Condition de la femme artiste : elles témoignent (3)

Qu’elles soient comédienne, plasticienne, musicienne ou encore illustratrice, ces personnalités nous parlent de leur condition de femme artiste. [Troisième partie]

JULIETTE

CHANTEUSE, PIANISTE, AUTRICE, COMPOSITRICE, MARRAINE DE LA 20E ÉDITION DU FESTIVAL BRUISSEMENTS D’ELLES

(Photo © Yann_Orhan)
(Photo © Yann_Orhan)

« J’aurais peut-être tendance à penser que les femmes artistes sont comme les hommes artistes. Pour moi, la vocation d’être artiste, quel que soit l’art qu’on exerce, c’est la même démarche, sauf que derrière, il y a l’organisation de la société dans laquelle on vit. Une sociologie qui fait que le destin d’une femme artiste, sa position, sa façon d’exprimer son art, ne sera pas tout à fait aussi libre, directe, simple, ni aussi facile que pour un homme.
La différence est sociale selon moi, je ne crois pas du tout à un imaginaire proprement féminin par exemple. Moi, j’ai trouvé ma place en m’en foutant. J’étais libre d’écrire ce que je voulais. Après tout, on sait que ça va être compliqué, avançons, on verra bien ! Si j’avais été une grande blonde, que je n’étais pas lesbienne, je pense qu’effectivement j’aurais pu aussi me poser d’autres questions : essayer d’être une “ intello réfléchie ” en étant canon, c’est super compliqué. J’ai une certaine place aujourd’hui, dans le monde du spectacle et auprès du public, mais je pense que d’un point de vue médiatique, peut-être qu’on parlerait plus de moi si j’étais un homme. Et en même temps, ce n’est qu’une sensation, ce n’est pas un regret.
C’est de toute façon plus compliqué dans l’humanité pour les filles, sauf que maintenant on en parle et, petit à petit, ça finit par imprégner. Même les hommes trouvent ça injuste.
Au niveau d’une vie, on voit des choses qui vont dans le bon sens. Aujourd’hui, je trouve ça génial que les femmes modernes ne soient pas systématiquement féminine, masculine ou queer, le fait d’arriver dans la vie en disant “ je n’ai pas envie d’obéir aux contraintes de mon genre ”, c’est formidable. C’est la chose la plus importante qui est en train de se passer, j’aurais été folle de joie d’être jeune aujourd’hui. »

CLAIRE DITERZI

ARTISTE ET DIRECTRICE DE COMPAGNIE TEMOIGNAGE_DITERZI

« Quand tu es une belle femme, les gens ne voient que ça et c’est un peu un problème, parce que ça gomme le reste. Le mec qui s’intéresse à toi, tu ne sais jamais vraiment si c’est à ton travail qu’il s’intéresse ou à ton physique. Un mec, lui, est immédiatement crédible. Après, quand tu vieillis, tu perds l’avantage du physique et souvent, c’est à ce moment-là que les femmes cessent d’intéresser. On n’aime pas les femmes qui vieillissent. Un homme, on dit qu’il vieillit bien, une femme on dit qu’elle a de beaux restes. Tout est dit. La question centrale qui se pose, finalement, c’est celle de la légitimité à créer, qui est socialement beaucoup moins admise pour les femmes. Mais tout cela tient à l’imaginaire collectif. C’est profondément ancré. Malgré nous, nous sommes tous misogynes et moi la première. La figure de la sorcière est toujours là. La femme qui est libre, qui est intelligente, qui pose des questions et qui a les yeux verts, elle dérange et on la crame. Par exemple, quand j’ai fait la Villa Médicis, je m’en suis pris plein la gueule. J’aurais été Vincent Delerm ou Grand Corps Malade, on ne m’aurait pas attaquée comme ça, j’en suis sûre. »

AURÉLIE LECLOUX

TEMOIGNAGE_AURELIEILLUSTRATRICE ET COLORISTE DE BD

« Le milieu de la BD est un milieu d’indépendants où il faut faire sa place et on en demande souvent plus à une femme. Les hommes seront moins embêtés sur les délais, par exemple. Il y a aussi une question d’affirmation de sensibilité, de son trait, c’est important d’oser affirmer son regard en tant que femme et artiste. Avoir travaillé dans d’autres domaines avant de devenir illustratrice m’a donné des points de comparaison sur la façon dont on peut exister en tant que femme et professionnelle. En treize ans, j’ai parfois senti des différences de traitement avec certains éditeurs et au sein des équipes.
Je me suis toujours adaptée, ça fait partie du job, les femmes coloristes sont très majoritaires, on est considérée comme plus malléables que les hommes.
À l’inverse, chez les auteurs édités, les femmes sont très minoritaires. En 45 ans, c’est la troisième fois seulement cette année qu’une auteure de BD a reçu le Grand prix de la Ville d’Angoulême, même si ce n’est pas parce qu’on est femme qu’on est forcément talentueuse ! »

Témoignages recueillis par Pauline Phouthonnesy, Matthieu Pays et Elisabeth Segard

Condition de la femme artiste : elles témoignent (2)

Qu’elles soient comédienne, plasticienne, musicienne ou encore illustratrice, ces personnalités nous parlent de leur condition de femme artiste. [Deuxième partie]

LAURENCE DRÉANO

TEMOIGNAGE_LAURENCEDREANO
(Photo © Christophe Raimbault)

SCULPTRICE ET PEINTRE TOURANGELLE

« C’est difficile de réussir dans l’art en général et c’est encore plus difficile quand on est une femme. On n’est plus à l’époque de Camille Claudel, mais quand j’ai commencé, il y a une quinzaine d’années, je devais faire face à un monde de prestataires masculins (mouleurs, carrossiers, transporteurs…) dans lequel ce n’était pas toujours simple de se faire respecter ou d’être crédible.
Parce que vous êtes une femme dans un milieu industriel, parce que vous arrivez avec vos “ petites poupées avec des fesses généreuses ” et que vous venez choisir “ vos petites couleurs ”, ils ne vous prennent pas tous au sérieux. La solution ? La persévérance, même si c’est vrai pour tous les artistes. Il ne faut pas démissionner. Les acheteurs peuvent être aussi de véritables “ goujats ”. J’ai eu le droit à des remarques comme “ je peux toucher ? ” en parlant des sculptures et de moi, ça tenait parfois du harcèlement.
Aujourd’hui, ça s’est calmé. Je tiens au mot sculptrice, c’est aussi un travail de femme. Mes créations sont un traité de l’idéalisme, la façon dont j’aimerais voir le monde, l’élan de générosité et l’accueil spontané, la maternité, la femme forte, victorieuse et joyeuse. »

AURÉLIA MENGIN

RÉALISATRICE RÉUNIONNAISE DE FORNACIS, FILM TOURNÉ EN TOURAINE TEMOIGNAGE_REALISATRICE MENGIN

« Ça a été et ça reste un vrai parcours de combattante lorsque l’on est une femme réalisatrice. Le cinéma est un milieu très masculin. Malgré les nombreux courts-métrages que j’ai réalisés et l’obtention de prix, ma crédibilité en tant que réalisatrice est régulièrement remise en question. Le fait d’être une Réunionnaise rajoute encore un niveau de difficulté pour être prise au sérieux par les producteurs ou les distributeurs en France métropolitaine.
En revanche, mes équipes techniques, en partie masculines, respectent mon travail et s’engagent avec une vraie conviction sans remettre en question mes choix artistiques. Je travaille avec des hommes très talentueux qui disposent d’une grande sensibilité et d’une part de féminité. Des hommes en qui j’ai une grande confiance et qui n’ont jamais manifesté de comportement sexiste envers moi. J’étais toute jeune quand j’ai démarré, et durant plusieurs années, mes rencontres professionnelles ont échoué et n’étaient pas constructives. Trop souvent, je me rendais compte que mes interlocuteurs ne s’intéressaient pas du tout à mes films, mais plutôt à mon cul. Ce constat est tristement banal, je ne suis pas la première et malheureusement pas la dernière.
Vieillir dans le milieu du cinéma lorsque l’on est une femme présente au moins un avantage non négligeable, c’est que passé les 37 balais, le stade de la ‘’jeune proie’’ est terminé et on peut enfin parler cinéma. »

NINA ROUYE

(Photo © Nina Rouyer)
(Photo © Nina Rouyer)

MUSICIENNE (VIOLE DE GAMBE)

« La musique classique reste un milieu assez machiste. Il faut jouer des coudes, adopter certains codes pour se faire accepter. Au début surtout, on est souvent confronté à des démonstrations un peu grossières, on est obligées de montrer que l’on peut avoir un gros son, que l’on a une grosse technique pour se faire accepter. Après, une fois que l’on a montré que l’on a du caractère, que l’on a placé le bon mot au bon moment pour ne pas se laisser marcher sur les pieds, on est assez tranquille. C’est comme une forme de bizutage.
Passé cela, quand on propose quelque chose d’un peu différent, on est sans doute mieux entendue. Le fait d’être une femme, alors, peut devenir un atout. Personnellement, j’ai eu aussi à subir des réflexions franchement sexistes. Pour ce qui est des rémunérations, la “ règle ” des 20 % de moins quand on est une femme s’applique souvent, malheureusement. J’ai eu plusieurs fois l’occasion de le constater. »

Témoignages recueillis par Pauline Phouthonnesy, Aurélien Germain et Matthieu Pays

Artiste, un parcours de combattante

La prise de conscience des inégalités hommes-femmes semble amorcée. Pourtant, dans les milieux artistiques, le chemin reste semé d’embûches pour les femmes.

FEMMES_OUVERTURE

« J’aurais voulu être un artiste », chantait Claude Dubois dans Starmania, en 1979. Quarante ans plus tard, ce rêve, beaucoup d’hommes et de femmes souhaitent encore l’atteindre.

Selon différentes études, ce chanteur aurait même eu plus de chance à notre époque puisque le nombre d’artistes déclarés aurait triplé, voire quadruplé, depuis la sortie de la célèbre comédie musicale. Mais cela reste une sphère très compétitive, qui implique bien souvent un mode de vie précaire, instable et une carrière qui peut s’arrêter du jour au lendemain.
« Et les femmes, qui sont peu nombreuses à entrer, quittent encore plus ce milieu au bout de dix ans parce qu’elles n’arrivent pas à trouver leur place dans un univers qui leur est encore plus hostile que pour les hommes », précise ainsi Marie Buscatto, professeure des universités en sociologie à l’Université Paris 1.

Si vivre de sa passion est une ambition pour certains, cela relève de l’utopie pour certaines. Depuis ses premières études sur l’univers du jazz en 2007, qu’elle vient de rééditer (1), la sociologue a constaté que « rien ou presque n’a changé. Dans le jazz, moins de 10 % des musiciens sont des femmes, dont 4 % de femmes instrumentistes.

Et sur l’ensemble des chanteurs de jazz, 65 à 70 % des femmes sont chanteuses. Aujourd’hui, on est sur le même type de réalité qu’il y a dix ans, en jazz comme dans toutes les pratiques musicales : des concerts masculins ou très majoritairement masculins et des femmes, quand elles sont présentes, parfois batteur, parfois contrebassiste ou trompettiste, très souvent chanteuses », analyse-t-elle à l’autre bout du fil.

DES STÉRÉOTYPES QUI ONT LA VIE DURE

Pour Sylvain Dépée, directeur du pôle chanson de la région Centre-Val de Loire, les Bains-Douches à Lignières (Cher), les chanteuses sont plus présentes dans la chanson française et percent plus difficilement dans le monde de la pop, du rock ou encore du rap. Derrière l’image « moderne » de ces courants musicaux se cachent alors les plus anciens mécanismes machistes.
Chaque art et chaque esthétique ayant ses propres particularités (modes de formations, recrutements, création du réseau social…), la place des femmes diffère dans chaque milieu.

FEMMES_ENCADRE

Bon, bien sûr, il y a toujours l’exception qui confirme la règle et la palme revient… à la musique classique ! Eh oui, elle est « la seule musique qui s’est vue féminisée au niveau professionnel de manière plus importante depuis 30 à 40 ans et notamment la musique d’orchestre, par les instruments à cordes », décrit Marie Buscatto. Toutefois, ces artistes peinent à percer dans les positions hiérarchiques les plus élevées.
On comptait en 2016, dans le monde, seulement 21 femmes cheffes d’orchestre à renommée internationale pour 586 hommes. En France, on les recense sur les doigts d’une seule main.

DES CONCOURS À L’AVEUGLE

Et si l’émission The Voice, avec ses sélections à l’aveugle, détenait une partie de la solution ? En effet, ce qui a notamment permis à la musique classique de tendre vers l’équilibre, au niveau du pupitre, « ce sont les cursus en conservatoire, dans lesquels il y a une majorité de femmes depuis de longues années, notamment en piano, alto, violon, flûte… et des concours avec des auditions à l’aveugle, qui permettent de recruter des candidats sans connaître leur sexe », précise la sociologue.

Marie Buscatto, sociologue.
Marie Buscatto, sociologue.

Selon l’étude statistique des économistes Goldin et Rouse, qui a été faite aux États-Unis en 2000, quand six des plus grands orchestres du pays ont décidé de mettre en place des auditions à l’aveugle, il y a eu plus de 30 % de femmes recrutées dans ces orchestres après ce changement.
En France, ces auditions « paravents » ne sont pas systématiques et leur impact n’a donc pas pu être étudié. Une formation et des auditions plus « objectives » qui ont bénéficié par exemple aux Violons d’Aliénor, un groupe de cordes jouant un répertoire du XVIIe au XIXe siècle, composé de quatre étudiantes en section musiques anciennes (qui compte 6 hommes et 6 femmes) au pôle Aliénor à Poitiers, centre d’études supérieures de musiques et danses.

« On n’a pas ressenti de frein parce qu’on était des femmes. Aujourd’hui on n’y pense pas, on fonce, on va au contact des lieux de diffusion », constatent-elles.

Mais le son de cloche n’est pas le même selon les instruments et selon les stéréotypes de genre auxquels ils renvoient. Au sein du même pôle, dont une partie de l’enseignement se situe à Tours, seulement 2 femmes étudient les cuivres (trompette et cor) sur une classe de 10 et aucun des 5 élèves de percussions n’est une femme. Julie Varlet, trompettiste de 23 ans, a ainsi commencé son instrument à Dax (Landes), pays des bandas, à l’âge de 7 ans.
« J’ai toujours été la seule fille ou presque, mais ça ne me dérangeait pas, par contre, j’ai eu plus des problèmes avec des professeurs “ de la vieille école ” qui me faisaient des réflexions sexistes. Par exemple, ils disaient que je jouais “ trop féminin ”, pas assez fort », se souvient-elle.

À Tours, son professeur aborde plutôt la question du genre par l’anatomie et lui a conseillé de faire du sport et des exercices de respiration pour améliorer sa capacité pulmonaire. Ainsi, pour que les femmes passent de muses à peintres reconnues, comme le souhaite l’association Aware (Archives of women artists, research and exhibitions) qui tend à replacer les artistes femmes du XXe siècle dans l’histoire de l’art, et pour qu’elles puissent à leur tour vivre de leurs créations, il faut changer les mécanismes sociaux. En développant la formation et la parité parmi les recruteurs, en changeant les stéréotypes négatifs (manque d’autorité ou de force, d’efficacité, objet de désir…) et en donnant plus de place aux femmes artistes dans les écoles et les médias.

Ces dernières n’ont d’ailleurs pas attendu pour se regrouper en collectif, car l’union fait la force. Et même si les choses semblent avancer, il est temps que celles-ci changent vraiment, pour que toutes et tous aient les mêmes chances d’exprimer leur créativité.

(1) Marie Buscatto, « Sociologies du genre », Paris, Armand Colin, 2019 [2014] ; Marie Buscatto, « Femmes du jazz. Musicalités, féminités, marginalisations », Paris, CNRS Editions, 2018 [2007].

>> Retrouvez notre dossier intégral sur la place de la femme dans le monde de l’art dans notre numéro 324 <<

Condition de la femme artiste : elles témoignent (1)

Qu’elles soient comédienne, plasticienne, musicienne ou encore illustratrice, des personnalités nous parlent de leur condition de femme artiste. [Première partie]

TEMOIGNAGE_CAMILLEROODGOLI (1)
(Photo François Manrique)

CAMILLE ROODGOLI

ARTISTE PLASTICIENNE TOURANGELLE

« On n’est pas souvent prise au sérieux. Il faut toujours être très claire avec les intentions des interlocuteurs. En tant que jeune femme, j’ai vécu beaucoup plus de situations déplaisantes que difficiles.
Je me souviens d’un galeriste à qui j’avais envoyé mes créas en photo. Je n’avais jamais eu la moindre réponse. Un jour, je le croise et il me dit : ‘’ Vous me dites quelque chose ’’. Je lui ai répondu : ‘’Oui, je vous ai envoyé mon travail, mais je n’ai jamais eu de réponse.’’ Il m’a ajoutée sur Facebook, m’a proposé de boire un café pour parler de mes créations. Une fois avec lui, j’ai compris qu’il n’aimait pas mon travail et voulait juste coucher avec moi. Évidemment, il a eu le revers de la médaille… Il ne faut jamais sous-estimer une artiste femme, ça peut être fatal.
La différence de traitement entre un homme artiste et une femme artiste est souvent liée au réseau et au capital de la personne. Sans réseau, on n’expose pas ; sans argent, on ne crée pas. »

AURÉLIA POIRIER TEMOIGNAGE_AURELIAPOIRIER

COMÉDIENNE TOURANGELLE (LAZY COMPANY, MONUMENTS MEN, LE PORTEUR D’HISTOIRE…)

« Je ne ressens pas de différence de traitement quand je suis sur un plateau, ou au niveau de mon salaire par exemple. En revanche, on attend encore souvent d’une comédienne qu’elle soit jeune et belle. Entre 40 et 60 ans, si tu n’as pas un réseau solide ou une notoriété, c’est très difficile. Alors que, bien souvent, les hommes percent vers les 40 ans… Nous sommes plus nombreuses mais il y a plus de rôles pour les hommes.
Dans le théâtre classique, il y a davantage d’hommes que de femmes. Mais j’ai l’impression que les choses évoluent.
Le regard masculin ? Impossible de généraliser. Je pense que les hommes tombent souvent sous le charme des actrices, car elles sont généralement très sensibles et un peu folles. Quant à la profession de manière plus large, il manque de la curiosité mais c’est valable pour les deux sexes. Au théâtre, c’est différent. Mais pour l’image, tant que tu n’es pas ‘’ bankable ’’, tu ne comptes pas vraiment. »

TEMOIGNAGE_SKOF
(Photo © Stéphane Gay)

SKOF

RAPPEUSE, AUTEURE ET INTERPRÈTE INDÉPENDANTE DE TOURS, MEMBRE DU COLLECTIF MATRIX GANG

« La plupart du temps, les regards masculins sur mon statut d’artiste sont impressionnés, car les gars voient en moi un petit je-ne-sais- quoi qui fait que je peux avoir ma place dans le ‘’ game ’’. Malheureusement, comme trop souvent, les intérêts ne sont pas innocents ou professionnels… J’ai l’impression de ne pas être prise au sérieux.
Dans des concours, tout le monde va savoir que tu es la meilleure – public comme jury – mais tu ne seras jamais première. C’est énervant : je suis impulsive, j’ai un fort caractère, donc je fifififinis par m’embrouiller (rires) !
À force, on finit par douter de soi en étant confrontée à ce sexisme. Et c’est encore pire quand tu n’es pas de type caucasien(ne)… Une femme qui rappe n’est pas prise au sérieux en France. À part Diam’s, je ne vois aucune artiste rap dans les grands médias. La femme aura toujours davantage de travail à fournir pour être considérée. »

Témoignages recueillis par Aurélien Germain