Circuits courts, la conso façon produits locaux : nos bons plans

Envie de consommer local, mais sans savoir comment ? Vous pouvez aller au marché, faire la tournée des fermes ou fréquenter votre épicerie locale préférée… Et aussi suivre nos bons plans !

MAGASINS DE PRODUCTEURS

AVENTURES COLLECTIVES POUR FAIRE VIVRE NOS CAMPAGNES

La Ferme du Mûrier a ouvert à Saint-Cyr-sur-Loire en novembre 2021. C’est le magasin de producteurs le plus récent sur la métropole, où La Charrette à Chambray-lès-Tours et Tours de Fermes à Joué-lès-Tours fonctionnaient déjà sur le même principe. Lequel ? Des producteurs locaux s’associent pour créer leur propre magasin ! À Saint-Cyr, ils sont 14 associés (dont 11 qui assurent des permanences au magasin).

Pour Odile Canon, éleveuse de moutons à la Ferme de Touchelion, « l’aventure collective est passionnante, même si cela prend du temps. Et cela nous permet de vendre nos produits en direct, sans obliger les clients à se déplacer de ferme en ferme ». Les avantages sont finalement nombreux pour les clients comme pour les fermiers tourangeaux : « En faisant disparaître un intermédiaire entre nous et le consommateur, la rémunération est plus juste, et nous sommes plus sereins car on a un débouché assuré, à prix contrôlé. Cela peut permettre de développer nos activités et d’embaucher des salariés sur nos fermes. »

Au magasin aussi, des emplois ont été créés, avec une directrice, deux employés polyvalents, un traiteur, un boucher et une gestionnaire. Dans les rayons, 70 % des produits proviennent des fermes associées. Le reste est choisi en local (sauf pour des produits qui ne poussent pas chez nous, bien sûr), avec rencontre des producteurs et visite des fermes, afin de proposer de la qualité aux clients. Une clientèle qui se développe petit à petit, et que les producteurs souhaitent convaincre autour d’arguments simples : « Acheter ici, c’est soutenir le territoire, des familles entières qui font vivre nos campagnes. »

PANIER DE TOURAINE

DU LOCAL SUR LE WEB !

Depuis 2015, Christophe Marquis ouvre les portes de son garage du quartier des Prébendes deux fois par semaine. Aucune voiture n’en sort. À la place, des fruits et légumes, du fromage, des viandes ou des glaces rejoignent les paniers des clients qui ont pris le temps de commande en ligne leurs courses, avant de venir les chercher les jeudis et vendredis, ou de se faire livrer à domicile.

« En bons Parisiens, quand nous venions en Touraine avec ma conjointe, nous faisions le tour des fermes pour ramener de bonnes choses. Quand nous avons emménagé ici, les systèmes des AMAP ou Ruche qui dit Oui ne nous convenaient pas. Convaincu qu’il fallait aller vers le web, j’ai donc rencontré des producteurs, pour sonder les possibilités, et eux aussi avaient envie d’être présents sur internet, sans avoir le temps ou les moyens de le faire. C’est comme ça que Panier de Touraine est né : une plateforme de vente en ligne, alimentée par des producteurs locaux, et je m’occupe des ventes, des livraisons, du marketing, de la logistique ».

Cinq producteurs en 2015, une quarantaine aujourd’hui, et une centaine de clients chaque semaine : Panier de Touraine a ses habitués, retraités soucieux de leur santé, jeunes adeptes du circuit court ou familles du quartier. Les rejoindrez-vous ? Commande jusqu’au mardi soir chaque semaine sur www.panierdetouraine.fr

Et au supermarché ?

Prononcez le mot « circuit court », et dans certains esprits surgissent des images de bobos et autres hippies armés de paniers en osier qui font le tour des fermes ou des magasins spécialisés pour se nourrir en produits locaux. Mais faut-il forcément sortir des circuits classiques de la grande distribution pour consommer local ? « On travaille avec des producteurs locaux depuis très longtemps ! ».

Lionel Perrone, directeur du Auchan Tours Nord, n’hésite pas une seconde : « Nous avons une soixantaine de produits locaux en rayon aujourd’hui, des salades de Saint-Genouph, des charcuteries Hardouin, des bières locales… Il y a de tout ! ».

Chez Système U, le local a aussi toute sa place : « On fait ça depuis toujours, c’est dans l’ADN de la coopérative Système U », explique Stéphane Guillou, patron du Super U Chinon. Ce sont bien sûr les vins locaux qui tiennent là-bas la première place côté produits locaux. Mais ce n’est pas tout : « Crèmerie, charcuterie, fruits et légumes, miel, biscuits, farines… On a une vingtaine de fournisseurs autour de chez nous, chez qui nous achetons en direct. Mais les approvisionnements via la coopérative permettent aussi de miser sur du local : notre entrepôt de Savignyen- Véron (qui fournit les magasins U dans les départements 36, 37, 18, 41, 45 et 49) s’approvisionne dans la région. »

Pour les deux dirigeants, les réalités sont les mêmes, avec une vraie liberté dans le choix des produits qu’ils peuvent commercialiser, même si les produits locaux représentent une petite part du chiffre d’affaires et du nombre de produits en rayon. Tantôt des producteurs viennent à eux, désireux de commercialiser leurs produits en grande ou moyenne surface. Tantôt ce sont les enseignes qui partent à la recherche de nouveautés, pour répondre aux attentes de la clientèle.

Côté prix, Lionel Perrone explique ne pas négocier de la même manière qu’avec les grossistes, tout en essayant de conjuguer prix juste pour le producteur, et attractif pour le consommateur. Vient-on cependant en supermarché pour consommer local ? « Une partie notre clientèle est sensible au manger local, mais il existe aussi d’autres circuits pour cela. Et peut-être que nous ne faisons pas assez savoir que l’on peut trouver du local en supermarché ? » s’interroge S. Guillou. Les lecteurs TMV le sauront désormais !

Textes : Maud Martinez / Photos : M.M + Adobe Stock

Planète conso : les habitudes ont-elles changé ?

Boom du circuit court et explosion des livraisons : le confinement a-t-il laissé des traces dans nos habitudes de consommation ? Petit tour d’horizon pour voir où nous en sommes en 2022.

Avec le confinement, le fait de ne pas pouvoir sortir de chez moi, j’ai beaucoup eu recours à Uber Eats, alors que ça ne colle pas trop avec mes convictions. » Mais Diane, la trentaine, avoue avoir tout de même pris cette habitude il y a bientôt deux ans. Et elle n’est pas la seule ! Il y a cinq ans, l’enseigne affichait une cinquantaine de livreurs indépendants sur la métropole tourangelle. Aujourd’hui, on estime qu’ils sont environ 500 à parcourir la ville à vélo, en scooter ou en trottinette électrique pour livrer des repas achetés en ligne.

Si le confinement n’a pas fait naître la commande en ligne, il aurait donc accéléré le mouvement. Et pas seulement pour la nourriture ! Côté vêtements, l’application d’achat-vente de vêtements entre particuliers Vinted aurait bénéficié en France de hausses de 16 à 17 % du nombre de marchandises échangées en ligne.

Quant au click’n’collect, il existait aussi depuis un bout de temps. Dans la grande distribution, les premiers « drive » sont apparus en 2017 par exemple.

Mais encore une fois, la pandémie a propulsé le système au plus haut au printemps 2020. +81 % de chiffre d’affaires pour les pros du drive alimentaire à l’époque, puis une croissance qui redescend, mais en restant tout de même comprise entre +40 % et +50 % dans les mois suivants (étude « L’essentiel Drive » 2021, éd. Dauvers).

Par la force des choses, de nombreux commerces de Touraine se sont d’ailleurs orientés vers la vente en ligne et le cliquer- collecter pour pallier la fermeture de leurs boutiques. Les Tourangeaux ont-ils joué le jeu du commerce local ?

La naissance du consom’acteur ?

Un peu partout en Touraine, producteurs et consommateurs ont uni leurs forces pour créer des Associations pour le maintien de l’agriculture (Amap).

En 2020, la Chambre d’agriculture n’a pas hésité à transformer sa plateforme de vente professionnelle en boutique en ligne ouverte aux particuliers : Mangez Touraine (boutique.mangeztouraine.fr) offrait ainsi aux maraîchers et arboriculteurs du 37 une option pour pallier la fermeture de leurs débouchés habituels (restauration collective et restaurants notamment).

À Saint-Pierre-des-Corps comme à Saint-Ouen-les-Vignes, producteurs et consommateurs ont uni leurs forces pour créer des Amap (association pour le maintien de l’agriculture paysanne). Les maraîchers des Quatre Saisons de la Morinerie, Jeanne et Guillaume, trouvent ainsi un débouché régulier pour leurs légumes. Et Agnès et Aurélien, qui avaient transformé leur bergerie la Corbinière en point de click’n’collect pour les clients habitués et les collègues durant le confinement, ont donné ainsi l’impulsion à la création de l’AMAP’tite Grange.

 

Acheter conscient

Autant d’exemples qui témoignent du retour des Tourangeaux vers la vente directe et les producteurs locaux en 2020, et de leur volonté d’acheter « conscient », comme l’ont fait 64 % des Français (étude Kantar/Pourdebon.com). Et sur la durée ? À Chambray-lès-Tours, le Drive du Bon Sens, avec ses produits locaux et en vrac, n’a pas passé l’hiver 2021. Et à Tours, l’épicerie vrac « Sur la Branche » a lancé un appel à l’automne (relayé dans nos pages) pour motiver les clients à maintenir leurs habitudes d’achats locaux et écoresponsables.

À l’échelle nationale, nos épiceries vrac ont en effet connu -30 % de fréquentation en moyenne en 2021. Alors qu’en est-il aujourd’hui ? D’un côté, des magasins de producteurs qui ouvrent à Saint-Cyr ou Amboise, de l’autre, des maraîchers qui s’inquiètent de la baisse de leur clientèle, et des Tourangeaux toujours aussi fans de la vente en ligne ! Une chose est sûre : nos habitudes ont donc bougé, mais en se diversifiant. Reste à choisir à quel mode de consommation nous donnerons la priorité !

Texte : Maud Martinez / Photos : Freepick

Le circuit court prisé

La Ruche qui dit Oui, plateforme internet privilégiant le circuit-court et la vente directe du producteur au consommateur, s’étend sur Tours. Visite dans la plus ancienne, celle de Saint-Cyr-sur-Loire.

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La vieille 2CV se repère de loin. Sur la carrosserie, une inscription « mangez local », une autre « Mangez mieux, mangez juste », et l’adresse du site internet de la Ruche qui dit oui. Quelques mètres en avant, sur la terrasse extérieure du restaurant La Scala, Agnès Guespin s’active. Elle répartit vins, fromages sur les tables. Aide Alexis Giraudet, producteur de légumes et de céréales, à porter des sacs de carottes.
Chaque semaine, elle organise les distributions de la Ruche qui dit Oui de Saint-Cyr-sur-Loire. « Cette ruche a démarré en novembre 2012. J’en avais ouverte une à Sonzay, deux mois plus tôt », détaille la jeune femme. La Ruche qui dit Oui est un réseau de communautés d’achat direct aux producteurs locaux, créé il y a trois ans. Lorsqu’un particulier décide de monter une ruche, il s’attache à démarcher des producteurs dans un rayon de 250 km maximum. Les membres (abeilles) s’inscrivent sur internet et peuvent alors commander en ligne les légumes, viandes, œufs et autres denrées proposées chaque semaine par les agriculteurs.
Souplesse
« J’avais envie de manger sainement avec ma famille et de faire marcher les gens du coin », confie Agnès, emmitouflée dans un épais manteau en cette froide soirée de décembre. La démarche du circuit-court est aussi mise en avant. Par les abeilles et les producteurs. « Il y a un procédé engagé », confirme Évodie, membre depuis un mois et demi. À chaque distribution, plusieurs producteurs sont présents et viennent échanger avec leurs acheteurs. « C’est important de

Les abeilles viennent retirer leurs sacs de carottes
Les abeilles viennent retirer leurs sacs de carottes

sensibiliser au circuit-court et d’expliquer notre métier », poursuit Patrick Goujon, apiculteur basé à Luynes. Cet acte « locavore » fait écho à une étude de juillet dernier, précisant que 69% des français affirment acheter des produits de leur région et 57% se déclarent attentifs au lieu de fabrication de ce qu’ils mangent.
La Ruche qui dit Oui a donc des atouts pour séduire. Comme la souplesse pour le consommateur. Aucune obligation ou minimum d’achat à chaque vente. « On est plus libres que dans une Amap », note Agnès. Chacun remplit son panier comme il le souhaite. Surtout que la variété est au rendez-vous : huile, vin, foie gras, fromages… Des produits de beauté peuvent même être proposés dans certaines ruches. « Au niveau des prix, c’est à peu près pareil que dans la grande distribution », affirme Joseph, 71 ans. Par exemple, le kilo de poireaux proposé par Alexis Giraudet oscille entre 1,50 € et 1,80 €.
Réseau
Les producteurs fixent toutefois un seuil de commande en-dessous duquel ils peuvent refuser de fournir la ruche. « Au départ, je l’ai pas mal ignoré. Pour soutenir le projet », indique Luc Rivry, venu avec plusieurs cageots de pommes. Le nez rougi par le froid, il a d’abord vu la Ruche qui dit Oui comme une opportunité « d’accentuer les débouchés, toujours dans cette démarche de circuit-court ». Avec ses camarades, ils ne sont pas présents à toutes les ventes même si leurs produits sont distribués. Un turn-over s’est mis en place chaque semaine et le fonctionnement en réseau prend corps. « Il faut être solidaire, on est dans le même bateau », martèle Patrick Goujon.
Luc Rivry prend le temps d'expliquer sa démarche du "circuit-court".
Luc Rivry prend le temps d’expliquer sa démarche du « circuit-court ».

Tous sont unanimes : la Ruche qui dit Oui n’est pas forcément le plus rentable pour eux. « C’est beaucoup de travail pour des ventes pas toujours à la hauteur », juge Luc Rivry. Il travaille avec sept ruches et réalise 800 à 1000 € de vente par semaine, sachant que les producteurs touchent 79% du prix de vente (quand la TVA est de 5,5%).  On déduit ensuite les coûts de production, le temps passé… « C’est plus pour mettre du beurre dans les épinards, parce qu’il y a du boulot », résume Patrick Goujon.
Agriculture raisonnée
Ils mettent en avant leurs idéaux : le circuit-court, donc, le bio pour certains, le respect des saisons. Les valeurs face à la grande distribution. Mais La Ruche qui dit Oui demeure dans une démarche moins engagée qu’une Amap. « Il peut y avoir un effet drive-in », reconnait Luc Rivry. « Mais j’ai collaboré avec des Amap, j’ai vu des membres qui prenaient leurs paniers et qui partaient. Ici, des gens restent discuter pendant une heure », nuance-t-il. Au contraire, ils estiment que c’est à eux de sensibiliser les abeilles à leurs combats. « L’animateur de la Ruche doit aussi tenir ce rôle », déclare Agnès.
Elle passe 8 à 10 heures pour contacter les producteurs, activer le site, se rendre disponible pour une vente… Agnès déclare toucher 6% du chiffre d’affaires d’une vente (NDLR : le site précise 7,9%). Ce qui lui revient à environ 120 euros par vente, même s’il est difficile d’établir une moyenne, les résultats fluctuant d’une semaine sur l’autre. Qu’importe, elle repartira de la vente avec l’esprit satisfait. Elle conclut : « L’important, c’est le local et l’agriculture raisonnée ».
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Une nouvelle ruche s’est ouverte à Tours-centre en novembre ! C’est par-là

La tambouille du label "fait maison"

Débats politiques, volonté de cuisiner sain après les scandales alimentaires… Le « fait maison » est devenu un totem. Même si le concept reste discuté et apparaît presque impossible à définir.

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Il a le sourire aux lèvres. Les yeux bleus remplis de fierté, une voix rauque animée par la passion. « Des radis noirs, carottes nantaises… », énumère Benoît Pasquier, planté au milieu de la cuisine de son restaurant, le Saint- Honoré. Des légumes qu’il cultive luimême dans une parcelle de 800m2 sur les bords de Loire, à moins de deux kilomètres de son restaurant. « Avec mes légumes, je me fais plaisir. Et quand les clients en prennent aussi, c’est une récompense », déclare-t-il. Le mot « passion » lui revient régulièrement à la bouche pour expliquer sa démarche.
La méthode de Benoît Pasquier est singulière. « Il en faut des fous comme Benoît », rigole Florent Martin, le patron du Martin Bleu. Ces deux chefs tourangeaux sont, à leur manière, des représentants du « fait maison » : une cuisine saine, élaborée avec des produits frais de saison. S’il ne possède pas son potager, Florent Martin travaille avec des aliments bruts, transformés au restaurant, achetés chez les maraîchers et les poissonniers de la région.
Retour aux valeurs
L’engouement pour le « fait maison » reflète une nouvelle ère dans la restauration française. « On va rentrer dans celle de la cuisine éthique et morale », relève Kilien Stengel, chargé de mission à l’Institut européen d’histoire et des cultures de l’alimentation (IEHCA). « Le consommateur souhaite un retour aux valeurs », ajoute Sandrine, co-gérante de la Table de Sandrine, un petit bistrot à deux pas de la place de la Tranchée. Thierry, son mari, cultive un potager pour leur enseigne.
Si le terme « fait maison » semble familier, c’est qu’il a été abondamment utilisé ces derniers mois. Dans les innombrables émissions de cuisine, bien entendu, et au parlement. En juin dernier, le label « fait maison » entre dans le projet de loi surDOSS_PHOTO1 la consommation. Une dizaine de grands chefs, dont Alain Ducasse, souhaite apposer cette étiquette sur les menus. Leur envie : mettre en avant les restaurants de qualité, en opposition aux assembleurs ou réchauffeurs de produits industriels. Seulement, le Sénat retoque l’amendement en septembre dernier. Une des raisons ? Le « fait maison » est difficile à définir. « Légalement parlant, ça ne veut pas dire grand chose. S’il y a une entrecôte réchauffée et une sauce faite maison, le plat aurait pu être qualifié de fait maison… », relève Thierry, le chef de la Table de Sandrine. Quand il s’agit de trouver la définition, chaque restaurateur interrogé égrène sa recette, certains relèvent le côté « marketing » du concept.
« Aujourd’hui, tout le monde peut ouvrir un restaurant… »
Surfant sur la vague et pensant que le 100 % « frais » est utopique, Alain Tortosa refuse un schéma binaire. Client et non chef, il a lancé avec sa femme un annuaire sur Internet, prônant « la transparence ». Fondateurs du site restaurantsquifontamanger.fr, ils demandent aux restaurants qui désirent en faire partie d’indiquer la proportion de plats « faits maison » dans sa carte.
Au-delà des débats, des solutions s’esquissent pour progresser sur la voie d’une telle cuisine. Jean Bardet, double étoilé Michelin à la retraite, préconise de se tourner « vers les produits de saison, et d’avoir une carte réduite. La cuisine doit être juste avec la nature ». Florent Martin plaide lui pour plus de régulation. « Aujourd’hui, tout le monde peut ouvrir un restaurant », déplore-t-il. Comme lui, Benoît Pasquier est catégorique.  Il y a ceux qui cuisinent de A à Z avec des produits frais, et les autres. Après avoir fustigé le lobby agro-alimentaire, il rajoute une dernière couche. « Tout est une question de volonté. Il est simple de mettre une carte en place, de la changer en permanence selon les saisons ».
DOSS_2Mais derrière les histoires sémantiques, un constat. Le « fait maison » coûte plus cher et demande un effort supplémentaire pour les restaurateurs. En temps d’abord. Benoît Pasquier passe « au minimum quatre heures par jour, en pleine saison », dans sa parcelle. Florent Martin évoque « ses gars », qui épluchent les patates en dehors de leurs heures de service. Le « fait maison » a également un prix. « Le poisson que je prends à la Criée des Sables d’Olonnes, je le paie 20 % plus cher qu’à Métro », indique Benoît Pasquier. « On ne peut pas faire un menu à 10 euros avec seulement du fait maison », estime de son côté Sandrine. L’exemple de Jean Bardet n’est pas représentatif mais probant. Au Château Belmont, il disposait d’un immense jardin, avec « 250 variétés de tomates, 170 plantes aromatiques », qui mobilisait un botaniste, deux jardiniers et lui coûtait « 150 000 euros par an », détaille-til.
Standardisation du goût
Ce qui apparaît derrière le « fait maison », c’est peut-être le début d’une fracture entre les restaurateurs soucieux de la qualité de leurs produits et ceux qui utilisent des plats déjà transformés. Selon une étude commandée par le Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers, traiteurs (Synhorcat), 31 % des restaurateurs déclarent utiliser des produits industriels dans leur cuisine. Le chiffre grimpe chez les chaines et franchises. Xavier Denamur, un des grands chefs engagés dans la cause du « fait-maison », évalue à 70 % le nombre d’enseignes utilisant des mets déjà préparés.
Cette généralisation des produits industriels n’est pas sans conséquence sur nos palais. « Il y a une standardisation du goût », déplore Florent Martin. Une impression confirmée par Alain Tortosa : « Les clients sont éduqués à la malbouffe. Si on sert un plat maison, certains vont même aller jusqu’à trouver que ce n’est pas bon ». L’effet inversé, en somme. Placer les restaurateurs en première ligne de cette décadence du goût serait injuste. Le consommateur porte sa part de responsabilité. Florent Martin rit jaune. « Le plat le plus mangé dans notre pays, c’est la pizza. Et pas celle préparée avec de la pâte ou sauce tomate maison… », soupire-t-il. Alain Tortosa conclut : « Le consommateur doit également réapprendre la notion du temps. Il en faut pour cuisiner. Dans un restaurant, c’est normal d’attendre… »


EN PLUS
>>>>Notre sélection pour les rencontres de l’IEHCA
>>>>32,15 €
C’est le budget moyen par personne au restaurant, selon une étude Harris Interactive. 37 % des Français y vont tous les mois. (Étude réalisée du 15 au 23 février 2012 auprès d’un échantillon représentatif selon la méthode des quotas de 1.000 personnes âgées de 15 ans et plus).
>>>>C’est quoi un « maitre restaurateur » ? 
Une appellation lancée en 2007, qui préfigure le label « fait maison » appuyé par des chefs et parlemantaires. Attribuée par la Préfecture après un audit d’un organisme indépendant sur 32 critères précis, elle reste méconnue ou peu utilisée.
>>>>22 kilos par seconde
Chaque seconde, 22 kilos de plats préparés sont vendus en France. En général, la consommation par habitant de ces plats a augmenté de 5,5 % par an entre 1960 et 1980, et de 5 % entre 1980 et 2001, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).