2018 : le futur visage de Mame

Réveillé depuis 2014, le site Mame veut être plus qu’un lieu d’innovation économique et technique. Il veut casser les cloisons et provoquer des rencontres entre les Tourangeaux. Récemment dévoilé, l’aménagement du site répond à un cahier des charges hors normes. Visite guidée avec les concepteurs.

(Photo NR/Création graphique :Marie-Gaëtane Scala, Pauline Lecoq)
(Photo NR/Création graphique :Marie-Gaëtane Scala, Pauline Lecoq)

1950. Si la guerre est terminée, Tours a perdu bien des plumes dans les combats et les bombardements. En particulier l’usine Mame, installée près des Halles, qui a été réduite en cendres. Mais Alfred, le patron, a le goût du défi. Les ateliers sont détruits ? Il décide de les reconstruire et tant qu’à faire, plus grands, plus beaux. L’architecte Bernard Zehrfuss imagine alors deux bâtiments modulables, le designer Jean Prouvé conçoit des sheds d’aluminium arrondis pour éclairer les 5 000 mètres carrés d’atelier, le peintre Edgard Pillet colore les cloisons, les murs et les pilastres.
Résultat ? Un bâtiment couronné du Prix d’architecture industrielle en 1954 et classé monument historique cinquante plus tard. Dès sa naissance, Mame est donc un cocktail hors normes, un mélange savamment dosé de technologies industrielles, d’art et d’inventivité. De quoi mettre une bonne pression à ceux qui reprennent le flambeau aujourd’hui pour son réaménagement.

Trois agences d’architecture et de design ont répondu à l’appel à projet lancé par Tours Métropole. « Au-delà du design, le lieu était innovant pour son époque et il accueille aujourd’hui des formes d’innovations, souligne Thibault Coulon. Les solutions imaginées par RCP sont innovantes, c’est ce qui nous a fait choisir, à l’unanimité, leur proposition. » L’agence tourangelle a décidé de jouer avec les contraintes imposées par Mame : lieu de rencontres mais aussi lieu patrimonial et lieu de travail, le site a plusieurs destinations. Et multiplie les difficultés techniques. « C’est un endroit où les gens travaillent, créent, innovent mais c’est aussi un lieu de ressource pour le territoire et il doit rester ouvert pour accueillir des concerts, des séminaires, des animations, des rencontres, détaille l’adjoint à l’économie de Tours. Les entrepreneurs installés à Mame doivent pouvoir travailler et d’autres personnes aller et venir sans se déranger, ou ceux qui travaillent ici vont devenir fous. »

Régine Charvet Pello, la fondatrice de l’agence RCP et Christophe Davene ont relevé le défi. Il suffit d’observer les plans affichés en grand format au milieu de l’ancienne usine pour constater que les deux designers ont vu dans le projet un exercice de style. Tout en refusant de faire un catalogue de design, ils se sont amusés comme des petits fous à transformer chaque contrainte en atout.

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(Cliquez sur l’image pour l’agrandir)

L’immense bibliothèque de 40 mètres, imaginée le long du mur ouest, en est le meilleur exemple (voir plans page 12). « On ne construit plus de bibliothèques comme ça aujourd’hui, explique Régine Charvet Pello. Ici, dans la plus grande imprimerie d’Europe, c’était l’occasion ou jamais d’en installer une et de rendre hommage à l’intelligence du papier. » Pas d’échelle de bois pour accéder aux rayonnages mais une coursive, qui surplombe tout l’espace, et un toboggan en métal qui permet de redescendre ! Outre leur fonction décorative et culturelle (ils seront en libre service), ces milliers de livres serviront d’isolation acoustique. Une manière aussi de rappeler que l’écran ne chasse pas le livre.

Dans l’espace de co-working, le sol est couvert de plaques insonorisantes dont les couleurs rappellent les pixels, mais aussi les nuanciers de graphistes et les peintures d’Edgar Pillet : le plafond, les sheds, les piliers, des murs, des machines et des façades étaient recouverts à l’origine de grandes vagues bleues, jaunes, saumon et de gris. Un matériau innovant et made in Touraine, qui valorise un savoirfaire local. Les tables de réunion en bois, les luminaires en papier, les petites cabanes de travail ont été conçues en collaboration avec de jeunes entreprises.
Régine Charvet Pello souhaitait ouvrir le projet d’aménagement de RCP : « Alfred Mame était un visionnaire et avait une vision d’esthète, d’où sa volonté d’une équipe mixte pour la construction du lieu. Aujourd’hui, Mame est un lieu de partage. On a beaucoup de chance de travailler sur ce projet, on a voulu partager cette opportunité et poursuivre cette démarche de co-création insufflée par Alfred. De toute façon, je crois que 1 + 1 = 11. On réfléchit toujours mieux à plusieurs. »

Les meubles de l'espace co-working.
Les meubles de l’espace co-working.

Les cloisons mobiles qui ferment l’espace animation, elles aussi modulables, sont des flèches qui servent habituellement au transport des tableaux dans les musées. Elles peuvent être recouvertes de plaques de couleur, de panneaux digitaux, d’affiches… Le restaurant, niché contre une drôle de machine, sera meublé de meubles d’architectes chinés. « Revenir à l’essence du lieu, sa modernité, est la meilleure manière de ne pas plagier Prouvé mais de respecter ses marques », souligne Christophe Davene. Pour les deux designers, Mame est un manifeste.
À l’époque de sa conception originelle, mais aussi par son utilisation actuelle : en moins d’un an, Mame s’est imposé comme un lieu d’expérience culturelle, économique, sociale, technologique. Il accueille deux à trois événements chaque semaine et doit rester un carrefour pour les Tourangeaux. « Mame est l’étendard de la Métropole, justifie Thibault Coulon. Il incarne une histoire, une vision et une ambition. Ça ne doit pas être un lieu banal et quand on vient ici, on doit être surpris et trouver l’ensemble beau. Mame est un lieu emblématique de la Touraine, un carrefour de ses richesses. »

Lieu historique, social, technique, artistique, Mame symbolise l’histoire de Tours, ses hauts et ses bas, sa richesse, son essor économique, ses blessures. Sa beauté, aussi. Thibault Coulon le confirme : si Mame était un animal, ce serait un phénix. Un oiseau de bon augure pour le nouveau lieu totem de la Métropole

4 réflexions sur « 2018 : le futur visage de Mame »

  1. Bonjour.
    Excellent article mais comportant une omission de taille : comment accueillir ces professionnels, visiteurs, etc. en l’absence de parking voitures ? Actuellement, l’esplanade Mame destinée au « brassage social » voulue par Jean Germain est utilisé comme parking provisoire réservé exclusivement aux « officiels » et cela sous l’oeil vigilant de ce fameux Mr Robert dit « La nounou » ! Qu’en est-il de l’égalité citoyenne ? Merci de votre attention.

  2. Le parking vélo est déjà saturé, et il est situé du côté de l’école des beaux arts, non couvert. Il serait donc bon d’agrandir et de couvrir ce dernier, et en ajouter un devant l’entrée principale, et couvert dès le début tant qu’à faire 🙂

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