Aucard de Tours : l’interview de Carpenter Brut

Carpenter Brut fait de la dark synthwave, mélange de sonorités électroniques bien rétro, grosses guitares et imagerie des 80’s. Et il cartonne, allant de Rock en Seine au Hellfest, en passant par… Coachella ! S’il cultive le mystère autour de sa personne, le musicien s’est montré plus que loquace durant cette interview réalisée à Aucard de Tours.

Carpenter Brut aime cultiver le mystère. Peu présent dans les médias, il préfère rester dans l’ombre et garder son identité quasi-anonyme. Et si certains médias l’ont qualifié de « fuyant et évasif », le musicien ne s’est pourtant pas économisé pour tmv. Carpenter Brut nous a livré une interview sans langue de bois durant une heure au lieu des 20 minutes prévues, bourrée de digressions (que l’on ne reproduira pas ici). Et s’est même permis de débuter l’entretien avec une touche d’humour, alors que nous plaisantions quelques minutes avant, comme si nous étions père et fils…


Bon, on va commencer l’interview. Merci d’être là. Je suis Aurélien, je travaille pour Tmv. Et comme on l’a découvert tout à l’heure, je suis ton fils !

(rires) Ça fait longtemps que je t’avais pas vu ! Ça fait plaisir, t’as pas changé (éclat de rire).

Allez on évacue de suite la question obligatoire : ton envie de rester dans le quasi-anonymat, ta discrétion dans les médias et à propos de ton identité, c’est parce que tu préfères laisser parler ta musique ? Ou que tu n’es simplement pas friand de l’exercice des interviews ?

En fait, c’est un peu des deux. La première solution m’arrange bien. Souvent, en interview, j’ai tendance à dire des trucs qui sont liés à l’actu du moment. Et 3 semaines après, ce n’est plus valable. C’est un exercice où je ne suis pas très à l’aise. Je m’y fais petit à petit, car c’est un peu obligatoire. À la base, je ne voulais pas en faire. Mais il y a 5 ans, on ne connaissait pas vraiment la synthwave. Donc il a fallu faire découvrir aux gens le style. Jusqu’à présent, je m’en tire pas trop mal, parce qu’il n’y a pas de photo officielle de moi. Certains jouent le jeu. D’autres moins… Mais après, je m’en souviens de ceux qui ne jouent pas le jeu ! (sourire)

Aux lecteurs qui ne te connaîtraient pas du tout, comment décrirais-tu ta musique ?

Écoute, c’est comme si Jean-Michel Jarre avait écouté Meshuggah (du metal avant-gardiste, NDLR) en regardant un film de John Carpenter.

Tu as créé ton propre label. Pas envie de déléguer à quelqu’un d’autre ? Ce n’est pas trop difficile à une période où la situation de l’industrie du disque est délicate ?

Non au contraire. Le problème des labels, c’est qu’ils vont tout donner pour leur poule aux œufs d’or. Sinon, ils n’investissent pas. Au début, ma musique n’était pas courante. Et je débutais. Il fallait attendre des réponses, etc. Donc j’ai tout mis sur Bandcamp et des plateformes de streaming. Et j’ai commencé à vendre. On avait juste fait un petit deal avec la personne qui fait mes vidéos : il m’avait pressé quelques exemplaires de mon disque. Aujourd’hui, j’ai un distributeur mais je reste producteur. Je préfère me planter moi-même si ça doit arriver. Et n’oublions pas qu’un label a plein de groupes à gérer. Là, je fais seul avec ma femme et on gère aussi le merchandising.

Ton dernier album date de février 2018. Avec le recul, comment le perçois-tu ? Comment a-t-il été reçu ?

Je pense qu’il a été moyennement reçu, car j’étais connu pour mes morceaux violents. Alors certains ont grincé des dents avec cette autre direction que j’ai prise, plus glam rock que j’adore. Je pense aux métalleux – une grande part de mon public – mais ils comprendront cet album plus tard. Je sais qu’ils sont intelligents. Ils pourront mieux le comprendre avec du recul. Mais qu’on aime ou qu’on n’aime pas, ça reste votre choix. Ce disque doit vivre sa vie. Sinon il se vend bien, même si je ne peux pas comparer avec la trilogie qui est sortie à l’époque et qui est disque d’or à l’export. Le prochain album sera peut-être plus électronique, mais ce dernier disque, je ne le regrette pas.

C’était une évidence pour toi de t’accompagner sur scène d’Adrien et Florent du groupe poitevin Hacride, avec qui tu as bossé à l’époque pour leur son ?

Exactement. Je les connaissais depuis longtemps et ils sont très bons. Je ne veux pas aller chercher des mecs que je ne connais pas pour la scène.

Ils ont leur mot à dire sur le travail de composition en studio ?

Ils ont un mot à dire si je leur demande ! (sourire) Par exemple, si j’ai besoin d’un riff bien lourd ou heavy metal, je vais les voir bien sûr. Mais pour la composition, je reste bien seul…

On parlait de la communauté metal tout à l’heure. Outre ton univers visuel, comment expliques-tu que tant de métalleux accrochent à Carpenter Brut alors que ça reste électronique ?

Tu sais, les métalleux, j’en ai fait partie. J’ai été imbibé de cette musique tout jeune. Et cette communauté là, eh bien elle est ouverte à tout style de musique. Là, par exemple en venant à Tours, on écoutait PNL (groupe de rap français, NDLR) dans la voiture. J’ai plus de mal à imaginer un fan de PNL qui écouterait Cannibal Corpse ! (rires) Il y a beaucoup de variété de genres dans le metal. Regarde ton tee-shirt à toi : c’est Watain, tu écoutes du black metal. Mais tu peux aussi écouter du glam, du metal avec de la flûte et compagnie.

Tu as encore une oreille sur la scène metal actuelle ?

Je suis bien largué au niveau des nouveaux groupes. J’en entends parler bien sûr, mais sinon… Je suis un peu à la page niveau black metal. En festoche, c’est le truc cool : tu entends plein de choses. En Finlande par exemple, j’ai fait un festival où tous les groupes se croisaient à l’hôtel. C’était marrant, je suis allé parler au mec d’Emperor qui connaissait ma musique. Dingue ! Idem avec le bassiste d’Arch Enemy…

Dans des interviews qui datent de tes débuts, tu disais associer Carpenter Brut à quelque chose de fun, léger. C’est difficile de garder cette philosophie sachant que maintenant, tu tournes énormément et tu as beaucoup du succès ?

Ouais, c’est dur à garder ! Je regarde en arrière et je me dis : ouah, mais qu’est-ce qu’il s’est passé ?! C’est fou, vraiment. Mais je garde ce côté fun. C’est aussi pour ça que je reste dans l’ombre et mystérieux. Ma seule envie, c’est que le public s’en prenne plein la gueule pendant mes concerts et prenne son pied.

Ça m’a assez étonné que tu acceptes une interview avec Tmv qui reste un hebdo local. On n’est pas franchement Telerama ou les Inrocks…

La promo, c’est compliqué. Je donne beaucoup la parole aux webzines par exemple, des mecs qui triment dur, des passionnés. Faut pas se couper des gens qui achètent des disques. Moi, j’ai pas besoin d’un passage radio ou à la télé. Aller faire le con à Quotidien, jouer 2 minutes dans des conditions pourries sans mes vidéos derrière, c’est non. Faire une interview pour le buzz ? Non. On m’avait proposé de passer mon clip sur M6. Mais j’ai pas envie qu’on charcute mes vidéos en censurant des scènes. C’est non. Là,toi, tu connais ton dossier, ça me pose pas de problème de parler à tmv ! (sourire) La célébrité, tu sais, ça veut rien dire. Les stars, elles sont comme toi et moi. C’est rare les connards chez les gens connus.

Franchement, à partir du moment où tu poses le pied sur scène, tu ressens quoi ?

Ben tu sais quoi ? Dès que je pose le pied sur les planches, le stress a disparu ! Mais avant le concert, c’est hyper dur à gérer ! Contrairement à Adrien qui est hyper relax avant de monter sur scène, en mode « oh tranquille »… Et quand le concert commence, c’est plus pareil ! (rires)

Quand tu composes, tu restes dans ta bulle ? Ou tu écoutes d’autres choses qui peuvent ou non t’influencer ?

Non, j’écoute quelques trucs quand même. Là, par exemple, c’est Type O Negative. Ça va peut-être m’influencer sur quelques sonorités.

Bon, j’ai une dernière question. Une question bête !

Ah, encore une ? (rires)

Si tu pouvais choisir un artiste – mort ou vivant – avec qui tourner ou faire un featuring ?

Ah, bah on m’a déjà posé cette question tiens ! Tu vois que c’est bête ! (rires) Mmh j’hésite… Allez, peut-être Peter Steele (chanteur de Type O Negative notamment. Il est décédé en 2010 – NDLR). Ce serait surtout un chanteur je pense. Oh ou alors Meshuggah. Ou Pink Floyd !

(une fois l’interview « terminée », la discussion s’est poursuivie autour de divers sujets divers qui semblent passionner le musicien, comme la série TV Chernobyl, l’écologie, l’environnement ou encore les sciences et l’astronomie.)

> Merci à toute l’équipe d’Aucard de Tours pour avoir permis cette interview. Et merci à Carpenter Brut.

 

François Cheng ou l’art de la calligraphie

Pour la première fois, le poète et romancier François Cheng, de l’Académie française, expose ses calligraphies au public. Parce qu’il est devenu Tourangeau par mariage, il y a près de 60 ans, il a choisi le musée des Beaux-arts. Et pour nous permettre d’apprécier cette exposition de poche à sa juste valeur, il nous en a lui-même livré quelques clés.

Captrure

La calligraphie, qu’est-ce que c’est ?
La calligraphie est un art du trait et des combinaisons du trait. Il y a donc, d’abord, la beauté formelle, la beauté de chaque idéogramme qui est un être vivant en lui-même. Par exemple, l’homme, c’est deux traits obliques et cela incarne un homme qui se tient sur ses jambes. Mais ces formes ont une signification en elles-mêmes et ça, c’est la spécificité de la calligraphie chinoise.

Art ou forme d’écriture ?
La calligraphie est un art complet. Elle contient à la fois la subjectivité humaine et, en même temps, la signification objective des signes. Il y a aussi une forme de transcendance car quand on pratique la calligraphie, on est porté par une sorte de souffle vital et c’est tout le corps qui s’engage. Le calligraphe est animé par ce souffle vital, et ce souffle vital, dans l’imaginaire chinois, anime l’univers dans le même mouvement. Et tout cela passe à travers les signes, qui agissent comme des agents de liaisons entre le calligraphe et l’univers vivant.

Les textes, d’où viennent-ils ?
Tous les textes sont des textes poétiques que je connais par coeur. Au moment de réaliser la calligraphie, on ne peut plus regarder autre chose. C’est une concentration extraordinaire. Il faut maintenir le rythme jusqu’au bout, c’est une très grande tension.

Pourquoi Tours ?
Je suis devenu un Tourangeau depuis mon mariage, il y a près de 60 ans, puisque ma femme est Tourangelle. En l’épousant, j’ai épousé la Touraine, qui est l’une des plus belles régions de France ! Et son fonds historique lui a conféré une sorte de dignité, pour ainsi dire royale. Et puis surtout, c’est ici que l’on parle le mieux le français, où l’on entend la prononciation la plus exemplaire. Grâce à cela, Tours a gagné une sorte de prestige international car on y vient de partout et aussi de Chine pour y apprendre le français. Je n’oublie pas que moi-même, j’ai été ce jeune homme débarqué en France sans connaître un mot de français et, à partir de là, j’ai embrassé cette langue avec passion et elle est devenue mon destin.

Que signifie le carré rouge que l’on voit sur toutes les calligraphies ?
C’est mon sceau, qu’une femme artiste a dessiné pour moi. Dedans, il y a mon nom en français et aussi mon nom chinois qui peut se traduire par « Embrasser l’un ». Il traduit ce besoin d’atteindre l’unité de l’être. Je suis habité par deux cultures, je suis français, il n’y a pas de doute, mais cela a été l’aboutissement d’un long cheminement dont Tours a été le témoin.

Exercice n°1 : analyse d’une oeuvre, « Entre source et nuages »
Capturre

« Cela correspond à un de mes recueils de poèmes. La source et les nuages, c’est tout le mystère de la vie. En France comme en Chine, souvent, on compare le temps à un fleuve qui s’écoule sans retour, comme le temps qui fuit sans jamais revenir. Or, la pensée chinoise a pensé à autre chose. Le fleuve coule en effet pour se jeter dans la mer mais on n’oublie pas, en Chine, que durant son écoulement, l’eau s’évapore pour monter dans le ciel, devenir nuage et qu’elle retombe en pluie pour ré-alimenter le fleuve. Si on reste au niveau terrestre, on est désespéré mais dès que l’on introduit la dimension céleste, il y a cette grande circulation. En sorte que tout est réversible, mais cela ne dépend pas de nous. Ce qui est perdu est repris. »

Exercice N°2 : analyse d’une oeuvre, « Le rocher »
Cheng_rocher

« Ces deux caractères, ils signifient, la pierre qui interroge. Je l’ai traduit par « Le cri de la pierre ». En apparence, une pierre, c’est une présence absolument anonyme. Or, pour un Chinois, la pierre est reliée à l’origine du monde. Dès la création du monde, la pierre est là. Donc, les Chinois adorent les pierres. Il y a aussi une loyauté de la pierre. La pierre ne trahit pas. En contemplant la pierre, l’homme apprend le dépouillement et l’intégrité morale, la pureté originelle. Donc dans cette calligraphie, je dis que la pierre possède un mystère que nous devons nous-mêmes, tenter de percer. »

>> Pour en savoir plus : lire notre numéro 309, parution du 10 octobre 2018 <<
>> Exposition de François Cheng au Musée des Beaux-Arts jusqu’au 7 janvier 2019 : toutes les infos disponibles ici <<

Omar Sosa, Cubain du monde

Jeudi 12 avril, c’est une star de la musique afro-cubaine qui débarque à Tours pour un concert à la salle Thélème organisé par Le Petit Faucheux. Entre deux avions, le pianiste Omar Sosa a accepté de répondre aux questions de Francis Genest, musicien lui-aussi, Tourangeau et spécialiste de la musique cubaine. Echanges croisés.

NEWS_SOSA 02

Depuis son premier album, « Free Roots » sorti en 1997, Omar Sosa n’a cessé de surprendre par son inventivité, à l’image des multiples facettes de son univers musical : jazz, musique classique, musiques cubaines, hip-hop… le tout sans ostentation et avec, encore et toujours, l’Afrique et l’humanisme en toile de fond. Diplômé de l’Institut Supérieur des Arts de La Havane, il saupoudre ses compositions et improvisations de citations subtilement effleurées, saluant au passage Debussy, Thelonious Monk, ou différents pans de sa culture cubaine. Pratiquant de la santería afro-cubaine il est fils d’Obatala, divinité symbole de sagesse et de pureté qui nettoie les chemins de la vie avec une queue de cheval. C’est sa deuxième visite à Tours.

Omar, comment s’est passée cette tournée américaine avec le joueur de kora sénégalais Seckou Keita et le percussionniste vénézuélien Gustavo Ovalles ?
Génial ! Je suis amoureux de ce projet, c’est incroyable de voir les réactions du public à cette musique du monde, partout où on l’a jouée. Cette création ne se nomme pas « Transparent Water » par hasard, c’est une musique plutôt contemplative, en connexion avec la nature, la simplicité de la vie, le partage… Qu’y a-t-il de plus important que l’eau ? L’eau est un problème pour une grande partie de l’humanité et, symboliquement, le fait qu’elle soit transparente signifie qu’on peut la boire, c’est vital !

Parle-nous de la formation « Cuarteto Afro-Cubano » avec laquelle tu vas jouer à la salle Thélème… NEWS_SOSA 03
C’est une rencontre musicale et humaine très importante, avec encore une fois les connexions entre Cuba et l’Afrique : des musiciens de Camaguey, la ville cubaine où je suis né, et un bassiste du Mozambique. Comme un groupe de frères qui mettent leur talent au service de mes compositions, le rêve ! L’intitulé du groupe révèle une partie de ce que vous allez entendre, un jazz avec beaucoup de références à la musique afro-cubaine !

Cette quête de tes racines africaines semble vraiment être au centre de ta démarche musicale…
C’est fondamental ! L’afro-cubanité est la base de toute mon inspiration, un moyen de chercher la lumière, la paix, de mettre de l’harmonie et de la sincérité quelque soit la musique jouée.

Tu es fils d’Obatala dans la santería afro-cubaine, quelle est l’importance de cette spiritualité dans ta vie, dans ta musique ?
Obatala est le symbole de la pureté, et la mission de l’artiste est de traduire ce message de paix, de démontrer que l’unité est possible : c’est la politique qui amène les conflits ! La spiritualité n’est pas une question de religion, tout le monde peut la percevoir, elle est partout autour de nous : le feu, l’air, l’eau, les oiseaux, la nature. L’art doit servir cette conscience, aider à faire le tri entre les énergies positives et négatives.

NEWS_SOSA 01

Retournes-tu jouer à Cuba de temps en temps ?
Non , malheureusement, il y a bien longtemps que je n’y suis pas allé, je n’ai pas de soutien pour aller jouer là-bas. Je te parlais tout à l’heure de la politique, du pouvoir, qui créent des problèmes et vont à l’encontre de la fraternité… Et les conséquences sont les problèmes actuels de racisme, de sensationnalisme ! Je vis entre les États-Unis et la Catalogne, il n’y a qu’à voir les indépendantistes catalans : dès qu’on pense différemment on se fait traiter de fasciste !

Tu as une formation de percussionniste, continues-tu à travailler ce domaine ?
Pas vraiment, je joue de temps en temps du vibraphone ou du marimba mais pas de percussions traditionnelles comme les tambours batá afro-cubains. Le piano est ma vie ! Tu as beaucoup joué avec Anga Diaz, incroyable percussionniste cubain décédé en 2006 à l’age de 46 ans.

Écoutes-tu la musique de ses filles qui font une belle carrière avec le duo Ibeyi ?
Oui bien sûr, elles ont hérité de la force de leur mère et de l’esprit de leur père… Leur chemin sera magnifique si elles parviennent à rester humbles, et pourquoi ne pas jouer ensemble un jour ?

FRANCIS GENEST, CUBAIN DE TOURS

Francis est musicien, percussionniste spécialisé dans la musique latine et le jazz. Une adolescence en Polynésie, une grand-mère uruguayenne et un goût plus que prononcé pour les voyages, il n’en fallait pas plus pour qu’il se retrouve à Cuba, dans les meilleures familles de Son pour apprendre tous les secrets de cette musique ensoleillée. Aujourd’hui, il trimballe par monts et par vaux le son de la Havane dans la plus pure tradition du genre avec sa formation, le Trio Canto. Francis a rencontré Omar Sosa à la fin des années 90, lors du premier passage du pianiste à Tours, à l’initiative, déjà, du Petit Faucheux. « On m’avait demandé de faire l’interprète, comme je le fais souvent avec les musiciens cubains qui viennent en Touraine. Finalement, Omar, ses musiciens et l’équipe du Petit Faucheux, tout le monde était venu manger chez moi. On avait le boeuf, la rumba cubaine. C’était vraiment très sympa », se souvient- il.

>>Ses prochaines dates : 20 avril, au Grand Café, à Ecueillé (36), avec Trio Canto / 13 mai, à Semblançay, avec la Comparsita (groupe de carnaval cubain) / 21 juin, à Vouvray dans le cadre du festival ARTeCISSE, en duo avec Christelle Grôjean / 23 juin, à Azay-sur-Cher, avec le Trio Canto.

Marie-Laure Augry : « Une chance et une opportunité »

[Spécial #AssisesDuJournalisme] Journaliste de télévision (TF1, La Cinq, France 3) tout juste retraitée, Marie-Laure Augry a fait partie de la toute première promotion de l’IUT de journalisme de Tours (désormais EPJT). Elle nous raconte ses débuts, il y a cinquante ans.

NEWS_AUGRY

Vous avez fait partie de la première promotion de journalistes de l’IUT, de 1968 à 1970. Comment s’est passée votre entrée dans ce nouvel établissement ?
Ça fout un coup de vieux n’est-ce pas ! Il y avait à Tours un IUT d’Information et de Communication et de Documentation. On était une trentaine, je crois, dans le département de journalisme, installés non pas où se trouve l’IUT aujourd’hui, mais à la caserne Meunier, dans des baraquements en bois, chauffés au poêle, près du Château de Tours. C’était sympa, un peu ambiance « Grand Meaulnes ». C’est seulement la deuxième année qu’on a été déplacés dans un bâtiment tout juste construit au Pont Volant. Au départ, nous n’avions rien, aucun matériel audiovisuel à notre disposition, juste une imprimerie. Il y avait quand même une nouveauté : l’enseignement avait tout un versant pratique. Il y avait des journalistes professionnels qui venaient donner des cours, ce qui était la grande nouveauté des IUT.

Comment avez-vous vécu Mai 68 ?
C’était un moment important pour moi. C’était quatre mois avant la rentrée. Les IUT sont le résultat de mai 68, le ministère de l’Éducation nationale avait décidé de créer des cycles courts en prise avec l’entreprise, moins universitaires et plus pratiques.

Quels professionnels sont venus à l’IUT ?
Il y avait un lien très fort avec La Nouvelle République puisque c’était le journal local. Les journalistes de la NR venaient donner des cours et on avait aussi des conférences qui étaient à l’initiative du journal. L’occasion de rencontrer des journalistes de différents horizons, grands reporters ou autres et qui venaient apporter leur témoignage et discuter avec nous. Parfois, ça se terminait par un dîner dans les caves du côté de Vouvray.

Vous avez par la suite travaillé à TF1, puis La Cinq et France 3… Avez-vous été formée à la télévision ?
Non absolument pas. Je savais que tout ce qui pouvait toucher à l’audiovisuel, la radio ou la télévision correspondait plus à mes envies et à mes dispositions que la presse écrite, alors qu’à ce moment-là on arrivait plus facilement à trouver des stages dans les journaux régionaux. Je suis entrée par la toute petite porte. À la maison de la radio d’abord, à l’Interservices Jeunes et j’ai continué à TF1, au desk de politique intérieure dirigé par Joseph Poli. J’ai trié les dépêches pendant un an et demi, deux ans, et seulement après j’ai commencé à faire du reportage.

« Je suis entrée par la toute petite porte »

Que sont devenus vos camarades de promotion ?
Il y avait Alain Texier qui a été pendant très longtemps « LE » réalisateur d’Ushuaïa Nature. Beaucoup d’autres sont partis dans la presse quotidienne régionale.

À l’époque, quels journalistes vous inspiraient ?
Les journalistes de référence qu’on pouvait avoir à ce moment-là, c’était plus la radio, comme Julien Besançon (Europe 1), parce que je n’avais pas la télévision chez moi. C’étaient des grands reporters ou des journalistes comme Françoise Giroud (fondatrice de l’Express).

Que pensez-vous de cette formation avec le recul ?
Ça a été une chance et une opportunité, je ne sais pas si je serais allée passer les concours d’une école parisienne, pas sûr. En commençant, j’avais une base et une ouverture d’esprit qui m’avaient été données par l’IUT.

Aviez-vous imaginé ce que la télévision, alors en noir et blanc, allait devenir ?
C’était difficile de l’imaginer. La première révolution technique, ça a été le passage à la vidéo. Un passage important, pour les journalistes reporters d’images et les monteurs surtout. La révolution aujourd’hui, se situe du côté des gens qui nous écoutent, nous regardent et nous lisent, on ne pouvait pas l’appréhender. Et le tournant a été important lors de l’éclatement des radios FM et l’arrivée d’autres chaînes de télévision. On est quand même restés jusqu’en 1981 avec seulement trois chaînes de télé et quatre radios.

Par la suite, êtes-vous retournée à l’IUT pour enseigner ?
Non, je n’ai jamais été professeur. J’y suis allée une fois pour une conférence, il y a deux-trois ans, et pour les quarante ans.

Que pensez-vous du passage du DUT en Master de journalisme à la rentrée prochaine ?
Ne connaissant pas le contenu de la formation, j’ai du mal à donner mon avis. Ce que je constate c’est que de plus en plus de formation se font à bac +3, bac +4 après une licence et je trouve ça dommage qu’on ne conserve pas les formations en IUT, juste après le bac. Pour accéder à l’école, il faut quand même donner trois ans, où l’on va acquérir un plus haut niveau de culture générale et tous types d’enseignements, mais à mon époque on pouvait entrer par la petite porte. Les IUT permettent une mixité sociale et une diversité des profils.

> L’Ecole publique de journalisme de Tours (EPJT) fête ses 50 ans en mars. Plus d’infos sur la formation ICI

Violences sexuelles : « Le corps finit toujours par parler »

Cette semaine, l’association SVS 37 organise une expo-vente d’art contemporain pour dire stop aux violences sexuelles et qui aidera les victimes, tout en sensibilisant l’opinion publique. Catherine Raynaud, sa présidente, nous en dit plus.

Image7

Pouvez-vous présenter l’association SVS 37 ?
SVS 37, c’est la plate-forme départementale en Indre-et- Loire de l’association nationale Stop aux Violences Sexuelles. SVS 37 a été créée il y a trois ans, car il fallait une entité en Touraine. Nous avons donc constitué une vie associative, avec une réunion par mois, ainsi que des conférences : nous avons par exemple accueilli Sophie Chauveau, auteure de La Boutique des pervers. En septembre, un centre de formation SVS a ouvert à Tours-Nord. Son axe de travail est la formation des professionnels, que ce soit du monde médical ou scolaire. Parce qu’un médecin n’aura eu à ses débuts que deux heures de cours sur les violences sexuelles. Malgré leurs qualités, ils ne sauront pas forcément gérer quelqu’un qui a un problème et n’oseront pas poser la question de la violence sexuelle. C’est pour cela que SVS a d’ailleurs été lancé par une gynécologue. L’asso veut montrer que ce qui fait mal aux adultes et aux enfants, fait du mal dans le temps (*). Le corps finit toujours par parler.

Vous parliez aussi du monde scolaire. Comment se traduit votre rôle dans ce domaine ?
C’est de l’information. Nous avons mis en place des protocoles pour les tout-petits et les plus grands. L’association réalise des séances inspirées de méthodes utilisées au Canada, un pays très en avance sur cette thématique.

Comment est née cette idée d’expo-vente Rep’Art ?
Rep’Art signifie « réparation par l’art ». L’idée a été lancée il y a deux ans. C’était difficile à mettre en place au début, puis tout s’est enchaîné. L’expo-vente regroupera 27 artistes contemporains qui proposeront trois ou quatre œuvres chacun. Eux-mêmes fixent leurs prix et 60 % du fruit de la vente reviendront à notre association ! Mais il y aura aussi six conférences. Deux sénatrices, Muguette Dini et Michelle Meunier, seront présentes : elles ont travaillé sur le projet de loi sur la protection de l’enfance.

Pouvez-vous nous en dire plus ?
Elles parleront de l’importance de l’allongement de la durée de prescription. Ce projet de loi concerne les jeunes qui ont été agressées avant leurs 18 ans. Aujourd’hui, elles ont vingt ans pour porter plainte. Or, quand une agression survient, il se passe très souvent une amnésie post-traumatique, dû au choc important. La victime vit « normalement » et, un jour à 30, 40 ou même 80 ans, l’amnésie peut se lever ! Nous nous battons pour l’imprescriptibilité totale.

Votre expo-vente intervient pile pendant la Journée internationale de lutte contre la violence faite aux femmes… 23172894_164205384175216_678108134434941778_n
Oui tout à fait. Mais je dois préciser que SVS s’occupe surtout la ligne médicale. D’autres associations tourangelles sont dans le social et le font très bien. SVS pense aux conséquences très graves au niveau de la santé. Nous avons notamment mis en place un atelier thérapeutique d’escrime qui aide dix anciennes victimes. C’est une chose que nous souhaiterions pérenniser. En ce sens, les bénéfices récoltés durant Rep’Art pourront nous aider.

Sur sa plaquette informative, SVS 37 dit : « La violence engendre la violence ». Le premier pas pour briser ce tabou, c’est quoi ? Laisser la parole s’ouvrir ?
Un enfant abusé dans son enfance ne le sait pas : c’est une problème de référence. Si son père – une figure paternelle – le viole, il ne sait pas que c’est mal, sauf s’il est informé. Tout le monde doit savoir que certaines choses ne sont pas admissibles. Le premier pas, c’est la formation, la formation et la formation : il faut former les soignants sur les signes importants, comme remarquer un enfant qui se lave les mains 20 fois par jour, ou qui reste des heures sous la douche à se nettoyer par exemple.

C’est ainsi qu’on pourra aussi sensibiliser au mieux l’opinion publique ?
Oui. Une femme sur quatre, un enfant sur cinq et un homme sur six ont été ou sont victimes de violences sexuelles. On doit s’adresser à eux, savoir leur parler.

Vous êtes la présidente de SVS 37 : comment percevez-vous l’ampleur du problème au niveau local ?
Dans le département, les violences sont en hausse. Les chiffres ont augmenté. C’est peut-être lié au fait que la parole s’ouvre aussi.

Cette augmentation des chiffres vous démoralise ?
Non, car je me dis que les gens parlent. Je vois aussi le travail de l’association, il y a aujourd’hui 40 plate-formes SVS en France. Je pense aussi aux sages-femmes. Elles sont au cœur du problème et voient tout ça. Quand une femme est enceinte, c’est à ce moment qu’on peut travailler et l’aider.

(*) L’association SVS indique que la violence sexuelle engendre des dégâts psychiques, psychiatriques et somatiques : le corps « parle » via d’authentiques maladies dermatologiques, pneumologiques, cardiologiques, cancers et maladies auto-immunes…

Propos recueillis par Aurélien Germain

REP’ART : EXPO-VENTE

> L’exposition-vente Rep’Art, organisée par SVS 37, aura lieu les 25 et 26 novembre, de 10 h à 20 h, à la Maison des adolescents au 66 bd Béranger, à Tours. Vernissage le vendredi 24 novembre, à partir de 18 h, même lieu. > Catherine Barthélémy, marraine de l’événement, sera entourée de peintres, sculpteurs, céramistes, photographes : Michel Audiard, Zazü, Lyd Violleau, Philippe Lucchese, Nathalie Chossec, Jane Caro, Laurence Dréano, Véronique Heim, etc.
> Les visiteurs pourront acheter les oeuvres exposées. Les fonds obtenus serviront à financer les actions 2018 de SVS 37, comme l’atelier thérapeutique et la formation des bénévoles qui s’engagent dans les actions en milieu scolaire.
> Conférences à l’hôtel Océania L’Univers, le 25 novembre, de 10 h à 17 h.
> Informations sur stopauxviolencessexuelles.com ou, au niveau local, sur facebook.com/SVS37

Imag’In : « La culture doit être accessible à tous »

Pepiang Toufdy, fondateur d’Imag’In, revient sur les valeurs insufflées par son festival et rappelle de nouveau l’importance du vivre-ensemble.

(Photo tmv)
(Photo archives tmv)

C’est déjà la 9e édition pour Imag’In. Comment vois-tu le chemin parcouru jusqu’à maintenant ?
C’est une longue histoire ! On a construit quelque chose sereinement, même si ça n’a pas toujours été évident. Il y a forcément toujours des diffi cultés. Mais le pari est gagné. On a tout donné à chaque édition et il y a constamment nos valeurs derrière tout ça. Le public est là, c’est un beau projet. Bref, on en retire une grande fi erté et c’est important pour tenir le cap et garder espoir. Imag’In est un projet passionnant et porteur, c’est un combat.

Tu parlais de valeurs. Quelles sont-elles ?
Il y a le partage, déjà. La culture doit être accessible à tous. La solidarité, aussi : on doit tous s’accepter malgré nos différences, dans un environnement de confiance. Imag’In, c’est une ambiance « cool », peu importe d’où on vient.

Plus globalement, que penses-tu qu’Imag’In ait apporté au Sanitas ?
En s’y installant, on a sensibilisé les gens. On veut montrer que tout n’est pas perdu, même si la vie est parfois dure. En faisant venir un public extérieur, on montre que la culture peut amortir les a priori parfois négatifs qu’un quartier peut subir. En ce sens, on participe au lien social.

Est-ce qu’il y a une « famille » Imag’In désormais ?
Oui, bien sûr. C’est une famille culturelle, beaucoup de gens adhèrent au projet. Il y a par exemple certains artistes qui ne prennent pas de cachet sur cette date, car ils aiment le festival. Ça me touche ! On s’entraide et on se soutient. Imag’In est un festival alternatif, il y a un combat derrière : il faut exister.

C’est un festival gratuit. Comment survivre ?
C’est dur. C’est pour cela que je parle de combat… Il y a 5 000 € du subventions sur tout le festival. 5 000 €, ça ne paye même pas la société de sonorisation et la scène mobile. Derrière un festival, il y a toute une logistique, la technique, la communication… Certains partenaires privés nous aident, mais la survie est difficile. On réfléchit pour la 10e édition : il faudra garder nos actions culturelles, mais aussi développer quelque chose pour que l’asso Prod’Cité (organisatrice d’Imag’In – NDLR) s’émancipe.

Cette année, il y a encore un large choix côté concerts. As-tu des coups de cœur ?
Il y en a deux : Lehmanns Brothers déjà. Ils possèdent une fraîcheur funk folle ! Je les ai découverts alors que la programmation était quasi bouclée ! Ma collègue les avait déjà vus et elle m’en a parlé. Il y a vraiment un truc avec ce groupe ! Mon deuxième coup de cœur, c’est bien sûr les groupes du tremplin Imag’In (INK et The Lunatiks – NDLR), car c’est une première. Il y a un noyau énorme d’artistes dans le département, mais ils ne sont pas forcément visibles. Là, on repère des groupes locaux et on les programme !

On parle de ces lauréats du tremplin, mais jouent aussi des Tourangeaux déjà établis – je pense notamment à Nivek – c’est donc une volonté farouche, pour toi, de mettre en valeur les artistes du coin ?
Bien sûr ! L’objectif initial d’Imag’In était de valoriser les groupes du département. Les têtes d’affiche, c’est pour la popularité, mais les groupes locaux, c’est le cœur du festival. Il faut rassembler tout le monde pour un instant de partage.

Propos recueillis par Aurélien Germain

Pédagogies nouvelles : « Certaines idées sont passées dans le système »

Professeur de philosophie de l’éducation dans le département de sciences de l’éducation à l’université François-Rabelais, Laurence Cornu nous apporte son éclairage sur les pédagogies nouvelles.

Image3

Montessori, Steiner, Freinet… Ces pédagogies semblent avoir le vent en poupe. Qu’en pensez-vous ?
En effet, il y a un intérêt renouvelé pour ces pédagogies dites « nouvelles », même si elles sont nées il y a longtemps grâce à des pédagogues comme Maria Montessori ou Célestin Freinet. Depuis la rentrée, les journaux font la part belle aux thèmes du climat scolaire, du bien-être à l’école et de la confiance. Ça correspond à des attentes de parents et d’enseignants.

Qu’est-ce qui caractérise les pédagogies nouvelles ?
Ce terme regroupe des courants portés par différents pédagogues, qui partagent des points communs. Le premier, c’est la reconnaissance, la considération et le respect de l’enfant. Une attention particulière est portée aux conditions sensibles et concrètes qui permettent à l’enfant d’être bien à l’école. Ces pédagogies s’intéressent aussi à la construction des savoirs. Comment donner du sens aux apprentissages ? Comment susciter la curiosité et l’intérêt des élèves ? Elles s’appuient sur l’expérimentation, des activités et des pratiques interactives, plus que sur une transmission verticale et unilatérale.

Comment se situent ces courants pédagogiques dans le débat sur la notation et l’évaluation ?
Déjà, elles donnent plus de crédit à l’erreur, qui devient un élément du processus d’apprentissage. Le temps de l’apprentissage est un temps pour s’exercer : soutenu par des conditions favorables et des encouragements, il laisse de la place à l’essai et à l’erreur, et permet à l’enfant de découvrir ses capacités d’exploration, d’enquête et de progression. Le temps de l’évaluation dite « sommative », qui attend des résultats exacts, arrive dans un second temps : il est bien distinct de la phase d’apprentissage.

Ce mouvement essaime-t-il dans l’Éducation nationale ?
D’un point de vue historique, ces pédagogies se sont développées en marge de l’Éducation nationale, grâce à de grandes figures qui les ont créées de leur propre initiative. Aujourd’hui, certaines de leurs idées sont passées dans le système. A l’école maternelle, des enseignants pratiquent la pédagogie Montessori. L’école primaire, elle-aussi, est ouverte par tradition à ces questions. Par exemple, la pédagogie de Célestin Freinet est utilisée dans l’enseignement publique. Au collège, c’est plus compliqué, car souvent, la pédagogie a moins de place dans l’identité professionnelle des enseignants. Pour autant, même s’il y a une certaine inertie, ça avance : des initiatives émergent au sein de l’Éducation nationale.

Nota Bene passe de Youtube au papier

Sur YouTube, ses vidéos qui racontent l’Histoire de façon divertissante cartonnent. L’autodidacte Benjamin Brillaud, tête pensante de Nota Bene, passe au papier : le Tourangeau vient de publier son premier livre, Les pires batailles de l’Histoire.

Benjamin Brillaud, de Nota Bene, et son joli tshirt chaton (Photo tmv)
Benjamin Brillaud, de Nota Bene, et son joli tshirt chaton (Photo tmv)

En septembre 2015, vous disiez dans tmv que la meilleure façon d’intéresser les gens à l’Histoire, ce n’était pas en les écrasant de dates mais en racontant histoires et anecdotes. Vous êtes toujours sur la même ligne ?
Oui mais cela se fait toujours en contextualisant. C’est la technique de la carotte : c’est une méthode, mais j’insiste sur le contenu. L’anecdote attrape et emmène l’internaute ou le lecteur vers un horizon plus large. J’ai récemment fait un épisode sur Marignan. Marignan, 1515, oui bon d’accord. Mais quel est le contexte, et contre qui a eu lieu la bataille ?

Vous avez lancé Nota Bene en 2014. Deux ans après, voilà un livre. Un passage obligé pour les youtubeurs ?
Non… J’ai écrit ce livre car des éditeurs sont venus me voir. J’ai eu de la chance, car quatre ou cinq se sont montrés intéressés. C’est une chance. Surtout quand on voit à quel point il est difficile de se faire éditer. Cela aurait été bête de laisser passer ça. Et puis c’était un rêve de gosse de faire un bouquin ! Là, c’est un défi. C’est tellement différent d’une vidéo.

Quatre ou cinq éditeurs, c’est bien !
Il ne faut pas se leurrer. Comme je l’ai dit dans une interview à Télérama, ils ont aussi vu le potentiel commercial. Mon défi, c’était de faire le meilleur ouvrage qui soit. Je me suis énormément concentré sur ce livre. J’en suis sorti épuisé !

Dans chaque chapitre, il y a plusieurs parties…
Je voulais dynamiser l’ensemble. Il y a les faits, mais il y a aussi un bout de fiction historique. Un petit passage concret pour nous plonger dans la bataille. On peut greffer ça à l’histoire principale. Il y a aussi « Pendant ce temps-là, dans le monde » : là, j’ai essayé de m’ouvrir.

Les Pires Batailles de l'histoire J’ai d’ailleurs trouvé ça très intéressant. Vous y abordez tout ce qu’il s’est passé dans le monde pendant ce temps. Pourquoi cette réflexion ?
L’Histoire, ce n’est pas que la France. J’avais envie de ça dès le début. D’explorer ! Quand je parle de la bataille à Azincourt : oui, okay, mais… ailleurs ? Qu’est-ce qu’il se passait ? Les batailles sont des « carottes », il faut comprendre ce qu’il se passe avant. Par exemple, concernant la Baie des Cochons, il faut aborder les relations passées entre États- Unis et Cuba.

Pourquoi ce thème des « pires batailles » ?
Au début, il y avait plusieurs projets. Mais celui-là s’inscrivait le mieux en livre. Bon, ça reste un titre, hein… (sourire) Des batailles qui ont mal tourné, il y en a partout, sur tous les continents, sur toutes les périodes. Ce sont des situations dramatiques et parfois « rigolotes » qui peuvent intéresser les gens.

Le livre semble bien plus sérieux que les vidéos YouTube…
Oui. Je n’ai pas voulu faire de la blague pour faire de la blague. Je voulais plus de sérieux et parfois, des situations plus légères quand on les analyse avec le recul. Voir que, derrière ça, il y a du concret, des hommes, une histoire politique, économique…

On peut penser aux chapitres du siège de Courtrai ou du Port de Helder notamment, mais dans tout le livre, vous vous attachez à des faits pas si connus que ça.
Oui, il fallait un mix de batailles connues comme Azincourt ou Marathon et de faits moins connus du public. Je vise un large public. L’ouvrage est léger sur la forme. Les abonnés YouTube vont apprécier, mais les autres aussi. Je ne suis pas historien. J’ai envie de toucher tous les publics et je suis demandeur des retours. Tout ça, c’est un bébé de 10 mois de travail ! Je ne veux pas décevoir, c’est un exercice nouveau pour moi.

En parlant d’historiens, comment réagissent-ils face à l’autodidacte que vous êtes ?
Très bien, généralement. Ils savent que ce ne sont pas des cours, mais que l’objectif est de faire s’intéresser à l’Histoire. Que les gens s’ouvrent… La force de Nota Bene, justement, c’est que je ne suis pas historien.

Le choix des batailles a-t-il été difficile ?
Oh oui. Il y en avait tellement… Et il me fallait beaucoup de sources. J’ai notamment voulu parler de la Bataille de la Falaise rouge, mais il n’y avait pas assez de sources occidentales. Et je ne parle pas vraiment chinois ! (rires) Au départ, il y avait 20 batailles, mais j’en ai gardé 15 pour mieux les développer.

Ah, un volume 2 alors ?
Pourquoi pas ? Là, je vais plutôt me reconcentrer sur mes vidéos, sur Nota Bene. J’en suis à 418 000 abonnés, ça a beaucoup augmenté. Certains formats de vidéos engrangent 200 à 300 000 vues.

L’an dernier, vous disiez que Nota Bene, c’était « votre bébé, votre vie, votre métier ». Vous en vivez ?
Oui. Grâce à la pub, mais aussi au financement participatif et surtout, je développe des relations avec les institutions pour des partenariats. Nota Bene

Vous allez participer aux Salons de Choiseul bientôt. Qu’est-ce qui nous attend ?
Euuuh (rires)… J’ai tellement de choses en ce moment ! (il fouille son portable) Ah oui, c’est le vendredi 18 ! Je vais parler de Youtube et l’essor de la culture populaire auprès des jeunes. Il y a de plus en plus de jeunes sur la création de programmes. De nos jours, beaucoup d’entre eux se disent que la physique ou l’Histoire, c’est cool, ils se déplacent aux conférences, etc. Il y a un renouveau de la culture populaire sur le web. L’accès à la culture est hyper important.

Nota Bene, un livre, le succès…Et maintenant ?
Mon planning est bouclé jusqu’à l’an prochain, je souhaite que ça continue. Il y aura aussi le festival d’Histoire à Montbazon que j’organise les 22 et 23 juillet. J’adore ça. Il y a de gros projets de web documentaire en cours, d’ici mi-2017. J’ai hâte !

> Rencontre et dédicace à La Boîte à livres le 14 novembre, à 19 h 30.

> Conférence aux Salons de Choiseul, le 18 novembre à 14 h 30 (inscriptions sur lessalonsdechoiseul.wordpress.com)

> La chronique du livre Les Pires batailles de l’Histoire, à retrouver ICI.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=ejr4n9a33gc[/youtube]

Prix du roman : Petits & grands plaisirs

C’est une Rachel Khan ravie de se voir distinguée pour la première fois, chez elle, à Tours, qui est venue recevoir le Prix du roman tmv à la Boîte à Livres. Avec les membres du jury, elle a passé un long moment à parler de son roman, en toute liberté…

Rachel Khan, Prix du Roman tmv 2016 pour Les grandes et les petites choses (Éditions Anne Carrière). (Photo Hugues Le Guellec)
Rachel Khan, Prix du Roman tmv 2016 pour Les grandes et les petites
choses (Éditions Anne Carrière). (Photo Hugues Le Guellec)

Comment vous l’avez écrit, ce livre ?
J’y ai pensé pendant pas mal de temps et, à un moment donné, j’ai dit Go ! À partir de là, je l’ai écrit en un mois. Je ne me suis plus arrêtée. C’était un peu radical, mais je ne pouvais pas faire autrement. Je voulais que le rythme du livre soit celui d’une course. Je voulais que le lecteur court vraiment en le lisant et qu’il reste toujours dans ce rythme-là.

C’est un roman qui peut vraiment plaire à des jeunes gens : le style est direct et nous plonge dans l’action. C’était votre volonté ?
Oui, j’ai pensé à eux tout le temps, aux jeunes. C’était important pour moi, surtout dans ces périodes compliquées où on leur raconte toujours les mêmes choses. Je ne voulais pas d’effets de style. J’ai sabré pas mal de phrases pour ne pas être dans le descriptif mais toujours dans le sensoriel. Ça rejoint mon travail de comédienne : travailler avec les sens.

C’est un livre qui a une forte musicalité, aussi…
J’ai toujours été baignée dans beaucoup de musiques. La musique classique puis, après, la musique de mon père, le hip-hop, le jazz… Je voulais que chaque personnage corresponde à des notes qui, à la fin, soient en harmonie. Une note, c’est très simple et c’est la diversité des notes qui fait qu’il y a harmonie ou pas. Alors, j’ai joué avec le son des mots. J’ai grandi avec des couleurs différentes dans l’oreille. Entre les accents Yiddsh de ma mère et les accents de l’Afrique de Ouest de mon père, les accents anglophones par dessus tout ça, cela donnait des sonorités vraiment variées. Je voulais qu’on les retrouve dans le livre.

Les Grandes et les petites choses, n’est-ce pas, avant tout, un roman de transmission ?
C’est peut-être lié à la crise de la quarantaine ! Mais oui, c’était une nécessité à un moment donné de ma vie de dire en une seule oeuvre l’essentiel pour mes enfants et, dans le même temps, de rendre hommage à mes parents tant qu’ils sont encore là.

C’est un des grands thèmes du livre, ça. Le brassage des cultures, des différences…
Dans la manière dont les choses sont présentées, et notamment au cours de cette année 2015 terrible, on stigmatise beaucoup et on a l’impression que les gens ne se parlent pas. Que d’un côté il y a les noirs, de l’autre les blancs, les catholiques, les musulmans, les juifs… Alors que non.. Tout le monde se parle, pour de vrai. Je crois vraiment que les histoires d’origines, c’est un alibi. La vraie histoire, elle n’est pas là du tout. En chacun de nous, il y a des histoires qui sont toutes très singulières et qui, en même temps sont très communes. Nous sommes semblables sur 99 % de ce que nous sommes. C’est sur le 1 % restant que l’on stigmatise, les différences.

Des événements très graves et des choses plus légères sont traitées sur le même plan dans votre roman. Pourquoi ce choix ?
Parce que, parfois, dans nos vies quotidiennes, un souci qui n’est pas du tout grave peut prendre des proportions inouïes. On se fait en permanence sa propre hiérarchie des problèmes. En fait, on passe une vie à trouver sa place. C’est ça le vrai thème du livre. Mais pOur moi, au fond, c’est une célébration de la vie. D’ailleurs, durant tout le temps de l’écriture, ce livre devait s’appeler Champagne ! Mais l’éditeur avait peur que les libraires se trompent et croient commander un livre sur le vin.

Diriez-vous qu’il y a une dimension politique dans votre roman ?
Oui. C’est un livre politique, en vrai. Mais politique contre les thèses. Pour laisser à chacun la possibilité de se faire son propre chemin de pensée. Et aussi parce que c’est un livre qui se passe il y a vingt ans, à la naissance de mon fils. À cette époque, il y avait déjà Les graines de problèmes que nous subissons aujourd’hui. Après les attentats de Saint-Michel, les choses étaient déjà là.

1540-1L’HISTOIRE

Les grandes et les petites choses raconte l’histoire de Nina. Elle a 18 ans et vit entre son grand-père juif polonais, tailleur de costumes pour hommes, sa mère, son père gambien et son frère cadet David. L’appartement est un capharnaüm joyeux dont la jeune femme s’évade en pratiquant, en secret, l’athlétisme de haut niveau.

Festival Mauvais Genre : « Le public ne triche pas »

Tmv a attrapé au vol le président et fondateur du Festival Mauvais Genre, Gary Constant. Le Tourangeau revient sur les 10 ans de son bébé, balance les anecdotes, cause culture et choucroute avec Spielberg pour une interview bon chic, bon genre. Ou pas.

Rechercher un DVD chez Gary Constant : mission impossible

Mauvais Genre a déjà 10 ans ! Alors, ça fait quoi ?
Je n’y ai pas réfléchi. Je vois surtout le chemin qu’on a parcouru aujourd’hui. Dix ans, c’est ni long ni court. C’est une réponse de Normand,  ça !  (sourire)  On est fiers d’avoir réussi à proposer ça, eu égard aux  moyens qu’on nous propose. Si on devait s’arrêter là, on n’aurait pas à  rougir. Le hic, c’est qu’on aurait aimé plus de moyens pour notre anniversaire. Sans pour autant taper dans le champagne et le caviar, hein ! Mais  on fera avec… Sinon oui, il y a 10 ans, j’aurais éclaté de rire si on m’avait  dit qu’on serait toujours là. Maintenant, c’est un mélange d’agréable  surprise et d’étonnement. Mauvais Genre est une anomalie : comment  ça se fait qu’on soit encore là ?!

Pourquoi alors ? 
Je ne sais pas. C’est un gros facteur chance.

Modeste , va !
Non, non. Il y a eu beaucoup de chance pour les invités, les réalisateurs  qui ont pu venir, etc. Il y a 2, 3 ans, on aurait déjà dû cesser d’exister.  Même s’il y a beaucoup de spectateurs, on ne renfloue pas les caisses.  Mais on est toujours là. C’est génial.

C’est quoi, en fait, le budget du festival Mauvais Genre ?
Normalement, le festival devrait coûter 70 000 – 80 000 €. Au final, on  le fait avec 20 000 €.

Ah oui, donc le manque de subventions… 
Les institutions ne voient pas pourquoi elles devraient donner plus, vu  qu’on arrive le faire avec si peu. Or, si on doit prendre de l’ampleur, il  faut des subventions. Mais c’est un engrenage. Si les donneurs privés et  les mécènes voient qu’il y a une frilosité de la part des institutions et des  collectivités, ils vont douter. Et ne pas donner non plus.

Tu as des anecdotes qui te reviennent parmi toutes les éditions  de Mauvais Genre ? 
Je me souviens d’une choucroute avec Spielberg…  (éclat de rire)  Non,  je déconne. Euh, Benoît Delépine par exemple (connu pour son rôle de  Michael Kael dans le Groland-NDLR). Il avait un coup dans le nez au pot  d’ouverture. Mais c’est dingue, la popularité de ce mec et l’attitude des  gens à son égard. C’était hyper bon enfant. Le soir, des jeunes du Sanitas  ont voulu prendre des photos avec « Michael Kael » et que, si on avait  besoin, ils pouvaient le raccompagner. Il y a aussi eu Francis Renaud, l’an  dernier, qui voulait piquer les sigles des BM stationnées pour démarrer une collection  (rires)  ! (On vous rassure, il ne l’a pas fait – NDLR) Nous  ne sommes jamais tombés sur un con qui ait mis une mauvais ambiance.  Le retour du public est très intéressant. Le public ne triche pas.

D’ailleurs, il y a vraiment un « public Mauvais Genre ». Il y a  toujours de l’ambiance, c’est sympa et ça me fait penser à une  grande famille. Toujours prête à crier « à poil Gary ! » d’ailleurs…
Pour les 10 ans, ce serait étonnant que ça n’arrive pas ! Pour la Nuit  interdite, ok. Mais pour l’ouverture du festival, évitez quand même.  Soyons sérieux !  (sourire)

Y a-t-il un(e) invité(e) qui t’a vraiment marqué ? À part Spielberg  et sa choucroute, bien sûr.
Il y a eu… Delépine, car c’est devenu un ami. Le dessinateur Philippe  Caza. Ou encore le cinéaste Jean Rollin, décédé quelques mois après, qui  avait vraiment amené une patte fantastique. Et l’acteur Francis Renaud,  quelqu’un de très franc. Et une grande partie du cinéma n’aime pas la  franchise.

Cette 10 e  édition a été un peu difficile à mettre en place…
Il y a  aussi eu une campagne de financement participatif pour aider  un peu…  Au bout de 10 ans, on ne peut hélas pas se dire manifestation pérenne.  C’est dommage, car on a fait nos preuves même si je sais bien qu’il y a  la situation économique, etc. Mais on risque de s’essouffler.

… Mais je voulais avoir ton regard sur la culture à Tours ?
Je pense que Tours est en train de s’endormir. Pour moi, les choses ont  changé, mais pas en bien. Avant, il y avait une dizaine de concerts par  semaine. Maintenant, c’est bien rare. Ça fait vieux con de dire ça, mais  bon. Ma parole est apolitique, mais que ce soit la droite ou la gauche, il  n’y a pas eu de choses concluantes. Le potentiel n’est pas assez exploité.  C’est dommage, vu le passé culturel de la ville. Là, c’est le citoyen qui  parle : Tours va lentement vers la léthargie. Le néant culturel menace.  Et je parle de la culture populaire, pas élitiste…

Bisou Mauvais Genre
Bisou Mauvais Genre

Tiens, il se passe quoi dans ta tête, 10 minutes avant le début  du festival ? 
De l’anxiété un peu, bien sûr. Peur du pépin de son, d’image… L’ouverture  donne le tempo. Je me demande alors si le public est réceptif. S’il ne jette  pas de tomates, ça va…  (rires)

Mauvais Genre ne serait rien sans les bénévoles…
Bien sûr, impossible de ne pas aborder les bénévoles. Derrière moi, il  y a toute une équipe, solide, compétente. Sans eux, je ne serai rien du  tout. À l’année, il y en a une vingtaine. Pendant le festival, on tourne à  40 bénévoles environ.

Au départ, le festival était axé sur l’horreur. Désormais, cela  brasse bien plus large. Pourquoi ? 
Dès le début, je voulais un maximum de genres. Mais je n’avais pas le  carnet d’adresses. Du coup, il était plus aisé d’avoir des films d’horreur.  Mais à la troisième édition, on a commencé à faire entrer de la comédie,  du drame. Maintenant, le public nous fait confiance, veut des surprises  au niveau des films. C’est un rendez-vous entre curieux, passionnés et  néophytes. Ils viennent chercher une gamme de sensations.

Parmi les films proposés cette année, quels sont ceux qui t’ont  vraiment mis une claque ? 
Ah, la fameuse question… Mmh, je dirais 13 Hours, de Michael Bay, qui  sera diffusé à la cérémonie d’ouverture. Il évite tout patriotisme con-con,  c’est carré et étonnant. Vraiment immersif, sans en faire des tonnes.  Sinon, à la Nuit interdite, il y aura The Forgotten, d’Oliver Frampton qui  sera d’ailleurs présent. C’est un mélange entre la dénonciation sociale  à la Ken Loach et la vraie peur à la Nakata dans The Ring. Il y a aussi  Sunset Edge, une dérive à la Gus Van Sant, avec du fantastique. Vraiment  surprenant… Et Alki Alki : il fait partie de la nouvelle génération du  cinéma allemand. Ça passe par toutes les gammes d’émotion… Comme  Mauvais Genre !

Grand entretien par Aurélien Germain

A Tours, mission médiatrice familiale

Entretien avec Nadège Lespagnol, médiatrice familiale tourangelle p o u r l ’association Médiations et parentalité 37.

Médiation familiale
(Photo Labiquette.com)


En quoi consiste votre travail ?

Pour faire simple, le médiateur familial intervient dans des situations de conflit. Cela peut être dans le cadre de divorce, mais également quand les liens sont rompus avec un adolescent, dans les familles recomposées ou avec les grands-parents. Le médiateur propose aux familles un espace de parole neutre et de respect, afin qu’elles puissent de nouveau communiquer, apaiser la situation et trouver des solutions acceptables. Un entretien dure environ une heure, leur nombre varie selon les cas.

Comment se passe une séance?
Prenons l’exemple d’un couple séparé qui essaie de s’entendre sur les besoins de l’enfant. Je les laisse dans un premier temps se reparler. On travaille ensemble sur la notion de parentalité, à l’aide de reformulations des mots et d’écrits. On assiste à des moments de confrontation, de silences, de larmes… Il ne faut plus que les parents soient dans le règlement conjugal, mais qu’ils pensent avant tout à l’intérêt de l’enfant.

Quelles sont les qualités requises chez un médiateur?
On se doit d’être à l’écoute, mais également neutre et impartial. Je crois également qu’il faut être accueillant, savoir mettre en confiance et se rendre accessible.

Qu’est-ce qui vous pousse à vous lever tous les matins ?
En fait, j’aime l’idée d’apporter un cadre pour que les gens se sentent réinvestis dans leur rôle. Ma plus belle récompense est quand une de mes rencontres me dit : « Merci, je ne pensais pas que l’on pouvait en arriver là. »
Propos recueillis par Anne-Cécile Cadio

2 rue Christophe-Colomb à Tours. Contact—: 02 47 61 24 40 ou contact@mep37.fr

Rencontres historiques des Salons de Choiseul : l'interview

À l’occasion des Salons de Choiseul, tmv a interviewé l’un des organisateurs, Stéphane Genêt, agrégé et docteur en histoire. Entretien fleuve, où il parle Histoire, révolutions et punk !

Stéphane Genêt
Stéphane Genêt

Comment est venu ce thème (R)évolutions ?
On réfléchit énormément à l’avance. Rien que là, on a déjà deux, trois thèmes sous le coude. On cherche du fédérateur. Il faut que tout le monde s’y retrouve, c’est notre ambition. Il y a une dimension éclectique très plaisante. Cette année, on parle de toutes sortes de révolutions, on aborde ça par différentes entrées, comme un sujet de dissertation. Bon, contrairement à ce que certains semblent croire, il n’y a pas d’interro écrite à la fin ! (rires)

L’Histoire reste, en général, une matière appréciée des élèves. Comment expliquer ça ?
Le récit ! C’est une matière où l’on raconte. On est touché, car on est le produit d’une histoire. Cela aide à mieux comprendre l’actualité, ce n’est pas abstrait. C’est une passion française… L’Histoire est transdisciplinaire. Elle est enseignée aussi bien en filière ES, L que S. Il faut des connaissances pour comprendre d’où on vient.

En revanche, désolé, mais c’est vraiment agaçant ce côté « apprendre par cœur »…
Non, c’est un mythe, ça ! L’Histoire ne s’apprend pas, elle se comprend. C’est bien beau de connaître 1515-Marignan, mais c’est quoi, pourquoi c’est important ? Le par cœur, c’était avant. De nos jours, c’est basé sur la compréhension des mécanismes. Mais c’est vrai – et dommage – qu’il y a peut-être moins de repères chronologiques qu’avant.

La mode est aussi aux émissions TV d’Histoire…
C’est bien, mais il ne faut pas trop en faire. Globalement, à la télévision, il y a les émissions sérieuses d’un côté et celles de vulgarisation, de l’autre. Mais qui ont tout de même le mérite d’intéresser ! Comme je le dis, qu’importe le flacon, tant qu’on a l’ivresse…

(La Liberté guidant le peuple, d’Eugène Delacroix)
(La Liberté guidant le peuple, d’Eugène Delacroix)

L’exemple type, c’est Apocalypse, l’excellent documentaire sur la Seconde Guerre mondiale, avec la voix de Matthieu Kassovitz qui n’est pas historien et qui n’a même pas son bac d’ailleurs !
Voilà, c’est la synthèse des deux dont je viens de parler : par exemple, dans Apocalypse, il y a des images rares que je n’avais jamais vues, mais je trouve aussi que la colorisation n’était pas nécessaire. Bon, je pinaille, car le documentaire était très efficace. C’est la preuve que ça fonctionne. Comme Stéphane Bern et ses émissions : ça intéresse les gens. Tout comme ce débat sur Assassin’s Creed et les jeux vidéo.

Justement, Jean-Luc Mélenchon s’est emporté récemment. Il a vu dans ce jeu une « propagande » qui donnait une mauvaise image de la Révolution française. Vous en pensez quoi ?
Ce qui est amusant, c’est qu’un des invités des Salons de Choiseul, Jean-Clément Martin, un pro de la Révolution française, lui a écrit. Il y explique que le jeu vidéo est un loisir qui amuse le public. Ce jeu possède certes quelques informations erronées, mais ce n’est pas dramatique ! Les joueurs ne sont pas idiots, ils savent que ce n’est pas la réalité. Et si ça peut aiguiser leur curiosité… Au moins, ça fait de la pub au jeu ! (rires) L’intérêt des propos de M. Mélenchon, c’est qu’on voit que l’on considère le jeu vidéo comme un produit culturel comme un autre.

Selon vous, vit-on cette notion de Révolution en France ou dans le monde ? Est-ce en train de couver ?
Vaste débat… J’aurais voulu organiser une table ronde sur le thème : « Ça va péter ? ». Moi, je ne pense pas, honnêtement. Les Révolutions ont du mal à percer. Quelle idéologie porterait-on maintenant ? Quelles valeurs, quelles idées ? Quel leader ? Les Printemps arabes ont été déclenchés sur de grandes valeurs : liberté, démocratie, expression… L’explosion a été surprenante et inattendue. Mais regardez ce que ça a donné, excepté en Tunisie. La reprise par les pouvoirs islamistes ou militaires… Pour une révolution, il faut du carburant. Il n’y en a pas assez dans le monde occidental, même s’il y a des problèmes politiques, de répartition des richesses, etc. Il y a davantage de révoltes que de révolutions. Des contestations.

Les révolutions sont-elles toujours des évolutions ?
Je pense que oui. Révolution, littéralement, est un terme astronomique qui signifie pour les planètes « un tour sur elles-mêmes ». Il y aura toujours des évolutions, mais lesquelles ? Positives ou négatives ? C’est un jugement de valeur ! En revanche, je ne pense pas qu’une évolution soit obligatoirement une révolution. À ce titre, on aura deux conférences aux Salons, avec des intervenants qui vont discuter de la théorie de la relativité d’Einstein et une autre sur celle de Darwin : a-t-elle été une révolution ?

Ouh, ça risque de râler avec un titre pareil !
Oui, mais prendre le contrepied, c’est toujours intéressant !

Aux Salons, il y aura des conférences sur le punk, les radios libres, les mouvements libertaires… N’y voyez-vous pas un parallèle avec la société ou le contexte actuel ?
Est-ce que ce ne sont pas les mêmes groupes que l’on retrouve dans les années 1970 avec le punk, les radios libres dans les années 1980 et aujourd’hui avec les ZAD ? Ceux des années 70 ne sont pas pareils que ceux de 2014, mais je pense malgré tout qu’il y a des similitudes. Ce sont des gens sensibles à des causes, qui s’engagent… J’ai l’impression qu’on a toujours le même groupe sociologique. Ou regardez encore les radios libres et pirates qui ont disparu, mais qui ont créé des animateurs tout à fait respectés et respectables. Nagui a commencé sa carrière dans les radios libres. Je pense aussi que ça se retranscrit dans la culture populaire.

On parle des radios libres, il y a le film Good Morning England ou des long-métrages sur la mode punk.
Oui, bien sûr. Ce qui est amusant, c’est de voir comment c’est digéré. Ce qui était perçu comme une révolution à un moment donné est assimilé. La contre-culture devient la culture. Quand les punks sont apparus, ils étaient rejetés. Maintenant, c’est quelque chose d’admis, avec des groupes comme les Sex Pistols qui sont considérés comme un grand groupe de la musique rock. Est-ce le temps qui fait perdre à ces normes leur côté subversif ?

Les Révolutions étaient-elles plus violentes avant ?
Une Révolution n’est pas forcément violente. Par exemple, celle de Velours, ou prenez la Perestroïka avec une violence que Gorbatchev refusait. Il y a un imaginaire français avec la violence, suite à la Révolution française. La violence, c’est une évolution face aux résistances. Elle n’est pas forcément voulue. En 1789, c’est pacifique, mais il y a une évolution vers la Terreur, parce que le pouvoir révolutionnaire est menacé.

Pour finir, votre top 3 des conférences à Choiseul ?
Oh, ça c’est cruel ! (rires) Tout est de qualité. J’aurais pu choisir celles de Jean-François Sirinelli, Jean-Clément Martin ou encore ce qui touche aux Révolutions anglaises. Ils ont été les premiers à décapiter un roi !

>>> POUR CONNAÎTRE LE PROGRAMME DES SALONS C’EST PAR ICI

>> Et pour s’inscrire gratuitement aux conférences c’est par là

Interview Xavier Greffe : "Un tournant culturel"

Xavier Greffe, professeur de sciences économiques à la Sorbonne, est l’auteur de La Politique culturelle en France (2009).

Xavier Greffe
Xavier Greffe est l’auteur de La Politique culturelle en France (2009).

On parle souvent de politique culturelle en France. Mais est-elle encore un modèle, voire d’actualité ?  
Oui et non. Par rapport à d’autres pays, la part de l’Etat et des collectivités locales est très forte. C’est incontestable. Encore aujourd’hui, le système de la culture en France est un système « drivé » par les pouvoirs publics. Mais il y a un autre aspect, plus surprenant : la France devrait faire attention à des pays comme le Japon ou l’Angleterre, qui ont autant d’actions culturelles, même s’il y a moins de gratuité.  Depuis 2008 et 2012, en France, il y a une inversion sensible des tendances budgétaires. Pour les collectivités locales (surtout les communes), c’est 80 % des dépenses culturelles, contrairement au département ou à la région qui dépense beaucoup moins en matière de culture. Les communes dépensent autant que l’Etat.  Pour l’Etat, justement, ça a baissé. La présentation budgétaire a changé. Ce qui continue d’augmenter, ce sont les taxes (par exemple, sur l’audiovisuel). Est-ce à cause des tendances conjoncturelles ? C’est probable… L’autre débat, c’est l’efficacité de ces dépenses !  La consommation culturelle reste une consommation sélective. En France, c’est traditionnel, on s’occupe peu des industries créatives. Comme si la culture était sanctuarisée. Plus elle est pure, mieux c’est…

On parle aussi d’exception culturelle…
Oui, mais c’est de plus en plus partagé, y compris dans d’autres pays. Dans les sommets, on cite de moins en moins la France. D’autres s’y intéressent aussi !

Pensez-vous que l’on soit dans une impasse, au niveau des subventions culturelles ?
Il y a une grosse difficulté dans la collectivité : on se dit, « c’est le musée ou l’hôpital ? » Et ça ne peut être que l’hôpital. Pour l’Etat, c’est différent. Il peut dire « je dois protéger les collections ». L’Etat a un peu de marge. Il y a aussi deux aspects à retenir : d’abord, la possibilité de faire financer les autres, par exemple le crowdfunding. Cela peut marcher dans le patrimoine, même si je ne pense pas que ce soit durable. Et ensuite, les apports privés, mais c’est ambigu et le gouvernement n’ose pas aller trop loin.  Mais il y a une baisse des subventions, c’est clair ! Même pour le Louvre qui voit ses subventions baisser et les prix d’entrée augmenter. Ceci dit, je suis inquiet pour les collectivités locales. Ce serait un drame. Par exemple, pour les subventions aux Centres dramatiques nationaux : elles sont plafonnées. On est déjà de l’autre côté de la montagne…

C’est un tableau peu reluisant…
Disons que c’est un tableau plus compliqué qu’il n’en a l’air.

Est-ce que l’on ne devrait pas, à l’échelle nationale, renouveler notre politique culturelle ?
Je pense, oui. On doit sortir la culture de son ghetto. Les effets potentiels de la culture sur le développement sont considérables. Il y a un domaine où c’est trop raté : le lien culture/éducation. On dit toujours qu’on doit amener les enfants au musée. Mais si les enfants font des ateliers réguliers dans les musées, ça va développer ses capacités créatives. Par exemple, au Louvre Lens : il ne s’agit pas que d’un musée pour que les touristes s’y arrêtent ! Il faut créer des ateliers design, profiter de l’occasion, ou pour reprendre l’expression anglo-saxonne « out reaching » (sortir des murs, NDLR). Le problème, c’est qu’on ne voit pas le musée comme une source de création pour le territoire. Le débat financier pourrait changer de nature. Si la population sent que c’est un chantre de vie, on va voir le musée ou le théâtre sous un angle différent. Les milieux culturels et les artistes sont très conservateurs… Attention à ne pas déculturaliser la culture. En France, il y a un décalage entre art et culture. On dit culture, mais on ne fait que de l’art. C’est l’art qui doit irriguer la culture.

Les choses changent ?  
La France est à un tournant culturel. Elle a fait quelque chose d’exceptionnel, mais aujourd’hui, c’est très fragile. Mais les villes y sont sensibles : Nantes, Bordeaux, Nancy… Il faut sortir de la dimension purement artistique.

Vous avez une vision plutôt pessimiste, non ?  
Non, ouverte ! (rires) C’est vrai qu’il y a une exception française, mais l’erreur est de croire que les autres pays ne sont rien à côté de nous.

À votre avis, quel était selon vous le « meilleur » ministre de la Culture ?  
(longue hésitation) Difficile de répondre… Je dirais Lang et Malraux, ou d’autres comme Duhamel, car il a résolu des problèmes. Je n’ai pas beaucoup d’admiration pour les derniers, à part Filippetti. Maintenant, ce ne sont plus des ministres, mais des directeurs d’administration centrale liés à un président. Ils n’ont pas de projet. Lang a ouvert des portes extraordinaires, Malraux aussi. D’ailleurs, il n’existait aucun ministère de la Culture avant lui ailleurs. Mais il avait aussi beaucoup d’argent dans son budget…

Propos recueillis par Aurélien Germain

L’ouvrage de Xavier Greffe à découvrir ICI