Culture en danger : des photos pour mettre en lumière la détresse des acteurs culturels

En ces temps de crise sanitaire, le photographe Romain Gibier a lancé un projet sur la culture en danger, secteur à l’arrêt forcé depuis des mois avec, derrière, des dizaines et des dizaines de métiers… Voici quelques-uns de ses clichés.

« Je veux montrer que la culture existe encore… » Romain Gibier soupire. S’il est photographe de métier, il est également artiste de spectacle, avec quinze années au compteur en compagnie. Alors il parle « d’effondrement ». Vraiment. Partout, des salles fermées et un monde à l’arrêt. « Avec cette crise, on ne se rend pas compte que la culture, c’est une centaine de métiers touchés derrière. »

C’est pour cela qu’il a lancé ce projet photo, où il rencontre des artistes – pour la plupart de Touraine, mais aussi du Mans – et les immortalise « avec leurs vraies tenues » et montre ainsi « chaque corps de métier, pour remettre la problématique en lumière ». Et nombreux sont ceux à passer devant l’objectif : conteur, directeur de musée, effeuilleuse burlesque, danseurs, chanteuse, programmateur culturel, colleur d’affiches ou encore clown et guide-conférencier… Avec, à chaque fois, une mise en scène pensée à deux : Romain et le ou la professionnelle en question.

Un S.O.S, un cri d’alerte en direction du grand public. « D’ici peu, ces photos seront affichées sur le Bateau ivre. L’idée est aussi d’avoir des salles culturelles qui nous suivent. Il faut que l’on se soutienne tous et toutes », rappelle Romain Gibier. Avis aux intéressé(e)s…

> facebook.com/ romaingibierphotographe

⇒ Une aide financière pour soutenir le projet et l’impression dans divers lieux peut également être apportée.

Texte : Aurélien Germain / Photos : Romain Gibier


Retrouvez d’autres photos dans notre numéro 379 (également disponible sur la rubrique PDF de notre site ou en téléchargement ICI)

A Grande-Synthe, des lycéens tourangeaux aux côtés des migrants

Dans le dernier numéro de tmv, retrouvez un portfolio retraçant la semaine de lycéens tourangeaux qui ont œuvré auprès d’associations aidant les migrants à Grande-Synthe.

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Ils sont huit. Huit lycéens de Notre-Dame La Riche à avoir choisi de s’engager dans un projet humanitaire qui a changé pour toujours leur façon de voir la question des migrants et des différences en général.

Pendant une semaine, du 15 au 21 décembre dernier, ils ont vécu au contact des migrants, à Grande-Synthe, près de Dunkerque. Ils ont dormi dans les locaux d’Emmaüs et, chaque jour, ils ont partagé, en bénévoles respectueux des procédures en place, le travail des associations agréées.
Ils ont participé à des distributions de nourriture, ils ont joué au foot avec des gamins qui n’avaient plus souri depuis longtemps, ils ont partagé des moments et des histoires de vie avec des humains dont ils ne connaissaient pas la langue. Ils ont vu et entendu tous les acteurs de ce drame social qui se joue encore tous les jours, sous l’oeil avide des caméras comme dans l’indifférence générale.

Les migrants, bien sûr, dont les histoires les ont touchés, mais aussi les politiques, les policiers, les militants associatifs, les habitants. Ils en sont revenus à la fois plus sensibles et plus forts et ont souvent, depuis, un peu de mal à faire comprendre aux autres ce qu’ils ont vécu et la réalité de ce qu’ils ont vu. Grâce au photographe Olivier Pain, qui a vécu en immersion cette expérience, ils ont pu mettre des images et des mots sur cette semaine si particulière.

Photos : Olivier Pain, photoreporter

>> Le portfolio dans son intégralité, ainsi que les témoignages des lycéens, sont à retrouver dans le numéro 322 de tmv <<

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« On faisait des activités avec les enfants, comme du dessin et ça leur permettait de s’exprimer. Je me souviens par exemple d’un enfant qui avait dessiné des gens qui pleuraient, des bâtiments qui s’écroulaient. » « Je me souviens que le lundi, on a fait de la peinture au centre d’accueil. On a dessiné des mains de couleur sur du papier blanc et moi, j’ai trouvé ça très beau, comme un symbole. »

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« Il y a une chose qui m’a marquée : il y avait un homme, il avait des bananes et des bonbons et il me les a donnés. Même en ayant très peu de choses, les migrants voulaient nous donner ce qu’ils avaient. Quand on avait froid, on nous proposait un manteau, alors que c’était plutôt à nous de leur donner des choses, normalement. »

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Gilles Martin, artiviste à la Une

Gilles Martin, photographe tourangeau est à l’origine du concept d’artivisme qui consiste à utiliser l’art à des fins militantes. Le mensuel Chasseur d’images de ce mois-ci salue par un dossier exceptionnel à la fois son travail de photographe et son engagement pour la cause animale.

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(Photo Gilles Martin)

Ses photos faisaient la Une de tmv en juin 2016. Gilles Martin, photographe animalier tourangeau et infatigable globe-trotteur nous présentait les images qu’il a faites des gorilles des montagnes au Rwanda, au Congo et en Ouganda pendant plus de dix ans. Mais pas seulement des images pour faire joli. Des images aussi et surtout pour alerter sur la situation de ces grands singes qui pourraient bien avoir disparu à l’état sauvage à l’horizon 2027. C’est à dire demain.

Le mensuel Chasseur d’images (plus gros tirage de la presse photo en Europe) a choisi, ce mois-ci, de consacrer un dossier de treize pages au photographe tourangeau et à son « artivisme » (conjugaison d’art et de militantisme). « Pour ceux qui sont engagés dans la défense des grandes causes, le seul moyen de lutter contre l’indifférence consiste à marquer les esprits avec des actions chocs pour sortir le public de sa torpeur », écrit le mensuel spécialisé.
Et le journal choisit de raconter dans le détail et photos à l’appui l’incroyable campagne de happening que Gilles a menée à l’été 2016, à New York, pour alerter sur la situation des gorilles. NEWS_GILLES MARTIN_Couverture

Une action qui tient à la fois du street art et de l’urbex, cette pratique qui consiste à réaliser des photos dans des lieux abandonnés pour leur redonner sens et vie. On y découvre comment le photographe choisit les endroits de la ville, les coins de rue ou les ponts où il montrera sa photo. Comment il prépare son action en trouvant le bon support, un emballage de téléviseur, un vieux cadre, en le préparant et en le mettant parfaitement au format adapté à sa cible. Puis vient le moment de la pose, du happening.
Ensuite, Gilles se remet dans la peau du photographe et immortalise l’ensemble, avec les mouvements et les lumières de la ville.

Là, un pitbull sous un porche qui semble veiller sur la dépouille d’un gorille, ici un skater qui s’échappe du cadre comme une ombre filante. Le magazine publie même sur une double page, l’image d’un coffre de banque qui semble tout droit sorti d’une grosse production hollywoodienne de l’intérieur duquel un bébé gorille nous contemple avec son regard inquiet. « J’ai vu ce coffre dans une banque abandonnée en pleine ville, raconte Gilles. Et le trésor, bien sûr, c’est le singe… ». Tout est dit.

> Le numéro 402 de Chasseur d’images est disponible en kiosques jusqu’au 10 avril, 5,90 €.

Portfolio : plongée dans l’Ouest américain

Le photoreporter tourangeau Olivier Pain a avalé 5 600 km, entre la Californie, le Nevada ou encore l’Arizona. Pendant 15 jours, son appareil photo a chauffé. Résultat ? Des tonnes de clichés, pour « ramener un échantillon de la vie de là-bas, où tout est en contraste ». À quelques jours de l’investiture officielle de Donald Trump, tmv vous emmène pour un petit voyage américain.

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(Photo Olivier Pain)

Bryce Canyon Park, un incontournable de l’Ouest américain, situé au sud de l’Utah. « Un endroit magique et énormément entretenu », résume Olivier Pain.

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(Photo Olivier Pain)

Ces alarmes à incendie se trouvent à chaque coin de rue à San Francisco. En 1851, la ville avait été ravagée par les flammes. En 1906, un séisme, suivi d’incendies, avaient fait 3 000 morts. SF est situé sur la faille de San Andreas.

 

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(Photo Olivier Pain)

Las Vegas, ville fondée par les mormons, est souvent connue pour le Strip boulevard et ses casinos. La « vraie ville », elle, compte plus de 590 000 habitants et fut la 5e la plus touchée lors de la crise de 2008. On estime à 400 le nombre de personnes vivant dans les égouts de Vegas. Olivier Pain dit vouloir « y retourner, afin de voir l’envers du décor ».

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(Photo Olivier Pain)

Une photo en extérieur ? Pas du tout. Il s’agit d’une galerie marchande à Las Vegas. Le faux ciel est peint au plafond.

 

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(Photo Olivier Pain)

Cette usine en plein désert alimente une partie de Las Vegas. Elle es située à côté d’Antelope Canyon, que les Najavos surnommaient « le lieu où coule l’eau à travers les rochers ».

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(Photo Olivier Pain)

« Tout est en contraste en Californie », souffle Olivier Pain. La photo a été prise sur le célèbre Hollywood Boulevard.

(Photo Olivier Pain)
(Photo Olivier Pain)

Plongée dans les couloirs de la prison d’Alcatraz.

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(Photo Olivier Pain)

« J’ai travaillé cette photo en pause longue, pour montrer le temps qui passe », dit Olivier Pain à propos de ce cliché réalisé dans le Parc de Yosemite. « Le muret de pierres a été construit… »

 

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(Photo Olivier Pain)

Le Lower Antelope Canyon, situé dans la réserve indienne des Navajos.

 

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(Photo Olivier Pain)

Los Angeles. Quartier des affaires.

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(Photo Olivier Pain)

Dans le quartier chinois de San Francisco. Sur l’affiche, il est écrit « Si vous prenez une photo, merci de payer 50 cents. Merci ».

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(Photo Olivier Pain)

 

Le cimetière militaire, sur la butte de la ville de San Francisco.

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(Photo Olivier Pain)

Un des nombreux « villages abandonnés »… qui sont aussi et surtout des sites touristiques.

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(Photo Olivier Pain)

« Les gens oublient parfois de regarder simplement ce qu’ils ont en face d’eux. »

 

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(Photo Olivier Pain)

« Un coin de rêve à Monument Valley », indique Olivier Pain. Avant d’ajouter en souriant : « Le selfie n’est pas la finalité des choses. »

PHOTOS : Olivier Pain, photoreporter
LEGENDES : Aurélien Germain

> Pour voir d’autres photos : olivier-photoreportages.com/tag/usa

[Toutes les photographies de ce portfolio sont la propriété exclusive d’Olivier Pain, photoreporter à Tours. Sauf autorisation explicite et écrite d’Olivier Pain, toute interprétation, utilisation partielle ou totale d’une ou de plusieurs images est strictement interdite.]

 

Gilles Martin : photographe et couteau suisse

Bricoleur et rêveur, le reporter-photographe animalier Gilles Martin, a installé son atelier à Tours, au dernier étage d’un immeuble qui surplombe la ville.

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(Photo Gilles Martin)

Sorte de tour d’ivoire, nid de verre où il entrepose avec soin ses photographies et ses objets fétiches comme un scialytique – éclairage d’hôpital – des années 1960, une table de travail réalisée par ses soins ou encore une bibliothèque remplie d’ouvrages sur la biodiversité. L’univers de Gilles Martin en dit long sur sa personnalité : dynamique, artistique, raffinée. Tout commence lorsque, enfant, il pose un regard curieux sur les animaux sauvages. Dans la cour de son école, il reconstitue des zoos avec des figurines d’animaux.
Quand ses parents font l’achat d’un téléviseur en noir et blanc, il dévore les films animaliers de Frédéric Rossif, les aventures de Christian Zuber et les documentaires du Commandant Cousteau. À onze ans, il décide que, lui aussi, deviendra cinéaste animalier. Adolescent, il emprunte les jumelles de sa grand-mère pour observer les oiseaux. Ses premières armes, il les fait dans la forêt de Villandry : « Avec mes amis, on se levait à 4 h du matin pour aller prendre des clichés de chevreuils. » sourit-il. Depuis Gilles Martin a exploré bien d’autres lieux du monde pour photographier la faune, muni de grands-angles et de téléobjectifs.

En 1992, alors qu’il effectue son métier de prothésiste dentaire, ses images sont repérées par l’agence Gamma. Un élément déclencheur pour Gilles Martin qui décide à 32 ans de se consacrer entièrement à sa passion. Il se souvient : « Je ne m’y attendais absolument pas, c’est un rêve qui se réalisait. » Il a depuis coloré les pages de magazines tels que National Geographic, GEO, Life ou encore Terre Sauvage. Il a également publié de nombreux livres aux éditions de La Martinière. Sans cesse en train de se réinventer, Gilles Martin souhaite « sortir la photographie animalière de son cadre habituel pour lui donner une dimension militante. »

Travailler comme un orfèvre

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(Photo Gilles Martin)

Féru de macrophotographie, il focalise parfois l’objectif de son appareil sur des détails du corps, de la peau, des ailes ou des yeux. En témoigne un grand tableau exposé dans son appartement. De l’art abstrait ? « Non, la photographie d’une roche prise au microscope », s’amuse Gilles Martin. La macrophoto c’est « un travail d’orfèvre ». Sur son écran d’ordinateur, il montre la photographie en gros plan d’une araignée saltique à l’affût et commente, enthousiaste : « ses yeux sont comme des bijoux. » Difficile pour lui de choisir, mais sur le podium de ses animaux favoris figurent : la libellule, la baleine à bosse et le gorille des montagnes.

Sur l’un des murs de son bureau s’étend une immense carte du monde magnétique qui situe chaque espèce. « Je suis allé un peu partout, dans 90 pays au total », confirme le reporter. Prochaine destination ? Pour l’adepte de la cryptozoologie – la science des animaux disparus ou mythiques – ce serait de monter dans la DeLorean du Doc (Retour vers le Futur) pour aller photographier les dinosaures du crétacé. Véritable « couteau suisse », comme il aime à se comparer, Gilles Martin multiplie aujourd’hui les projets : « Je veux réaliser tous mes rêves pour ne rien regretter. » Organisation de stages photographiques, de voyages, d’expositions, Gilles Martin a également lancé cette année trois sites.
Un site éponyme au nom du photographe qui présente son travail et ses projets ; L’Arche photographique pour sensibiliser le grand public à la dégradation de la biodiversité ; et Biospher pictures, une collection de plus de 25 000 photos et vidéos destinées aux professionnels de l’image. Dernier projet en cours : la mise en place d’un atelier/galerie, le Top Floor Studio destiné à exposer ses tirages photographiques, sculptures, collages et installations artistiques auprès de collectionneurs privés, galeristes et musées.

> gilles-martin.com, arche-photographique.org, biospher-pictures.com

2027 : Gare aux gorilles !

Cent trente croix où figure sur chacune la photographie d’un gorille des montagnes, espèce en danger. Avec cette installation créée en 2013 qui reconstitue un cimetière américain, le photographe tourangeau Gilles Martin oriente son travail vers l’artivisme : utiliser l’art pour faire passer des messages. Son happening « 2027 : Mémoires d’un dos argenté » projette le public dans un scénario où il n’y aurait plus de gorille des montagnes.
Objectif : alerter sur un possible futur et « cogner ». Gilles Martin constate : « Explorer cette nouvelle dimension de la photographie m’a permis d’avoir des discussions que je n’avais jamais eues avec mes précédentes expositions. Les personnes qui assistent à l’happening sont très touchées et prêtes à agir pour changer les choses. » Cet été, le photographe se rendra à New York puis à Berlin pour faire des collages. Le street-art est une nouvelle occasion pour lui de mettre sa créativité au service de ses idées. Il confie d’ailleurs : « Aujourd’hui, je me sens plus artiviste que photographe. »

>> Retrouvez l’intégralité du portfolio dans le dernier numéro de tmv (n°216)

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(Photo Gilles Martin)

Expo photo : t’es Capa ou t’es pas Capa ?

Tours accueille une expo unique en France : une découverte toute en couleurs de Robert Capa.

Voir le monde en couleur alors qu’il est terne… Près de 150 tirages couleur d’époque de Robert Capa, le célèbre photographe, sont désormais visibles au Château de Tours. Parmi ces oeuvres figées, des documents personnels, aussi. Une expo unique en France. Une première. Menée en collaboration avec Le jeu de Paume.

En 1938, alors qu’il était en Chine pour couvrir la guerre, Robert Capa, surtout connu pour ses clichés en noir et blanc, a écrit à son frère pour lui demander de lui envoyer des bobines de pellicules Kodachrome, inventées deux ans plus tôt. Des raretés à découvrir d’ailleurs à Tours, parmi une centaine d’autres. Des reportages qui prouvent que l’artiste s’intéressait à la photo couleur avant même qu’elle soit utilisée par les photojournalistes. Des photos traitant aussi bien des conflits que de Picasso, des sports d’hiver, que de la France en général.

> Robert Capa et la couleur, jusqu’au 21 mai 2016. Au château de Tours, du mardi au dimanche, de 14 h à 18 h.
Tarifs : 3 € (plein), 1,50 € (réduit), gratuit pour les scolaires.

Désir… désirs : Genre, l’expo !

Elle est lui, il est elle : la nouvelle expo de la photographe Nikita, à l’occasion du festival Désir… Désirs, s’affronte au genre. Visite guidée.

Nikita (Photo tmv)
Nikita (Photo tmv)

Je n’aime pas les étiquettes. Nikita le répète à plusieurs reprises. Elle cligne des yeux en souriant timidement. Ses paroles résonnent dans la grande salle de la bibliothèque centrale. Cinq de ses diptyques y sont exposés. Sur ces grandes photos en noir et blanc, cinq sujets prennent la pose. Version homme, version femme.
Première impression étrange : impossible d’identifier leur sexe d’origine. Elle lance, énigmatique : « Leur véritable identité se situe à peu près au milieu de ces deux photos. » Nikita a l’idée de cette série en 2009. « Je n’avais pas le temps de la commencer, j’avais plusieurs casseroles sur le feu. » Elle attend alors quatre ans avec cette idée en tête. « Ce n’est pas une réaction à l’actualité. » C’est un acte militant. « Quand j’ai commencé à shooter et à discuter avec les personnes, je me suis rendu compte que ce travail allait remuer beaucoup de choses. » Ses personnages, elle les repère dans la rue, à un vernissage, dans la vie de tous les jours. La photographe les choisit pour leur physique, « je les imagine dans le sexe opposé et si ça marche, je leur propose de poser. »

Elle ne sait pas que chacun d’entre eux va alors être perturbé par la séance qui suit. « J’ai découvert que le genre qui nous est imposé par l’éducation, la société, ne correspond pas à celui que nous souhaitons. Plus je parlais avec eux, plus ils me dévoilaient leur malaise. Est-ce que c’est moi qui les ai choisis en sentant ce trouble ou tout le monde souffre du genre qui lui est imposé ? » Pas de réponse.
Et puis, les séances la rattrapent à son tour. « Je me suis rappelée, petite, je revendiquais d’être une fille réussie plutôt qu’un garçon manqué. » Son enfance engagée afflue en appuyant sur le bouton de son appareil photo. Pas vraiment portraitiste, ni spécialisée dans le noir et blanc, Nikita se concentre sur le regard, elle essaye de capter « ce qui se dégage de féminin et de masculin. » Pour mieux le mettre en doute. « Je mets le doigt sur une souffrance infligée par notre société. Garçon ou fille ? Nous sommes avant tout des êtres humains. »
B. Renaudin

L’ÉVÉNEMENT
L’EXPO
Nikita a posé ses photos dans deux lieux : la bibliothèque centrale et la Chapelle Sainte- Anne dans laquelle elle diffuse également les témoignages des modèles. Jusqu’au 31 janvier, entrée libre. Pour les horaires : festival-desirdesirs.com

LE FESTIVAL
Elle est lui, il est elle de Nikita s’inscrit dans une programmation beaucoup plus large du festival Désir… Désirs. Depuis 22 ans, cet événement mélange débat, expo, films, concert avec cette idée qu’il faut accepter la différence de l’autre.
On vous propose nos trois coups de coeur :
>>UN FILM : LES NUITS D’ÉTÉ Pour la soirée d’ouverture, le mercredi 21 janvier, Désir… Désirs commence avec la projection de ce film de Mario Fanfani. Quand un notable de Metz se travestit en cachette dans les années 1950, c’est en général source de questionnement… À 19 h 45, en présence du réalisateur, aux Studio.
>>UN P’TIT DÉJ Toujours aux Studio, Désir… Désirs a demandé à Ciclic une sélection de six courts-métrages à déguster le dimanche 25 janvier avec un croissant. À 10 h 30.
>>UNE PIÈCE Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon, c’est un spectacle tout public (à partir de 5 ans) sur une petite fille qui ne cherche qu’à être elle-même. Au théâtre de Vaugarni (Pontde- Ruan) le dimanche 1er février, à 16 h 30. Plus d’infos sur vaugarni.fr

Les visages du quartier Velpeau #1

Bobo, ouvrier, petit village… Velpeau a ses appellations mais il a surtout des habitants qui le font vivre. Même s’ils viennent d’horizons différents, ils ont tous un morceau du quartier en eux.

DAVID BERRUÉ, ARCHÉO-PUNK
David Berrué reçoit dans sa maison, celle qu’il partage depuis des années avec Béatrice Myself et leurs enfants. Son nom sonne un peu comme Berrurier. Étrange coïncidence, l’homme collectionne tout se qui se fait sur le punk français des années 1980. Un peu timide, dès qu’il se met à parler de son label Euthanasie records, sa grande silhouette s’anime. Il fouille, déniche, écoute, dépoussière cette mémoire faite de morceaux énervés, de paroles engagées et de musiciens punk. Maison d’éditions, site internet, archives ouverte à tous, label de musique, Euthanasie records fait tout. De sa petite maison à Velpeau, il envoie ses rééditions de vinyles partout dans le monde. Il est multitâche. Graphiste, archiviste, depuis 15 ans, il remue cette mémoire punk en fan avéré. David Berrué s’est construit une réputation de spécialiste dans ce milieu qui prône le do it yourself. « J’ai toujours aimé l’archéologie, » explique-t-il en ouvrant une grande armoire métallique remplie d’affiches de l’époque. Ce travail de mémoire est accessible à tous sur son site internet. Les profits qui font vivre le label viennent des rééditions de raretés et des livres publiés. Il vient de ressortir un album de Foutre, un groupe tourangeau quasi mythique pour les quinquas du coin. « Ce sont ces moments que je préfère, quand je recontacte un groupe pour leur dire que j’ai retrouvé de vieilles bandes ou des articles de presse qu’ils n’avaient pas gardé à l’époque. » En savoir plus sur le travail de David Berrué sur euthanasie.records.free.fr
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BÉATRICE MYSELF, TATOO-ARTISTE
Nichée dans une impasse proche de la place Velpeau, sa maison ressemble à celle d’une poupée qui écouterait du punk-rock en boucle. Béatrice Myself reçoit avec calme et simplicité. Les murs de son salon sont invisibles, cachés derrière des pans de livres, de figurines et de dvd. Son jeune fils l’accapare avec de grands sourires. Béatrice Myself vient d’ouvrir avec le graphiste Guillain Le Vilain une échoppe de tatouage quai Paul-Bert. Pas n’importe quel salon, ils proposent des tatouages uniques, faits par des artistes, pour des tatoués exigeants sur la qualité. « Pas de licorne ou de portrait de Johnny, à moins que l’image ne soit complètement transformée, rigole Béatrice Myself. Beaucoup de personnes collectionnent les tatouages de graphistes qui se tournent de plus en plus vers cette pratique. » Elle change de média artistique mais sa patte graphique reste. Steam punk, gothique, punk tout court, enfantin, rock’n’roll, fantastique, onirique… la liste des adjectifs sur ses dessins à tendances naïves s’allonge en voyant l’encre défiler sur les peaux photographiées. « J’adore les dessins d’enfants, ils semblent tout naïfs au début mais ils sont chargés, tendus, plein de sous-entendus. Je n’aime pas que tout soit lisible d’un seul coup d’oeil sur un dessin. » Et Velpeau ? « J’y habitais et puis je suis partie. Quand on a trouvé cette maison, je ne pensais pas revenir mais c’était le coup de foudre. Ce n’est pas un quartier très beau mais il existe un vrai lien entre les habitants.
Voir ses dessins sur beatricemyself.blogspot.com
VALÉRIE SCHNEIDER, ÉGALE AU QUARTIER
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À part un petit séjour à la campagne, Valérie Schneider n’est jamais vraiment partie de Velpeau. « Je crois qu’il y a toujours le même esprit. Ce n’est pas forcément celui d’un village, mais j’observe la même proximité entre les habitants du quartier qu’à l’époque de mes grands-parents. » C’est aussi dans le quartier qu’elle a trouvé son travail actuel. Depuis huit ans, elle travaille à l’Observatoire des inégalités, fondé par le journaliste Louis Maurin et le philosophe Patrick Savidan. « Ils étaient voisins à Velpeau, et amis. Nous étions plusieurs à passer des heures devant l’école Velpeau à parler des inégalités dans notre société. En 2003, ils ont décidé de lancer l’association. » En proche convaincue, elle donne un coup de main bénévole. Deux ans après, elle est embauchée pour structurer l’Observatoire qui grandit. Comptabilité, écriture d’articles, gestion du site internet, elle joue la polyvalence. « Au début, je travaillais dans ma chambre » rigole-t-elle. Aujourd’hui, ses bureaux sont installés au Sanitas et le site internet accueille plus de 5 000 visiteurs chaque jour. L’Observatoire fête cette année ses 10 ans d’existence. « On ne peut pas trop parler d’anniversaire quand on parle des inégalités. » La petite association créée en réaction au second tour de la présidentielles de 2002 est devenue référente sur cette question. Grand public, décideurs politiques, acteurs économiques, les études, les publications de cet organisme indépendant souhaitent sensibiliser tout le monde. « Les inégalités existent encore malheureusement, mais nous pensons modestement avoir un rôle dans la prise de conscience des progrès à faire. »
Pour tout lire sur les inégalités : inegalites.fr
NIKITA, MITRAILLEUSE
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Les vieilles malles s’entassent sur le haut des étagères de son atelier. À l’intérieur, du matériel, des photos. Des souvenirs. « J’en achète dans les brocantes », ditelle le regard rêveur. Ces valises truffées de clichés symbolisent à merveille les deux passions de Nikita : la photo et les voyages. À 57 ans, elle a baroudé, traîné son appareil photo dans un nombre de pays qu’elle ne compte plus. Turquie, Malaisie, Maroc… Elle raconte avoir toujours eu « le goût du voyage et des cultures différentes ». C’est même plus qu’un goût. Cette attirance s’apparente à une boussole, un guide. Nikita applique à la photographie son mode de vie de voyageuse. Quand elle débarque dans une nouvelle ville, ses sens s’éveillent. Idem quand elle mitraille. « La photo permet une intrusion. J’adore tout observer. Les lieux, la façon dont certains objets sont rangés. Ça dit beaucoup de choses des personnalités », analyse-t-elle. Et pourtant, Nikita a commencé à exercer à fond sa passion il y a seulement treize ans. Avant, elle a refréné ses envies. « J’ai un regret : mon orientation », ditelle. Manque de confiance, de connaissance de soi. Elle est mal à l’aise en arrivant à 11 ans, à Tours, dans une école de filles, après une enfance dorée en Allemagne, dans une cité où tout le monde se côtoie. Un peu comme à Velpeau, qu’elle a choisi bien des années plus tard. L’artiste choisit une filière générale et devient prof… d’allemand. « Ce que j’aime dans ce métier, c’est le bain constant dans la jeunesse », admet-elle. Comme si elle retrouvait l’ivresse manquée de son adolescence et libérait une créativité, trop longtemps enfouie, à travers la photo.
Voir son site : photonikita.com
 
Voir d’autres portraits de Velpeau ? C’est par ici !