Terre Exotique : des épices à 360 degrés

L’épicerie Terre Exotique, basée à Rochecorbon, permet d’embarquer dans le monde des épices grâce à un casque de réalité virtuelle.

Image11

TERRE EXOTIQUE, C’EST QUOI ?

Une épicerie fine installée à Rochecorbon, spécialisée dans l’épicerie, qui vend 350 produits différents (sel, poivres, condiments…), compte une trentaine de salariés et réalise un chiffre d’affaires annuel de 7 millions d’euros. Elle a été créée il y a une quinzaine d’années par Erwann de Kerros, un Breton tombé amoureux de l’Afrique. Avec sa compagne, ils avaient décidé de partir un an, « quelque part » à l’étranger. Finalement, ce sera le Cameroun et ils y resteront quatre ans. Là-bas, Erwann rencontre un avocat qui lui propose de gérer une plantation d’une centaine d’hectares de poivriers dans la vallée de Penja. Il accepte et revient en France quelques années plus tard, prêt à monter sa propre entreprise de distribution.

FILIÈRE COURTE

Grâce à ses voyages et à sa connaissance du terrain, Erwann de Kerros a privilégié les échanges directs, du petit producteur local à sa marque de distribution. Terre exotique a en effet très peu d’intermédiaires. Chaque année, Erwann part à la découverte de nouvelles régions pour ramener de nouveaux produits, tisser de nouveaux partenariats et évidemment suivre les avancées de ses partenaires actuels.

Image9POUR QUI ?

Les épices de qualité seraient- elles réservées à une clientèle chic ? Ce n’est pas le message que cherche à faire passer Terre exotique. « Nous nous adressons avant tout aux passionnés de cuisine et cette clientèle est large », assure Adeline, une collaboratrice de 34 ans. Effectivement dans la boutique on croise à la fois des personnes aisées, en moyenne plus de 40 ans, et des plus jeunes, au look décontracté et qui ont simplement fait le choix de consommer autrement. En plus des particuliers, Terre exotique fournit aussi des restaurants ou des épiceries fines.

LA VIDÉO POUR MIEUX PARTAGER

La grande nouveauté de la marque, c’est son casque de réalité virtuelle à disposition à Rochecorbon. Pour ceux qui auraient loupé cette innovation, il s’agit de lunettes ressemblant à un masque de ski qui permettent de voir à 360° et qui font bouger les images selon les mouvements de l’utilisateur. Elle est très utilisée pour les jeux vidéos. Le rapport avec les épices ? Les remettre dans leur contexte. Terre exotique utilise ce procédé pour ramener des images de ses voyages et de ses producteurs, et ainsi « montrer » à ses clients ce qu’ils font et d’où viennent les produits. Grâce à la vidéo et le 360°, les lunettes nous donnent l’impression d’être réellement ailleurs, en pleine plantation au Cameroun ou dans un local de lavage pour nettoyer des baies ou du poivre.

LA RÉACTION DES CLIENTS

À part les quelques clients réticents à porter le casque pour motif de « décoiffage » ou « maquillage finition panda », les réactions sont positives. « Beaucoup voient le casque posé au milieu des épices et nous demandent ce que c’est. S’ils ont un peu de temps nous leur proposons de regarder des vidéos », explique Michèle, une des collaboratrices de Rochecorbon. Chacun peut ainsi voyager en Afrique quelques minutes, et c’est gratuit !

>> A retrouver sur FACEBOOK JUSTE ICI ! <<

Gastronomie – Épicier sans frontière

Erwann de Kerros a commencé comme planteur de poivre au Cameroun. Il est aujourd’hui un des papes de l’épicerie fine en Europe.

Erwann de Kerros a commencé comme planteur de poivre au Cameroun. Il est aujourd’hui un des papes de l’épicerie fine en Europe.

C’est là que tout a commencé. Dans la touffeur africaine, quelque part à la lisière du Sahel, dans la brousse tchadienne. N’Djamena, milieu des années 1980, Erwann a quinze ans et les fragrances de l’Afrique, ses teintes ocres et ses sons insolites entrent en lui, par tous les pores de sa peau, comme une ondée sur la terre séchée.

Erwann est breton de Lamballe, Côtes d’Armor, 12 000 habitants. Au Tchad, il a suivi son père, employé de la FAO (organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture). Son père, c’est un broussard, un vrai. Plus qu’un expat’, c’est un Africain blanc. Alors, bien sûr, les quatre années que l’adolescent passe dans ce pays à la frontière entre deux mondes sont de celles qui ouvrent les horizons. Jeune homme, de retour au bercail, Erwann aura toujours un peu de mal après ça, à imaginer sa vie confinée entre les six rives de l’hexagone.

Il entame des études de commerce. Il ne démérite pas mais, rapidement, il sent qu’il lui manque quelque chose. « Je m’ennuyais un peu, alors j’ai décidé de repartir en Afrique, au Cameroun, à Penja, dans une plantation de poivre. » Là, il aurait dû rester un an. Le temps d’un joli stage à inscrire sur son CV. Mais l’endroit est unique, la plantation ancienne. Il y a peu d’électricité, très peu d’eau et pas de froid. Mais il y a de vieux chevaux à la retraite devant la maison. Et tout le vent de l’Afrique. Erwann y passera quatre années entières et se fera pipériculteur pour de vrai. « J’en ai fait pousser, du poivre. J’étais sur le terrain, à l’appel avec les gars et je m’occupais de vendre la récolte à l’international. » Le Cameroun est le seul pays africain producteur de poivre et la région de Penja produit une épice aux propriétés et à la saveur exceptionnelles. « Aujourd’hui, je vends encore ce poivre. Ce n’est désormais qu’une petite partie de notre activité, mais cela reste l’âme de Terre Exotique. »

Terre Exotique… Aujourd’hui, c’est une belle entreprise installée dans une grande demeure bourgeoise du XIIIe siècle, sur les quai de Loire, à Rochecorbon. Terre Exotique, aujourd’hui, c’est vingt employés et plus de 350 références. Que des produits d’exception, des sels, des poivres, des épices ramenées du monde entier, à force de voyages, de rencontres, de moments glanés et partagés. Terre Exotique, c’est aussi un beau concept marketing. Ici, on travaille les produits. On les explique, on les fait tester par un réseau de chefs (étoilés ou pas), partout en France. Packaging soigné, origines sélectionnées, les petites boîtes façon inox dépoli font le bonheur des épiceries fines de France et de Navarre.

Mais au début, Terre Exotique, c’était moins qu’une idée. « Quand j’étais producteur de poivre au Cameroun, j’en ramenais pour mes amis. Et puis, je suis revenu en France et leur petits stocks personnels se sont épuisés. Alors, j’en ai fait venir pour eux. Et, de fil en aiguille, je suis devenu importateur de ce poivre exceptionnel que je connaissais si bien. » Les autres produits sont venus après. La fleur de sel aux épices grillées, d’abord, rencontrée en même temps qu’un saulnier de Saint-Leu, sur l’île de la Réunion. Les billes de sel de Djibouti, ensuite, grosses comme des calots, qu’une géologie unique façonne sans relâche. Le mélange du trappeur, déniché au hasard d’un détour au Québec. Et tant d’autres… « Moi, résume Erwann, je ne mélange pas les épices pour créer des saveurs étonnantes, inédites. Je me contente de ramener ici des mélanges ou des épices qui existent, souvent, depuis très longtemps et de le mettre à la disposition de mes clients ».

Ni Corto Maltese ni El Gringo, Erwann est un voyageur. Erwann est un homme d’affaire. Un chef d’entreprise surbooké qui se méfie des écrans et des trucs électroniques. Un quarantenaire au goût sûr et au regard clair.