Soutenir l’Observatoire des inégalités

Crowdfunding, concert, publication… L’association lance des projets. Il est aussi à la recherche de donateurs pour continuer son travail.

Le rapport

« Le budget annuel pour faire tourner actuellement l’Observatoire des inégalités est d’environ 100 000 euros avec une équipe de 3 salariés pour le faire tourner. » Pour Louis Maurin, c’est insuffisant. Mais cela n’empêche pas l’association de sortir le 1er juin prochain un grand rapport sur les inégalités en France. Revenus, éducation, égalité homme-femme, jeunesse, emploi… L’Observatoire des inégalité a fait appel à ses experts, universitaires, professeurs pour décrypter la société française d’aujourd’hui. Édité sous la forme d’un livre, ce rapport vise le grand public. « Nous n’avons pas de partenaires financiers, nous sommes indépendants. Notre vecteur d’info principal c’est notre site web qui enregistre chaque jour environ 8000 pages vues. Nous constatons d’ailleurs que l’audience augmente toujours », explique Louis Maurin.
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Le financement

GraphiqueAvec un budget annuel trop faible, l’Observatoire des inégalités a lancé une campagne de financement participatif le 20 mars dernier sur le site Ullule. Preuve de l’intérêt de beaucoup de citoyens pour le travail de l’observatoire, l’objectif de 8 000 euros a été atteint au bout de quelques jours. Il reste encore deux semaines pour participer. Le crowdfunding offre une bouffée d’air à la publication du rapport de l’Observatoire des inégalités. Reste à le diffuser dans les associations, auprès des particuliers…
Plus d’infos sur fr.ulule.com/etat-inegal

Le concert de soutienBoogers

Dans un but de ramener des sous dans les caisses pour continuer à faire fonctionner l’association, l’Observatoire des inégalités organise un concert à la Pléiade le jeudi 16 avril prochain. Et même si vous ne vous sentez pas forcément concernés par l’activité de cet organisme, vous pourriez être intéressés par les artistes qui sont programmés. D’abord, l’énorme Boogers avec son rock foutraque, anarchique et ses paroles barrées, suivra le duo que tout le monde aime : Volo. Les deux frangins (dont un a fait partie des Wriggles) font de la chanson française qui parle de vous, d’eux, de soirées entre potes, de la société, de football, de capitalisme.
Billets en prévente au magasin Terres Natives (21 rue de Bordeaux) ou sur place. Entrée de 15 à 20 euros.

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La lutte de l’Observatoire des inégalités : interview de Louis Maurin

Louis Maurin, le fondateur de l’Observatoire des inégalités nous a reçus pour parler des 12 ans d’existence de cet institut indépendant basé à Tours. Grand entretien.

Louis Maurin (Photo tmv)
Louis Maurin (Photo tmv)

Louis Maurin nous accueille dans les locaux de l’Observatoire, au premier étage d’une tour du Sanitas, à quelques pas de la gare. Journaliste, il a notamment fait ses armes au magazine Alternatives économiques. C’est un des fondateurs de l’Observatoire des inégalités à Tours avec le philosophe Patrick Savidan. Aujourd’hui, Louis Maurin est consultant pour le Centre d’observation et de mesure des politiques d’action sociale (Compas). Poignée de main ferme, il se félicite des fenêtres qui viennent d’être changées dans les locaux, « c’est quand même fou que dans les logements sociaux on doit attendre 20 ans avant d’en remettre des neuves ». Il se pose à la table de la petite salle de réunion, tend la main pour prendre un M&M’s.

« Vous en voulez un ? »

Oui, volontiers. Merci. Pourriez-vous revenir sur la création de l’Observatoire des inégalités ?
Disons que l’histoire commence en 2002. Je suis dans la rue avec Patrick Savidan, qui est professeur de philosophie. C’était mon voisin à Tours. Le Pen vient de passer au deuxième tour des présidentielles. Nous étions révoltés. Nous ne voulions pas rester les bras ballants. Faire de la politique ? Monter une association de lutte contre les inégalités ? Et si nous utilisions notre matière grise ? C’est comme cela que l’Observatoire des inégalités est né en quelque sorte. Nous avions une ligne simple, qui est encore la même aujourd’hui : faire appel à des chercheurs et des penseurs pour un état des lieux permanent des inégalités en France. Nous voulions montrer ce décalage de la réalité entre la perception de la société et celle montrée par les médias par exemple.

En 2003, quand vous montez cet observatoire, il n’existait pas vraiment de modèle…
Non, c’est vrai, à l’époque je suivais beaucoup ce que faisait le site inequality. org aux États-Unis. Là bas, il existe une multitude d’organismes indépendants, de centres d’étude. En France, nous en avons très peu. à part la Fondation Abbé-Pierre, Amnesty international… Depuis quelques années, des observatoires comme le nôtre se sont montés en Europe. Le dernier en date, en Belgique, s’est complètement inspiré de notre modèle français. Tant mieux.

Graphique extrait de l’enquête « Le taux de chômage selon le diplôme et l’âge » publié sur site web de l’Observatoire des inégalités et réalisé en janvier 2015. Plus sur inegalites.fr (Photo Observatoire des inégalités)
Graphique extrait de l’enquête « Le taux de chômage selon le diplôme et
l’âge » publié sur site web de l’Observatoire des inégalités et réalisé en janvier
2015. Plus sur inegalites.fr (Photo Observatoire des inégalités)

Comment s’est passée la création ?
Nous avions zéro ressource matérielle et voulions rester indépendants. Ce qui est encore le cas aujourd’hui puisque nous touchons seulement une aide à l’emploi du Conseil régional. Au début, donc, le magazine Alternatives économiques a lancé un appel aux dons dans son courrier des lecteurs. Et, à notre grande surprise, nous avons reçu une cinquantaine de chèques. Aujourd’hui, nos donateurs sont des personnes âgées, des jeunes, des personnes diplômées ou non, dans toute la France. Des personnalités comme Thomas Piketty, qui trouvait l’idée très bonne, nous ont beaucoup soutenus médiatiquement. L’an dernier, nous avons réussi à collecter 45 000 euros, ce qui représente la moitié de notre budget. Le reste, nous le finançons principalement avec des formations ou des publications.

Comment qualifier le travail de l’Observatoire des inégalités : militant ? Engagement citoyen ?
Hum… Je n’aime pas trop le terme d’engagement citoyen qui est galvaudé. Militant, pourquoi pas, mais pas dans le sens d’un programme politique. Nous faisons appel aux sciences humaines pour déchiffrer la société française avec des tableaux, des chiffres, des opinions, des analyses. Nous ne voulons pas d’entre-soi. En France, nous avons une culture de la rhétorique. C’est celui qui parle le plus fort qui a raison. On entend souvent dire que l’on manipule facilement des chiffres. C’est sûr qu’avec un même graphique, les discours peuvent être différents. Mais seulement si l’hypothèse de départ change.

Par exemple ?
Prenez le seuil de pauvreté, en fonction du seuil choisi, on peut passer de 5 à 8 millions de personnes vivant en dessous. Nous essayons d’être le plus juste possible dans les outils de mesure du niveau de vie ce qui nous permet de remettre en cause certains discours sur les niveaux de vie ou, par exemple, cette vision de la France pauvre des zones pavillonnaires.

Vous disiez que vous n’êtes pas affilié à une pensée politique, alors comment vous classer ?
Ce que j’aime, c’est quand on ne peut pas nous mettre dans une case. Nous entretenons la confusion quand il s’agit de définir notre statut. Nous sommes à la fois un média, notre site internet est grand public, et à la fois nous apportons une expertise.

Si vous deviez faire un bilan de ces 12 années d’existence ?
Nous sommes installés pour l’éternité ! Des injustices et de inégalités, il y en aura toujours. Après, je dirais qu’elles évoluent. Je suis foncièrement optimiste. D’ailleurs si ce n’était pas le cas, j’arrêterais tout de suite. Je refuse d’alimenter les polémistes comme Zemmour qui n’arrêtent pas de répéter que c’était mieux avant, qu’il n’y a plus d’avenir. Je ne suis pas non plus dans le « tous pourris ». C’est bien plus complexe. Prenez la fracture numérique, très importante au début des années 2000. Aujourd’hui, elle a presque disparu. L’égalité homme-femme progresse maintenant, elle stagnait depuis des années, l’espérance de vie des ouvriers augmente. Nous observons des progrès et des retards. Mais il faut arrêter de dire que nous sommes dans une société en déclin.

Pourtant, vous continuez…
Oui, nous mettons en garde contre les moyennes qui masquent la réalité. Il y a ce discours sur la crise qui dramatise et empêche de voir les écarts qui se creusent. On peut dire que les jeunes, aujourd’hui, ont beaucoup plus de mal que d’autres catégories mais il faut aller plus loin. On voit que le marché du travail est aujourd’hui scindé en deux. La situation est complètement différente entre les jeunes diplômés qui s’installent dans une entreprise et les autres qui tournent d’entreprises en entreprises. Maintenant, il y a un risque par rapport à ces jeunes. Soit vous leur tenez le discours bourdieusien qui consiste à dire que s’ils sont dans une situation compliquée c’est à cause de la reproduction sociale. Et là il n’y a pas d’issue, ils vont intérioriser cette inégalité. Soit il y a l’autre extrême disant que n’importe qui peut faire n’importe quoi à moins de se donner les moyens, peu importe son milieu.

C’est quoi l’entre-deux alors ?
Je crois que dans le système actuel, très compétitif, il est impossible de chercher l’égalité des chances, tout le monde ne peut pas atteindre la même place. À l’Observatoire, nous essayons de poser les bonnes questions. Le sociologue François Dubet, qui collabore avec nous, remet en cause par exemple l’organisation de l’égalité des chances et de ce qu’elle produit. Nous essayons de mettre à jour cette mécanique de la reproduction. Mais dans la vie, on ne peut aussi s’en sortir malgré les difficultés, je suis très heureux quand ces jeunes écoutent une chanteuse comme Tal qui leur prouve qu’ils peuvent se dépasser

Les visages du quartier Velpeau #1

Bobo, ouvrier, petit village… Velpeau a ses appellations mais il a surtout des habitants qui le font vivre. Même s’ils viennent d’horizons différents, ils ont tous un morceau du quartier en eux.

DAVID BERRUÉ, ARCHÉO-PUNK
David Berrué reçoit dans sa maison, celle qu’il partage depuis des années avec Béatrice Myself et leurs enfants. Son nom sonne un peu comme Berrurier. Étrange coïncidence, l’homme collectionne tout se qui se fait sur le punk français des années 1980. Un peu timide, dès qu’il se met à parler de son label Euthanasie records, sa grande silhouette s’anime. Il fouille, déniche, écoute, dépoussière cette mémoire faite de morceaux énervés, de paroles engagées et de musiciens punk. Maison d’éditions, site internet, archives ouverte à tous, label de musique, Euthanasie records fait tout. De sa petite maison à Velpeau, il envoie ses rééditions de vinyles partout dans le monde. Il est multitâche. Graphiste, archiviste, depuis 15 ans, il remue cette mémoire punk en fan avéré. David Berrué s’est construit une réputation de spécialiste dans ce milieu qui prône le do it yourself. « J’ai toujours aimé l’archéologie, » explique-t-il en ouvrant une grande armoire métallique remplie d’affiches de l’époque. Ce travail de mémoire est accessible à tous sur son site internet. Les profits qui font vivre le label viennent des rééditions de raretés et des livres publiés. Il vient de ressortir un album de Foutre, un groupe tourangeau quasi mythique pour les quinquas du coin. « Ce sont ces moments que je préfère, quand je recontacte un groupe pour leur dire que j’ai retrouvé de vieilles bandes ou des articles de presse qu’ils n’avaient pas gardé à l’époque. » En savoir plus sur le travail de David Berrué sur euthanasie.records.free.fr
DOSS_BEATRICEETDAVID
BÉATRICE MYSELF, TATOO-ARTISTE
Nichée dans une impasse proche de la place Velpeau, sa maison ressemble à celle d’une poupée qui écouterait du punk-rock en boucle. Béatrice Myself reçoit avec calme et simplicité. Les murs de son salon sont invisibles, cachés derrière des pans de livres, de figurines et de dvd. Son jeune fils l’accapare avec de grands sourires. Béatrice Myself vient d’ouvrir avec le graphiste Guillain Le Vilain une échoppe de tatouage quai Paul-Bert. Pas n’importe quel salon, ils proposent des tatouages uniques, faits par des artistes, pour des tatoués exigeants sur la qualité. « Pas de licorne ou de portrait de Johnny, à moins que l’image ne soit complètement transformée, rigole Béatrice Myself. Beaucoup de personnes collectionnent les tatouages de graphistes qui se tournent de plus en plus vers cette pratique. » Elle change de média artistique mais sa patte graphique reste. Steam punk, gothique, punk tout court, enfantin, rock’n’roll, fantastique, onirique… la liste des adjectifs sur ses dessins à tendances naïves s’allonge en voyant l’encre défiler sur les peaux photographiées. « J’adore les dessins d’enfants, ils semblent tout naïfs au début mais ils sont chargés, tendus, plein de sous-entendus. Je n’aime pas que tout soit lisible d’un seul coup d’oeil sur un dessin. » Et Velpeau ? « J’y habitais et puis je suis partie. Quand on a trouvé cette maison, je ne pensais pas revenir mais c’était le coup de foudre. Ce n’est pas un quartier très beau mais il existe un vrai lien entre les habitants.
Voir ses dessins sur beatricemyself.blogspot.com
VALÉRIE SCHNEIDER, ÉGALE AU QUARTIER
DOSS_VALERIE
 
À part un petit séjour à la campagne, Valérie Schneider n’est jamais vraiment partie de Velpeau. « Je crois qu’il y a toujours le même esprit. Ce n’est pas forcément celui d’un village, mais j’observe la même proximité entre les habitants du quartier qu’à l’époque de mes grands-parents. » C’est aussi dans le quartier qu’elle a trouvé son travail actuel. Depuis huit ans, elle travaille à l’Observatoire des inégalités, fondé par le journaliste Louis Maurin et le philosophe Patrick Savidan. « Ils étaient voisins à Velpeau, et amis. Nous étions plusieurs à passer des heures devant l’école Velpeau à parler des inégalités dans notre société. En 2003, ils ont décidé de lancer l’association. » En proche convaincue, elle donne un coup de main bénévole. Deux ans après, elle est embauchée pour structurer l’Observatoire qui grandit. Comptabilité, écriture d’articles, gestion du site internet, elle joue la polyvalence. « Au début, je travaillais dans ma chambre » rigole-t-elle. Aujourd’hui, ses bureaux sont installés au Sanitas et le site internet accueille plus de 5 000 visiteurs chaque jour. L’Observatoire fête cette année ses 10 ans d’existence. « On ne peut pas trop parler d’anniversaire quand on parle des inégalités. » La petite association créée en réaction au second tour de la présidentielles de 2002 est devenue référente sur cette question. Grand public, décideurs politiques, acteurs économiques, les études, les publications de cet organisme indépendant souhaitent sensibiliser tout le monde. « Les inégalités existent encore malheureusement, mais nous pensons modestement avoir un rôle dans la prise de conscience des progrès à faire. »
Pour tout lire sur les inégalités : inegalites.fr
NIKITA, MITRAILLEUSE
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Les vieilles malles s’entassent sur le haut des étagères de son atelier. À l’intérieur, du matériel, des photos. Des souvenirs. « J’en achète dans les brocantes », ditelle le regard rêveur. Ces valises truffées de clichés symbolisent à merveille les deux passions de Nikita : la photo et les voyages. À 57 ans, elle a baroudé, traîné son appareil photo dans un nombre de pays qu’elle ne compte plus. Turquie, Malaisie, Maroc… Elle raconte avoir toujours eu « le goût du voyage et des cultures différentes ». C’est même plus qu’un goût. Cette attirance s’apparente à une boussole, un guide. Nikita applique à la photographie son mode de vie de voyageuse. Quand elle débarque dans une nouvelle ville, ses sens s’éveillent. Idem quand elle mitraille. « La photo permet une intrusion. J’adore tout observer. Les lieux, la façon dont certains objets sont rangés. Ça dit beaucoup de choses des personnalités », analyse-t-elle. Et pourtant, Nikita a commencé à exercer à fond sa passion il y a seulement treize ans. Avant, elle a refréné ses envies. « J’ai un regret : mon orientation », ditelle. Manque de confiance, de connaissance de soi. Elle est mal à l’aise en arrivant à 11 ans, à Tours, dans une école de filles, après une enfance dorée en Allemagne, dans une cité où tout le monde se côtoie. Un peu comme à Velpeau, qu’elle a choisi bien des années plus tard. L’artiste choisit une filière générale et devient prof… d’allemand. « Ce que j’aime dans ce métier, c’est le bain constant dans la jeunesse », admet-elle. Comme si elle retrouvait l’ivresse manquée de son adolescence et libérait une créativité, trop longtemps enfouie, à travers la photo.
Voir son site : photonikita.com
 
Voir d’autres portraits de Velpeau ? C’est par ici !