Covid, climat, bio, changements : le monde du vin en pleine mutation

Économie, société, climat… Le monde viticole s’adapte aux évolutions du monde actuel, sans négliger la qualité et l’amour du travail bien fait.

Au printemps 2020, les Français étaient confinés. Tous ? Non, d’irréductibles viticulteurs tourangeaux, ne pouvant délaisser leurs ceps trop longtemps, étaient au pied des vignes. En plein air et à distance les uns des autres, ils ne risquaient alors rien pour leur santé mais voulaient préserver celle de leurs vignobles.

Ont-ils bien fait ? La vigne n’a en tous cas pas attendu le déconfinement pour vivre sa vie : 2020 a été à Vouvray le débourrement le plus précoce de l’histoire de l’appellation. Et tout le cycle de vie de la vigne a suivi, avec des vendanges achevées en septembre dans certains domaines, quand elles trainent certaines années jusqu’à la mi-octobre.

Covid : repenser la commercialisation

Mais si les grappes de raisin ont fait fi du Covid pour faire leur petit bonhomme de chemin, les vignerons ne sont pas tous sortis indemnes de cette année 2020 pas comme les autres. « Le Val de Loire est en général bien représenté sur les cartes des restaurants, et certains vins s’exportent bien. La pandémie, avec ses confinements et fermetures, a donc eu un gros impact pour certains viticulteurs qui ont vu chuter leurs ventes. »

Pour Lionel Gosseaume, président d’InterLoire, l’interprofession des vins du Val de Loire (de Sancerre à Nantes), le Covid aura donc des effets à long terme sur la santé économique de certaines exploitations viticoles. Toutes ne sont pas dans la même situation, comme le souligne Romain Baillon, conseiller viticulture au GABBTO (Groupement des agriculteurs biologiques et biodynamiques de Touraine) : « Pour nos vignerons qui avaient déjà une clientèle constituée de particuliers, ils s’en sont bien sortis, parfois même mieux que les années précédentes. Alors que pour ceux qui vendaient à l’export ou en hôtellerie-restauration, la situation a été compliquée, il a fallu trouver de nouveaux marchés. »

Quel que soit le profil, l’adaptation est apparue comme le maître-mot du monde viticole. Du côté de Chinon, la tradition a dû s’effacer durant quelques mois, comme le souligne Fabrice Gasnier, président du syndicat des vins de l’AOC : « Chez nous, on a l’habitude de venir au domaine, chez le vigneron, pour acheter ses bouteilles. Les portes sont ouvertes en permanence. Avec le confinement, certains se sont adaptés, ont développé la livraison à domicile par exemple. »

Au domaine du Margalleau, en AOC Vouvray, la famille Pieaux travaille par exemple à la création d’un site web. Valentin Pieaux nous dit pourquoi : « Les neuf mois de fermeture des restaurants ont été compliqués pour nous. Il faut diversifier nos moyens de commercialisation, et réfléchir à comment contrer ce genre de situation, car c’est le monde vers lequel on va. » Un monde qui n’en finit pas de changer… et de se réchauffer.

Climat : anticiper les aléas

Ça chauffe ! Ou ça gèle ? Bref : ça bouge ? 2020 a été une année précoce dans tous les vignobles de Touraine, mais 2021 a été marquée par le gel pour plusieurs appellations. Chinon est passé entre les gouttes. Mais chez d’autres, le verdict a été sans appel : plus de la moitié de la récolte tuée dans l’œuf (ou plutôt dans le bourgeon). Et on ne vous parle même pas des risques de mildiou qui ont fait transpirer nos vignerons tout l’été…

Au-delà de la seule récolte 2021, c’est toute une dynamique qui se trouve freinée, comme le rappelle Hervé Denis, le président de la cave des producteurs de Montlouis-sur-Loire (Maison Laudacius) : « Nous avons eu des gels à répétition en 2016, 2017, 2019 et 2021. Les récoltes sont donc irrégulières, il devient compliqué de planifier des investissements. Et avec l’incertitude sur la production, les projets commerciaux que nous avions sont au ralenti. Nous avons trois de retard par rapport à nos ambitions de développement ! ».

La coopérative montlouisienne a même dû contracter un prêt, tout en assurant le paiement mensuel de ses quinze adhérents, pour qui le dicton « l’union fait la force » n’a jamais été autant d’actualité. L’interprofession InterLoire et les syndicats de producteurs veulent anticiper l’accélération de ces changements climatiques, « des questions centrales et stratégiques » selon L. Gosseaume.

Coté commercialisation, une gestion des stocks adaptée pour ne pas reculer sur les nouveaux marchés où les vins de Loire sont concurrencés par d’autres vignobles français ou étrangers. Et côté prévention, une cartographie précise des terroirs pour identifier ceux à risque et le test de nouveaux cépages durant dix ans, plus adaptés à ces conditions climatiques coté prévention, pourraient aider à se préparer à ces changements inéluctables. Sur le terrain, certains cherchent d’autres parades.

Sophie Clair et Romuald Colin, au Chai de Thélème, réfléchissent aussi à la plantation de cépages adaptés à ce nouveau climat. Mais ils misent aussi sur l’ouverture d’un gite axé sur l’œnotourisme pour compléter leur activité.

Et le bio alors ?

Autre évolution à laquelle le monde du vin s’engage : le bio, le respect de l’environnement, et au passage, de notre santé. Là encore, regard sur le futur : d’ici à 2030, 100 % des exploitations viticoles en label environnemental ? C’est l’objectif que se fixe InterLoire. À l’heure actuelle, 50 % des exploitations (pour 30 % des surfaces viticoles) sont inscrites en label Bio, HVE3, Terravitis ou Agriconfiance entre Sancerre et Nantes, en passant par la Touraine. Au GABBTO, on compte aujourd’hui 80 vignerons adhérents, sur les quelques 180 à 200 que compte l’Indre-et-Loire.

Et les chiffres grimpent d’année en année. Les motivations sont multiples : convictions profondes de nouveaux venus, ou motivations économiques face à l’engouement de la clientèle grand public pour les produits labellisés bio. À la cave Laudacius (Montlouis), on évoque ainsi la « pression sociétale » et « l’évolution des demandes pour un respect accru des terroirs et de la nature ».

Mais comme le souligne Romain Baillon, « même si parfois la motivation première est l’intérêt pour la commercialisation, les vignerons qui se forment pour se convertir en bio découvrent tout l’intérêt de ces pratiques et deviennent eux aussi des convaincus ! ». Une chose est sûre : à tmv, on est convaincus que nos vins de Touraine sont partis pour durer, grâce aux efforts déployés par ces professionnels qui ne lâchent pas la grappe tant qu’elle n’est pas mûre à point.

Les jeunes prennent le relais

À Saint-Martin-le-Beau (AOC Montlouis), Céline Avenet a rejoint son père pour créer le GAEC Les Mons Gas. Elle avait pourtant débuté son parcours dans une autre voie : la statistique, dans l’industrie pharmaceutique. Mais après deux ans de vie parisienne, retour au bercail : « J’avais déjà hésité à rejoindre la viticulture, mais j’avais peur que ce soit trop difficile. Finalement ça l’est, un peu tous les jours, mais ça me passionne ! J’adore passer ma vie dehors à chouchouter mes vignes, voir pousser le raisin. Et être en coopérative est enrichissant, il y a de l’entraide, de l’échange. Mon père ne s’attendait pas et il était à la fois heureux qu’une nouvelle génération prenne le relais, mais aussi inquiet pour moi ».

Aujourd’hui, Didier est rassuré car sa fille assure ! À Chançay (AOC Vouvray), Valentin Pieaux a rejoint son père et son oncle au domaine du Margalleau. Pour lui, c’était évident : « Je suis tombé dedans quand j’étais petit, comme Obélix ! Je suis né juste avant les vendanges 1995, date de la création du domaine. J’ai tout de même suivi un BTS à Montpellier, qui m’a permis d’acquérir de l’expérience en Alsace et au Chili avant de revenir ici en 2017 ».

Avec lui, il a ramené un lot de belles idées, dont la fabrication de rosé sec en bouteille dont la première cuvée (2018) s’appelle « L’intronisé ». Et notre nouvel arrivant n’a pas fini d’innover : les trois Pieaux travaillent en effet sur la création d’une nouvelle gamme élevée en fut de chêne, pour monter en gamme et séduire une nouvelle clientèle.

Texte : Maud Martinez / Photos : Adobe Stock (ouverture) & archives NR et tmv (corps de l’article)
*L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.


Bibovino : le pinard peinard

Le cubi est mort, vive le cubi ! À Tours, la franchise BiboVino remet les vins au cubi à la mode. Depuis l’hiver, ce bar à vins veut casser les préjugés dans une Région qui n’est pas forcément fan du vin en bib.

LE CONCEPT

Bibovino, c’est le nouveau concept de cave à vin et cave à manger installé depuis décembre rue des Halles. Il ambitionne de détendre un peu l’atmosphère en vendant son vin en bib, c’est-à-dire en bag-in-box. Vous savez, ces boîtes en carton qui renferment une poche plastique sous vide, remplie de vin, avec un petit robinet. Avantages de ce conditionnement : conservation du vin entre 4 et 6 semaines, prix réduit de 25 à 30 % par rapport au prix de la bouteille.

EPICURE LIKES THIS !

Claire, à la tête de la boutique, le dit sans détour : « Mon mari et moi sommes des épicuriens. On aime bien boire un coup, manger de bonnes choses » (Nous aussi, ça tombe bien). Avant de préciser : « Avec Bibovino, je veux répondre aux envies de ceux qui veulent se faire plaisir avec de très bons produits mais dans un bon rapport qualité-prix. Grâce au bib, moins cher à fabriquer qu’une bouteille en verre, on peut rendre un bon vin accessible ».

LE TEST

Là, vous vous dites, « bof, ça sent la piquette » ? Détrompez-vous, tmv a testé : les vins sont de très bonne qualité ! Du Crozes Hermitage au beaujolais, du morgon au bourgueil, la sélection est méticuleuse, soignée et issue de vignerons indépendants. C’est la grande force du concept, créé en 2013 à Paris et qui compte maintenant une vingtaine de boutique en France et à l’étranger : tous les vins sont offerts à la dégustation. Tous les verres et toutes les carafes, quel que soit le vin, sont au même prix. Un chardonnay ou un saint-émilion ? Le choix se fait en fonction des goûts et non des sous… !

DU VIN, MAIS PAS QUE

Pour aller avec la quarantaine de nectars proposés, Bibovino propose de bonnes petites planches qui vont bien avec. On vous conseille l’italienne, inspirée par Hugo, le mari de Claire, italien et amoureux des produits de son pays. Les fans de burrata y trouveront aussi leur compte, ainsi que les amoureux de jambons et fromages italiens.

C’EST OÙ ?

93 rue des Halles tél. 09 53 91 60 34 Ouvert midi et soir, formule midi à 12 € (soupe, plat, dessert et un petit verre de vin) Le jeudi soir, happy bibo : 3 € le verre et 7 € la planchette. Les 1er mardis de chaque mois, c’est Bibo Nana : que des filles, autour d’une raclette, d’une galette…

>>>POUR EN SAVOIR PLUS
facebook.com/bibovinotours

Par Jeanne Beutter

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Les bons vivants

Nouvelle dans le vieux Tours, la cave se rebiffe propose une belle collection de vins étrangers et de la cuisine faite maison.

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Quels dialogues aurait imaginé Michel Audiard pour les Tontons, attablés au fond de la salle et surplombés par le dessin géant d’une bouteille de rouge sur le mur blanc ? À coup sûr, Raoul, après une lichée, n’aurait pas lâché son fameux : « Faut reconnaître… c’est du brutal ! ».
« Brutal » pourrait qualifier le changement de parcours du propriétaire, Benoît Martin. Ancien directeur général du Palais des Congrès de Tours, il est désormais à la tête de son établissement. « À la fois bar à vin, bar à manger et caviste », précise-t-il. En grand fan, il a naturellement rendu hommage à Audiard, via le nom de son enseigne.
Vins étrangers
Ouverte depuis début octobre, la Cave se rebiffe se situe au coeur du vieux Tours. « Là où je voulais être », poursuit le gérant. Dans une vieille bâtisse, il faut dire que le lieu a du charme, alliant un design moderne dans la pièce principale et une cave voûtée. Dans cette dernière, les clients peuvent aller chercher leurs bouteilles. S’ils souhaitent la consommer sur place, ils doivent payer un droit de bouchon de six euros.
Mais surtout, le bar à vin se démarque par la nature de ses vins proposés. Sur 120 références, quarante proviennent de l’étranger. « J’adore montrer aux clients ce qui se fait ailleurs », sourit Benoît Martin. Il propose de les découvrir par trilogie. Deux vins étrangers et un français à un prix très abordable. Affable et disponible, il conseille chaque table. « Je préfère n’avoir pas trop de bouteilles et bien conseiller les clients que l’inverse », justifie- t-il.
C’est là que les Tontons auraient réclamé : « Sois gentil, je meurs de faim, alors va t’occuper de mon petit encas ». La Cave se rebiffe aurait répondu avec une belle carte. Ardoises garnies, hamburger, andouillette. C’est bon et fait maison. Il n’y a pas que les Tontons qui en redemandent.
Chloé Vernon


AU MENU
L’ARDOISE
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La « Tourangelle » est la plus fournie. Mention très bien pour le foie gras, les rillons et les rillettes maison. On a accompagné ça d’un petit vouvray. Et c’est très bien passé.
L’ADDITION
La Tourangelle (l’ardoise la plus chère à 16,50 €) + un verre de vouvray = 21,50 €. À noter que l’ardoise nourrit facilement trois à quatre personnes, donc le rapport qualité+quantité/prix est bon. Trilogies de vin à partir de 7,90 €. Plats à partir de 11 €.
EN PRATIQUE
La cave se rebiffe. 50 rue du Grand Marché. Tél : 02 47 38 63 52. Horaires : du mardi au samedi à partir de 18 h. Brunch tous les deuxième dimanche du mois (le prochain le 15 décembre, de 11 h à 15 h). Possibilité de privatiser une petite salle dans la cave voûtée.

Thierry Nérisson, le bon vin comme patrie

Cet éleveur de vins a décidé d’arrêter son métier de sommelier dans les restaurants de luxe. Aujourd’hui, ce vigneron ne veut faire que du vin sain et surtout bon. Et si c’était l’avenir du métier ?

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T-shirt de rugby, lunettes de soleil, le gaillard parle vite et fort au volant de sa petite Peugeot. Il roule en direction du village de Chargé, près d’Amboise. Il va visiter un viticulteur. Thierry Nérisson est éleveur de vins. Il va d’exploitation en exploitation repérer les grappes qui lui plaisent et acheter le raisin encore dans la vigne. Il s’occupe ensuite de la vendange, de la vinification et de la vente. Mais ce n’est pas tout. Thierry Nérisson ne fait pas du vin n’importe comment. Il recherche la pureté d’un vin naturel. Roulant à bonne allure sur la levée de la Loire, il critique violemment la viticulture conventionnelle, les grands châteaux de Bordeaux qui ont perdu leur identité à force d’utiliser des levures dans leur processus de fabrication. Il tape sans sourciller sur les vignerons qui détruisent le terroir, « la terre, c’est comme une personne. Si, depuis sa naissance, vous lui mettez une claque tous les jours pendant 20 ans, il va sûrement lui rester un truc pas net au bout. Avant l’arrivée de la chimie dans les années 1960, nos vignes pouvaient durer 100 ans. Aujourd’hui, elles doivent être replantées au bout de 25 ans. » Alors que le château d’Amboise apparaît de l’autre côté de la Loire, il se met à parler bio, des vins sans arômes artificiellement provoqués, de la force d’un terroir respecté. Il ne revendique pas pour autant une étiquette particulière. Thierry Nérisson préfère le terme d’artisan à viticulteur. Lui-même allergique aux sulfites, il évite l’utilisation du soufre, bannit les levures et autres produits qui ne sont pas issus de la terre.
Halte à Amboise
Passé le panneau d’entrée du village de Chargé, Thierry Nérisson coupe le moteur de sa voiture devant la maison de Grégory Leclerc. Ce vigneron pourrait lui vendre une partie de son raisin. Lui aussi fait des vins naturels. Les deux hommes parlementent dans les vignes sur le prix de vente avant de sceller l’accord autour de bonnes bouteilles. Ça parle bouche et nez, tanicité et gourmandise mais aussi fûts et filtrages, silex ou argile. Thierry Nérisson verse son vin avec précision, en parle avec passion. Ces gestes mesurés et ces paroles d’expert, il les a répétés des milliers de fois dans une autre vie, quand il était sommelier. Si aujourd’hui il ne porte presque plus le costard-cravate, il a longtemps officié dans les plus belles maisons de France, notamment chez Bardet à Tours où il avait installé une des plus belles caves de la région. Envie de changement, marre du système de la grande gastronomie mais surtout envie de mettre les mains dans le moût de raisin, Thierry Nérisson est passé peu à peu de l’autre côté de la barrière. Aujourd’hui, il assure des cours dans un lycée hôtelier et consacre le reste de son temps à son activité d’éleveur de vins. La dégustation de Chargé finie, Thierry Nérisson reprend la direction de Rochecorbon où l’attendent sa famille et sa cave. Sur la route, il dépasse un enjambeur, cette énorme machine qui sert à récolter plus rapidement le raisin : « Vous voyez ces gros machins en plastique, ça sert à prendre le raisin mais aussi les bestioles et le pourri. C’est rapide, mais comment peut-on faire du bon boulot avec ça ? »

Vignes : jeunes pousses de Touraine

Reportage au lycée viticole d’Amboise, où le profil et les envies des futurs travailleurs se transforment en même temps que les métiers de la vigne.

 

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Le seau à leurs pieds, le sécateur dans la main. Les mouvements se répètent. Presque mécaniques. Raphaël, Emmanuel, Nicolas et leurs camarades vendangent depuis une dizaine de jours les pieds de vigne du domaine de la Gabillière, qui appartient au Lycée viticole d’Amboise. « Raphaël, tu ramènes des caisses ? », lance Jordan. En classe de première Conduite et gestion d’une exploitation agricole, option vigne et vin, ils s’appliquent dans leurs tâches. Sans machines à vendanger, la priorité est donnée au travail manuel. Même si la « vigne comme nos grands-parents, c’est fini », résume Rodolphe Hardy, maître de chai sur le domaine.

Afféré sur un exercice de thermovinification avec d’autres élèves, il mesure la température d’une cuve. « Avant, il y avait seulement le travail de la vigne et celui du vin. Désormais, il y a tout l’aspect commercialisation qui rentre en jeu », explique-t-il. Vendre son vin aux quatre coins de la France ou du monde, savoir le mettre en valeur. « Le métier s’est professionnalisé », analyse Guillaume Lapaque, directeur de la Fédération des associations viticoles d’Indre-et-Loire et de la Sarthe (Fav 37). Avec les mutations de l’industrie du vin, les jeunes générations changent aussi. « Avant la question de la transmission ne se posait pas. Le fils reprenait l’exploitation du père », continue le directeur de la Fav 37. Aujourd’hui, seuls 30% des viticulteurs d’au moins 50 ans de la région Centre pensent que leur successeur sera un membre de leur famille, selon l’Agreste, le service des études du ministère de l’Agriculture. Et 60 % ne savent pas qui prendra la relève ou estiment que leur domaine est voué à disparaître.

« Investir peut être un peu cher pour les jeunes »

Les investisseurs n’appartenant pas au milieu doivent s’assurer de posséder une certaine capacité financière ou d’être rentable. Ce qui peut décourager les plus jeunes. «Quand on veut acheter un domaine, ce n’est pas une petite somme, on parle en millions », résume Raphaël, 17 ans, les bottes pleines de boue. Tout dépend de l’appellation : en Indre-et- Loire, le coût moyen d’un ha dans une AOP est de 22 600 euros quand il est seulement de 3 700 euros hors AOP. Quel que soit la surface, « il y a désormais tellement de techniques et de machines qu’il faut aussi bien anticiper cette partie de l’investissement », avertit Rodolphe Hardy. « Cela peut peut-être un peu cher pour un certain nombre de jeunes », poursuit Guillaume Lapaque. Les grosses structures s’alignent ainsi avec plus de facilité. La preuve par le chiffre : seules les exploitations de 30 ha ou plus ont vu leur nombre augmenter ces dix dernières années, en région Centre.

Un horizon plus grand

La professionnalisation aidant, l’éventail des métiers s’est élargi. Et travailler au cœur de la vigne devient moins attirant. Au cœur des lignes, la crête de Roman dépasse des rangées. Il est le seul à couper les grappes sans sécateur, et utilise ses mains. Avec facilité. Il assure pourtant que « les métiers dans la vigne sont compliqués. C’est assez physique, il faut avoir du courage ». Une pénurie de main-d’œuvre pointe à l’horizon. « En stage, on s’est déjà retrouvé à trois pour tailler la vigne. Alors qu’aujourd’hui, on est 12 ! », s’exclame Guillaume, qui est habitué du domaine de Vouvray. Il montre un de ses doigts, blessé par les vendanges. « En même temps, il faut comprendre, quand on est à moins quinze degrés et qu’il faut tailler… » lâche-t-il.

« On doit être complet »

Guillaume et Roman s’orientent vers le vin plutôt que la vigne. Maître de chai pour le premier, œnologue pour le second. Le seau plein dans la main gauche, Emmanuel, souhaite, lui, reprendre l’exploitation familiale. Ils s’accordent tous sur un point : travailler dans le secteur viticole requiert aujourd’hui un niveau plus élevé. « Un BTS permet souvent d’approfondir les connaissances après le bac pro », appuie Gaëlle, occupée à trier les grappes dans les bacs. « On doit être complet », poursuit Raphaël, insistant sur les compétences commerciales nécessaires dans les métiers du vin. Dans la ligne d’à côté, Nicolas parade. Toujours la banane et la tchatche facile. « Je veux devenir négociant », glisse-t-il, le smartphone visible dans une poche de sa combinaison. Originaire de Montreuil (Seine-Saint-Denis), son profil est symbolique d’un secteur qui s’ouvre à d’autres mondes. « On a environ 30 % de fils ou filles de vignerons. On devait être à 90 % il y a quinze ans », estime Rodolphe Hardy.

Le renouvellement et l’attractivité pour le vin n’empêchent pas les élèves d’être attachés à des valeurs. Conscients que les mutations ne doivent pas galvauder une certaine conception de leur domaine. « Il faut garder un équilibre entre les grosses structures et les petits vignerons », souligne Guillaume, quand Raphaël met en garde contre une « monopolisation du système de vente des vins ». À eux de jouer. D’autant plus qu’ils sont certains d’être à l’ouvrage d’ici quelques années. Jean-Pierre Genet, directeur de l’établissement, confirme avec le sourire : « Six mois après la fin d’études, plus de 90% de nos élèves ont un emploi ».

Saumurois : la Loire et le vin

Entre la Loire, le tuffeau, les châteaux, les troglodytes, les abbayes, il y a le vin. Promenade au coeur du Saumur-Champigny.

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1 – La maison des Vins de loire
Le point de départ d’une balade oenotouristique en Saumurois, est assurément la Maison des vins de Loire, sur le quai Carnot, à Saumur. Une équipe nous y présente le terroir, les cépages, les appellations de Loire, les techniques de vinifications, mais aussi de dégustations, les arômes… Un apprentissage aux goûts. On peut repartir avec des bouteilles parmi plus de 70 références au choix.
2 – Les jolis coteaux
Les plus beaux panoramas sont du côté de Montsoreau et son château, Parnay et son église, Turquant et ses artisans d’art, Souzay- Champigny et Saumoussay et leurs troglodytes… Ne pas hésiter à prendre les rues de traverse pour aller sur les hauteurs, stationner sa voiture et entrer à pied dans les vignes. On appréciera ces curieuses vignes plantées entre les murs par Antoine Cristal au XIXe siècle. Dans les hauteurs, on surplombe la Loire ou le Thouet dans des paysages à couper le souffle !
3 – La Loire, le vélo
Le parcours « La Loire à vélo » permet de circuler de Nantes à Sancerre, sur les bords de la Loire. 800 km de pistes cyclables et petites routes peu fréquentées pour flâner et se ressourcer au coeur des vignobles du muscadet, vins d’Anjou, coteau du layon, saint-nicolas-de-bourgueil, saumur-champigny, chinon, vouvray, crémant de Loire, sancerre…. Sur tout le parcours, des établissements labellisés « La Loire à vélo/accueil vélo » sont organisés pour l’accueil des cyclistes. Pour faire des pauses oenotouristiques, il faut se laisser guider par « les grappes violettes ». Par endroit, des balades en bateau sont également proposées, comme à Montsoreau, à bord d’une toue cabannée.
4 – Le musée du champignon
Dans le Saumurois, il n’y a pas que le vin qui mûrit dans les caves de tuffeau… Il y a aussi les champignons ! Et même si la tradition s’est perdue pour la pousse sous serres, des champignonnières sont encore accessibles. Il y a notamment le Musée du champignon, à Montsoreau où l’on parcourt les profondeurs troglodytiques pour comprendre les techniques artisanales et modernes de la culture du champignon. Il y fait frais !


En bref
Notre guide
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Marion Valière Loudiyi, journaliste depuis plus de 20 ans, elle se passionne pour les différentes cultures des régions de France et au-delà.
Où manger ?
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Au Saut aux Loups. Un restaurant troglodytique sur les hauteurs de Montsoreau, face à la Loire. Un lieu magnifique et dépaysant, dans lequel on déguste des galipettes farcies, c’est-à-dire de gros champignons de Paris garnis de rillettes, andouilles, saumon, escargots ou fromage de chèvre frais, et cuits au four à pain. Attention, dans ces souterrains, il fait toujours frais, prévoir une petite laine. Avenue de la Loire, à Montsoreau.
Où boire un verre ?
Pourquoi ne pas aller boire un verre dans le cadre idyllique de l’Abbaye royale de Fontevraud, à 15 kilomètres de Saumur ? L’Aliénor Café est un lieu paisible, ouvert sur le cloître et les jardins, qui s’est spécialisé dans les accords mets-vins autour de produits et vins locaux. À Fontevraud, dans l’abbaye.