Gilles Martin, artiviste à la Une

Gilles Martin, photographe tourangeau est à l’origine du concept d’artivisme qui consiste à utiliser l’art à des fins militantes. Le mensuel Chasseur d’images de ce mois-ci salue par un dossier exceptionnel à la fois son travail de photographe et son engagement pour la cause animale.

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(Photo Gilles Martin)

Ses photos faisaient la Une de tmv en juin 2016. Gilles Martin, photographe animalier tourangeau et infatigable globe-trotteur nous présentait les images qu’il a faites des gorilles des montagnes au Rwanda, au Congo et en Ouganda pendant plus de dix ans. Mais pas seulement des images pour faire joli. Des images aussi et surtout pour alerter sur la situation de ces grands singes qui pourraient bien avoir disparu à l’état sauvage à l’horizon 2027. C’est à dire demain.

Le mensuel Chasseur d’images (plus gros tirage de la presse photo en Europe) a choisi, ce mois-ci, de consacrer un dossier de treize pages au photographe tourangeau et à son « artivisme » (conjugaison d’art et de militantisme). « Pour ceux qui sont engagés dans la défense des grandes causes, le seul moyen de lutter contre l’indifférence consiste à marquer les esprits avec des actions chocs pour sortir le public de sa torpeur », écrit le mensuel spécialisé.
Et le journal choisit de raconter dans le détail et photos à l’appui l’incroyable campagne de happening que Gilles a menée à l’été 2016, à New York, pour alerter sur la situation des gorilles. NEWS_GILLES MARTIN_Couverture

Une action qui tient à la fois du street art et de l’urbex, cette pratique qui consiste à réaliser des photos dans des lieux abandonnés pour leur redonner sens et vie. On y découvre comment le photographe choisit les endroits de la ville, les coins de rue ou les ponts où il montrera sa photo. Comment il prépare son action en trouvant le bon support, un emballage de téléviseur, un vieux cadre, en le préparant et en le mettant parfaitement au format adapté à sa cible. Puis vient le moment de la pose, du happening.
Ensuite, Gilles se remet dans la peau du photographe et immortalise l’ensemble, avec les mouvements et les lumières de la ville.

Là, un pitbull sous un porche qui semble veiller sur la dépouille d’un gorille, ici un skater qui s’échappe du cadre comme une ombre filante. Le magazine publie même sur une double page, l’image d’un coffre de banque qui semble tout droit sorti d’une grosse production hollywoodienne de l’intérieur duquel un bébé gorille nous contemple avec son regard inquiet. « J’ai vu ce coffre dans une banque abandonnée en pleine ville, raconte Gilles. Et le trésor, bien sûr, c’est le singe… ». Tout est dit.

> Le numéro 402 de Chasseur d’images est disponible en kiosques jusqu’au 10 avril, 5,90 €.

Gilles Martin : photographe et couteau suisse

Bricoleur et rêveur, le reporter-photographe animalier Gilles Martin, a installé son atelier à Tours, au dernier étage d’un immeuble qui surplombe la ville.

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(Photo Gilles Martin)

Sorte de tour d’ivoire, nid de verre où il entrepose avec soin ses photographies et ses objets fétiches comme un scialytique – éclairage d’hôpital – des années 1960, une table de travail réalisée par ses soins ou encore une bibliothèque remplie d’ouvrages sur la biodiversité. L’univers de Gilles Martin en dit long sur sa personnalité : dynamique, artistique, raffinée. Tout commence lorsque, enfant, il pose un regard curieux sur les animaux sauvages. Dans la cour de son école, il reconstitue des zoos avec des figurines d’animaux.
Quand ses parents font l’achat d’un téléviseur en noir et blanc, il dévore les films animaliers de Frédéric Rossif, les aventures de Christian Zuber et les documentaires du Commandant Cousteau. À onze ans, il décide que, lui aussi, deviendra cinéaste animalier. Adolescent, il emprunte les jumelles de sa grand-mère pour observer les oiseaux. Ses premières armes, il les fait dans la forêt de Villandry : « Avec mes amis, on se levait à 4 h du matin pour aller prendre des clichés de chevreuils. » sourit-il. Depuis Gilles Martin a exploré bien d’autres lieux du monde pour photographier la faune, muni de grands-angles et de téléobjectifs.

En 1992, alors qu’il effectue son métier de prothésiste dentaire, ses images sont repérées par l’agence Gamma. Un élément déclencheur pour Gilles Martin qui décide à 32 ans de se consacrer entièrement à sa passion. Il se souvient : « Je ne m’y attendais absolument pas, c’est un rêve qui se réalisait. » Il a depuis coloré les pages de magazines tels que National Geographic, GEO, Life ou encore Terre Sauvage. Il a également publié de nombreux livres aux éditions de La Martinière. Sans cesse en train de se réinventer, Gilles Martin souhaite « sortir la photographie animalière de son cadre habituel pour lui donner une dimension militante. »

Travailler comme un orfèvre

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(Photo Gilles Martin)

Féru de macrophotographie, il focalise parfois l’objectif de son appareil sur des détails du corps, de la peau, des ailes ou des yeux. En témoigne un grand tableau exposé dans son appartement. De l’art abstrait ? « Non, la photographie d’une roche prise au microscope », s’amuse Gilles Martin. La macrophoto c’est « un travail d’orfèvre ». Sur son écran d’ordinateur, il montre la photographie en gros plan d’une araignée saltique à l’affût et commente, enthousiaste : « ses yeux sont comme des bijoux. » Difficile pour lui de choisir, mais sur le podium de ses animaux favoris figurent : la libellule, la baleine à bosse et le gorille des montagnes.

Sur l’un des murs de son bureau s’étend une immense carte du monde magnétique qui situe chaque espèce. « Je suis allé un peu partout, dans 90 pays au total », confirme le reporter. Prochaine destination ? Pour l’adepte de la cryptozoologie – la science des animaux disparus ou mythiques – ce serait de monter dans la DeLorean du Doc (Retour vers le Futur) pour aller photographier les dinosaures du crétacé. Véritable « couteau suisse », comme il aime à se comparer, Gilles Martin multiplie aujourd’hui les projets : « Je veux réaliser tous mes rêves pour ne rien regretter. » Organisation de stages photographiques, de voyages, d’expositions, Gilles Martin a également lancé cette année trois sites.
Un site éponyme au nom du photographe qui présente son travail et ses projets ; L’Arche photographique pour sensibiliser le grand public à la dégradation de la biodiversité ; et Biospher pictures, une collection de plus de 25 000 photos et vidéos destinées aux professionnels de l’image. Dernier projet en cours : la mise en place d’un atelier/galerie, le Top Floor Studio destiné à exposer ses tirages photographiques, sculptures, collages et installations artistiques auprès de collectionneurs privés, galeristes et musées.

> gilles-martin.com, arche-photographique.org, biospher-pictures.com

2027 : Gare aux gorilles !

Cent trente croix où figure sur chacune la photographie d’un gorille des montagnes, espèce en danger. Avec cette installation créée en 2013 qui reconstitue un cimetière américain, le photographe tourangeau Gilles Martin oriente son travail vers l’artivisme : utiliser l’art pour faire passer des messages. Son happening « 2027 : Mémoires d’un dos argenté » projette le public dans un scénario où il n’y aurait plus de gorille des montagnes.
Objectif : alerter sur un possible futur et « cogner ». Gilles Martin constate : « Explorer cette nouvelle dimension de la photographie m’a permis d’avoir des discussions que je n’avais jamais eues avec mes précédentes expositions. Les personnes qui assistent à l’happening sont très touchées et prêtes à agir pour changer les choses. » Cet été, le photographe se rendra à New York puis à Berlin pour faire des collages. Le street-art est une nouvelle occasion pour lui de mettre sa créativité au service de ses idées. Il confie d’ailleurs : « Aujourd’hui, je me sens plus artiviste que photographe. »

>> Retrouvez l’intégralité du portfolio dans le dernier numéro de tmv (n°216)

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(Photo Gilles Martin)