Emma Tholozan, lauréate des 10 ans du Prix du roman tmv avec « Le Rire des autres »

Un premier roman décalé, porté par une belle plume et un sous-texte pertinent : « Le rire des autres » d’Emma Tholozan a remporté le Prix du roman tmv 2024. Rencontre avec l’autrice de 27 ans qui raconte son ouvrage drôle et original.

Que feriez-vous si un beau jour, votre conjoint(e) se mettait à vomir… des billets de banque ? Oui, on ne va pas se mentir, la question est plutôt incongrue. Certes, cette situation ubuesque n’est pas prête d’arriver dans la vraie vie (enfin… normalement !), mais elle est centrale dans le livre d’Emma Tholozan, « Le rire des autres », qui vient tout juste de remporter le Prix du roman tmv.

Dans son premier roman paru aux éditions Denoël, l’autrice de 27 ans originaire de Toulon raconte l’histoire d’Anna, jeune femme pleine d’espoir, master de philo sous le coude, qui voit ses rêves dézingués par Pôle emploi : ses études ? Bof, elles ne valent finalement rien. Exit la vie fantasmée, bienvenue le boulot alimentaire comme chauffeuse de salle sur un plateau télé.

Cynique, un poil désabusée, Anna rencontre alors Lulu, smicard également, et tombe sous le charme. Mais son nouveau compagnon se met subitement à vomir des billets à cadence soutenue. De quoi transformer leur situation précaire et leur vie ? « En fait, j’avais envie de parler d’argent, mais de manière rigolote !, résume Emma Tholozan. Autour de moi, tout le monde cherchait du travail. On gagne tous de l’argent grâce à, d’une certaine manière, notre corps qui va au travail. Je me suis demandé : et si on en produisait spontanément ? »

Un conte d’un nouveau genre

Voilà donc sur la table ce premier roman, sorte de conte moral moderne, tirant sur la fable. « Au départ, ce n’était pas pensé comme ça. Mais c’est vrai que j’ai en fait utilisé les mêmes mécanismes. C’est une écriture métaphorique », dit-elle. Un récit qui montre finalement bien la société actuelle et aborde différentes thématiques : « Le couple, l’amour – ou du moins la relation – mais aussi l’amitié, l’ambition… J’explore aussi le thème de l’exploitation : le compagnon d’Anna régurgite des billets, mais pas elle. Elle, c’est son corps qui est exploité au travail, dans un job alimentaire qui la fatigue. Et en retour, elle exploite le corps de son copain. »

De manière sous-jacente se dessine aussi la notion du paraître, avec une Anna devenue aussi superficielle qu’imbuvable, profitant allègrement de son cher Lulu pour s’acheter une tripotée d’objets de luxe. « Finalement dans le texte, l’argent est secondaire, analyse la romancière. Pour Anna, c’est surtout ce qu’il procure : notamment l’apparence. Elle le voit quand, lorsqu’elle a un nouveau sac, on commence enfin à retenir son prénom. »

Un sous-texte qui, en filigrane, emmène aussi le lecteur/lectrice dans une réflexion intéressante, dépassant le registre comique du livre et allant plus loin que l’aspect invraisemblable, farfelu et fantastique du récit.

Aujourd’hui, Emma Tholozan travaille à Paris, en tant qu’assistante éditoriale « dans une petite maison qui s’appelle Éditions des femmes – Antoinette Fouque ». À peine « Le rire des autres » publié (et digéré !), elle a déjà un œil sur le futur et sur les prochaines pages à écrire. Elle pense à un second roman. Dit qu’elle a « déjà des idées » et qu’il sera différent du premier.

En attendant, à tmv, on n’oublie pas le personnage d’Anna et ses punchlines (« j’étais tellement fatiguée que même mes cernes avaient eux-mêmes des cernes »). Ni celui de Lulu, le cracheur d’oseille touchant et si terre-à-terre. Ni cette interrogation, qu’aurait-on fait, nous, face à pareille situation ? Mais tiens, d’ailleurs… Et Emma Tholozan, comment réagirait-elle si son conjoint se mettait lui aussi à vomir des billets ? « On me pose souvent la question… » Elle rit. « Eh bien… Je ferais comme Anna ! »

Aurélien Germain / Photo : Eric Garault


> Le rire des autres, d’Emma Tholozan (éditions Denoël).

> En dédicace le 8 juin à Cultura (Chambray-lès-Tours), de 10 h 30 à 12 h. [et en dédicace inédite dans le train Paris>Tours du 7 juin, départ 12 h 24]

 

Nota Bene passe de Youtube au papier

Sur YouTube, ses vidéos qui racontent l’Histoire de façon divertissante cartonnent. L’autodidacte Benjamin Brillaud, tête pensante de Nota Bene, passe au papier : le Tourangeau vient de publier son premier livre, Les pires batailles de l’Histoire.

Benjamin Brillaud, de Nota Bene, et son joli tshirt chaton (Photo tmv)
Benjamin Brillaud, de Nota Bene, et son joli tshirt chaton (Photo tmv)

En septembre 2015, vous disiez dans tmv que la meilleure façon d’intéresser les gens à l’Histoire, ce n’était pas en les écrasant de dates mais en racontant histoires et anecdotes. Vous êtes toujours sur la même ligne ?
Oui mais cela se fait toujours en contextualisant. C’est la technique de la carotte : c’est une méthode, mais j’insiste sur le contenu. L’anecdote attrape et emmène l’internaute ou le lecteur vers un horizon plus large. J’ai récemment fait un épisode sur Marignan. Marignan, 1515, oui bon d’accord. Mais quel est le contexte, et contre qui a eu lieu la bataille ?

Vous avez lancé Nota Bene en 2014. Deux ans après, voilà un livre. Un passage obligé pour les youtubeurs ?
Non… J’ai écrit ce livre car des éditeurs sont venus me voir. J’ai eu de la chance, car quatre ou cinq se sont montrés intéressés. C’est une chance. Surtout quand on voit à quel point il est difficile de se faire éditer. Cela aurait été bête de laisser passer ça. Et puis c’était un rêve de gosse de faire un bouquin ! Là, c’est un défi. C’est tellement différent d’une vidéo.

Quatre ou cinq éditeurs, c’est bien !
Il ne faut pas se leurrer. Comme je l’ai dit dans une interview à Télérama, ils ont aussi vu le potentiel commercial. Mon défi, c’était de faire le meilleur ouvrage qui soit. Je me suis énormément concentré sur ce livre. J’en suis sorti épuisé !

Dans chaque chapitre, il y a plusieurs parties…
Je voulais dynamiser l’ensemble. Il y a les faits, mais il y a aussi un bout de fiction historique. Un petit passage concret pour nous plonger dans la bataille. On peut greffer ça à l’histoire principale. Il y a aussi « Pendant ce temps-là, dans le monde » : là, j’ai essayé de m’ouvrir.

Les Pires Batailles de l'histoire J’ai d’ailleurs trouvé ça très intéressant. Vous y abordez tout ce qu’il s’est passé dans le monde pendant ce temps. Pourquoi cette réflexion ?
L’Histoire, ce n’est pas que la France. J’avais envie de ça dès le début. D’explorer ! Quand je parle de la bataille à Azincourt : oui, okay, mais… ailleurs ? Qu’est-ce qu’il se passait ? Les batailles sont des « carottes », il faut comprendre ce qu’il se passe avant. Par exemple, concernant la Baie des Cochons, il faut aborder les relations passées entre États- Unis et Cuba.

Pourquoi ce thème des « pires batailles » ?
Au début, il y avait plusieurs projets. Mais celui-là s’inscrivait le mieux en livre. Bon, ça reste un titre, hein… (sourire) Des batailles qui ont mal tourné, il y en a partout, sur tous les continents, sur toutes les périodes. Ce sont des situations dramatiques et parfois « rigolotes » qui peuvent intéresser les gens.

Le livre semble bien plus sérieux que les vidéos YouTube…
Oui. Je n’ai pas voulu faire de la blague pour faire de la blague. Je voulais plus de sérieux et parfois, des situations plus légères quand on les analyse avec le recul. Voir que, derrière ça, il y a du concret, des hommes, une histoire politique, économique…

On peut penser aux chapitres du siège de Courtrai ou du Port de Helder notamment, mais dans tout le livre, vous vous attachez à des faits pas si connus que ça.
Oui, il fallait un mix de batailles connues comme Azincourt ou Marathon et de faits moins connus du public. Je vise un large public. L’ouvrage est léger sur la forme. Les abonnés YouTube vont apprécier, mais les autres aussi. Je ne suis pas historien. J’ai envie de toucher tous les publics et je suis demandeur des retours. Tout ça, c’est un bébé de 10 mois de travail ! Je ne veux pas décevoir, c’est un exercice nouveau pour moi.

En parlant d’historiens, comment réagissent-ils face à l’autodidacte que vous êtes ?
Très bien, généralement. Ils savent que ce ne sont pas des cours, mais que l’objectif est de faire s’intéresser à l’Histoire. Que les gens s’ouvrent… La force de Nota Bene, justement, c’est que je ne suis pas historien.

Le choix des batailles a-t-il été difficile ?
Oh oui. Il y en avait tellement… Et il me fallait beaucoup de sources. J’ai notamment voulu parler de la Bataille de la Falaise rouge, mais il n’y avait pas assez de sources occidentales. Et je ne parle pas vraiment chinois ! (rires) Au départ, il y avait 20 batailles, mais j’en ai gardé 15 pour mieux les développer.

Ah, un volume 2 alors ?
Pourquoi pas ? Là, je vais plutôt me reconcentrer sur mes vidéos, sur Nota Bene. J’en suis à 418 000 abonnés, ça a beaucoup augmenté. Certains formats de vidéos engrangent 200 à 300 000 vues.

L’an dernier, vous disiez que Nota Bene, c’était « votre bébé, votre vie, votre métier ». Vous en vivez ?
Oui. Grâce à la pub, mais aussi au financement participatif et surtout, je développe des relations avec les institutions pour des partenariats. Nota Bene

Vous allez participer aux Salons de Choiseul bientôt. Qu’est-ce qui nous attend ?
Euuuh (rires)… J’ai tellement de choses en ce moment ! (il fouille son portable) Ah oui, c’est le vendredi 18 ! Je vais parler de Youtube et l’essor de la culture populaire auprès des jeunes. Il y a de plus en plus de jeunes sur la création de programmes. De nos jours, beaucoup d’entre eux se disent que la physique ou l’Histoire, c’est cool, ils se déplacent aux conférences, etc. Il y a un renouveau de la culture populaire sur le web. L’accès à la culture est hyper important.

Nota Bene, un livre, le succès…Et maintenant ?
Mon planning est bouclé jusqu’à l’an prochain, je souhaite que ça continue. Il y aura aussi le festival d’Histoire à Montbazon que j’organise les 22 et 23 juillet. J’adore ça. Il y a de gros projets de web documentaire en cours, d’ici mi-2017. J’ai hâte !

> Rencontre et dédicace à La Boîte à livres le 14 novembre, à 19 h 30.

> Conférence aux Salons de Choiseul, le 18 novembre à 14 h 30 (inscriptions sur lessalonsdechoiseul.wordpress.com)

> La chronique du livre Les Pires batailles de l’Histoire, à retrouver ICI.

[youtube]https://www.youtube.com/watch?v=ejr4n9a33gc[/youtube]

Polar sur Loire : ça va saigner !

Polar sur Loire, c’est le 5 novembre à Tours ! Les amoureux/ses de littérature vont se régaler.

Oubliez la douceur de vivre, le long fleuve tranquille qui berce la Touraine, ses petits châteaux coquets, son vin doux et ses rillons. La région a une autre spécialité, plus piquante : l’auteur de polars. Et ils sont bien plus nombreux qu’on ne le croit !
Avec zéro subventions mais beaucoup d’énergie, trois d’entre eux ont décidé de tenir salon pour la première fois ce 5 novembre, salle Ockeghem, dans le Vieux Tours. Un lieu emblématique de la ville mais assez intime pour un rendez-vous chaleureux, car les organisateurs refusent de créer une manifestation avec des auteurs « en rang d’oignons ».

Pas de prix, pas de ruban rouge, mais une rencontre à la bonne franquette pour permettre aux amateurs de polar de papoter avec vingt-deux plumes acérées (comme Adrian Mathews, invité d’honneur, ou encore Béatrice Egémar, Jean-Paul Pineau, Jérémy Bouquin, Michel Douard, Michel Embareck…)
Et il y en aura pour tous les goûts : thriller, roman noir, espionnage, historique, fantastique ou carrément délirant, le polar, comme la poésie, est une littérature complète à elle toute seule. Certainement la recette de son succès, puisqu’on la dévore de 7 à 77 ans. Comment ne pas souhaiter longue vie à Polar sur Loire ?

>Le 5 novembre. Gratuit.
> Plus d’infos sur polarsurloire.hautetfort.com

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