Tours : Un tiers-lieu citoyen aux casernes Beaumont

La réhabilitation des casernes Beaumont-Chauveau a débuté ce lundi 21 mars. Un tiers-lieu citoyen va y ouvrir ses portes pour accueillir les projets des habitants.

Les faits

Il n’y a encore rien… mais ça ne devrait pas durer ! Le projet de réhabilitation des casernes Beaumont-Chauveau vient de débuter ce lundi 21 mars avec l’ouverture du tiers-lieu des Beaumonts. C’est ici, et jusqu’au 21 octobre, que les habitant(e)s de Tours, les associations locales et les acteurs de la Ville pourront tester leurs idées.

« On ne sait pas ce qu’il va y avoir dans ce bâtiment », a avoué, dans les colonnes de la NR, Clément Mignet, directeur général de la Société d’équipement de Touraine (SET) qui aménage le lieu. L’objectif est donc de partir de rien pour accueillir les projets des Tourangelles et Tourangeaux.

Comment ça va marcher ?

Léa Finot, cheffe de projet urbanisme culturel et collaboratif à la SET, sera présente pour assurer les permanences. On pourra venir avec son projet, sans nécessairement appartenir à une structure. « L’idée, c’est de ne pas juste dire “ donnez vos idées ”, mais plutôt “ venez les tester ”. » Aucun critère particulier n’est défini, si ce n’est une durée d’occupation des installations de trois heures à trois mois « pour faire tourner les projets ».

Ces six premiers mois serviront de phase-test : une période qui devrait servir à « voir ce qui prend et ce qui ne prend pas », d’après Léa Finot. Une façon, aussi, de mettre en lien les quartiers Rabelais et Maryse-Bastié. La gestion du lieu devrait d’ailleurs finir par se faire de manière autonome par les habitants.

Le contexte

Ce tiers-lieu citoyen fait partie du projet de rénovation des casernes, un chantier important de la Ville et « tournant urbanistique majeur », selon elle. La municipalité parle de « vaste opération de reconquête » visant à « ouvrir cet espace sur la ville et à l’intégrer au tissu urbain ». Les travaux devraient débuter avant la fin du mandat, « vers 2023-2024, pour se terminer vers 2027- 2028 », a estimé Emmanuel Denis, le maire de Tours.

Une journée d’inauguration est prévue le 2 avril. En attendant, la permanence attend vos idées les mardis, mercredis et vendredis.

Texte : Aurélien Germain / Photo : archives NR – Hugues Le Guellec

La citoyenneté sur les planches

La compagnie de théâtre l’Échappée Belle a travaillé sur la citoyenneté afin de proposer un spectacle documentaire, Les clefs du paradigme. Tmv a assisté aux répétitions.

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Non loin du bourg de Mettray, dans un lieu qui ressemble, à première vue, à un parc, l’allée de marronniers montre le chemin de l’église. Un village dans un village. Les bâtiments qui entourent le parc portent les stigmates des années écoulées. Sur la porte d’une des habitations de la propriété privée une affiche, discrète, est posée : « Compagnie l’échappée belle ».

Depuis trois ans, la troupe a posé ses valises ici, à l’Institut thérapeutique éducatif et pédagogique (ITEP). Il était peut-être écrit quelque part qu’une troupe de théâtre finirait par élire domicile en ces murs. En 1926, l’endroit accueillait le futur dramaturge Jean Genet, alors âgé de 15 ans. Accueillir n’est probablement pas le bon terme puisqu’à cette époque, et ce depuis 1839, il s’agissait d’une colonie agricole pénitentiaire. Mais les temps ont changé.

Aujourd’hui, la compagnie l’Échappée belle met en place des ateliers-théâtres au sein de l’établissement. C’est une manière pour ces adolescents qui souffrent de troubles du comportement de trouver une autre voie d’expression. « Nous connaissons l’évolution des uns et des autres. Depuis trois ans, nous voyons la transformation. Même les enseignants et les éducateurs nous le disent », assure Didier Marin, comédien. Depuis octobre, les acteurs travaillent autour de la problématique du harcèlement et de la discrimination. Ce dernier est aussi un des thèmes abordés dans leur spectacle documentaire sur la citoyenneté.

La citoyenneté ? Vaste programme. Qu’est-ce-que c’est ? Que représente-t-elle ? On la trouve partout, autour de nous. Pour réaliser ce spectacle, les comédiens ont dû comprendre ce qu’elle, dans notre société, représentait. Un travail de préparation de plus d’un an.

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Les quatre comédiens ont apporté leurs trouvailles, leurs idées. Sur certains points, ils se sont rapidement entendus. Parler de la devise « liberté, égalité, fraternité » leur semblait inévitable, tout comme parler du drapeau tricolore. Le texte n’est pas écrit noir sur blanc. Les fiches de répétitions sont une succession de mots clés. Seuls quelques poèmes sont intégralement écrits. Les clefs du paradigme, ils ne l’ont pas réellement conçu comme une pièce de théâtre. Diverses situations, diverses scènes complémentaires, viennent illustrer la thématique. Au fur et à mesure d’improvisations, la ligne directrice devient de plus en plus palpable. Des mots font naître des improvisations qui, elles-mêmes, font naître une écriture. Le spectacle s’est créé autour de témoignage, de rencontres, d’interviews.

Philippe Ouzounian, comédien et directeur artistique de la compagnie l’Échappée belle, est allé à la rencontre d’un migrant afghan et d’un migrant saoudien. Il voulait connaître leurs histoires et raconter leurs parcours. « Nous abordons la question de l’accueil des migrants de façon frontale », constate Didier Marin. Un sujet qui leur tient à cœur. Souvent, une des premières sources d’inspiration est notre propre histoire. Pour eux, cela a été le cas. Philippe Ouzounian est petit-fils d’immigré arménien, Didier Marin, fils d’immigré espagnol. Leur histoire, il la raconteront aussi sur scène. Pour l’instant, seuls les murs de leur salle de répétition sont témoins de ces récits.

Simplicité, humour

C’est en empruntant un escalier qu’on accède à leur lieu d’expression. Les marches en fer donnent un côté industriel à la pièce. À l’étage, des traces sont visibles sur le sol. Ce sont les marques d’anciens murets qui séparaient les box de l’ancien dortoir. Au fond, la pièce est délimitée par des murs peints en noir. « Les jeunes de l’ITEP ont restauré le lieu. Ils ont refait l’isolation, la peinture. Ils ont installé l’électricité… », détaille Philippe Ouzounian.

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Pour ce nouveau spectacle, pas de fioriture dans le décor mais de la simplicité. Ils ont conçu la mise en scène de ce nouveau spectacle avec les moyens du bord. « Un décor léché provoquerait un décalage avec la spontanéité de la pièce », note-t-il. Des journaux viennent symboliser la liberté de la presse, les marinières viennent rappeler les couleurs du drapeau… Au même étage, le tableau vert de l’ancienne salle de classe a été conservé.

Mais il ne faut pas s’y méprendre. Ce n’est pas une leçon sur la citoyenneté que propose la compagnie de l’Échappée belle. Les quatre comédiens ne tiendront en aucun cas le rôle de professeurs. Leur but, à travers ce spectacle documentaire, n’est pas d’apporter des réponses aux spectateurs. Ils veulent qu’ils se questionnent sur la citoyenneté. Le tout avec humour et légèreté. Car oui, nous pouvons rire de sujets aussi sérieux que le droit de vote, la discrimination à l’embauche ou encore l’égalité entre les femmes et les hommes.

Lundi 18 juin, 14 h et 18 h, Gymnase Rabière 1, Joué-lès-Tours. Gratuit. Ouvert à tous.

Pauline Peretz : "Donner la parole aux gens"

Interview de Pauline Peretz, directrice éditoriale du site participatif Raconter la vie, où tout à chacun peut se raconter.

Raconter la vie
Pierre Rosanvallon (à gauche) et Pauline Peretz (à droite) valident les couvertures des futurs ouvrages prévus pour janvier. (Photo DR raconterlavie.fr/le-blog)

 
Quand est née cette idée de Raconter la vie ?
Pierre Rosanvallon* avait cette idée en tête depuis longtemps. À travers des biais éditoriaux et web, il voulait donner la parole aux gens, parler de leur vie. La progression du Front national l’a décidé à concrétiser son projet. Il y a eu une prise de conscience politique d’un moment grave. Il fallait réactiver une solution narrative déjà existante dans la première partie du XIXe siècle, avec ces ouvriers qui n’avaient pas accès aux suffrages…
Le site fonctionne plutôt bien !
Oui, vraiment. On a parlé de nous dans Libération, France Inter… Ça a boosté le site. On a 1 500 membres inscrits, parfois il y a eu des week-ends avec un afflux de cinquante récits… Bon, tout n’est pas publiable : parfois, ce sont des pamphlets ou la forme n’est pas appropriée. Et ces derniers jours, il y a eu beaucoup de demandes de partenariats.
Vous êtes plutôt surpris de ce succès ?
Agréablement surpris par la couverture des médias, mais aussi par les retours sur le site et des récits de qualité littéraire et sociale !
Vous parlez de « Parlement des invisibles ». D’où vient ce terme ? Et comment pourrait-on les définir ?
C’est le titre donné au manifeste de Pierre Rosanvallon qui explique son ambition. Au départ, c’est un souci politique qui l’a animé : ces gens dont on ne raconte pas la vie, qu’on « méprise », qu’on ignore. Il fallait leur donner une représentation qui passe par la narration, un récit qui ait un poids politique et fasse émerger les questions sociales. Ces invisibles, ce sont ceux dont on ne parle pas. Ces gens loin du radar.
Y a-t-il certains récits qui vous ont particulièrement marquée ?
Dans notre collection, on a « Chercheur au quotidien » par exemple : un chercheur connu, mais personne ne sait ce qu’il vit tous les jours, ses soucis… Sur le site, il y a aussi ce « Ligne 11 ». C’est ma ligne de métro ! (rires) Le conducteur du métro raconte tout, on voit tout, les malentendus, son quotidien… C’est très réussi. Ou encore « Sous le même toit », qui parle de la cohabitation forcée entre deux personnes récemment divorcées. Ah, et l’histoire d’une hypokhâgneuse de banlieue.
Est-ce qu’on peut donc parler de roman de la société d’aujourd’hui ?
Oui, c’est la « base-line » du site. On encourage la narration pure, la véracité qui nous anime : c’est un témoignage social, pas seulement un roman.
Pour vous, y a-t-il une dérive démocratique en ce moment ? Comment se traduit-elle ?
(hésitante) On voit un sentiment d’indifférence d’une classe politique qui s’éloigne du terrain, une dérive vers le populisme et des revendications populistes.
Êtes-vous fière de participer à ce site ?
Très fière et heureuse, honorée. J’ai toujours eu ce souci de proximité à l’égard de la société. Et avec ce site, j’apprends beaucoup…
*Né en 1948, à Blois, cet historien occupe une chaire au Collège de France et dirige les sites La Vie des idées et Raconter la vie. Propos recueillis par Aurélien Germain