Il était une fois Velpeau

Ancien quartier de cheminots, le quartier s’est gentrifié tout en gardant son aspect « petit village ».

_MG_6265
La place Velpeau est vide en cette froide matinée de novembre. Les enfants apprennent sagement à l’intérieur de l’école. Les étals bruyants du marché n’animeront la place que dimanche. Matthieu Giua, blogueur tourangeau passionné d’histoire, sourit. « Dans son architecture, la place a très peu évolué en plus de deux cent ans », explique-t-il.
Il se tourne vers l’école, inaugurée en 1887. Imposante, dans le pur style de la Troisième République, valorisant l’éducation et le savoir. Elle est bordée par la rue de la Fuye, percée par la municipalité de Tours dès 1861, six ans seulement après l’acquisition du quartier par la municipalité de Tours. Il appartenait auparavant au voisin, Saint-Pierre-des-Corps. Les arbres trônant sur la place ont aussi été plantés à l’époque.
Ancienne ferme
 
Les évolutions du quartier se trouvent dans ses habitants. Les grandes lignes du quartier restent, les populations changent. « C’était un territoire campagnard. On comptait 300 habitants pour 15 hectares ! », continue celui qui est connu sous le nom de Matfanus sur Twitter.
Il se dirige vers l’impasse de la Fuye. Devant, un portail bleu masquant en partie une maison, dont un pignon dépasse du toit. « On est au numéro 6 de la rue, c’était la ferme de la Fuye », indique-t-il. L’espace assez large autour de la bâtisse laisse envisager de la place pour de la volaille, du foin. Accolée au muret, un dernier vestige agricole subsiste : une pierre avec l’inscription « La Fuye ».
Avant l’autoroute coulait un canal
 
La rue Deslandes, en perpendiculaire, dispose, elle aussi, d’un marqueur de cette époque. Au numéro 19, un bas-relief montre l’ancienne fonction du bâtiment. « Sur la gravure, c’est un livreur de charbon », décrit Mathieu Giua. Enthousiaste, il amène vers l’autoroute, construite dans les années 70. Les milliers de camions et de voitures filant quotidiennement ont remplacé un canal, creusé en 1828. « Un lieu de promenade qui a marqué les habitants », continue Matfanus. Il note la frontière et les inégalités entre Saint-Pierre-des- Corps et Tours. Un grand mur d’un côté, rien de l’autre. La ville la plus riche était plus protégée en cas de montée des eaux. « Aujourd’hui, avec ce mur, le bruit des voitures est plus couvert à Velpeau », observe-t-il.
En descendant la rue d’Estienne d’Orves et en s’aventurant dans quelques allées escarpées, des maisons identiques apparaissent, débouchant sur la place du 8-Mai. « Le coeur de la cité ouvrière Jolivet entre 1929 et 1934 », explique Mathieu Giua. En 1846, les chemins de fer débarquent à Tours. Velpeau se transforme en quartier de cheminots. Parmi tous les gars ferraillant pour la SNCF, une figure. Marcel Bouché, 78 ans « et demi », né ici, jamais parti. Il se souvient. « Avant, il n’y avait pas de route, juste un chemin. J’allais à la pêche dans le canal et on jouait aux billes quand j’étais petit. Puis, j’ai connu une belle ambiance ici. Avec les copains, on se retrouvait souvent en dehors du travail », glisse-t-il, nostalgique.
Baisse du nombre d’ouvriers
 
Dans d’autres parties du quartier, le profil des maisons ouvrières se repère facilement. Façade devant, jardin derrière, à l’abri des regards. Marcel a été témoin du dernier changement de population. « Il n’y a plus trop d’anciens », regrette-t-il à demi-mots. Les cheminots partent. Les familles, trentenaires et quadras, débarquent. Le quartier rajeunit. « Dans les années 90, les centres-villes sont revalorisés », analyse Mathieu Giua. « En 1975, on avait près de 20 % d’ouvriers, 20 % d’employés et 10 % de retraités ». Selon l’Insee, le quartier abritait, en 2006, 13,8 % d’ouvriers. Et un quart de cadres.
Dans la rue du Dr Fournier, des petits commerces ont disparu, peu à peu. Les murs présentent encore leurs traces : vitrines, volets en bois. En 1979, Pierre Guillemot a, par exemple, racheté une ancienne mercerie qu’il a transformée en maison. « À côté, il y avait un bar. Les Voltigeurs, puis le Garage, à l’ambiance rock. J’ai vu débouler des centaines de Harley dans la rue », rigole-t-il, tout en notant l’esprit « petit village ». Un bon résumé de Velpeau : les habitants ont changé, pas son esprit ?

Michelin : 730 emplois supprimés

L’annonce du bibendum a provoqué la colère des salariés de Joué-les-Tours.

ACTU_TOURS_PAP2
« On savait que la situation ne pouvait pas durer très longtemps. Mais de là à imaginer que 700 postes allaient être supprimés ! » José est amer. Dépité. Monteur sur moules depuis 33 ans à l’usine Michelin de Joué-lès-Tours, il réagit à l’annonce du groupe de fermer l’usine au premier semestre 2015 et de supprimer 730 emplois.
Le site de la ville produit des pneumatiques pour poids lourds depuis 1961 et compte 900 employés. Un lieu emblématique. « Notre patrimoine », raconte Michel, horticulteur, sur le marché de la Vallée Violette. Trop cher à maintenir pour sa taille répond la direction.
Environ 200 ouvriers resteraient à Joué, affectés à des activités de semi-finis (tissus métalliques et membranes en caoutchouc) sur un nouveau site. « 250 autres salariés pourraient bénéficier d’un aménagement de fin de carrière », a précisé Michelin lundi. Le constructeur a ajouté que les 500 salariés restants se verraient proposer un reclassement sur un autre site en France. Face aux critiques, le groupe se défend en rappelant qu’il compte investir 800 millions d’euros et créer 500 postes sur l’Hexagone, notamment à La Roche-sur-Yon (Vendée).
+ 7,4% de bénéfices en 2012
Du côté de la CGT, on ne perçoit pas une équation aussi simple. « Nous estimons qu’environ 300 personnes pourraient être licenciées et ne pourront pas bouger, parce que les conjoints ont un travail dans l’agglomération de Tours… », calcule le syndicat. Remontée, une centaine d’ouvriers a commencé un débrayage, lundi, dès 5 h du matin pour mettre la pression sur Michelin.
En attendant le comité central d’entreprise jeudi 13 juin, les salariés ont reçu le soutien du maire PS, Philippe Le Breton. « La direction de Clermont-Ferrand doit nous démontrer la pertinence de son choix… », a-t-il déclaré. Le député socialiste, Laurent Baumel, a promis de travailler « avec combativité » pour trouver des solutions. Et remarque la bonne situation d’un groupe qui a plutôt bien résisté à la crise de l’automobile. Si le bibendum a annoncé un chiffre d’affaires en baisse de 8,1 % au premier semestre 2013, ses bénéfices avaient gonflé de 7,4 % sur l’année 2012.