’à côté s’arrêtent volontiers. Sur les étagères, se côtoient des produits essentiellement venus d’Afrique et des Antilles mais aussi d’Asie et d’Amérique latine : du baobab, du manioc, du taro, du gombo, de la pulpe d’açaï, de l’igname…

Arsène Kouakou a également sélectionné des produits moins connus comme la bouillie de mil du Mali, le netetou « qui vient du Sénégal et que l’on utilise dans la confection du plat traditionnel, le tierboudien ».

De prime abord discret et réservé, Arsène Kouakou devient intarissable lorsqu’il parle de ses produits, de leurs bienfaits à leurs usages en cuisine. Par exemple, « le fonio est la plus vieille céréale d’Afrique, nous révèle-t-il. Cela ressemble au sorgho, avec la consistance du sable ». Ce qu’il aime mijoter par-dessus tout ? L’attiéké alloco qui correspond à un couscous au manioc et du mafé accompagné d’un jus de bissap (à base de fleur d’hibiscus).

« Certains produits sont rares et nous allons les chercher directement auprès des producteurs, grâce à mon frère qui est grossiste en région parisienne et fait les allers-retours ainsi qu’à mes contacts locaux. » Arsène Kouakou compte d’ailleurs travailler encore plus étroitement avec des producteurs du Sénégal, de Côte d’Ivoire et de Madagascar pour renforcer les circuits courts et développer sa propre marque, Konu. On trouvera notamment du chocolat ivoirien, une rareté.

 

La Côte d’Ivoire est le pays d’origine d’Arsène Kouakou, arrivé en France lorsqu’il avait une dizaine d’années pour rejoindre son grand frère, suite au décès de sa mère qui l’élevait seule. Sa maman tenait une boutique de cosmétiques en Côte d’Ivoire et cela ne semble pas un hasard dans le fait d’ouvrir une épicerie pour Arsène Kouakou. « Je la suivais partout, dans sa cuisine, dans son magasin, j’ai le souvenir du beurre de karité frais. »

Ouvrir cette boutique représentait donc plus qu’un pari professionnel pour ce diplômé de commerce : un retour aux sources, à la famille. « Cela me tenait à coeur », avoue-il sobrement.

Texte et photos : Aurélie Dunouau


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Selon Arsène Kouakou, « Konu » signifie « bienvenue » dans un dialecte du Zimbabwe.

Assiette et art : voyage autour du monde

Un vrai voyage autour du monde… mais dans l’assiette. Voilà ce que propose l’établissement Assiette et art, merveilleuse découverte en plein centre de Tours.

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Il suffit parfois de marcher quelques mètres pour voyager. Déambuler rue du Grand-Marché pour tomber sur le restaurant « surprise ». Quitter Tours tout en y restant, le temps d’une pause du midi et offrir à ses papilles une escapade gourmande à travers la cuisine du monde. Voilà ce que propose Assiette et art. Découvrir d’autres cultures gastronomiques. Une invitation à travers des plats colorés, relevés, mélangeant les saveurs exotiques et les épices.

Ce jour-là, bien pluvieux comme il faut, on a eu du soleil dans l’assiette. Au menu, petits farcis au confit d’agneau saveurs d’Orient, le tout avec riz madras et sauce yaourt. Un sans-fautes au final puisque, outre sa présentation réfléchie, Assiette et art sait proposer une cuisine élaborée, généreuse et parfumée. Bref, excellente. Et qui, pour ne rien gâcher, change très souvent.
C’est le pari de l’établissement : fonctionner par thème, avec tous les 15 jours, un pays à l’honneur (Congo, Mexique, Espagne, Thaïlande…)

Mais loin de n’être qu’un simple voyage gustatif, Assiette et art est aussi une escapade lyrique et artistique. Il faut dire que Nouri Almohamad, chef des lieux d’une gentillesse et d’une douceur extraordinaires, est un grand musicien. Syrien d’origine, Tourangeau d’adoption, joueur émérite de qanûn, Nouri organise des apéritifs en musique les vendredis et samedis. De quoi profiter encore plus du cadre raffiné et de l’atmosphère de ce restaurant qui propose par ailleurs des expositions dépaysantes. Un voyage, qu’on vous disait…

> 60 rue du Grand Marché. Ouvert tous les jours, midi et soir, sauf le lundi.
Contact : 07 78 21 41 94 et facebook.com/assietteetart

> Tarifs : 14 € le plat du jour. À la carte : entrée + plat ou plat + dessert à 23 €. Menu complet à 29 €. Menu à thème : 32 €.

Gastronomie – Épicier sans frontière

Erwann de Kerros a commencé comme planteur de poivre au Cameroun. Il est aujourd’hui un des papes de l’épicerie fine en Europe.

Erwann de Kerros a commencé comme planteur de poivre au Cameroun. Il est aujourd’hui un des papes de l’épicerie fine en Europe.

C’est là que tout a commencé. Dans la touffeur africaine, quelque part à la lisière du Sahel, dans la brousse tchadienne. N’Djamena, milieu des années 1980, Erwann a quinze ans et les fragrances de l’Afrique, ses teintes ocres et ses sons insolites entrent en lui, par tous les pores de sa peau, comme une ondée sur la terre séchée.

Erwann est breton de Lamballe, Côtes d’Armor, 12 000 habitants. Au Tchad, il a suivi son père, employé de la FAO (organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture). Son père, c’est un broussard, un vrai. Plus qu’un expat’, c’est un Africain blanc. Alors, bien sûr, les quatre années que l’adolescent passe dans ce pays à la frontière entre deux mondes sont de celles qui ouvrent les horizons. Jeune homme, de retour au bercail, Erwann aura toujours un peu de mal après ça, à imaginer sa vie confinée entre les six rives de l’hexagone.

Il entame des études de commerce. Il ne démérite pas mais, rapidement, il sent qu’il lui manque quelque chose. « Je m’ennuyais un peu, alors j’ai décidé de repartir en Afrique, au Cameroun, à Penja, dans une plantation de poivre. » Là, il aurait dû rester un an. Le temps d’un joli stage à inscrire sur son CV. Mais l’endroit est unique, la plantation ancienne. Il y a peu d’électricité, très peu d’eau et pas de froid. Mais il y a de vieux chevaux à la retraite devant la maison. Et tout le vent de l’Afrique. Erwann y passera quatre années entières et se fera pipériculteur pour de vrai. « J’en ai fait pousser, du poivre. J’étais sur le terrain, à l’appel avec les gars et je m’occupais de vendre la récolte à l’international. » Le Cameroun est le seul pays africain producteur de poivre et la région de Penja produit une épice aux propriétés et à la saveur exceptionnelles. « Aujourd’hui, je vends encore ce poivre. Ce n’est désormais qu’une petite partie de notre activité, mais cela reste l’âme de Terre Exotique. »

Terre Exotique… Aujourd’hui, c’est une belle entreprise installée dans une grande demeure bourgeoise du XIIIe siècle, sur les quai de Loire, à Rochecorbon. Terre Exotique, aujourd’hui, c’est vingt employés et plus de 350 références. Que des produits d’exception, des sels, des poivres, des épices ramenées du monde entier, à force de voyages, de rencontres, de moments glanés et partagés. Terre Exotique, c’est aussi un beau concept marketing. Ici, on travaille les produits. On les explique, on les fait tester par un réseau de chefs (étoilés ou pas), partout en France. Packaging soigné, origines sélectionnées, les petites boîtes façon inox dépoli font le bonheur des épiceries fines de France et de Navarre.

Mais au début, Terre Exotique, c’était moins qu’une idée. « Quand j’étais producteur de poivre au Cameroun, j’en ramenais pour mes amis. Et puis, je suis revenu en France et leur petits stocks personnels se sont épuisés. Alors, j’en ai fait venir pour eux. Et, de fil en aiguille, je suis devenu importateur de ce poivre exceptionnel que je connaissais si bien. » Les autres produits sont venus après. La fleur de sel aux épices grillées, d’abord, rencontrée en même temps qu’un saulnier de Saint-Leu, sur l’île de la Réunion. Les billes de sel de Djibouti, ensuite, grosses comme des calots, qu’une géologie unique façonne sans relâche. Le mélange du trappeur, déniché au hasard d’un détour au Québec. Et tant d’autres… « Moi, résume Erwann, je ne mélange pas les épices pour créer des saveurs étonnantes, inédites. Je me contente de ramener ici des mélanges ou des épices qui existent, souvent, depuis très longtemps et de le mettre à la disposition de mes clients ».

Ni Corto Maltese ni El Gringo, Erwann est un voyageur. Erwann est un homme d’affaire. Un chef d’entreprise surbooké qui se méfie des écrans et des trucs électroniques. Un quarantenaire au goût sûr et au regard clair.