Les Cinémas Studio : le temple du Septième art

En 2023, les cinémas Studio à Tours fêteront leurs 60 ans ! L’occasion de passer ce lieu mythique à notre exercice du vrai/faux pour remonter le cours de l’histoire…

1. Les Studio, c’est 365 films par an

FAUX

C’est… bien plus ! Les cinémas Studio exploitent, chaque année, près de 550 films ! Récemment dans les colonnes de la Nouvelle République, la présidente Catherine Melet parlait de « proposition cinématographique énorme. Ici, nous offrons aux spectateurs des films de tous les genres, pour tous les publics, venus du monde entier, en version originale sous-titrée ».

2. Le cinéma a été détruit par un incendie en 1985

VRAI

Dans la nuit du 25 au 26 février 1985, ce qu’on appelait à l’époque « le studio 1 » est totalement détruit par un incendie. Les deux salles voisines subissent également des dégâts. Ce jour-là, sur les bobines ? Je vous salue Marie, le film controversé de Godard et haï par les milieux catholiques intégristes. Beaucoup y verront un lien, pensant à un incendie criminel, d’autant que partout en France, des incidents ont éclaté. L’enquête mènera à un non-lieu. Le mystère ne sera donc jamais levé.

3. Il a été créé par une association de réalisateurs tourangeaux

FAUX

C’est l’abbé Henri Fontaine qui, en 1963, a ouvert les cinémas Studio. Ce curé de campagne, fou de ciné, s’est entouré d’un groupe de cinéphiles tourangeaux et d’animateurs de ciné-clubs pour fonder une association et retaper – énormes travaux oblige – le Myriam Ciné, une salle en faillite dans une certaine rue des Ursulines…

4. Ce sont les Studio qui organisent le plus vieux festival de France sur la thématique LGBT+

VRAI

Son petit nom, vous le connaissez sûrement : il s’agit de Désir… Désirs. Le festival de cinéma queer et LGBT+ existe depuis 1993, c’est le plus vieux de France. Il aborde les questions liées à l’identité de genre, à l’orientation sexuelle et aux désirs. Cette année, pour ses 30 ans, il se tiendra du 18 au 24 janvier 2023, et réfléchira sur la question de la quête du bonheur.

5. C’est le cinéma d’art et essai le plus important de France

VRAI

Eh oui, on appelle ça la classe ! Sept salles, 350 000 spectateurs par an (un peu moins depuis le Covid, alors hop, on retourne au ciné !), et une bibliothèque renommée dans toute la France.

« Les projectionnistes sont des travailleurs de l’ombre »

Éric Besnier veille à la bonne diffusion des films aux Studio, depuis 37 ans. La révolution numérique a transformé son métier mais pas modifié sa passion pour le cinéma.

Les ordinateurs ont remplacé les bobines 35 mm. Et pourtant, lorsqu’on entre dans la salle de projection des cinémas Studio, « le cœur du réacteur », comme il dit, Eric Besnier, assis devant son écran, téléphone en main, baigne au milieu du passé.

Certes, les unités centrales informatiques gèrent la diffusion des films dans les sept salles, mais lorsqu’on jette un regard autour de lui, des vestiges du 7e Art l’entourent. Ici, un empilement de bobines vides. À côté, une vieille machine qui servait à découper les films et à les coller pour les enchaîner avec les pubs locales.

« Quand le numérique est arrivé, il y a douze ans, j’ai cru que j’allais perdre mon âme, confiet- il. Mais en six mois, je m’y suis fait. Et puis, il y a encore quelques réalisateurs qui tournent en argentique nous donnant l’occasion d’utiliser l’ancien matériel. »

Eric Besnier a 54 ans. Il se remémore avec passion ses débuts, à 17 ans, dans la salle polyvalente de Charentilly puis au Vox, « un cinéma qui était en haut de la Tranchée, à Tours » ; il raconte avec émotion sa rencontre, en 1981, avec Henri Fontaine, le fondateur des Studio (1963). « Je préparais l’école Louis-Lumière pour être projectionniste. Il m’a dit : ‘’Faites votre formation, je vous embauche en alternance.’’ Et c’était parti. »

Devenu un as de l’informatique

« Via une caméra, je vois s’il y a encore du monde qui fait la queue. Alors j’attends. Pas grave si on prend un peu de retard… » Travailleur de l’ombre, comme il aime à se dépeindre, Eric Besnier raconte l’avant et l’après de l’envers du décor. « De 1981 à 2007 environ, mon boulot a presque toujours été le même. Les distributeurs nous envoyaient les copies chaque semaine. Ça leur coûtait l’équivalent de 1 500 euros par film. Imaginez le prix de 40 ou 50 copies dans toute la France ! »

Un travailleur manuel devenu as de l’informatique Aujourd’hui, pas de collage de bande ni de risque de cassure de film. « Tout est immatériel et ultra protégé. Pour que je puisse avoir le film, il faut que j’entre un certain nombre de codes cryptés qui donnent accès à des clés informatiques. Je récupère alors le film dans une librairie numérique et le charge sur un disque dur. »

De travailleur manuel, le chef projectionniste est devenu un as de l’informatique. « Au début, ce qui m’a le plus manqué, c’est le bruit du film dans le projecteur. Il a quand même fallu que je fasse mon deuil. » Responsable d’une équipe de six projectionnistes travaillant de 9 h à 18 h ou du début d’après-midi jusqu’à minuit, il se définit comme un passionné de cinéma, mais pas un cinéphile. Son genre préféré ? Les péplums. Un titre ? Spartacus de Kubrick (1960). On est aux Studio, tout de même…

Textes et photos :  Thierry Mathiot

 

Des Brèves de Comptoir à Tchaikovsky

Cette semaine, Doc Pilot est allé écouter de la musique classique, du metal, du rock…

The Intelligence
The Intelligence

Brèves de Comptoir au Cinéma Les Studio
Plongeon dans l’universel et l’humanité avec le film Brèves de Comptoir de Jean-Michel Ribes aux Studios. Des acteurs et des gueules, de l’incarnation sans excès, du naturel exacerbé par la justesse des propos et de l’incarnation des rôles. Une avalanche non-stop de rires et d’émotions, de grincements et de complicités instinctives avec le spectateur qui proviennent de cette Bible du peuple au-delà des classes sociales, et le café, ce lieu de toutes les rencontres, de toutes les peines à oublier, des combats du quotidien, du politique aussi dans sa vision terre à terre au travers du bon sens populaire. Ce film, ce texte sont nécessaires ; il reste certes le reflet d’une strate de la société, elle touche le côté le plus fragile de la population, celui capable de s’électriser pour représenter l’ensemble.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=SLMclo_eu-k[/youtube]
The Intelligence & Movie Star Junkie au Temps Machine
Soirée de feu et d’électricité pour un public nombreux et participatif, normal sous l’avalanche de rock dit garage, sous les guitares fuzz et acides jouées à l’énergie sur des instruments vintages propres à générer du son unique et surprenant (la découverte d’un cépage inédit sans rapport avec du Bordeaux identifié). Idem pour les basses, idem pour le toucher, la manière d’ameuter les amplis sous la charge d’une expression animale et pressée. Et oui, même analyse pour les deux groupes de la soirée, même jubilation décomplexée à rejoindre ces mecs bien explosés : ce sont des artistes. Dans The Intelligence il y a du Television sans la culture, un pool d’expressions issues de la compilation Nuggets, du Fugs voire du Captain Beefheart sous amphét’ dans le croisement des mitraillettes à six cordes, du MC5 aussi, celui de la fin des sixties : c’est nerveux.  Nerveux aussi les Italiens de Movie Star Junkie, une déviation du rock’ab sans respect pour les racines, du blues du Delta du Tibre pour dolce vita déchainée, des indiens latins au culte vaudou étrusque, les héritiers de « plus loin » dans nos têtes, nos cœurs, nos jambes, nos sexes… Oui, animal et pas banal, des gens vrais comme on aimerait qu’ils le soient, c’est à dire « hors de la normalité » comme nous. Il suffit de regarder le public pour saisir que tout est cohérent ce soir, de JB de Pneu à Beatrice Myself dans le public, aux tatouages d’une Virginie German Cow derrière le bar ; d’un Vinz rocker photographe aux mecs qui balancent du son sans s’économiser, de la sueur et de la bière pour nettoyer le sol. It’s only rock’n fun et ça aide à vivre, ça justifie la vie.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=HOY49v2bdCs[/youtube]
Jean Michel Merlan à L’Imprimerie
Livraison annuelle du travail artistique de Jean-Michel Merlan, ici dans le domaine photographique, recherche technique et hyper-réaliste sur des thèmes identifiés : les station-service désaffectées sur la N10 entre Tours et Chartres, les reflets de la Cathédrale dans toutes les surfaces vitrées, un hippocampe de fer sur un chantier naval où la rouille crée une femme. Le cuivre poli des instruments à vent : on pourrait dire que tout part dans toutes les directions, et pourtant c’est cohérent, et c’est l’expression d’un road-movie artistique psychédélique et introspectif.
Motor Rise à La Belle Rouge
Passer de l’inauguration du 37e Parallèle à Tours Nord à une soirée « métal » à La Belle Rouge, c’est un peu passer de la Cour à Versailles à la Cour des Miracles. C’est aller d’un lieu d’une beauté évidente et d’une chaleur boisée à une guinguette rock n’roll posée sur un chemin boueux dans un no man’s land urbain, d’un espace communautaire nourri de subventions et adoubé par les politiques à une jungle artistique ouverte aux initiatives privées issues du do it yourself où je n’ai encore jamais croisé un officiel… J’ai ouïe dire qu’un gang subventionné ferait bien la peau à cet endroit : c’est dingue comme l’initiative privée underground peut gêner… J’y arrive dans la nuit profonde, tombe sur Motor Rise, ce power trio à l’influence Motorhead revendiquée, portée en drapeau, des gens qui balancent du son sans économie de décibels. Le bassiste/chanteur use de sa Rickenbacker comme d’un marteau-pilon, grogne de l’anglais avec un souffle de taureau à l’entrée de l’arène. Le métal c’est un style, une niche, un tout ou rien sur l’échelle de l’adhésion aux régles, un espace où l’on ne peut tricher, mimer, bluffer, singer… Certes Motor Rise n’a rien inventé mais c’est avec honneur et joie qu’il balance la purée ; à leur écoute je ne peux m’empêcher de balancer la tête, et les longs cheveux raides que j’ai toujours rêvé d’avoir. J’en sors heureux, la gueule dans les étoiles, et vers Velpeau je retourne, en écoutant Alain Maneval ; je sais, aucun rapport mais toujours la passion et l’écoute.
Grande émotion à l’Opéra de Tours
Grand moment à l’Opéra de Tours en ce dimanche après-midi avec la 6e Symphonie de Tchaïkovsky dite pathétique, particulièrement le dernier mouvement. L’ensemble de l’œuvre est magique, l’une de mes préférées dans le répertoire russe, en ce jour l’interprétation brillante. L’OSRCT, sous la direction de Jean-Yves Ossonce, a carrément porté au delà de l’écriture le drame inhérent à son final inédit, aérien, planant, des notes en fuite sur l’horizon, l’impression de la phrase ultime, du dernier souffle, une peinture de la condition humaine dans son incontournable finalité, une émotion rare partagée par l’ensemble des spectateurs. Merci.

Ilo Ilo, Singapour power

Un bon petit film art et essai en direct from Singapour. Attachant mais attention à l’ennui pour les non-cinéphiles.

Le petit Jiale, un chieur qui finalement va devenir sympa
Le petit Jiale, un chieur qui finalement va devenir sympa

Que faire quand on a un enfant difficile ? Dans le Singapour des années 1990, le plus simple c’est d’engager une bonne des Philippines qui parle mandarin et anglais. C’est comme ça que Jiale, le jeune garçon turbulent en question, voit un jour débarquer Teresa. À son arrivée, gentiment mais fermement, la mère de Jiale demande son passeport pour mieux aller le cacher. « C’est pour éviter qu’elle fuie » se justifie-t-elle auprès de son mari. Ambiance. Et puis la vie reprend. Elle est secrétaire dans une société d’import-export. Lui perd son job, alors que le pays entre dans une crise qui gagnera ensuite l’Asie entière. Quand à Jiale, il vit sa vie de garçon singapourien. Ses relations avec Teresa, d’abord houleuses, s’améliorent à mesure qu’il apprend à connaître cette jeune femme au caractère trempé.
Pour un premier long-métrage, Anthony Chen évite tous les écueils du jeune réalisateur. Il garde le cap sans étaler son talent et les effets de caméras inutiles. Tout en retenue et en délicatesse, il aborde l’intimité de cette famille avec un tel brio qu’il arrive à mettre en lumière l’universalité de son quotidien. Si le jeune singapourien filme avec nostalgie le Singapour de son enfance, il évite de tomber dans la critique pataude des conditions des immigrés ou de la société singapourienne. Anthony Chen laisse plutôt le soin au spectateur de découvrir son pays, souvent connu pour sa réussite économique, mais rarement pour sa culture. Caméra d’or pour la Quinzaine des réalisateurs, cette année à Cannes, Ilo Ilo promet au jeune Anthony Chen un avenir brillant dans le cinéma mondial. Un film qui ravira les cinéphiles mais qui, par ses longueurs et son ton volontairement contemplatif, pourrait lasser les plus impatients d’entre vous.

Happy birthday les Studio !

Happy birthday to you… Happy birthday to you les Studio… Cinquante ans cette année, déjà ! On vous fait leur histoire en 6 dates et en 6 films.

 
Happy birthday to you...
 
1-Psychose 1963 : la fondation
Le succès d’Alfred Hitchock lance la première saison des Studio. Henri Fontaine, le fondateur curé et cinéphile, reprend la petite salle de projection gérée par l’évêché de Tours et la transforme en véritable cinéma d’art et essai, laïc et indépendant.

Psychose
Psychose

2-Le Jour où la terre s’arrêtera 1968-1971 : l’expansion
Henri Fontaine crée un deuxième studio, fumeur (c’était autorisé pour les salles de moins de 50 places). De nombreux films de genre, comme celui de Robert Wise (1971), sont pro- grammés en soirée. Avec la montée des grands groupes en France, le gouvernement impose trois salles d’art et essai dans chaque grande ville. Henri Fontaine reprend le Casino, la salle de la rue Édouard-Vaillant (qui deviendra le Bateau ivre). UGC la lui cède, en espérant son échec.
Le jour où la terre s'arrêtera
Le jour où la terre s’arrêtera

 
3-Harlan County 1977-1981 : film du mois.
Le documentaire oscarisé de Barbara Kopple inaugure ce qui fera l’identité des Studio qui, en 1977, possèdent quatre salles, dont celle de la rue Édouard-Vaillant. En 1981, Henri Fontaine annonce son départ. Les Studio doivent maintenant composer sans leur fondateur.
Harlan County
Harlan County

 
4-Je vous salue Marie 1985 : l’incendie
Dans la nuit du 25 au 26 février, le studio numéro 1 prend feu. Sur les bobines, le film de Godard, Je vous salue Marie, très critiqué par les milieux catholiques intégristes. Seules les salles 3 et 4 sont épargnées. L’enquête mène à un non-lieu, n’inférant ni la cause accidentelle ni le possible acte criminel. Grâce à la mobilisation des bénévoles, des salariés, les Studio survivent.
Je vous salue Marie
Je vous salue Marie

 
5-Microcosmos (1996) 1996-98 : concurrence
L’installation du multiplexe de Pathé en 1996 et CGR en 1998, est un coup dur et fait baisser de 20 % la fréquentation des Studio même avec le succès du documentaire sur les insectes.
Microcosmos
Microcosmos

 
6-Pina (2011) 2011 : l’ère du numérique
Après la création en 2006 et 2007 d’un nouveau bâtiment et deux nouvelles salles, les Studio s’équipent en 3D. Une technologie inaugurée avec le film de Wim Wenders sur la danseuse Pina Bausch.
Pina
Pina

 
Si vous avez envie de voir ce qu’ils programment pour leur fête d’anniversaire, ça se passe sur leur site : studiocine.com

Filmer les Invisibles

Portraits d’homosexuels et de lesbiennes âgés : ce documentaire réussi sort en pleine débat sur le mariage pour tous.

 

Portraits d’homosexuels et de lesbiennes âgés : ce documentaire réussi sort en pleine débat sur le mariage pour tous.

Aller voir un documentaire au cinéma, cela ne va pas forcément de soi. Par essence, c’est un genre qui semble plutôt destiné au petit écran. Le grand, lui, préfère largement la fiction. Plus divertissant, moins prise de tête. Avec des pop-corn, James Bond c’est plus sympa. A l’inverse de ces clichés, le documentaire a toute sa place dans les salles sombres. Quand il est bien fait, bien adapté au format long. Mais surtout, ce genre offre un rare plaisir pour le spectateur quand il possède les qualités d’Invisibles.

Nominé au festival de Cannes cette année, ce film n’a pas eu la faveur du jury et des unes de la presse. Pourtant, ces portraits de seniors « pas comme les autres » sont uniques. Uniques car peu de documents parlent de cette problématique : parti du constat que l’homosexualité est quasiment toujours abordée par le témoignage de jeunes trentenaires, Sebastien Lifshitz a eu l’idée d’interviewer des personnes plus âgées. Humour, tristesse, colère, il montre tout. Ses témoins se livrent sans complexe, même s’il est facile de deviner que des heures et des heures d’interviews ont été nécessaire pour arriver à ce résultat.

Sans jamais s’apitoyer sur leur sort, les témoins restent pudiques sur leurs blessures. Sebastien Lifshitz porte sur eux un regard attendri, sans jamais tomber dans le prosélytisme. Il essaye de comprendre ce que ces hommes et ces femmes ont vécu. Sans commentaire, il laisse la parole à ses personnages. Les plans de coupe, ceux entre les témoignages, sont souvent drôles, parfois amusants jamais larmoyants. Comment ne pas rire, sans moqueries, quand Pierrot, le doyen de ces protagonistes, lance un cri strident pour appeler ses chèvres et les traite de tous les noms.

Coïncidence de l’agenda et des débats de société, les Invisibles sort au moment du projet de loi sur le mariage pour tous promis par François Hollande pendant la campagne présidentielle. Le film ne jette pas d’huile sur le feu. Il donne seulement la parole à des Français que les médias ont oubliés.

Magnifique Augustine

Premier film de la jeune réalisatrice française Alice Winocour sur une femme atteinte d’hystérie et son médecin au XIXe siècle : d’une intensité magnifique.

 

Premier film de la jeune réalisatrice française Alice Winocour sur une femme atteinte d’hystérie et son médecin au XIXe siècle : d’une intensité magnifique.

 

La psychiatrie a beaucoup tâtonné avant de donner des résultats. Branche souvent controversée de la médecine, elle a traversé des phases plus ou moins sordides. Il faut se rappeler que la lobotomie était encore très en vogue dans les années 1960 avant l’arrivée des médicaments neuroleptiques.

En 1885, dans l’hôpital parisien de la Pitié Salpêtrière, les patientes du docteur Charcot vivent dans des conditions déplorables. Sales, échevelées, le regard vide : ces femmes se déshabillent chaque jour devant le médecin qui les palpe, les observe et commente l’avancée de leur démence. Comme du bétail de dernier choix que le professeur envoie de toute manière à l’abattage. Le docteur Charcot observe la folie, il la dessine, la mesure.

Comme le reste de la médecine à cette époque, le praticien avance dans le noir, comme un sorcier aux méthodes brutales. Et puis, un jour, il rencontre Augustine. À 19 ans, cette jeune patiente est atteinte de crises d’hystérie. Son œil droit ne veut plus s’ouvrir. Le professeur Charcot la prend rapidement sous son aile. Elle devient sa patiente préférée, son cobaye et son monstre de foire favori qu’il hypnotise devant l’aréopage de collègues pour subventionner ses recherches.

De cette relation particulière vont naître la force de ce film et son propos. Alice Winocour, la jeune réalisatrice, se sert de l’hystérie comme d’un prétexte. C’est l’attirance étrange entre Charcot et Augustine qu’elle souhaite filmer. Fantasmes, sexualité, amour : la jeune réalisatrice décrypte cette montée du désir entre deux êtres que tout sépare. Surtout qu’elle dirige deux acteurs de choix. Vincent Lindon, tout en virilité et en force, joue à merveille le docteur bourru et obsédé. Il donne avec brio la réplique à Stéphanie Sokolinski, qui campe une Augustine entre fébrilité de l’enfance et brutalité d’une femme qui s’affirme.