Un week-end pour les startup et l’égalité femmes-hommes

Cinquante-quatre heures pour créer une startup sur l’égalité entre les femmes et les hommes ? C’est le défi que propose le concours Startup week-end women.

Les faits

Du 15 au 17 novembre, se tiendra à Mame la première édition en Centre Val de Loire de Startup Week-end Women. En résumé, il s’agit d’un concours de 54 heures pour créer une entreprise sur l’égalité entre femmes et hommes et/ou rendant un service aux femmes répondant à un besoin particulier.

Les équipes seront mixtes. Mais seules les femmes pourront pitcher et raconter leur idée lors de la présentation, le vendredi soir. Suite à ça, les participant( e)s voteront pour les projets qui devront être travaillés le week-end : « Deux nuits et deux jours pour transformer une idée en entreprise. C’est le début de la course contre la montre ! », précise l’organisation.

Les enjeux

« Il s’agit de sensibiliser les participant(e)s à l’entrepreneuriat et aux thématiques de l’égalité entre femmes et hommes », expliquent, dans un communiqué, les organisateurs. Qui rajoutent : « N’oublions pas que rétablir l’égalité entre femmes et hommes, c’est le faire dans tous les domaines (sphère professionnelle et privée). Cela permet de rétablir un équilibre des droits dans tous les domaines. »

Le contexte

Les « Startup week-end » sont des événements créés pour promouvoir l’entrepreneuriat et faire naître des envies de création d’entreprise. Soutenus par le réseau Techstars, ils ont lieu un peu partout dans le monde. Cette édition « femmes » tombet- elle pile au bon moment ?

Encore récemment, Marlène Schiappa a annoncé dans les colonnes de La Voix du Nord que le gouvernement consacrerait en 2020 plus d’un milliard d’euros à l’égalité entre les femmes et les hommes. Soit le double par rapport à 2019 (Ce budget a toutefois créé la polémique, les associations féministes affichant leur scepticisme quant au montant avancé).

Le point de vue

En France, dans le secteur de l’innovation, 10 % des entreprises sont créées par des femmes. L’an dernier, lors de la première édition du Global Startup week-end women, à Paris, près de 2 000 femmes réparties sur 23 villes s’étaient mobilisées. De quoi encourager les initiatives. Un tel événement devrait donc avoir le mérite de casser certaines barrières bien trop tenaces dans le monde de l’entrepreneuriat.

Texte : Aurélien Germain / Photo : Adobe Stock

> Startup week-end Women, du 15 au 17 novembre à Mame, à Tours.

> Inscriptions (payantes) et informations : facebook.com/ SWWomenTours

Foodtruck : La Cuisine d’Ana

Vous l’avez probablement vue à Mame ou encore au Jardin Botanique. On a rendu visite à La Cuisine d’Ana pour tester son foodtruck.

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Elle régale autant les assureurs affamés de la Maif que les bricoleurs pressés de Leroy Merlin. La Cuisine d’Ana est un foodtruck qui existe à Tours depuis maintenant deux ans. Tenu par Anabela Payet, il circule du lundi au samedi, avec une pause le mardi, à travers la ville.
Le jeudi midi, c’est à Mame qu’elle régale les étudiants et professeurs de l’Esten, des Beaux-arts ou encore les entrepreneurs des start-up présentes

. Et pour faire fonctionner toute cette matière grise, quoi de mieux qu’un sauté de porc au soja avec des pâtes ou une tarte aux courgettes. En dessert ce jour-là, pas de brioche perdue, mais un fondant au chocolat, fort en cacao. « J’ai travaillé trois ans et demi Ô Lieu dit vin avant de reprendre mon ancien métier, secrétaire de gestion. Quand l’entreprise dans laquelle je travaillais a fermé, je me suis lancée dans ce que j’ai toujours aimé faire et seule, je ne me voyais pas ouvrir un restaurant, d’où le camion », explique Ana.

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Toutes les semaines, elle change son menu du jour. « Je fais du poulet au curry, des lasagnes, du boeuf aux oignons… et des tartes saumon, épinard et chèvre… », énumère-t-elle. Une cuisine simple, familiale, mais généreuse et délicieuse. « Je cuisine le plus possible les produits locaux », précise-t-elle.

Au jardin botanique, mercredi et samedi, vous serez guidé à l’heure du goûter par l’odeur des gaufres ou des crêpes. Et si elle n’est pas l’entrée du parc, c’est qu’elle est partie nourrir les festivaliers d’Avoine Zone Groove à coup de burgers maison.

> Foodtruck, la Cuisine d’Ana. Les lundis midi au Leroy Merlin Tours-Sud, les mercredis au jardin botanique de 11 h 30 à 18 h 30, les jeudis midis à Mame, les vendredis midi à la Maif Tours-Nord et les samedis de 14 h 30 à 18 h 30 au jardin botanique.
> Informations au 06 15 57 39 37 ou sur Facebook.
> Plat du jour 5 € ou 6 €, dessert 2,50 €, sandwichs 3,70 €.

La Wild Code School s’installe à Tours

À la rentrée prochaine, une quinzaine d’élèves apprendront à Mame les bases du langage web.
Une formation pour adulte, la Wild Code School, les initie en cinq mois.

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DÉVELOPPEUR WEB, KÉSAKO ?
Coder, c’est créer un site internet et/ou une application et les faire fonctionner. Il s’agit de gérer les liens entre les bases de données et l’interface de l’utilisateur. Ce n’est pas inventer l’habillage d’un site (webdesigner), ni réparer un ordinateur (technicien de maintenance), ou encore animer un site et un réseau social (community manager).
À la Wild Code School, on apprend ainsi les bases de ce métier en cinq mois, à travers l’apprentissage d’un premier langage de programmation. Mais il ne suffit pas de savoir aligner des lignes de code pour être un bon développeur web, il faut aussi savoir travailler en équipe, communiquer avec le client et être capable de restituer son projet à l’oral. Ce métier permet aussi de travailler chez soi ou à l’étranger et comprendre un monde qui nous entoure au quotidien.

LES MAINS DANS LE CAMBOUIS
Devenir développeur web, c’est accepter de mettre les mains dans le cambouis. C’est un vrai métier de passion avec une carrière possible. Un métier pour lequel il faut sans cesse se mettre à la page et, pour cela, « apprendre à apprendre », comme le décrit Lucie Coulon, responsable du développement de l’école Wild Code School.

APPRENDRE À PARLER LA LANGUE DE LA VILLE
Impossible d’apprendre tous les langages de programmation existants en cinq mois. Il y en a plus d’une dizaine. Alors, pour mieux coller aux attentes du marché local sur le web, l’école réalise une enquête auprès des entreprises numériques tourangelles. Par exemple, à Orléans, le langage enseigné est le PHP Symfony, « plus utilisé par les PME, explique Lucie Coulon. À Tours, l’écosystème est différent. Le besoin des entreprises se situerait entre le Java J2EE, plus prisé par les Entreprises de services du numérique (ESN) ou le JavaScript plutôt utilisé par les startups. »

DES EMPLOIS À LA CLÉ
Selon les chiffres de Pôle emploi, entre 8 000 et 9 000 développeurs web sont recherchés par an en France. Mais beaucoup d’offres ne sont pas référencées par le site public et ce chiffre atteindrait, en réalité, entre 10 000 et 40 000 emplois par an. La région Centre souhaite développer les compétences dans le numérique de ses habitants et serait prête à financer des formations en ce sens : 2 000 places au total et 541 en Indre-et-Loire, département le plus soutenu.

UNE DEMANDE À TOURS
À Tours, des entreprises sont déjà intéressées par les élèves qui réaliseraient la formation de développeur web. Parmi elles on peut citer : Umanis (Data, business solutions et digital), C2S (ESN), Citya Immobilier, Group Open (ESN) et des discussions sont en cours avec les jeunes pousses de Mame. Ces dernières ont plus la cote auprès des étudiants sortants que les ESN.

« UNE ÉCOLE QUI SE VEUT DIFFÉRENTE »

INTERVIEW DE LUCIE COULON, RESPONSABLE DU DÉVELOPPEMENT À LA WILD CODE SCHOOL

Qui peut intégrer la formation ?
Aucun diplôme n’est demandé. Il faut juste avoir 18 ans et réussir les tests en ligne. À la Wild Code School, on apprend en faisant et on apprend à être autonome. Il y a des gens en reconversion professionnelle et des jeunes qui sortent du lycée.

Que signifie le « Wild » dans Wild Code School ? UNE_SCHOOL
C’est notre côté décalé. On se veut être une école alternative, un juste milieu entre une formation autodidacte et une école d’ingénieur, où, après cinq ans d’études, on ne veut pas forcément rester développeur web mais chef de projet. « Wild » signifie sauvage, c’est aussi notre rapport à la campagne, où nous avons créé notre première école (La Loupe, en Eure-et-Loir) il y a quatre ans et un clin d’oeil au logo qui est un cerf.

Pourquoi avoir choisi la ville de Tours pour ouvrir cette 14e école ?
La Wild Code School est originaire de la région Centre qui nous a beaucoup soutenus et il y a un écosystème numérique développé à Tours. La présence de Mame a aussi été décisive dans notre intention. C’est le lieu « Totem » de la French Tech Loire Valley. Nous avons ouvert une école à Orléans au Lab’O et nous avons un beau retour d’expérience : 50 % de nos étudiants vont travailler avec les startups de ce lieu. Nous espérons la même chose à Mame et au-delà, il y a à Tours le HQ, l’association Palo Altours… On voit un dynamisme qui s’accélère et on souhaite en faire partie.

Combien d’étudiants y aura-t-il dans la première promotion tourangelle en septembre ?
Ils seront entre quinze et vingt dans les locaux de Mame. Les étudiants suivront cinq mois de cours suivis de quatre mois de stages. Ils pourront à passer à l’issue de leur formation un titre professionnel du ministère du Travail (équivalent bac+2), une épreuve orale.

Combien coûte la formation ?
Elle coûte 6 000 € et est éligible aux aides dédiées aux formations professionnelles telles que le CPF, le CIF pour les salariés ou les aides de Pôle emploi. Nous accompagnons les personnes qui le souhaitent à monter leur dossier de financement.

À Paris, l’école fondée par Xavier Niel, L’école 42, est basée sur l’apprentissage par soi-même et à son rythme dans les locaux de l’établissement. Est-ce le même principe à la Wild Code School ?
On est proche de 42 par certains points. Nous proposons du « peer to peer learning » nous aussi. C’est-à-dire que les étudiants peuvent échanger sur un site et se donner des conseils pour avancer. Il y a aussi des exercices d’e-learning à réaliser en classe, sur notre plateforme « Odyssey » qui ressemble à un jeu vidéo avec des quêtes et des badges à décrocher. En revanche, nous nous distinguons de L’école 42 car nous avons un formateur dans chaque groupe qui a un rôle de coach et d’encadrement des projets. Les étudiants sont également priés de venir la journée, du lundi au vendredi. Ce n’est pas non plus une « école de la survie », dans laquelle on garde seulement les meilleurs, mais plutôt une école de la bienveillance où l’on cherche à emmener tout le monde vers la réussite.

Combien va pouvoir gagner un développeur web ?
Au début de sa carrière, un développeur web « Junior » va gagner entre 28 000 et 32 000 € brut annuel. Après deux ans, entre 32 000 et 41 000 € et après sept ans, entre 41 000 et 64 000 €.

Changer la housse de couette ? Ce n’est plus une corvée !

Changer sa housse de couette, une corvée ? Benjamin Rimajou, inventeur de 33 ans, a trouvé la solution avec Hopoli et, par la même occasion, une reconversion.

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« On connaît tous la technique du fantôme, les bras tendus dans la couette… », illustre Benjamin Rimajou que l’on rencontre chez Mame, dans les locaux du FunLAB, le fab lab tourangeau.

Ce geste du quotidien peut s’avérer très fatigant lorsque l’on a quatre enfants ou que l’on doit faire tourner un gîte en pleine saison.
Et même lorsqu’il n’y a qu’une seule housse de couette à changer, on s’en fait parfois tout une montagne.

C’est donc assis dans son canapé, le 31 mars 2016, que Benjamin a trouvé une solution à cette corvée. Il avait alors tout le temps de réfléchir. Animateur radio pendant huit ans (Brest, Lille, Bayonne…), le jeune homme à la moustache dynamique, originaire de Pau, avait finalement choisi Tours en 2015 pour trouver un nouveau métier.
Bricoleur dans l’âme, il pensait se diriger vers un CAP menuiserie mais ses idées l’ont rattrapé. Ni une ni deux, il court au magasin de bricolage, achète deux pinces et deux patères qui s’accrochent sur une porte, assemble le tout… et « eurêka ! », ça fonctionne ! Les pinces viennent alors, comme une seconde paire de mains, accrocher les extrémités de la housse de couette. Une fois à l’intérieur de sa housse, la couette est à son tour bloquée par les pinces et il devient facile de tendre le tout. « J’ai tout de suite senti qu’il y avait quelque chose à exploiter », décrit l’inventeur.

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Tout juste inscrit au FunLAB, il s’y rend presque tous les jours. « Je n’avais pas d’atelier à la maison, ni les moyens de faire réaliser les prototypes par un bureau d’études. Au lieu de payer 10 000 €, j’ai déboursé 180 € seulement et passé des heures à y travailler. » Après un an et demi, 25 prototypes réalisés avec une imprimante 3D, 3 modèles en acier, un gros coup de pouce pour le design, son Hopoli (comme Hop, au lit !) est enfin prêt. Il a également déposé un brevet qu’il a lui même rédigé « avec l’aide de l’Association des inventeurs et créateurs de Touraine. J’ai dépensé 300 € au lieu de 5 000 € ».
Autodidacte jusqu’au bout, il a réalisé son site internet, les modes d’emploi et les premiers tests avec ses voisins à La Riche. Benjamin, déjà primé trois fois pour son projet, passe par un financement participatif de 10 000 € sur la plateforme Kickstarter. « Les gens peuvent acheter le Hopoli en amont et je pourrais lancer la production en juin 2018 », précise Benjamin tout sourire, qui a atteint dès la première semaine 65 % de son objectif de financement. Un Esat de Tours-Nord s’occupera également d’une grande partie de la fabrication et les pièces seront usinées en Europe.

Benjamin devrait investir un local dans six mois et créer deux emplois pour l’aider d’ici un an. Une aventure qui ne fait que commencer pour celui qui possède un carnet rempli d’idées pour nous faciliter la vie au quotidien.

>>En savoir plus sur hopoli.fr

Portrait par Pauline Phouthonnesy.

2018 : le futur visage de Mame

Réveillé depuis 2014, le site Mame veut être plus qu’un lieu d’innovation économique et technique. Il veut casser les cloisons et provoquer des rencontres entre les Tourangeaux. Récemment dévoilé, l’aménagement du site répond à un cahier des charges hors normes. Visite guidée avec les concepteurs.

(Photo NR/Création graphique :Marie-Gaëtane Scala, Pauline Lecoq)
(Photo NR/Création graphique :Marie-Gaëtane Scala, Pauline Lecoq)

1950. Si la guerre est terminée, Tours a perdu bien des plumes dans les combats et les bombardements. En particulier l’usine Mame, installée près des Halles, qui a été réduite en cendres. Mais Alfred, le patron, a le goût du défi. Les ateliers sont détruits ? Il décide de les reconstruire et tant qu’à faire, plus grands, plus beaux. L’architecte Bernard Zehrfuss imagine alors deux bâtiments modulables, le designer Jean Prouvé conçoit des sheds d’aluminium arrondis pour éclairer les 5 000 mètres carrés d’atelier, le peintre Edgard Pillet colore les cloisons, les murs et les pilastres.
Résultat ? Un bâtiment couronné du Prix d’architecture industrielle en 1954 et classé monument historique cinquante plus tard. Dès sa naissance, Mame est donc un cocktail hors normes, un mélange savamment dosé de technologies industrielles, d’art et d’inventivité. De quoi mettre une bonne pression à ceux qui reprennent le flambeau aujourd’hui pour son réaménagement.

Trois agences d’architecture et de design ont répondu à l’appel à projet lancé par Tours Métropole. « Au-delà du design, le lieu était innovant pour son époque et il accueille aujourd’hui des formes d’innovations, souligne Thibault Coulon. Les solutions imaginées par RCP sont innovantes, c’est ce qui nous a fait choisir, à l’unanimité, leur proposition. » L’agence tourangelle a décidé de jouer avec les contraintes imposées par Mame : lieu de rencontres mais aussi lieu patrimonial et lieu de travail, le site a plusieurs destinations. Et multiplie les difficultés techniques. « C’est un endroit où les gens travaillent, créent, innovent mais c’est aussi un lieu de ressource pour le territoire et il doit rester ouvert pour accueillir des concerts, des séminaires, des animations, des rencontres, détaille l’adjoint à l’économie de Tours. Les entrepreneurs installés à Mame doivent pouvoir travailler et d’autres personnes aller et venir sans se déranger, ou ceux qui travaillent ici vont devenir fous. »

Régine Charvet Pello, la fondatrice de l’agence RCP et Christophe Davene ont relevé le défi. Il suffit d’observer les plans affichés en grand format au milieu de l’ancienne usine pour constater que les deux designers ont vu dans le projet un exercice de style. Tout en refusant de faire un catalogue de design, ils se sont amusés comme des petits fous à transformer chaque contrainte en atout.

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(Cliquez sur l’image pour l’agrandir)

L’immense bibliothèque de 40 mètres, imaginée le long du mur ouest, en est le meilleur exemple (voir plans page 12). « On ne construit plus de bibliothèques comme ça aujourd’hui, explique Régine Charvet Pello. Ici, dans la plus grande imprimerie d’Europe, c’était l’occasion ou jamais d’en installer une et de rendre hommage à l’intelligence du papier. » Pas d’échelle de bois pour accéder aux rayonnages mais une coursive, qui surplombe tout l’espace, et un toboggan en métal qui permet de redescendre ! Outre leur fonction décorative et culturelle (ils seront en libre service), ces milliers de livres serviront d’isolation acoustique. Une manière aussi de rappeler que l’écran ne chasse pas le livre.

Dans l’espace de co-working, le sol est couvert de plaques insonorisantes dont les couleurs rappellent les pixels, mais aussi les nuanciers de graphistes et les peintures d’Edgar Pillet : le plafond, les sheds, les piliers, des murs, des machines et des façades étaient recouverts à l’origine de grandes vagues bleues, jaunes, saumon et de gris. Un matériau innovant et made in Touraine, qui valorise un savoirfaire local. Les tables de réunion en bois, les luminaires en papier, les petites cabanes de travail ont été conçues en collaboration avec de jeunes entreprises.
Régine Charvet Pello souhaitait ouvrir le projet d’aménagement de RCP : « Alfred Mame était un visionnaire et avait une vision d’esthète, d’où sa volonté d’une équipe mixte pour la construction du lieu. Aujourd’hui, Mame est un lieu de partage. On a beaucoup de chance de travailler sur ce projet, on a voulu partager cette opportunité et poursuivre cette démarche de co-création insufflée par Alfred. De toute façon, je crois que 1 + 1 = 11. On réfléchit toujours mieux à plusieurs. »

Les meubles de l'espace co-working.
Les meubles de l’espace co-working.

Les cloisons mobiles qui ferment l’espace animation, elles aussi modulables, sont des flèches qui servent habituellement au transport des tableaux dans les musées. Elles peuvent être recouvertes de plaques de couleur, de panneaux digitaux, d’affiches… Le restaurant, niché contre une drôle de machine, sera meublé de meubles d’architectes chinés. « Revenir à l’essence du lieu, sa modernité, est la meilleure manière de ne pas plagier Prouvé mais de respecter ses marques », souligne Christophe Davene. Pour les deux designers, Mame est un manifeste.
À l’époque de sa conception originelle, mais aussi par son utilisation actuelle : en moins d’un an, Mame s’est imposé comme un lieu d’expérience culturelle, économique, sociale, technologique. Il accueille deux à trois événements chaque semaine et doit rester un carrefour pour les Tourangeaux. « Mame est l’étendard de la Métropole, justifie Thibault Coulon. Il incarne une histoire, une vision et une ambition. Ça ne doit pas être un lieu banal et quand on vient ici, on doit être surpris et trouver l’ensemble beau. Mame est un lieu emblématique de la Touraine, un carrefour de ses richesses. »

Lieu historique, social, technique, artistique, Mame symbolise l’histoire de Tours, ses hauts et ses bas, sa richesse, son essor économique, ses blessures. Sa beauté, aussi. Thibault Coulon le confirme : si Mame était un animal, ce serait un phénix. Un oiseau de bon augure pour le nouveau lieu totem de la Métropole

MAME : année I pour la Cité de la Création et du Numérique

L’ancienne imprimerie est devenue officiellement Cité de la Création et du Numérique la semaine dernière.

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Ça y est, l’ancienne imprimerie est devenue officiellement Cité de la Création et du Numérique ce 10 juin. Les peintures ne sont pas terminées et les échafaudages parsemaient encore le chantier la veille de l’inauguration, mais à 14 h, des dizaines de Tourangeaux piétinaient devant l’entrée principale pour découvrir la nouvelle version de Mame. Députés, maires, chefs d’entreprises, blogueurs et curieux se sont croisés tout l’après-midi et cette journée d’inauguration était aussi une opération portes ouvertes pour la vingtaine de start-ups installées sur le site, chacune présentant son savoir-faire.

Si les élus rivalisaient d’enthousiasme en découvrant ces créations, ils ont interloqué certains visiteurs : « Mais à quoi ça sert, tous ces trucs ? On n’en a pas besoin ! », m’a demandé à l’oreille une petite dame qui suivait la visite officielle. Clin d’oeil à l’Histoire : la première entreprise à avoir posé ses valises dans le nouveau Mame, c’est justement Violet Solid, une petite imprimerie qui mixe techniques traditionnelles et graphisme ultra moderne. De quoi créer un lien entre l’ancien et le moderne.

Cité Mame, 49, boulevard Preuilly, à Tours.

Portraits d'ouvriers des Temps modernes

Quatre ouvriers tourangeaux nous parlent de leur travail, de leurs rêves et de leurs envies, de leurs craintes. Loin des pneus qui brûlent et de la fièvre des manifestations.

Il y a eu les Conti de Clairoix. Les Florange, les PSA d’Aulnay. Et plus proche de nous, les « Bibs » de Michelin, à Joué-lès-Tours. Des piquets de grève, des barricades, des poings levés et des gueules fermées devant les caméras. L’image est figée, presque intemporelle. Seuls les dégâts humains attirent les objectifs sur ce milieu, cette classe oubliée. Il y a pourtant six millions d’ouvriers en France, qui occupent seulement 2% de l’espace médiatique, selon l’Observatoire des inégalités, basé à Tours. Derrière les chiffres et les combats devant les caméras, un constat : les ouvriers ne sont plus une catégorie sociale homogène. Ils sont les derniers représentants d’un monde industriel qui a laissé place à une société de service. Leur identité de classe s’est effritée, les syndicats se sont retirés (5,9% des ouvriers étaient syndiqués entre 2001 et 2005, ils étaient de 20 à 25 % dans les années 70). Ces changements amènent à un questionnement : qu’est-ce que le travail à l’usine aujourd’hui ? Il est difficile de se livrer, de décrire ses conditions de travail. Quatre ouvriers, anciens ou actuels, ont accepté de témoigner. Ils parlent de « trois huit » épuisants, de « gueuletons » entre collègues, du rapport à la hiérarchie, des mutations de leur métier. Au-delà du nombre d’emplois supprimés/sauvegardés ou des appellations comme « plan de sauvegarde de l’emploi » utilisées comme écran de fumée, ces portraits offrent une plongée dans une complexe et hétérogène condition ouvrière.
 

PHILIPPE
Philippe Doucet, 44 ans

Le feu crépite dans le salon de sa petite maison d’Auzouer-en- Touraine. Philippe Doucet est de l’après-midi et doit embaucher vers 13 heures à l’usine de Joué-lès- Tours. « D’habitude, je suis du soir, j’ai des problèmes de sommeil, alors embaucher à 5 heures du mat’, c’est compliqué pour moi. » Il ne se dit pas forcément ouvrier, même si le terme ne le rebute pas. À l’usine Michelin de Joué-lès-Tours, il est opérateur sur machine fabrication. Philippe Doucet est dans la maison depuis 19 ans. Il parle de ses débuts avec nostalgie : « J’ai commencé à Poitiers en 1995. Il y avait une certaine classe à travailler chez Michelin, un prestige. On s’entendait tous très bien, on se voyait tous en dehors de l’usine. On organisait de sacrés gueuletons ! » 25 ans à l’époque, Philippe Doucet a connu la case chômage, l’apprentissage en mécanique, en chaudronnerie et serrurerie. À l’école ? « Un cancre ! Je ne pouvais pas m’empêcher de faire le bazar. » En 2005, il vit un premier plan de licenciement économique à Poitiers. L’entreprise l’envoie à Joué-lès-Tours. En juin dernier, le PSE de l’usine tourangelle de Michelin, il l’apprend chez lui, sur internet. « Je n’ai pas tout de suite trouvé les mots. Très vite, je me suis dit que je voulais travailler, continuer. » Philippe Doucet veut évoluer, avoir plus de responsabilités. Il aime les machines, les répare quand il peut. Partir dans une autre usine, il doit en parler avec sa femme, mais lui, ça ne le dérange pas. Les manifestations qui ont eu lieu cette année, il n’en parle pas trop. Il a participé à certaines, par solidarité, mais il n’a pas voulu montrer de colère et de violence. « Je ne suis pas syndiqué. J’aurais pu, mais ça me demanderait trop de temps et d’investissement. » Philippe Doucet a déjà une passion qui l’accapare. Fan de Jean-Michel Jarre, il compose de la musique sur son ordinateur depuis plusieurs années. Dans une petite pièce, l’ancienne chambre de sa fille, deux synthés sont reliés à son PC. Ambiance techno années 1980, nappe de synthés vintage : il fait écouter ses morceaux avec beaucoup de modestie. « Je chante beaucoup à l’usine, au début ça dérangeait un peu les autres, ils se sont habitués depuis. J’ai besoin de faire des blagues, de siffloter, de rendre le travail joyeux. »
 

ZORA
Zora Bouab, 37 ans

Elle ne se tient pas toujours droite. L’échine abîmée, usée progressivement. Depuis quatre ans, Zora est une « bib » de Joué-lès-Tours. Elle est entrée dans ce monde sans a priori, ni préjugés. « Tant qu’on n’est pas dedans, on ne sait pas ce que c’est », assure-t-elle, de sa voix rauque. Maintenant qu’elle est habituée, Zora résume : « Il faut du caractère pour bosser à l’usine. Surtout quand on est une femme », ajoute-t-elle spontanément. À Michelin, elles sont seulement treize dans ce milieu d’hommes, « machos », complète la trentenaire, affectée à la fabrication de membranes. Elle se souvient de son premier jour et de son « erreur » : débarquer en tailleur. Zora raconte aussi les remarques à connotation sexuelle de ses collègues masculins. « Je les remets à leur place», explique-t-elle. « Quand je suis en bleu, ils sont en bleu. On fait le même travail, à porter des membranes de cinquante kilos ». Ce travail leur laisse des traces à tous. Pour Zora, c’est le dos qui souffre. Elle retrousse ses manches, montre ses avantbras et ses mains, marqués par quelques brûlures. Le corps encaisse. S’habitue à des conditions exténuantes. Mentalement, il faut aussi résister. La répétition des tâches, la pression de la cadence. Zora égratigne ces fameux « trois huit », ces horaires décalés, ce rythme ingrat reconnu comme dangereux par plusieurs études. « C’est dur, pénible. Personne ne rêve de bosser à l’usine. On s’adapte parce qu’il faut s’adapter », lâche-t-elle. La « bib » apprécie la reconnaissance dans son travail. Elle aimerait une « revalorisation » du monde ouvrier. « Parce qu’être à l’usine, c’est un acte courageux », poursuit celle qui élève seule ses trois enfants, âgés de 10 à 13 ans. Pour les 50 ans de l’usine, les familles des travailleurs étaient rassemblées sur le site autour d’un grand barbecue. Les proches se rendent compte de cette atmosphère particulière. Comme « l’odeur, le bruit constant dans les oreilles ». Zora envisage de poursuivre à l’usine jusqu’à la majorité de ses enfants. Elle pourra peut-être ensuite redresser l’échine.
 

MICHEL
Michel Guillot, 56 ans

Multiples casquettes : Michel Guillot est ouvrier d’imprimerie et président du Racing, le club de football de La Riche. Il a longtemps été élu CGT au comité d’entreprise de Mame. Il ne peut s’empêcher de courir sans cesse, interrompu de temps à autre par un coup de téléphone. Pour réussir à tout faire, il a un principe : ne jamais s’éloigner. Lors de son CAP conducteur-typographe, de 1973 à 1976, il effectue un apprentissage dans une imprimerie des halles de Tours, « à un kilomètre de chez moi. Probablement mon lieu de travail le plus éloigné ! » Il est ensuite embauché par l’imprimerie Mame, comme margeur, puis comme aide-conducteur, et enfin conducteur d’une rotative quatre couleurs, « à quelques centaines de mètres de mon domicile. » Un avantage qui lui permet de se consacrer à sa vraie passion, le football. « Ça fait 33 ans que je m’occupe du club et de ses 300 licenciés. J’ai été joueur, secrétaire… jusqu’à devenir président. J’occupe ce poste depuis 2000 et j’y ai toujours passé beaucoup plus de temps qu’à mon travail. » D’ailleurs, il s’est installé à quelques pâtés de maisons de là. Lors de la liquidation judiciaire de l’entreprise, « les réunions s’enchaînaient. Nous avons essayé de sauver Mame, mais il y a eu une mauvaise gestion des dirigeants », lâche-t-il, amer. Il a été licencié en juin 2011, à 54 ans. Depuis, il travaille de temps en temps à l’imprimerie de La Nouvelle République, en CDD. Un poste qui lui convient parfaitement. « Notre métier a été bouleversé avec l’avancée des technologies, constate-t-il. Aujourd’hui, il y a moins de travail pour les ouvriers de l’imprimerie, mais c’est devenu plus facile. Désormais, nous produisons plus, plus vite, avec moins de monde. La difficulté, maintenant, c’est d’être très attentif et réactif. C’est moins fatiguant. »
 

FRANCOIS
François Breton, 62 ans

« Fini les 3 x 8 », sourit François Breton, un retraité de 62 ans. Et pour rien au monde, il ne recommencerait. Ce Tourangeau, né à Saint-Étienne-de- Chigny, mais dont l’enfance s’est déroulée près de Vendôme, a suivi une formation de deux ans en apprentissage dans une imprimerie d’Indre-et-Loire. Après une année comme ouvrier-typographe aux Presses universitaires de France, à Vendôme, et un an de service militaire, François Breton postule à l’imprimerie Mame. Il est embauché en 1972 comme margeur. « C’était le poste classique pour commencer, explique le jeune retraité. Concrètement, il fallait alimenter la machine en papiers. » Il évolue rapidement et obtient la fonction de « conducteur d’une machine quatre couleurs. » Dès le départ, comme tous les ouvriers, il fonctionne sur le système des 3 x 8. « 5 h – 13 h, 13 h – 21 h et 21 h – 5 h, se souvient-il. C’est très difficile, particulièrement à cause des rythmes de sommeil. » Lorsqu’ils sont jeunes, les ouvriers ne bronchent pas pour travailler la nuit. À l’imprimerie Mame, les heures de nuit étaient rémunérées 33 % de plus. Sans compter l’absence de la plupart des chefs, qui rend ce créneau horaire plus « tranquille ». « Et puis, lorsqu’on bosse le matin, ça permet de profiter des journées. » Très vite, l’ouvrier a changé d’opinion : « Plus les années passent, plus cela devient difficile de reprendre un rythme. On récupère de plus en plus mal. » Il est presque soulagé lorsque, à 59 ans, les gérants lui annoncent son licenciement. « Avec la liquidation judiciaire en cours, c’était déjà fini. Nous, nous en avions marre. Malgré tout, je me disais que mon licenciement pourrait peut-être sauver quelques jeunes… » François Breton se retrouve au chômage pendant un peu plus d’un an, avant de toucher sa retraite. « Je ne m’ennuie pas, j’ai un million de choses à faire entre les livres, internet, le bricolage, la cuisine, etc. Et je peux affirmer une chose : le travail ne me manque pas ! »