Prix du roman : Petits & grands plaisirs

C’est une Rachel Khan ravie de se voir distinguée pour la première fois, chez elle, à Tours, qui est venue recevoir le Prix du roman tmv à la Boîte à Livres. Avec les membres du jury, elle a passé un long moment à parler de son roman, en toute liberté…

Rachel Khan, Prix du Roman tmv 2016 pour Les grandes et les petites choses (Éditions Anne Carrière). (Photo Hugues Le Guellec)
Rachel Khan, Prix du Roman tmv 2016 pour Les grandes et les petites
choses (Éditions Anne Carrière). (Photo Hugues Le Guellec)

Comment vous l’avez écrit, ce livre ?
J’y ai pensé pendant pas mal de temps et, à un moment donné, j’ai dit Go ! À partir de là, je l’ai écrit en un mois. Je ne me suis plus arrêtée. C’était un peu radical, mais je ne pouvais pas faire autrement. Je voulais que le rythme du livre soit celui d’une course. Je voulais que le lecteur court vraiment en le lisant et qu’il reste toujours dans ce rythme-là.

C’est un roman qui peut vraiment plaire à des jeunes gens : le style est direct et nous plonge dans l’action. C’était votre volonté ?
Oui, j’ai pensé à eux tout le temps, aux jeunes. C’était important pour moi, surtout dans ces périodes compliquées où on leur raconte toujours les mêmes choses. Je ne voulais pas d’effets de style. J’ai sabré pas mal de phrases pour ne pas être dans le descriptif mais toujours dans le sensoriel. Ça rejoint mon travail de comédienne : travailler avec les sens.

C’est un livre qui a une forte musicalité, aussi…
J’ai toujours été baignée dans beaucoup de musiques. La musique classique puis, après, la musique de mon père, le hip-hop, le jazz… Je voulais que chaque personnage corresponde à des notes qui, à la fin, soient en harmonie. Une note, c’est très simple et c’est la diversité des notes qui fait qu’il y a harmonie ou pas. Alors, j’ai joué avec le son des mots. J’ai grandi avec des couleurs différentes dans l’oreille. Entre les accents Yiddsh de ma mère et les accents de l’Afrique de Ouest de mon père, les accents anglophones par dessus tout ça, cela donnait des sonorités vraiment variées. Je voulais qu’on les retrouve dans le livre.

Les Grandes et les petites choses, n’est-ce pas, avant tout, un roman de transmission ?
C’est peut-être lié à la crise de la quarantaine ! Mais oui, c’était une nécessité à un moment donné de ma vie de dire en une seule oeuvre l’essentiel pour mes enfants et, dans le même temps, de rendre hommage à mes parents tant qu’ils sont encore là.

C’est un des grands thèmes du livre, ça. Le brassage des cultures, des différences…
Dans la manière dont les choses sont présentées, et notamment au cours de cette année 2015 terrible, on stigmatise beaucoup et on a l’impression que les gens ne se parlent pas. Que d’un côté il y a les noirs, de l’autre les blancs, les catholiques, les musulmans, les juifs… Alors que non.. Tout le monde se parle, pour de vrai. Je crois vraiment que les histoires d’origines, c’est un alibi. La vraie histoire, elle n’est pas là du tout. En chacun de nous, il y a des histoires qui sont toutes très singulières et qui, en même temps sont très communes. Nous sommes semblables sur 99 % de ce que nous sommes. C’est sur le 1 % restant que l’on stigmatise, les différences.

Des événements très graves et des choses plus légères sont traitées sur le même plan dans votre roman. Pourquoi ce choix ?
Parce que, parfois, dans nos vies quotidiennes, un souci qui n’est pas du tout grave peut prendre des proportions inouïes. On se fait en permanence sa propre hiérarchie des problèmes. En fait, on passe une vie à trouver sa place. C’est ça le vrai thème du livre. Mais pOur moi, au fond, c’est une célébration de la vie. D’ailleurs, durant tout le temps de l’écriture, ce livre devait s’appeler Champagne ! Mais l’éditeur avait peur que les libraires se trompent et croient commander un livre sur le vin.

Diriez-vous qu’il y a une dimension politique dans votre roman ?
Oui. C’est un livre politique, en vrai. Mais politique contre les thèses. Pour laisser à chacun la possibilité de se faire son propre chemin de pensée. Et aussi parce que c’est un livre qui se passe il y a vingt ans, à la naissance de mon fils. À cette époque, il y avait déjà Les graines de problèmes que nous subissons aujourd’hui. Après les attentats de Saint-Michel, les choses étaient déjà là.

1540-1L’HISTOIRE

Les grandes et les petites choses raconte l’histoire de Nina. Elle a 18 ans et vit entre son grand-père juif polonais, tailleur de costumes pour hommes, sa mère, son père gambien et son frère cadet David. L’appartement est un capharnaüm joyeux dont la jeune femme s’évade en pratiquant, en secret, l’athlétisme de haut niveau.

Prix roman tmv : and the winner is…

Notre blogueuse Mademoiselle Maeve vous fait découvrir les cinq romans qui étaient en lice pour le sprint final. A vous de les lire et de vous faire votre idée !

PRIX DU ROMAN TMV / LE GAGNANT :

LES GRANDES ET LES PETITES CHOSES, DE RACHEL KHAN (éditions Anne Carrière) Image5

Sous le nom de Nina Gary, Rachel Khan raconte son histoire. Celle d’une jeune fille de dix-huit ans qui cherche sa place entre un père Gambien qui refuse qu’elle reproduise les clichés de ses origines, un grand-père juif polonais qui lui a transmis sa religion et sa mère qui a été traumatisée par la guerre. Difficile de trouver sa place au milieu de toute cette richesse culturelle et de ses propres envies : la fac de droit, l’athlétisme, les premiers émois… Les grandes et les petites choses est une belle découverte, un excellent premier roman qui lui vaut le prix du roman tmv. La Tourangelle a trouvé sa voix en même temps que sa voie.

Et sinon :

UN AUTRE MONDE, MICHKA ASSAYAS Image4
(Rivages)
Le journaliste spécialiste du rock – il a notamment travaillé pour France Inter, France Musique et Les Inrockuptibles et écrit plusieurs ouvrages sur le sujet – revient sur sa carrière et sur le groupe qu’il a créé avec son fils pour se rapprocher de lui alors qu’il sentait qu’un fossé se creusait entre eux. Une immersion dans l’histoire de la musique post-punk que les amateurs de la scène musicale des années 80 et 90 apprécieront. En revanche, les non mélomanes se sentiront peut-être un peu décontenancés face à toutes les références musicales de l’auteur.

Image8VICTOR HUGO VIENT DE MOURIR, JUDITH PERRIGNON
(l’Iconoclaste)
22 mai 1885, Paris est en deuil, Victor Hugo vient de mourir. En attendant les funérailles, la ville retient son souffle et son chagrin. Sa famille, le peuple, les politiciens, tout le monde se retrouve orphelin. Le roman de Judith Perrignon raconte les quelques jours qui se sont écoulés entre le décès d’Hugo et ses funérailles. Victor Hugo vient de mourir, dans un style très agréable à lire, permet de réaliser à quel point l’homme était apprécié, à quel point son absence laisse un trou béant dans le coeur de tous les Parisiens. À noter aussi, l’esthétique du livre et la belle mise en page des éditions L’Iconoclaste qui rend la lecture vraiment agréable.

L’APPEL DES ÉLÉPHANTS, MARTINE LE COZ Image6
(Michalon)
L’appel des éléphants immerge le lecteur dans le quotidien d’Anil, un cornac indien qui se rend au Botswana pour enseigner le métier de dresseur d’éléphants dans un centre touristique. Sur place, le jeune homme va se retrouver confronté au massacre des éléphants, traqués pour leurs défenses. Le rythme du roman est très lent au départ – on s’imagine très bien en balade sur le dos d’un éléphant avançant au pas et l’on espère qu’il accélérera un peu avant la fin. Eh oui, ouf !, l’intrigue finit par accrocher le lecteur qui ne peut pas s’empêcher de se prendre d’affection pour les personnages principaux du roman : les éléphants.

Image9SANS ÉTAT D’ÂME, YVES RAVEY
(les Editions de minuit)
John Lloyd a disparu. Sa petite amie fait appel à Gu qu’elle connaît depuis l’enfance pour essayer de retrouver son fiancé américain. Mais Gu, amoureux de Stéphanie, n’a pas vraiment envie de voir réapparaître son rival. Lorsque le frère de John débarque, les choses se corsent. Sans état d’âme est un roman court (moins de 130 pages), écrit dans un style très épuré et précis. On retrouve un peu l’esprit des polars ruraux, taiseux – les amateurs de Franck Bouysse apprécieront. On peut seulement regretter que la fin arrive un peu vite et qu’on la voit arriver d’un peu loin…

> Retrouvez tous les coups de coeur de mademoiselle maeve sur son blog : http ://mademoisellemaeve.wordpress.com

Encore merci à nos partenaires : La Boîte à Livres en tête, bien sûr, avec qui est née l’envie de ce prix, mais aussi le Cabinet d’avocats Vaccaro, le Crédit Mutuel, Fil Bleu Kéolis, L’hôtel de l’Univers, toujours fidèles au poste et prêts à remettre le couvert.