Condition de la femme artiste : elles témoignent (1)

Qu’elles soient comédienne, plasticienne, musicienne ou encore illustratrice, des personnalités nous parlent de leur condition de femme artiste. [Première partie]

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(Photo François Manrique)

CAMILLE ROODGOLI

ARTISTE PLASTICIENNE TOURANGELLE

« On n’est pas souvent prise au sérieux. Il faut toujours être très claire avec les intentions des interlocuteurs. En tant que jeune femme, j’ai vécu beaucoup plus de situations déplaisantes que difficiles.
Je me souviens d’un galeriste à qui j’avais envoyé mes créas en photo. Je n’avais jamais eu la moindre réponse. Un jour, je le croise et il me dit : ‘’ Vous me dites quelque chose ’’. Je lui ai répondu : ‘’Oui, je vous ai envoyé mon travail, mais je n’ai jamais eu de réponse.’’ Il m’a ajoutée sur Facebook, m’a proposé de boire un café pour parler de mes créations. Une fois avec lui, j’ai compris qu’il n’aimait pas mon travail et voulait juste coucher avec moi. Évidemment, il a eu le revers de la médaille… Il ne faut jamais sous-estimer une artiste femme, ça peut être fatal.
La différence de traitement entre un homme artiste et une femme artiste est souvent liée au réseau et au capital de la personne. Sans réseau, on n’expose pas ; sans argent, on ne crée pas. »

AURÉLIA POIRIER TEMOIGNAGE_AURELIAPOIRIER

COMÉDIENNE TOURANGELLE (LAZY COMPANY, MONUMENTS MEN, LE PORTEUR D’HISTOIRE…)

« Je ne ressens pas de différence de traitement quand je suis sur un plateau, ou au niveau de mon salaire par exemple. En revanche, on attend encore souvent d’une comédienne qu’elle soit jeune et belle. Entre 40 et 60 ans, si tu n’as pas un réseau solide ou une notoriété, c’est très difficile. Alors que, bien souvent, les hommes percent vers les 40 ans… Nous sommes plus nombreuses mais il y a plus de rôles pour les hommes.
Dans le théâtre classique, il y a davantage d’hommes que de femmes. Mais j’ai l’impression que les choses évoluent.
Le regard masculin ? Impossible de généraliser. Je pense que les hommes tombent souvent sous le charme des actrices, car elles sont généralement très sensibles et un peu folles. Quant à la profession de manière plus large, il manque de la curiosité mais c’est valable pour les deux sexes. Au théâtre, c’est différent. Mais pour l’image, tant que tu n’es pas ‘’ bankable ’’, tu ne comptes pas vraiment. »

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(Photo © Stéphane Gay)

SKOF

RAPPEUSE, AUTEURE ET INTERPRÈTE INDÉPENDANTE DE TOURS, MEMBRE DU COLLECTIF MATRIX GANG

« La plupart du temps, les regards masculins sur mon statut d’artiste sont impressionnés, car les gars voient en moi un petit je-ne-sais- quoi qui fait que je peux avoir ma place dans le ‘’ game ’’. Malheureusement, comme trop souvent, les intérêts ne sont pas innocents ou professionnels… J’ai l’impression de ne pas être prise au sérieux.
Dans des concours, tout le monde va savoir que tu es la meilleure – public comme jury – mais tu ne seras jamais première. C’est énervant : je suis impulsive, j’ai un fort caractère, donc je fifififinis par m’embrouiller (rires) !
À force, on finit par douter de soi en étant confrontée à ce sexisme. Et c’est encore pire quand tu n’es pas de type caucasien(ne)… Une femme qui rappe n’est pas prise au sérieux en France. À part Diam’s, je ne vois aucune artiste rap dans les grands médias. La femme aura toujours davantage de travail à fournir pour être considérée. »

Témoignages recueillis par Aurélien Germain