Octobre Rose : « Le dépistage permet pourtant d’éviter le pire »

Seules 59,1 % des femmes d’Indre-et-Loire saisissent l’opportunité de passer une mammographie gratuite proposée par le ministère de la Santé et l’Assurance maladie. Avec le Dr Ken Haguenoer, médecin coordinateur du Centre de dépistage des cancers pour la Région Centre Val de Loire, nous avons tenté de trouver une réponse…

Comment expliquer ce pourcentage de femmes dépistées, qui passe tout juste la moyenne ?

Notre département présente l’un des taux de participation les plus élevés de France, mais il faudrait faire mieux ! Même si cela n’explique pas tout, il ne faut pas oublier que ce pourcentage est celui du dépistage organisé : en parallèle, des femmes se font dépister individuellement, via leurs médecins.

Les inégalités sociales et territoriales entrent aussi en jeu. On observe de grosses inégalités entre les métropoles et les zones éloignées, où l’accès à un centre d’imagerie s’avère plus compliqué. La participation est ainsi moins élevée dans le nord ou le sud de notre département qu’à Tours.

Mais même dans la métropole on constate des différences : les chiffres des Prébendes et ceux du Sanitas sont très différents, du fait des conditions socioéconomiques de la population, et c’est malheureusement une différence qu’on retrouve pour toutes les questions de santé.

Enfin, l’examen peut aussi inquiéter les patientes. La nudité, l’intimité, ou la douleur éventuelle de la mammographie… ou la peur qu’on découvre quelque chose, alors que le dépistage permet justement d’éviter le pire.

Octobre Rose a-t-il un impact sur les dépistages ?

On observe généralement un pic d’activité en fin d’année, mais difficile de dire s’il est lié à Octobre Rose, car il correspond peut-être aussi au retour de vacances ou aux bonnes résolutions de rentrée. Ce qui est certain, et positif, c’est qu’on parle de plus en plus de dépistage grâce à Octobre Rose.

Est-ce qu’en insistant autant sur Octobre Rose et le cancer du sein, on ne fait pas oublier d’autres cancers féminins ?

Le cancer du sein reste le plus lourd, avec 12 000 décès par an contre 1 000 pour le cancer du col de l’utérus, qu’on espère voir disparaître grâce au dépistage et à la vaccination. Mais celui qu’on a du mal à faire connaître, c’est le cancer colorectal, alors qu’il représente 17 000 morts par an (hommes et femmes).

L’opération « Mars Bleu » n’a pas autant d’écho qu’Octobre Rose, alors que le dépistage est plus simple ! On est chez soi, on envoie ses prélèvements et on a les résultats sous quinze jours, pour déceler d’éventuels polypes et lésions à risques. Or seulement 30 % de la population profite de ce dépistage organisé. C’est le prochain défi à relever !

Propos recueillis par M.M.

Jean-Loup Hadjadj, le médecin des terrains de rugby

#VisMaVille Jean-Loup Hadjadj est médecin du sport et ostéopathe. Sa particularité : il est un des médecins spécialistes en France des joueuses et joueurs de rugby au plus haut niveau.

Rue des Tanneurs, juste en face de la faculté, le bureau du docteur Jean-Loup Hadjadj regorge d’objets inattendus : des vitrines de collection de médicaments anciens qu’il chine dans les brocantes, complétés par ses patients, côtoient des maillots, médailles et accréditations souvenirs qu’il a collectés au gré de son parcours en tant que médecin des équipes de rugby, que ce soit à Tours ou au niveau international.

Un médecin assurément atypique qui vous reçoit pieds nus, décontracté. Celui qui s’occupe aujourd’hui des féminines de l’équipe de France de rugby à 7 en tant que médecin salarié de la Fédération française de rugby (FFR), a connu aussi avec le XV féminin, deux tournois des 6 nations et une Coupe du monde, il a également accompagné les équipes masculines avec les Barbarians et les espoirs.

Le rugby, il a plongé dedans à la faculté de médecine de Tours en intégrant l’équipe universitaire – en même temps qu’il pratiquait la trompette, précise ce personnage éclectique et curieux. « Un sport collectif de combat », qui nécessite un suivi médical étroit, souvent sous le feu des projecteurs avec les cas de traumatologie.

Jean-Loup Hadjadj, diplômé de pathologie du rugby, était d’ailleurs de ceux qui ont connu les débuts de la prise en charge des commotions cérébrales. « Notre rôle, en parcours d’excellence, commence avec l’évaluation de la capacité du jeune joueur à supporter les contraintes cardio-respiratoire, musculo-squelettique et psychologique. Ensuite, nous l’encadrons dans son développement jusqu’au maximum de ses performances. Puis nous assurons le suivi médical réglementaire et la surveillance des entraînements et compétitions, avec prise en charge des blessures. »

Et c’est là qu’on le voit, le médecin de l’ombre, courir sur le terrain voler au secours de ses joueurs. Si ce poste de médecin salarié à la fédération compte aujourd’hui pour 70 % de son temps, les 30 % restants sont dédiés à son cabinet tourangeau et ses 6 000 patients en médecine du sport et ostéopathie. « Ici, je pratique une médecine axée sur le musculo-squelettique pour des sportifs de haut niveau ou non mais aussi pour des non-sportifs », précise le docteur.

Une fois les valises posées des compétitions qui l’ont amené en Afrique du Sud et Nouvelle-Zélande, Jean-Loup Hadjadj redevient un médecin presque lambda dans sa ville, n’oubliant pas son ancrage, auscultant aussi le pôle espoir de canoë-kayak. Après la faculté, il avait installé son cabinet à Autrèche pendant une dizaine d’années avant de se poser à Tours.

Exerçant depuis 33 ans, il transmet aujourd’hui son expérience, enseignant un temps à la faculté de Tours la médecine manuelle-ostéopathie, et auprès des nouveaux médecins du sport, lui qui a une vision globale, sur l’évolution du rugby et sur sa pratique au niveau des hommes et des femmes. « J’y tiens à cette mixité souligne-t-il. Ce n’est pas encore acquis dans ce sport. »

Texte et photos : Aurélie Dunouau

SOS Médecins s’installera à Tours-Nord en septembre

SOS Médecins va ouvrir un nouveau local d’accueil et de soins dans le quartier Monconseil en septembre. Une installation bienvenue, l’antenne de Tours Centre étant saturée.

SOS Médecins s’installera à Tours-Nord d’ici le mois de septembre. (Photo archives NR)

Les faits

Rendez-vous en septembre 2020 ! C’est à cette période que doit ouvrir la nouvelle antenne de SOS Médecins, à Tours-Nord. Rue Daniel-Meyer, dans l’éco-quartier Monconseil plus précisément. Les travaux doivent débuter dans deux ou trois mois. Le Dr Paul Phu, président de SOS Médecins à Tours, a dit espérer 20 000 patients en un an.

Ce local possédera une surface de 500 m² en face de la pharmacie. On y trouvera trois médecins, un service de radiologie et d’échographie, ainsi qu’un laboratoire d’analyses médicales. L’installation et la mise à disposition des lieux se sont fait en lien avec la Ville de Tours et le bailleur social Tours Habitat.

Le contexte

Cette ouverture intervient dans un contexte tendu au niveau de la médecine de proximité. En effet, le local de Tours Centre, place Jean-Jaurès(1), a traité 70 000 actes médicaux l’an dernier ! Un chiffre énorme qui témoigne de la saturation de cette antenne en surchauffe… et un chiffre qui ne cesse également de progresser au fil des années.

D’autant que les urgences sont également engorgées et il devient difficile, en ville, de trouver des médecins généralistes qui prennent sans rendez-vous.

Les enjeux

Ce complément est donc le bienvenu, d’autant que les personnes qui se pressaient au centre-ville venaient de Tours, certes, mais aussi de toute l’agglo et du reste du département. Répartir au mieux les patients ? C’était donc une urgence, pour le Dr Phu.

Le point de vue

Ce projet, d’un coût de 1,3 million d’euros financé sans subventions, est évidemment une aubaine pour la municipalité et les patients et, plus globalement, pour le domaine de la santé.

Mais SOS Médecins voit encore plus loin : car tout cela pourrait également donner naissance à l’installation d’une autre adresse de SOS Médecins à Tours-Sud, dans le quartier des Deux-Lions. C’est ce qu’envisage le Dr Phu qui imaginerait bien un troisième pôle médical au sud du Cher. Celui-ci pourrait éventuellement ouvrir à l’horizon 2023-2024.

Aurélien Germain

(1) 19 rue de la Dolve / 02 47 38 33 33.

Cannabis et coffee-shops : et si on ouvrait le débat ?

Cannabis/ Après l’ouverture de coffee-shops dans le Colorado et sa légalisation en Uruguay, tmv s’intéresse à l’éventualité d’une telle « révolution » en France. Débat avec Dominique Broc et Dr Costentin. Du pour…et du contre ! Et vous, votre avis ?

Le 1er janvier, le Colorado (États-Unis) a surpris son monde en ouvrant les premiers coffee-shops. Les consommateurs peuvent désormais acheter légalement du cannabis, à condition d’avoir au moins 21 ans et se limiter à 28 grammes par visite. Le tout, sans même besoin de prescription médicale.  En décembre dernier, en Uruguay, les sénateurs ont carrément approuvé la loi permettant à l’État de contrôler la production et la vente de cannabis, afin de lutter contre le narcotrafic. Une première mondiale.
En France, le pays le plus répressif d’Europe, le débat est loin d’être terminé. Tmv a interrogé Dominique Broc, initiateur et porte-parole des Cannabis social club et Jean Costentin, médecin et professeur au CNRS.

POUR
Dominique Broc, initiateur et porte-parole des Cannabis social club.

dominique broc
Dominique Broc (Photo DR)

Les politiques
Le Tourangeau qui ironise sur la « guerre aux drogués » a toujours la dent dure contre les gouvernements : « Les chefs d’État ont reconnu l’échec de la prohibition politique mise en place depuis 40 ans. Celle-ci a été inefficace, même au niveau social. »

Bien pour l’économie
« Ces coffee-shops américains, c’est bien et pas bien en même temps. On ne voit que le côté économique, car Amérique égale fric. C’est quand même tant mieux pour eux, car l’argent ne tombe pas dans les poches des mafias ». Pour lui, la décision de l’Uruguay est « déjà mieux ».

Conso et pas schizo
Pour le porte-parole, « le cannabis n’est pas responsable de la schizophrénie. La consommation a été multipliée par dix. Ce n’est pas pour autant que le samedi soir, il y a une file d’attente devant l’hôpital psychiatrique ! », indique-t-il en rappelant que « des études ont démontré qu’il n’y avait pas de lien entre schizophrénie et consommation de cannabis ».

Un réveil en France
« En France, ce n’est pas peine perdue. On assiste à un réveil. De plus en plus de gens soutiennent la régulation, alors qu’ils ne consomment même pas ! Par exemple, Daniel Vaillant (du Parti socialiste, il appelait à une régulation contrôlée du cannabis, NDLR) mais qui n’est pas écouté. » Dominique Broc souhaite que l’on aille plus loin : « il faut être responsable et assumer qu’il y a 10 % de consommateurs quotidiens en France. Pourtant, on est toujours considérés comme des criminels… »

Attention aux jeunes
« Adolescent, on n’a pas à acheter de la drogue aux dealers ! Si la politique de prévention avait été bien faite, il n’y aurait pas ça », répète Dominique Broc. « On aurait pu expliquer, être sérieux, dire que le cerveau se forme en dernier… »

Le souci, c’est donc du côté de la jeunesse selon lui. « Les gamins consomment trop tôt et ne sont pas informés. Le cannabis est dangereux pour un ado. Les problèmes d’addiction commencent très tôt. »

Cannabistrot
Coffee-shops ou pas, alors ? Dominique Broc propose des « cannabistrots » : « Des points de vente, réservés, encadrés, avec gestion des membres et une production française ». Il propose qu’on « prenne ces petites mains qui bossent illégalement pour un vrai travail dans des cannabistrots. Cela libérerait du temps pour la police face aux vrais trafiquants et aux vrais criminels… »

De toute manière, il estime impossible l’ouverture de coffee-shops en France. « Les Français ne sont pas informés. Ils en auraient une autre vision, sinon… » Avant de conclure : « Il y a beaucoup de consommateurs mais on laisse le marché aux mafias. Est-ce responsable ? »

√ Retrouvez nos archives web sur Dominique Broc et son Cannabis social club ici.

CONTRE
Jean Costentin, professeur de pharmacologie CNRS et faculté de médecine de Rouen.

Jean Costentin (Photo DR)
Jean Costentin (Photo DR)

Son avis sur l’actu
Concernant l’Uruguay, « c’est une décision législative, mais les sondages ont montré que la population était en majorité opposée ! Dans le Colorado, c’est une votation citoyenne », rappelle Jean Constentin, tout en admettant « les premiers effets économiques ».

Les coffee-shops
Pour les coffee-shops néerlandais, il pense que « ces lieux sont là pour attirer le  »frenchie », le Luxembourgeois, le Belge… On y a fait des fouilles et ceux qui venaient chercher du cannabis avaient aussi de la cocaïne etc. »

Jusqu’à 8 semaines dans les urines
« Mon problème – car je suis médecin – c’est qu’on avait à l’époque des présomptions sur les effets du cannabis. Mais le travail neurobiologique a vérifié ces suspicions. » Le professeur rappelle alors que c’est un « produit accrocheur, même si c’est une drogue douce comme le tabac ». « On a 1,5 million d’usagers réguliers qui bravent la loi pour satisfaire leur appétit. De toutes les drogues, le THC (le tétrahydrocannabinol, la molécule contenue dans le cannabis, NDLR) est le seul à se stocker durablement dans l’organisme, car il est soluble dans la graisse. Or le cerveau est riche en lipides. C’est là où se stocke le joint. Un joint égal une semaine dans la tête ! » Il rappelle alors que les consommateurs réguliers qui arrêtent du jour au lendemain auront encore des traces de cannabinoïde dans leur urine « pendant huit semaines ».

Les effets du cannabis sur l’organisme
Côté effets, Jean Costentin est à l’opposé de Dominique Broc. Il cite notamment les « effets aigus, le sournois, comme les perturbations de la mémoire : un effet désastreux pour notre pays et l’Éducation nationale. Le THC perturbe la mémoire de travail, par exemple le fait de terminer une phrase qu’on a commencée. »

Il parle aussi des « troubles amotivationnels, l’effet  »ça plane pour moi » », mais aussi « l’effet anxiolytique chez les sujets anxieux. Il va en abuser, ça ne fera plus rien sur l’anxiété, mais ça sera dix fois pire plus tard. » Le docteur s’agace « de l’effet pseudo anti-dépresseur » du cannabis et parle de risque de suicide accru, puisqu’il y a une « corrélation entre suicidalité et consommation ».

Attention aux ados
Le seul rapprochement à effectuer entre nos deux interlocuteurs concerne le cannabis chez les jeunes. « Plus tôt l’essayer, c’est plus tôt l’adopter et plus vite se détériorer. Car le cerveau de l’ado est en maturation », insiste le docteur, précisant que fumer va agir intensément sur les grands axes neuronaux et les synapses.

Cannabis = schizophrénie
Pour le médecin, le rapport entre cannabis et schizophrénie est avéré. Il cite ainsi diverses études, notamment celle réalisée en Suède dans les années 70, époque où le pays était laxiste en la matière. Une étude gigantesque qui a suivi « 50 000 appelés aux armées et vus par des psys » et a prouvé « qu’avoir fumé plus de 50 joints avant ses 18 ans multipliait par six le risque d’être schizophrène ». Désormais, le pays a changé toute sa législation et l’explicite « depuis la maternelle, avec 40 h de cours. Le pays a maintenant la plus faible incidence des toxicomanies ».

Dosage ?
Jean Costentin fustige les coffee-shops, dans lesquels « le cannabis n’est pas du tout moins dosé qu’ailleurs ! » Il parle de « manipulation et sélections génétiques » et rappelle que la demande du consommateur est un dosage plus fort, car de fait plus accrocheur. « Le fait de réglementer ne raisonnera pas les gens. »

Cannabis, tabac, alcool
Le cannabis étant mélangé avec du tabac pour rouler un joint, le Dr Costentin rappelle que ce mélange multiplie par 6 à 8 le facteur de goudron cancérigène et de 200°C la température de combustion. « Il y a 73 000 morts par an à cause du tabac. En 2030, il y en aura 90 000, sachez-le… »

Enfin, il précise que « cannabis + alcool font très mauvais ménage. Notre pays macère dans l’alcool, c’est une folie supplémentaire. Il y a une démagogie dans tout ça… »

« Une folie »
Ce débat ? « Une folie », pour le médecin qui se dit « hors de lui » et parle « en tant que professionnel, docteur, père et grand-père ». Avant de conclure : « Touche pas à nos mômes ! »

  @rrêt sur images : « Cannabis, et si on parlait santé ? » avec J. Costentin
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Propos recueillis par
Aurélien GERMAIN