Luc Blanvillain : « Mon roman est parti du fantasme d’être débarrassé de son téléphone »

Luc Blanvillain a remporté le Prix du roman tmv pour Le Répondeur, où un auteur célèbre, afin d’être tranquille, confie sa vie à un imitateur qui doit se faire passer pour lui au téléphone. Entretien avec cet écrivain passé par Tours, une interview réussie après être tombé deux fois sur… son répondeur !

Vous venez donc, avec Le Répondeur (Quidam éditeur), de remporter le Prix du roman tmv. Un vrai coup de coeur pour le jury ! Un écrivain connu, Chozène, y embauche un imitateur pas connu pour qu’il lui serve de « répondeur », décroche au téléphone à sa place, devienne sa voix et se fasse passer pour lui. D’où est venue cette idée fofolle ?

(rires) C’est parti du fantasme de ne plus avoir à téléphoner, d’être débarrassé de son téléphone et de sa vie. De se libérer de la tyrannie de la communication. Un scénario improbable, je sais. J’ai connu l’époque où on n’était pas forcément joignable… J’ai cette nostalgie de la tranquillité absolue et mesure à quel point les sollicitations téléphoniques peuvent être intrusives. J’aime beaucoup la comédie, alors je voulais partir d’une situation incongrue. Le roman commence comme un comique de situation puis, peu à peu, va vers quelque chose de plus intime et moins drôle, car finalement, mon personnage prend la vie d’un autre.

Ce roman est aussi très « cinématographique », il pourrait parfaitement être adapté en film…

Eh bien, les droits ont déjà été achetés par une boîte de production ! J’aime écrire par scène, que chaque chapitre soit une unité. Comme dans un scénario. Là, théâtre et cinéma sont des références. Tout comme la comédie. Le Répondeur est un livre visuel et auditif.

Dans votre roman, Chozène a un rapport plus que délicat et difficile avec son téléphone portable. Il déteste ça. Et vous, quelle est votre relation avec l’objet ?

Vous l’avez vu, je suis un peu comme lui ! (rires) [Au moment de l’interview par téléphone, nous sommes en effet tombés deux fois sur… son répondeur ! NDLR] J’aime parler en face ou par écrit. Le téléphone… c’est quelque chose d’étrange, non ? On n’a que la voix. On me reproche de ne pas assez téléphoner. Et je n’aime pas les visio non plus. Donc oui, il y a un peu de moi dans le personnage de Chozène ! (rires)

La maîtrise du récit fait qu’on se demande constamment si le personnage de Baptiste, l’imitateur, va se faire attraper. Il y a une sorte de suspense, de stress pour le lecteur. Au cours de l’écriture, saviez-vous où le chemin allait vous conduire ?

Oui, j’avais besoin que ce soit précis. J’ai écrit Le Répondeur en plusieurs moments. Malgré les pauses, je devais savoir où ça allait. Le rythme en comédie est vital. Je voulais installer un suspense, mais en restant dans des enchaînements pas trop invraisemblables.

Vous vouliez dénoncer également cette étrange « communication » entre les gens aujourd’hui ?

Non, pas dénoncer. Mais plutôt explorer. Explorer ce que sont ces nouvelles formes de communication et ce qu’elles impliquent. Ce côté « immédiateté ».

Quels sont les retours que vous avez eus ?

Ce qui revient, c’est souvent le côté comique et humoristique. Mais je n’ai pas écrit dans le but de faire des gags. On m’a également dit être étonné par l’originalité du livre. C’est incongru, certes, mais bon, vous savez, le téléphone a acquis une importance folle de nos jours. Ça semble presque un intouchable. Enfin – mais je ne veux pas paraître ostentatoire – on m’a parlé du soin apporté à l’écriture.

C’est amusant que vous disiez ça, car une membre de notre jury a émis une petite critique, celle – je cite – de « l’utilisation incroyable de mots que peu de gens comprennent, comme soufisme, l’érubescence, l’essence de la mimesis », etc. Vous avez une plume compréhensible de tous, évidemment, mais parfois un vocabulaire recherché…

J’adore les mots, il y a un sens, une musique. Ce sont, il est vrai, des mots curieux. Mais j’aime leur donner une chance d’exister. Plus jeune, quand j’ai lu Jules Verne, je n’ai compris que le tiers ! (rires) Il y a un fétichisme intéressant des mots. Mais attention, je ne veux pas être pédant, je souhaite simplement convoquer un vocabulaire baroque.

Vous avez fait vos études à Tours. Quel souvenir gardez- vous de notre ville ?

J’ai effectivement fait une partie de mes études de lettres à Tours, avant d’être nommé prof en Normandie puis en Bretagne. Je reviens souvent en Touraine, j’y ai ma famille. C’est un lieu que j’adore, j’ai passé beaucoup de temps à marcher en ville. Ado, j’allais aux cinémas Studio. Tours possède plusieurs géographies. J’habitais à Tours Sud, quartier Montjoyeux, près d’un bois. J’ai des souvenirs urbains du centre et il y avait Tours-Nord… une zone plus étrange pour moi, avec quelques amis, mais c’était l’inconnu ! (rires)

Propos recueillis par Aurélien Germain / crédit photo : Quidam éditeur
(Partenaires du Prix du roman tmv : Kéolis, Crédit Mutuel, Oceania Hotels, La Boîte à livres.)


Prix du roman tmv : bravo Léonor !

Elle a reçu le premier prix du roman tmv. Récit d’un joli moment de partage, en direct de la Boîte à Livres.

(Photo Hugues Le Guellec)
(Photo Hugues Le Guellec)

Elle arrivait de Rouen, Léonor, où elle avait donné un concert la veille au soir. Car, en plus d’écrire des romans qui gagnent des prix, elle est musicienne. Elle portait sous le bras son joli violon de concert, dans une belle house bleu marine. Elle repartait à midi car, s’excusait-elle « elle devait répéter l’après-midi même à Paris ». Mais ça tombait bien : en prenant le train de 6 h 24, elle avait pu arriver juste à temps. Juste à temps pour recevoir son Prix du roman tmv, le premier du nom.
Nous lui avons expliqué, à Léonor, que ce sont les lecteurs de tmv et les clients de La Boîte à Livres qui nous avaient livré leurs coups de cœur littéraires de l’année. Que nous avions choisi cinq romans parmi ceux dont ils nous avaient parlé et qu’au terme d’une délibération acharnée, c’est sur son livre à elle que notre choix final s’était arrêté. Que nous avions été séduits par son style fluide, sa façon de nous embarquer dans le voyage intérieur de son personnage, tout ça.
Elle en a été toute chose, Léonor. Alors, elle nous a dit comment elle écrivait, son père sculpteur, ses années passées près de Carrare, en Italie, son goût pour les phrases et le travail bien faits. Elle nous a dit que l’on pouvait mener de front deux carrières artistiques, une de romancière et une de musicienne, mais que cela demandait du travail. Et un peu d’organisation. Elle nous a dit qu’elle aimait beaucoup venir discuter avec ses lecteurs, dans les librairies, dans les lycées, partout. En mots simples, elle nous a expliqué sa drôle de vie. « Je croyais que mon existence de romancière serait plus tranquille que celle de musicienne, en fait il n’en est rien. Dans un cas comme dans l’autre, on passe ses journées dans des trains pour aller d’une ville à une autre. »
Heureusement, elle peut travailler n’importe où, en voyage comme dans une chambre d’hôtel. Elle nous a dit aussi comment, comme une historienne, elle aimait s’emparer d’un univers, d’une histoire, pour la retranscrire ensuite à ses lecteurs. Nous avons bu un café, puis un autre café, puis nous nous sommes séparés. Mais pas pour longtemps : avec son prix du roman, Léonor a reçu une invitation pour une escapade à Tours (nuit à l’Univers, dîner au Barju, un coucou à tmv et à La Boîte à Livres). Nous, nous sommes repartis avec un mot sur notre exemplaire de Pietra Viva : « À toute l’équipe de tmv, en souvenir de la remise du prix et de ce beau moment d’échange. Amitiés. Léonor. »
√ EN BREF
LE ROMAN
Pietra Viva part d’un épisode réel et peu connu de la vie de Michel-Ange. En 1505, le sculpteur s’éloigne de Rome pendant six mois et part à Carrare, dans les carrières de marbre où il aura une « révélation ». Le reste de l’intrigue, bien sûr, est imaginaire. Dans le roman de Léonor de Récondo, l’artiste bouleversé par la mort d’un jeune moine et hanté par le souvenir d’une mère disparue, entame un voyage intérieur au bout duquel il doit se réconcilier avec luimême et avec son art. On y croise des personnages étranges et poétiques (un enfant plein de caractère, un homme qui se prend pour un cheval…). La Boîte à Livres vient de refaire son stock de Pietra Viva : courez l’acheter !
SES AUTRES LIVRES
Rêves oubliés Paru en 2012 et plusieurs fois réédité, c’est un roman sur l’exil. Peu avant la Seconde Guerre mondiale, Aïta, Ama et leurs trois enfants sont contraints de fuir l’Espagne franquiste. Réfugiés en France, ils ont tout à reconstruire… Et aussi, son premier roman, La grâce du cyprès blanc (Le temps qu’il fait, 2010).